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U NIVERSITÉ P ARIS VIII - V INCENNES S AINT -D ENIS H ISTOIRE DE LA R ÉPUBLIQUE P REMIÈRE A NNÉE DE L ICENCE Fascicule de Travaux Dirigés 2017 - 2018 Cours de M. Alexandre Lunel Groupes de MM. Guillaume Cot et Thomas Michalak

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U N I V E R S I T É P A R I S V I I I - V I N C E N N E S S A I N T - D E N I S

HISTOIRE DE LA

RÉPUBLIQUE P R E M I È R E A N N É E D E L I C E N C E

Fascicule de Travaux Dirigés2017 - 2018

Cours de M. Alexandre LunelGroupes de MM. Guillaume Cot et Thomas Michalak

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BIBLIOGRAPHIE

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SÉANCE I

République(s)

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Texte I : Aristote, Les politiques (Livre I, Chapitre I)

Puisque toute cité, nous le voyons, est une certaine communauté, et que toute communauté a été constituée en vue d’un certain bien (car c’est en vue de ce qui leur semble une bien que tous les hommes font ce qu’ils font), il est clair que toutes les communautés visent un certain bien, et que, avant tout, c’est le bien suprême entre tous que vise celle qui est la plus éminente de toutes et qui contient toutes les autres. Or c’est celle que l’on appelle la cité, c’est-à-dire la communauté politique.

Texte II : Cicéron, De la République (Livre I, 25)

La république, c’est la chose du public. Le public, cependant, ce n’est pas le rassemblement de tous les hommes sous la forme de n’importe quelle collectivité, mais le rassemblement de la multitude dont l’association repose sur l’accord du droit et la communauté de ce qui est utile.

Texte III : Machiavel, Discours sur la première décade de Tite-Live (Livre V)

Où l’égalité ne se trouve pas, il ne peut y avoir de république.

Texte IV : Montesquieu, De l’Esprit des lois (Livre IV, Chapitre 4-5)

La plupart des peuples anciens vivaient dans des gouvernements qui ont la vertu pour principe ; et lorsqu’elle y était dans sa force, on y faisait des choses que nous ne voyons plus aujourd’hui et qui étonnent nos petites âmes.

[…] C’est dans le gouvernement républicain que l’on a besoin de toute la puissance de l’éducation. La crainte des gouvernements despotiques naît d’elle-même parmi les menaces et les châtiments ; l’honneur des monarchies est favorisé par les passions, et les favorise à son tour : mais la vertu politique est un renoncement à soi-même, qui est toujours une chose très pénible.

On peut définir cette vertu, l’amour des lois et de la patrie. Cet amour, demandant une préférence continuelle de l’intérêt public au sien propre, donne toutes les vertus particulières, elles ne sont que cette préférence.

Texte V : Rousseau, Lettres écrites de la Montagne, 1764 (Huitième lettre)

On a beau vouloir confondre l’indépendance et la liberté. Ces deux choses sont si différentes que même elles s’excluent mutuellement. Quand chacun fait ce qu’il lui plaît, on fait souvent ce qui déplaît à d’autres, et cela ne s’appelle pas un État libre. La liberté consiste moins à faire sa volonté qu’à n’être pas soumis à celle d’autrui, elle consiste encore à ne pas soumettre la volonté d’autrui à la nôtre. Quiconque est maître ne peut être libre, et régner c’est obéir.

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Il n’y a donc point de liberté sans lois, ni où quelqu’un est au-dessus des lois […]. Un peuple libre obéit mais il ne sert pas ; il a des chefs et non pas des maîtres ; il obéit aux lois, mais il n’obéit qu’aux lois et c’est par la force des lois qu’il n’obéit pas aux hommes.

Toutes les barrières qu’on donne dans les républiques au pouvoir des magistrats ne sont établies que pour garantir de leurs atteintes l’enceinte sacrée des lois : ils en sont les ministres non les arbitres, ils doivent les garder non les enfreindre. Un peuple est libre, quelque forme qu’ait son gouvernement quand dans celui qui le gouverne il ne voit point l’homme, mais l’organe de la loi. En un mot, la liberté suit toujours le sort des lois, elle règne ou périt avec elles.

Texte VI : Rousseau, Émile ou De l’éducation, 1762 (Livre II)

Il y a deux sortes de dépendances: celle des choses, qui est de la nature; celle des hommes, qui est de la société. La dépendance des choses, n'ayant aucune moralité, ne nuit point à la liberté, et n'engendre point de vices: la dépendance des hommes étant désordonnée les engendre tous, et c'est par elle que le maître et l'esclave se dépravent mutuellement. S'il y a quelque moyen de remédier à ce mal dans la société, c'est de substituer la loi à l'homme, et d'armer les volontés générales d'une force réelle, supérieure à l'action de toute volonté particulière. Si les lois des nations pouvaient avoir, comme celles de la nature, une inflexibilité que jamais aucune force humaine ne pût vaincre, la dépendance des hommes redeviendrait alors celle des choses; on réunirait dans la république tous les avantages de l'état naturel à ceux de l'état civil; on joindrait à la liberté qui maintient l'homme exempt de vices, la moralité qui l'élève à la vertu.

Texte VII : Rousseau, Du contrat social, 1762 (Chapitre VII « Du souverain »)

Le souverain n'étant formé que des particuliers qui le composent n'a ni ne peut avoir d'intérêt contraire au leur ; par conséquent la puissance souveraine n'a nul besoin de garant envers les sujets, parce qu'il est impossible que le corps veuille nuire à tous ses membres, et nous verrons ci-après qu'il ne peut nuire à aucun en particulier. Le souverain, par cela seul qu'il est, est toujours tout ce qu'il doit être.

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SÉANCE II

La République Monarchique 1791-1792

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Texte I : Sieyès, Qu’est-ce que le tiers-état ?, 1789

Le plan de cet écrit est assez simple. Nous avons trois questions à nous faire : 1° Qu’est-ce que le tiers état ? Tout. 2° Qu’a-t-il été jusqu’à présent dans l’ordre politique ? Rien. 3° Que demande-t-il ? À être quelque chose.

Texte II : Sieyès, Qu’est-ce que le tiers-état ?, 1789 (Chapitre 1 « Le tiers état est une nation complète »)

Qui donc oserait dire que le tiers état n’a pas en lui tout ce qu’il faut pour former une nation complète ? Il est l’homme fort et robuste dont un bras est encore enchaîné. Si l’on ôtait l’ordre privilégié, la nation ne serait pas quelque chose de moins, mais quelque chose de plus. Ainsi, qu’est-ce que le tiers ? Tout, mais un tout entravé et opprimé. Que serait-il sans l’ordre privilégié ? Tout, mais un tout libre et florissant. Rien ne peut aller sans lui, tout irait infiniment mieux sans les autres. Il ne suffit pas d’avoir montré que les privilégiés, loin d’être utiles à la nation, ne peuvent que l’affaiblir et lui nuire, il faut prouver encore que l’ordre noble n’entre point dans l’organisation sociale ; qu’il peut bien être une charge pour la nation, mais qu’il n’en saurait faire une partie. D’abord, il n’est pas possible, dans le nombre de toutes les parties élémentaires d’une nation, de trouver où placer la caste des nobles. […]

Qu’est-ce qu’une nation ? Un corps d’associés vivant sous une loi commune et représentés par la même législature. N’est-il pas trop certain que l’ordre noble a des privilèges, des dispenses, même des droits séparés des droits du grand corps des citoyens ? Il sort par là de l’ordre commun, de la loi commune.

Texte III : Décret relatif à l’abolition des privilèges, 4-11 août 1789

Article premier : L’Assemblée nationale détruit entièrement le régime féodal.

Texte IV : Adrien Duport, Discours à l’Assemblée nationale, 5 août 1789

Tout ce qui est injuste ne peut subsister.

Texte V : Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen, 26 août 1789

Les représentants du peuple français, constitués en Assemblée nationale, considérant que l'ignorance, l'oubli ou le mépris des droits de l'homme sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des gouvernements, ont résolu d'exposer, dans une déclaration solennelle, les droits naturels, inaliénables et sacrés de l'homme, afin que cette déclaration, constamment présente à tous les membres du corps social, leur rappelle sans cesse leurs droits et leurs devoirs ; afin que les actes du pouvoir législatif et ceux du pouvoir exécutif, pouvant être à chaque instant comparés avec le but de toute institution politique, en soient plus respectés ; afin que les réclamations des citoyens, fondées désormais sur des principes simples et incontestables, tournent toujours au maintien de la Constitution et au bonheur de

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tous. En conséquence, l'Assemblée nationale reconnaît et déclare, en présence et sous les auspices de l'Être Suprême, les droits suivants de l'homme et du citoyen.

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Article premier Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune.

Article II Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression.

Article III Le principe de toute Souveraineté réside essentiellement dans la Nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d’autorité qui n’en émane expressément.

Article IV La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi l’exercice des droits naturels de chaque homme n’a de bornes que celles qui assurent aux autres Membres de la Société, la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la Loi.

Article V La Loi n’a le droit de défendre que les actions nuisibles à la Société. Tout ce qui n’est pas défendu par la Loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu’elle n’ordonne pas.

Article VILa Loi est l’expression de la volonté générale. Tous les Citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs Représentants, à sa formation. Elle doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse. Tous les Citoyens étant égaux à ses yeux, sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents.

Article VII Nul homme ne peut être accusé, arrêté, ni détenu que dans les cas déterminés par la Loi, et selon les formes qu’elle a prescrites. Ceux qui sollicitent, expédient, exécutent ou font exécuter des ordres arbitraires, doivent être punis ; mais tout Citoyen appelé ou saisi en vertu de la Loi doit obéir à l’instant : il se rend coupable par la résistance.

Article VIII La Loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu’en vertu d’une Loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée.

Article IX Tout homme étant présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable, s’il est jugé indispensable de l’arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s’assurer de sa personne, doit être sévèrement réprimée par la Loi.

