Histoire de La Vie Politique Fiches

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    Histoire des ides politiques

    Introduction gnraleLa notion de modernit est polysmique, elle appelle des usages trs varis. De nombreux motscomme celui-ci souffrent de la surcharge smantique, cad qu force davoir tellement designifications, ils ne veulent plus dire grand-chose, et pourtant on ne peut pas sen passer. Une des

    manires de concevoir la modernit, cest la sortie du thologico-politique. La modernit tend eneffet dissocier ce qui relve du thologique et ce qui relve du politico-juridique : les normes,les lois, les valeurs ne sont pas purement et simplement donns par le religieux. La sortie du

    thologico-politique est donc une grande dissociation moderne, qui correspond la sparation delEglise et de lEtat. Ce processus de sortie du juridico-politique est un trs long processus : les

    dissociations modernes oprent sur la trs longue dure, parce quau fond la modernit nous apparat a

    travers les dissociations. La dissociation de la science et de la thologie fait galement partie decela : cest une logique par laquelle le savoir acquiert progressivement son autonomie par rapportau religieux. Autre exemple : la dissociation de lconomie et de la morale . Ces dissociations sontcontestables, et toutes sont contestes.

    Ce sont des processus longs et complexes, autrement dit parler de ces sicles couls vise rendreintelligibles certaines dynamiques, certaines longues volutions. Les choses se font des rythmesdiffrents, suivant des modalits diffrentes, diffrents espaces. Il y a parfois des retours en arrire,

    cette dissociation na pas la mme forme, elle peut intervenir trs tt dans la pense et trs tard

    quelques fois. Il sagit donc dune manire de penser, et ces processus sont toujours actifs.La modernit peut se comprendre comme la sortie du thologico-politique. A terme, cela signifie que

    lespace politique est un espace dsenchant, scularis, laque . On entre dans un espace dans

    lequel les normes ne sont plus donnes sur le mode de lvidence comme cela pouvait tre donn dans

    les socits antiques et traditionnelles. Des socits qui fonctionnent lhtronomie puisent leursnormes dans la tradition, alors que dans les socits autonomes, on dcide nous-mmes des normeset des valeurs que lon veut avoir. Les normes des socits autonomes sont fondes par

    largumentation, et non plus par la tradition. Nous nous croyons, nous nous pensons autonomes : cest

    une manire subjective de voir les choses, ma is cest de cette manire-l quon se reprsente les

    choses. La notion de dsenchantement du monde est une autre manire de parler de modernit, etcela conoit la modernit par mprise du religieux . Quand on parle de dsenchantement du monde,on a en tte Max Weber (Le savant et le politique). Weber conoit la notion de dsenchantement dumonde de deux manires diffrentes : dans un sens strict, cela signifie :

    - llimination de la magie comme technique du salut, cad la dmagification dumonde ;

    - dans un sens plus gnral et mtaphorique, Weber dfinit le dsenchantement du mondecomme un phnomne de dprise de la religion sur les reprsentations que se font leshommes de leur vie.

    Dans ce texte, Weber dit quil sagit dun processus qui caractrise le dveloppement de lOccident

    moderne, qui se caractrise lui par la rationalisation et lintellectualisation. Un monde rationalisest un monde dans lequel simpose la conviction que tout ce qui advient ici-bas est rgi par des lois

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    que la science peut connatre, que donc tout est connaissable et terme tout peut tre maitrisablepar la technique. Lintellectualisation et la rationalisation croissantes ne signifient nullement une

    connaissance gnrale croissante des conditions dans lesquelles nous vivons, elle signifie bien plutt

    que nous savons ou que nous croyons qu chaque instant, nous pourrions, pourvu seulement que

    nous voulions, nous prouver quil existe en principe aucune puissance mystrieuse et imprvisible qui

    interfre au cours de la vie Weber. En fait, cette nouvelle vision du monde exclut progressivementlintervention de la magie dans nos vies : on dveloppe une connaissance, qui se poursuit en matrisetechnique, et qui dbouche en prvisibilit. Cest pourquoi cette vision est une vision dsenchante,et le problme auquel Max Weber est sensible. En effet, avec le dsenchantement du monde, nous

    avons une connaissance du monde accrue, mais qui porte sur les causes, les processus qui sepassent et que nous pouvons de plus en plus matriser. Ex : on peut expliquer de quelle faon se

    produisent les mouvements des astres, etc. Le monde tel que nous le percevons est de plus en plus

    explicable en termes de causes et deffets, mais une fois quon a expliqu ces choses-l, lexplication

    ne nous donne pas le sens, la finalit de ces phnomnes . Au fur et mesure que le monde se

    rationalise, on a de plus en plus dexplications et de moins en moins de sens.

    La notion de dsenchantement du monde a t largement dbattue au XXme sicle. Pour MarcelGauchet, qui a crit Le dsenchantement du monde , cest une vritable rvolutionanthropologique. Le point de dpart de Gauchet, cest le constat que font les scientifiques et les

    historiens, cad luniversalit du phnomne religieux. Par rapport ce constat, il semblerait que lune

    des particularits de la trajectoire moderne est que notre monde est de plus en plus lcart de la

    dpendance divine : notre monde serait entr en rupture avec lhtronomie. Autrement dit, il y

    aurait eu en quelque sorte des visions trs gnrales, trs globales, qui ne sont jamais que des

    manires de donner un peu de sens limmensit des expriences historiques prcdentes et donc ona une vision trs gnrale avec une difficult, cest quon a limpression qui l y a une sorte de

    mouvement linaire. Alors quon pourrait tout fait dire que les socits soumises lhtronomiesont passs des socits sujettes delles-mmes par un processus de construction de ladmocratie, c'est--dire une socit qui pense quelle a le pouvoir de se diriger elle -mme. On alimpression quune fois referme la parenthse du nazisme, du fascisme et cetera, les socits

    poursuivent leur chemin vers les socits modernes et dmocratiques. Alors quen fait, tout cela est

    infiniment plus complexe, plus long et compliqu que ce quon imagine. On a limage dun monde

    dans lequel la religion a progressivement perdu lessentiel de sa prgnance, elle perd sa capacitenglobantedorganiser le monde, mais il ne faut pas en dduire que Dieu a disparu. Le constat dudsenchantement du monde nquivaut pas au diagnostic de la mort de dieu : cela veut plutt dire

    que Dieu a perdu lessentiel de sa puissance, les dieux nont plus la capacit de structurer les cits.La naissance de lEtat est un phnomne fondamental, puisquon peut penser que cest laffirmation

    dun pur socle dautorit politique qui nest plus reli au religieux : cest cela qui lance la

    dynamique dautonomisation progressive du politique lgard du religieux. La chrtient se pensait au-

    dessus des diffrents centres de pouvoir, les Etats tendent aujourdhui se penser comme englobant

    les diffrentes religions.

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    Le Prince, Machiavel (mort en 1527)

    Lo Strauss, auteur de Droit naturel et histoire, distingue dans lhistoire de la philosophie trois vaguesde la modernit : la premire vague est reprsente par la pense de Machiavel, la pense deHobbes. Lo Strauss crit sur Machiavel dans Droit naturel et histoire : Il rejetait la philosophie

    politique classique et avec elle toute la philosophie politique traditionnelle au sens large du mot,comme tant inutile. La philosophie politique classique partait de la question comment lhomme doit-il

    vivre ?, or, sil lon considre le problme de la justice de lordre social, on ne peut le rsoudre

    correctement quen partant de la question: comment les hommes vivent-ils en fait?. La rvolteraliste de Machiavel contre la tradition conduisait substituer le patriotisme ou les simplesvertus politiques lexcellence humaine ou, plus prcisment, aux vertus morales et la vie

    contemplative. Elle abaissait dlibrment les buts ultimes et cela, afin daugmenter les chances

    de latteindre.

    Lo Strauss dit aussi que Machiavel a accompli une rupture avec la tradition de la philosophiepolitique dans son ensemble, il a compar son action celle de Christophe Colomb ; la question estdonc de savoir si ce nouveau continent est vivable, adapt la vie humaine. Le Prince est rdigen 1513 et publi des annes plus tard ; il se prsente comme un manuel, une technique degouvernement adress Laurent de Mdicis. En un sens, ce texte sinscrit dans un genre que lonappelle les miroirs princiers, par lesquels toute une srie de moralistes donnait des conseilsdexcellence au prince. En mme temps, parmi les diffrents miroirs princiers, le texte innove sur une

    srie de points. On peut faire des lectures plus ou moins historicistes des textes, qui replacent un

    texte dans son contexte, avec lespoir de comprendre ce texte par rfrence son contexte. Il y a aussiune manire qui consiste lire un texte comme sil tait indpendant de tout contexte.

    Deux cueils viter :

    Lcueil particulier de lhistoriciste consiste avoir la tentation de rabattre compltement un textesur les circonstances et le contexte dans lequel il a t crit.Dun autre ct, lcueil qui consiste ignorer le contexte est majeur car la plupart des textespolitiques sont des textes qui sont souvent crits dans lurgence, et rpondent des problmes trs

    situs, pour lesquels on cherche une solution. Certains textes se prtent davantage une lecture

    historiciste que dautres. Pour les textes politiques, une dose dhistoricisme est toujours utile mais sans

    les rabattre compltement sur le contexte. Dans Le Prince, Machiavel sabaisse en parlantdirectement au monarque : il lui conseille de plaire son peuple dans un contexte social difficile, une poque trs violente (lItalie nest pas unifie). Lauteur constate que cette situation est infernale et

    produit des souffrances en grand nombre, elle engendre malheur, crime, et il faut trouver une solution

    pour sortir de cette situation. Machiavel exprime une partie de cette intention au chapitre 15 : ilprtend crire chose utile et contrairement ces auteurs des miroirs princiers qui lont prcd, il a la

    prtention de se conformer la vrit effective de la chose, plutt quaux imaginations quon sen

    fait. Il poursuit en crivant beaucoup se sont imagin des rpublique et des monarchies dont lon na

    jamais vu ni su quelles aient vraiment exist. A linverse, Machiavel nonce un niveau de saisie de la

    ralit : il prtend tre dans une logique du rel, parler des choses politiques non pas telles quellesdevraient tre mais telles quelles sont. Machiavel entreprend donc de dresser le portrait du prince

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    tel quil est, et non pas tel quil devrait tre, comme le font tous les autres auteurs il y a si loin

    entre la manire dont on vit et la manire dont on devrait vivre . La pense politique ne doit pas se

    perdre dans lutopie. Au mme moment, Thomas Moore crit un autre livre appel Lutopie. Il y achez Machiavel une dimension anti-utopique : la pense politique doit sintresser ce qui est etnon ce qui doit tre. Il y a une ralit particulire : il est ncessaire un prince, sil veut semaintenir, dapprendre ntre pas bon, et den user, et nen user pas selon les circonstances . Dans

    le chapitre XVIII, il a alors des formules beaucoup plus radicales, qui nont rien perdu de leurrsonnance. Le prince doit savoir entrer dans le mal sil le faut, et agir contre son peuple, contre

    lhumanit, contre la religion. Un bon prince doit savoir violer les rgles les plus lmentaires dela morale, qui taient gnralement en relation avec des prceptes religieux. Machiavel dfend uneforme de ralisme, une sorte de logique : en politique, il faut agir de sorte que laction se conforme des principes politiques et non pas seulement des principes moraux, car ce quon attend dunhomme politique, cest quil soit POLITIQUEMENT EFFICACE. Le prince ne doit pas tre un princequi se conforme la morale courante ; il ny a pas dhomme politique sans une attention soutenue la

    vrit effective des choses. Il y aurait ainsi une bonne manire de gouverner et de faire de lapolitique, et une mauvaise manire.

