Histoire de l'education, Mai, 1986, nº30

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    ISSN D221-628C

    -institut national de recherche pdagogique

  • HISTOIRE DE L'EDUCATION

    est publi par

    le Service d'histoire de l'ducation de l'I.N.R.P.

    Direction de programme 2

    Directeur de programme : Guy Caplat

    Secrtaire de la-rdaction : Pierre CaspardAssistante de la rdaction: Pnlope Caspard-Karydis

    La revue parat en janvier, maiet septembre (numro double)

    Service d'histoire de l'ducationInstitut national de recherche pdagogique

    29, ruedVlm75230 PARIS CEDEX 05

  • SOMMAIRE

    N 30 - mai 1986

    Michel MANSON: Pour une histoire de l'enfantdans l'Antiquit . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3

    Michel OSTENC : L'ducation en Italie pendant le fascisme:bilan et perspectives de reherches . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13

    Image et ducationYves GAULUPEAU : L'histoire en images l'cole primaire.Un exemple: la Rvolution franaise dans les manuelslmentaires(1870-1970).............. 29Serge CHASSAGNE: ducation et peinture au XIXe sicle:un champ iconique en friches . . . . . . . . . . . 53lisabeth BASSARGETTE : Une imagerie ducative:le mouchoir illustr rouennais . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 61

    Mlanges

    Une science laborieusement inutile: l'histoire de l'ducationet de l'enseignement (Thodore Barrau) ; La rivalit colenormale-cole polytechnique. Un antcdent: l'action dePasteur sous le Second Empire (Nicole Hulin) ; Note sur laconstitution d'une discipline d'enseignement: j'ducationphysique du XVIIIe au XXe sicle (Andr Rausch) . . . . . . . 67

  • Sommaire

    Notes critiques

    W. REINHARD (Ed.) ; Humanismus im Bildungswesen des 15. und16. Jahrhunderts (l.L. Le Cam); M.M. COMPRE; Du Col/ge aulyce (J. Quniart) ; F. DELFORGE ; Les Petites coles de Port-Royal (D. Julia) ; J. CARAVOLAS ; Comnius et l'enseignement deslangues (A. Chervcll ; R. CHARTIER (Ed.) ; Pratiques de la lecture(S. Le Men) ; S. LE MEN; Les Abcdaires illustrs du XIXe sicle(S. Chassagne) ; C. LANGLOIS; Le Catholicisme au fminin (M. Son-net); G. CHIOSSO; L'Educazione nazionale da Giolitti al primodopoguerra (M. Ostenc); E. PLENEL; La Rpublique inacheve(M. Crubellier); A. THEPOT (Ed.) ; L Ingnieur dans la socitfran(aise (J.-P. David) . . . . . . . . . . 87

    Comptes rendus

    La Bibliothque des amis de l'instruction (M. Crubellier) ; M. G.LONGIII ; L'Educazione esemplare (A. Choppin) ; Y. BISCI! ; LesTemples du savoir (S. Chassagne) ; L'cole primaire Paris, 1870-1914 (Ph. Marchand) ; J. BALLET; L Instruction la Guadeloupede 1880 1900 (A. Chambon) ; 1. COUPRY ; L'cole Ozanam Lyon (M.M. Compre); A. LEON; L 'Histoire de l'ducation au-jourd'hui(P.Caspard) 123

    Les articles publis sont indexs dans Historical Abstracts

    Illustration de la couverture ;Jeunes fil/es au piano, par Emile Boulard.Photo; Muse national de l'ducation.

    Directeur de la publication; F. Best.

  • POUR UNE HISTOIRE DE L'ENFANTDANS L'ANTIQUITE*

    par Michel MANSON

    Voici un livre beau et utile. Trs bien crit, par un professeur delittrature latine, il dpasse souvent le cadre de l'ouvrage de synthsesur l'enfant dans la Rome antique pour accder une mditation surl'enfant et l'enfance. Il sera, dornavant, l'ouvrage de rfrence pourtous ceux qui s'intressent l'histoire de l'enfant ou qui, tout simple-ment, cherchent comprendre la place qu'il occupe dans notre socit la lumire du pass. Ainsi, Jean-Pierre Nraudau rpond aux vuxde Philippe Aris qui souhaitait voir se prolonger sa recherche surl'enfant dans les socits anciennes et au Moyen Age (1).

    Cependant, J .-P. Nraudau nous prsente un tableau plus vari, etaux nuances plus subtiles, que celui de son illustre prdcesseur: onmesure par l les progrs effectus en ce secteur depuis 1960. Eneffet, si l'auteur reprend une partie des thmes abords par Ph. Aris(les ges de la vie, le vocabulaire dsignant les enfants, le sentimentde l'enfance, les jeux et les jouets, la famille, l'cole), il Y ajoute une

    * propos de Jean-Pierre Nraudau : Etre enfant Rome. Paris, LesBelles-Lettres, 1984,411 p., illustr., collection Realia.

    (1) Dans la prface la deuxime dition de son livre L'Enfant et la viefamiliale sous l'Ancien Rgime (1960). Paris, Le Seuil, 1973, XX-S03 p., icip.XIX.

  • 4 Michel MANSON

    tude des rapports de l'enfant avec l'hat et la religion, il insiste surles problmes juridiques et dmographiques et, surtout, chercheconstamment nuancer ces rsultats selon les diverses classes socialeset les diffrents courants de pense. Ainsi, tous les problmes concer-nant l'enfant dans la socit romaine sont examins, dans les discourscomme dans la ralit: on comprendra que le gain accompli dansl'tendue ait parfois, pour contrepartie, une tendance au survol, quilaisse le lecteur insatisfait! Cela donne aussi un plan un peu ds-quilibr.

    Les deux premires parties sont courtes (141 pages au total), dedeux et trois chapitres chacune, et cherchent dfinir l'enfance et lesdiscours sur l'enfant, qu'ils soient philosophiques, mdicaux, symbo-liques ou pdagogiques. La troisime partie (124 pages, six chapitres),aborde les rapports entre l'enfant et les institutions, tatiques et fami-liales, le situant dans la dmographie, dans le droit et face la religion,concluant sur les rites qui marquent la fin de l'enfance. La quatrimepartie (144 pages, cinq chapitres), intitule Scnes de la vie prive Il,rappelle les rites et les soins de la petite enfance, les jeux et les jouets,l'cole, analysant ensuite l'amour pour les enfants et ce qui concerneleur mort.

    Les sources utilises sont essentiellement les textes littraires,philosophiques et juridiques, bien que l'histoire de l'art soit aussi mise contribution, l'ouvrage tant d'ailleurs illustr de dix photographiesen couleurs et d'une vingtaine en noir et blanc. On peut, sur ce point,regretter l'absence de table des illustrations, qui ne sont pas numrotes et auxquelles le texte ne renvoie que de faon allusive. Cesdocuments, peintures, objets, sculptures, ne sont pas dats et lelecteur non initi aura sans doute quelques difficults les relier unephase prcise de l'histoire de l'enfant Rome. Ce problme de formerenvoie un problme de fond. ne considrer les documents archo-logiques que comme des illustrations des textes, ou des chos, on enarriverait vite ne pas les tudier pour eux-mmes. L'auteur le saitbien, mais son ouvrage reste bien plus dpendant des textes que de ladocumentation archologique et iconographique. Nous reviendronsplus loin sur la ncessit d'utiliser les sources archologiques pourbtir une histoire de l'enfant dans l'Antiquit.

    Terminons cette rapide prsentation de l'ouvrage par quelquesremarques concernant l'organisation matrielle des rfrences et de labibliographie: il y a l, en effet, un parti pris de la collection qu'ilfaut signaler. Les notes infra-paginales sont allges au maximum, nedonnant le plus souvent que la rfrence aux textes antiques et, plus

  • L'enfant dans l'Antiquit 5

    rarement, des indications bibliographiques succinctes, qu'il fautcomplter par la consultation d'un livret insr la fin du livre sousle rabat de la jaquette, et qui contient, outre la bibliographie, desrepres chronologiques, un lexique des auteurs anciens et des textesanonymes et un index des thmes. Celui-ci n'est gure dvelopp, etn'indique pas toutes les pages concernes par les rubriques; ainsi, lapoupe n'apparat pas qu'en pages 296 et suiv., mais aussi aux pages56 et 256. Nous comprenons bien qu'il s'agit d'atteindre un publicle plus large possible, en allgeant l'apparat critique et en donnant lestextes latins et grecs en traduction. Cependant, ce systme de rf-rences prsente une ambigut dsagrable. On pourrait croire quel'auteur n'a tir que des auteurs anciens qu'il mentionne certainsconcepts ou certaines analyses dont il est, en fait, redevable despublications qu'il ne citera, par ailleurs, que pour des points mineurs,ce qui ne permet pas au lecteur non initi de reconnatre les dettesscientifiques contractes par l'auteur.

    Il ne s'agit l, somme toute, que de dfauts mineurs au regard del'ampleur des perspectives et de la richesse thmatique de l'ouvrage,bien que, comme nous le signalions, cette dernire n'aille pas sansinconvnient. Pour prendre un exemple, les historiens de l'enseigne-ment seront sans doute dus par les 25 pages consacres l'cole,qui ne dispensent pas le lecteur de se reporter aux ouvrages spcia-liss de H.-I. Marrou, S.F. Bonner, etc. (1).

    J .P. Nraudau crit lui-mme: Tel qu'il est, ce livre est uneinitiation aux questions que pose l'enfant romain; il n'en puiseaucune et suggre des directions de recherche (p. 18) (2). Nousvoudrions notre tour proposer quelques axes de rflexion lis une mthodologie pluridisciplinaire. En effet, l'histoire de l'enfantest le type mme d'un champ de recherche qui ne peut tre saisique par l'entrecroisement des sources de toutes natures, chacunerelevant d'une ou plusieurs disciplines qui doivent tre tour tourutilises dans toute leur rigueur. Chaque type de source porte enlui-mme ses propres effets dformants quant la ralit que l'histo-

    (1) H.-1. Marrou: Histoire de l'ducation dans l'Antiquit. Paris, 1948;6e d. Paris, Le Seuil, 1965,646 p. ; S.F. Bonner :Education in Ancient Rome,Irom the eider Cato to the younger Pliny. Londres, Methuen, 1977, XII-404 p.

    (2) Pour aller plus loin dans une recherche sur l'enfant dans l'Antiquit, ondispose d'un outil bibliographique rcent: Margret Karras et Josef Wiesehfer :Kindheit und Jugend in der Antike. Eine Bibliographie, Bonn, R. Habclt, 1981,123 p., avec 1270 rfrences.

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    rien cherche apprhender, mais leur utilisation conjointe permetune saine critique rciproque et une meilleure apprciation de leurapport respectif.

    J) L'image de l'enfant dans la littrature latine et dans / 'artC'est un thme que J .-P. Nraudau a abondamment trait, que ce

    soit propos du vocabulaire de l'enfance, des discours sur l'enfant oudans le domaine des sentiments envers les enfants. Deux voies s'ouvrentici au chercheur.

    La premire consiste tudier exhaustivement le discours surl'enfant tenu par un auteur particulier; on pourrait raliser une sriede monographies-tests, choisies selon les poques et la nature desuvres. Ainsi, les nuances entre les diffrents discours sur l'enfant,selon les genres et la personnalit des auteurs, seraient cernes, pourune mme poque, avec une plus grande prcision.

    La seconde voie, c'est celle de la smantique historique, tudiantdiachroniquement un champ smantique, tel que, par exemple, celuides sentiments envers les enfants. Nous avons dj suggr quelquespistes ce propos (I) pour l'tude d'amare, carus, carissimus, diligere,diligentia, cura, curare, ou pour celle de la notion de douceur correle l'enfance (dulcis, suavis, mellito). J.-P. Nraudau cerne bien cesnotions, mais un relev systmatique des occurrences, en datant leurapparition et en distinguant les types de discours o elles s'insrent,apporterait sans doute d'utiles prcisions. De mme, un travail surla Pietas (2), quoique succinct sur le plan smantique, mais utilisantde faon quasi exhaustive le matriel numismatique, a montr l'intrtd'une saisie verticale d'un concept exprim la fois smantique-ment et iconographiquement. Nous ne croyons pas qu'il est illusoirede chercher rendre compte chronologiquement de l'apparitionde concepts lis l'enfant, comme la douceur, le plaisir, la joie, laTemporum Felicitas, etc. Avec toutes les prcautions qu'on voudraprendre, il reste que la littrature et l'art traduisent et manifestent, leur faon, l'volution des sensibilits. L'ouvrage de J .-P. Nraudau

    (1) M. Manson: The emergence of the smail child in Rome (Third cen-tury Be-First century AD) . History of Education (Londres), 1983, vol. 12,nO 3, pp. 149-159, spcialement pp. 153-155.