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Article X Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la Loi.

Article XI La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté, dans les cas déterminés par la Loi.

Article XII La garantie des droits de l’Homme et du Citoyen nécessite une force publique : cette force est donc instituée pour l’avantage de tous, et non pour l’utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée.

Article XIII Pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable. Elle doit être également répartie entre tous les Citoyens, en raison de leurs facultés.

Article XIV Tous les Citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs Représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée.

Article XV La Société a le droit de demander compte à tout Agent public de son administration.

Article XVIToute Société dans laquelle la garantie des Droits n’est pas assurée, ni la séparation des Pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution.

Article XVIILa propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité.

Texte VI : Constitution du 3 septembre 1791 (extrait)

Chapitre II. Section Première. De la Royauté et du roi.

Article 1er. La Royauté est indivisible, et déléguée héréditairement à la race régnante de mâle en mâle, par ordre de primogéniture, à l’exclusion perpétuelle des femmes et de leur descendance. […]

Article 2. La personne du roi est inviolable et sacrée ; son seul titre est Roi des français.

Article 3. Il n’y a point en France d’autorité supérieure à celle de la loi. Le roi ne règne que par elle, et ce n’est qu’au nom de la loi qu’il peut exiger l’obéissance.

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Article 4. Le roi, à son avènement au trône, ou dès qu’il aura atteint sa majorité, prêtera à la Nation, en présence du Corps législatif, le serment d’être fidèle à la Nation et à la loi […].

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SÉANCE III

La Première République 1792-1799

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Texte I : Condorcet, Rapport et projet de décret relatifs à l’organisation générale de l’instruction publique, 20 et 21 avril 1792

C'est d'après cette philosophie, libre de toutes les chaînes, affranchie de toute autorité, de toute habitude ancienne, que nous avons choisi et classé les objets de l'instruction publique. C'est d'après cette même philosophie que nous avons regardé les sciences morales et politiques comme une partie essentielle de l'instruction commune. Comment espérer, en effet, d'élever jamais la morale du peuple, si l'on ne donne pour base à celle des hommes qui peuvent l'éclairer, qui sont destinés à diriger, une analyse exacte, rigoureuse des sentiments moraux, des idées qui en résultent, des principes de justice qui en sont la conséquence ? Les bonnes lois, disait Platon, sont celles que les citoyens aiment plus que la vie. En effet, comment les lois seraient-elles bonnes, si, pour les faire exécuter, il fallait employer une force étrangère à celle du peuple, et prêter à la justice l'appui de la tyrannie ? Mais pour que les citoyens aiment les lois sans cesser d'être vraiment libres, pour qu'ils conservent cette indépendance de la raison, sans laquelle l'ardeur pour la liberté n'est qu'une passion et non une vertu, il faut qu'ils connaissent ces principes de la justice naturelle, ces droits essentiels de l'homme, dont les lois ne sont que le développement ou les applications.

Texte II : Louis XVI, Déclaration à tous les Français (à sa sortie de Paris), 20 juin 1791

Français, et vous surtout Parisiens, vous habitants d'une ville que les ancêtres de Sa Majesté se plaisaient à appeler la bonne ville de Paris, méfiez-vous des suggestions et des mensonges de vos faux amis, revenez à votre Roi, il sera toujours votre père, votre meilleur ami. Quel plaisir n'aura-t-il pas d'oublier toutes ses injures personnelles, et de se revoir au milieu de vous lorsqu'une Constitution qu'il aura acceptée librement fera que notre sainte religion sera respectée, que le gouvernement sera établi sur un pied stable et utile par son action, que les biens et l'état de chacun ne seront plus troublés, que les lois ne seront plus enfreintes impunément, et qu'enfin la liberté sera posée sur des bases fermes et inébranlables.

Texte III : Danton, Discours à l’Assemblée législative, 2 septembre 1792

Tout s’émeut, tout s’ébranle, tout brûle de combattre. Vous savez que Verdun n’est point encore au pouvoir de vos ennemis. Vous savez que la garnison a promis d’immoler le premier qui proposerait de se rendre. Une partie du peuple va se porter aux frontières, une autre va creuser des retranchements, et la troisième, avec des piques, défendra l’intérieur de nos villes. Paris va seconder ces grands efforts. Les commissaires de la Commune vont proclamer, d’une manière solennelle, l’invitation aux citoyens de s’armer et de marcher pour la défense de la patrie. C’est en ce moment, messieurs, que vous pouvez déclarer que la capitale a bien mérité de la France entière. C’est en ce moment que l’Assemblée nationale va devenir un véritable comité de guerre.

Nous demandons que vous concouriez avec nous à diriger ce mouvement sublime du peuple, en nommant des commissaires qui nous seconderont dans ces grandes mesures.

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Nous demandons que quiconque refusera de servir de sa personne, ou de remettre ses armes, soit puni de mort. Nous demandons qu’il soit fait une instruction aux citoyens pour diriger leurs mouvements. Nous demandons qu’il soit envoyé des courriers dans tous les départements pour les avertir des décrets que vous aurez rendus.

Le tocsin qu’on va sonner n’est point un signal d’alarme, c’est la charge sur les ennemis de la patrie. Pour les vaincre, messieurs, il nous faut de l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace, et la France est sauvée.

Texte IV : Abbé Grégoire, Discours à la Convention nationale, 21 septembre 1792

Les rois sont dans l'ordre moral ce que les monstres sont dans l'ordre physique. Les cours sont l'atelier du crime, le foyer de la corruption et la tanière des tyrans. L'histoire des rois est le martyrologe des nations.

Texte V : Saint-Just, Discours à la Convention nationale, 13 novembre 1792

Les mêmes hommes qui vont juger Louis ont une République à fonder : ceux qui attachent quelque importance au juste châtiment d’un roi ne fonderont jamais une République. […] Pour moi, je ne vois point de milieu : cet homme doit régner ou mourir.

[…] Juger un roi comme un citoyen ! Ce mot étonnera la postérité froide. Juger, c’est appliquer la loi. Une loi est un rapport de justice : quel rapport de justice y a-t-il donc entre l’humanité et les rois ?

[…] On ne peut point régner innocemment : la folie en est trop évidente. Tout roi est un rebelle et un usurpateur.

Texte VI : « Constitution girondine » (projet) présentée à la Convention Nationale, 15 février 1793

TITRE V. – DU CONSEIL EXÉCUTIF DE LA RÉPUBLIQUE

Section Première. – De l’organisation du Conseil exécutif de la République

Article Premier. – Le Conseil exécutif de la République sera composé de sept ministres et d’un secrétaire.

Art. 2. – Il y aura : 1° Un ministre de la Législation ; 2° Un ministre de la Guerre ; 3° Un ministre des Affaires Étrangères   ; 4° Un ministre de la Marine   ; 5° Un ministre des Contributions publiques ; 6° Un ministre d’Agriculture, de Commerce et de Manufactures ; 7° Un ministre des Secours, Travaux, Établissements publics, des Sciences et des Arts.

Art. 3. – Le Conseil exécutif sera présidé alternativement par chacun des ministres, et le Président sera changé tous les quinze jours.

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Art. 4. – Le Conseil exécutif est chargé d’exécuter et de faire exécuter toutes les lois et décrets rendus par le Corps législatif.

Art. 6. – Il lui est expressément interdit de modifier, d’étendre ou d’interpréter les dispositions des lois et des décrets, sous quelque prétexte que ce soit.

Art. 7. – Tous les agents de l’administration et du gouvernement dans toutes ses parties sont essentiellement subordonnés au Conseil exécutif   ; mais l’administration de la justice est seulement soumise à sa surveillance.

Art. 13. – La direction et l’inspection des armées de terre et de mer, et généralement tout ce qui concerne la défense extérieure de l’État, sont délégués au Conseil exécutif. – Il est chargé de tenir au complet le nombre d’hommes qui sera déterminé chaque année par le Corps législatif ; de régler leur marche, et de les distribuer sur le territoire de la République ; de pourvoir à leur armement, à leur équipement et à leur subsistance ; de faire et passer, pour cet objet, tous les marchés qui seront nécessaires   ; de choisir les agents qui doivent les seconder, et de faire observer les lois sur le mode d’avancement militaire, et les lois ou règlements pour la discipline des armées.

Art. 21. – Aucun ministre en place, ou hors de place, ne peut être poursuivi en matière criminelle pour fait de son administration, sans un décret du Corps législatif qui ordonne la mise en jugement.

Art. 22. – Le Corps législatif aura le droit de prononcer la mise en jugement d’un ou de plusieurs membres du Conseil exécutif dans une séance indiquée pour cet objet unique.

Section II. – Du mode d’élection du Conseil exécutif

Article Premier. – L’élection des membres du Conseil exécutif sera faite immédiatement par les citoyens de la République dans leurs assemblées primaires. […]

Art. 20. – Les membres du Conseil seront élus pour deux ans : la moitié sera renouvelée tous les ans ; mais ils pourront être réélus.

Section III. – Des relations du Conseil exécutif avec le Corps législatif

Article Premier. – Le Conseil est tenu, à l’ouverture de la session du Corps législatif, de lui présenter chaque année l’aperçu des dépenses à faire dans chaque partie de l’administration, et le compte de l’emploi des sommes qui y étaient destinées pour l’année précédente ; il est chargé d’indiquer les abus qui auraient pu s’introduire dans le gouvernement.

Art. 2. – Le Conseil exécutif peut proposer au Corps législatif de prendre en considération les objets qui lui paraîtraient exiger célérité : il ne pourra néanmoins en aucun cas ouvrir son avis sur des dispositions législatives que d’après l’invitation formelle du Corps législatif.

Art. 5. – Les membres du Conseil exécutif seront admis dans le sein du Corps législatif, lorsqu’ils auront des mémoires à lire ou des éclaircissements à donner. Ils y auront une place marquée.

