Histoire de Saint Antoine de Padoue

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HISTOIRE

SAINT ANTOINE DE PADOUED'aprs les Sources hagiographiques du XIII , XIV et XV sicleFARe a e

le R. P. AT, prtre du Sacr-CurGloriosissimus Pater. S. Aatonlus de Padna, non* de electis sociif S. Frauitisci.OJber mirsculorum. Apui BoJJauJ., up. I

O proies HipanB Pavor intidclium Nova lux Itali Nobile depostum Urbis paduame !{Ulurgiu f a n r b n a i n c rfu Mil* sicle. Antienne du Ua^iiilcjt. f "* vdpref.

DEUXIME DITION

PARISLOUIS VIVES, LIBRAIRE-EDITEUR13, R U E DEL, A M B R E , 13

1895

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HISTOIREDE

SAINT ANTOINE DE PADOUE

PRFACE

Le treizime sicle de l're chrtienne est la merveille da "moyen-ge ; peut-tre n'en trouverait-on pas, dans toute l'histoire de l'Eglise, un autre qui lui soit comparable sous plusieurs rapports. Il est dans la srie de ces sicles heureux, qui relvent ['humanit ses propres yeux, et la consolent des erreurs dans lesquelles elle tombe, des crimes qu'elle commet et des ruines qu'elle entasse. Dieu nous.les dispense d'une mai avare; en les distribuant, de grands intervalles,le long du chemin que nous parcourons ; il a voulu, ce semble, nous manifester sa puissance et nous empcher de dsesprer tout k fait de nos destines. Le treizime sicle est d'autant plus admirable,qu'il ne descend pas logiquement de ceux qui le prcdent. Ceux-ci portent le nom d'ge de fer : ils tirent leur clbrit de l'ignorance dans laquelle les intelligences taient plonges, de la corruptioa des murs, des abus de la force, et des luttes sanglantes qui dchiraient le sein d'une socit sans organisation. A peine si

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dans cette nuit somDre,on voit luire quelques flambeaux pour clairer les passages les plus difficiles ; peine si l'on entend quelques voix magnanimes, qui proclament le droit des faibles et interrompent la prescription d'une tyrannie sans frein. Les papes et les moines se partagent la gloire de cette mission civilisatrice. Saint Bernard qui est le moniteur des papes et le lgislateur des moines, les domine tous, et rsume l'influence de l'Eglise sur les temps malheureux. Il est l'aurore d'un avenir meilleur. Le treizime sicle naquit d'un regard d'amour que Jsus-Christ laissa tomber sur les douleurs de l'Eglise son pouse. 11 sortit des misres de l'Europe fodale comme un lys sort de la fange. Alors les pontifes de Rome s'appellent Innocent III, Honorius III, Grgoire IX, Innocent IV, Alexandre IV, Grgoire X. Grce leur gnie et la supriorit de leur caractre, la Papaut atteint le plus haut point de son prestige ; elle devient une magistrature universelle, partout accepte parce qu'elle tait ncessaire. Non contente de prsider la vie des mes, elle dirige les intrts politiques de tous les peuples baptiss ; elle rend des services que la haine des sectaires, seule, a os mconnatre. Tous les rois ne se ressemblent pas : tandis que Frdric II dsolait la chrtient, Saint Louis la parfumait de ses vertus et la protgeait de sa vaillante pe. Les rois normands opprimaient l'Angleterre et n'pargnaient pas l'Eglise; mais la mme heure, Guillaume d'Ecosse, Eric de Sude, Haquin de Norwge, Waldemar-le-Victorieux de Danemark, Hedwige de Pologne, Jacques-le-Conqurant en Aragon, Alphonse-le-Bref et Saint Ferdinand en Castille, taient les porte-tendard du Christ. Rodolphe de Habsbourg succde la dynastie fatale des Hauhenstaufen et reprend le rle de Charlemagne. Cependant le gnie se rveille et la science jette un clat in-

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connu auparavant. Les Universits se multiplient ; elles attirent dans leur sein une jeunesse innombrable, avide d'entendre des matres tels que Roger Bacon, Alexandre de Haies, Duns Scot, .Saint Bonaventure, Vincent de Beauvais, Albert-leGrand et Saint Thomas d'Aquin. Depuis Pierre Lombard, la Scolastique avait produit des esprits remarquables : Abailard, Hugues de Saint Victor, Gilbert de la Pore, Guillaume de Champeaux, avaient acquis dans l'cole une gloire qui, pour quelques-uns, n'tait pas sans mlange : elle devait plir devant la gloire plus haute et plus pure des nouveaux docteurs qui montaient dans les chaires d'o ils taient descendus. Tandis que les thologiens et les philosophes dirigeaient les esprits dans la connaissance de la vrit ; les fondateurs monastiques tiraient de leur cur inspir des milices toutes jeunes, qui venaient prendre rang dans l'arme du Seigneur. L'Ordre bndictin vivait encore : sa sve n'tait pas puise, parce que sa mission n'tait pas finie. Aprs avoir ombrag de ses rameaux les gnrations barbares,il continuait dfricher le sol et les mes ; il restait, au milieu d'une poque guerrire, l'asile des opprims, le paradis des natures contemplatives, et la ppinire de tous les dvouements. Mais le monde allait faire un pas : des besoins nouveaux devaient natre des circonstances. Alors Franois d'Assise et Dominique de Guzman entrent en scne, et organisent les Mineurs et les Prcheurs : deux Ordres fraternels, un peu diffrents par le gnie, semblables par le but qu'ils poursuivent ; qui unissent la vie active la vie contemplative, et s'arrachent sans regret aux extases du clotre, pour aller promener la croix travers les champs de bataille, et porter jusqu'aux extrmits du monde le doux nom de Jsus-Christ. Les Pres de la Merci marchent sur leurs traces ayec une sainte mulation; ils leui

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laissent l'honneur de dlivrer les mes do la tyrannie du dmon et du pch : ils gardent pour eux celui d'aller consoler les chrtiens esclaves au pays des Maures; heureux de porter leurs chanes, et de mourir, quand il le faut, pour les rendre la libert et la patrie. Un sicle qui avaitde pareils hommes, devait faire de grandeschoses. Le treizime sicle manifesta sa force par les conciles cumniques et par les croisades. Les conciles taient dirigs contre les hrsies, contre la dcadence des murs e t les excs des empereurs d'Allemagne. Les croisades faisaient face aux insurrections des Albigeois au dedans, et aux me* naces de l'Islamisme au dehors. Si elles ne russirent pas toujours humilier l'orgueil des ennemis de la chrtient ; elles eurent d'autres avantages que les esprits impartiaux savent apprcier; en tout cas, elles laissrent derrire elles un sillon lumineux de foi, d'amour et de vaillance, que les fils des preux ne regardent jamais sans une sainte fiert, et sans ressentir le dsir d'imiter leurs anctres. L'art n'est que l'ornement des sicles : il a cependant une relle valeur, parce qu'il a une haute signification. La preuve, c'est que les grands sicles enfantent toujours un art, qui demeure attach leur front comme un diadme ; mas les bas sicles ne savent que gter l'art que d'autres leur ont transmis : moins qu'ils ne soient tout fait improductifs. C'est l'art religieux qui obtint au treizime sicle les plus beaux; dveloppements. Pouvait-il en tre autrement une poquedont l'Evangile tait l'unique inspiration ? D'ailleurs l'art religieux l'emporte sur tous les autres par ses magnificences, parce qu'il traduit les attributs de Dieu et les esprances d e l'homme. Alors la cathdrale gothique se dressa cot de l a basilique, fdle des catacombes, sans la dtrner. L art byzantin lui avait prpar les voies, en levant les cintres et l e s

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arcs de vote du style roman : il y avait peu faire pour achever une ide commence. La cathdrale continua suivre la ligne verticale ; quand elle eut jet dans les airs ses tours lgres et ses flches gracieuses, il sembla qua la prire avait pris un corps pour se rendre sensible ; la cathdrale avait des ailes comme la colombe qui dans l'Ecriture est le symbole de l'Eglise ; dans son essort, elle emportait les penses, les larmes et l'amour de l'humanit jusqu'au pied du trne de l'Eternel. Cependant la statuaire, encore timide, bauchait de saintes images pour peupler ses niches et embellir ses contre-forts, La peinture naissait dans l'Ombrie avec Cimabu et Giotto, qui excutaient leurs fresques sur les mu-* railles froides du nouveau temple, pour rjouir les yeux et attendrir le cur : douces esquisses dont le charme naf assurait l'immortalit, et que la science du dessin, dont la renaissance se glorifie juste droit, ne devait par faire oublier. La musique, fidle au rendez-vous, vint rejoindre la sculpture et la peinture ses surs : elle entonna ses pieuses mlodies en s'accompagnant des cent voix de l'orgue triomphant. Le gnie chrtien avait trouv une formule qui galait sa conception. Tandis que, au fond des clotres, des moines sublimes mettaient la main leurs Sommes, qui rsumaient les connaissances du temps, et qui, malgr leurs lacunes, devaient tonner les savants des ges futurs ; un obscur maon btissait la cathdrale, cette Somme de pierres, ce splendide abrg des deux TesLaments,o le Ciel et la terre se rencontrent et s'embrassent. La cathdrale est le plus souvent anonyme ; il le fallait bien. Quelle signature mettre au fond d'une uvre qui s'appelle de tous les noms, parce qu'elle est tout le monde? Aucune gloire n'a manqu au treizime sicle : je n'ai pas dit encore la plus belle. Ce sicle prdestin qui avait p i u d u i t dus

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papes hors ligne, des rois qui se donnaient eux-mmes comme les sergents du Christ, des jurisconsultes profonds, des capitaines magnanimes, des philosophes minents et des artistes faire envie l'antiquit grecque et romaine ; ce mme sicle devait enfanter beaucoup de saints. II est digne de remarque que la plupart de ses grands hommes sont dans les rangs de ces humbles serviteurs de Dieu, qui fuyaient l'admiration du monde sans pouvoir y chapper. Je plains ceux qu'une pareille concidence surprendrait. Les chrtien* qui connaissent le mystre des choses, savent que le gnie et la grce ne sont pas incompatibles ; quand ils les dcouvrent unis dans une mme personnalit, ils applaudissent; mais ils ne demandent pas comment cela a pu se faire. La saintet : tel est donc le caractre exceptionnel de l'poque que nous analysons. C'est par ce ct que je la prends. Je laisse de plus habiles l'aimable passe-temps de secouer la poussire de ses chartes, de dcrire ses castels firement assis sur les collines, de dessiner le vitrail des absides, les lampes des sanctuaires, les chsses des cryptes sombres, les enluminures des manuscrits, les dtails de l'orfvrerie,la forme des boucliers et des lances, et les cottes dmailles que portaient les chevaliers. Moi je veux remuer des cendres vnrables;je veux dcrire des vertus, pour difier ceux qui me liront. Seulement j'arrive un peu tard. D'autres m'ont prcd dans la carrire ; et les travaux qu'ils nous ont lgus provoquent la fois l'admiration et le dcouragement. Mais dans le champ de Booz la rcolte tait si riche, qu'avec les pis de bl chapps la faucille des moissonneurs Huth se composa une gerbe opulente. A la suite des crivains qui ont exploit le treizime sicle,on peut encore glaner.Ilyalessaintsquiforment comme la premire ligne de la scne. A part la mention qu'ils ont obtenue dans le martyrologe catholique et dans les

vu annales de l'Eglise, presque tous ont eu, notre poque, un* historien qui a rvis leur lgende, et ajout aux louanges que les anciens hagiographes leur avaient dcernes. L'Allemagne protestante a veng les papes du moyen-ge des injures que le philosophisme voltairicn, aid des prjugs de Pcole gallicane, ne leur avait pas pargnes. Yoigt a dfendu avec courage Saint Grgoire VII, si impopulaire, surtout dans sa patrie. Quoique Innocent III ne soit pas canonis, j'prouve le besoin de nommer ici Hurter qui, dans des pages consciencieuses, a rendu ce grand pontife la physionomie que la passion lui avait vole. Nous possdons la Vie de Saint Dominique par Lacordaire, la Vie de Saint Franois d'Assise pai Chavin de Malan. Nous devons Montalembert la dlicieuseHistoire de Sainte Elisabeth de Hongrie ; M. Henri Wallon, de l'Institut, a rdig la Vie de Saint Louis roi de France. Sainte Claire, Saint Bonaventure, Saint Thomas d'Aquin ont trouv parmi nos contemporains des historiens dignes de leur mmoire. L'uvre est faite et bien faite ; il ne nous reste qu'fr remercier les auteurs et passer outre.1