    (2) Id.: La Pietas et le sentiment de l'enfance Rome d'aprs les mon-naies . Revue belge de numismatique et de sigillographie, CXXl, 1975,pp. 21-80, pl. IX-XI.

  • L'enfant dans / 'Antiquit 7

    met en place les cadres de l'tude littraire, mais il conviendrait ausside faire des recherches approfondies sur l'enfant dans l'art, les docu-ments tant trs nombreux et trs varis, ce qui permet la constitutionde corpus abondants et souvent bien dats, dont le traitement feraitressortir les diffrences et les similitudes entre les discours littraireset les discours iconographiques, en ajoutant une rgionalisation dessensibilits et des cultures que seuls les documents archologiquessont en mesure de nous apporter. L'image de l'enfant que nous donneJ .-P. Nraudau est bien, comme le prcise son titre, celle de l'enfantromain, sans tenir compte de la diversit des Provinces.

    part l'histoire des sentiments, celle des gestes et des attitudesmrite d'tre entreprise: le bercement, que nous avons tudi propos d'un pre trs maternel}), du pome 17 de Catulle (I),mais aussi les embrassades (amp/ectar, camp/ectar, et leur famille),les caresses (b/anditiae), les enfants serrs sur la poitrine (in gremia)ou tenus sur les genoux (in sinu), etc. Passer en revue ces attitudesdes adultes envers les enfants, les gestes, les expressions physiques dela tendresse ou de la colre, et confronter un tel corpus de textesdats avec le corpus iconographique serait, comme nous l'avons djsuggr, trs clairant et d'une grande richesse pour l'analyse dusentiment de l'enfance. Nous n'aurons garde, au cours d'une tellerecherche, d'oublier ce que J.-P. Nraudau a si bien mis en place surles divers types de discours, et sur les glissements parfois impercep-tibles que les textes subissent, entre le tmoignage sur le rel etl'idalisation de l'enfance. Ces prcautions seront prendre aussipour l'tude de l'enfant et du pouvoir.

    2) L'enfant et le pouvoir RomeCe thme, qui occupe les pages 264-267 du livre de J .-P. Nraudau,

    mritait plus, et mieux. Il est vrai qu'il s'agit l d'un sujet complexeo s'entrecroisent constamment tous les niveaux du discours surl'enfant, repris et transforms par l'idologie politique du moment,s'inscrivant en slogans montaires, dans l'art officiel multipli partous les types de supports (temples, autels, peintures, lampes huileou pierres dures graves, etc.). Et, ce plan idologique, s'ajoute

    (1) Id: Puer bimulus (Catulle, 17, 12-13) et l'image du petit enfant chezCatulle et ses prdces$Curs . Mlanges de l'cole franaise de Rome, Antiquit,1978, nO 1, pp. 247-291.

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    celui d'une double ralit qui interfre sans cesse: l'enfant au pouvoiret l'enfant face au pouvoir. Expliquons-nous.

    Les monnaies romaines constituent un immense rpertoire dat desthmes de la propagande impriale, et il serait bon d'tablir le corpusde tous les thmes qui utilisaient l'enfant. L'tude sur la Pietas est, cet gard, significative: elle avait permis de constater un dcalagechronologique entre l'apparition du thme de l'amour envers lesenfants exprim par la Fietas, sur les monnaies, partir de 80-81 aprsJ .-c., et ses prenres expressions littraires, chez Cicron et Ovide.Tout se passe comme si le pouvoir rcuprait, pour mieux faire passersa propagande dynastique, certains traits du nouveau sentiment del'enfance apparu au 1er sicle avant J.-C., et ce mouvement va s'am-plifier. utilisant au Ile sicle, sous les Antonins, une trs large palettede concepts et d'images (l). Il nous a mme sembl possible demesurer la place qu'occupaient, dans la propagande montaire d'unempereur, les thmes avec enfants, et la diffusion qu'ils avaient eue (2).Mais il est vident que ce matriel numismatique obit des loisinternes et doit tre complt et corrig par tous les autres types desources.

    Le thme d'Ascanius puer est particulirement pertinent pourmener bien l'tude de l'enfant et le pouvoir, et il est possiblede montrer que le personnage mme de l'enfant Ascagne avait tforg sous l'impulsion d'une famille, les lulii, pour favoriser ses ambi-tions politiques (3). Pourtant, c'est avec Virgile qu'Ascagne prendtoute sa dimension: enfant rel, prince hritier au cur d'une tho-logie jupitrienne du pouvoir, modle idal de l'enfant-roi deslgendes. s'inspirant pourtant des monarchies hellnistiques, il estaussi le centre de l'idologie augustenne et de sa politique dynastique.Il deviendra le patron de la jeunesse de Pompi et son image serpandra partout, dans les forums, les temples et les maisons, du 1ersicle avant J .-C. jusqu'au Ve sicle aprs J .-C. Mais justement, cettepoque. sa reprsentation est investie d'un autre contenu idologique

    (1) Cf. J. Beaujeu: La Religion romaine l'apoge de l'Empire, t. 1, LaPolitique religieuse des Antonins (96-192). Paris, 1955 ; J.-P. Martin; Provi-dentia deorum. Recherches sur certains aspects religieux du pouvoir romain.Rome. 1982. Ces deux thses exploitent largement l'iconographie montaire.

    (2) M. Manson; Quelques remarques sur le type PIETAS AVG de Pos-turne (Elmer, l3e mission, 264 aprs J.-e.) . Bulletin de la Socit franaisede numismatique, 1974, pp. 652~58.

    (3) Dans notre mmoire de l'Ecole franaise de Rome, rest indit; Asca-nius puer et l'idologie impriale. 1979,195 p., XIV pl.

  • L'enfant dans l'Antiquit 9

    qu' l'poque augustenne (1). La richesse de ce thme, peineesquiss ici, fait cependant pressentir combien d'autres voies fruc-tueuses s'ouvrent la recherche en ce domaine. Il conviendra de lefaire avec cette mthode pluridisciplinaire qui, l'vidence, est iciindispensable; runir les corpus de textes et d'images, traiter ainsides sries documentaires et non des documents isols, en utilisantconjointement les analyses linguistiques, littraires et iconographiques.Le troisime axe d'une histoire de l'enfant fait appel, de faonencore plus ncessaire que les prcden ts, l'tude archologiquedes objets et des structures.

    3) Les jeux et les jouetsJ .-P. Nraudau consacre un chapitre (pp. 289-307) ce sujet,

    prcd par des rflexions sur le jeu dans le discours positif sur l'en-fant (pp. 98-103) ; nous pensons qu'il est possible d'aller beaucoupplus loin dans la prsentation des objets comme dans l'analyse duludique enfantin dans la littrature latine. Examinons successivementces deux points, non pour les traiter rellement, mais pour montrerl'tat de la recherche et ses possibilits de dveloppement.

    l:tudier les jouets antiques n'est pas une tche aise; aprs avoirrelev ceux que les textes nous dsignent comme tels, ce qui pose djdes problmes d'interprtation, il faut confronter les mots aux choses,c'est--dire aux objets trouvs dans les fouilles et aux rares images quipourraient nous faire voir des enfants avec des jouets. Les ambigutsqui demeurent, aprs cette triple confrontation, ne sont peut-trepas poser dans les mmes termes que Ph. Aris, cit et repris propos des poupes par J.-P. Nraudau (p. 297). Il n'y a pas de simu-lacres pour adultes en forme de figurines articules qu'on puisseconfondre avec les poupes-jouets: l'tude archologique de prs de500 poupes nous l'a prouv (2). La mise en srie de ces objets, l'tudestatistique de leurs dimensions et, surtout, l'analyse des structuresde dcouvertes permettent d'tablir une interprtation scientifiquede ces objets en tant que jouets peu prs certaine. Par contre, il est

    (1) M. Manson: Quelques remarques sur le Puer Ascanius du CodexVaticanus 3225, Pictura 16 , communication au colloque de mars 1979 Aix-en-Provence, L'Enfant au Moyen Age, Senefiance, nO 9, Paris, Champion,1980, pp. 27-41.

    (2) Thse de l'Ecole pratique des hautes tudes, 1978, Les Poupes dansl'Empire romain, le Royaume du Bosphore cimmrien et le Royaume parthe.tude archologique, 424 ff., CXXXIX pl.

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    10 Michel MANSON

    vrai que la poupe est surinvestie de significations: jouet pour l'en-fant qui la manipule et pour les parents qui l'ont achete, elle estaussi, pour ces derniers, un objet protecteur de leur enfant, soit que,iconographiquement, elle s'inscrive dans un univers magique oureligieux, soit que, la mort de l'enfant, devenue offrande funraire,elle l'accompagne dans l'au-del. Ainsi, les poupes de Kertch, capitaledu royaume du Bosphore cimmrien, ont trs souvent un long phallusarticul, comme les jambes, et son rle prophylactique est bien connudans l'Antiquit. Il faut donc se garder d'appliquer aux jouets antiquesnos propres critres ou des concepts historiquement dtermins,comme le maternage du jeu de la poupe qu'on ne peut pas projeter toutes les poques, comme le fait J.-P. Nraudau (p. 296) (1). Deplus. seule l'tude archologique des objets permet d'tablir leurralit matrielle, leur chronologie relative, leur rpartition gogra-phique, les milieux culturels o ils apparaissent, toutes choses que lestextes ne nous donnent pas. L'Empire romain a englob trop decivilisations distinctes pour qu'on puisse tendre toutes ses pro-vinces ce que les auteurs latins nous disent. Encore faut-il noter queles textes sur le jeu et le jouet sont relativement rares alors que lestmoignages archologiques sont beaucoup plus abondants.

    Pourtant. cela n'exclut pas d'envisager un travail plus approfondisur le ludique dans la littrature latine. Ainsi, l'tude exhaustive detoutes les occurrences des mots de la famille de ludus dans la litt-rature latine des origines Ovide (environ 1 300) permet de situerle thme du ludique enfantin l'intrieur des huit catgories deludique retenues, de suivre sa croissance quantitative et qualitative,significative non seulement d'un nouveau regard sur l'enfant, maisaussi d'une nouvelle conception du jeu et de son importance pourl'enfant. Confront l'tude archologique des jouets, cette tudedonne une vision plus prcise et plus fouille de ce sujet, suscep-tible de modifier bien des ides reues.

    Ainsi. en ce qui concerne les rapports si difficiles cerner entreles jouets et les objets magiques, entre les rituels ludiques et lesrituels religieux. Ce problme, que n'a pas abord J.-P. Nraudau, l'exception du texte de Ph. Aris et de quelques remarques dans lechapitre sur L'enfant et la religion (p. 248), est pourtant fonda-

    (1) M. Manson: Les ducateurs franais du XVlIle sicle et le jeu de lapoupe: du mpris l'exploitation pdagogique ,lnformotionen zur Erziehungs-und Bildungshistorischen Forschung, Heft 24, Univ. Hannover, 1984, pp. 161-176.