    Selon Machiavel, ce qui est bien en politique nest pas ncessairement ce qui est bien dans la moralecourante : les rgles de la politique ne sont pas exactement les mmes que les rgles de la vie

    courante. Il rflchit principalement aux effets de laction : quest-ce quune bonne action enpolitique ? Une action est-elle moralement bonne au sens o elle se conforme aux exigences dela moraleou alors une action moralement bonne est-ce une action dont les effets sont bons ?Lauteur creuse lantinomie entre une action moralement bonne et une action bonne en politique.Machiavel conserve lopposition entre bien et mal, mais il remarque seulement que des actions

    bonnes pour la morale peuvent avoir de mauvais effets en politique, et que par consquent la moralitdune action nest pas la condition suffisante dune politique russie.On tendait considrer que la russite du prince dpendait gnralement de sa vertu. Les auteursreprenaient un certain nombre dauteurs latins pour rdiger leurs miroirs princiers ; on estimait par

    exemple que le prince vertueux doit possder un certain nombre de qualits morales (sagesse, justice,

    modration etc.). Les vertus princires taient galement importantes : rgles de lhonneur,

    magnanimit Lhomme vertueux se distingue par cette forme dopinitret pour se conduire de la

    manire la plus vertueuse possible, ce qui tait suppos lui permettre datteindre lhonneur et la gloire.

    Cette morale humaniste a t violemment contredite et attaque parMachiavel. En effet, selon luisi le prince veut atteindre ses objectifs, il ne devra pas se conformer ces principes, il seraitraisonnable du point de vue de lefficacit de laction politique de ne pas se conformer ces principes

    classiques. Si le prince doit parfois ne pas respecter les vertus classiques, quoi doit-il obirpour tre un bon prince ?Par le simple fait doser avancer, un bon prince doit finalement dsobir aux principes religieux et dela morale courante. Prsente comme cela, la proposition de Machiavel est galement choquantepour nous. Quelles sont les consquences de lide que laction politique na pas dautres rfrents

    quelle-mme, que son propre principe defficacit ? Lefficacit morale nest pas ce qui garantit

    lefficacit en politique

    La fin du chapitre XV est trs claire : tout bien considr, on trouvera quelque chose qui paratra

    vertu et sy conformer sera la ruine, et autre chose paratra vice, et sy conformerpourra produire desbons rsultats dans la ralit. Il semploie donc creuser des paradoxes, et on dbouche naturellement

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    sur lide que ce qui est considr comme une vertu dans la vie de tous les jours est diffrent cequi est efficace et utile en politique. Ce sont deux mondes, deux cohrences distinctes.On a dj introduit la notion de vertu du prince de Machiavel. Il ne lui recommande cependant pas de

    faire le mal. Celui-ci commence donc critiquer langlisme. Langlisme, cest une attitude quiconsiste se procurer bon march des solutions moralement satisfaisantes et la convictiondavoir bon cur en se dissimulant les contraintes du rel.

    Au bout du compte, ce nest pas moral car la personne nest pas proccupe des consquences.

    PourMax Weber, il y a deux morales : la morale de la responsabilitetla morale de la conviction.Dun ct lthique du politiqueet de lautre ct lthique du savant. Pour Weber :

    - lthique du politique, cest la responsabilit : le politique doit se soucier desconsquencesde laction, il rejoint donc Machiavel sur ce point.

    - Lthique de conviction est une thique qui caractrise davantage le savant, car il sattacheplus la vrit, il nonce ses dcouvertes sans se soucier des consquences.

    Ex : pacifisme des annes 30, conforme au principe tu ne tueras point . Du point de vue de laresponsabilit, le pacifisme des annes 30 est immoral politiquement, puisque dsarmer face Hitler,

    cest le renforcer. Autrement dit, le pacifisme des annes 30 est une ide dsastreus e : lide lorigine

    nest pas mauvaise, mais les effets sont catastrophiques.

    Quest-ce quune bonne morale dont les effets sont catastrophiques ?Cette question pineusesoulve le problme du lien entre la morale et lefficacit en politique, lien pas forcment vident.

    Machiavel a une ide de ce quest un bon prince et de ce que doit faire un bon prince. Machiavel adonc une sorte de morale politique, il na pas dattitude cynique ou nihiliste : il y a simplement

    lide que les sphres sont dissocies, que ce qui est bon dans la vie courante nest pasncessairement bon dans la politique. Il y a donc une morale politique dissocie de la moralecourante, comme une dissociation des sphres. Le texte de Machiavel exprime une formedautonomisation de la morale politique; son regard centr sur lefficacit (les effets rels de laction)donne une approche clinique de la ralit politique. Il sagit de partir du monde tel quil est, et non pas

    de dire le monde tel quil devrait tre.

    Ex : polmique dclenche par les propos du pape sur le prservatif : raisonnement machiavlien car il

    porte sur les consquences. En loccurrence, le discours du pape tait directement issu de la morale

    chrtienne mais tait en contradiction avec une efficacit politique. Or, il faut tre attentif la ralit

    mme des choses avant de dcrire le monde tel quil devrait tre. Partir du monde tel quil est pour

    connatre la politique et pour agir en politique, cest une attitude classique dans la science politique.

    Certains auteurs ont pu soutenir que Machiavel faisait partie des fondateurs de la science politique.

    Machiavel semble observer les tumultes du moment, il regarde les choses avec extriorit et ne se

    prononce quen matire defficacit. Cette forme pourrait presque tre lextriorit du regard savant,

    scientifique, qui observe den haut. Cette extriorit est surprenante car quand Machiavel crit, unautre point de vue prtendait galement cette distance et cette supriorit : le point de vue de lEglise.

    LEglise avait en charge un bien considr comme suprme, le salut, et traditionnellement, onconsidrait que lEglise tait en position denglobement par rapport au pouvoir politique. Mme si

    elle avait moins de pouvoir visiblement, ce ntait que dans un ordre infrieur, lordre politique e stsculier: elle tait suprieure dans lordre considr comme suprieur pour le salut de lme.

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    Machiavel nvoque mme pas ce point de vue, et il sy substitue puisquil prtend observer le monde

    politique dune position imprenable, la sienne. Pour lui, le point de vue normatif ne lintresse pas, il dit

    en gros que le point de vue de lEglise nest pas pertinent en politique.

    Machiavel sattaque directement des notions considres comme absolues, intouchables. Il met en

    avant les dilemmes auxquels sont rgulirement confronts les hommes politiques, choisir entrelefficacit politique et le respect des principes gnraux . Ce choix cornlien simpose tous les

    hommes politiques au moins une fois au cours de leur mission. Machiavel nous intresse car Le Prince

    cristallise une tape du processus long de la sortie du thologico-politique.

    Chez lui, les deux sphres se dissocient afin de retrouver lefficacit minimale de laction politique. Cette

    dissociation passe par quelques rflexions machiavliennes sur ce quest la VERTU. La Vertu rompt

    avec les conceptions classiques prsentes par les miroirs princiers, la vertu est toujours situe dans

    un contexte, elle ne devient effective uniquement lintrieur de la srie dvnement dans lesquels elle

    sinsre. La vertuest indissociable des circonstances : dans certains cas, il sera bon dtre cruel

    et impitoyable, mais dautres fois il sera bon dtre tolrant. Il faut rflchir aux qualits du princequi vont lui permettre de saisir le moment opportun dagir. La morale princire est une morale en

    situation, elle ne peut pas prtendre ou se rclamer de points fixes. Ce qui est important, cest de saisirle moment opportun de laction et dagir en circonstances : do lloge plusieurs fois fait par

    Machiavel de la souplesse du prince, qui doit tre mallable et sadapter aux circonstances.Le prince doit avoir un esprit dispos tourner selon les variations de la fortune , et dans certainscas, Machiavel va quasiment jusqu prconiser lusage de la terreur en politique. Dans le chapitre 7,Machiavel voque une province en crise avec plusieurs troubles, dsordres, et il dit que le mieux est

    denvoyer sur place un homme cruel et expditif auquel le prince octroie les plein pouvoirs,

    et qui ramne en peu de temps la paix et lunion dans cette province . Cet homme le fait avec desmoyens brutaux, de manire sanguinaire, il pacifie la rgion, puis il fait dcapiter cet homme surla place publique afin de montrer que les rigueurs passes ntaient pas de son fait mais de la

    responsabilit du ministre. Cest une politique de la terreur car on purge le ministre qui a pacifi la

    province. Machiavel conclut par cette phrase : La frocit de ce spectacle fit demeurer cespeuples la fois contents et stupfaits . On ne voit pas ici ce qui peut limiter le principe delefficacit prn par Machiavel. Si lon veut attnuer cette vision terrible de Machiavel, il faut imaginer le

    type de violences qui pouvait se produire aussi rgulirement en Europe (guerres de religion, de clans,

    etc).

    Cest une violence endmique et crue, celle du monde lpoque de Machiavel : dans cette ralit, ily a de fortes chances quil ny ait pas dautre solution que la violence pour mettre fin la violence.De plus, nous avons probablement hrit des atrocits du XXme sicle une grande sensibilit lgard de la dmesure politique; linverse, le problme de Machiavel nest pas de limiter linfluence

    politique mais de renforcer ce pouvoir. Lenjeu de Machiavel, cest dautonomiser laction dupolitique, dans la connaissance et dans laction. Mais videmment, pour penser la politique, leralisme politique est sans doute ncessaire, mais non suffisant. Une politique qui ne se donneraitpas les moyens dagir ne serait pas une bonne politique selon Machiavel.

    Dans le chapitre 5, Machiavel oppose le destin des prophtes arms celui des prophtesdsarms.