Or,il y a dans le treizime sicle les saints de la seconde ligne. Je ne veux pas dire que ceux-ci le cdent aux premiers par leur grandeur intime : l'il humain ne saurait pntrer & cette profondeur ; Dieu seul peut dresser la classification de ses serviteurs selon leur mrite. Mais ils sont rests, dans la socit chrtienne, un rang plus modeste, envelopps dans la pnombre des pyramides qui les dominent : ils n'ont pas gouvern l'Eglise ; ils ne sont pas les patriarches des Familles monastiques dans lesquelles ils ont fleuri ; ils n'ont attach leur nom aucune uvre monumentale. A des poques moins fcondes, ils auraient eu toute leur taille ; l'heure o Dieu les fit natre, ils ne viennent qu'aprs les autres. Ce serait L'abb Bazeilio.

une injustice de ne pas les dgager des gloires parallles qui nous les cachent ; le monde ne les connatrait pas assez, et ce serait un malheur ; car s'il s'agit de leons de vertu lui donner et de beaux modles lui fournir, on peut dire qu'il n'y en a jamais trop. Je ne veux pas venger ces saints de l'oubli; ils n'ont pas besoin de mes services : les sicles savent leur nom. Mais s'ils n'occupent pas dans les uvres de l'hagiographie moderne la place qui leur est duo ; j'ai bien le droit d'exhumer leur Vie des sacrs dyptiques et des travaux de mes devanciers, pour en rafrachir les lignes, et la jeter dans le mouvement de notre littrature. Saint Antoine de Padoue est sur le plan que je viens de tracer. Cependant il n'est pas obscur : il a joui sur la terre d'une immense popularit dont nous tudierons les causes ; cette popularit l'a suivi dans l'histoire ; sa Vie est crite dans toutes les langues de l'Europe. Nanmoins je n'outragerai personne, en avanant, qu'en France, cette vie n'existe pas, au moins telle qu'il la faut de nos jours pour qu'elle soit lue. Une main patiente en a recueilli les matriaux avec soin ; il s'agit de les mettre en uvre. Saint Antoine de Padoue est un sujet d'tude rempli du plus vif intrt. D'abord il remonte aux origines franciscaines. Or nous aimons tout ce qui commence: une fleur qui vient d'clore a des parfums plus doux ; le berceau d'une insitution qui reoit les premiers rayons de la grce nous attache toujours. Cette circonstance donne Saint Antoine quelque chose de la dignit de l'anctre, qui contraste aveu sa jeunesse dont l'clat devait durer autant que lui. Ensuite il a avec Sain* Franois des analogies frappantes. Le Sraphin d'Assise devait1

* M. l'abb G u yard, vicaire gnral de Montauban : Saint Antoine de Padoue Sa vie, ses uvres et son temps*

avoir une postrit nombreuse comme les toiles du firmament ; mais de tous les fils qui lui natront dans l'avenir, aucun n'hritera de son gnie autant que notre Saint. A peine a le Sraphin a-t-il t prendre son rang devant le trne de a Diei;, que sa place dans la vnration et l'enthousiasme des peuples est occupe par celui que tous proclamaient son premier-n, Saint Antoine de Padoue, clbre comme son tt pre spirituel par cet empire sur la nature qui lui valut le surnom de Thaumaturge \ On trouve la preuve de ce fait dans la strophe suivante de l'Hymne de vpres dans l'office du Saint : Parfait imitateur de Saint Franois son pre, il s'identifie tellement avec lui, que, semblable au ruisseau s'chappant de sa source, il porte partout les eaux de la v i e . On lit encore dans les Fioretti de Saint Franois qu'un jeune homme noble et dlicat ayant t admis dans l'Ordre, prit l'habit en abomination et rsolut de quitter le couvent. Mais ayant t ravi en esprit, il vit venir une multitude de saints rangs en procession deux deux. Ils taient couverts de riches vtements; leurs visages et leurs mains resplendissaient comme le soleil ; et ils allaient en chantant, accompagns de la musique des anges. Dans le nombre il y n avait deux plus richement vtus que les autres. Ceux qui fermaient la procession dirent au moine tent de dcouragement, qu'ils taient tous Frres Mineur^ et que les deux plus clatants que les autres taient Saint Franois et Saint Antoine , On sait que Saint Franois avait, le premier, autoris2 t 3

* Montalembert : Histoire de Sainte Elisabeth. Introduction. * Fraucisd patrie semulus Sic iili se contemperat Ut fonte uiaoans rivulus Aquas vitse circutnferat. (Liturgie franciscaine du xui siclpe

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* Pioretti, chap. xu

un rapprochement si glorieux pour son disciple, en l'appelant son evque . Un autre charme de Saint Antoine de Padoue, c'est qu'il n'est achev que par un ct. L'aptre a eu son plein dveloppement : sa carrire fut courte mais bien remplie. Or il y avait chez lui l'toffe d'un grand docteur : par ce ct, il est demeur l'tat d'bauche. Il vcut dans la premire partie du treizime sicle,pendant laquelle les lments de la socit nouvelle se dgagent laborieusement des tnbres grossires de la priode prcdente, et qui n'est en ralit qu'une de ces transitions, si frquentes dans l'histoire, o les contraires se heurtent, en attendant de s'harmoniser dans le plan providentiel du lendemain. Dans ces milieux, les hommes participent de l'indcision des choses : ils sont des prcurseurs tourns vers l'avenir, et destins semer le grain afin que d'autres recueillent l'pi. De plus, Saint Antoine de Padoue a le rang de fondateur dans l'Ordre franciscain. Les fondateurs sont des natures d'lite, choisis de Dieu entre mille pour un grand dessein. Mais ils se couchent sous les bases de l'difice, pour en supporter le poids et lui donner de la solidit. Je poserai, dit Isae, dans les fondements de Sion, une pierre prouve, angulaire, prcieuse, et qui deviendra un appui inbranlable*. C'est l'histoire prophtique de tous les fondateurs ; force cache et raison dernire de l'quilibre de leur uvre, ils n'apparaissent pas tels qu'ils sont ou qu'ils auraient pu i tre.1

Cependant l'humilit de Saint Antoine de Padoue et les conditions particulires dans lesquelles il se trouva plac au Sanctus Franciscus eum suam episcopum vocare solebat. (Joan. Trithemius : Catal. script. eceles.J * Isae ; mm, 16*

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dbut de sa vocation religieuse, n'empchrent pas son zle de se dployer. L'influence qu'il exera directement sur lsmes, et indirectement sur les affaires de son temps, fut profonde. La trace ineffaable qu'il a laisse dans la mmoire des gnrations ; les faits historiques auxquels il a t ml dans l'Eglise et dans l'Etat, non seulement en Italie mais encore dans d'autres contres de l'Europe, nous avertissent suffisamment que nous sommes en prsence d'un homme apostolique plus qu'ordinaire. Il partagea avec ses frres, ns la mme heure du mme souffle de TEsprit-Saint, l'honneur de sauver la socit chrtienne, dans une crise o elle pouvait sombrer ; il tait un des plus illustres parmi les vaillants d'Isral. Les magnifiques loges que les crivains ecclsiastiques dcernent Saint Antoine sont une preuve surabondante de sa supriorit. Les historiens de sa vie ne sont pas les seuls qui l'exaltent : les annalistes, les prdicateurs, les asctiques clbrent l'envi sa mmoire. Jacques de Bergame, de l'Ordre des Ermites de Saint Augustin, parlant de sa science, dit Qu'il tait une lumire, non-seulement parmi les reli gieux de son temps, mais encore quand on le compare avec l e s plus grands gnies de l'antiquit . Jrme Platus dcrit avec complaisance son talent oratoire, et les succs qu'il obtenait auprs des foules ; ensuite il s'crie : o Est-ce que Dmosthne, ou quelqu'un des beaux diseurs vants < dans le monde, en firent jamais autant*? ThomasBosio, t de la Congrgation de l'Oratoire, dit : II serait trop long de raconter en dtail toutes les uvres merveilleuses et vrai ment divines qu'il accomplit pendant sa vie et aprs sa1

> Lib. XIII, Suppl. Chron. ad ann. D. 1231. * Lib. II : de Bono status relig. C. 32.

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< mort ; mais les moins verss dans la connaissance des . lgendes sacres, n'ignorent pas les gestes d'un si grand h o m m e . Henri Villot, dos Frres Mineurs, Ne sait ce ne qu'il doit admirer le plus, de la saintet de sa vie, ou de (. son rudition, ou de son loquence . Franois Haer,Henri Sdnlius, Suint Autonin, le P. Passvino, sont ses pangyristes \ Franois Maure, des Frres Mineurs, le compare, dans dos vers lgants, Saint Bernardin de Sienne '.Mais nul n'gale Saint Bonaventure prchant sur les vertus de SaintAntoine.il tait boa juge, car il a crit la Vie de Saint Franois ; il tait d'ailleurs le contemporain de celui qu'il glorifie : on peut s'en rapporter lui. Le Seigneur, dit-il dans un de ses Sermons, a marqu le bienheureux Antoine de trois signes clatants :1e premier est l'excellence de la saintet qui embrasait Pinte* M rieur de son me ; le second est le mpris du monde et l'amour de l'abjection qui brillaient au dehors dans tous les actes de sa vie ; le troisime est la clbrit qui entoure son nom et qui l'a rendu fameux chez tous les peuples. Ces trois choses runies ralisent Pidal de la perfection. Dans un autre Sermon, il enchrit, si c'est possible, sur ces louanges. Le bienheureux Antoine, dit-il, possda lui seul toute la science des anciens. Il avait la science des Anges qui con siste remplir des ministres divins, celle des Patriarches qui est la sagesse des voyageurs, celle des Prophtes dont le rle est de prvoir et d'annoncer l'avenir, celle des Aptres qui n'est pas sans analogie avec la sagesse des marchands, car, leur manire, ils achtent le royaume des d e u x ; celle des Martyrs qui se rapproche de la sagesse des guer1 2

* Lib. VII : de Sig. Eecl. cap.i. In Athenis, de S. Antonio. 3 Yifca anonynia ; Elogia S. Antonii. * Historia S. Fronesci. lib. II,8