  • L'enfant dans l'Antiquit Il

    mental pour l'histoire des jouets et du jeu comme pour celle del'image de l'enfant dans la socit. Prenons l'exemple de la poupeet du mythe de Pygmalion (1) : quand Ovide nous montre le sculpteurhabillant et dshabillant sa statue, la caressant, lui apportant descadeaux, on est en droit de se demander, comme l'a fait JeanneDanos (2), si ce mythe n'est pas aussi un mythe de la poupe.Pour valuer la part, dans l'imaginaire du pote comme dans celuide la socit globale, du ludique enfantin et du monde des jouets,l'enqute doit clairer les diffrences et les similitudes qui existententre l'animisme enfantin qui rend vivante la poupe, l'animismemagique l'uvre dans l'envotement des poupes, l'animismereligieux qui permet de croire que les statues sculptes par Ddalepeuvent s'animer et quitter le temple. ces trois domaines de l'ima-ginaire correspondent des comportements, individuels et collectifs,des rituels. Cette recherche sur le jouet et l'imaginaire ne peut tre,elle aussi, que pluridisciplinaire, pour permettre, enfin, de mieuxprciser les frontires et les interfrences entre le champ du ludiqueet celui du sacr. Ainsi, le vaste dossier du mythe de la poupe nousincite la prudence en ce qui concerne l'histoire du jouet en gnralet, pour notre part, nous jugeons tmraire toute synthse sur ce sujetpour lequel les analyses de dtail manquent presque compltement.

    Devrions-nous dire de mme pour le livre de J .-P. Nraudau ? Peuttre ... , dans la mesure o l'histoire de l'enfant dans l'Antiquit n'adonn lieu qu' des travaux le plus souvent anciens, partiels, sansproblmatique relle, bien trop lacunaires. On comprend aussi quel'auteur ait voulu ne s'intresser qu' l'enfant romain, mais combienmanque alors une autre synthse sud'enfant grec, complmentaire etindissociable, souvent, de celle sur l'enfant romain. Le parti pristhmatique et gnral de l'ouvrage empche aussi de saisir la priodisation de cette histoire de l'enfant, qui ne peut ressortir que del'analyse conjointe de tous les types de documents. Pourtant, une

    (1) M. Manson; Le mythe de Pygmalion est-il un mythe de la poupe? in Colloque Prsence d'Ovide (sept. 1980). Paris, Les Belles-Lettres, 1982,pp. 101-137. Article prolong par; Y a-t-il un mythe de la poupe? in;M. Manson (Dir.) ; Les tats Gnraux de la poupe. Courbevoie, Centre d'tudeset de recherches sur la poupe, 1985, 172 p. i1I., collection Jouets et pouptes;tudes et documents, 2., pp. 103-124.

    (2) J. Danos ; La Poupe, mythe vivant. Paris, Gonthier, 1966,405 p.

  • 12 Michel MANSON

    telle critique ne serait pas recevable et nous ne retirons rien de ce quenous disions pour commencer sur l'utilit de cet ouvrage qui rpond une attente, comble un vide et suscite des rflexions fructueuseset l'intense dsir de poursuivre ce voyage au royaume de l'enfantantique.

    Michel MANSONUniversit Paris-Nord

  • L 'EDUCA TION EN fTALlE PENDANT LE FASCfSME :Bi/an et perspectives de recherches

    par Michel OSTENC

    L'histoire de l'cole a longtemps t assimile, en Italie, celle dela pdagogie; elle passait alors, sous l'influence de l'idalisme philoso-phique, pour l'actualisation de thories pdagogiques dans des insti-tutions scolaires (1). Un changement radical est survenu lorsque, sousl'influence des historiographies franaise et anglaise, l'histoire del'cole s'est tendue celle de l'ducation. Celle-ci a commenc dansles annes 1950 en respectant les critres de rupture et de continuitchers aux historiens de la pninsule (2). Elle s'est ensuite inspire demodles marxistes, l'volution propre cette idologie en Italieincitant les auteurs utiliser des mthodes diffrentes pour parvenir des interprtations nuances (3). L'influence persistante de l'histoirede la pdagogie n'est pourtant pas due uniquement l'hritage del'idalisme italien (4). Elle tient galement au contexte idologique

    (1) L. Ambrosoli : Variet e documenti : La storia della scuola italiana inalcune pubblicazioni recenti . Belfagor, 31 janvier 1980, pp. 77-78.

    (2) L. Borghi : Educazione e autorit nellltalia modema, Florence, 1951.(3) D. Bertoni-Jovine : La Scuola italiana dal 1870 ai giomi nostri, Rome,

    1958 ; A. Santoni Rugiu : 11 Professore nella scuola italiana. Florence, 1959 ;T. Tomasi: Idealismo e fascismo nella scuola italiana, Florence, 1969.

    (4) R. Laporta, Recensione aM. Ostenc : L'ducation en Italie pendantle fascisme . Studi di Storia dell'educazione, janvier-mars 1981, pp. 77-81 ;traduction franaise in: Revue d'histoire de la Deuxime Gue"e mondiale,octobre 1982, pp. 116-121.

  • 14 Michel OSTENC

    et culturel dans lequel l'ducation nationale est profondment im-merge. Dans un pays d'unit rcente, imprgn d'idal risorgimental,l'intellectuel du dbut du sicle se considre comme investi d'unemission d'ducation (1). La culture assigne la pdagogie un devoircivique prioritaire. L'idal national de formation du citoyen passeavant toute exigence d'galit civique ou sociale. Tel est le sensprofond de la pdagogie idaliste italienne, qui ralise ses objectifsscolaires avec la rforme Gentile de 1923, mais nourrit aussi d'im-menses ambitions culturelles. L'lstoire de l'ducation se plie auxexigences de ces origines culturelles nationales et tend ngligerla coupure du fascisme au profit de la priodisation sculaire deJ'Italie unitaire (2). Une telle dmarche, privilgiant la continuitentre l'Italie librale et le fascisme, traduit par ailleurs un parti prisidologique. Si bien que les origines culturelles de la rforme scolairede 1923 sont longtemps restes mieux connues que son applicationpar la dictature fasciste (3). La place du concept d'ducation nationalechez les pdagogues italiens du dbut du sicle est galement bien

    (1) M. Colin: Education, culture et mentalits dans IItalie librale (18601900) travers la littrature pdagogique. Thse dactylographie, 2 vol., Univer-sit de Paris-III, 1984, voir compte rendu: M. Ostenc, Histoire de l'ducation,janvier 1986, pp. 100-103; M. Ostenc : Intellectuels italiens et fascisme (1915-1929), Paris, 1983.

    (2) G. Cives: Cento anni di vita scolastica in ItaUa, Rome, 2 vol., 1960,1967; G. Ricuperati: La Scuola nell'ltalia unita , in: R. Romano, C. Vi-vanti: S'oria d'ltaUa, vol. V, tome 2: 1 documenti, Turin, 1973, pp. 1693-1736 ; G. Canestri, G. Ricuperati : La Scuola italiana dalla legge Casati ad oggi,Turin, 1976; G. Quazza: Scuola e politica dall'Unit a oggi, Turin, 1977 ;T. Tomasi, G. Genovesi, M.P. Tancredi Torelli, B. Incatasciato, S. U1ivieri,E. Catarsi: L 'lstruzione di base in !talia (1859-1977), Florence, 1978 ; T. To-masi: La Scuola secondaria in Italia (1859-1977), Florence, 1978; Ruolo,status e formazione deU'insegnante italiano daU'Unit a oggi, Milan, 1978;Ideologia e programmi neUe scuole elementari e magistrali dal 1859 al 1955,Florence, 1980 ; M.Ciliberto : " Armonia " sociale e "differenze "individuali :L'ideologia scolastica in Italia (1900-1943> , in : C. Pontecorvo: InteUigenza ediversit. Turin, 1981, pp. 13-70 ; Storia della scuola e storia d'ltalia dall'Unita oggi, Bari, 1982, voir compte rendu: A. Bechelloni, Histoire de l'ducation,janvier 1985, pp. 120-126.

    (3) E. Garin: Cronache di filosofia italiana: 19001943, Bari, 1955;H.S. Harri!> : La Filosofia sociale di Giovanni Gente, Urbana, 1960 ; G. Giraldi :Giovanni Gente, filosoto dell'educazione, pensatore politico, ritor17l/ltore dellascuola, Rome, 1962; A. Del Noce: Giovanni Gentile. La vita e il pensiero,Florence, 1971 ; M. Ostene : L'idalisme gentilien et la rforme scolaire ita-lienne de 1923 )}. Revue historique, avril-juin 1973, pp. 377396; M. Ostenc :

  • L'ducation en Italie pendant le fascisme 15

    tudie (1). D'autres perspectives de recherches, plus politiques,restent pourtant peu exploites. Certes, l'chec de la rforme scolaireprsente en 1921 par Benedetto Croce, ministre de l'Instructionpublique du dernier gouvernement Giolitti, est bien connu (2). Maisil est important d'examiner aussi l'influence exerce par l'ide dedcentralisation sur certains milieux idalistes, pour comprendrel'esprit des programmes d'enseignement primaire de 1923: l'tudede la rgion et celle des dialectes seront finalement touffes parl'administration autoritaire et nationaliste du fascisme (3). La luttepour la rforme de l'cole, mene par les idalistes dans l'immdiat

    L'ideali~mo gentiliano e la riforma scolastica italiana deI 1923 .1 Problemidella pedagogia. mars-juin 1976, pp. 201-222; M. Di Lalla: Vita di GiovanniGentile, Florence, 1975 ; M. Ostenc : L'ducation en Italie pendant le fascisme,Paris, 1980 ; S. Romano: Giovanni Gentile. La filosofia al potere, Milan, 1984.

    Sur Giuseppe Lombardo-Radiee, pdagogue: I. Picco: Giuseppe Lombardo-Radiee, Florence, 1951 ; R. Mazzetti: Giuseppe Lombardo-Radiee tra l'idea-lismo pedagogieo e Maria Montessori, Bologne, 1958; G. Catalfamo : GiuseppeLombardo-Radiee, Brescia, 1958; S. Hessen : L 7dealismo pedagogieo in Italia:G. Gentile e G. Lombardo-Radiee, Rome, 1960 ; G. Parente: Giuseppe Lom-bardo-Radiee, aposto!o della seuola nuova, Modica, 1961 ; G. Giraldi : GiuseppeLombardo-Radiee tra poesia e pedagogia, Rome 1965 ; Giuseppe Lombardo-Radiee , Riforma della seuola, aot-septembre 1968; E. Sordina : Il Pensieroedueativo di Giuseppe Lombardo-Radiee, Rome, 1979 ; G. Cives: GiuseppeLombardo-Radiee. Didattica e pedagogia della eollaborazione, Florence, 1970 ;Atti dei Convegno internazionale per il centenario della nascista di GiuseppeLombardo-Radiee (/879-1979), Rome, 1980; G. Cives: Antifascismo e atti-vismo in Giuseppe Lombardo-Radiee, Florence, 1983 ; M. Raicich : Scuola,cultura e politica da De Sanctis a Gentile, Pise, 1981, voir compte rendu:M_ Ostenc, Histoire de l'ducation, avril 1983, pp. 127-129. Le dbat porte surla pdagogie de Lombardo-Radiee et son autonomie par rapport l'idalismede Gentile.

    Sur Ernesto Codignola, voir: Ernesto Codignola in cinquant'anni di bat-taglie educative, Florence, 1967. Voir enfin: H.A. Cavallera : Augusto Guzzo:Scritti pedagogici, vol. 1 : Pedagogia teoretica, Bologne, 1983.

    (1) G. Chiosso : L'Educazione nazionale da Giolitti al primo dopoguerra,Brescia, 1983; Educazione e valori nell'epistolario di Giovanni Vidari, Brescia,1984.

    (2) R. Fornaca : Benedetto Croce e la politica scolastica in !tafia ne11920-1921, Rome, 1968 ; R. Colapietra : Benedetto Croce e la politica italiana, 2 vol.,Bari, 1969 ; U. Mazziotti : La politica scolastica dei quinto ministero Giolitti:l'esame di Stato , Cultura e scuola, avril-juin 1979.

    (3) M. Ostenc : Cultura regionale e decentramento nella riforma Gentiledei 1923 ,Argomenti, mars 1983,pp. 22-25.

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    aprs-guerre, rejoint en partie celle des catholiques du Parti populaireitalien (1); elle s'en distingue toutefois par des conceptions diff-rentes sur des points aussi fondamentaux que la libert de l'ensei-gnement ou l'examen d'Etat (2). Il convient aussi d'apprcier sajuste valeur le concept d'ducation nationale en le diffrenciant decelui d'ducation nationaliste (3).