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    Dans ce chapitre, il parle des monarchies nouvelles, il est donc conscient quil est trs prilleux depasser dhomme priv prince, et dans ces conditions, il se propose dexaminer le cas de ses

    donateurs et de ceux qui dpendent dautrui.

    Machiavel conclut donc que quand les hommes prient ils sont en danger alors que ceux qui dpendent

    deux-mmes vont pouvoir survivre.

    Le jugement de Machiavel est tonnamment net. Sa position est videmment une attaque contrelEglise. On peut prsent se demandero est-ce quil se situe par rapport au texte quil crit. Enquoi Machiavel a-t-il t cart de la scne politique ?Il ninnove pas en matire institutionnelle. Ilespre agir sur le monde en proposant des maximes. Pourquoi aurait-il crit si tous les potesdsarms chouent ?Jsus tait un prophte dsarm qui a russi, puisque pendant des sicles desprophtes dsarms ont transmis son message qui a perdur jusqu aujourdhui.

    Machiavel est trs proccup parla vision du mal en politique. Quand on lit son ouvrage, on se ditquil ny a pas de solution parfaite, que des solutions provisoires, quil y a seulement des tentatives

    pour surmonter des conflitsdont la place est prdominante. Le conflit est toujours l, limage de lacit est celle dun monde trs agit : un monde de conflits, de passion, de coups de force. Laviolence et le mal seraient une partie irrductible de la politique, et de ce point de vue, Machiavel est un

    homme qui nous fait perdre notre innocence.

    Machiavel crit, dans son uvre Discours sur Tite-live : Quiconque veut fonder un tat et luidonner des lois doit supposer davance les hommes mauvais .Cette formule est intressante car elle nquivaut pas dire que les hommes sont mchants.

    Laffirmation de la mchancet humaine est plutt une sorte de prsuppos mthodologique. Onpourrait dire les hommes sont divers, mais si vous voulez faire de la politique, partez du principe quils

    sont mchants . Cest un prsuppos de mthode lusage des hommes politiques, et non pasune affirmation qui condamne lensemble des hommes. Ces passages vont dans le sens dune thseportant sur limmoralisme de Machiavel. Dans Le Prince, Machiavel insiste constamment sur laralit violente des cits. Il sadresse au prince comme un complice. Chez Machiavel, on assiste une sorte de neutralisation morale de la nature, il nest jamais question de la nature des hommes. Ona limpression que les hommes sont capables de tout, du pire comme du meilleur : on ne trouve pasvritablement de propos sur la nature humaine, alors quon en trouve sur la condition humaine. Toutest centr sur la volont subjective de matrise de la politique, la volont de russir ce quonentreprend en politique. Il y a lide que si on se donne les moyens daction, on peut russir. La russite

    est quelque chose qui est souvent la porte des hommes.

    On doit librer les hommes de langoisse de ne pas pouvoir agir, mais en mme temps un

    enseignement va nous permettre de reprendre le destin de la cit en main, daccrotre notre emprise sur

    la ralit. Machiavel ne se fait aucune illusion sur ce que font les hommes (=ils peuvent tout faire), ce

    qui signifie quaucune nature contraignante ne les empche de quoique ce soit, ils sont capables

    de tout. En revanche, si on se donne les moyens, on peut russir, il y a une exhortation laction. Lemachiavlisme passe pour une excution des moyens.

    On a parfois estim que Machiavel gardait la distinction entre le prince et le tyran, mais celle-ci

    napparat pas rellement dans le livre. Chapitre 8, il voque ainsi un tyran : Nanmoins, sa

    bestiale cruaut et son atroce inhumanit ne consentent pas ce quil soit clbr parmi lesplus brillants personnages . Machiavel voque ainsi de nombreuses actions en immoralit ; on peut

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    se demander si Machiavel ne retrouve pas la morale en bout de course par lintermdiaire de la

    politique. Mais on peut se demander si on nassiste pas deux oprations cruciales : la dissociationdes sphres + autonomisation de la politique, et inversion des rapports entre la morale et lapolitique.En effet, dans une conception classique, la bonne politique est conditionne par la bonnemorale : la morale est la condition de possibilit de la politique. Machiavel dconstruit ce raisonnementmais tout son effort vise le renforcement du pouvoir politiquequi permettra dinstaurer la stabilitdans la cit. Mais tant quune cit est domine par linstabilit, des conflits, une guerre civile, aucunemorale ne saurait tre prserve : cela correspondrait ltat de nature de Hobbes. Le risque de guerre

    permanente existe. Ltat de naturenest pas une situation avec ncessairement des affrontements

    sur un champ de bataille, mais une situation dans laquelle on vit dans la crainte permanente demourir brutalement. Or, la situation dans laquelle crit Machiavel pourrait correspondre cet tat denature car on risque de mourir de mort violente tant quil nexiste aucune stabilit du pouvoir

    politique. Aucune de ces catgories na t institue. Le monde dans lequel crit Machiavel peut aussi

    bien tre lquivalent de ltat de nature, dans lequel aucune morale nest tenable. On peut penser queMachiavel inverse les rapports de la morale et la politique : ce nest plus la morale qui compte,cest la russite de laction politique qui dtermine les conditions de lapparition de la moraledans la cit. Autrement dit, cest uniquement si on russit sortir de ltat de nature et crerune stabilit politique quon peut ventuellement crer ensuite la possibilit de la morale dans lacit.Et tout ceci est imagin en dpit du fait que les sources de violence sont toujours prsentes. Les

    sources de conflits sont en effet structurelles, au sens o elles appartiennent la condition humaine.

    Cette condition humaine selon Machiavel est marque par linsatisfaction : les dsirs de lhomme

    sont insatiables parce quil il est dans sa nature de vouloir tout dsirer mais de ne pas pouvoirtout possder . Il rsulte de ce constat un mcontentement. Cest moins une nature quune conditionhumaine. Il est nanmoins possible de trouver une solution, qui nest pas morale mais politique. Cette

    solution suppose la mise en place dune morale politique diffrente de la morale courante.

    Lexhortation lactionLe chapitre le plus loquent est le 25, Ce que peut la fortune dans les choses humaines et commenton peut y rsister : Machiavel y crit que les choses du monde sont gouvernes par Dieu ou lafortune, on ne peut agir dessus, il faut accepter dtre gouvern par son sort . Il prend comme

    point de dpart une position assez classiquement traditionnelle au sens o elle considre que lhistoire

    des hommes est crite par les dieux.Cependant, Machiavel dit quil faut prendre en compte le libre-arbitre, cette libert dagir qui nest pas totale mais qui laisse une certaine marge de manuvre.Il y aurait diffrents types de princes : certains plutt circonspects, dautres plus imptueux. Un prince

    qui se laisse gouverner par le sort (=un prince circonspect) est un prince dont laction russitlorsque la fortune russit et un prince qui choue lorsque la fortune volue . Un princecompltement circonspect serait simplement le jouet du sort. A partir de l, Machiavel conclut endisant La fortune tant variable, les hommes tant obstins, ils sont heureux tant quilssaccordent, je juge donc quil est meilleur dtre imptueux que circonspect car la fortune estfemme et il faut la battre et laffronter quand on veut la soumettre . Le volontarisme prn par

    Machiavel se prsente donc de manire trs violente : on a une conception dune action

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    mancipatrice car elle libre les humains du destin, de la fatalit, du sort, elle leur permet dagirpolitiquement et leur confre de la libert, et en mme temps cette action a une dimension violente.

    Dans cette exhortation laction, il y a une ambivalence avec la fois une dimensionmancipatrice et une dimension inquitante et brutale.Dans le chapitre 8, il distingue les procds qui conduisent au pouvoir. Machiavel distingueefficacit politiquemenant au pouvoiret vritable reconnaissance politiqueconfrant la gloire. Ilne condamne pas vraiment tout ce qui concerne la transgression des rgles morales les plus

    lmentaires.

    Rvolte raliste: quelle remise en cause de la philosophie politique des anciens ? Laphilosophie politique classique prsentait la politique par rfrence limitation de lordre naturel. Il y

    a une sorte de rfrence quelque chose qui tait pens comme universel. Cet universel apparaissaitsous les traits dune nature organise en cosmos.Il y avait galement lide dune nature humaineinsre dans lensemble du cosmos. Comme cette philosophie politique tait comme limitation dun

    ordre pens comme naturel, lordre politique pouvait aussi bien tre ingalitaire, comme limage decette ingalit. Lunivers grec tait pens comme un univers naturellement hirarchis : les individus

    taient donc naturellement destins occuper des places hirarchiques spcifiques diffrentes ausein du corps social. Cest ainsi que pensait Platon. Sil y avait du mouvement dans la socit, il taitalors pens comme un mouvement qui tendait remettre en forme lordre naturel des choses.

    Le mouvement tait donc pens comme ce qui permettait aux corps de reprendre leur place naturelle.

    Avec les modernes on assiste une sorte de dnaturalisation de la hirarchie. On peut constaterdes formes de hirarchie dans la socit, et ce moment-l cette ingalit napparait plus commencessaire et naturelle. Si cette ingalit paraissait naturelle, les penseurs du XVIIme et XVIIImesicle nauraient pas protest ainsi travers des pamphlets contre cette ingalit. Cette ingalit taitdautant plus insupportable quelle ntait plus fonde sur la nature . De fait, lingalit continue

    dexister, mais nous la pensons comme accidentelle et nous pensons quen droit au moins, toutindividu peut occuper la place quil souhaite. Il y a donc lide dinterchangeabilit des places.

    Cette ide tait trs trangre la manire de penser des Grecs. Une hirarchie pense commenaturelle est finalement beaucoup mieux accepte quune hirarchie pense comme injuste . Dans cet

    univers des anciens, le projet pour la philosophie politique tait une qute du meilleur rgime, et celui-ci tait pens comme le rgime le plus favorable au mode de vie que les hommes devaient mener.Ctait finalement lordre politique qui tait le plus favorable lexercice de la vertu. Or la vertu desanciens ntait pas la virtu de la Machiavel : la virtude Machiavel est toujours pense en relation

    avec le souci de lefficacit de laction politique. Avec Machiavel, on sort de lordrearchitectonique qui encadrait la pense politique : cest un vritable renversement, laction politiquenest plus soumise aux limitations de la morale courante, ni aux entraves de la morale.

    Dans le chapitre XV, il fait une critique de laction utopique. Le prince nouveau choisit seulement samanire dagir qui va savrer la plus efficace linstant T. Rien chez Machiavel ne relve que lubris, la

    dmesure. Conflit permanent : comment est-ce possible ? est la question rcurrente devant les

    horreurs de lhomme.