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rcrs, celle des Confesseurs ou des Docteurs qui fait les mai trs, enfin celle des Yierges, qui est l'art de fuir le pch el d'viter le commerce des hommes . A part les mmentes qualits que Saint Antoine dploya dans le cours de son apostolat ; il exera le ministre de la parole dans des circonstances qui donnent sou histoire un intrt de plus. Il assista la dcadence de la fodalit dont la vigoureuse organisation rsista encore des sicles aux assauts que lui livra l'esprit moderne ; mais qui ne recouvra jamais son ancienne puissance : il y a dans l'humanit des transformations fatales que rien n'arrte. Il fut ml au rveil des communes qui revendiquaient des droits trop longtemps mconnus. Ce mouvement lgitime en lui-mme, et qui produisit d'heui'eux rsultats, fut gt par les invitables violences qui accompagnent toujours les changementsde rgime. C'tait d'ailleurs un mouvement des masses; or les masses ne se remuent pas comme de purs esprits : on les entend; et surtout on les sent. Saint Antoine ne contribua pas mdiocrement contenir dans les limites de la justice et do la charit une dmocratie turbulente, dont les dfauts naturels taient d'autant plus redoutables qu'elle tait plus prs de son berceau. Aujourd'hui nous aimons l'actualit ; nous la cherchons jusque dans le pass, avec le secret dsir d'y trouver la justification des ides qui nous sont quelquefois trop chres, parce qu'elles ne sont pas suffisamment exactes. Ce got n'esl pas entirement mauvais; condition qu'il ne dgnre pas en systme : l est le pril. Le rapprochement que j'tablis ici entre le treizime sicle et le ntre, est appuy sur les faits : j ' e n veux le bnfice. Saint Antoine apprendra notre pays tourment ce que c'est qu'une dmocratie chrtienne ;l

Sermo 1,2 de S. Antonio.

et au clerg qui travaille rgler la libert,par quels moyens on peut en prvenir les carts ou en gurir les excs. Puisque j'en suis signaler les analogies que prsentent ces deux poques, n'oublions pas que Saint Antoine eut affaire aux socits secrtes, qui taient alors la forme la plus redoutable de l'hrsie manichenne. Il avait rfuter les doctrines perverses qu'elles rpandaient dans le peuple ; il devait ensuite chapper aux piges qu'elles lui tendaient, et dont plus d'une fois il faillit tre victime. De nos jours, la Franc-Maonnerie est le pril social : elle est l'incarnation la plus parfaite de la Rvolution ; c'est elle qui bouillonne comme un volcan sous nos pieds ; c'est elle qui fait irruption par les calamits priodiques qui nous pouvantent. La Franc-Maonnerie descend en droite ligne du Manichisme. Dans la lutte cruelle que nous soutenons contre elle, Saint Antoine pourra nous servir de patron. Pour achever de faire connaissance avec Saint Antoine de Padoue, avant mme que de franchir le seuil de sa vie, il n'y a plus qu'un dtail ajouter : il a t le missionnaire de la France. Il est pass sur nos rivages ; il y sema le Verbe de Dieu ; il y opra des miracles ; il y btit des monastres : encore maintenant la vieille terre des Gaules rpte son nom avec amour. La dure de sa gloire n'est pas le moindre signe de la popularit qu'il avait acquise chez nous : c'est un droit de plus que Saint Antoine a sur nos curs. Un saint n'est tranger nulle part, parce que l'Eglise est la patrie des mes ; mais quand il a vers une goutte de sueur ou de sang sur le coin du monde que nous habitons, il est deux fois notre frre ; et nous trouvons dans son histoire une saveur particulire. Tel est le personnage qui sera l'objet de cette tude. L'tude des saints nous tente toujours. Cet attrait s'explique

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aisment ; car les saints sont des chefs-d'uvre. La nature en fournit de temps en temps la matire premire ; la grce en demeure la raison dernire : pour les former elle emploie les milieux. Les saints sont des intelligences sublimes, mme quand ils sont ignorants des sciences humaines; ils sont des caractres suprieurs, car ils ont vaincu le monde ; Us sont des curs forts et tendres, que l'amour et la haine dvorent la fois, que le Ciel et la terre visitent la mme heure : ils adorent le Ciel, ils protgent la terre : ils sont d'insignes bienfaiteurs du genre humain. Leur charit est sans rivale ; leur direction est infaillible; les uvres immortelles qu'ils laissent aprs eux en sont la preuve. Si les saints ne prsentaient pas l'observation de si belles lignes ; si seulement on pouvait dire d'eux : Ils ne sont pas comme les autres hommes que nous connaissons, qui nous dgotent, ou qui nous nuisent; cette grandeur ngative les mettrait encore part dans l'histoire de notre race. C'est pourquoi les saints sont chers l'Eglise dont ils sont l'orgueil et l'esprance ; ils sont chers aux enfants de l'Eglise qui trouvent en eux une dmonstration clatante de leur foi. Puisqu'on ne peut pas les rvoquer en doute, il faut les expliquer ; et qui dira d'o ils sortent, si on nie la vertu du baptme? C'est en vain qu'on s'efforce d'obscurcir le nimbe qui encadre leur visage vnrable ?aire des saints des grande hommes, et les placer au Panthon: c'est souvent une habilet; au fond, c'est un hommage involontaire que des cri vains honntes, et quelquefois artistes, rendent aux hros du catholicisme. Ainsi s'explique la jouissance intime que nous gotons en lisant la Vie des saints. Cette jouissance augmente encore pour ceux qui se dcident l'crire : elle dcoule de la contemplation de la beaut morale dont les saints sont l'idal, el

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des dcouvertes qu'o opre dans leurs mes profondes, mesure que l'analyse y pntre plus avant. Mais elle a une autre source : en prsence des saints, la critique perd ses droits. La critique peut s'exercer sur la date de leur naissance et de leur mort, sur l'ordre chronologique des faits qui forment la trame de leur histoire, sur l'authenticit de certains dtails souvent envelopps dans la brunie des lgendes. S'agit-il de leur mrite? Ici il n'y a de place que pour l'admiration. L'annaliste qui cite son tribunal les illustrations du pass, prouve une satisfaction intellectuelle les discuter : il n'est pas fch de leur arracher le masque qui drobait leur vritable physionomie aux yeux de leurs contemporains, et de les frapper d'un verdict qui fixe l'opinion de la postritTel n'est pas le rle des hagiographes. Il est beau de faire justice des histrions qui ont abus de leur popularit: il est doux de venger la vertu souvent incomprise, et de trahir le mystre dans lequel elle s'tait ensevelie. Ceux que la Providence condamne vivre aux poques de dcadence, ont des raisons particulires d'aimer le commerce des saints. En ce temps l, le monde devient inhabitable : Les vrits s amoindrissent*\ les sophismes se rpandent partout : on les respire comme l'air. La simplicit fait sourire ; la sincrit est une maladresse ; la conviction est un bagage incommode ; la fidlit est morte ; la flamme du dvouement s'teint dans les curs ; les hommes sont petits, quand ils ne sont pas pervers. Malheur nous, si nous avons gard notre christianisme, et un peu de ce vieil honneur qui tait la seconde religion de la patrie ! Incompris de nos contemporains, proscrits des milieux o se meuvent les ressorts de la vie sociale, crass oar l'ooinion, mme ouand elle nous tolre; si9

nous chappons la perscution, nous succombons la tristesse qui nous inonde : il n'y a pas de place pour nous au soleil d'une civilisation athe et corrompue. Dans des cas semblables, nos pres fuyaient le sicle ; ils couraient demander aux solitudes une paix dont elles seules avaient le secret. Cette tradition s'est conserve : encore maintenant les grands chrtiens nous quittent pour aller prier et pleurer au dsert. JHas nous qui ne pouvons pas les suivre, o trouverons-nous un abri? Cherchons-le dans l'histoire ; cachons-nous sous le manteau des saints. On a dit de certaines personnalits d'lite qu'elles rconcilient avec l'humanit. Les saints produisent cet effet : ils sont l'idal de la nature humaine, gurie, restaure, exalte par la lumire de l'Evangile et par le-sang de Jsus-Christ. Nous rencontrons chez eux, la foi, l'abngation, l'amour, la fiert noble, la douceur triomphante, les pardons magnanimes et les sublimes trpas. Us ralisent toutes nos aspirations ; ils les dpassent mme. A. leurs pieds, nous sentirons ce qui nous manque : mais notre dfaite sera notre consolation. Il est doux d'tudier les saints : il est moins facile de l e s rendre ; la main qui essaie tremble de respect et d'motion. Angelico de Fisole peignait genoux. C'est le setil moyen d'expliquer les ttes de ses vierges, dont le type n'est pas de ce monde ; fleurs closes au souffle du gnie et de la pit, o l'art est nglig, et dont l'inspiration mystique est la raison dernire. Celui qui veut crire la Yie d'un saint, doit se mettre genoux, et demander a Dieu de ne pas gter l'uvre de sa grce. Heureusement, ici il n'y a rien inventer : les faits se chargent de manifester le miracle. Chacun de ces faits est comme une ligne du dessin tracer : quand le dernier est racont, la figure se dgage toute seule. Saint Antoine de Padoue a eu beaucoup d'historiens : il n'a pas besoin de celui qui vient lui consacrer sa plume. Mais si

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la gloire du Bienheureux peut se passer de ses travaux ; lui a quelque intrt redire sa pieuse Lgende; Le saint du Baptme est un ange gardien, qui nous donne son nom pour nous honorer, et sa main pour nous conduire ; il a droit un culte rserr : c'est le culte de souvenirs autant que celui de l foi. Le saint du baptme nous est fidle, mme quand nous l'oublions ; ses bienfaits jalonnent nos annes ; ils adoucissent ls sentiers de notre rude plerinage. A certaines heures del vie,pius pesantes que d'autres, nous savons mieux encore ce que nous lui devons. Avant de mourir, un serviteur de Saint Antoine lui ddie ce modeste opuscule, depuis longtemps conu par son amour; et aujourd'hui ralis par sa reconnais-*1

rase;ffe&tauUn, lS'juin~187(r;78te de Sfcfct BtOiirt-dePaddue.

LES

SOURCES

En indiquant les Sources de l'Histoire do Saint Antoine de Padoue, je ne me propose pas seulement d'imiter la plupart des crivains, qui veulent ainsi donner aux lecteurs le moyen de vrifier leur rcit. Je n'ai pas le dessein de fournir des matriaux ceux qui s'occuperont aprs moi de cette mme Histoire : je n'apporte ici aucune dcouverte. Simple collectionn e r de monuments connus de tout le monde, je n'ai d'autre Abrite que de les grouper dans un tableau synoptique plus tattplet (fse ceux qu'on avait dresss jusqu' prsent. Le travail des Bollandistes ne laisse rien dsirer sous ce rapport. Peut-tre a-t-on le droit de s'tonner de ne pas y trouver plus de richesse critiqu touchat les OEtivrefc de S^int Antoine de Paf&e, dont il parut au dix-septime sicle une dition que, dans le stecle suivant, le P. Azzoguiddi devait augmenter. Dans ma pense, les Sources que je vais- mentionner seront la preuve te la grandeur morale de Saint Antoine de Padoue, de l'influence au'il rc.\ dans l'glise, par son gnie, par sesvf-

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lus, par ses miracles; et de la place qu'il n'a pas cess d'occuper, depuis sa mort, dans la mmoire des gnrations chrtiennes. Peu de saints ont eu une fcondit hagiographique comparable la sienne. Son apostolat ne dura que dix ans; il en vcut peinetrente six : on pouvait croire que l'oubli ensevelirait, bientt son nom. Or voil six sicles que la littrature s'exerce sur ce pauvre moine, avec une complaisance qui indique de quelle tendresse il est l'objet, et avec une persvrance qui accuse suffisamment la beaut de sa vie et la valeur de ses services. Les liturgistes, les potes, les historiens, les prdicateurs, les asctiques, les collectionneurs de miracles, les politiques, les antiquaires, les archologues, les sculpteurs et les peintres, ne se lassent pas de nous entretenir de Saint Antoine, sous des formes diverses et toujours loquentes. C'est pourquoi celui qui l'a lou dans ce livre peut se tenir tranquille : il est l'abri du reproche qu'on fait souvent aux historiographes d'exagrer leur hros. Je suivrai dans cette exposition l'ordre chronologique.