    Nous connaissons mieux la politique scolaire de la gauche italienneau dbut du sicle et jusqu' la Grande guerre (4) ; mais nous nedisposons pas de travaux organiques suffisants sur les milieux laquesdes annes 1919-1925 (5). Sans doute, les positions de Gramscisont-elles trs accessibles dans L 'Ordine nuovo (6). Des travaux int-ressants exposent les grandes lignes de l'opposition socialiste larforme Gentile (7). Les positions du philosophe marxiste RodolfoMondolfo ont t tudies (8). Ces analyses doivent tre compltes.Les investigations menes partir de la revue Critica sociale, de

    (1) L. Ambrosoli: Anile (Antonio) , in : Dizionario biografico degliItaliani. Rome, 1961, vol. 3, p. 327; Libert e religione ne/la riforma Gentile.Florence, 1980.

    (2) M. Ostenc: Le programme scolaire du parti populaire italien: 1918-1920 . Pedagogia e Vita, octobre-novembre 1983, pp. 69-90; La politiquescolaire des Populaires des projets Croce la rforme Gentile: 1920- 1925 .Pedagogia e Vito, dcembre 1983-janvier 1984, pp. 171- 201.

    (3) G. Chiosso : L'Educazione nazionale da Giolitti al primo dopoguerra,Brescia, 1983; Educazione e valori neU'epistolario di Giovanni Vidari, Brescia,1984.

    (4) P. Zamperlin Turus : Il P.S.I. e l'educazione : alle origini di un impegno(18921914), Bologne, 1982; C.G. Lacaita: Socialismo, istruzione e culturapopolare tra 1'800 e il'900 : i riformisti , in : A. Riosa,ll socialismo riformista aMi/ano agli inizi deI secolo, Milan, 1981, pp. 379-401 ; C.G. Lacaita : Politicae istruzione popolare nel movimento socialista , B. Di Porto: L'istruzionepopolare nellc posizioni e nelie iniziative dei repubblicani , in : lstruzionepopolare nel/1talia liberale, Milan, 1983.

    (5) L. Ambrosoli : Variet e documenti : Storia dell'educazione in librircccnti ,Belfagor, 31 mai 1982,p. 319.

    (6) A. Gramsci: L 'Ordine nuovo (1919-1920), Turin, 1954.(7) L. Ambrosoli: L'opposizione socialista alla riforma Gentile in:

    N. Raponi, Scuola e Resistenza, Parme, 1978, pp. 113-124; Matteotti e ilP.S.V. di fronte alla riforma Gentile , in : L. Bedeschi, Studi e ricerche suGiacomo Matteotti, Urbino, 1979, pp. 127-132; T. Tomasi: Istruzionepopolare e ,cuola laica ncl socialismo riformista , in : T. Tomasi, Scuola esociet nel socialismo ri!ormista (1891-1926), Florence, 1982, pp. 9-38.

    (8) R. Gentili : Rodolfo Mondolfo e la pedagogia gentiliana . Studi distoria deU'educazione, janvier-mars 1982, pp. 3-37.

  • L'ducation en Italie pendant le fascisme 17

    Filippo Turati, montrent la richesse des perspectives qui s'ouvrentencore ce type de recherches (1). L'article de 1968 de GiuseppeRicuperati reste essentiel (2). L'importance de la question scolairedans le dbat politique italien au dbut des annes 1920 mriteraitd'autres tudes organiques sur les milieux radicaux du centre-gauche,le parti rpublicain et la mouvance librale. Or, nous devons nouscontenter de travaux strictement politiques, d'anthologies ou de bio-graphies (3). Il apparat actuellement que, dans l'Italie de l'immdiataprs-guerre, aucun projet ducatif ne vient s'opposer celui desidalistes. L'ide dominante, mme chez les libraux progressistescomme Augusto Monti et Pietro Gobetti, est la ncessit d'un retour des tudes svres et une cole slective.

    L'histoire des enseignants privilgie celle de leurs associations (4).L'tude de l'cole primaire au dbut de l'Unit italienne se prolongepar celle des instituteurs de la priode fasciste (5). Des lacunes sub-sistent pourtant, concernant l'association catholique Niccol Tom-maseo et, surtout, le Syndicat magistral italien, d'obdience socia-liste (6). Les objectifs poursuivis par ces organisations sont essentiel-

    (1) M.G. Rosada: Le Universit popolari in Italia: 1900-1918, Rome,1975; T. Tomasi: 1 socialisti italiani e la scuola (1892-1925)). RicerchePedagogiehe, janvier-mars 1979, p. 3 ; E. Catarsi : Critica sociale e i maestri in : T. Tomasi, Scuola e societ nel socialismo rijormista... op. cit., pp. 39-93 ;D. Pinardi : L'Universit popolare di Milano dal 1901 al 1927, in: La Cul-tura milanese e l'Universit popolare negli anni: 1901-1927, Milan, 1983,pp. 31-135.

    (2) G. Ricuperati: Il problema della scuola da Salvemini a Gramsci.Rivista Storiea Italiana, 1968, nO 4, pp. 964-1001.

    (3) S. Fedele : 1 Repubblieani di jronte al jascismo (1919-1926). Florence,1983; A. Salandra : Memorie politiche: 1916-1925. Milan, 1951 ; G. Giolitti:Diseorsi extraparlamentari, Turin, 1952; G. Salvemini : Opere. vol. V : Serittisulla seuola, Milan, 1966; F.S. Nitti : Scritti politici, Bari, 1963.

    (4) L. Ambrosoli : La Federazione nazionale insegnanti Seuole medie dalleorigini al 1925, Florence, 1967; Critica sociale}) e Federazione NazionaleInsegnanti Scuole Medie , in : T. Tomasi, Seuola e societ nel socialismo rifor-mista... op. cit., pp. 97-142.

    (5) E. De Fort: Storia della seuola elementare in Italia, vol. 1 : Dall'Unitall'et giolittiana, Milan, 1979; L'associazionismo degli insegnanti elementaridall'et giolittiana al fascismo . Movimento operaio e socialista, 1981, pp. 375-404 ; S. Ulivieri: 1 maestri, in : L 1struzione di base in Ita/ia.. , op. cit.,pp. 189-196.

    (6) F. Manzotti : 11 movimento magistrale cattolico e 10 Stato liberale .Rassegna storica dei Risorgimento, 1965, nO 4, pp. 463-488.

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    lement corporatifs et matriels; leur projet ducatif n'apparat que defaon pisodique (1). La formation des enseignants a retenu l'atten-tion des chercheurs, qui veulent mieux apprcier leur rle dans lasocit (2). Cette approche juridique et culturelle du problme doitcependant tre complte par une meilleure connaissance des condi-tions d'existence des matres: traitements, retraites, logements,servitudes administratives, relations avec le milieu local... Il fautgalement tenir compte de situations trs diverses en fonction desstatuts, des formations et des types d'tablissements. Le matre quienseigne dans une grande ville n'est pas dans la mme situation quel'instituteur rural; la figure de l'institutrice des campagnes reste large-ment mconnue (3). Nous ne disposons pas de travaux sur la mobilitgographique des carrires, ni sur la prsence persistante d'une culturergionale dans la formation magistrale. La fermeture du rle desprofesseurs du secondaire interdit la cration de chaires nouvelles etcontraint l'I:tat libral mul tiplier le recours aux auxiliaires dans desclasses adjointes, pour faire face l'afflux des lves. Cette situa-tion confuse mriterait des tudes locales, inexistantes dans les mono-graphies historiques actuelles. Elles permettraient d'apprcier leurjuste valeur les critiques idalistes contre l'enseignement officiel.L'cole prive ncessiterait aussi des travaux approfondis, en par-ticulier sur l'Associazione nazionale per gli interessi dei Mezzogiorno(A.NJ.M.I.) et la Societ umanitaria, regroupes depuis 1921 dansl'Opera contro l'analfabetismo (4). Pour les constructions scolaires,le matriel pdagogique et didactique, l'historien doit se contenter

    (1) B. Bigazzi, Recensione : M. Ostenc, La Scuola italiana durante il fas-cismo. Dimensioni, Anne VI, nO 19, p. 112.

    (2) G. Genovesi : 1 professori , in : T. Tomasi, La Scuola secondaria in/taUa... op. cit., pp. 31-87 ; A. Broccoli : L'insegnante e il sistema scolastica ,in : Ruolo, status e formazione deU'insegnante italiano daU'Vnit a oggi... op.cit.. pp. 1-134; A. Santoni Rugi : Orientamenti culturali, strumenti, didat-tici. inscgnanti e insegnamenti , in : Storia deUa scuola e storia d1talia daU'Vllit oggi... op. cit.. pp. 9-23.

    (3) D'excellents travaux de Simonetta Ulivieri sur la question fmininepermettent toutefois une approche du problme; S. Ulivieri ; Critica socialeed emancipazione femminile , in : T. Tomasi, Scuola e societ nel socialisrnoriformista... op. cit., pp. 185-234.

    (4) Nous ne disposons que des enqutes de Umberto Zanotti Bianco, descrits de Salvemini ou de ceux de Giuseppe Isnardi (G_ lsnardi : La Scuola. laCalabria, il Mezzogiorno. Scritti: 1920-1965, Bari, 1985). Voir: E. Decleva:Etica dei lavoro, socialismo. cultuTa popolare. Augusto Osimo e la societVmal/itaria, Milan, 1985.

  • L'ducation en Italie pendant le fascisme 19

    des descriptions de la littrature. L'tude de la demande socialed'ducation et de ses implications dans la crise conomique de l'aprs-guerre reste un parent pauvre de l'historiographie. L'ouvrage deMarzio Barbagli ouvre cependant des perspectives qui devraient tresystmatiquement approfondies par des travaux centrs sur despriodes plus limites (1).

    L'histoire de la jeunesse italienne n'a pas attir beaucoup dechercheurs. Les organisations tudiantes catholiques ne sont connuesqu' travers quelques chapitres d'ouvrages gnraux sur la Federa-zione universitaria cattolica italiana (F.U.C .1.) (2). Une associationtudiante comme Corda Frates , rgulirement dnonce commemaonnique ou protestante par ses adversaires clricaux, nationalistesou fascistes, n'a pas fait l'objet d'tude spcifique. On ne peut serenseigner sur les mouvements de jeunesse rpublicains ou socialistesqu'au hasard de la lecture d'ouvrages consacrs l'histoire politiquede ces partis. Les premires organisations de jeunesses fascistes sontmieux connues. Elles ont longtemps t abordes dans l'intentionde conforter une image idologique ou politique des premiers Fais-ceaux de combat et du Parti national fasciste (P.N.F.) (3). Sanschapper tout fait des arrire-penses analogues, des ouvragesspcifiques se sont efforcs d'tudier le mouvement dans la diversitde ses origines et les contradictions de ses premires manifestations (4).

    L'histoire de la rforme Gentile de 1923, et de la contre-rformefasciste s'efforant d'en dnaturer les effets, a beaucoup progresssous ses aspects pdagogiques et politiques (5). L'introduction de

    (1) M. Barbagli : Disoccupazione intellettuale e sistema scolastico in Italia(1859-1973), Bologne, 1974.

    (2) G. Marcucci-Fanello : Storia della Federazione universitaria cattolicaitaliana, Rome, 1971.

    (3) F. De Negri: Agitazioni e movimenti studenteschi nel primo dopo-guerra in Italia. Studi storici, juillet-septembre 1975, p. 752 et seq.; M.Ostenc: La mystique du chef et la jeunesse fasciste de 1919 1926. M-langes de l'cole franaise de Rome (M.E.F.R.M.), 1978, nO 1, pp. 275-290;J. Petersen ; Elettorato e base sociale dei fascismo negli anni venti . Studistorici, juillet-septembre 1975, p. 660 et seq. ; M.T. Giuntella; 1 gruppiuniversitari fascisti nel primo decennio dei regimc . Movimento di liberazionein Italia, avril-juin 1971.

    (4) P. Nello ; L 'A vanguardismo giovanile aile origini dei fascismo, D'ari,1978 ; C. Betti: L 'Opera nazionale Bal/ila e l'educazione fascista, Florence,1984.

    (5) M.Ostcnc; La Scuola italiana durante il fascismo, Bari, 1981.