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TITRE VII. – DU CORPS LÉGISLATIF

Section Première. – De l’organisation du Corps législatif et du mode d’élection des membres qui le composent

Article Premier. – Le Corps législatif est un   ; il sera composé d’une seule chambre, et renouvelé tous les ans.

Art. 2. – Les membres du Corps législatif seront nommés par les citoyens de chaque département, réunis en assemblées primaires, dans les formes et suivant le mode prescrit par la section III du titre III. […]

Section II. – Des fonctions du Corps législatif

Article Premier. – Au Corps législatif seul appartient l’exercice plein et entier de la puissance législative. […]

Section III. – Tenue des séances et formation de la loi

Article Premier. – Les délibérations du Corps législatif seront publiques, et les procès-verbaux de ses séances seront imprimés.

Art. 2. – Les lois et les décrets seront rendus à la majorité absolue des voix.

Art. 3. – La discussion ne pourra s’ouvrir que sur un projet écrit. […]

Art. 5. – Aucune loi et aucun décret ne pourront être rendus qu’après deux délibérations, la première déterminera seulement l’admission du projet et son renvoi à un nouvel examen ; la seconde aura lieu pour l’adopter ou le rejeter définitivement. […]

TITRE VIII. – DE LA CENSURE DU PEUPLE SUR LES ACTES DE LA REPRÉSENTATION NATIONALE ET DU DROIT DE PÉTITION

Article Premier. – Lorsqu’un citoyen croira utile ou nécessaire d’exciter la surveillance des représentants du peuple sur des actes de constitution, de législation ou d’administration générale, de provoquer la réforme d’une loi existante ou la promulgation d’une loi nouvelle, il aura le droit de requérir le bureau de son assemblée primaire, de la convoquer au jour de dimanche le plus prochain, pour délibérer sur sa proposition. […]

Art.7. – Si la majorité des votants est d’avis qu’il y ait lieu à délibérer, le bureau sera tenu de requérir la convocation des assemblées primaires dont les chefs-lieux sont situés dans l’arrondissement de la même commune, pour délibérer sur l’objet énoncé dans la réquisition. […]

Art.10. – Si la majorité des citoyens qui ont voté dans les assemblées primaires de la commune a déclaré qu’il y a lieu à délibérer sur la proposition, le bureau adressera à l’administration du département le procès-verbal de ses opérations et le résultat général des scrutins des assemblées primaires de la commune qui lui auront été adressés : il requerra en

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même temps l’administration de convoquer les assemblées primaires du département, pour délibérer sur la même proposition. […]

Art.17. – Si la majorité des voix se décide pour l’affirmative, le Corps législatif renverra la proposition adoptée à des commissaires, pour lui présenter un projet de décret dans un délai qui ne pourra excéder celui de la quinzaine.

Art.18. – Ce projet de décret sera ensuite mis à la discussion, rejeté ou admis ; et dans ce dernier cas, renvoyé au bureau suivant les règles prescrites pour la formation de la loi.

Art.19. – Si la majorité des voix rejette la proposition en déclarant qu’il n’y a pas lieu à délibérer, le résultat nominal du scrutin sera également envoyé à tous les départements. Dans tous les cas, soit que le Corps législatif admette la proposition, ou la rejette, la délibération sur la question préalable pourra être motivée, et sera envoyée à tous les départements.

Art.20. – Si la révocation du décret qui a prononcé sur la question préalable, ou de la loi qui aura été faite sur le fond de la proposition, est demandée par les assemblées primaires d’un autre département, le Corps législatif sera tenu de convoquer sur-le-champ toutes les assemblées primaires de la République, pour avoir leur vœu sur cette proposition.

Art.21. – la question sera réduite et posée dans le décret de convocation de la manière suivante   : «  Y a-t-il lieu à délibérer, oui ou non, sur la révocation du décret du Corps législatif, en date du…, qui a admis ou rejeté la proposition suivante :… »

Art.22. – S’il est décidé à la majorité des voix, dans les assemblées primaires, qu’il y a lieu à délibérer sur la révocation du décret, le Corps législatif sera renouvelé, et les membres qui auront voté pour le décret ne pourront être réélus, ni nommés membres du Corps législatif pendant l’intervalle d’une législature. […]

Art.30. – Le Corps législatif pourra, toutes les fois qu’il le jugera convenable, consulter le vœu des citoyens réunis dans les assemblées primaires sur des questions qui intéresseront essentiellement la République entière. Ces questions seront posées de manière que la réponse puisse se faire par la simple alternative, oui ou non.

Art.31. – Indépendamment de l’exercice du droit de censure sur les lois, les citoyens ont le droit d’adresser des pétitions aux autorités constituées, pour leur intérêt personnel et privé.

Art.32. – Ils seront seulement assujettis dans l’exercice de ce droit à l’ordre progressif établi par la Constitution entre les diverses autorités constituées.

TITRE X. – DE L’ADMINISTRATION DE LA JUSTICE

Section V. – Du jury national

Article Premier. – Il sera formé un jury national toutes les fois qu’il s’agira de prononcer sur les crimes de haute trahison. Ces crimes seront expressément déterminés par le Code pénal.

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Art. 2. – Le tableau du jury national sera composé de trois jurés par chaque département, et d’un nombre égal de suppléants.

Art. 3. – Ils seront élus, ainsi que les suppléants, par les assemblées primaires de chaque département, suivant les formes prescrites pour les élections.

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SÉANCE IV

La Terreur1792-1794

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Texte I : Billaud-Varenne aux Septembriseurs, 3 septembre 1792

Respectables citoyens, vous venez d’égorger des scélérats   ; vous avez sauvé la patrie   ; la France entière vous doit une reconnaissance éternelle.

Texte II : Barère, Discours à la Convention nationale, 5 septembre 1793

Il est temps que l’égalité promène la faux sur toutes les têtes. Il est temps d’épouvanter tous les conspirateurs. Eh bien ! Législateurs, placez la terreur à l’ordre du jour (Il s’élève de vifs applaudissements). Soyons en révolution, puisque la contre-révolution est partout tramée par nos ennemis (mêmes applaudissements).

Texte III   : Billaud-Varenne, Rapport à la Convention nationale sur un mode de Gouvernement provisoire et révolutionnaire, 18 novembre 1793 (28 brumaire An II)

Si les tyrans se font précéder par la terreur, cette terreur ne frappe jamais que le peuple. […] Au contraire, dans une République naissante, quand la marche de la révolution force le législateur de mettre la terreur à l’ordre du jour, c’est pour venger la nation de ses ennemis.

Texte IV: Saint-Just, Rapport à la Convention nationale sur la nécessité de déclarer le gouvernement révolutionnaire jusqu'à la paix, 10 octobre 1793 (19 vendémiaire An II)

Vous avez à punir non seulement les traîtres, mais les indifférents mêmes ; vous avez à punir quiconque est passif dans la République et ne fait rien pour elle.

Texte V   : Saint-Just, Rapport au nom du Comité de salut public et du Comité de sûreté générale sur les personnes incarcérées, 26 février 1794 (8 ventôse An II)

Je suis sans indulgence pour les ennemis de mon pays, je ne connais que la justice […]. Ce qui constitue une République, c’est la destruction totale de ce qui lui est opposé. On se plaint des mesures révolutionnaires ! Mais nous sommes des modérés, en comparaison de tous les autres gouvernements. En 1788, Louis XVI fit immoler huit mille personnes de tout âge, de tout sexe, dans Paris, dans la rue Mêlée et sur le Pont-Neuf. La cour renouvela ces scènes au Champ-de-Mars. La cour pendait dans les prisons   ; les noyés que l’on ramassait dans la Seine étaient ses victimes   ; il y avait quatre cent mille prisonniers   ; on pendait par an quinze mille contrebandiers   ; on rouait trois mille hommes   ; il y avait dans Paris plus de prisonniers qu’aujourd’hui. Dans les temps de disette, les régiments marchaient contre le peuple. Parcourez l’Europe ; il y a dans quatre millions de prisonniers dont vous n’entendez pas les cris, tandis que votre modération parricide laisse triompher tous les ennemis de votre gouvernement. Insensés que nous sommes   ! Nous mettons un luxe métaphysique dans l’étalage de nos principes ; les rois, mille fois plus cruels que nous, dorment dans le crime. […] Ceux qui font des révolutions à moitié n’ont fait que se creuser un tombeau.

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Texte VI : Robespierre, Rapport sur les principes du Gouvernement révolutionnaire présenté à la Convention nationale au nom du Comité de salut public, 25 décembre 1793 (5 nivôse An II)

Citoyens Représentants du peuple,

Les succès endorment les âmes faibles ; ils aiguillonnent les âmes fortes.

[…] Les défenseurs de la République adoptent la maxime de César : ils croient qu'on n'a rien fait tant qu'il reste quelque chose à faire. Il nous reste encore assez de dangers pour occuper tout notre zèle.

[…] Le but du gouvernement constitutionnel est de conserver la République ; celui du gouvernement révolutionnaire est de la fonder.

La Révolution est la guerre de la liberté contre ses ennemis ; la Constitution est le régime de la liberté victorieuse et paisible.

Le gouvernement révolutionnaire a besoin d'une activité extraordinaire, précisément parce qu'il est en guerre. Il est soumis à des règles moins uniformes et moins rigoureuses, parce que les circonstances où il se trouve sont orageuses et mobiles, et surtout parce qu'il est forcé de déployer sans cesse des ressources nouvelles et rapides, pour des dangers nouveaux et pressants. […] Le gouvernement révolutionnaire doit aux bons citoyens toute la protection nationale ; il ne doit aux ennemis du peuple que la mort. […] Si le gouvernement révolutionnaire doit être plus actif dans sa marche, et plus libre dans ses mouvements que le gouvernement ordinaire, en est-il moins juste et moins légitime ? Non, il est appuyé sur la plus sainte de toutes les lois, le salut du peuple ; sur le plus irréfragable de tous les titres, la nécessité.