MONUMENTS PRIMITIFS

Sous ce titre, il faut ranger les monuments sans date pr eise, ordinairement sans nom d'auteur, et dont on ne peut affirmer que la haute antiquit. Quelques-uns sont l'uvre d'crivains contemporains, suffisamment connus. I* Fioretti ou les Petites Fleurs de Saint Franois d'Assise. Comme son nom l'indique, cette Lgende est consacre aux fleurs de saintet qui ornrent le berceau de l'Ordre sraphique. D'aprs Wadding, dit l'abb Riche qui nous devons une excellente traduction franaise, l'auteur serait un contempo-

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rain de Saint Franois, nomm Ugoln de Mont Sainte-Marie: mais cette opinion n'est pas admissible. D'aprs Ozanam, des indices incontestables fout reconnatre dans ce livre la premire moiti du xiv sicle; cependant on n'a que de faibles conjectures pour y souponner la main de Jean de Saint Laurent, de la noble famille florentine de Marignolles, que son savoir et sa vertu firent lever en 1353 au sige piscopal de Bisignano. On sait que les Fioretti font une assez belle part Saint Antoine de Padoue : on y trouve, relats tout au long, les deux grands miracles oprs par le Thaumaturge au Consistoire et Rimini. Il est digne de remarque que ces mmes faits sont contenus presque mot mot dans le Liber miraculoram de Wadding; ce qui prouve que les Fioretti, malgr leur couleur lgendaire, ont une valeur historique qui donna du prix leur tmoignage.e

2 Legenda seu Liber

miraculorum.

Le titre de cette compilation indique son antiquit : ifss. eriitus. Wadding en tira les lments des parchemins, et les insra dans sa Chronique de l'Ordre sraphique : C/ironieis Ordinis oliminsertus; il n'en est donc pas l'auteur. Du reste, on en trouve des fragments dans les monuments historiques qu'il cite ici. 3 Le Manuscrit tfAncne. Ce Manuscrit dpos la bibliothque du couvent des Franciscains d'Ancne, contient les miracles qui servirent au procs de canonisation de Saint Antoine. D'aprs les Bollandistes, ce Manuscrit porte la date du mois de novembre (621. Us ajoutent : Ipsam vero ollectionem distributionemque in lectiones, antiquam omnino esse. L'autorit de leur tmoignage est corrobore par le fait mme de la distribution des

xxn matires en leons : on sait que les Lgendes avec les incipit et les desinit, sont particulires au moyen-ge. L'exorde, par sa simplicit pieuse, prsente encore un caractre frappant d'antiquit : Ad laudem et gloriam Dei^Patris et Filii et Spiritus Sancti) etgloriosee virginis Mari, et Sancti Antona. Miracula qa coram etc. La conclusion n'est pas moins touchante : Hc igitur supradicta, etpleraque alia mrtutum sig?ia, Dominas majestatis per servitm suum Antoniam operari dignatus est etc. Cette manire d'ouvrir et de terminer un rcit est oerdue chez les modernes. 4 Vita anonyma auctore valde anliquo.

C'est ici la pice matresse, celle qu'on peut appeler la vraie Source de la Vie de Saint Antoine de Padoue : elle est courte tincomplte; mais cela ne lui enlve rien de son importance. Le gnie du Saint est l : l est aussi la couleur locale, qui permet de donner sa physionomie un peu d'originalit. Nous possdons trois Vies anonymes de Saint Antoine de Padoue : 1 celle des Bollandistes ; 2 celle qu'on trouve dans les OEuvres de Saint Franois et de Saint A?itoine,et qui est un peu plus dveloppe que la prcdente ; 3 celle de Snrius. Les deux premires Vies sont identiques pour le fond et pour la forme, comme on peut s'en convaincre la simple lecture : elles ne diffrent que par l'tendue des dtails Celle de Surius n'est que la reproduction de la Vita anonyma, avec des additions assez considrables, et des changements sensibles dans le style. aHanc Vitam plerumqueverbotenm traiiscripsisse vide lui firent subir les plus cruelles tortures. Au moment d'expirer, il se souvint de l'aptre franciscain, et dclara ses bourreaux qu'il lui avait prdit sa fin plusieurs annes auparavant .. Un autre jour, une dame e qualit, tant sur le point de devenir mre, vint se recommander aux prires d'Antoine, qui lui promit de se souvenir d'elle dans le saint sacrifice. Cette dame se prsenta de nouveau bientt aprs, et lui fit la mme demande. Alors l'homme de Dien se tourna vers elle, et il lui dit: Ayez bon espoir,, et rjouissez-vous ; car le Seigneur vous donnera un fils qui sera grand dans son Eglise ; il deviendra Frre Mineur, et il mourra martyr. Mais auparavant il procurera cette gloire bien d'autres, en les exhortant par ses paroles demeurer fermes dans la foi de Jsus-Christ. En effet, cette dame mit an mond# un fils, qui fut appel Philippe : son histoire trouve sa place naturelle dans celle d'Antoine, cause de l'clat qu'elle projette sur lui. Philippe entra dans l'Ordre des Frres Mineurs ; et aprs avoir fait de rapides progrs dans la perfection, il se sentit inspir de Dieu, et il traversa la mer, pour aller travailler la conversion des infidles. Le camp retranch que les croiss occupaient du ct d'Azoto en Palestine, ayant t livr par trahison aux Sarrasins, tons les chrtiens, au nombre de prs de deux mille, tombrent entre les mains des barbares, et furent tous condamns mort. Le Frre Philippe qui tait parmi les prisonniers, obtint d'tre dcapit le dernier, afin de fortifier ses compagnons, et de les gagner tous Jsus-Christ. Anims par ses paroles, ils furent interrogs pour savoir s'ils voulaient renier leur foi afin d'chapper la mort ; ou s'ils prfraient garder leur religion et subir les supplices. Ils1

* Wadding : Annales Minorum Vita anonyma, cap.iz.

HISTOIRE DB SAINT ANTOINE DB fADOUff.

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rpondirent l'unanimit qu'ils voulaient rester dans la voie que le Frre Philippe leur montrait. Alors celui-ci les flicita, et il leur adressa une exhortation nergique, bien capable de leur donner du courage. 11 leur dit : Frres bien-aims, demeurez fermes dan? la foi; car cette nuit le Seigneur m'a rvl qu'en subissant le martyre, j'entrerai dans la gloire du Paradis, la tte de mille triomphateurs. Il continua les* animer de la sorte ; il entendit leur confession ; aprs quoi tous s'crirent qu'ils taient dcids souffrir la mort pour la foi de Jsus-Christ. Tandis que ceshommes admirables taient dcapits en rendant tmoignage l'Evangile, le Frre Philippe continuait prcher afin de les aider dans leur sacrifice. Alors le Soudan irrit ordonna qu'on lui coupt toutes lesphalanges des doigts. Comme il allait toujours, il fut corch vif jusqu'au milieu du corps. Il ne s arrta pas encore : alors ou lui coupa la langue .Mais parce qu'il tait enflamm d'un zle extraordinaire, cela ne l'empcha pas de parler, jusqu' ce que le glaive du bourreau eut achev son uvre. Alors Philippe se prsenta aprs tous les autres : il releva son capuce avec beaucoup de dvotion ; et sa tte roula par terre. C'est ainsi qu'il remporta la palme du martyre, L'Auteur de cette relation ajoute : Ceci est la preuve de la clart divine dont le bienheureux Antoine tait illumin, puisque l'vnement vrifia si exactement sa prophtie . 1

Les faits que je viens de raconter produisirent une impression profonde dans tout le pays d'alentour. La tradition en a gard fidlement le souvenir. On en trouve l'cho dans une hymne de l'antique liturgie qui adresse notre Saint cette fiicitation : O An toine, rjouissez-vous d'avoir possd, un si haut degr, la don de prophtie 1 Vous prdisiez l'avenir avec assurance, parce que vous tiez rempli des rayons de l'Esprit D i v i n * Ex quibus liquido claret quanta certitudine viguit jam complta B. Antonii prophetia. (Liber miraculornm. Apud Bolland.) Gaude quod prophetizandi Dona plene possedistl Et futura pradixisti Dono Spiritus prsegrandi,1

(Chavin de Malan : Histoire de Saint Franois Monuments historiques.}

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HISTOTBB DE SAINT ANTOINE DE PAU OU F.

Vers la mme poque, un habitant de Brive, en Limousin, rsolut de btir quelques pas de la ville, un couvent qu'il destinail aux Frres Mineur s. 11 choisit un vallon spar du bassin de la Corrza par une faible ondulation du sol, qui semblait destine lui servir de clture L'horizon, born de tout ct par des collines, ajoutait encore sa solitude ; tandis que les forts de cbnes et de chalaigners qui, au treizime sicle, couvraient la France, lui donnaient un aspect sauvage et religieux. Le site n'tait peut-tre pas heureux pour la perspective ; mais il prtait sir^ulirement la mditation, en favorisant le recueillement. Le Saint-Esprit qui pouspe les grandes natures vers le dsert, avait rserv Antoine un lieu de dlices dans ce coin de terre qui n'avait pas de nom dans la langue des hommes ; mais sur lequel le Ciel allait mettre ses complaisances et verser ses faveurs. Quand le pieux habitant de Brive eut achev l'difice matriel, entrepris sur des proportions modestes, comme il convenait pour les enfants du Pauvre d'Assise ; Antoine vient y habiter quelques mois \ et il y btit l'difice spirituel, construit avec des pierres vivantes et tailles sur le modle de Jsus-Christ. Il tait un de ces semeurs puissants, dont la main est pleine de germes, et qui passent en enrichissant les sillons de l'humanit. Non content de rpandre des ides, il laissait derrire lui des institutions. Ce couvent de Frres Mineurs qu'il organisa au fond du Limousin, fut une source de vie pour toute la contre. L'homme de Dieu prit sa part du bienfait qu'il procurait aux autres. 11 se construisit, dit Wadding, une cellule dans une grotte carte du couvent; il creusa dans le roc vif un petit rservoir pour recevoir les eaux qui coulaient le long'de la paroi qui foramait un des cts de la grotte. L, il se condamna d'effrayantes a austrits ; il menait la vie ermitique ; et il gotait les dlices de la contemplation*. Il s'abmait dans l'extase du. saint amour.i Cum vero Sanctus vensset Birnam, Lempvicensia dicesis ; ibi primo locum tfratrum Miaorum accepit. (Liber miraculorum. Apud Bolland.) s lu qnadam crypta a loco reniota, cellam aibi construens, et u lapide fouem excuvans qui defluentes e rupe recipit stiUas ; ibi in magna austeritate vit, solilarius contemplationi vacahat. (Ibidem.;

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Les nuits taient trop courtes son gr; le soleil en se levant semblait l'importuner : comme si ses rayons lui ravissaient les rayons du Soleil de justice. C'est ainsi que le couvent de Brive fut pour lui une tape sur le rude chemin de l'apostolat* Aprs avoir rafrachi *3U me, et retremp ses forces, il prit de nouveau le bton de plerin pour courir aprs les brebis gares dn troupeau du Christ ben. Le temps a emport l'uvre d'Antoine. Du couvent des Frres Mineurs, il ne reste que la place dsole. Les vieux lierres qui enlacent ses ruines, sont chargs par la Providence de l'indiquer au voyageur. Cepend'.at le temps n'a pas tout dtruit. La grotte sacre est toujours l: elle rpte les gmissements de l'apv tre franciscain. La source coule encore, comme pour rappeler les larmes et les prires qu'il y versa. Si la nature est reste fidle sa mmoire, les hommes ne l'ont pas tout fait oublie. Encore -maintenant ces lieux s'appellent Saint Antoine. Les noms sont plus forts que la haine de l'impit; ils survivent aux ravages qu'elle a commis : ils sont comme la protestation des peuples contre las jrimes des poques affoles Aprs avoir pris possession du couvent de Brive, au nom de son Ordre, et y avoir install ses frres, Antoine se dirigea de nouveau vers le thtre do son apostolat. Les signes et les prodiges qui l'avaient accompagn jusque-l, continurent clater autour de lui. Jl se mesurait avec toutes les puissances ennemies ; et il remportait sur elles des victoires journalires. A mesure qu'on avance dans sa vie, les annales sont comme encombres par les phnomnes surnaturels qu'il accomplit de tout ct: au milieu d'une pareille abondance, nous sommes obligs de choisir. Un certain jour de grande fte, le Saint homme prchait. Une < dame de noble extraction l'coutait et semblait boire ses paroles. * M Ce que voyant, l'impur satan voulut lui ravir le fruit d'une si excellente instruction. En consquence il se transforma en cour* rier ; et se dirigeant vers cette dame avec des lettres la main, il lui annona que son fils, aprs avoir t fait prisonnier de1

Les PP. Franciscains ont rachet le couvant de Brive.