    Le ralisme machiavlien lcarte de toute conception utopique. Cest un ralisme trs particulier q uiapparat aisment la fin du chapitre 25. Machiavel rabaisse lexigence la simple russite

    indpendamment de savoir si celle-ci est morale ou non. La dpendance au hasard est doncrduite. Il y a une rduction de tous les problmes politiques des p roblmes defficacit. Cest

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    spcifiquement le registre dune pense technique. On a pu dire que la pense machiavlienne

    marquait dj lavnement de la pense technique, ou lavnement de la politique comme technique.

    Cet avnement se fait travers un double-processus, dune part le changement du rapport lanature et dautre part le fait que la connaissance humaine adopte une finalit de matrise(matriserla connaissance, la nature). Cette connaissance devient une action : lorsque Machiavel crit Le Prince,cest le moment o il est cart des affaires : cest une sorte dersatz de laction politique dont il est

    priv. Cet idal de matrise ira si loin que ce dont il sagira si loin sera non seulement la nature au sensclassique et la nature au sens interne de lhomme. Il y aurait un moment lapparition dun idal dematrise de la nature humaine elle-mme.

    Il y a dans cette matrise la fois lmancipation mais aussi le danger de lalination.

    Discours de la servitude volontaire, La Botie (1530-1563)

    Problmatique de louvrage : Comment expliquer la dnaturation de lhomme, qui a cess dtre

    libre et est devenu servile ?

    On connat gnralement La Botie par les vocations quen a faites Montaigne. N en 1530 en

    France et mort en 1563, La Botie stait li damiti avec Montaigne : parce que ctait lui, parce quectait moi. La question de lamiti politique est une question importante dans ses textes. Il crit

    bien plus lattention de son ami que ne le fait Machiavel. Ce discours de la servitude volontaire est un

    petit texte fulgurant, crit entre 16 et 18 ans selon Montaigne. Les critiques saccordent dater ce texte

    de 1548. Cest un petit texte, crit presque la manire dun essai ou dune dissertation, qui atravers les ges. A la rvolution, La Botie est relu et radapt parMarat, il est ensuite republi aumoment de De la dmocratie en Amrique de Tocqueville, republi au moment de la 2nde GM, au

    moment du contexte antitotalitaire. Cest un texte tonnamment riche. La question de La Botie est

    assez simple : Grands dieux, quest-ce donc cela, comment appellerons-nous ce malheur? Quelest ce vice horrible de voir un nombre infini dhommes non seulement obir mais servir, non pas tre

    gouverns mais tre tyranniss, nayant ni biens ni parents ni enfants ni leur vie mme qui soit eux ?De les voir souffrir dun seul homme ? Je voudrais seulement comprendre comment il se peut que

    tant dhommes, tant de bourgs, tant de villes, tant de nations supportent quelques fois un tyran seul qui

    na de puissance que celle quil lui donne, quina de pouvoir de leur nuire quautant quil veuille bien

    endurer, et qui ne pourrait leur faire aucun mal sils naimaient mieux tout souffrir de lui que de le

    contredire. Chose vraiment tonnante et pourtant si commune quil faut mieux sen rjouir que sen

    bahir que de voir un million dhommes misrablement asservis la tte sous le joug non quils

    soient contraints par une force majeure mais parce quils sont fascins et pour ainsi direensorcels.

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    Il y a comme un sentiment dtonnement et de scandale qui est celui que lon ressent quand on assiste

    des attitudes serviles qui ne sont pas contraintes par la violence. L o le sentiment de scandale

    arrive, cest quand des attitudes serviles sont observes alors quil ny a pas de violence exerce

    directement. La question porte donc sur la servitude non pas force, mais volontaire. Cette formede dgot traverse le temps et ne cesse de sexprimer dans une srie dvnements tragiques de

    lhistoire. Ex : rassemblements fascistes/nazis avec des foules entires qui senthousiasment pour un

    homme. Quand on rflchit la tyrannie, on se dit que si la tyrannie ne simposait que par la force,elle ne poserait pas autant de problme , ce serait terrible mais cest tout. Ce qui heurte et indigne LaBotie, cest que lon sait bien que la tyrannie ne simpose pas ncessairement pas la force, maisgalement par les ides. La Botie dit que le tyran nest pas seulement rendu possible par les armeset la violence. La question de la Botie est une question douloureuse, pose aux hommes sans aucune

    complaisance ; elle plonge directement la question de la libert et de lasservissement : la libert,cest en mme temps lexpansion des liberts individuelles et du pouvoir. La Botie semble

    effleurerla question des fondements mme de lobissance (pourquoi obit-on ?). La question quil

    pose prsuppose que la lgitimit du pouvoir ne va plus de soi. Le fait mme que La Botie pose cettequestion prsuppose que la lgitimit du pouvoir nest plus naturelle. Si ctait vident, il ne

    sinterrogerait pas sur lobissance.

    Il y a dans la reprsentation du texte de La Botie une sorte de libert, dobir, de ne pas obir,dans telle ou telle situation.La libert des hommes se profile larrire-plan du texte de La Botie.Peut-tre que cette question nous blesse parce que si nous pensions que les hommes obissent

    naturellement, nous ne serions pas tonns quils obissent aussi au tyran. Ltonnement et la

    blessure que lon ressent sont quelque chose qui vient de fait que cette question heurtedirectement notre conception des tres humains dots dune capacit de libert. Chez

    Rousseau, on a une conception appartenant lhumanisme moderne, travers lhomme est pensdans sa capacit chapper tous les dterminismes qui psent sur lui.Hannah Arendt, connue pour son livre Les origines du totalitarisme , crit que si nous nousrfrons notre exprience, nous pourrons constater que linstinct de soumission, un ardent

    dsir de se laisser diriger et dobir un homme fort tient, dans la psychologie de lhomme, une

    place au moins aussi importante que la volont de puissance et dun point de vue politique peuttre plus significative .

    Y a-t-il un dsir de servitude ? De toutes les choses que les hommes veulent possder, et pourlesquelles ils sont prts sentre-dchirer, il en est une quils nont pas la force de dsirer, cestla libert dit La Botie.Il est possible de lire Le discours sur la servitude volontaire comme un essai de psychologiepolitiquequi sattache ltude la nature humaine et aux causes de la servitude qui caractrise lacondition humaine.Il y a cette forme de division moderne en tat et socit civile : en disant socit civile , cest unanachronisme car ce concept nexistait pas au moment de La Botie. Cette perspective nous estsuggre parPierre Clastres, anthropologue : La Botie est en ralit le fondateur mconnu delanthropologie de lhomme moderne. Il anticipe plus de trois sicles de distance lentreprise

    dun Nietzche plus encore que celle dun Marx de penser la dchance et lalination. Cette

    notion dalination que Clastres introduit pose des problmes parce que La Botie ne prsente pas

    ces individus qui sengagent dans la servitude volontaire comme alins, trangers eux-mmes, et

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    fous. Ce sont des gens qui entrent dans la servitude de leur plein gr, en faisant une certainevaluation de la situation, et ils ne se donnent pas voir comme des individus alins. Il est incroyable de voir que le peuple ds quil est assujetti tombe soudain dans un si profond

    oubli de sa libert quil lui est impossible de se rveiller pour la reconqurir. Il sert si bien et sivolontiers quon dirait, le voir, quil na pas seulement perdu sa libert mais quil a gagn sa

    servitude . La question de La Botie est celle du gain de la servitude : ny a-t-il pas un gain ? Ilsuggre quon gagnerait quelque chose. La Botie prsente ces hommes comme des hommesdnaturs, dshumaniss. Car pour les hommes, tant quils sont des hommes, il faut de deux choseslune : ou quils soient contraints, ou quils soient tromps. Sil ny a ni lun ni lautre, on a

    limpression que ce ne sont plus vraiment des hommes . Il va mme jusqu dire quil ny a rien au

    monde que de plus concret dans la nature que la libert.

    A un certain niveau, La Botie appartient au mme mouvement que nous. La Botienaurait pas puposer ce type de question portant sur lobissance parce que pour que cette indignation soit possible,

    cela suppose une conception de lhomme moderne, comme libert. Ce nest que si lon dfinitlhomme comme libert que la question de sa servitude volontaire apparat vritablement

    comme un scandale. A contrario, si on suppose que lhomme est naturellement asservi, il ny auraitalors rien dtonnant au fait quil puisse servir. Ltonnement est port par cette nouvelle conception de

    lhomme comme libert : soumission tonnante et scandaleuse. Il y a quelque chose de contrenature. Do la question quelle malchance a pu dnaturer lhomme? Anthropologie moderne : conception de lhomme comme libert. Mais ce nest pas une conceptionpermanente. On trouve cette conception moderne de lhomme dans Kant dans son texte Quest-ceque les lumires ? , et il est tonnamment proche de La Botie dans sa manire de formuler les

    choses. Les lumires se dfinissent comme la sortie de lhomme hors de ltat de minorit o il semaintient par sa propre faute. La minorit, cest lincapacit de se servir de son entendementsans tre dirig par un autre, elle est due notre propre faute quand elle rsulte non pas dunmanque dentendement mais dun manque de rsolution et de couragepour sen servir sans tredirig par un autre. Aie le courage de te servir de ton entendement, voil la devise desLumires .Lhomme est naturellement majeur et artificiellement mineur . Il suffit de regarder en arrire pourse rendre compte que lhomme passe la majeure partie de son temps ne pas penser par lui-mme, se laisser imposer une pense de lextrieur. Cette situation de mineur lui apparat

    progressivement comme une seconde nature. Il est difficile pour lui de sarracher sa minorit,

    devenue presque un tat naturel. La servitude pour La Botie ou le refus de se servir de son propreentendement sont prsents comme des secondes natures, des tats de dnaturation. Finalement,lhomme en vient quasiment se dire quil est naturel de ne pas penser par soi-mme. Il estintressant de voir ce qui est naturel et ce qui est prsent comme artificiel. La servitude apparatcomme artificielle et accidentelle.Lhomme est asservi, il perd la souvenance de son premier tat et ne songe mme plus reconqurirsa libert, il oublie qui il est naturellement et le dsir de reprendre cet tat premier. Il y a donc undouble oubli. La Botie en formule les choses travers des mtaphores temporelles puisquelhomme asservi est la fois un homme oublieux et il y a en mme temps une forme de

    dtemporalisation: il na pas vraiment davenir, et plus de pass puisquil a oubli le fondement de s anature.

