Histoire d'un art: Le Kbach kun boran Khmer

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Janvier 2012 - N° 9 3 L e Kb ac hk un b o r an kh m e r L’arme la plus utilisée durant cette période était le bâton long car le territoire était occupé par des forêts et que le bois et les bambous étaient très abondants. Les couteaux et les autres objets tranchants confectionnés à partir d’os d’animaux, de pierre et de bronze faisaient aussi partie des armes. HISTOIRE D'UN ART

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L'arme la plus utilisée durant cette période était le bâton long car le territoire était occupé par des forêts et que le bois et les bambous étaient très abondants. Les couteaux et les autres objets tranchants confectionnés à partir d'os d'animaux, de pierre et de bronze faisaient aussi partie des armes.

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Le Kbach kun boran khmerL’arme la plus utilisée durant cette période était le bâton long car le territoire était occupé par des forêts

et que le bois et les bambous étaient très abondants. Les couteaux et les autres objets tranchantsconfectionnés à partir d’os d’animaux, de pierre et de bronze faisaient aussi partie des armes.

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HISTOIRE D'UN ART

LE KBACH KUN BORAN KHMER

De nombreux ouvrages ont été consacrés àl’histoire du Cambodge. Notamment surl’histoire, la géographie, le droit, lapolitique, la culture, etc. Mais pas sur lesArts martiaux khmers et encore moins surl’histoire des Arts martiaux khmers.

Je vais essayer de décrire l’évolution entreles Arts martiaux khmers et l’histoire duCambodge pour mieux comprendre ledéveloppement de ces Arts depuis leurslointaines origines.

L'EXISTENCE AVÉRÉE DES ARTS MARTIAUXKMHERS AVEC J-C.Origines (avant l’année 0 – JC)Les khmers se sont établis sur leurterritoire actuel vers l’an 6000 avant J-C.(1). Ils appartiennent au peuple « Munda »(2) et non au peuple « Môn » qui est arrivéde Birmanie vers l’an 3000 avant J-C.En ces temps anciens, la forêt était dense etimpénétrable. Les khmers vivaient dans laforêt et la plupart du temps dans les arbreset adaptaient progressivement leurshabitations en les construisant sur pilotis.

Durant cette période, les khmers avaientconservé leur langue et leur culture,héritage du peuple « Munda ».

La culture « khmère » était basée sur :- La croyance aux génies : humains (nèrkta), naturels (sol, eau, forêt, etc.)- La primauté du matriarcat : gestion dufoyer, éducation des enfants... D’oùl’expression khmère qui existe depuislongtemps : « Preah Mé, Preah Ba ». (Mésignifie la mère et Ba le père, la mèreprécède toujours le père).Gérer la cité, la ville, le territoire et

l’armée relevait aussi des prérogatives desfemmes. Le chef de guerre était unefemme. Les hommes étaient relayés ausecond rôle de soldats et c’était desfemmes qui commandaient. Les adjointsdu chef étaient constitués aussi de femmes.

L’arme la plus utilisée durant cette périodeétait le bâton long car le territoire étaitoccupé par des forêts et que le bois et lesbambous étaient très abondants. Lescouteaux et les autres objets tranchantsconfectionnés à partir d’os d’animaux, depierre et de bronze faisaient aussi partiedes armes.

La région où les khmers vivaient setrouvait sur la route du commerce maritimeet constituait un relais nécessaire pourbeaucoup de navigateurs.

Le commerce existait entre les khmers dela côte occidentale de la Cochinchine et lesnavigateurs venant de la Chine, le MoyenOrient, l’Occident méditerranéen ainsi quel’Inde.

1) « Histoire des Khmers » par THACH TOANédité par l’Harmattan en 2009, page 18.