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guerre, avait t mis mort par l'ennemi. Alors l*homme de Dieu dcouvrit par rvlation les ruses de l'esprit malin. Quoiqu'il n'eut pas aperu le fantme qui s'tait gliss dans l'auditoire ; il s'adressa la malheureuse mre du haut de la chaire; et en prsence de toute l'assemble, il lui dit: Ne craignez pas, ma sur ; votre fils vit encore, et il jouit d'une bonne sant : ce cour* c rier, c'est le diable. A ces mots le prtendu courrier s'vanouil a comme une fume lgre Les maux les plus cruels ne rsistaient pas plus que les dmons la puissance d'Antoine. Un jour, tandis qu'il tait occup doute ner une instruction au peuple, un fou qui tait dans l'auditoire, se leva et troubla tout le monde. L'homme de Dieu le pria avec douceur de se taire : le fou lui rpondit qu'il ne lui obirait que lorsque il lui aurait donn sa corde. Aussitt il dnoua le cordon a qu'il portait autour des reins, et il le lui donna. Le pauvre fou le saisit avec empressement : il se mit le presser sur son cur et le couvrir de baisers : mais il recouvra subitement l'usage de que dans les plis de sa robe de bure. Ce n'est pas impunment qu'on s'approchait de lui : ceux qui le touchaient taient guris.Nihil timeas, domina ; filius tuus et vtvtt et recte valet. Cursor autem iste, diabolus est, Ad quas vocea, iratar fumi ille egregius curaor evamiit. (Vita anonyma. Gap. iix.) Monitus autem per Sanctum dulciter ut taceret, respondit quod non faceret, donec sibi traderet cordam auam. Sanctus vero solvens funiculum, ddit illi. Quem stultus amplezans et deosculans, sensum recuperavit et usum rationis. (Liber miraculorum. Apud Bolland.) Saint Bonaventure rapporte plusieurs miracles oprs par la corde de Saint Franois. (Lgende de Saint Franois, chap. zn.J2 1

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Dans le mme paysde France, il y avait, dit V Auteur anonyme, une femme qui dsirait ardemment suivre l'homme de Dieu,tandis qu'il sortait de la ville, pour aller prcher dans le voisinage. Mais son mari, qui tait mal dispos, s'y opposa. Cette dfense la molesta beaucoup ; et pour se consoler de ne pouvoir pas assister la prdication, elle monta sur la terrasse de sa maison. L se met tant la fentre, elle tourna ses regards vers l'endroit ou le sermon devait se faire, afin de donnera son cur un commence ment de satisfaction. Alors il arriva un fait merveilleux. Quoi que le thtre de la prdication fut une distance de deux milles, o elle entendit trs-distinctement la voix d'Antoine. Ses accents taient si suaves ; elle gotait en les coutant une dlectation si cleste, qu'elle resta trop longtemps la fentre. Son mari s'im patienta, et lui adressa dedurs reproches; mais elle rpondit sans se troubler qu'elle coutait le sermon du Pre Antoine. Aces mots, le mari clata de rire et dit que sa femme tait folle. Celle- c i soutint sa thse, et affirma qu'elle entendait rellement la voix de l'homme de Dieu. Le mari voulant s'en convaincre, monta et se mit la fentre. Les mrites de sa fidle compagne lui valurent d'entendre trs-distinctement le prdicateur. A parce tir de ce jour, on vit les deux poux assister tous les sermons du ft Pre Antoine , 1

Par tous ces prodiges, Antoine portait au Manichisme albigeois des coups mortels. Selon le langage de sa liturgie Il brisait les dents de l'hrsie qui dilatait sa gueule teinte de sang, cherchant dchirer l'pouse du Christ . Pouvait-il mieux faire, cette poque couverte des tnbres de l'ignorance, au milieu des pauvres habitants des montagnes, trangers aux lments de la science hus

* Vita anonyma. cap. xvii.* Gonterit miraculia Peccatorum dents Sponsam Christi patnls Rictibua mordentes. (Litnrgiu franciscaine dli xnw sicle. Antienne

dul nocturne.)

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maine, et accoutums marcher aux clarts da leur foi traditionnelle? Le Gnosticisme tait un systme difficile saisir : il y avait danger l'exposer, mme pour le rfuter. D'ailleurs celte besogne se faisait dans les coles, avec un plein succs. Antoine suivait le conseil de l'Aptre qui, en parlant de la mme erreur, dfendait ses disciples de s'occuper de fables impures, et de gnalogies interminables, questions oiseuses, et plus propres engendrer des disputes, qui. produire Pdification . Aussi ce dispensateur fidle et prudent se contentait de prcher les vrits du salut, pour affermir les convictions chancelantes de quelques-uns. Quand il rencontrait des oppositions obstine, le miracle tait sa dernire ressource : Si on ne le lui demandait pas, il le demandait lui-mme Dieu. Les foules entranes, mais sincres jusque dans leur erreur, se rendaient ordinairement devant cet argument sans rplique . Il employait encore une autre mthode qui lui russissait assez souvent. Pour mieux convaincre les esprits, il commenait par remuer les curs. La vrit religieuse prend volontiers cette route, plus courte et plus sre que celle de la discussion. Antoine tait un con vertisseur. Dans sa main, le miracle n'tait pas un tour de force spculatif, bon tout au plus tenir an chec les coryphes du Manichisme. Il s-en servait, comme Mose se servait de son bton, pour fendre les rochers et en faire jaillir les larmesde la pnitence. Un peuple qui pleure est Dieu.1 9

Antoine ensevelissait ses victoires dans le silence de l'humilit : mais l'histoire devait lui ravir ses secrets. A mesure .qu'il s'loignait des iieuxqu'il avait vangliss,il en sortait des voix rvlatrices. Les unes disaient: Jsus, vritable jsoleil des intelligences*1 I Tim. i, 4.

* Loquens magnis, parvulis Veritatis jaculis Pot?oi%nm

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Le Bienheureux laissa clater Ferrare sa tendre dvotion envers la Vierge Marie. Soit que les circonstances favorisassent plus qu'ailleurs ces manifestations; soit qu'il cdt de plus en plus, mesure qu'il avanait dans sa carrire, ce sentiment qui est un des traits dislinctifsde sa physionomie mystique ; ceci est rest le principal souvenir de son passage Ferrare. Quand il ne clbrait pas les prrogatives de sa Dame du haut del chaire; il avait coutume de chanter ses louanges. L'hymne de \enantius Fortunat : O gloriosa Domina, semblait lui appartenir. Cet lan d'amour filial tait, dit un historien, le souffle de son me; aussi souvent que l'air vital s'exhalait de ses lvres, aussi souvent cette hymne s'exhalait de son cur . Il la rptait dans toute rencontre; il la rendait avec des accents de tendresse et de confiance qui en faisaient une loquente prdication. Il parait que c'est dans l'Eglise de Sainte Marie dei vado que le Bienheureux allait se prosterner frquemment, pour s'y livrer son aise au lyrisme de son cur* C'est ainsi que cette glise est devenue clbre. Encore aujourd'hui, elle rveille la mmoire du chantre de la Vierge ; quand on prie sous ses votes antiques, on croit entendre retentir l'hymne sacre du pote poitevin, comme l'poque o Antoine l'entonnait .1 1

On ne peut pas s'empcher de porter envie l'enfancedessicles, quand les mes sont croyantes, naves et inspires. L'enthousiasme est la facult qui domine chez el'es : il les fait vibrer comme des harpes. Il ne nuit ni l'exercice de la raison, ni la vigueur du caractre ; mais en s'ajoutant ces qualits, il les achve et les rapproche de l'idal. Plu s tard la foi, sans rien gagner, perd ces charmes. Elle devient positive et correcte : elle ne se prserve pas toujours de la scheresse. L'antique simplicit provoque l'tonnement, quand ce n'est pas le sourire du ddain. Nous nous croyons suprieurs petit enfant gorg & Lisbonne et ressuscit par Antoine, pour qu'U dclart qu'il n'avait pas t mis mort par les parents du Saint, comme on les en accusait. Mais le systme historique adopt ici n'admet pas cette intervention du Saint en Portugal, parce qu'il suppose qu'U fut orphelin de bonne heure. i Dissertation, n 47. s Gaume : Les Trois Homes.

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DOS pres; et nousavonsenmoinslapuissancederamour. Mais quand le monde est vieux, peut-on esprer pour loi une nouvelle jeunesse? J N o s mes fatigues retrouveront-ellesunjourlanotesublimedel'enIhousiasme qui semble teint pour jamais? A Bologue,le Bienheureux visita ses frres qui occupaient le couvent fond par le saint Frre Bernard, Cinq annes s'taient coutes depuisqu'ilavait quiUcetteville.G'estlqu'ilavaitcommenc enseigner ; c'est l an "il avait fait en mme temps les premiers essais de son apostolat. Aujourd'hui Dieu le ramenait au berceau de sa gloire. Mais aucune pense humaine ne traversa son esprit. Il tait trop mort lui-mme ; il tait trop dtache des choses d'icibas et des faveurs de l'opinion, en particulier, pour se complaire dans ce souvenir. S'il prouva une motion, elle dut tre d'un ordre plus lev. Les saints se permettent d'aimer les lieux qu'ils ont parcourus et surtout lsmes qu'ils ont vanglises ; la condition que la vanit n'y aura pas de part. Les Frres Mineurs prodigurent au Bienheureux les marques de respect et de tendresse. Ils prouvrent une douce joie de possder au milieu d'eux cet homme extraordinaire, l'honneur de leur Ordre et la consolation de l'glise ; qui revenait des pays tranger?, avec le prestige des grands travaux qu'il avait accomplis et des succs ^u'il avait obtenus. Tant qu'ils jouirent de sa prsence, ils s'difirent au spectacle de ses vertus ; ils purent se convaincre que su rputation n'tait pas usurpe. Ils auraient souhait le conserver longtemps ; mais l'homme de Dieu tait esclave de l'obissance : il avait hte d'arriver sa destination. Cependant les Frres voulurent avoir un souvenir de son passage. Ils lui demandrent les sermons qu'il avait composs sur les psaumes, afin de les garder comme une relique. C'tait le fameux manuscrit dont il a t -parl au commencement de cette histoire, et qu'un novice fugitif lui avait drob. On sait la douleur que cet vnement lui causa, et les ifrais que fit la Providence pour lui rendre l'objet perdu . A lologne, il n'opposa aucune rsistance au dsir de ses frres : il1