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    Rousseau, dans le chapitre 2 du livre I du Contrat social, crit les esclaves perdent tout dansleurs fers, jusquau dsir den sortir. Sil y a donc des esclaves par nature, cest parce quil y a

    eu des esclaves contre nature. La force a fait les premiers esclaves, leur lchet les aperptus .Il ny a pas donc desclavage par nature. Il y a la force au dpart qui oblige les hommes deveniresclave au dbut, mais il y a aussi autre chose, le manque de courage, qui permet cette servitudede persister. Rousseau attire donc lattention sur la responsabilit des individus dans leur propreservitude.

    Au final, La Botieprsente lindividu comme un tre ptrifi dans le temps, priv de pass et dontlavenir ne lui offre aucun espoir. Les trois dimensions du temps peuvent tre considres au

    prsent. Lhomme est priv du pass, il est emprisonn dans le prsent, et il ne se projette pas

    dans lavenir car il pense que cette condition va perdurer indfiniment. Au final, seul le prsentcompte et il y a une sorte de dtemporalisation. Les situations dans lesquelles nous navons que le

    prsent disposition sont souvent les situations de grande souffrance : on veut se sortir de cettat mais cest impossible, on reste plong, englu dans le prsent. Cela constitue aussi la situationde ressentiment: lhomme prouve un profond ressentiment, par exemple dans une situationdinjustice, et dans lhomme rumine et tourne en rond dans un tat de rumination vengeresse, et il se

    dtemporalise car il ne pense rien dautre, il ne parvient pas prendre du recul par rapport aupass ou lavenir. Il faut sinterroger sur lnigme que cela constitue : comment entendre que lematre se sert de lesclave ?Lune des rponses de La Botie consiste voquer lhabitude, lordrecoutumier des choses. La Botie dit quil faut supprimer lhabitude : labsence de libert noushabitue labsence de libert. Plus il y a de servitude, plus on sy habitue, et plus cela nous parat

    naturel. La force de largument joue encore plus lpoque quaujourdhui, car au Moyen Age, ce quiavait de la valeur, ctait de rpter ce que ses parents et grands-parents avaient fait. En effet, le

    Moyen Age est une socit passiste, qui valorise tout ce qui est li aux traditions, aux coutumes. A

    linverse, nous sommes dans une socit futuriste. Au XVIme sicle, le poids accord lhabitude tait

    videmment beaucoup plus important. Aujourdhui, nous sommes orients vers le projet, vers

    linnovation et le neufalors que quand il crit cest exactement linverse, on considre quil faut faire

    comme on a toujours fait.

    La Botie crit quon ne regrette jamais ce que lon na jamais eu : quelquun qui na jamais connula libert ne peut pas la regretter.

    Les hommes sont duqus de manire ce quils deviennent des sujets. Cet accent mis sur lducation

    est trs important, La Botieest pass limage du XVIme sicle et na aucune difficult dvelopperlide que certains gouvernants dveloppent des stratgies dabtissement pour mieux les habituer

    servir.Au chapitre Vdu Prince, Machiavel crit quil y a un certaindangerpour le prince prendre une citaccoutume vivre dans la libert parce que cette libert dans laquelle certaines cits ont vcu nese laisse jamais oublier, elle se rappelle constamment aux gens qui ont t asservis, tant et si bienquil vaut peut-tre mieux pour le prince de tuer tout le monde car le souvenir de la libert est trspersistant. Le pouvoir politique est confront aux problmes de la matrise de cette mmoire de lalibert et de cette culture de la libert.

    Machiavel et La Botienauraient donc pas t tonns des autodafs et interdictions daccs laculture des totalitarismes du XXme sicle. Machiavel insiste sur le fait que la perte de la libert

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    produit de la lchet et avilit les curs. On trouve lide que la dmocratie ouvre la voie au rgimedu bavardage perptuel.

    La Botie parle de la ruse des tyrans pour abrutir leurs sujets . Sans accorder plus dimportance quecela aux explications, La Botie parle de ceux qui sont sous le joug et sont subjugus par le seulnom dun, cette fascination pour lun. Au XXme sicle, Max Weber va laborer une catgorieparticulire de domination qui renvoie la domination charismatique. Il y en a trois catgories :

    - la domination lgale-rationnelle : payer des impts, se soumettre aux lois,- la domination traditionnelle : on accepte dobir des autorits traditionnelles- la domination charismatique :obir un homme parce quil est dot de caractres ou dune

    personnalit hors du commun.

    Ces trois notions wbriennes reposent sur lide dune croyance subjective en quelque chose.

    Cette domination charismatique ne repose pas sur des caractristiques objectives de la personne, mais

    sur des croyances subjectives. Cela veut dire qu un moment, pour toutes sortes de raisons, il y a

    cette croyance subjective dans le fait que cette personne est hors du commun, on accepte donc de luiobir. Lide de charme renvoie donc au charisme.

    La Botie nous livre le secret de la domination : la fin du texte, il crit ce ne sont pas des armes quidfendent un tyran, mais toujours 4 ou 5 hommes qui le soutiennent et qui lui soumettent tout le

    pays. Il en a toujours t ainsi, 5 ou 6 ont eu loreille du tyran et sen sont approchs de mme () etces 6 en ont sous eux 600qui corrompent autant quils ont corrompu le tyran.

    Il y a chez La Botie une thorie trs importante du pouvoir : il y a un tyran qui a quelquestyranneaux sous lui, qui ont quelques centaines de personnes, qui asservissent eux le peupleentier.

    Par les biens et les faveurs quon reoit des tyrans, cela donne donc cette impression que rentrer dansla chane de la servitude, on perd notre libert mais on gagne quelque chose dans la servitude. En

    entrant dans la chane ininterrompue de la servitude, on participe la chane de la domination.Dans le schma de La Botie, tous les participants gagnent quelque chose. Une situationparticulire concerne la situation de ceux qui sont tout en bas, ceux qui nont aucun avantage car ils ont

    tous les autres au-dessus deux, mais personne en-dessous. Ils peuvent ventuellement avoir une

    rtribution symbolique mais aucune matrielle. Mais cette partie est une infime partie de la chanede la domination.La thorie du complot est exactement linverse : certains disent que le pouvoir est dtenu parquelques privilgis au sommet, les gros , qui rgneraient sur les petits. Cette thorie montreexactement le contraire de ce quexplique La Botie. Il y a lide que le pouvoir est quelque choseque lon dtient comme une substance, et limmense masse de la socit constituent ceux qui

    sont domins, possds.

    p. 41, La Botie dit que ce nest pas tout dobir au tyran, il faut aussi lui complaire. Ceux quiont une attitude servile et complaisante vis--vis du tyran sont constamment tourns vers lui . Il ya une situation particulire : il faut imaginer les sujets qui ne regardent jamais les autres en face parce

    quils sont toujours tourns vers le tyran. Le regard nourri par la crainte, la peur est tourne vers lehaut, vers laspiration la concupiscence, obtenir plus de privilges. Tous ces gens veulent

    gagner quelque chose, mais rien ne peut tre vritablement eux, ils ne peuvent pas possder quoique ce soit parce quils sont possds deux-mmes. Ils veulent avoir, mais ils se perdent eux-

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    mmes. La Botie est oblig de poser la question radicale (p.42) : est-ce l vivre heureux, est-cemme vivre ?. Cest trange parce que ces gens vivent dans une situation de trs grandeinscurit, et le fait de marcher sur les autres ne compense pas le fait quon reste sous une menacepermanente, et tout ce quils peuvent esprer, cest de gagner dautres avantages et de slever

    dans la hirarchie. Chacun sait quun seul moment dinattention peut tre fatal, y compris le tyran quisait parfaitement quil doit se mfier des gens autour de lui qui pourraient tenter de le renverser.La Botie : La plupart des anciens tyrans ont presque tous t tus par leurs favoris.Connaissant la nature de la tyrannie, ceux-ci ntaient gure rassurs et se dfiaient. Le tyrannaime jamais et nestjamais aim. En fait, la tyrannie est comme ltat de nature. Cest unesituation dans laquelle on est constamment en proie une mort violente. Cest ce qui caractrisela situation des sujets. On ne peut pas comprendre la chane de la servitude sans lopposer unautre type de relations, lamiti.

    Il y a une vise commune, une vise politique. La nature nous a tous cr et coul dans la mmemoule pour nous montrer que nous sommes tous gaux ou plutt frres . Tout est hirarchique et tout

    est vertical. Ces gens se voient, sentre-connaissent, se connaissent, et se reconnaissent. La nature a montr en toutes choses quelle ne voulait pas nous faire tant tous unis que tous un .

    Cest important, parce que dans cette socit-l, il y a une pluralit de sujets et cette socit soppose

    une socit dindividus interchangeables avec rien de fusionnel. Il ny a que des subjectivits

    irrductibles les unes aux autres, il y a des uns mais pas de fusion. Les individus sont tous particuliers,

    ils sont dans une relation de dialogue.

    Le premier grand thoricien de lintersubjectivit est Kant. Lenjeu fondamental de la considration etde la reconnaissance constitue des enjeux qui saffirment dans lespace de la pense politique au

    tournant du XVIIIe et du XIXme sicle.

    Chez La Botie, il y a cette distinction cruciale entre lobissance et la servitude, entre legouvernement et la tyrannie et on se pose forcment la question de savoir si on na pas franchi leseuil de lobissance et quon est tomb dans la servitude. Le XIXme sicle retrouvera cette question

    car il aura la profonde conviction que ces notions sont minemment relatives. Ce quon appelle obir

    serait appel servir . Lorsque La Botie formule sa question il distingue deux choses :l'obissance et la servitude, soit le gouvernement et la tyrannie. ''Quel est ce vice horrible de voir unnombre infini d'hommes non seulement obir mais servir, non pas tre gouverns mais tre tyrannis,

    n'ayant ni bien ni parent, ni enfants ni leur vie mme qui soit eux?''. La Botie est une grande figuredes mouvances libertaires. Il n'a pas grand chose de libertaire, car il ne conteste pas l'existenced'un pouvoir central monarchique. Il y aurait une bonne et une mauvaise obissance, un bon et unmauvais pouvoir, il faut juste comprendre la diffrence entre obissance et servitude.