Il a aussi ses règles, toutes puisées dans la justice et dans l’ordre public. Il n'a rien de commun avec l'anarchie, ni avec le désordre ; son but au contraire est de les réprimer, pour amener et pour affermir le règne des lois. Il n'a rien de commun avec l'arbitraire ; ce ne sont point les passions particulières qui doivent le diriger, mais l’intérêt public.

Texte VII : Robespierre, Discours à la Convention nationale sur les principes de morale politique qui doivent guider la Convention nationale dans l’administration intérieure de la République, 5 février 1794 (17 pluviôse An II)

Quel est le but où nous tendons ? La jouissance paisible de la liberté et de l’égalité ; le règne de cette justice éternelle, dont les lois ont été gravées, non sur le marbre ou sur la pierre, mais dans les cœurs de tous les hommes, même dans celui de l’esclave qui les oublie, et du tyran qui les nie.

Nous voulons substituer, dans notre pays, la morale à l’égoïsme, la probité à l’honneur, les principes aux usages, les devoirs aux bienséances, l’empire de la raison à la tyrannie de la mode, le mépris du vice au mépris du malheur, la fierté à l’insolence, la grandeur d’âme à la vanité, l’amour de la gloire à l’amour de l’argent, les bonnes gens à la bonne compagnie, le

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mérite à l’intrigue, le génie au bel esprit, la vérité à l’éclat, le charme du bonheur aux ennuis de la volupté, la grandeur de l’homme à la petitesse des grands, un peuple magnanime, puissant, heureux, à un peuple aimable, frivole et misérable, c’est-à-dire, toutes les vertus et tous les miracles de la République, à tous les vices & à tous les ridicules de la monarchie.

Nous voulons, en un mot, remplir les vœux de la nature, accomplir les destins de l’humanité, tenir les promesses de la philosophie, absoudre la providence du long règne du crime & de la tyrannie. Que la France, jadis illustre parmi les pays esclaves, éclipsant la gloire de tous les peuples libres qui ont existé, devienne le modèle des nations, l’effroi des oppresseurs, la consolation des opprimés, l’ornement de l’univers, et qu’en scellant notre ouvrage de notre sang, nous puissions voir briller au moins l’aurore de la félicité universelle… Voilà notre ambition, voilà notre but.

Quelle nature de gouvernement peut réaliser ces prodiges ? Le seul gouvernement démocratique ou républicain : ces deux mots sont synonymes, malgré les abus du langage vulgaire ; car l’aristocratie n’est pas plus la république que la monarchie.

[…] Mais, pour fonder et pour consolider parmi nous la démocratie, pour arriver au règne paisible des lois constitutionnelles, il faut terminer la guerre de la liberté contre la tyrannie, et traverser heureusement les orages de la Révolution : tel est le but du système révolutionnaire que vous avez régularisé.

[…] Puisque l’âme de la République est la vertu, l’égalité, et que votre but est de fonder, de consolider la République, il s’ensuit que la première règle de votre conduite politique doit être de rapporter toutes vos opérations au maintien de l’égalité et au développement de la vertu ; car le premier soin du législateur doit être de fortifier le principe du gouvernement. Ainsi tout ce qui tend à exciter l’amour de la patrie, à purifier les mœurs, à élever les âmes, à diriger les passions du cœur humain vers l’intérêt public, doit être adopté ou établi par vous. Tout ce qui tend à les concentrer dans l’abjection du moi personnel, à réveiller l’engouement pour les petites choses et le mépris des grandes, doit être rejeté ou réprimé par vous. Dans le système de la Révolution française, ce qui est immoral est impolitique, ce qui est corrupteur est contre-révolutionnaire. La faiblesse, les vices, les préjugés, sont le chemin de la royauté.

[…] Si le ressort du gouvernement populaire dans la paix est la vertu, le ressort du gouvernement populaire en révolution est à la fois la vertu et la terreur : la vertu, sans laquelle la terreur est funeste ; la terreur, sans laquelle la vertu est impuissante. La terreur n’est autre chose que la justice prompte, sévère, inflexible ; elle est donc une émanation de la vertu ; elle est moins un principe particulier, qu’une conséquence du principe général de la démocratie, appliqué aux plus pressants besoins de la patrie.

Texte VIII   : Boissy d’Anglas, Rapport à la Convention nationale sur le projet de constitution, 23 juin 1795

C’est une grande entreprise, que d’obtenir par la sagesse un ouvrage que souvent on n’obtient que du temps ; mais, puisque nous voulons devancer l’avenir, enrichissons-nous du

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passé. Nous avons devant nous l’histoire de plusieurs peuples   ; nous avons la nôtre   : parcourons le vaste champ de notre révolution, déjà couvert de tant de ruines, qu’il semble partout nous offrir les traces et les ravages du temps ; ce champ de gloire et de douleur, où la mort a moissonné tant de victimes, où la liberté a remporté tant de victoires. Nous avons consommé six siècles en six années. Que cette expérience si coûteuse ne soit pas perdue pour vous. Il est temps de mettre à profit les crimes de la monarchie, les erreurs de l’Assemblée constituante, les vacillations et les écarts de l’Assemblée législative, les forfaits de la tyrannie décemvirale, les calamités de l’anarchie, les malheurs de la Convention, les horreurs de la guerre civile : c’est en méditant sur le tableau rapide des causes de la révolution, des progrès de l’esprit public, de la succession orageuse des opinions et des événements ; c’est en vous rappelant le point d’où vous êtes partis, le chemin où vous avez été entraînés, la position dans laquelle vous êtes, que vous pourrez assigner à vous-mêmes le terme où vous voulez arriver.

C’est dans cet esprit, représentants du Peuple, que d’après vos ordres, nous avons examiné la Constitution de 1793, et que nous avons cherché avec soin à en conserver tout ce qui pourrait être utile, à modifier ou changer tout ce qui pouvait être contraire à votre unique but, le salut, la liberté et la gloire du Peuple français ; mais il est de notre devoir de vous déclarer que cette Constitution, méditée par des ambitieux, rédigée par des intrigants, dictée par la tyrannie, et acceptée par la terreur, n’est que la conservation formelle de tous les éléments du désordre, l’instrument préparé pour servir l’avidité des hommes cupides, l’intérêt des hommes remuants, l’orgueil des ignorants et l’ambition des usurpateurs.

Tout ce qu’on peut lire ou retenir de clair et de positif dans ces tables odieuses, c’est la sanction du droit d’insurrection partielle, la conservation de la secte jacobine et de ses factieuses affiliations, le maintien d’une commune formidable, destinée à opprimer la France entière en enchaînant ses représentants, et à soumettre toutes les richesses de la République au caprice crapuleux des orateurs démagogues de quelques sections.

Jetons, Citoyens collègues, jetons dans un éternel oubli cet ouvrage de nos oppresseurs, qu’il ne serve plus de prétexte aux factieux.

[…] La Convention est arrivée au terme où, planant au-dessus de tous les intérêts particuliers, des fausses vues, des petites idées, elle doit se livrer sans crainte à l’impulsion de ses propres lumières   ; elle doit se garantir avec courage des principes illusoires d’une démocratie absolue et d’une égalité sans limites, qui sont incontestablement les écueils les plus redoutables pour la véritable liberté.

L’égalité civile, en effet, voilà tout ce que l’homme raisonnable peut exiger. L’égalité absolue est une chimère   ; pour qu’elle pût exister, il faudrait qu’il existât une égalité entière dans l’esprit, la vertu, la force physique, l’éducation, la fortune de tous les hommes.

En vain la sagesse s’épuiserait-elle pour créer une Constitution ; si l’ignorance et le défaut d’intérêt à l’ordre avaient le droit d’être reçus parmi les gardiens et les administrateurs de cet édifice. Nous devons être gouvernés par les meilleurs ; les meilleurs sont les plus instruits et

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les plus intéressés au maintien des lois : or, à bien peu d’exceptions près, vous ne trouvez de pareils hommes que parmi ceux qui, possédant une propriété, sont attachés au pays qui la contient, aux lois qui la protègent, à la tranquillité qui la conserve, et qui doivent à cette propriété et à l’aisance qu’elle donne, l’éducation qui les a rendus propres à discuter avec sagacité et justesse les avantages et les inconvénients des lois qui fixent le sort de leur Patrie. L’homme sans propriété, au contraire, a besoin d’un effort constant de vertu pour s’intéresser à l’ordre qui ne lui conserve rien, et pour s’opposer aux mouvements qui lui donnent quelques espérances. Il lui faut supposer des combinaisons bien fines et bien profondes pour qu’il préfère le bien réel au bien apparent, l’intérêt de l’avenir à celui du jour… Nous vous proposons donc de décréter que pour être éligible au Corps législatif, il faut posséder une propriété foncière quelconque.

Mais nous n’avons pas cru qu’il fût possible de restreindre le droit de citoyen, de proposer à la majorité des Français ou même à une portion quelconque d’entr’eux, d’abdiquer ce caractère auguste… Nous avons toutefois examiné s’il n’était pas quelques exceptions indispensablement nécessaires et rigoureusement justes à l’exercice des droits politiques. Nous avons cru que tout citoyen devait, pour les exercer être libre et indépendant   ; ainsi l’homme en état de domesticité nous a paru n’être ni l’un ni l’autre… Depuis l’usage de l’imprimerie, la faculté de savoir lire doit être regardée comme un sixième sens dont le développement peut seul nous rendre vraiment hommes et par conséquent citoyens. Enfin, c’est un bel hommage rendu à l’égalité civile que l’obligation imposée à chacun d’apprendre une profession mécanique… Les mendiants et les vagabonds ne font point partie du corps social : les uns, parce qu’ils lui sont à charge ; les autres, parce qu’ils n’appartiennent à aucun pays. Enfin, les banqueroutiers sont redevables à la société toute entière   ; ils ont trahi le premier devoir imposé par elle, celui de respecter ses engagements ; ils sont en présomption de mauvaise foi. Ordonner que nul citoyen ne pourra en exercer les droits s’il n’est inscrit au rôle des contributions publiques, ce n’est pas non plus en gêner l’exercice, c’est consacrer le principe que tout membre de la société doit contribuer à ses dépenses, quelque faible que soit sa fortune.