* Chap. vu,

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leur remit sur-le-champ ses sermons. Depuis Montpellier, il avait n sans cloute le temps de les apprendre par cur, force de s'en servir dans ses courses apostoliques. Maintenant qu'ils taient imprims dans sa mmoire, il avait moins de peine les cder, parce qu'en les donnant il les gardait. Ces sermonsavaient converti beaucoup de pcheurs : ils pouvaient encore en convertir bien d'autres. Mais le temps qui lui restait vivre tait court ; sans dposer les armes, puisqu'il allait vers de nouveaux combats, il oprait ce dpouillement graduel de lui-mme, par lequel les saints se prparent leur transformation en Dieu. Ainsi l'aigle abaisse son vol, et laisse tomber les plumes te ses ailes, pour faire place d'autres qui le porteront plus loin et plus haut *. Le ministre gnral Jean Parent, natif de Florence, avait voulu tre agrable sa patrie, en lui donnant pour missionnaire le plus illustre de ses fils. Antoine arriva dan3 cette ville la fin de novembre 1223.11 la trouva, comme la plupart des autres communes de la Pninsule, en proie aux agitations de la guerre civile. Florence gracieuse et aimable, dj clbre par son got pour les arts, avait un pass glorieux. Aprs s'tre affranchie de la tyrannie des seigneurs et avoir fond ses liberts ; elle s'tait range du ct du pontife romain, et dfendait avec intrpidit l'indpendance nationale; elletait le boulevard du parti guelfe. Tant qu'elle fut unie, elie fut heureuse et prospre. Mais l'inimiti prive de deux familles puissants, les Buondelmonti et les Amdi, y dveloppa le germe fatal des factions guelfe et gibeline, dont chacune son tour expulsait* a ses adversaires et faisait alliance soit avec d'autres villes, soit avec les chtelains de la mme opinion . Le gnie de ses habitants, extrmement impressionable, et les institutions dmocratiques qu'elle s'tait donnes, taient d'autres causes des discordes qui rgnaient dans ses murs.3

Le bienheureux Antoine avait un vaste champ ouvert son zle. Pendant plus de quatre mois qu'il y sjourna, il attaqua les passionsAzzoguidi croit avoir dcouvert, au dernier sicle, dans la bibliothque du couvent de Bologne, ee prcieux manuscrit. 3 Csar Cantu: Histoire unrvemeiie taxa.;II, pag. 230.1

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dominantes avec sa vigueur accoutume. Toujours puissant par la parole, infatigable dans Faction, trouvant des forces dpenser mme quand la nature pousse bout demandait grce, il exert, une influence profonde. Les grands effets taient dsormais insparables de son ministre. Contrairement leur habitude, les historiens del vie du Bienheureux rapportent peu de traits remarquables de sa mission Florence. Us cilent cependant le miracle suivant qui permet d'en supposer bien d'autres uont le rcit n'est pas arriv jusqu' nous, a Un joui l'homme de Dieu devait parler aux funrailles d'un usurier noie toire. 11 prit pour sujet de son discours ce texte de l'vangile: L oit est votre fmor, l est votre cur. Dans le dveloppement 0 de sa pense, il dit entre autres choses : Ce riche est mort et il a t enseveli dans l'enfer. Allez visiter son coffre, et vous y trouce verez son cur, tandis que son cadavre est dj enterr.Lespte rents et les amis du mort ouvrirent en effet le coffre ; et ils apte perurent le cur de l'usurier au milieu des pices d'or et d'ar geut : il tait encore tout chaud Malgr l'obscurit du latin du moyen-ge, on peut reconnatre la trace de ce miracle dans celte antienne de l'office du Saint : Le cur qui poursuit des choses vaines et s'attache aux bagatelles, s'appesantit. Mais Antoine nous enseigne le chemin de la vie vritable . Le Bienheureux soutenu par des grces si clatantes, prchait la paix aux familles rivales. Il assoupit des haines qui devaient s'allumer encore et faire de Florence une arne sanglante. Si la voix des saints tait toujours coute, les destines des peuples seraient moins cruelles.r 1 8

Aprs le carme, le bienheureux Antoine qui menait tout de1 YiU anonyma, cap. xiz. > Grave cor qurentium Nugas vanitatem Discit per Antonium Vit veritatem. (Liturgie franciscaine du xm sicle. Antienne du 2 nocturne.)

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front, s'appliqua aux devoirs de sa charge. Toujours dvou aux lrts de son Ordre et jaloux d'en augmenter la gloire afin de .nieux procurer celle de Dieu, il se mit en route pour visiter sa province. On tait alors au printemps de l'anne 4229. 11 passa par Milan o il s'arrta pour prcher l'Evangile. Nous avons dj v u que les sectes manichennes taient mles un peu partout dans l'Italie. Milan tait le point centra des Vaudois qui occupaient principalement une partie de la Lombardie et les montagnes du Pimont. Deux circonstances avaient favoris leur progrs. D'abord ils taient les moins loigns de la doctrine catholique ; car au dbut, au lieu de dogmatiser, ils se contentaient 3e dclamer contre les abus du clerg ; ils prchaient la pauvret ; ils se conformaient, au moins en apparence, leur austre morale: leur vie pnitente tait un pige de plus tendu la foi des faibles. Ensuite ils avaient obtenu l'appui de l'empereur qui, dans la grande lutte soutenue contre l'Eglise, s'appuyRt sur les hrtiques, comme le pape s'appuyait sur les Ordres religieux. Frdric Barberousse avait compris e bonne heure le parti qu'il pouvait en tirer; aussi il les couvrait de son glaive dans tous les pays soumis sa domination. Frdric II ne fut pas plus scrupuleux. Celui qui ne craignait pas d'ouvrir les portes de l'Italie aux bandes Sarrasines pour arriver ses fins, n'hsita pas enrler les Vaudois dans sa croisade contre l'Eglise. Ceux-ci servaient d'autant plus volontiers un tel matre, qu'il les sauvait des chtiments de la loi sociale de l'poque, s'il ne pouvait pas leur pargner les anath* mes du pontife romain. Le Bienheureux ne laissa pas chapper une si belle occasion de proclamer les saintes vrits de la foi, et de les dgager de toutes les altrations qu'on leur avait fait subir. Il arracha, d'une main vengeresse, la peau de brebis sous laquelle les hrtiques se cachaient ; alors les loups semontrrentnu, tels que l'orgueil et la corruption du cur les avaient faits. Rarement le Bienheureux quittait le terrain, sans laisser derrire lui quelque conqute. Du moins il avait dissip les quivoques, et rvl le pril au pauvre peuple: le service n'tait pas mdiocre.1 1

* Chan. xi.

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De Milan, le Bienheureux se dirigea sur Verceil. D'aprs l'opinion la plus commune S l'abb de Saint Andr vivait encore* il eut Je bonheur de revoir cet homme vnrable dont le souvenu l'avait accompagn partout. Les deux amis se rencontraient de nouveau sur cette terre : ils avaient grandi tous les deux. L'un avait continu, dans le silence de la solitude, creuser les mystres de la science sacre, en exhalant le parfum de toutes vertus monastiques; Tautre avait parcouru l'Italie et la France, la croix la main ; et en se jetant, sans s'pargner, dans les luttes ardentes de l'apostolat, il avait acquis plus encore qu'il n'avait donn aux mes. Le bruit de ses succs et des miracles qu'il accomplissait tant arriv jusqu' l'abb de Saint Andr, celui-ci voyait toutes ses prvisions vrifies par les vnements ; au fond de son cur, il se rjouissait du bien qu'Antoine faisait dans l'Eglise. Ces deux hommes entre lesquels l'esprit de Dieu avait form des liens si forts et si doux, durent reprendre leur conversation interrompue cinq ans auparavant. Us s'levrent encore une fois jusqu'aux clestes hirarchies ; ils se plongrent dans la lumire idale qu'ils habitaient depuis longtemps. La splendeur de leur sagesse s'tait dveloppe.; la srnit de leur me avait augment ; leur regard, dj si pntrant, plongeait plus avant dans l'infini. Arrivs aux frontires de la vie, et penchs sur le monde invisible dont ils taient les citoyens anticips, ils se communiquaient leurs motions ; jusqu' ce que ravis en extase, ils ne parirent plus : ils coutaient ensemble une autre voix qui leur disait quelque ehose des saintes joies du Paradis. Les heures qui s'coulaient leur parurent courtes. L'abh de Saint Andr aurait voulu retenir toujours Antoine auprs de lui ; Antoine gotait du charme dans le commerce de celui qu'il appelait son matre ; mais la volont de Dieu les arracha l'un l'autre : ils taient de ceux qui ne savent pas rsister cette volont souveraine, quand elle est manifeste. Us s'adressrent de touchants adieux; ils se donnrent rendez-vous dans le Ciel, o le Bienheureux Antoine devait entrer le premier. * Missaglia Azevedo.

IHSTOIHE DK SAINT ANTOINE DIS PADOUE.

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A cette poque, le Bienheureux fonda dans la. petite ville de arse un couvent de Frre Mineurs. Toutes ses uvres avaient des dbuta modestes, parce qu'il voulait donner toutes le cachet de Thumilit ; car il savait par exprience qu'elles ne prosprent pas d'autres conditions. Il avait toujours devant les yeux la pauvre cabane abandonne ct de la ville d'Assise, dans la quelle l'homme de Dieu, Franois, s'tait retir avec ses compa gnons ; o ils vcurent selon la forme de la sainte Pauvret occups au travail et contents de peu ; cherchant leur rfection a beaucoup plus dans le pain des larmes, que dans les dlices de ia table . Il acheta une maison de chtive' apparence, ou il appela un certain nombre de religieux. Il prsida lui-mme leur installation ; il s'assura, avant de les quitter, qu'ils avaient dans leur pauvre couvent les choses les plus indispensables : il ne a ai* gnait pas de descendre jusqu'aux plus petits dtails. C'tait un dispensateur fidle et prudent que le Seigneur avait tabli pour gouverner sa maison, afin qu'il lui donnt, en temps opportun la mesure de froment ncessaire. Il fit creuser un puits au milieu d la oour: aussitt les eaux en jaillirent en abondance. On peut, en tou te vrit, comparer le serviteur de Dieu Mose qui conduisait le peuple d'Isral dans le dsert, et faisait sortir du rocher des eaux rafrachissantes. Gomme Mose adoucit par la vertu du bois qui tait le symbole de la croix, les eaux amres dont le peuple ne pouvait pas boire ; ainsi le Bienheureux, en bnissant les eaux du couvent de Varse, et en formant sur elles le signo de la cruix, leur communiqua la proprit surnaturelle de gurir les fivres malignes* Bientt les malades du pays accoururent de toute part: leur foi tait rcompense par le retour la sant.1

Cependant les habitants de Verceil, informs par la renomme du bienfait que l'homme e Dieu avait accord Varse, relam' Recolligit itaque se vir Dei cuiu ester** socis, in quodam tugurio dereUcto juxla civitatem Assisii, in quo secuadum sanct Puupertaty foraora in kbere mnUo et iaopa victitfcbant,raaj^ladiryinaraniqujiindetieinram parafent refict setagentee* (Saint Bonaveatee: Lgende de Suint franco,

chap. iv.)