    Dans la fin du texte on voit ce qu'il dit sur la vie de ses courtisans dans la servitude, ils perdent leur tre

    en voulant obtenir des choses. Il fait une anthropologie du courtisan, ces individus sontdpossds d'eux mmes, on pourra les prsenter plus tard comme alins . Ils taient l'originerationnels et semblent la fin alins. La diffrence entre servitude et obissance peut tre labore

    partir de cela, en servant on est dpossd de soi mme , il y a abolition du sujet oud'assujettissement. Les individus sont l'extrieur d'eux-mmes, ils pousent les avis, les gouts, lesopinions du tyran, comme s'ils n'existaient pas en tant que sujets. On pourra dire que ce qui apparat

    dans certaines socits comme relevant de l'obissance, paraitra ailleurs, plus tard, comme de laservitude. Nous savons que la culture, les valeurs, les murs, varient d'un moment l'autre, d'une

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    Socit l'autre. Nous avons conscience de la relativit, nous ne pouvons donc pas luder la question

    de la relativit des notions d'obissance et de servitude. Cela correspond la rflexion de Prvost-Paradol qui crivit en 1859 un article surLa Botie. Prvost-Paradol pose d'emble le problme desdfinitions, ou des conceptions changeantes de l'obissance et de la servitude. Il historicise lesnotions, ce qui ne fait que renforcer l'enjeu crucial de la distinction entre servitude et obissance.D'autant plus que ''l'art de la tyrannie consiste confondre obissance et servitude, au point que lesdeux choses paraissent n'en faire plus qu'une seule, et que le vulgaire devienne incapable de lesdistinguer''. Le brouillage relativiste des catgories fait le jeu de la tyrannie. Il prend acte de la relativit

    car il est imprgn de la relativit historiciste du 19me. L 'historicisme est la manire de penserl'histoire qui nous fait prendre conscience de la diversit des valeurs des murs, et qui nous faitdonc prendre conscience de la relativit des valeurs travers le temps. L'historicisme montre qu'il n'y a

    rien d'universel.

    Prvost-Paradol nous fait prendre conscience que ce qui spare l'obissance ncessaire et lgitime de

    la servitudeest variable selon les lieux et les temps, selon l'tat des socitsqui ont besoin deplus ou moins de discipline pour se souvenir, selon l'tat des mes qui peuvent accorder plusou moins d'obissance sans s'abaisser. ''Afin qu'il ne subsiste aucune obscurit dans ces sortes dechoses et que notre mollesse n'ait point d'excuse, un signe intrieur nous a t donn qui nous avertit

    ne pouvoir nous y mprendre de notre tat de servitude. C'est l'humiliation que nous ressentons en

    accordant notre semblable plus d'obissance qu'il ne lui est d selon l'ordre de la nature et de la

    raison''. Mais le signe intrieur de la servitude n'est pas si facile saisir et pas aussi vident. Cependant

    c'est une perspective qui porte sur le sentiment d'humiliation que serait la manifestation sur leplan subjectif de l'objectivit de la servitude. L'humiliation est ce qui nous permet de dire que lonnest pas dans l'obissance mais dans la servitude.

    Exemple : Les droits de l'homme sont-ils universels?

    Jeanne Hersh qui tait prsidente de l'UNESCO a envoy des lettres dans le monde entier endemandant qu'on lui fasse parvenir du monde entier des textes sur tous supports, crits avants 1948,

    textes qui manifesteraient quelque chose comme le fait qu'un homme en tant qu'homme a le droitd'tre trait de manire spcifique. Elle a reut des rponses du monde entier, trs diffrentes. Elle apu pourtant retrouver dans chaque culture l'ide profonde quen tant qu'homme on peut tre trait de

    faon particulire.Selon Prvost-Paradolla voix pourrait se retrouver en chacun. Est-ce vrai? Ne peut-on pas tre

    ce point l'extrieur de soi mme, qu'il ne ressente pas de mpris envers lui mme. Il y a le problmedes sentiments moraux. La reconnaissance du sentiment d'humiliation peut constituer le premierpas vers la sortie de la servitude.

    Exemple :

    Le sentiment d'injustice est un sentiment, quelque chose qui s'prouve sur un mode affectif, on

    s'exprime dans notre subjectivit. Le sentiment d'injustice est d'un cot un sentiment qui plongedans la subjectivit, mais il s'nonce de faon objective car il peut tre argument. Au dpart LaBotie ne dcrit pas de gens alins, sauf quand il dit que la premire des sources de la servitude est

    l'habitude. Les gens ne font ce qu'ils font que parce que d'autres l'ont fait avant eux. Pour l'essentiel

    on a affaire des gens qui veulent entrer dans la chane de la servitude car ils en esprent unprofit. On ne peut dire qu'il est alin car il sait ce qu'il fait mme si il ne connait pas les

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    consquencesde ce qu'il fait. Le sentiment d'humiliation est universel , mais se dcline de faonsdiffrentes. Sont considrs comme humiliants des actes trs diffrents d'une socit l'autre.

    Probablement que le sentiment d'humiliation qui peut s'exprimer dans des socits hirarchiques ne se

    noue pas de la mme faon que dans des socits galitaires. Ce que nous dit Tocqueville, c'est quedans les socits ingalitaires ou hirarchiques il est possible que la notion de semblable soitobscure. On n'y voit de semblable que parmi les gens de la caste ou de son groupe. Il est possible quele sentiment d'humiliation se manifeste dans ces socits dans des situations ou les individus n'agissent

    pas conformment au code de l'honneur qui est le leur. Nous sommes imprgns d'une ide galitaire.

    Exemple : les crimes d'honneur.

    Il y a la dans ce sentiment d'humiliation nonc partir d'un code de l'honneur quelque chose qui nous

    choque. Ce qui caractrise nos modernes est qu'ils se dploient de faon de plus explicite dans une

    ide galitaire. C'est le cas de Hobbes.

    Hobbes (1588-1679)Le Lviathan

    Introduction :

    Hobbes est emblmatique d'une certaine manire de penser la politique dans la modernit. Il estintressant de voir de quelle faon Hobbes construit l'ensemble de sa pense politique, et de quelle

    faon il se dispute avec les auteurs anciens reprsentant pour lui l'ingalit.

    Hobbes est le premier grand philosophe des auteurs tudis . Le grand livre de Hobbes est LeLviathan. Il est crit peu de temps aprs que l'Angleterre ait coup la tte de son roi. Il est crit aucur des conflits entre protestants et catholiques. Son uvre apparat dans un contexte

    particulirement violent et est port par un sentiment d'urgence. Le Lviathanparat en 1651 alorsque Cromwell rgne sur l'Angleterre. Le Lviathan est un chef d'uvre de philosophie politiqueanglaise, c'est une synthse de la philosophie de Hobbes.L'uvre de Hobbes nait de la rencontre entre un projet philosophique et une crise. Les guerresanglaises posent le problme thologico-politique de manire dramatique. L'uvre de Hobbes estune rponse cette crise. On est dans un moment fondateur en Europe. Naissance des notionsd'Etat, de raison d'Etat, de souverainet, pour penser quelque chose qui pourrait s'lever audessus des violences thologico-politiques. Hobbescrit Si dans le temps comme dans l'espace,il y a avait des degrs de haut et de bas, je crois vritablement que le point le plus lev dans le temps

    seraitla priode coule entre 1640 et 1660, car celui qui de cet endroit, comme de la montagne dudiable, aurait considr le monde, et observ les actions des hommes, particulirement en Angleterre,

    aurait put contempler le spectacle de toutes les sortes d'injustices et de folie que le monde put

    conduire . Hobbes avait le sentiment d'avoir vcu la priode la plus violente de l'histoire. Cetteviolence aurait atteint un niveau d'intensit encore indit. L'uvre de Hobbes surgit de l'branlementde la guerre civile et, un peu comme chez Machiavel,il appartient au philosophe de trouver dessolutions thoriques aux problmes politiques du moment, de construire sur le plan thorique, unsavoir qui aurait une efficacit pratique. Hobbes a la certitude d'innover par rapport sesprdcesseurs. A la fin de la deuxime partie du Lviathan, il dit craindre que son travail soit aussi

    mutil que La Rpublique de Platon. Hobbes craint de rdiger un texte qui soit mutil dans son utilitpratique, car il porte sur la chose politique mais il n'a pas d'efficacit pratique. Hobbes estime que ''ni

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    Platon ni jusqu'ici aucun autre philosophe n'ont prouv tous les thormes de morales propres apprendre aux hommes gouverner ou a obir'', il espre que son prsent travail pourrait tomberentre les mains d'un souverain qui en prendrait la connaissance par lui mme car il est court et clair, et

    qui par l'exercice de sa pleine souverainet transformera cela en utilit pratique.

    Lo Strauss fait de Hobbes le fondateur du libralisme politique : ''s'il nous est permis d'appelerlibralisme la doctrine politique pour laquelle le fait fondamental rside dans les droits naturels del'homme par opposition ses devoirs, et pourlaquelle la mission de l'tat consiste protger oua sauvegarder ces mmes droits, il nous faut dire que le fondateur du libralisme politique futHobbes''. Hobbes peut tre lu comme le thoricien de l'tat absolu, mais aussi comme le fondateurdu libralisme. Le fait libral en Europe c'est la disjonction, la sparation entre l'tat et la Socitcivile, le fait libral est l'affirmation de l'tat commeEtat diffrenci, et l'affirmation de la Socitcivile et donc de la libert des individus de cette socit civile.Jean Terrel affirme que Hobbes aurait invent la doctrine moderne du contrat social. Ce livre se

    compose de plusieurs parties, la premire porte sur l'homme, la seconde sur la Rpublique, latroisime sur la rpublique chrtienne, et la quatrime sur le royaume des tnbres. Au fond lapremire partie est l'anthropologie, la seconde la politique, la troisime la religion...

    Pourquoi partir de l'anthropologie?On peut trouver une rponse dans ''Du citoyen'', autre ouvrage de Hobbes datant de 1642. Il fallaitcommencer par la matire de la cit, et progresser ensuite vers sa gnralisation et sa forme, et vers

    l'origine premire de la justice, car c'est en partant des choses partir desquelles chaque chose est

    constitue, que l'on connait le mieux cette chose. A l'tat de nature rien n'est bon ni mauvais, lgitime

    ni illgitime, car ces notions supposent l'institution, le passage l'tat civil. Ce que fait Hobbes c'est deconcevoir une cit dissoute, et donc de concevoir quelque chose comme un tat de nature . Il neparle pas de l'tat de nature sur un mode raliste.

    Hobbes part de l'homme dont le dsir est illimit.Chapitre 11, De la varit des murs : ''Je place au premier rang titre d'inclination gnrale detoute l'humanit un dsir perptuel et sans trve, d'acqurir pouvoir aprs pouvoir, dsir qui ne cesse

    qu' la mort''. Il n'y a pas d'autres limites que sa capacit dsirer. On dsire un pouvoir toujoursaccru la manire de la recherche d'une garantie qui lui permettrait de profiter encore de sonacquisition dans l'avenir. Il s'agit de mnager pour toujours la voie de son dsir futur. Mais Hobbesdira que ce penchant universel qu'est le dsir d'acqurir dcoule le plus souvent de la ralit .