Veiller à ce qu’il y ait peu de lois dans un empire, c’est veiller à ce qu’elles soient mieux comprises, mieux exécutées   ; c’est préparer un code simple qu’une instruction familière, qu’une expérience facile peuvent garder dans le cœur des hommes ; c’est les recommander davantage à l’affection et au respect. Tout impose donc la nécessité d’opposer une digue puissante à l’impétuosité du Corps législatif   ; cette digue, c’est l’expérience qui va nous enseigner à la construire : cette digue, c’est la division du Corps législatif en deux parties… Il ne peut y avoir de Constitution stable là où il n’existe dans le Corps législatif qu’une seule et unique assemblée ; car s’il ne peut y avoir de stabilité dans les résolutions, il est bien évident qu’il n’y en aura pas dans la Constitution qui leur servira de base…

Mais, quelle que soit la forme du gouvernement, le soin le plus important de ceux appelés à l’organiser, doit être d’empêcher les dépositaires de tous les genres d’autorité, d’établir une puissance oppressive. Pour y parvenir avec certitude, il faut combiner l’organisation des pouvoirs, de manière qu’ils ne soient jamais rassemblés dans les mêmes mains… Nous vous

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avons entretenu de la puissance législative   : aux deux pouvoirs qu’elle renferme, nous devons associer, dans notre organisation, celui chargé d’exécuter les lois. Il doit en être indépendant, sans l’opprimer jamais : il doit être soumis à la loi, parce qu’elle est l’expression présumée de la volonté du Peuple, sans jamais l’être au législateur.

Autrefois, le pouvoir exécutif était la force du trône, aujourd’hui il sera celle de la République. Vous l’avez toujours attaqué et affaibli, parce que vous vouliez renverser le trône qui vous menaçait. Aujourd’hui vous devez le fortifier, puisque votre but n’est plus de détruire, mais de conserver le gouvernement… Il suffit pour la liberté que [l]es pouvoirs soient indépendants   : or, le pouvoir exécutif, quoique nommé par les représentants du Peuple, ne leur sera point subordonné, puisqu’ils ne pourront le révoquer, mais seulement le mettre en jugement, d’après les formes établies pour les représentants eux-mêmes, c’est-à-dire, d’après un décret rendu comme toutes les lois.

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SÉANCE V

Le Moment Napoléonien 1799-1815

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Texte I : Constitution du 5 fructidor an III, 22 août 1795 (extraits)

Article 1. - La République Française est une et indivisible. Article 2. - L'universalité des citoyens français est le souverain.

TITRE V - Pouvoir législatif

Article 44. - Le Corps législatif est composé d'un Conseil des Anciens et d'un Conseil des Cinq-Cents. […] Article 46. - Il ne peut exercer par lui-même, ni par des délégués, le Pouvoir exécutif, ni le Pouvoir judiciaire.

TITRE VI - Pouvoir exécutif

Article 132. - Le Pouvoir exécutif est délégué à un Directoire de cinq membres, nommé par le Corps législatif, faisant alors les fonctions d'Assemblée électorale, au nom de la Nation.

TITRE XIV - Dispositions générales

Article 362. - Aucune société particulière, s'occupant de questions politiques, ne peut correspondre avec une autre, ni s'affilier à elle, ni tenir des séances publiques, composées de sociétaires et d'assistants distingués les uns des autres, ni imposer des conditions d'admission et d'éligibilité, ni s'arroger des droits d'exclusion, ni faire porter à ses membres aucun signe extérieur de leur association.

Texte II : F.-A. Mignet, Histoire de la Révolution française depuis 1789 jusqu’en 1814

Le 13 vendémiaire fut le 10 août des royalistes contre la république, si ce n'est que la Convention résista à la bourgeoisie beaucoup mieux que le trône aux faubourgs. La position dans laquelle se trouvait la France contribua beaucoup à cette victoire. On voulait, dans ce moment, une république sans gouvernement révolutionnaire, un régime modéré sans contre-révolution.

Texte III : Constitution du 22 frimaire an VIII, 13 décembre 1799 (extraits)

TITRE II. – DU SÉNAT CONSERVATEUR

Art. 15. – Le Sénat conservateur est composé de quatre-vingt membres, inamovibles et à vie, âgés de quarante ans au moins. – Pour la formation du Sénat, il sera d’abord nommé soixante membres : ce nombre sera porté à soixante-deux dans le cours de l’an viii, à soixante-quatre en l’an ix, et s’élèvera ainsi graduellement à quatre-vingt par l’addition de deux membres en chacune des dix premières années.

Art. 16. – La nomination à une place de sénateur se fait par le Sénat, qui choisit entre trois candidats présentés, le premier par le Corps législatif   ; le second, par le Tribunat   ; et le troisième, par le Premier Consul. – Il ne choisit qu’entre deux candidats, si l’un d’eux est

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proposé par deux des trois autorités présentantes : il est tenu d’admettre celui qui lui serait proposé à la fois par les trois autorités. […]

Art. 19. – Toutes les listes faites dans les départements en vertu de l’article 9 sont adressées au Sénat : elles composent la liste nationale.

Art. 20. – Il élit dans cette liste les législateurs, les tribuns, les consuls, les juges de cassation, et les commissaires à la comptabilité.

Art. 21. – Il maintient ou annule tous les actes qui lui sont déférés comme inconstitutionnels par le Tribunat ou par le Gouvernement : les listes d’éligibles sont comprises parmi ces actes.

TITRE III. – DU POUVOIR LÉGISLATIF

Art. 25. – Il ne sera promulgué de lois nouvelles que lorsque le projet en aura été proposé par le Gouvernement, communiqué au Tribunat et décrété par le Corps législatif.

Art. 26. – Les projets que le Gouvernement propose sont rédigés en articles. En tout état de la discussion de ces projets, le Gouvernement peut les retirer ; il peut les reproduire modifiés.

Art. 27. – Le Tribunat est composé de cent membres, âgés de vingt-cinq ans au moins ; ils sont renouvelés par cinquième tous les ans, et indéfiniment rééligibles tant qu’ils demeurent sur la liste nationale.

Art. 28. – Le Tribunat discute les projets de loi ; il en vote l’adoption ou le rejet. – Il envoie trois orateurs pris dans son sein, par lesquels les motifs du vœu qu’il a exprimé sur chacun de ces projets sont exposés et défendus devant le Corps législatif. – Il défère au Sénat, pour cause d’inconstitutionnalité seulement, les listes d’éligibles, les actes du Corps législatif et ceux du Gouvernement.

Art. 31. – Le Corps législatif est composé de trois cents membres, âgés de trente ans au moins   ; ils sont renouvelés par cinquième tous les ans. – il doit toujours s’y trouver un citoyen au moins de chaque département de la République.

Art. 32. – Un membre sortant du Corps législatif ne peut y rentrer qu’après un an d’intervalle ; mais il peut être immédiatement élu à toute autre fonction publique, y compris celle de tribun, s’il y est d’ailleurs éligible.

Art. 33. – La session du Corps législatif commence chaque année le 1er frimaire, et ne dure que quatre mois   ; il peut être extraordinairement convoqué durant les huit autres par le Gouvernement.

Art. 34. – Le Corps législatif fait la loi en statuant par scrutin secret, et sans aucune discussion de la part de ses membres, sur les projets de loi débattus devant lui par les orateurs du Tribunat et du Gouvernement.

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Art. 37. – Tout décret du Corps législatif, le dixième jour après son émission, est promulgué par le Premier Consul, à moins que, dans ce délai, il n’y ait eu recours au Sénat pour cause d’inconstitutionnalité. Ce recours n’a point lieu contre les lois promulguées.

TITRE IV. – DU GOUVERNEMENT

Art. 39. – Le Gouvernement est confié à trois consuls nommés pour dix ans, et indéfiniment rééligibles. – Chacun d’eux est élu individuellement, avec la qualité distincte ou de premier, ou de second, ou de troisième consul. – La Constitution nomme Premier Consul le citoyen Bonaparte, ex-consul provisoire   ; second Consul, le citoyen Cambacérès, ex-ministre de la justice ; et troisième Consul, le citoyen Lebrun, ex-membre de la commission du Conseil des Anciens. Pour cette fois, le troisième consul n’est nommé que pour cinq ans.

Art. 40. – Le Premier Consul a des fonctions et des attributions particulières, dans lesquelles il est momentanément suppléé, quand il y a lieu, par un des ses collègues.

Art. 41. – Le Premier Consul promulgue les lois ; il nomme et révoque à volonté les membres du Conseil d’État, les ministres, les ambassadeurs et autres agents extérieurs en chef, les officiers de l’armée de terre et de mer, les membres des administrations locales et les commissaires du Gouvernement près les tribunaux. Il nomme tous les juges criminels et civils autres que les juges de paix et les juges de cassation, sans pouvoir les révoquer.

Art. 42. – Dans les autres actes du Gouvernement, le second et le troisième consul ont voix consultative   : ils signent le registre de ces actes pour constater leur présence   ; et s’ils le veulent, ils y consignent leurs opinions ; après quoi, la décision du Premier Consul suffit.

Art. 44. – Le Gouvernement propose les lois, et fait les règlements nécessaires pour assurer leur exécution.

Art. 45. – Le Gouvernement dirige les recettes et les dépenses de l’État, conformément à la loi annuelle qui détermine le montant des unes et des autres   ; il surveille la fabrication des monnaies, dont la loi seule ordonne l’émission, fixe le titre, le poids et le type.

Art. 46. – Si le Gouvernement est informé qu’il se trame quelque conspiration contre l’État, il peut décerner des mandats d’amener et des mandats d’arrêt contre les personnes qui en sont présumées les auteurs ou les complices   ; mais si, dans un délai de dix jours après leur arrestation, elles ne sont mises en liberté ou en justice réglée, il y a, de la part du ministre signataire du mandat, crime de détention arbitraire.