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HISTOIRE DE SAINT ANTOINE DE PADCTC.

rent leur part de grce. Ils envoyrent des dlgus vers lui, pour le prier de retourner dans leur ville, afin de bnir les eaux de ieuprineipale citerne. II se prta avec complaisance leur dsir. tant revenu sur ses pas, il arriva Verceil qu'il avait quitt depuis peu de temps ; il se rendit sur la place publique ; et devant le peuple asscmW, il donna sa bndiction la citerne dont les eaux devinrent l'instant mdicinales. Le puits de Varse et Ja citerne de Verceil conservrent longtemps la vertu que le Bienheureux leur avait communique : des auteurs prtendent qu'ils la possdaient encore dans le dernier sicle Ainsi entre les mains d'Antoine, les eaux taient devenues une espce de sacrement : elles chassaient les maux du corps, comme dans le baptme elles effacent le pch de l'me. A l'exemple de Saint Franois, a il fai sait alliance avec toutes les cratures : sa pit avait une puis sant sans bornes ; car elle avait les promesses du temps de l' ternit . L'anne touchait sa fin. Le Bienheureux prit quelques joursderepos;ensuiteilcontinualecoursde ses travaux ma?" finies. Au commencement de 4230, il s'avana jusqu' B rescia ; u fonda dans le Val de Bregna un couvent qu'il ddia Saint Pierre ; il s'y fixa lui-mme, pendant plusieurs semaines ; et il fut le modle de ses frres par le spectacle difiant de sa vie. Non content d'observer la rgle comme le dernier religieux, il se livrait des austrits que la prudence de la chair lui interdisait, mais que l'amour divin lui faisait embrasser avec dlices. Son oraison tait continuelle ; son sommeil tait court ; encore mme le prenait-il sur une pierre dure, qui est reste comme le monument de son passage au Val de Bregna et le tmoin de son effrayante vertu : si les hommes pouvaient oublier la grandeur des saints, les pierres s'animeraient pour la proclamer.f

De l le Bienheureux gagna Vrone o il s'tablit. Eccelin, un instant touch par sa parole, s'tait abandonn de nouveau ses* Azzognidi. * Vere hc est fpietas) qu omnes creaturas sibi confderans, valet ad omoia, promissioncm habens vit qu nnrv- est et futurae. tSaiut Bonaven i ture ; Lgende de Saint F* nois, chap. y m.)

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instincts de frocit : il tyrannisait ses sujets comme auparavant. Rien n'indique que le Bienheureux ait tent aucune dmarche auprs de lui : on ne sait pas davantage s'il exera le ministre dans Vrone. Mais celte cit lui tait chre cause de ses malheurs; il lui tait doux de la trouver sur son passage, aQn de verser des larmes sur elle et de prier Dieu de la sauver des mains cruelles qui la dchiraient. Ensuite il alla au lac de Garde, o les Frres Mineurs avaient un couvent: ici il se mit prcher une mission qui donna de beaux rsultats. Il eut affaire avec les Yaudois qui taient nombreux et influents dans cette contre ; en combattant leurs.doctrines, il attaquait surtout les passions de leur cur ; plus jaloux de les convertir que de les convaincre, il leur montrait l'Eglise qu'ils avaient abandonne, et qu'ils poursuivaient de leur haine, comme une mre dont les bras s'ouvraient pour les recevoir et les pardonner. Il eut le bonheur d'en ramener un trs-grand nombre, qui abjurrent publiquement l'hrsie et restrent fidles leurs promes ses. Mantoue fut la dernire tape du voyage apostolique du Bienheureux. Ce voyage avait dur plus d'un an: il avait t fcond en entreprises magnifiques, partout couronnes de succs. Tout cela cotait cher au vaillant apotre ; il avait endur de longues fatigues ; mais au milieu de ses travaux, il surabondait de joie. La pense qu'il se dvouait la gloire de Dieu et la dilatation de son Ordre, soutenait son ardeur. Il disait avec Saint Paul : Jsus . Christ est ma vie : la mort me sera un gainiPhilHp. *, XXI.

CHAPITRE XVIII

Convocation des Frres Mineurs Assise* Dpart du bienheureux Antoine. Lettre de Grgoire IX au ministre gnral, et aux Frres runis en chapitre. Solennit de ta translation du corps de Saint Franois. Tenue du Chapitre gnerai. Discussion sur quelques points de la rgle, et sur le testament de Saint Franois. Jean Parent dpose sa charge de ministre gnral. Le Frre Eiie est lu sa place. Le Chapitre divis dcide de soumettre les questions controverses l'autorit du Saint-Sige. Le bienheureux Antoine est au nombre des dputs envoys Rome. Il fait sa dmission de provincial. Il est autoris prcher o il voudra. II est accueilli avec faveur par Grgoire IX. Sa part dans l'tude et la solution des difficults proposes. Rponse du pape. Ut glorificetis Deum, et Beatum Franciscum oignis laudibus preconisetis. (Lettre de Grgoire IX au Chapitre gnral des Frres Mineurs Assise.) Ad, hanc ecclesiam propter potiorem priacipalitatew, necesse est omnem convenire ecclesiam, hoc est eos qui sunt undique fidles. (Saint Irene.J

Le ministre gnral de l'Ordre des Mineurs avait adress des lettres de convocation aux Frres rpandus dans toute l'Europe, ainsi qu'aux princes chrtiens, pour k} translation solennelle du corps du bienheureux Franois, rcemment inscrit sur le catalogue des saints, dans la nouvelle glise ddie sa mmoire, La crypte 47

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PADOUE.

de cette glise, destine recevoir ce prcieux trsor et le dfendre contre les assauts que pourrait lui livrer une dvotion indiscrte, tait termine. On l'avait fortifie avec soin sur toutes ses faces : en ce temps l, ces prcautions n'taient pas inutiles. Les lettres de convocation portaient encore qu'on tiendrait Assise le Chapitre gnral, dans lequel on devait s'occuper d'affaires graves, touchant le bon gouvernement de l'Ordre. Elles annonaient enfin qu'on avait l'esprance de voir le souverain pontife prsider la crmonie. De si puissants motifs attirrent de tous les points de la chrtient un concours immense. On compta Assise plus de deux mille Frres. La multitude du peuple, compose d'hommes de tous les ges et de toutes les conditions, tait si considrable, que les murs de la ville ne purent pas la contenir. Il fallut la distribuer dans la banlieue et les campagnes environnantes, par troupes, qui logeaient sous des tentes, et se procuraient comme elles pouvaient les aliments devenus rares. Quand le bienheureux Antoine eut reu l'ordre de se rendre Assise avec ses frres, il laissa les travaux entrepris en Yntie et il se hta de partir. Il tait pouss par l'esprit de parfaite obissance dont il tait anime, et par sa tendresse de cur envers son saint Patriarche dont les ossements allaient tre exalts sur la terre, comme son me avait t glorifie dans le Paradis. Deux ans auparavant, il n'avait pas p assister la fte de sa canonisation, qui fut clbre Assise par un effet providentiel des circonstances ; et dans laquelle, on avait dploy un clat extraordinaire *. Le son des trompettes sacres annonant l'univers le triomphe du pauvre Franois, tait arriv jusqu' lui et l'avait fait tressaillir. Mais toujours occup des intrts de Dieu, il tait rest sur le champ de bataille, absent de corps et prsent d'esprit aux rjouissances de ses frres. Aujourd'hui il tait trait avec moins de rigueur : il n'tait pas exil des solennits de sa famille; aussi il courait prendre sa part au banquet dress pour tous. Tandis qu'on se prparait recevoir Grgoire IX qui s'tait oft Saint onaTCture : Xgeod* 4e Saint Franois, etap. xv.

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fort, on vit arriver une magnifique ambassade charge d'annon* -cer que, vu la gravit de la situation dans laquelle se trouvait TE* glise et les embarras toujours plus grands que lui suscitait l'empereur d'Allemagne, le souverain pontife n'avait pas cr prudent d'abandonner Rom*. En mme temps l'ambassade apportait de superbes prsents, pour rehausser la fte de la translation du corps du bienheureux Patriarche, et orner l'glise qui allait en devenir le tabernacle. C'taient une croix d'or, de grande dimension, garnie de pierres prcieuses et contenant une relique insigne de la Traie Croix ; des coupes d'argent et des vases sacrs en or, des ornements sacerdotaux trs-riches, un antipendium du plus haut prix, avec une somme considrable pour fournir aux frais de construction de l'glise. Ces prsents taient accompagns d'une lettre de Grgoire IX pourrie ministre gnral et pour les Frres qui -composaient le Chapitre gnral de l'Ordre : elle renfermait d touchantes preuves de la foi de ce pontife, et de la vieille amiti qu'il avait voue de Saint Franois. Aprs avoir t sa lumire et le protecteur de son uvre encore au berceau, il avait t choisi -de Dieu pour lui dcerner les suprmes honneurs de la canonisation. Maintenant c'est son corps qu'il entoure d'hommages, en adressant sa mmoire un nouveau: tmoignagne d'admiration. Cette pice est sa place dans eette histoire. Grgoire, vque, serviteur des serviteurs de Dieu, au ministre et aux Frres de l'Ordre, runis en Chapitre gnral. Le Seigneur, en manifestant ses misricordes qui surpassent toutes les uvres de ses mains, afin de renouveler la jeunesse de son unique Epouse comme celle de l'aigle, multiplie les si* gnes et suscite des prodiges qui sont des clairs au firmament des mes, et prcdent l'effusion de la grce salutaire ; tandis qu'il couronne de flicit dans le Ciel les fils de l'Eglise qui com battent ici-bas ; et qu' l'heure o il accorde leurs foies l'im mortalit bienheureuse dans la patrie, sur la terre il glorifie < leurs ossements par l'tat des miracles ; comblant ainsi d'allc * gresse cette mre des lus, en l'inondant d'une* rose qui la rend fconde. Par l, en effet, la fat de* l'Eglise est corrobore ; sou

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u esprance est soutenue, et sa charit se ranime ; ainsi la malice u de l'hrsie est confondue ; les chutes des faibles deviennent plus rares ; la conversion des pcheurs est prpare. Pour Nous, au milieu des perscutions sans nombre, et des angoisses infi nies que Nous pouvons mieux supporter que rapporter, Nous Nous sentons consol et rjoui,et Nuus ofrons au divin Ildemp teursNos louange el Nos actions de grce; parce qu'aprs avoir < prvenu des grces les plus merveilleuses le bienheureux Franr pis, notre pre et le vtre et peut-tre plus encore le ntre que le vtre, tandis qu'il vivait dans la chair ; maintenant qu'il ra gne avec lui dans le Ciel, il l'entoure des rayons d'une gloire in comparable. Sans parler des miracles dont il a t l'instrument pendant sa vie, dernirement encore, en Allemagne, un mort est ressuscit par son intercession, ainsi que Nous l'ont attest des personnages dignes de foi.C'est pourquoi Notre amour envers ce grand Saint, s'enflamme chaque jour davantage; et Nous trou> vous une douceur spciale clbrer ses louanges. Nous avons a la confiance que celui qui Nous a tant aims, pendant qu'il tait dans ce monde comme n'y tant pas, nous presse d'autant plus sur son cur, qu'il est plus prs de Celui qui est la charit essen tielle. Nous esprons aussi que vous, qu'il a engendrs Jsusc Christ et qu'il a fait hritiers des richesses de son extrme paue vret, vous que Nous portons dans les entrailles de Notre charit, avec l'ardent dsir de procurer le bien de votre Ordre, vous ne K cesserez de prier le Seigneur, afin qu'il fasse servir Notre salut a les maux qui Nous accablent. Mais afin qu'en marchant glorieusea ment sur les traces de votre Pre, vous mritiez d'arriver au terme o il est parvenu ; Nous vous prions tous et Nous vous con jurons par Jsus-Christ notre Seigneur, conformment aux ina tructions que vous a laisses votre bienheureux Pre, de por ter dans votre chair la mortification de Jsus, afin que la vie de u Jsus se manifeste en vous; comme aussi Nous vous exhortons a pratiquer l'humilit qui est une source de gloire, la patience qui c sera pour vous une armure impntrable, et surtout l'obissancee a Qui est la rei?e des vertus mogasiqaes ; sans oublier vos saintes