    Hobbes veut fonderune science des passions trangre au bien et au mal. Les dsirs et autrespassions de l'homme ne sont pas eux-mmes des pchs dans l'tat de nature.

    Chapitre XIII : De la condition naturelle des hommes La dmarche de Hobbes se comprend au-del de toute description normative. Ltat de Hobbes est untat qui prcde toute institution du juste et de linjuste, du lgitime et de lillgitime. Il nest donc

    pas pertinent de porter des jugements moraux sur lhomme de ltat de nature . Il oppose ltat

    de nature et ltat dans lequel vivent les hommes son poque. Daprs Montesquieu,Hobbesest un peu misanthrope, et Rousseauparle de tous les philosophes qui lont prcd et dit quils se

    sont tous tromps : les philosophes ont tous senti la ncessit de remonter jusqu ltat denature mais aucun deux ny est arriv . Luvre de Rousseau (le second discours) reprend un

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    certain nombre de perspectives, mais les inverse sur bien des points : lhomme de ltat de nature nest

    pas dcrit par Rousseau comme il est imagin par Hobbes, mais Rousseauparle dun second tatde nature ,le premier tant marqu par un sentiment de plnitude , dexistence sereine, damourde soi. Mais la socit telle quelle fonctionne dans un premier temps, telle que la dcrit Rousseau, est

    bien comparable ltat de nature de Hobbes, cest pourquoi on parle de second tat denature : les pages que Rousseauconsacre lhomme dans la socit sont une sorte de caricaturede ce quil observe autour de lui, et il crit que ltat de nature ne correspond pas du tout ce qu

    dcrit Hobbes, mais cest vritablement la socit qui reflte ltat de nature selon Hobbes. Lesicle des Lumires va reprendre les philosophes du XVIIe, dans une nouvelle perspective : les

    problmes politiques du XVIIIme ne sont pas ceux du XVIIme sicle. Le Lviathan est une sorte delivre qui pourrait prfigurer un tat totalitaire, le but est en effet de penser une instance politiquesuffisamment puissante pour sriger au-dessus des guerres religieuses, alors quau XVIIIme sicle le

    problme nest plus de trouver un tat solide, mais de limiter labsolutisme du pouvoir.

    Les questions existentielles du XVIIIme ne sont plus les mmes que celles du XVIIme.

    Selon Hobbes, Les hommes ne retirent pas dagrment, mais au contraire un grand dplaisir, de lavie en compagnie, l o il nexiste pas de pouvoir capable de les tenir tous en respect. Il y a une

    utilisation du terme respect intressante. Hobbes passe en revue toute une srie de sources deconflits. Sur certains points, lanthropologie de Hobbes est plus riche que bien dautres philosophes ; il

    existe quil est fondamental dobtenir de la reconnaissance pour les hommes, darracher la

    reconnaissance des autres alors que chacun des hommes veut refuser aux autres cettereconnaissance : chacun attend de son compagnon quil lestime autant quil sapprcie lui-mme . La grande formule historiquement consacre a t la hirarchie et lingalit : partir du

    moment o les hommes se considrent gaux entre eux, ils commencent exiger les mmes droits.Hobbes dcrit un tat de nature fonctionnant surle mode individualiste, du chacun pour soi , lesindividus sont gaux dans ce conflit. Les enjeux quil dcrit font penser aux conflits que connaissent les

    socits de lindividualisme avanc. Il y a trois principales sources de conflit :

    la rivalit, dont lenjeu est le profit (dimension matrielle) la mfiance, dont lenjeu est la scurit la fiert, dont lenjeu est la rputation

    Toutes ces sources de conflit sont orientes autour dun enjeu. Dans lhomme, il y a des sources

    permanentes de conflit et de violence, ltat de nature est ncessairement soumis aux passions deshommes, avec des sources de conflits prexistantes et perptuelles. En ce sens- l, lhomme nest pasvraiment n apte la socit. Dans Le Citoyen, il crit qu lhomme dans sa nature, la solitude

    perptuelle est pnible, car les enfants pour vivre, et les adultes pour bien vivre, ont besoin de laide

    des autres .Les hommes sont habits par des tas de raisons dentrer en conflit les uns et les autres, mais ils ont en

    mme temps besoin les uns des autres. Ce nest pas quils dsirent vivre ensemble, ils ont besoin lesuns des autres, et sils veulent que la socit rponde leurs besoins, ils doivent trouver unesolution qui nignore pas le fait que leurs passions naturelles font obstacle la coexistence.Hobbes va considrer que la tradition philosophique sest trompe : selon lui, les anciens philosophesclassiques se sont tromps sur des points fondamentaux. Hobbes nonce que cet chec vient dune

    erreur fondamentale : la philosophie politique traditionnelle postulait que lhomme par nature estun animal politique social, Hobbes rejette ce postulat, il admet que lhomme est lorigine un

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    animal apolitique et asocial, et il va donc falloirinventer une nouvelle science capable de formuleret de rsoudre de faon rigoureuse le problme politique . Il remet en question la philosophietraditionnelle, nanmoins il garde une ide importante de cette philosophie, lide selon laquelle la

    philosophie est possible ou ncessaire . Il continue leffort philosophique des anciens en inversantsur certains points les perspectives philosophiques des anciens : il considre que la philosophie

    politique peut rellement avoir des effets pratiques, notamment dans la rsolution des conflits de

    lpoque. Lhomme est autant un animal apolitique que politique.

    Le livre de KantLide dune histoire universelle, contient lidede l insociable sociabilit .Kant parle du bois tordu de lhumanit : si on a un arbre, il va pousser dans tous les sens, mais si ona une fort, les arbres vont entrer en concurrence les uns avec les autres pour obtenir le maximum de

    soleil, et vont donc avoir tendance pousser trs droit et trs haut. Cette mtaphore de Kant illustrelinsociable sociabilit de lhomme.

    Le problme de Hobbesest de trouver une solution qui nest pas seulement empirique mais purement

    rationnelle : Hobbes va provoquerune fiction ncessaire pour que les hommes se fassent une imagede la socit civileet arrivent donc lide que cette socit leur est ncessaire. On a besoin de lafiction de ltat de nature, on va y imaginer une situation dans laquelle il ny a pas dEtat , Hobbesva mme supposer quil faut faire abstraction de la famille, de tout.Dans une telle situation, le plus fortne peut jamais se sentir en scurit car l'homme le plus faibleest assez fort pour tuer le plus fort, il ne peut jamais considrer que sa prminence est acquise. La question est de savoir celui quivaut le plus na rien faire dans ltat de sainte -nature otous ainsi quon la montr plus haut, sont gaux = la valeur des hommes dans la nature estgale. Lingalit prsente, a t introduite un certain moment, par les lois civiles. Il estime que matre

    et serviteur ne tiennent pas leur origine de la nature, l'ide d'une diffrence naturelle entre matre etserviteur est conteste par Hobbes. Il dit que cette ide est contraire la raison. ''Si donc lanature a fait les hommes gaux alors cette galit doit tre reconnue, et si elle les a fait ingaux,cette galit doit nanmoins tre admise'' il faut admettre que c'est le cas car les hommesn'accepteront jamais de passer des contrats autrement que sur un pied d'galit. Si on accepte de

    constater que l'galit est naturelle il faut le reconnatre, il faut admettre l'galit car les hommes euxse jugent gaux, et ne voudront contracter que sur un pied d'galit, et sans contrat on ne peutpasser l'tat civil. On trouve cela au chapitre 15.

    Le chapitre 13 est fondamental car on assiste la mise en place de la solution hobbesienne du

    problme politique. Hobbess'efforce de restaurer les principes moraux de la politique, ce que l'onpeut appelerune loi naturelle, il le fait au niveau du ralisme machiavlien . Hobbes et Machiavelappartiennent la mme vague de la modernit, ils considrent qu'il faut arrter de btir l'ordrepolitique sur des perspectives utopiques. Hobbes est en adquation avec le ralisme machiavlien.La tradition des anciens dfinissait la loi naturelle par rapport la perfection de l'homme, Hobbes le fait en intgrant les objections machiavliennes, il va conserver l'ide de loi naturelle,mais il va dissocier cette loi naturelle de la perfection humaine, de tout principe normatif. Hobbessera fidle au ralisme machiavlien qui se dtache du devoir tre. Machiavel veut se baser sur cequi est et non sur ce qui doit tre , on retrouve cela chez Hobbes. Hobbes s'efforce de dduire la loi

    naturelle, non pas de l'idal, non de la perfection mais du comportement des hommes , ducomportement qu'ils ont en ralit, du comportement de fait. Hobbes va s'efforcer de trouver une

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    solution aux problmes politiques en partant non de l'idal mais de la ralit. Il va s'efforcer danscette reconstruction de la politique de dduire la loi naturelle de ce qui fait agir les hommes de fait, du

    mobile le plus puissant qui les fait agir. Or, ce qui a le plus d'emprise la plupart du temps, ce n'estpas la raison mais la passion. Il va tirer les consquences de ce fait, en s'efforant de dduire la loinaturelle de la plus puissante des passions, pour tre fidle au ralisme machiavlien il faut quecette passion soit naturelle. Il y a une passion puissante et universelle : la peur de la mort.A la fin du chapitre 13,Hobbes arrive la conclusion qu' l'tat de nature les hommes sont arrivs une situation trs pnible qui se caractrise par l'tat de guerre, tat de guerre entendu non commeune situation de combat rel, mais comme une situation dans laquelle il n'y a pas de paix. L'tat deguerre est une situation dans laquelle les hommes peuvent chaque instant mourir de mortviolente, ce qui ne veut pas dire qu'ils meurent chaque instant. L'tat de guerre, Hobbes prcise quela guerre est la guerre de chacun contre chacun, ce qui est plus terrible comme situation. Cettesituation fait plutt penser aux situations de guerre civile ou l'on ne sait pas qui est l'ami et qui est

    l'ennemi. Hobbes rsume cela ainsi : la vie de leur est alors solitaire, besogneuse, pnible, quasi-

    animale et brve .Hobbes dit qu'il n'y a pas de computation du temps, on ne sait pas quand on est. Les passionsfondamentales sont la crainte de la mort, le dsir des choses ncessaires et l'espoir de lesobtenir par leur industrie.La raison apparat alors et on reconnat la ncessit de contracter.L'ennemi commun des hommes est la mort violente. Il y a alors la fin de ce chapitre une

    reconstruction rationnelle de la cit, sur la base du ralisme machiavlien.