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    l'enseignement religieux l'cole primaire souligne la distorsionexistant entre l'histoire de la religion souhaite par l'idalisme philo-sophique italien et le catchisme impos par l'glise avec la complicitdu fascisme (1). L'chec de la rforme en matire d'enseignementprofessionnel est trs vite manifeste avec l'effondrement de l'colecomplmentaire, vritable impasse scolaire conduisant au seul appren-tissage d'un mtier manuel (2) ; il explique, dans le contexte de criseconomique et de chmage des jeunes au tournant des annes 1930,la mise en place progressive de l'cole de formation au travail (3).L'litisme de l'enseignement du lyce suppose, par ailleurs, un fonc-tionnement rigoureux de l'examen d'tat (4). Les critiques fascistescontre cette pice matresse de la slection suscitent donc les ractionspassionnes des rformateurs (5). La contre-rforme fasciste metaussi en cause les Instituts suprieurs de magistre qui prparent l'inspection primaire:mais permettent aussi d'accder au professoratde l'enseignement secondaire. Le fascisme s'oppose cette promotionsociale et souhaite maintenir instituteurs et paysans la campagnepour des raisons idologiques et morales (6).

    L'originalit de la pdagogie idaliste par rapport au fascismeimplique aussi des diffrences politiques (7). Celles-ci sont mises enlumire ds 1923, lorsque l'opportunisme fasciste, sous la pressionde l'Eglise catholique, choisit l'idalisme de prfrence la franc-

    (1) M. Ostenc ; Rforme Gentile et contre rforme; Recherches et m-thodes l)' Ricerche pedagogiche, juillet-dcembre 1984, pp. 1-14 ; A. Del Noce; Gentile, gli equivoci e la riforma pedagogica . Il Tempo, 17 octobre 1985.

    (2) M. Ostenc; L'insucesso della scuola complementare nella riformaGentile e l'esempio della scuola Usodimare di Genova . Studi di Storia dell'educazione. 1984, nO 2, pp. 3-20.

    (3) L'tude de F. Cereja ; La scuola e il mondo dellavoro. Problemi dell'istruzione tccnica c profes~ionale , in : La Gasse operaia durante il fascismo,Anna/i della Fondazione Giangiacomo Feltrine//i, 1979-1980, Milan, 1981,pp. 51-90, eU trs intres~te, mais malheureusement trop gnrale.

    (4) P. D'Abbiero : L'e~ame di stato nella legislazione italiana , in: M.Dai Pra, L 'Esame di stato nella scuola ita/iana, Florence, 1962:

    (5) M. Ostcnc : Esame di stato e contro riforma scolastica (1925-1929) .Ricerche pedagogiche, juillet-dcembre 1985, pp. 36-47.

    (6) M. Ostenc : La politica scolastica dei fascismo . Studi di storia dell'educazione, 1983, nO l, pp. 14-27; Rforme Gentile et contre-rforme: re-cherches et mthodes . RiceTche pedagogiche... , art. cit., pp. 7 et seq.

    (7) M. Ostenc : 11 fascismo e la riforma Gentile: 1922-1923 , Quademidei Centro studi Carlo Trabucco, 1985.

  • L'ducation en Italie pendant le fascisme 21

    maonnerie (1). Nous connaissons mieux les programmes et les ma-nuels (2). Quelques disciplines ont retenu l'attention des historienspar leur signification politique (3). Un travail collectif remarquable at ralis sur l'idologie fasciste dans le monde de l'cole (4) ; maisle sujet est loin d'tre puis. De nombreux aspects de la rformescolaire de 1923 et de la raction fasciste mriteraient des travauxcomplmentaires. La dissolution des organisations magistrales n'a past replace dans le contexte historique de la victoire phmre ducorporatisme sur le syndicalisme dmocratique, avant qu'il ne soitdfait, son tour, dans la lutte interne au fascisme pour le pou-voir (5). On attend toujours une tude organique de l'Associazionenazionale insegnanti fascisti (A.N .I.F.) et de l'Associazione fascistadella scuola (A.F .S.), qui la remplace en 1930. partir de 1928,l'instauration progressive du livre unique de textes l'cole primairepuis au premier cycle de l'enseignement moyen, mriterait une tudeparticulire sollicitant la fois la politique de fascisation de l'coleet l'histoire de la pdagogie (6).

    Des lacunes, plus nombreuses encore, apparaissent au niveau del'administration de l'cole (7). Elles s'expliquent par la pauvret des

    (1) A.A. Mola : Storia della massoneria italiana dall'Unit alla Repubblica,1976 ; T. Tomasi: Massoneria e scuola dall'Unit ai giomi nostri, Florence,1980 ; M. Ostenc : Massoneria italiana, fascismo e riforma Gentile. Studi distoria dell'educazione, octobre-dcembre 1984, pp. 21-47.

    (2) G. Ricuperati : La Scuola e il Fascismo, Bologne, 1977 ; La scuolaelementare strumento dei regime fascista . Notiziario dell1stituto storico dellaResistenza in Cuneo e provincia, nO 21, juin 1982.

    (3) G. Ricuperati : L'insegnamento della storia dall'et della sinistra adoggi . Societ e storia, nO 6, 1979 ; G. Di Pietro: Potere politico e insegna-mento della storia dall 'et giolittiana alla caduta dei fascismo . Bollettinode1l1stituto della Resistenza di Alessandria, 1979, nO 2 ; Dalla riforma Gentilealla svolta dei 1930. Bollettino dell 'lstituto della Resistenza di Alessandria,1979, nO 3 ; Dagli anni '30 alla defascistizzazione . Bollettino dell1stitutodella Resistenza di Alessandria, 1979, nO 4.

    (4) G. Biondi, F. Imbcrciadori : Voi siete la primavera d1taUa... L'ideologiafascista nel mondo della scuola (1925-1943), Turin, 1982; voir aussi: M. Bel-lucci, M. Ciliberto :La scuoJa e la pedagogia dei fascismo, Turin, 1978.

    (5) M. Ostenc : La scuoJa italiana durante il fascismo... op. cit., p. 137 etseq.; E. De Fort: L'associazionismo degli insegnanti elemcntari dall'etgiolittiana al fascismo . Movimento operaio e socialista... art. cit., p. 395 et ss.

    (6) L. Finocchi, C. Minoia : Libro d'obbligo. Mostra storica dellibro per lascuola di base: 1500-1980, Pavie, 1980.

    (7) M. Ostenc : L'administration scolaire et la rforme Gentile. Prospet-tive Pedagogiche, janvier-mars 1984, pp. 13-31.

  • 22 Michel OSTENC

    archives du ministre de l'Instruction publique qui ne dispose pas deservice historique. Les chercheurs regrettent aussi l'absence de travauxsur les provditeurs, qui jouent peu prs le rle de nos inspecteursd'acadmie et de nos recteurs, et sur les conseils scolaires provin-ciaux (1). Le Conseil suprieur de l'Instruction publique n'a pas ttudi. Les efforts du fascisme intransigeant pour introduire la poli-tique l'cole et pntrer ainsi au cur de l'institution ne fontl'objet d'aucune tude systmatique (2). La slection de Gentile aentran, par ailleurs, la fermeture de nombreuses coles publiques etrejet des milliers d'lves vers l'enseignement priv. Celui-ci restetrs mal connu, si ce n'est par des renseignements fragmentaires (3).

    L'histoire de l'universit et de l'enseignement suprieur en est ses balbutiements (4). La rforme de 1923 ouvre pourtant troisdirections de recherches encore totalement vierges au niveau desenseignants, de leur carrire et de la pdagogie universitaire. Ellemodifie les conditions du recrutement des professeurs en le confiant des commissions d'tablissements et non plus de spcialistes; maiselle doit bientt faire marche arrire en a:loptant un systme mixte.Elle ne retient que les candidatures des libres-docents aux chairesvacantes afin d'offrir une garantie aux enseignants non titulaires desuniversits; mais elle doit, l encore, battre en retraite aprs quel-ques annes d'exprience (5). La rforme Gentile pose donc desproblmes essentiels comme ceux de l'autonomie didactique etpdagogique des universits, mme si elle les enserre dans le carcanautoritaire de la tutelle administrative et financire de l'tat. Elle met

    (1) L. Ambrosoli, Recensioni : M. Raicich, Scuola. cultura e politica da DeSanctis a Gentile.... Belfagor. 30 septembre 1983, p. 603.

    (2) M. Ostenc: Una tappa della fascistizzazione: La scuola e la poli-tica dall925 al 1928 },. Storia contemporanea. 1973, nO 3, pp. 481-505.

    (3) L. Ambrosoli: L'istruzione privata tra anarchia e speculazione .Belfagor. 30 novembre 1977.

    (4) Voir le travail controvers de B. Bongiovani et F. Levi: Le facoltumanistiche a Torino durante il fascismo , in : L'Universit di Torino duranteil fascismo, Turin, 1976, pp. 3-115 ; voir aussi: N. Bobbio : Trent'anni di storiadella cultura a Torino (1920-1950), Turin, 1977, pp. 22 et seq. Une mise aupoint trs gnrale dans: A. La Penna: Universit e istruzione pubblica , in :R. Romano, C. Vivanti: Storia d1tall, vol. V, tome 2... , op. cit., pp. 1737-1779. On attend avec intrt la parution en 1986 des actes du 3e colloque duCentro italiano per la ricerca storico-educativa (C.I.R.S.E.) sur l'Universit.

    (5) Le meilleur travail sur cette question reste celui de Henri Goy: La Po-litique scolaire de la nouvelle Italie, Paris, 1926.

  • L'ducation en Italie pendant le fascisme 23

    aussi l'accent sur la prcarit de la condition du chercheur pendantles longues annes qui prcdent son accession une chaire. Elleintroduit, enfin, les sminaires dans l'universit italienne, en esprantque cette pdagogie nouvelle, par la confrontation des mthodes desdisciplines complmentaires, permettra d'ouvrir des perspectivesneuves la recherche scientifique. L'enseignement suprieur offredonc tout un champ d'investigation l'histoire de l'ducation.

    Les Accords du Latran sont un tournant de l'histoire du fascisme.Les dispositions du Concordat marquent profondment la socitcivile et l'ducation; mais la mainmise clricale ne permet pas aucatholicisme conservateur d'tre reconnu comme l'idologie officielle.L'glise s'efforce d'ailleurs de mnager son avenir en formant sespropres lites (1). Simultanment, l'ambition totalitaire du rgimerejette le libralisme scolaire de Gentile comme un obstacle lafascisation de la jeunesse. Le durcissement de la politique du rgimeest sensible tous les niveaux de l'ducation. Le serment au fascismeimpos aux universitaires italiens accompagne la fascisation des aca-dmies et des socits savantes: il ouvre d'intressantes perspectivesde recherches que seuls les juristes ont exploites. La bonificationscolaire du quadriumvir Cesare De Vecchi mriterait aussi un exa-men approfondi: elle tatise l'cole toujours davantage, pse lour-dement sur l'universit au niveau du recrutement des enseignants,du cursus d'tudes impos aux tudiants et de l'organisation desfacults; elle introduit l'instruction militaire l'cole, mais ne par-vient pas fasciser l'esprit des enseignements. Le rgime doit recourir des cours libres pour enseigner la doctrine fasciste ; ds la findes annes 1920, il a mme cr des instituts spcialiss pour l'ensei-gnement des sciences politiques et du droit corporatif. Aucun travailorganique ne s'est attach cet aspect particulier de l'enseignementsuprieur. La Charte de l'cole de Giuseppe Bottai a, par contre,retenu l'attention des historiens (2). Elle traduit bien l'ambigut du

    (1) C. Ballerio: La Federazione universitaria cattolica italiana (1925-1939) . Italia contemporanea, 1975, nO 118; R. Moro: La Formazione dellaclasse dirigente cattolica (/929-1937), Bologne, 1979.