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< rgles qui sont l'hritage de votre Pre, et auxquelles vous devez * une inviolable fidlit, puisque vous tes devenus un spectacle tense et pntrante devant ses yeux ; qui s'vanouissait en disant la messe, et qu'on emportait comme mort, tandis qu'il vivait de la vie vritable. Une fois surtout, la flamme du divin amour em> hrasa son cur avec une ardeur extrme, et cet tat dora trois e ans entiers. Son cur alors se trouvait inond de consolations , consum par l'amour de Jsus-Christ, et livr presque continuel* lement aux extases et aux apparitions divines. Ge miracle eut lieu sur la sainte montagne de l'Alvernia Encore maintenant, on y montre l'oratoire o il conversait familirement avee Jsns* C'est le seul coin du monde qui se souvienne de lui.3

Saint Bonaventure vient aprs Jean d'Alveraia dans Tordre des temps. Hritier de l'esprit de Saint Franois comme de son auto* rite, il ne pouvait pas manquer d'aller sur la montagne des stigmates : son passage ne devait jamais s'effacer. C'est une chose digne d'attention que ce gnie si profond et si tendre, qui contenait plus d'amour encore qne de lumire, et qui a port si haut Ist .spculation del foi, trouva sur l'Alvernia la dernire formule de la* Fioretti,

chao. xuv et sain

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science mystique. Il nous a livr lui-mme ce secret dans les lignes suivantes : a Or il arriva, par la volont divine, que la trente * troisime anne aprs le passage de ce bienheureux Pre, je me retirai sur le Mont Alvernia, comme vers un lieu de repos, dans a le dsir de trouver la paix de l'esprit. L, tandis que je mditais quelque lvation mentale, je me rappelai, entre autres miracles, c la vision que le bienheureux Franois eut dans ce mme lieu : je veux dire la vision dn sraphin crucifi qui avait des ailes. 11 me sembla qu'elle figurait notre bienheureux Pre, ravi en extase, etla voie qu'il faut suivre pour arrivera la contemplation intime ce de la vrit. Car par les six ailes du sraphin, on peut entendre c les six degrs de lumire par lesquels l'me s'lve jusqu'aux ravissements de la sagesse chrtienne Ainsi donc les six ailes du sraphin reprsentent les six illuminations progressives qui commencent au monde sensible et conduisent Dieu vers qui l'on ce n'arrive que par Jsus crucifi Selon les six irradiations de la lumire, il y a six degrs des puissances de l'me, par lesquels * nous noua levons des choses infinies aux choses suprieures; des choses extrieures aux intimes ; des choses temporelles aux choses a ternelles, savoir : les sens, l'imagination, la raison, l'intelligence infrieure etla disposition morale.Ces facults, formes en nous par t la nature, dformes par le pch, rformes par la grce,doivent tre purifies par la justice, exerces par la science, perfection nes par la sagesse Telle est la division de f Itinraire de tme vers Dieu, ce trait si court et si complet de la connaissance, qui est toute la philosophie. Une philosophie base sur six ailes d'ange : cela surprendrait les esprits superficiels. Ceux qui liront jusqu'au bout VItinraire seront d'un autre avis. Au point de vue de cette histoire, je me contente de signaler dans les faits que je rapporte, l'alliance de la foi et de science, de l'amour et de la raison, qui constitue toute la science mystique. L'Alvernia fut le temple o se clbre ce mariage qui devait tre si fcond. Ainsi il demeure tabli que c'est de l'Alvernia que les Frres Mineurs ont reu tous les dons par Saint Bonaventure Itinraire de l'me vers Dieu pag.2, 4 , 1 6 , 1 7 .

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faits, e testament de leur pre, ses leons sublimes, ses stigmates, la posie, la science, et l'amour qui surpasse tous les dons, en lesachevant tous. En esquissant la physionomie des plus illustres plerins de l'Ai** vernia, je n'ai pas suivi l'ordre chronologique : j'ai franchi le bien heureux Antoine pour revenir lui. Je n'ai pas voulu le dtacher u cortge qui l'accompagne dans l'hisloire, pour lui laisser le bnfice de tous ces voisinages et le couronner des rayons qui en sortent. Si l'on calcule les dates des vnements de l'anne 1230, on serange sans peine l'avis des crivains qui soutiennent que le bienheureux Antoine, son retour de Rome, se relira sur l'Alvernia, environ l'approche du sixime anniversaire de la stigmatisation de Saint Franois : on sait qu'elle arriva le jour de l'Exaltation de la Sainte-Croix, 14 septembre de l'anne 1224. Sa dvotion pour te Graphique Patriarche et pour les plaies dont il avait t honor augmenta encore tandis qu'il gravissait h montagne o le prodige s'tait accompli ; aune heure qui en rsuscitait le souvenir tout rcent. Il se prosterna deux genoux, et il inonda de ses larmes, il couvrit de ses baisers, ce lieu chri o le Christ avait visit son ser viteur. Il n'eut pas besoin, pour imiter Mose devant le buisson ardent, de tirer sa chaussure ; car ses pieds taient nus. Mais il se dpouilla parfaitement de lui-mme ; pour s'abandonner l'action de la grce qui le sollicitait plus vivement que de coutume. Pendant les jours qu'il passa sur l'Alvernia, il entra dans un recueillement profond : il oublia le monde ; il se rapprocha du Ciel, et il gota, entre les fatigues de la veille et celle du lendemain, les dlices de la sainte oraison. Plusieurs fois, dans le cours de ce rcit, nous avons admir le parfait quilibre qu'il entretenait dans ses facults ; comment il se suspendait aux mamelles divines, pour alimenter sa vie intrieure dont les trsors se rpandaient en abondance sur son apostolat* Mas il penchait vers la contemplation : ce n'tait pas le moindre signe de sa saintet. U ne la quittait que par la charit et par obissance, pour la reprendre aprs avoir fait son devoir. Les clotres de

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Saint Vincent et de Saint Antoine des Oliviers ; les grottes de Forli et de Brive, tmoins de ses extases,, rptent encore ses gmissements : sur l'Alvernia, il se dpassa lui-mme. Anim par le seufe de son sraphique Pre, il s'leva jusqu' la plus sublime oraison. Semblable un fruit mr qui fait ployer sa branche, et se rapproche toujours plus du sein de la terre qui l'a produit; le bienheureux Antoine, encore jeune, avait la vieillesse de la vertu ; il tendait s'absorber en Dieu, son principe et sa fin, avec une vitesse qui augmentait, mesure qu'il tait plus prs du terme. Dans Part de l'oraison, il avait eu deux matres : Saint Denys l'Aropagite et le Saint-Esprit. L'Aropagite, dont il possdait la doctrine, lui avait appris que L'oraison est une chane lumineuse qui pend du faite des cieux et descend jusqu' terre; et que lorsque nous croyons, en la prenant toujours en avant tantt d'une main et * tantt de l'autre, la tirer nous ; en ralit nous ne l'entranons ((pas du tout ; car, prsente en haut et en bas, c'est nous qui mon tons vers les brillantes clarts de son radieux sommet . Le SaintEsprit, non content de lui montrer la chane, l'avait port s'en servir-; il le poussait vers des ascensions toujours plus leves, ne lui permettant pas de s'arrter en si bon chemin. Le dialogue du bienheureux Antoine avec Jsus-Christ, sur le sommet silencieux de l'Alvernia, est rest un mystre. L'me des saints est nn jardin ferm o Jsus-Christ pntre tout seul. Les saints ne rptent pas ce qu'ils ont dit Jsus-Christ : l'humilit scelle leurs lvres; ils ne trahissent pas les paroles de Jsus-Christ : leurs lvres sont impuissantes. L'histoire s'arrte devant les intimes unions de l'amour.1

Quelquefois Dieu ordonne ses serviteurs d'annoncer anx hommes ee qu'ils ont entendu. Alors nous recueillons les miettes cfui tombent de la table o ils se sont rassasis. Ou bien il veut que l'amour qui embrase leur intrieur, se rflchisse dans leur chair et la fasse resplendir. Rien de pareil n'arriva pour le bienheureux Antoine. L'Alvernia nous dit quelque chose du passage du Frre JeanetdeSaintBonaventmre;ilnousasurtoutapprisles miraclesdonti Saint Denys

l'Arooagife : Des Noms Divins, chap. m, pag. 158.

HISTOIRE DE SAINT ANTOINE DE PADOUE.

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il fut tmoin, quand Saint Franois le visita. S'agit-il d'Antoine? i l nous dit seulement qu'il l'a vu. Son nom n'est grav sur aucune pierre : aucun arbre n'est plant l'endroit o il pria. Ses stigmates, comme ceux de l'Aptre, sont rests invisibles ; ils ne sont traduits au dehors que par les ravages que l'apostolat laisss sur ses membres briss avant l'heure Sous le voile qui le couvre, nous devinons sa beaut intrieure ; et nous bnissons le Dieu qui inonde .-ses amis de dlices, en les cachant dans le secret de sa face. Gela n'empche pas la mmoire du bienheureux Antoine d'tre vivante sur l'Alvernia. L, il n'est nulle part, parce qu'il est partout. Il quitta - regret la sainte montagne d'o il avait touch le Ciel avec la -main : il sentait qu'il faisait bon au-dessus des orages de la vie. Volontiers il y aurait creus sa tombe, pour attendre la rsurrection. Ses services lui donnaient le droit d'aspirer au repos : mais le temps n'tait pas encore venu. Dieu qui le rservait pour des choses importantes, l'avait conduit l'Alvernia afin qu'il s'y remplit de l'esprit de Saint Franois, et qu'il y puist la force de dfendre son Ordre en pril. U en descendit, tremp pour les suprmes luttes. Nous verrons bientt le courage qu'il dploya et les fruits merveilleux de sa victoire. Aprs sa retraite, il reprit le chemin de Padoue. Usant de la libert qu'on lui avait donne au Chapitre gnral d'aller prcher o il voudrait, il se dirigea vers cette ville qui tait reste chre son cur. Il n'avait pas oublie le bon accueil qu'on lui avait fait, aprs le carme de 1228, tandis qu'il tait occup rdiger les Sermons du temps. Sans aucune complaisance humaine, il y revenait encore ; suivant en cela la pente de son me et le secret mouvement de la grce . Il y avait en effet du bien faire. Depuis deux ans le mal avait repris son empire : la foi du peuple tait de nouveau menace. La prdication du bienheureux Antoine avait forc l'hrsie manichenne se taire et se cacher. Cependant l'hrsie3

> Clat. v i , 1 7 1 Cor. i x , 2. Primum itaque libertatis hujusmodi cursum ad eivitatem Paduanam dlrexit, ubi jam prklera sinceram populi devotionem, dum opusculum quoddam enuouum dominicalium compilaret, exportas. (Vita anonyma. Apud Bolland. eau. in.)9

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n'tait pas morte : elle avait pouss des racines trop profondes dans le champ de l'Eglise. L'homme de Dieu lui avait port des coups terribles ; mais en ravageant sa vgtation malsaine, il n'avait pas pu l'extirper entirement. A la vue du terrain qu'elle avait gagn en son absence, il se mit la combattre. II se fit professeur de thologie une fois de plus. Il donna des le* ons publiques, dans lesquelles il exposa la doctrine chrtienne avee la supriorit qu'il apportait en celte matire. Il rfuta les sophfemes des Vaudois, des Cathares et des Patarins, secrtement encourags la rsistance par la politique de l'empereur d'Allemagne. Il n'eut pas de peine attirer autour de sa chaire u