    Chapitre 14 :Pour sortir de l'tat de nature il faut renoncer certaines choses, dont le droit illimit , le droit sur

    toute chose. Pour faire comprendre cela Hobbes va introduire une distinction trs importante :la libert et l'obligation, le premier paragraphe porte sur le droit de nature, jus naturale= libert qu'achacun d'user de son pouvoir propre comme il l'entend pour la prservation de sa proprenature. Ce jus naturale renvoi donc la libert.Une loi de nature est ce que Hobbes s'efforce de dgager dans les chapitres 14 et 15, une loi denature, lex naturalis : c'est un prcepte, une rgle gnrale, dcouverte par la raison . On nest pasdans le droit naturel traditionnel, tel que la tradition chrtienne le dveloppe, on est ici dans le droitnaturel moderne par opposition celui des anciens.Il y a chez Hobbes une euristique de la peur, pour Hobbes elle n'est pas toujours mauvaiseconseillre, contrairement ce que l'on pense parfois. Hans Jonas''Le principe responsabilit'', sonraisonnement consiste dire qu'il peut y avoir une euristique de la peur quand on imagine le pirepour viter qu'il se produise. On peut de manire rationnelle imaginer ce que serait une catastrophecologique car ainsi on peut imaginer le pire pour viter qu'il se produise. Chez Hobbes il y a uneeuristique de la peur car les hommes ne supportant pas leur tat misrable en tirent lesconsquences, pour en sortir. Refuser la peur conduit des attitudes irrationnelles.Dans le chapitre 14 comme dans le chapitre 15Hobbes se livre une dduction rationnelle desprincipes raisonnables de la sortie de l'tat de nature. Il dit a propos des lois de nature ''on a coutume

    d'appeler du nom de loi ces prescriptions de la raison mais c'est impropre carelles ne sont que desconclusions ou des thormes concernant ce qui favorise la conservation et la dfense des

    hommes''.

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    Il y a une dimension artificialistedans luvre de Hobbescar quand il est question danthropologie etquand il est question de ltat de nature, on pense un tatpr-politique. Ltat civil est le rsultatdune rupture avec la nature et en mme temps que la politique est en rupture avec la nature, elle est

    en quelque sorte entre dans lhistoire. Cet tat civil nest que le rsultat de pactes et de conventionspar lesquels le corps politique qui nexistait pas naturellement est institu. On a, de Hobbes Rousseau, lide dun corps politique qui est fond par une souverainet absolue (celle duLviathan), qui sadosse un tat de nature. On btit la rflexion partir dun droit fondamental, ledsir de lindividu dchapper la mort violente, toute la construction, les pactes qui ne tiennentqu la seule exigence de la scurit physique de lindividu . LEtat doit tre absolu selon Hobbes,

    puisque si lon veut que les diffrents pactes et conventions que passent les individus entre eux soient

    garantis, il faut un Etat absolu.Il y a une galisation des conditions par la mort. Lobissance nest pas naturelle, elle ne peutdonc avoir sa source que dans la convention qui est un artifice conu pour chapper ltat deguerre. Les conventions nont dautre sens que le bien quelles apportent aux individus, savoir la

    scurit. Si un pacte napporte pas la scurit, il na pas de raison dtre : les individus nalinent pastout, ils conservent toute une srie de droits qui peuvent constituer les fondements de la rsistance.

    Une fois que Hobbes a dfini ces diffrentes lois de la nature, il va consacrer un chapitre des

    questions techniques, le chapitre XVI.

    Chapitre XVI : Des personnes, des auteurs, des biens personnifis. Il introduit la notion depersonne, celle dauteur, ainsi que la question de la reprsentation. Est une personne celui dont les

    paroles ou les actions sont considrs soitcomme lui appartenant, soit comme reprsentant lesparoles ou actions dun autre ;

    il distingue ensuite la personne naturelle de la personne artificielle : Les paroles ou actions decertaines personnes artificielles sont reconnues pour siennes celles quil reprsente, alors lapersonne estlacteur, et celui qui en reconnat pour siennes les paroles et actions est lauteur.

    Deux pages aprs, Hobbes introduit une dernire notion dont il a besoin pour clore sa premire partie : une multitude dhommes devient une seule personne quand ces hommes sontreprsents par unseul homme ou une seule personne de telle sorte que cela se fasse avec le consentement de chaqueindividu de cette multitudecar cest lunit de celui qui reprsente, non lunit du reprsent qui rend

    une la personne .

    La politique nest pas naturelle, en revanche les sources de conflit sont en quelque sorte naturelle, ils

    sont anthropologiques. Ltat ne vient quaprs, comme rponse cette anthropologie. La finalit dela politique est trs claire, il sagit toujours dchapper cet tat misrable dans lequel se trouve

    lhomme, et ce nest quaprs que lon arrive la deuxime partie De la Rpublique , et demble lechapitre XVII sintitule Des causes de gnration et de la dfinition de la Rpublique .

    Chapitre XVII Des causes de gnration et de la dfinition de la Rpublique : la question de lafinalit est clairement indique. Le souci pour les hommes est de veiller leur propre conservation. En

    labsence dun pouvoir fort, les conventions sans le glaive ne sont que des paroles dnues de laforce dassurer aux gens la moindre scurit . Hobbes vite le pige de langlisme, il a

    absolument conscience que la scurit, la validit des conventions nest possible que sil y a unsuperpouvoir capable de les garantir. Les paroles ne suffisent pas. Parmi les textes du XXme

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    sicle, dans De lorigine des totalitarismes, Hannah Arendtattire lattention sur lexprience desapatrides, des rfugis, des Heimatlos , cad ceux qui ont perdu leur patrie, et elle dit demanire saisissante car pour elle ces gens se sont trouvs dans une situation trs particulire dans

    laquelle privs de patrie, ils ntaient que des tres humains, et non plus des citoyens. O r, Hannah

    Arendt dit quil semble quun homme humain , qui nest plus quun homme, ne soit plus traitcomme tel par les autres : un homme qui ne voit pas ses droits garantis par un tat est traitcomme une chose ou un animal.

    Ainsi, la critique du pouvoir ne suffit pas, il faut se mfier de labsence de pouvoir.

    Or, Hobbestraite justement du problme de labsence de pouvoir : les lois de la nature ne menantnulle part, une garantie, un glaive , est ncessaire pour assurer les conventions et lascurit des citoyens. Par la suite, Hobbessinterroge surles animaux sociaux, rputs vivre ensocit . De manire amusante, Hobbes passe en revue toutes les diffrences entre les socitsanimales et les socits humaines.

    Au fond, Hobbes prconise que Il faut confier tous leurs pouvoirs et toutes leurs forces un seul

    homme ou une seule assemble qui puisse rduire toute leur volont, par la rgle de lamajorit, en une seule volont. Cela revient dire, dsigner un homme ou une assemble pourassumer leur personnalit et que chacun savoue et se reconnaisse comme lauteur de tout ce quaura

    fait ou fait faire quant aux choses qui concernent la paix ou la scurit commune, celui qui a ainsi fait .

    Cela va plus loin que le consensus, que la concorde, ilsagit dune unit relle de tous en une seuleet mme personne, convention ralise de chacun avec chacun, de telle sorte que cest comme si

    chacun disait chacun jautorise cet homme ou cette assemble etje lui abandonne mon droit deme gouverner moi-mme condition que tu lui abandonnes ce mme droit au profit du mmehomme, et que tu autorises toutes tes actions de la mme manire. Cela fait la multitude ainsi unie en

    une seule personne, appele la Rpublique. Telle est la gnration de ce grand Lviathan , ouplutt de ce grand dieu immortel.

    Le pouvoir du Lviathan est tel quon ne peut en imaginer de plus grand sur terre . Le pouvoir de

    dieu est tel quon ne peut en imaginer de plus grand, on ne peut donc pas imaginer que sa grandeur

    soit limite par quelque chose : comment un tre limit par rien pourrait-il ne pas exister ? Au bordde la construction la pense associe individualisme et Etat absolu. Le danger qui pesait sur lindividuau XVIme et au XVIIme sicle venait principalement des guerres civiles thologico-politiques, ilfaudrait imaginer une instance qui serait capable de sriger au-dessus des passions : linverse,au XVIIIme sicle et ensuite, le danger ne sera plus celui des guerres de religion en Europe. Lasuperpuissance de lEtat va ensuite seulement apparatre comme ce qui constitue un danger :cest un dplacement des problmatiques en fonction des enjeux de lpoque. Si on reste fig sur une

    seule pense, un seul auteur, on sera probablement incapable de comprendre les problmes du

    moment.

    La question de la rsistance : il faut que chaque individu se dpossde et renonce se gouvernerlui-mme, quil se dessaisisse au profit dun hommeou dune assemble. Apparemment, il ny aaucune possibilit thorique de dsobir chez Hobbes, il ny a aucune lgitimit dsobir.Il existe des thories mdivales du tyrannicide : le problme du pouvoir illgitime. Il y a deuxtypes de tyrans au Moyen Age, le tyran par dfaut de titre qui a usurp des pouvoirs et le tyran en

    exercice, qui lexerce dune manire illgitime. On a de vritables thories tyrannicides, qui autorisentdans certaines situations se dbarrasser du tyran.

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    Hobbes innove sur certains points : on trouve chez lui lexpression right of resistance , mais ellena plus le sens quelle avait dans des sens plus anciens, elle ne renvoie plus exactement au coupleinjustice/illgitimit. Pour des raisons lies la construction politique, Hobbeslimine le problmede la lgitimit ; il supprime de ses interrogations la rflexion sur la diffrence entre monarchie ettyrannie. Hobbesnuance considrablement les diffrents types de formule politique, il crit quelon trouve dans les ouvrages historiques et politiques dautres faons de dsigner le gouvernement :

    tyrannie , oligarchie . Mais ce ne sont pas dautres formes de gouvernement, ce sont lesmmes que lon appelle ainsi quand on ne les a ime pas. Ainsi, ceux qui ne sont pas satisfaits sous la

    monarchie lappellent tyrannie, et ceux qui sont mcontents de laristocratie lappelle oligarchie. De

    mme, ceux qui se plaignent sous une dmocratie lappellent anarchie (= absence de gouvernement).

    Hobbes semble relativiser les diffrentes formes de gouvernement et surtout par laquelle il semblemettre de ct toute question relevant de la lgitimit. A priori, la question de la rsistance ne peutpas se poser chez Hobbes de faon pose, car partir du moment o nous sommes dans lecadre du contrat, des conventions, on doit obir. Pourtant, comme le fait remarquerYves Charles

    Zaccar, le droit de rsistance semble revenir sous une autre forme et il revient cette fois comme undroit inalinable de lindividu, il est pens en relation avec ce qui est inalinable. Cela signifie que ledroit de rsistance est pens comme un droit subjectifque possdent les tres humains quelle quesoit la situation. Ex : quelle que soit la situation (tat de nature ou tat civil), un ho