2) « Histoire de l’Inde » par Alain DANIELOUédité par Fayard, page 24

Royaume d’Angkor Borei ou NokorPhnom (Founan) - 0 à 650 après JCLe royaume d’Angkor Borei, constituéd’une mosaïque de petits Etats couvrait lafrange côtière du Cambodge actuel et dudelta du Mékong.Vers le milieu du 1er siècle, un brahmanehindou nommé «Kaundinya» ou « HunTirn » avait vaincu une princesse khmèreconnue sous les noms de « Yey Liv » ou« Soma » puis il gouverna le Royaumed’Angkor Borei.Pour la première fois, le royaume khmereut à sa tête un roi à la place d’une reine.Ce royaume avait d’autres Etats khmers

comme vassaux, en particularité leKambuja (Tchenla).Au début du IIIème siècle, le roi le plusactif fut Fan Che Man. Il commença parstructurer la bureaucratie du Royaume,développa l’armée et la flotte pour attaqueret soumettre les Royaumes voisins.L’Empire du royaume d’Angkor Boreis’étendit jusqu’au sud de la Malaisie, etjusqu’à l’actuel Myanmar (anciennementBirmanie) à l’ouest et jusqu’à Nha-Trang àl’est.Sous le règne de Fan Che Man, le chef deguerre « Suthèr Korih » en l’an 207 avaitdéveloppé l’Art de combattre avec

L'Empire du royaume d'Angkor Borei s'étenditjusqu'au sud de la Malaisie...

Yanouris Meas estEducateur sportifdiplômé d'Etat (7B.E.E.S.) et éducateursportif fédéral (15 BF)

Passionné d'histoire duCambodge et d'artsmartiaux khmers.

A propos de l'auteur

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HISTOIRE D'UN ART« Lompéng ou dombang khèl» (lance -photo 1) et perfectionné la pratique dudombang véng (long bâton).

L’Art et la maîtrise de ces deux armes ontcontribué l’armée de Fan Che Man àsoumettre le Royaumes voisins.

En 534, deux maîtres d’armes du Kambuja(Tchenla) ont créé deux disciplinesmartiales ayant spécialement pour but devaincre les soldats du Royaume d’AngkorBorei.

Une de ces deux disciplines était mise aupoint par Lok Kru (maître) Yoh Srih etportait le nom de « lkot tvik » (photo n° 2),plus connu sous le nom actuel d’origineétrangère de bokator ou lbokator. Il s’agitd’une discipline martiale utilisant une pairede bâtons courts, tenu et collé chacun àl’avant-bras pour combattre les soldatsexperts en bâton long et à la lance.

La deuxième discipline fut créée par LokKru Taram Yuth. Il s’agissait du « DavPlouh » ou « Dav Kou » ou « Double

épées ». La façon de tenir et de manipulerces épées est différente de celle du lkottvik comme le montre la photo n° 3.Apartir du milieu du VIème siècle.

A la mort du dernier roi du Funan,Bhavarvarman Ier, prince de Tchenladevenu roi du royaume de Tchenla fit laguerre contre le royaume suzerain.

Grâce à ces deux disciplines martiales(Lkot tvik et Dav Plouh), à la réorganistionde l’armée et l’entrainement des soldatsavec les nouvelles armes, le Kambuja

(Royaume de Tchenla) annexa le Royaumed’Angkor Borei (Founan) sousBhavarvarman Ier et ses successeurs. Lenouveau « Kambuja » agrandi du« royaume d’Angkor Borei » devint lenouveau Royaume suzerain.

Jayavarman II (Environ 770 à après830)Le VIIIème siècle fut marqué par unedomination probable javanaise.

Entre 710 et 715, le Tchenla se divisa endeux : le Tchenla de terre

Les rois du Tchenla d'eau furent emmenés en otages...

(approximativement, l'ancien Founan) et leTchenla d’eau. Les rois du Tchenla d’eaufurent emmenés en otages à Java (au paysdes Chvirs, disaient les khmers).

Né en 750 d’une famille khmère déportéeau pays des Chvirs (Indonésie),Jayavarman II avait auprès de lui Lok KruTEUM MOK (prirm = kru par lignée) quise faisait passer pour un fidèle serviteuraux yeux des Chvirs. Trouvant le temps

long durant sa « captivité », Jayavarman IIs’entraîna au combat au corps à corps avecson Richir Kru et créèrent ainsi le« Maliyuth » ou la lutte (photo n° 4).

La lutte khmère est ainsi née en Indonésiesans que les Chvirs ne s’en rendentcompte.Vers la fin du VIIIème siècle, lorsqu’il serendit au Cambodge, Jayavarman II a faitélaborer un kompi (encyclopédie ou

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recueil) de Maliyuth où il obligeait sessoldats à pratiquer la lutte. Plus tard, illibéra le Cambodge de la tutelle des Chvirs.