    (2) G.B. Guerri : Giuseppe Bottai, un fascista critico, Milan, 1976 ; S. Cas-sese : Bottai (Giuseppe) , in: Dizionario biografico degli Italiani, vol. 13,Rome, 1977 ; N. Nello : Mussolini e Bottai: due modi di concepire l'educa-z.ione fascista nella scuola . Storia contemporanea, 1977; AJ. De Grand:Bottai e la cultura fascista, Bari, 1978 ; T.M. Maz.z.atosta :Il Regime fascista traeducazione e propaganda (/935-1943), Bologne, 1978; R. Gentili : GiuseppeBottai e la riforma scolastica della scuola, Florence, 1979; L. Ambrosoli :

  • 24 Michel OSTENC

    fascisme (1) : elle s'efforce, d'un ct, de conserver l'humanismeclassique de Gentile en l'adaptant aux exigences conomiques desannes 1930 par l'introduction du travail manuel l'cole; maisel1e prtend substituer la formation de l'homme de Mussolini,excutant aveugle des volonts du chef, la slection des lites dela Nation; d'autre part, les effets de la cration d'une cole uniqueau premier cycle de l'enseignement moyen sont annuls par uneorganisation scolaire aux finalits strictement corporatistes; enfin,l'action de Bottai dans l'cole italienne reste associe aux lois racialesde 1938 et l'introduction de l'antismitisme dans l'enseignement.En fait, la Charte de l'cole ne parvient pas dtruire le contenudidactique de la rforme Gentile et l'cole de culture reste en gnraltrangre au fascisme. L'histoire de l'cole italienne pendant l'entre-deux-guerres reste donc essentiel1ement cel1e des directives ministriel1es. des programmes et des horaires. Elle ne connat pas suffisam-ment la vie des institutions, les rapports annuels d'enseignants, lessujets traits en classe, les relations entretenues avec les autoritsscolaires et politiques (2). El1e souffre de l'insuffisance des travauxd'histoire locale (3). Elle ne parvient pas encore reflter l'image dela socit (4).

    Le rgime peut agir plus librement dans les organisations de jeu-nesse qui sont d'authentiques coles fascistes. Quelques ouvragess'efforcent d'en retracer l'histoire (5) ; mais ce sont des synthses

    \'ariet e documenti : La storia della scuola italiana in alcune pubblicazionirecenti . Belfagor, .. , art. cit., pp. 82-83 ; T. Tomasi, G. Genovesi : Le sys-tme scolaire de l'etat corporatif: La Charte de l'cole . Revue d'histoiremoderne et contemporaine, juillet- septembre 1983, pp. 408-419.

    (1) J. Godechot : Une thse franaise sur l'Italie qui fait du bruit enItalie . Risorgimento (Bruxelles), nO 1-2, 1982, p. 98 et seq.

    (2) L. Ambrosoli : Recensione : M. Ostenc, La Scuola italiana durante ilfascismo... .Belfagor, 1981,fasc. V,p. 615.

    (3) A. Berselli, V. Telmon : Scuola e educazione in Emilia-Romagna fra ledue guerre . Annale 3 dell1stituto regionale per la storia della resistenza e dellaguara di liberazione in Emia-Romagna, 1983.

    (4) S. Bertoldi : Le riforme con i nomi di Gentile e di Bottai . Corrieredella sera. 12 avril 1981.

    (5) C. Betti, L'Opera nazionale Balla e l'educazione fascista. op. cit. ;M. Osten.:: L'ducation en Italie pendant le fascisme, Paris, 1980, pp. 233-270, pp. 363-378 ; E.R. Tannenbaum : The Fascist Experience. Italian Societyand Culture: 1922-1945, New York, 1972, traduction italienne: L'Esperienzafascista. Cultura e societ in Italia dal 1922 al 1945, Milan, 1974 ; N. Zapponi :11 partito della giovent. Le organizzazioni giovanili dei fascismo: 1926-1943 . Storia contemporanea. 1982, pp. 569-633.

  • L'ducation en Italie pendant le fascisme 25

    provisoires, faute d'tudes prcises sur les diffrents aspects du pro-blme. L'Q:uvre nationale Ballila (D.N.B.) connat, dans la secondemoiti des annes 1920, une phase d'organisation reposant moins surla ractivation des mouvements de jeunesse des premiers faisceauxque sur la fascisation d'organismes tels que les patronages scolaires.L'D.N.B. est donc une institution du rgime et non pas du mouvementfasciste. Elle est dote d'une administration bureaucratique. Sesactivits sont d'abord sportives et rcratives, le nationalisme et laglorification du Duce lui tenant lieu de formation politique. Lesacadmies fascistes charges de la formation du personnel d'encadre-ment, la conception fasciste du sport ne font toujours pas l'objetd'tudes satisfaisantes (1). Les conflits du fascisme et de l'f:glisejusqu' la crise de 1931 sont abords dans les perspectives diploma-tiques, politiques ou religieuses des Accords du Latran; aucune tudeorganique n'est consacre l'importance du rle de l'ducation dansces conflits. La transformation de l'D.N.B. en organisation de massen'a pas suscit d'tude comparable celle ddie aux loisirs ouvriersdu Dopolavoro (2). L'Q:uvre nationale Ballila mriterait pourtantdes tudes sociales portant sur son recrutement et des travaux d'his-toire locale sur le contenu ducatif de la formation dispense; demme, les diffrentes activi!s de plein air des colonies de vacances,les fonctions d'assistance et de prvoyance sociale, la prparationmilitaire et la formation politique mriteraient des tudes particu-lires (3). Une approche intressante et originale mrite d'tre releveavec la littrature pour l'enfance et les bandes dessines (4). La spci-ficit des organisations de jeunesse fminines devrait permettre demieux cerner la conception fasciste de la femme (5). L'f:cole de

    (1) F. Fabrizio : Storia dello sport in ftalia. Dalle societ ginnastiche ail'associazionismo di massa, Florence-Rimini, 1977.

    (2) V. De Grazia: Consenso e cultura di massa nell'Italia fascista, Bari,1981 ; The Culture of Consent. Mass Organization of Leisure in Fascist /taly,Cambridge, 1981, compte rendu: M. Ostenc, Histoire de l'ducation, dcembre1982, pp. 96-99.

    (3) R. Gentili : Istruzione premilitare ed educazionc della giovent fas-cista . Il Ponte, 1984, nO 4-5, pp. 155-166.

    (4) A. Facti : Guardare le figure. Gli illustratori italiani dei libri per l'in-fanzia, Turin, 1973; C. Carabba: Il Fascismo a [umetti, Florence, 1973 ;U. Silva :1 Fumetti dei papa, Milan, 1974.

    (5) M. Ostenc : La conception de la femme fasciste dans l1talie musso-linienne . Risorgimento (Bruxelles), 1983, nO 3, pp. 155-174; P. Meldini :SpoSQ e madre esemplare. fdeologia e politica della donna e della famigliadurante il fascismo, Florence, 1975 ; A.J. De Grand: Women under Italian

  • 26 Michel OSTENC

    mystique fasciste de Milan a suscit des travaux remarqus (1) ; maisaucune tude n'est consacre aux Faisceaux juvniles de combat,qui sont destins aux jeunes de 18 21 ans et qui comblent, partirde 1931, une lacune existant entre l'D.N.B. et le parti. L'(kuvrenationale BalIlla est remplace, partir de 1937, par la Jeunesseitalienne du cteur (G.LL.) qui est peu connue (2). Les Groupesuniversitaires fascistes (G.U.F.) ont retenu davantage l'attention deschercheurs (3) ; ce sont plus prcisment les ctoriales, manifesta-tions culturelles des G.U.F., qui intressent les historiens (4). Destravaux importants se sont attachs leur presse priodique pendantla Deuxime Guerre mondiale (5) ; mais l'organisation des G.U.F. enelle-mme n'a pas t tudie. L'histoire des jeunesses fascistes devraitprogresser dans deux directions: celle des institutions, avec leurcration, leur organisation, leur recrutement et leur encadrement;celle du contenu sociopolitique et culturel, avec les thmes idolo-giques retenus, les objectifs ducatifs poursuivis, les moyens et lesmthodes employs pour y parvenir (6). Cette dmarche sera d'autantplus fructueuse qu'elle s'insrera davantage dans les aspects les plusneufs et les plus stimulants de l'historiographie du fascisme: l'tudedes formes du pouvoir et, surtout, de la vie de ceux qui le subissent.

    Fascism . The Historical Journal, 1976, pp. 139-159; M. Saracinelli, N. Totti:L 'ftalia dei Duce. L 'informazione, /a scuola, il costume, Rimini, 1983.

    (1) D. Marchesini : La Scuola dei gerarchi. Mistica fascista : storia, problemi,istituzioni, Milan, 1976.

    (2) G. Bertone : 1 Figli d'ftalia si chioman bollila. Come e cosa isegnavala scuola fascista, Florence, 1975 ; M. Ostenc : La jeunesse italienne la veillede la Deuxime Guerre mondiale . Revue d'histoire de la Deuxime Guerremondiale, avril 1974, p. 47 ct seq.

    (3) R. Zangrandi : 1 giovani e il Fascismo , in : Fascismo e antifascismo.Lezioni e testimonianze, vol. l, Milan, 1963, p. 209 et seq ; Le Long voyage travers le fascisme. Paris, 1963; F. Catalano : 1 Movimenti studenteschi e /0scuola in Italia: /938-1948, Milan, 1969 ; M. Ostenc : Les tudiants fascistesitaliens des annes trente . Le Mouvement social, juillet-septembre 1982,pp. 95-106.

    (4) G. Lazzari : 1 Littoriali della cultura e dell'arte, Naples, 1979 ; U. Alfas-sic Grimaldi, M. Addis Saba: Cultura a passa romano. Storia e strategie dei lit-torioli della cultura edell'arte, Milan, 1983; A. Vittoria :/ntellettuali e politica.Antonio Amendola e la formazione dei gruppo comunista romano, Rome, 1985.

    (5) M. Addis Saba: Giovent /ta/lana dei Littorio. La stampa dei giovaninella guerra fascista, Milan, 1973.

    (6) A. Vittoria: Scuola e apparati educatori dei fascismo . Studi starid,avril-juin 1981.

  • L'ducation en Italie pendant le fascisme 27

    Au-del d'une histoire institutionnelle, qui reste il est vrai encoreincomplte, l'historiographie de l'ducation doit s'avancer plus rso-lument sur les terrains de l'conomie, de la socit et des menta-lits (1). Elle dpassera ainsi le stade des dcisions ministriellespour pntrer au cur du fait ducatif. C'est une tche immenseet passionnante laquelle nous convions instamment les historiensintresss par l'Italie.

    Michel OSTENCUniversit d'Angers

    (1) M. Ostenc : Hiitoriographie du fascisme italien: examen critique .Revue d'histoire de la Deuxime Guerre mondiale, nO 139,1985, pp. 3-23.

  • HISTORIA INFANTIAEIntemational Annual for the History

    of Early Childhood Education

    Volume 2.1985.Caspard, P. : The social interest taken in infant education withinthe family. An attempt at periodisation /XIXth - XXth cen-turies. - Catarsi, E.: Maria Montessori at the Congress ofWomen in London 1899. - Hewes, D.w. : The kindergarten asan assimilation program for immigrants to the United States,1880 to 1900. - Hohendorf, G. : The Kindergarten issue in theeducational sciences of the German working-c1ass movement. -Jedan, D. : Der Mutter- und Fremdsprachunterricht bei Klein-kindern und Grundschlern im Sinne Pestalozzis: eine Ana-lyse. - Misurcov, V.: Zur Entwicklung des tschechischenKindergarten im 19. Jahrhundert. - Smart, R. : We learn bydoing : The diffusion of Froebelian ideas and methods inEngland 1882-1914. - Vag, O. : Institutional preschool education and economic performance in Hungary from 1867 to1891.

    Documents on the history of early childhood education. -Abstracts. - Biographical note. - Reviews and annotations. -P.O.B. of the Editor. - Proceedings of the International Standing Working Group for the History of Early Childhood Edu-cation. - Information.

    Business address of the Editorial Office:Prof. O. Vg, E6tvos University, H-1088 Budapest,

    Rk6czi ut 5., Hungary

    Distribution: Kultura Il Hungarian Foreign Trading Company,Book Department, H-1389 Budapest, P.O. Box 149., Hungary.Price : USD 12.00.

  • L 'HISTOIRE EN IMA GES L'ECOLE PRIMAIRE.Vn exemple: La Rvolution franaise

    dans les manuels lmentaires (1870-1970)

    par Yves GA VLUPEAU

    Instruments privilgis de la transmiSSIOn des valeurs collectives,les manuels scolaires et, en particulier, ceux d'histoire de France,ont dj fait l'objet d'analyses qui ont soulign leur rle minentdans l'enracinement des institutions rpublicaines et la formationde la conscience nationale et patriotique des Franais (1).