Art. 47. – Le gouvernement pourvoit à la sûreté intérieure et à la défense extérieure de l’État ; il distribue les forces de terre et de mer, et en règle la direction.

Art. 49. – Le Gouvernement entretient des relations politiques au-dehors, conduit les négociations, fait les stipulations préliminaires, signe, fait signer et conclut tous les traités de paix, d’alliance, de trêve, de neutralité, de commerce, et autres conventions.

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Art. 50. – Les déclarations de guerre et les traités de paix, d’alliance et de commerce, sont proposés, discutés, décrétés et promulgués comme des lois. – Seulement, les discussions et délibérations sur ces objets tant, dans le Tribunat que dans le Corps législatif, se font en comité secret quand le Gouvernement le demande.

Art. 52. – Sous la direction des consuls, un Conseil d’État est chargé de rédiger les projets de lois et les règlements d’administration publique, et de résoudre les difficultés qui s’élèvent en matière administrative.

Art. 53. – C’est parmi les membres du Conseil d’État que sont toujours pris les orateurs chargés de porter la parole au nom du Gouvernement devant le Corps législatif. – Ces orateurs ne sont jamais envoyés au nombre de plus de trois pour la défense d’un même projet de loi.

Art. 54. – Les ministres procurent l’exécution des lois et des règlements d’administration publique.

Art. 55. – Aucun acte du Gouvernement ne peut avoir d’effet s’il n’est signé par un ministre.

Art. 58. – Le Gouvernement ne peut élire ou conserver pour Conseillers d’État, pour ministres, que des citoyens dont les noms se trouvent inscrits sur la liste nationale.

TITRE VII. – DISPOSITIONS GÉNÉRALES

Art. 82. – Toutes rigueurs employées dans les arrestations, détentions ou exécutions, autres que celles autorisées par les lois, sont des crimes.

Art. 83. – Toute personne a le droit d’adresser des pétitions individuelles à toute autorité constituée, et spécialement au Tribunat.

Art. 84. – La force publique est essentiellement obéissante : nul corps armé ne peut délibérer.

Art. 92. – Dans le cas de révolte à main armée, ou de troubles qui menacent la sûreté de l’État, la loi peut suspendre, dans les lieux et pour le temps qu’elle détermine, l’empire de la Constitution. – Cette suspension peut être provisoirement déclarée dans les mêmes cas, par un arrêté du Gouvernement, le Corps législatif étant en vacance, pourvu que ce Corps soit convoqué au plus court terme par un article du même arrêté.

Art. 95. – La présente Constitution sera offerte de suite à l’acceptation du peuple français.

Texte IV   : Proclamation des Consuls de la République, 15 décembre 1799 (24 frimaire An VIII)

Les consuls de la République aux Français : Une Constitution vous est présentée. - Elle fait cesser les incertitudes que le Gouvernement provisoire mettait dans les relations extérieures, dans la situation intérieure et militaire de la République. - Elle place dans les institutions qu'elle établit les premiers magistrats dont le dévouement a paru nécessaire à son activité. - La

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Constitution est fondée sur les vrais principes du Gouvernement représentatif, sur les droits sacrés de la propriété, de l'égalité, de la liberté. - Les pouvoirs qu'elle institue seront forts et stables, tels qu'ils doivent être pour garantir les droits des citoyens et les intérêts de l'État. - Citoyens, la Révolution est fixée aux principes qui l'ont commencée : elle est finie.

Texte V : Napoléon Bonaparte

Il est nécessaire de jeter des masses de granit pour lier les grains de sables.

Texte VI : Loi concernant la division du territoire français et l’administration, 17 février 1800 (28 pluviôse An VIII) (extraits)

TITRE I. DIVISION DU TERRITOIRE

Article 1er. Le territoire européen de la République sera divisé en départements et en arrondissements communaux, conformément au tableau annexé à la présente loi.

TITRE II. ADMINISTRATION

Article 2. Il y aura dans chaque département un préfet, un conseil de préfecture, et un conseil général de département lesquels rempliront les fonctions exercées maintenant par les administrations et commissaires de département.

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Texte VII : Portalis, Discours préliminaire sur le projet de Code civil, 21 janvier 1801 (1er pluviôse An IX)

La France, ainsi que les autres grands États de l'Europe, s'est successivement agrandie par la conquête et par la réunion libre de différents peuples. […] De là cette prodigieuse diversité de coutumes que l'on rencontrait dans le même empire : on eût dit que la France n'était qu'une société de sociétés. La patrie était commune ; et les États particuliers et distincts : le territoire était un ; et les nations, diverses.

Des magistrats recommandables avaient, plus d'une fois, conçu le projet d'établir une législation uniforme. L'uniformité est un genre de perfection qui, selon le mot d'un auteur célèbre, saisit quelquefois les grands esprits, et frappe infailliblement les petits. Mais, comment donner les mêmes lois à des hommes qui, quoique soumis au même gouvernement, ne vivaient pas sous le même climat, et avaient des habitudes si différentes? Comment extirper des coutumes auxquelles on était attaché comme à des privilèges, et que l'on regardait comme autant de barrières contre les volontés mobiles d'un pouvoir arbitraire? On eût craint d'affaiblir, ou même de détruire, par des mesures violentes, les liens communs de l'autorité et de l'obéissance. […]

Toute révolution est une conquête. Fait-on des lois dans le passage de l'ancien gouvernement au nouveau? Par la seule force des choses, ces lois sont nécessairement hostiles, partiales, éversives. On est emporté par le besoin de rompre toutes les habitudes, d'affaiblir tous les liens, d'écarter tous les mécontents. On ne s'occupe plus des relations privées des hommes entre eux : on ne voit que l'objet politique et général ; on cherche des confédérés plutôt que des concitoyens. Tout devient droit public. […]

De bonnes lois civiles sont le plus grand bien que les hommes puissent donner et recevoir ; elles sont la source des mœurs, le palladium de la propriété, et la garantie de toute paix publique et particulière : si elles ne fondent pas le gouvernement, elles le maintiennent ; elles modèrent la puissance, et contribuent à la faire respecter, comme si elle était la justice même. Elles atteignent chaque individu, elles se mêlent aux principales actions de sa vie, elles le suivent partout ; elles sont souvent l'unique morale du peuple, et toujours elles font partie de sa liberté : enfin, elles consolent chaque citoyen des sacrifices que la loi politique lui commande pour la cité, en le protégeant, quand il le faut, dans sa personne et dans ses biens, comme s'il était, lui seul, la cité tout entière. Aussi, la rédaction du Code civil a d'abord fixé la sollicitude du héros que la nation a établi son premier magistrat, qui anime tout par son génie, et qui croira toujours avoir à travailler pour sa gloire, tant qu'il lui restera quelque chose à faire pour notre bonheur.

Texte VII : Carnot, Discours au Tribunat, 3 mai 1804

Je suis loin de vouloir atténuer les louanges données au premier Consul ; ne dussions-nous à Bonaparte que le Code civil, son nom mériterait de passer à la postérité. Mais quelques services qu’un citoyen ait pu rendre à sa patrie, il est des bornes que la raison impose à la reconnaissance nationale. Si ce citoyen a restauré la liberté publique, s’il a opéré le salut de

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son pays, sera-ce une récompense à lui offrir que le sacrifice de cette même liberté  ? Du moment qu’il fut proposé au peuple français de voter sur la question du consulat à vie, chacun put aisément juger qu’il existait une arrière-pensée et prévoir un but ultérieur.

En effet, on vit succéder rapidement une foule d’institutions évidemment monarchiques   : mais à chacune d’elles on s’empressa de rassurer les esprits inquiets sur le sort de la liberté, en leur protestant que ces institutions n’étaient imaginées qu’afin de lui procurer la plus haute protection qu’ont pu désirer pour elle. Aujourd’hui se découvre enfin de manière positive le terme de tant de mesures préliminaires.

Nous sommes appelés à nous prononcer sur la proposition formelle de rétablir le système monarchique et de conférer la dignité impériale et héréditaire au Premier Consul. Je votai dans le temps contre le consulat à vie ; je voterai de même encore contre lé rétablissement de la monarchie, comme je pense que ma qualité de tribun m’oblige à le faire…

Tous les arguments faits jusqu’à ce jour sur le rétablissement de la monarchie en France se réduisent à dire   : que sans elle il ne peut exister aucun moyen d’assurer la stabilité du gouvernement et la tranquillité publique, d’échapper aux discordes intestines, de se prémunir contre les ennemis du dehors ; qu’on a vainement essayé le système républicain de toutes les manières possibles ; qu’il n’a résulté de tant d’efforts que l’anarchie, une révolution prolongée ou sans cesse renaissante, la crainte perpétuelle de nouveaux désordres, et par suite un désir universel et profond de voir rétablir l’antique gouvernement héréditaire, en changeant seulement de dynastie. C’est à cela qu’il faut répondre.

J’observerai d’abord que le gouvernement d’un seul n’est rien moins qu’un gage assuré de stabilité et de tranquillité ; la durée de l’Empire romain ne fut pas plus longue que ne l’avait été celle de la République. Les troubles intérieurs furent encore plus grands, les crimes plus multipliés… En France, à la vérité, la dernière dynastie s’est soutenue pendant huit cents ans ; mais le peuple fut-il moins tourmenté ? […]

Il est vrai qu’avant le 18 brumaire, l’État tombait en dissolution, et que le pouvoir absolu l’a retiré des bords de l’abîme : mais que conclure de là ? Ce que tout le monde sait : que les corps politiques sont sujets à des maladies qu’on ne saurait guérir que par des remèdes violents, qu’une dictature momentanée est quelquefois nécessaire pour sauver la liberté…

Sans doute il n’y aurait pas à balancer sur le choix d’un chef héréditaire, s’il était nécessaire de s’en donner un. Il serait absurde de vouloir mettre en parallèle avec le Premier Consul les prétendants d’une famille tombée dans un juste mépris et dont les dispositions vindicatives et sanguinaires ne sont que trop connues. Le rappel de la maison de Bourbon renouvellerait les scènes affreuses de la Révolution… mais l’exclusion de cette dynastie n’entraîne point la nécessité d’une dynastie nouvelle. Espère-t-on, en élevant cette nouvelle dynastie, hâter l’heureuse époque de la paix générale ? Ne serait-ce pas plutôt un nouvel obstacle ? A-t-on commencé par s’assurer que les autres grandes puissances adhèreront à ce nouveau titre ? Et si elles n’y adhèrent pas, prendra-t-on les armes pour les contraindre ?