L'APOGÉE DE CET ARTMARTIAL SOUS LE RÈGNEDE JAYAVARMAN VII AUX XIIE ET XIIIE SIECLESJayavarman VII (1181 – après 1218)Né en 1125, Jayavarman VII pritofficiellement le pouvoir en 1181. Sacarrière publique commença très tôt avantson avènement.

En 1138, Ta Boh (un jeune prirm), connusous le nom de Toam Rèrk avait effectuéun travail de recherche afin de rassemblertoutes les techniques constituant les Artsmartiaux khmers.

En 1177, Ta Boh arrêta d’être un religieux.Il pouvait ainsi commencer à créer etdévelopper d’autres nouvelles disciplinesmartiales.Il fit venir les 36 meilleurs experts krus duRoyaume qui pouvaient avoir desspécialités différentes pour lui enseignerleurs Arts martiaux.Ta Boh qui fut le Richir Kru du roiJayavarman VII avait TOUT appris en peude temps et devint plus fort que chacun des

36 krus. De retour, les 36 krus acceptèrentd’être enseignés par Ta Boh dans le but demieux entraîner leurs soldats pour faire laguerre.

C’EST SOUS LE REGNE DU ROIJAYAVARMAN VII QUE TOUTES LESTECHNIQUES MARTIALES KHMERESONT ETE RASSEMBLEES DANS UNKOMPI MARTIAL CONNU SOUS LENOM DE « YUTHAKROM KHÖM ».

Ce fut la période où l’empire Khmeratteignit son apogée au niveauéconomique, social,…territorial etmilitaire. Les Arts martiaux khmers ontcontribué fortement aux pays voisins àcraindre l’armée royale, donc à ne pas osers’attaquer au royaume khmer. La stratégiede guerre des khmers était se faire craindrepar les Etats voisins et non de se faireaimer.Le Yuthakrom Khöm traite trois grands

domaines relatifs à l’Art de la guerre :1) Le Koliyuth (ruse et stratégie de guerre)2) Yuthasèl (croyance spirituelle,surnaturelle, etc…)3) Yuthakun Khöm ou Khöm Yuth(techniques de combat)Le Khöm Yuth est un ensemble de recueilsqui rassemble toutes les techniquesmartiales des Grands Krus (maîtresexperts) sous le règne de Jajavarman VII.Ces recueils servaient de supportd’enseignement aux soldats afin qu’ilssoient mieux préparés à faire la guerre. Ilcontient des techniques de combatredoutables et une méthode detransmission très efficace.

Je vais traiter seulement le troisièmedomaine : le Yuthakun Khöm ou KhömYuth.Pourquoi le Kompi inhérent aux partiestechniques de combat s’appelle-t-il leYuthakun Khöm ?Selon lok Kru PHOUM Nacry, (rare kruayant étudié les Arts martiaux khmers àpartir de ces recueils ), le mot Khöm esttrès important car il désigne l’origine des

Khmers (livre d’histoire khmère parTREUM NGIR publié en 1967 à Phnom-Penh).Jayavarman VII a donné le nom deYuthakun Khöm au Kompi enreconnaissance des ancêtres des Khmers(les Khöms) qui ont créé et développé lestechniques de combat durant plus d’unmillénaire.

On ne peut pas enlever le mot Khöm duYuthakun Khöm par respect à ces ancêtresmartiaux (Bophèrk Boroh). Yuth signifiecombattre et Kun signifie Art ouTechnique. Yuthakun Khöm signifie l’Artde combattre venant des Khöms (ancêtresdes Khmers).

Le Kompi de Khöm Yuth ou de YuthakunKhöm est constitué de trois parties :1) AthmaniyuthL'Athmaniyuth concerne les Arts decombat avec le Corps humain sans armes.Athma signifie le « corps » ou le « moi »en sanskrit et en Pali. La boxe pieds-poingsfait partie d’Athmaniyuth ainsi que leMaliyuth (lutte khmère née dans le pays

Le Khôm Yuth est un ensemble de recueils quirassemble toutes les techniques martiales...