    Toutefois, ces travaux qui soumettent les textes des manuels une lecture trs attentive, ngligent souvent l'illustration qui lesaccompagne, pourtant fort abondante ds les annes 1880 (2). Or, iln'est pas sr que l'impact des images, celles des manuels, celles des

    (1) Cf. notamment: J. Ozouf : Le Thme du patriotisme dans les manuelsprimaires)). Le Mouvement social, ocL-dc. 1964, pp. 5-31. C. Amalvi : La

  • 30 Yves GAULUPEAU

    planches didactiques qui, pour la plupart, en sont directement issues,celles des protge-cahiers historis ou des rcompenses hebdomadaires,ait t moindre que celui des mots crits, fussent-ils simples (ce quiest loin d'tre la rgle) et copieusement rabchs - en supposant,cette fois, que la leon effective du matre ait respect la lettre dumanuel. En tout tat de cause, il est indniable que ces images peruesdans l'enfance sont ensuite trs vivaces: l'exprience musographiquenous a maintes fois donn l'occasion de vrifier, dans le public, laforce des rminiscences qu'elles suscitent. Bien souvent, ni le tempsni l'acquisition ultrieure de connaissances plus labores n'onteffac leur fracheur originelle.

    Aussi bien, les images diffuses par l'cole appartiennent-ellessans conteste au vaste patrimoine de l'imagerie populaire (1) dont011 s'avise de plus en plus qu'elle est une composante majeure del'acculturation de masse. preuve, par exemple, l'intrt rcentport aux images de pit (2) ou aux abcdaires (3) dont l'appa-rente simplicit n'exclut pas la richesse smiologique.

    Cette perspective nous incite prendre en compte, de faonspcifique. les gravures didactiques}) d'histoire et, partant, treattentif l'aspect formel des manuels, leur mise en page, leurvolution morphologique, au rapport qui s'tablit entre les proc-cupations pdagogiques des auteurs et le style iconographique deleurs ouvrages.

    Pour l'historien soucieux de percevoir quelles images (au senshistoriographique) les manuels de l'cole primaire donnent du pass,la prise en compte systmatique de l'illustration offre, en outre,l'avantage de rendre possible une approche quantitative. En effet,l'analyse quantifie des textes est un exercice malais, surtout dslors qu'on aborde un vaste corpus. En revanche, la succession desimages dans un manuel ou un chapitre d'histoire fait apparatreune thmatique plus aise cerner. Elle forme un discours la foishomogne et concis: les sensibilits historiographiques, les conno-

    ( 1) En tendue au sens large de l'iconographie de grande diffusion : les pr-mices de notre ({ civilisation de l'image.

    (2) Catalogue d'exposition: L 1mage de pit en France, 1814-1914/C. Roscnbaum-Dondainc. Paris, Muse-galerie de La Seita, 1984. Cf. Histoire del'ducation, mai 1985, pp. 98-101.

    (3) S. Le Men: Les Abcdaires franais illustrs du X1Xe sicle, Paris,Promodis, 1984. Cf. infra, pp. 102-107.

  • La Rvolution en images dans les manuels 31

    tations idologiques s'y trouvent en quelque sorte rduites leur plus simple expression. Cette mthode, il est vrai, prsupposeune forte cohrence entre le texte et l'image. Or, l'exprience, cettecohrence n'est jamais dmentie. Certes, une mme image peutchanger de sens selon sa lgende, sa glose, en un mot son contexte.Mais l'objection perd beaucoup de sa force quand les comptages fontclairement apparatre des variations significatives selon les corpus(lacs et confessionnels, par exemple). Pour autant, cette approchene dispense pas, bien videmment, de dcrire de faon plus quali-tative les diffrents thmes iconographiques. La varit des illustra-tions, rsultant soit du choix des documents originels (telle estampeou telle peinture d'histoire prfre telle autre), soit de la compo-sition originale des illustrateurs, nous invite cette lecture d'imagesque nous recommandent, par ailleurs, les manuels eux-mmes.

    Le corpus: 200 manuels, 2 600 images

    f]abor partir du fonds de manuels scolaires du Muse nationalde l'ducation (1), notre corpus est de facto issu d'une pr-slectionalatoire, celle-l mme qui prside l'accroissement de toute col-lection musographique : collecte par dons ou achats, etc. Toutefois,la part du hasard est a priori sensiblement rduite par l'importancerelative de ce fonds: plus d'un millier pour la seule discipline histo-rique. Sur cette base, nous avons pris en compte la totalit des ma-nuels d'histoire de l'cole lmentaire entre 1870 et 1969, en li-minant, d'une part, les simples rditions, lorsqu'elles n'introduisentaucune modification de l'iconographie et, d'autre part, les ouvragesqui ne traitent pas de la Rvolution franaise (2).

    (1) Consultable au Muse national de l'Education, 39 rue Lacroix-Vaubois,76130 Mont-Saint-Aignan. La bibliothque de l'I.N.R.P. (29 rue d'Ulm, Paris Sc)possde galement un fonds important de manuels scolaires. Par ailleurs, unebanque de donnes informatise sur les manuels scolaires franais de la Rvo-lution nos jours est en voie de constitution au Service d'histoire de l'ducationde l'I.N.R.P., sous la direction d'Alain Choppin.

    (2) En principe, jusqu'en 1945, la Rvolution franaise n'est pas aborde auCE. En ralit, peu de manuels observent la lettre les dcoupages officiels. Laplupart des matres appliquent la mthode concentrique prconise par E. La-visse: chaque degr correspond un rcit plus ou moins dtaill de l'histoire deFrance des origines nos jours. Au demeurant, les diteurs les plus aviss nefont pas d'impasse; ainsi, chez Colin, coexistent vers 1900 deux CE de Lavisselui-mme, l'Un conforme aux programmes de 1894 (des origines 1453), l'autrerpondant aux exigences de la mthode concentrique.

  • 32 Yves GAULUPEAU

    Dduction faite de ces diffrentes catgories de manuels trangers notre propos, le corpus constitu reprsente 200 ouvrages. Onzed'entre eux (pour l'essentiel, ceux des annes 1870), peu ou pasillustrs, ne prsentent aucune gravure relative la Rvolution. Les189 exemplaires pourvus d'un chapitre illustr sont rpartis selon troiscritres simples:

    la chronologie: trois priodes nous ont paru prsenter une homo-gnit suffisante, tant sur le plan du style iconographique que dela thmatique: 1870 1919; 1920 1944; 1945 1969 (soitrespectivement 72,48 et 69 ouvrages).les niveaux, ramens deux en regroupant, d'une part, les coursprparatoires (CP) et cours lmentaires (CE) (niveau 1), ouvragesJ'initiation et, d'autre part, les cours moyens (CM), cours sup-rieurs (CS) et classes de fin d'tudes (CFE) (niveau 2) (respective-ment 69 ct 120 manuels).les ohdiences \), en distinguant les manuels de l'cole publiquelalque, naturellement les plus nombreux (151) et ceux de l'colelihre confessionnelle (38).A quelques rserves prs (don t la sous-reprsentation relative des

    manuels confessionnels l. ce( chantillon forme une base assez largepour nous permettre d'avoir une vue d'ensemble de la production,sans privilgier l'excs tel auteur ou telle collection (l).

    (1) Plusieurs sondages, diffrentes dates, effectus partir des listesdisponibles (catalogue tabli par le Muse pdagogique en 1889, publicationsdu Cercle de la Librairie, catalogues de libraires) en donnent confirmation.La quasi-totalit des ouvrages notoires de l'une et l'autre obdiences sont icireprsents. Toutefois, les chiffres exacts de tirage des principaux titres sontpour la plupart inconnus. Seules, les mentions figurant sur les manuels eux-m

  • La Rvolution en images dans les manuels 33

    Corpus des manuels

    Niveau 1 Niveau 2 Total(CP & CE) (CM, CS, CFE)

    18701919 24 48 721920-1944 12 36 481945-1969 33 36 69

    69 120 189

    Corpus des images

    Niveau 1 Niveau 2 Total1870-1919 178 674 85219201944 118 797 9151945-1969 323 524 847

    619 1995 2614

    Texte et image: l'volution morphologique des manuels

    Matire obligatoire l'cole primaire depuis 1867, l'histoire acontribu, pour une large part, au boom de l'dition scolaire sous laIlle Rpublique. En peu d'annes (grosso modo de 1875 1885),le manuel d'histoire de France change radicalement d'aspect et cettenouvelle formule, aussitt consacre, n'volue ensuite que par retouches successives jusqu' son rajeunissement complet aprs 1945.Soucieuses de figurer en bonne place sur un march en expansion

    CE (id.) 48000/an (1904-1926)CE Aymard - Cours Gauthier et Deschamps 70000/an (1928-1942)CE de Guiot et Mane (Delaplane) 30000/an (1904-1920)CM (id.) 35 OOO/an (1903-1920)CM.{:EP de Brossolette (Delagrave) 9000/an (1925-1937)CP de Guiraud (de Gigord) 14500/an (1928-1934)CE de Lavisse (Colin) 137000/an (1918-1939)Pour les chiffres de tirage de la maison Hachette, on peut se reporter C. Amalvi,Les Hros de l 'histoire de France, op. cit.

  • 34 Yves GAULUPEAU

    continue, les maisons d'dition ont rapidement pris acte des exigencesde la rnovation pdagogique: un rcit clair, aisment comprhensible,soulignant l'essentiel. facile mmoriser et, au moins pour les plusjeunes, sachant parler au cur et l'esprit ) (1). C'est d'ailleurspar le biais des petites classes que l'illustration reoit une justificationofficielle: le programme de 1882 prconise en effet, pour les classesenfantines, 1' explication d'images. Mais quelques diteurs n'ontpas attendu l'incitation ministrielle: E. Lavisse, ds 1876, rsumeainsi la conception de ses Leons prparatoires d'histoire de France: La leon est toujours trs courte; elle comprend un texte de quel-ques lignes, voil pour la mmoire; un rcit et une gravure: voilpour l'imagination )). Sous l'effet de la concurrence, l'imagerie didac-tique, rare encore dans les annes 1870, prolifre tous les niveauxd\:nseignement :

    Nomhre de pages par image (2)

    1880-18991900-1919

    CE2.561.14

    CM

    3,51.55

    CS

    4.7

    Associe une disposition typographique plus varie et soigne(texte dcoup en paragraphes courts numrots, usage systmatiquede l'italique et du caractre gras), j'image parachve une mise en pagequi donne, ds 1880-85. aux manuels rnovs un indniable air defanlille. qu'ils soient dits par Colin (E. Lavisse), Delagrave (LouisCons) ou Picard (E. Zvort) (3).

    L'illustration prsente galement d'videntes similitudes: vignettesen noir. de petit format, insres dans le fil du texte, hormis quelquesrares pleines pages. Jusqu'en 1900, la technique communmentutilise est la gravure sur bois. Aussi bien, les diteurs font courarn

    Il) cr. P. Giolitto: Naissance de la pdagogie primaire (1815-1879),tome III. Grenoble, C.R.D.P., 1980.

    (2) Les donnes quantitatives reposent essentiellement sur l'tude deschapitres d'histoire de la Rvolution franaise, largement reprsentatifs desmanuels dans leur entier.

    (3) Sans minorer le rle d'A. Colin (Cf. P. Nora: op. cit.), il n'est pasais de dmler la part d'innovation ct d'imitation de ces diffrentes maisons,lors des premires rditions.