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SÉANCE VI

La Seconde République1848-1852

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Texte I : Proclamation du Gouvernement provisoire, 28 février 1848

Français, donnez au monde l'exemple que Paris a donné à la France ; préparez-vous par l'ordre et la confiance en vous-mêmes aux institutions fortes que vous allez être appelés à vous donner.

Le Gouvernement provisoire veut la République, sauf ratification par le peuple, qui sera immédiatement consulté ;

L'unité de la nation, formée désormais de toutes les classes de citoyens qui la composent ; le gouvernement de la nation par elle-même ;

La liberté, l'égalité et la fraternité pour principes ; le peuple pour devise et mot d'ordre; voilà le gouvernement démocratique que la France se doit à elle-même et que nos efforts sauront lui assurer.

Texte II : Proclamation du Gouvernement provisoire, 28 février 1848

Considérant que la révolution faite par le peuple doit être faite pour lui : Qu’il est temps de mettre un terme aux longues et iniques souffrances des travailleurs   ; Que la question du travail est d’une importance suprême ; Qu’il n’en est pas de plus haute, de plus digne des préoccupations d’un gouvernement républicain   ; Qu’il appartient surtout à la France d’étudier ardemment et de résoudre un problème posé aujourd’hui chez toutes les nations industrielles de l’Europe ; Qu’il faut aviser, sans le moindre retard, à garantir au Peuple les fruits légitimes de son travail ; Le Gouvernement provisoire de la République arrête : Une commission permanente, qui s’appellera Commission de gouvernement pour les travailleurs, va être nommée avec mission expresse et spéciale de s’occuper de leur sort. Pour montrer quelle importance le Gouvernement provisoire attache à la solution de ce grand problème, il nomme président de la Commission de gouvernement pour les travailleurs un de ses membres, M. Louis Blanc, et pour vice-président un autre de ses membres, M. Albert, ouvrier. Des ouvriers seront appelés à faire partie de a Commission. Le siège de la Commission sera au palais du Luxembourg.

Texte III : La question du « droit au travail » vue par la Gazette des Tribunaux, 13 septembre 1848

La question du droit au travail à peine effleurée hier par le discours de M. Mathiez (de la Drôme), s’est enfin posée aujourd’hui en termes nets et catégoriques. On doit s’en féliciter. Il importe, en effet, dans l’intérêt de la société toute entière, ce qu’il y a au fond de ce mot, que les novateurs au moins imprudents ont, dans l’ivresse de la victoire de février, inscrit sur le drapeau d’une foule égarée, au risque d’en faire plus tard un brandon de discorde ou de guerre civile. Le temps des déclamations et des métaphores est passé ; les théories doivent s’abaisser devant les réalités de la pratique. Des mots il s’agit de passer aux faits et des assertions aux preuves. Si le droit au travail, tel que ceux qui proposent de le consacrer, n’emporte avec lui qu’une idée simple, naturelle, d’une application facile, et dont la réalisation doive être, comme le disait hier, mais sans le prouver, M. Mathiez (de la Drôme),

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l’extinction de la misère, il faut se hâter de l’inscrire au frontispice de la Constitution : mais s’il n’y faut voir, au contraire, qu’un premier pas fait dans la voie de ce socialisme destructeur dont la menace incessante pèse sur le pays d’un poids terrible, il importe qu’on le sache, afin que toute méprise devenant désormais impossible, la société, et nous entendons par là la société honnête, puisse sans hésiter distinguer ses adversaires de ses véritables amis.

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Texte IV : Décret d’abolition de l’esclavage en France et dans ses colonies, 27 avril 1848

Le Gouvernement provisoire, Considérant que l’esclavage est un attentat contre la dignité humaine ; qu’en détruisant le libre arbitre de l’homme, il supprime le principe naturel du droit et du devoir ; qu’il est une violation flagrante du dogme républicain : Liberté, Égalité, Fraternité. […]

Décrète : Article 1er : L’esclavage sera entièrement aboli dans toutes les colonies et possessions françaises, deux mois après la promulgation du présent décret dans chacune d’elles. A partir de la promulgation du présent décret dans les colonies, tout châtiment corporel, toute vente de personnes non libres, seront absolument interdits.

Texte V : Préambule de la Constitution de la Seconde République, 4 novembre 1848

I. —  La France s'est constituée en République. En adoptant cette forme définitive de gouvernement, elle s'est proposée pour but de marcher plus librement dans la voie du progrès et de la civilisation, d'assurer une répartition de plus en plus équitable des charges et des avantages de la société, d'augmenter l'aisance de chacun par la réduction graduée des dépenses publiques et des impôts, et de faire parvenir tous les citoyens, sans nouvelle commotion, par l'action successive et constante des institutions et des lois, à un degré toujours plus élevé de moralité, de lumières et de bien-être.

II. — La République française est démocratique, une et indivisible.

III. — Elle reconnaît des droits et des devoirs antérieurs et supérieurs aux lois positives.

IV. — Elle a pour principe la Liberté, l'Égalité et la Fraternité. Elle a pour base la Famille, le Travail, la Propriété, l'Ordre public.

V. — Elle respecte les nationalités étrangères, comme elle entend faire respecter la sienne ; n'entreprend aucune guerre dans des vues de conquête, et n'emploie jamais ses forces contre la liberté d'aucun peuple.

VI. — Des devoirs réciproques obligent les citoyens envers la République, et la République envers les citoyens.

VII. — Les citoyens doivent aimer la Patrie, servir la République, la défendre au prix de leur vie, participer aux charges de l'État en proportion de leur fortune ; ils doivent s'assurer, par le travail, des moyens d'existence, et, par la prévoyance, des ressources pour l'avenir   ; ils doivent concourir au bien—être commun en s'entraidant fraternellement les uns les autres, et à l'ordre général en observant les lois morales et les lois écrites qui régissent la société, la famille et l'individu.

VIII. — La République doit protéger le citoyen dans sa personne, sa famille, sa religion, sa propriété, son travail, et mettre à la portée de chacun l'instruction indispensable à tous les

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hommes ; elle doit, par une assistance fraternelle, assurer l'existence des citoyens nécessiteux, soit en leur procurant du travail dans les limites de ses ressources, soit en donnant, à défaut de la famille, des secours à ceux qui sont hors d'état de travailler. – En vue de l'accomplissement de tous ces devoirs, et pour la garantie de tous ces droits, l'Assemblée nationale, fidèle aux traditions des grandes Assemblées qui ont inauguré la Révolution française, décrète, ainsi qu'il suit, la Constitution de la République.

Texte VI : Lamartine, Discours sur la Présidence de la République, 6 octobre 1848

Il s’agit dans cette discussion […] non seulement de déterminer si le Président de a République sera nommé par l’Assemblée Nationale ou par le pays ; mais il s’agit encore, vous l’avez vu il n’y a qu’un instant, de savoir si la République aura un Président, ou si elle n’aura que des conseils, des comités de salut public, de sûreté générale, de recherches, comme nos premières assemblées révolutionnaires.

[…] Le peuple, dans notre constitution de Février, est un peuple seul et unitairement souverain ; c’est donc de son sein, c’est du sein de cette souveraineté unique, et toujours debout dans le peuple, que doit sortir […] cette division des pouvoirs, je répudie encore une fois ce terme, mais cette distinction des fonctions de la souveraineté nationale ; voilà la logique.

Nous, nous disions : Ce peuple, cette démocratie dont on parlait tout à l’heure avec une si juste inquiétude, elle est jalouse, c’est sa nature : elle est ombrageuse, elle est susceptible ; elle est inquiète et jalouse d’autant plus, messieurs, qu’elle n’a pas encore un long règne derrière pour le rassurer sur ses inquiétudes et sur ses préoccupations. […] Le pouvoir exécutif plus en contact avec le peuple, en contact de tous les jours avec le peuple, et par conséquent à qui la popularité est plus nécessaire qu’à tous les autres pouvoirs

[…] Voilà cependant ce qui préoccupe en ce moment la pensée de l’Assemblée ; c’est l’éventualité qu’un fanatisme posthume du pays ne se trompe de date, de temps, de jour, et ne porte pas à l’image de ce grand nom, ne porte aux héritiers, je ne dirai pas de la gloire, malheureusement, de droit au partage de l’héritage […] Ce danger est-il probable ? Je ne le nierai pas, je n’ai à cet égard ni négation ni affirmation : je ne sais pas lire, pas plus que vous, dans les ténèbres de notre avenir ; mais cependant je ne puis me dire que la réflexion est une des forces humaines dans un pays aussi sensé et aussi profondément intelligent que notre pays ; que, pour arriver à des usurpations du genre de celle qu’on pourrait craindre, non pas des hommes, je le répète… je respecte leur patriotisme et leur conscience, et je suis convaincu, comme ils l’ont dit eux-mêmes à cette tribune, car je crois à la parole des honnêtes gens, je suis convaincu qu’aucune pensée d’usurpation de cette nature n’approchera jamais d’eux-mêmes. […] je dis que, pour arriver à un 18 brumaire dans le temps où nous sommes, il faut deux choses : de longues années de terreur en arrière, et des Marengo, des victoires en avant…

[…] Voilà, messieurs, l’œuvre du suffrage universel que nous vous proposons de sanctionner dans votre constitution pour l’élection de votre Président. […] on peut corrompre les hommes par petits groupes, on ne peut pas les corrompre en masse. On empoisonne un verre

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d’eau, on n’empoisonne pas un fleuve ; une Assemblée est suspecte, une nation est incorruptible comme l’Océan.