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HISTOIRE D'UN ARTChvir et non en territoire khmer).2) HaniyuthLe Haniyuth concerne les techniques decombat avec les armes en bois et quiregroupent les bâtons longs, les cannes(cheu chroit), etc... et donc aussi lelbokator (double bâtons courts) ou le lkottvik (terme original en sanskrit du doublebâtons courts).3) KhaniyuthLe Khaniyuth concerne les techniques decombat avec armes telles que les épées, lalance, la hache, le couteau, le pkak,etc…dont les parties coupantes sont faitesen bronze, acier…

1327-1432 : C'était une période sans gloirequi contribuait à la perte et à la disparitiondes Arts martiaux khmers.

1352 : Le royaume d’Ayuthia (Siam) avaitvaincu les khmers et s’empara d’Angkoravec une déportation de 90000 khmersdont les krus d’Arts martiaux, le balletroyal (photo 5)… Il occupa Angkor durantcinq années.

1393 : Angkor fut saccagé de nouveau parles siamois et 70000 habitants furentdéportés à Ayuthaya. Les Krus d'Artsmartiaux faisaient partie des déportés.

1431 : Une nouvelle conquête des siamoisavec une déportation de 40000 personnes,impliquât l’abandon d’Angkor.

LES ALÉAS DE L'HISTOIRE DES ARTS MARTIAUXKHMERS.

Ang Chan 1er (1515-1566)Durant son règne, devant une pertemassive en être humain dont font partie lesKrus d'Arts martiaux khmers, en 1521, leroi Khmer Ang Chan 1er a demandé auxprirms (krus par destinée) de rassemblertoutes les éléments relatifs aux Artsmartiaux, de les transcrire afin de préservercet héritage.Le nouveau Kompi s’appela « KompiVichey Sangkrirm » (L’art de faire laguerre).

En 1529, un prince khmer nomméPONGIR ONG a pu rassembler 4/7 deskompis et les ont offerts aux thaïs.Heureusement, un des chefs de l’arméekhmère nommé « Peach » a pu préserverles 3/7 autres kompis. Ainsi, les kompis lesplus importants venant des Khöms sontrestés au Cambodge.

Ang DuongEn 1839, c’est durant la période où ladomination vietnamienne et thaïlandaise auCambodge fut la plus forte que le roi ANGDUONG a rassemblé ses hommes deconfiance pour aller récupérer les Kompisque POGNIR ONG avait donnés aux thaïs.Les kompis n’ont pas pu être tousrécupérés. Le roi Ang Duong fit rassemblerles savants et krus pour faire des copies etrestaurer des kompis existants et essayer derefaire ceux qui ont disparu. Mais lesrésultats des travaux sont moins bons queceux d’Ang Chan 1er compte tenue de la

situation politique du Cambodge en cettepériode. Les nouveaux kompis s’appellent« Kompi Vichey Sangkrirm Khöm Yuth »(même appellation de celle de Ang Chan1er avec l'ajout de Khöm Yuth).

Le protectorat français (1863-1953)Sous le protectorat, il était interdit sur toutle territoire khmer de s’entraîner aux Artsmartiaux pour des raisons évidentes desécurité pour les soldats français. Celan'empêchait pas les khmers de s’entraîneren cachette dans les forêts et pendant lanuit.Avec une grande discrétion, le roiNorodom, fils aîné du roi Ang Duongavaient demandé aux hommes de confianceet aux bonzes d’aller cacher les kompisd'Arts martiaux aux pieds des montagnes etdans les pagodes.

Pendant ce temps, les français avaientautorisé la pratique de la boxe khmère avecdes nouvelles règles interdisant toutes lestechniques dangereuses. Trente sixtechniques étaient seulement autorisées. Laboxe khmère fut devenue une boxesportive. C’est de cette initiative qu’est néle Prodal Sérey (photo 6), une boxe quisera pratiquée dans tout l’Asie du Sud-Est(Muay Thaï en Thaïlande, Muay Lao auLaos). Les français ont aussi importé laboxe anglaise au Cambodge.

Avril 1975-Janvier 1979 : Période noirepour le Cambodge

De leur disparition puis de leur redécouverte partielle sous le règne du roi ANGDuong au début du XIXème siècle.