  • La Rvolution en images dans les manuels 35

    ment appel des dessinateurs qui ont acquis une certaine notoritnotamment comme illustrateurs de romans pour la jeunesse. Ainsi,des dessins de F. UX ou F. Philippoteaux (illustrateurs des Voyagesextraordinaires de J. Verne, chez Hetzel) figurent dans les manuelsde Calvet et Mingam (Jouvet), Gauthier et Deschamps (Hachette),Aulard et Debidour (Cornly). Les plus belles gravures des manuelsde Lavisse doivent leur finesse au talent de A. Robida et F. Raffin(dont les dessins se retrouvent dans les ouvrages de Devinat et Tour-sel) (1). Des dessins d'A. Lemaistre, Frdric Mass, Canedi ou Bornbled figurent galement dans notre corpus. Mais la production laplus abondante est due E. Mas (chez Colin, Hatier et Barnoud)et, surtout, G. Dascher (Belin, Picard, Gedalge et Delaplane) tandisqu'un tandem lyonnais, Thomas et Gauthron, assume en totalitl'illustration (rdite jusqu'en 1947) des manuels de Viator.

    la diffrence des priodes anciennes de l'histoire de France, peu documentes et donc propices la fiction, les illustrateurs dis-posent, pour la Rvolution, d'un stock important de rfrencesiconographiques plus ou moins canoniques: estampes ou peinturesdu muse Carnavalet, du Muse de l'histoire de France Versaillesou du Cabinet des Estampes de la Bibliothque nationale, voire lessuccs rcen ts de la peinture d'histoire (telle La mort de Barra deWeerts, ds le salon de 1883). Aussi, selon les sujets traits et lapersonnalit des dessinateurs, le style des vignettes oscille entre lagravure de reproduction et la composition originale.

    Ds la fin du sicle dernier, quelques manuels contiennent deshors-textes en couleurs. Ainsi, le CE de Vast et Jallifier, en 1887,chez Ract et Falquet (procd chromotypographique mis au pointpar l'imprimeur Tolmer) ou l'Histoire de France de G. Ducoudray(CE, CM, Hachette, 1891) tandis que les ouvrages de Bailleux etMartin (CE, Putois-Crett, 1892, Se d.), de Plomion (CM, Garnier,1897) et Dallis et Guy (CE, Gedalge, 1900) ont des gravures encouleurs dues respectivement A. Lemaistre, Bombled et G. Dascher.Ces initiatives coteuses sont d'ailleurs sans lendemain. Dans lesdeux dcennies qui suivent, on ne relve gure qu'un CE de Laclefet Bergeron (Delalain, 1910, 8e d.) illustr de gravures en couleursde F. Toubre. Au total, pour la priode qui va de 1880 1919 lacouleur ne reprsente gure que 1,3 % des illustrations.

    (1) Ferdinand Raffin a par ailleurs illustr une Rvolution franaise deMichelet, chez Gcdalge (1937).

  • 36 Yves GAULUPEAU

    En revanche, ds le dbut du XXe sicle, la photogravure se subs-titue progressivement la gravure manuelle pour les dessins au trait,tandis qu'apparaissent (chez Picard et Hatier, ds 1905) les premiersclichs trams qui, en figurant les demi-teintes, permettent de repro-duire des uvres picturales sans l'intermdiaire (et l'interprtation)d'un dessinateur.

    Ces modifications qui peu peu affectent l'imagerie didactiquersultent vrai dire davantage de la concurrence entre diteurs quedes proccupations des auteurs. Ces derniers, en effet, en jugerpar leurs prfaces, prennent rarement en compte l'aspect techniqueou esthtique de l'illustration (1). Les noms des illustrateurs, quelleque soit leur notorit, ne sont jamais (ou presque) cits (2). Ladimension pdagogique est, naturellement, davantage prise en compte.LIn consensus apparat sur l'utilit de la gravure pour les classesenfantines et le cours lmentaire. Les directives officielles vontd'ailleurs dans ce sens et, la base, les matres qui s'expriment dansles confrences pdagogiques ou les congrs sont trs demandeurs (3).

    (1) Entre 1880 et 1920. 60 % des prfaces ne font aucune allusion l'illus-tration, contre moins de 50 ~ entre 1920 ct 1944 ct 12 %entre 1945 et 1969.Cne " commission de la dcoration des coles ct de l'imagerie scolaire reoitparmi ses attributions le contrle du caractre pdagogique des planches, gra-vures. bons-points. etc. Son comit permanent. prsid par E. Guillaume (inspec-teur gnral de l'enseignement du dessin, ancien directeur des Beaux-Arts, futurprofesseur au Collge de France ct directeur de l'Acadmie de France Rome)s'intresse essentiellement la diffusion des gravures d'histoire de l'art. Toute-fois, le rapport rdig en avril 1881 par Ch. Bigot au nom de la commission, scproccupe galement des gravures didactiques d'histoire: Un des plus vifsregrets de la commission a t de trouver trop rarement des compositions histo'riques dignes (d') tre recommandes. L'diteur qui apprendra l'enfant Illieux aimer la patrie en racontant aux yeux ses grandes joies et grands deuilsaura bien mrit de l'ducation nationale. Cf. F. Buisson, Dictionnaire depedagogie, Paris, 1887.

    (2) Seule exception: le CM de J. Hay (Barnoud, 1907) : les dessins decct ouvrage sont dus la plume de M.E. Mas, l'un de nos meilleurs illustrateursdans le genre historique.

    (3) Cf. Giolitto, Op. cit., LIlI, p. 110 pour le congrs de 1881. Par ailleurs,Blanchet ct Toutain dans la prface de leur CE (chez Belin, 1917, Ile d.) fonttat de cette demande: la grande majorit des matres a mis le vu, soitdans les confrences pdagogiques, soit dans les congrs, que le premier livred'histoire destin aux enfants de l'cole ft un livreatlas, c'est--dire, un livred 'histoire expliqu par l'image.

  • La R~'olution en images dans les manuels 37

    Pour les niveaux suprieurs, les commentaires, plus rares, invoquentl'excellence de l'enseignement par l'aspect, doctrine pdagogiqueofficielle des dernires dcennies du XIXe sicle, dans l'enseignementconfessionnel comme l'cole publique (I).

    Entre 1920 et 1940, les caractres gnraux de l'illustration con-naissent une volution lente, pratiquement interrompue entre 1940et 1944. Globalement, l'image poursuit son essor quantitatif:

    Nombre de pages par image

    1900-19191920-1944

    CE1,141

    CM

    1,551,2

    CS2,21,3

    Dans la plupart des manuels, la mise en page reste inchange. Toutau plus introduit-on, en nombre croissant, des tableaux de vi-gnettes regroupant sur une mme page jusqu' 8 ou 10 images. Lesreproductions photographiques (clichs trams le plus souvent d'assezmauvaise qualit) atteignent dornavant Il,4 % du corpus. D'autrepart, la photogravure des dessins au trait a supplant la gravure ma-nuelle. Ces innovations, justifies sans doute par l'abaissement descots, donnent aux manuels de cette priode un aspect d'ensembleassez terne. La couleur y reste un luxe rare (2,5 % du corpus) : quel-ques hors-textes en quadrichromie illustrs par Firmin Bouissetchez Albin Michel (CM de Duprez, le d. 1924), par A. Car1ier chezIstra (CM de Besseige et Lyonnet, c. 1930) ou par Job chez Delagrave(CM de Brossolette, 1935). signaler toutefois l'apparition chezHachette, en 1931, du premier manuel tout en couleurs (le CP deGauthier et Deschamps).

    La continuit qui prvaut chez beaucoup d'diteurs assure unelongue survie aux illustrateurs d'avant-guerre, tels Raffin et Robidachez Colin ou Thomas et Gauthron pour les manuels de Viator. Mais,aux alentours de 1930, s'affirment dans quelques ouvrages une nou-velle gnration d'illustrateurs et un nouveau style iconographique.

    (1) Cf. le dveloppement de J'esprit d'observation qui est prn aussi bienpar Bailleux et Martin (l'~cole), F.T.D. (Lib. gnrale catholique et classique),Lavisse (Colin) ou Plomion (Garnier) : Nous avons tenu ce que ce livreprsentt un nombre considrable de gravures. L'cnscignemcnt par J'aspect estd'un puissant secours et permet d'pargner un temps prcieux.

  • 38

    ..

    Yves GA UL UPEA U

    En effet, la matrise des procds photographiques libre peu peul'illustration originale des servitudes du dessin de reproduction. Dslors, la gravure de cration tend revtir l'aspect d'une fictiondidactique, destine reprsenter des scnes indites (scnes dela vie quotidienne, par exemple) et, surtout, confrer l'imageriedans son ensemble une coloration plus expressive et plus troitementconforme l'esprit du manuel.

    Le graphisme des illustrateurs s'accorde aux exigences de ce nouvelexpressionnisme didactique: une stylisation dans le got art-dco(cf. L. Plaine pour les manuels de Bonne, Bibliothque d'ducation)ou, plus souvent, une excution dj proche de la bande dessine(cf. A. Bonamy pour Guiraud chez de Gigord ; J.L. Beuzon pourGauthier et Deschamps chez Hachette; A. Carlier pour Besseige etLyonnet chez Istra ou G. Garbaye dont quelques dessins apparaissentans le CM de Lavisse (1933) aux cts des gravures canoniques pourla plupart inchanges. R. Micheau-Vernez dont le dessin renoue avecla simplicit de trait et la force d'expression des bois gravs de l'ima-gerie populaire, nous offre sans doute, de cette tendance, l'exemplele plus frappant (Guillemain-Le Ster, td. de l'tcole).

    Dans la mme priode, les prfaciers restent trs discrets en matired'illustration, s'abstenant, sauf exception, de tout commentaired'ordre esthtique (1). Le rle pdagogique de j'image est, en revanche,de plus en plus valoris. Chez Hachette, la gravure est qualifie de pice matresse du matriel pdagogique (cours Gauthier etDeschamps, CM par A. Aymard, 1929). La mthode des causeriessur images aux CP et CE n'est pas conteste: Des rcits quiencadrent des images, ainsi se dfinit dsormais le CE de Lavisse(Colin 1943,41 e d.). Pour les CM et CS, la gravure est souvent jugeindispensable l'tude de la civilisation (2). Par ailleurs, le principe

    (1) Le seul illustrateur cit dans une prface au cours de eette priode estFirmin Bouisset, qualifi de grand artiste (CM de Duprez, chez Albin Michel,le d. 1924). Cet lve de Cabanel, peintre, lithographe et affichiste, ayantdbut au Salon en 1880, est alors en fin de carrire. Il meurt en 1925.

    (2) Elle est le thme majeur des tableaux de vignettes. A noter, cetgard, la publication par Lavisse et Parmentier chez Colin, ds le dbut dusicle, de tableaux muraux d 'histoire de la civilisation franaise (illustrs parLeeouitre) qui renouvellentL 'Histoire de France en Cent tableaux de P. Lehugeur(chez Lahure, depuis 1880), les deux planches du Graphique illustr et colorid 'histoire de France de Vaquez et la srie historique de L'enseignement par lesyeux chez Hachette qui reproduit (en couleurs) des peintures d'histoire clbres

  • La Rvolution en images dans les manuels 39

    des collections documentaires prend le relais de l'enseignementpar l'aspect }) (1) : c'est l'poque o les cahiers d'lves commencent se couvrir de reproductions de toutes sortes: cartes postales, images collectionner, etc.

    Aprs 1945, les tendances nouvelles apparues dans l'entre-deux-guerres atteignent rapidement leur plein panouissement. Progrstechniques et finalits pdagogiques, conjuguant leurs effets, provo-quent une mutation spectaculaire des manuels. L'heure est l'all-gement, celui des horaires :

    Histoire et gographie

    192319451956

    CE2 h 301 h 301 h

    CM3h2 h 301 h 30

    CS3h3h3h

    et, par voie de consquence, celui des manuels qui, en moyenne,perdent 23 %de leur volume pour le niveau 2 et 36 %pour le niveau 1.

    Le nombre relatif des images, stable pour les manuels de niveau 2,con tinue de progresser au CE (de 17 % par rapport 1920-1944).Mais surtout, la dimension des illustrations s'accrot sensiblement(2). Le rapport du texte et de l'image tend s'inverser. Souvent,l'illustration sort du cadre troit de la vignette, envahit les margeset dborde sur le texte lui-mme alors inscrit en surimpression. Lacouleur, pour la premire fois, est utilise de faon significative:elle reprsente 28 % du corpus (dont la quasi totalit des pleines-pages) contre 2,5 % en 1920-1944. Les reproductions photogra-phiques, dont la qualit s'est nettement amliore, progressent, pourleur part, de Il,4 49,5 %.

    (dont la Canonnade de Valmy d'aprs H. Vernet). Dans les annes 1930, Istradite gal