Texte VII : Le 10 décembre 1848, Louis-Napoléon est élu premier Président de la République française,  au suffrage universel masculin avec 74,33 % des voix (5.587.759 votes sur 7.543.026 votants).

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SÉANCE VII

Le Césarisme démocratique 1852-1871

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Texte I : Louis-Napoléon Bonaparte, Avant-propos de l’Extinction du paupérisme, 1844

Je dois dire un mot pour expliquer le titre de cette brochure.

On trouvera peut-être, comme un littérateur plein de mérite me l'a déjà fait remarquer, que les mots  Extinction du Paupérisme  ne se rapportent pas directement à un écrit qui a pour unique but le bien-être de la classe ouvrière. Il est vrai qu'il y a une grande différence entre la misère qui provient de la stagnation forcée du travail, et le paupérisme, qui souvent est le résultat du vice. Cependant on peut soutenir que l'un est la conséquence immédiate de l'autre   ; car, répandre dans les classes ouvrières, qui sont les plus nombreuses, l'aisance, l'instruction, la morale, c'est extirper le paupérisme, sinon en entier, du moins en grande partie.

Ainsi, proposer un moyen capable d'initier les masses à tous les bienfaits de la civilisation, c'est tarir les sources de l'ignorance, du vice, de la misère. Je crois donc pouvoir, sans trop de hardiesse, conserver à mon travail le titre d'Extinction du Paupérisme. Je livre mes réflexions au public dans l'espoir que, développées et mises en pratique, elles pourront être utiles au soulagement de l'humanité. Il est naturel dans le malheur de songer à ceux qui souffrent.

Texte II : Louis-Napoléon Bonaparte, Discours, 20 décembre 1848

Citoyens Représentants,

Les suffrages de la nation et le serment que je viens de prêter commandent ma conduite future. Mon devoir est tracé ; je le remplirai en homme d’honneur. Je verrai des ennemis de la patrie dans tous ceux qui tenteraient de changer, par des voies illégales, ce que la France entière a établi.

Entre vous et moi, citoyens Représentants, il ne saurait y avoir de véritables dissentiments. Nos volontés, nos désirs, sont les mêmes.

Je veux comme vous, rasseoir la société sur ces bases, affermir les institutions démocratiques […] Avec la paix et l’ordre, notre pays peut se relever, guérir ses plaies, ramener les hommes égarés et calmer les passions.

Animé de cet esprit de conciliation, j’ai appelé près de moi des hommes honnêtes, capables et dévoués au pays […] ils sont d’accord pour concourir avec vous à l’application de la Constitution, au perfectionnement des lois, à la gloire de la République.

[…] Nous avons, citoyens Représentants, une grande mission à remplir : c’est de fonder une République dans l’intérêt de tous, et un Gouvernement juste, ferme, qui soit animé d’un sincère amour du progrès, sans être réactionnaire ou utopiste.

Soyons les hommes du pays, non les hommes d’un parti, et Dieu aidant, nous ferons du moins le bien, si nous ne pouvons faire de grandes choses.

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Titre III : Louis-Napoléon Bonaparte, Discours de Bordeaux, 9 octobre 1852

Je le dis avec une franchise aussi éloignée de l'orgueil que d'une fausse modestie, jamais peuple n'a témoigné d'une manière plus directe, plus spontanée, plus unanime, la volonté de s'affranchir des préoccupations de l'avenir, en consolidant dans la même main un pouvoir qui lui est sympathique. C'est qu'il connaît, à cette heure, et les trompeuses espérances dont on le berçait et les dangers dont il était menacé. Il sait qu'en 1852 la société courait à sa perte, parce que chaque parti se consolait d'avance du naufrage général par l'espoir de planter son drapeau sur les débris qui pourraient surnager. Il me sait gré d'avoir sauvé le vaisseau en arborant seulement le drapeau de la France.

Désabusé d'absurdes théories, le peuple a acquis la conviction que les réformateurs prétendus n'étaient que des rêveurs, car il y avait toujours inconséquence, disproportion entre leurs moyens et les résultats promis.

Aujourd'hui la France m'entoure de ses sympathies, parce que je ne suis pas de la famille des idéologues. Pour faire le bien du pays, il n'est pas besoin d'appliquer de nouveaux systèmes ; mais de donner, avant tout, confiance dans le présent, sécurité dans l'avenir. Voilà pourquoi la France semble vouloir revenir à l'Empire. Il est néanmoins une crainte à laquelle je dois répondre. Par esprit de défiance, certaines personnes se disent : l'Empire, c'est la guerre. Moi je dis : l'Empire, c'est la paix.

C'est la paix, car la France le désire, et lorsque la France est satisfaite, le monde est tranquille. La gloire se lègue bien à titre d'héritage, mais non la guerre. Est-ce que les princes qui s'honoraient justement d'être les petits-fils de Louis XIV ont recommencé ses luttes ? La guerre ne se fait pas par plaisir, elle se fait par nécessité ; et, à ces époques de transition où partout, à côté de tant d'éléments de prospérité, germent tant de causes de mort, on peut dire avec vérité : Malheur à celui qui, le premier, donnerait en Europe le signal d'une collision, dont les conséquences seraient incalculables !

J'en conviens, cependant, j'ai, comme l'Empereur, bien des conquêtes à faire. Je veux, comme lui, conquérir à la conciliation les partis dissidents et ramener dans le courant du grand fleuve populaire les dérivations hostiles qui vont se perdre sans profit pour personne.

Je veux conquérir à la religion, à la morale, à l'aisance, cette partie encore si nombreuse de la population qui, au milieu d'un pays de foi et de croyance, connaît à peine les préceptes du Christ ; qui, au sein de la terre la plus fertile du monde, peut à peine jouir de ses produits de première nécessité.

Nous avons d'immenses territoires incultes à défricher, des routes à ouvrir, des ports à creuser, des rivières à rendre navigables, des canaux à terminer, notre réseau de chemins de fer à compléter. Nous avons, en face de Marseille, un vaste royaume à assimiler à la France. Nous avons tous nos grands ports de l'Ouest à rapprocher du continent américain par la rapidité de ces communications qui nous manquent encore. Nous avons partout enfin des ruines à relever, de faux dieux à abattre, des vérités à faire triompher.

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Voilà comment je comprendrais l'Empire, si l'Empire doit se rétablir. Telles sont les conquêtes que je médite, et vous tous qui m'entourez, qui voulez, comme moi, le bien de notre patrie, vous êtes mes soldats.

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Texte IV : Adolphe Thiers, Discours sur « les Libertés nécessaires », 11 mai 1864

Pour moi, messieurs, il y a cinq conditions qui constituent ce que j'appelle le nécessaire en fait de liberté.

La première est celle qui est destinée à assurer la sécurité du citoyen. Il faut que le citoyen repose tranquillement dans sa demeure, et parcoure toutes les parties du territoire sans être exposé à aucun acte arbitraire. Pourquoi les hommes se mettent-ils en société ? Pour assurer leur sécurité. Mais quand ils se sont mis à l'abri de la violence individuelle, s'ils restaient exposés à la violence du pouvoir destiné à le protéger, ils auraient manqué leur but. Il faut que le citoyen soit garanti contre la violence individuelle, et contre tout acte arbitraire du pouvoir. Ainsi, quant à cette liberté individuelle, je n'insisterai pas, et c'est bien celle-là qui mérite le titre d'incontestable et d'indispensable.

Mais, quand le citoyen a obtenu cette sécurité, il n'a presque rien fait encore. S'il s'endormait dans une tranquille indolence, cette sécurité, il ne la conserverait pas longtemps. Il faut en effet que le citoyen veille sur la chose publique, pour cela, il faut qu'il y pense, et il ne faut pas qu'il y pense seul, car il n'arriverait ainsi qu'à une opinion individuelle ; il faut que ses concitoyens y pensent comme lui   ; il faut que tous ensemble échangent leurs idées, et arrivent ainsi à produire cette pensée commune qu'on appelle l'opinion publique. Or, cela n'est possible que par la presse. Il faut donc qu'elle soit libre, mais, lorsque je dis liberté, je ne dis pas impunité. De même que la liberté individuelle du citoyen existe à la condition qu'il n'aura pas provoqué la vindicte des lois, la liberté de la presse est à cette condition que l'écrivain n'aura ni outragé l'honneur des citoyens, ni troublé le repos du pays.

Ainsi, selon moi, la seconde liberté nécessaire, c'est pour les citoyens cette liberté d'échanger leurs idées, liberté qui enfante l'opinion publique. Mais, lorsque cette opinion se produit, elle ne doit pas demeurer un vain bruit, et il faut qu'elle ait un résultat. Pour cela il faut que des hommes choisis viennent l'apporter ici au centre de l'État, cela suppose la liberté des élections, et par liberté des élections, je n'entends pas que le gouvernement, qui est chargé de veiller aux lois, n'ait pas là un rôle, que le gouvernement, qui est composé de citoyens, n'ait pas une opinion : je me borne à dire qu'il ne faut pas qu'il puisse dicter les choix et imposer sa volonté dans les élections. Voilà ce que j'appelle la liberté électorale.

Mais ce n'est pas tout, messieurs. Quand ces élus, mandataires de l'opinion publique, chargés de l'exprimer, sont réunis ici, il faut qu'ils puissent, d'une liberté complète, il faut qu'ils puissent à temps… (veuillez bien, messieurs, apprécier la portée de ce que je dis en ce moment), il faut qu'ils puissent, à temps, opposer un utile contrôle à tous les actes du pouvoir. Il ne faut pas que ce contrôle arrive trop tard, et qu'on n'ait que des fautes irréparables à déplorer. C'est là la liberté de la représentation nationale, sur laquelle je m'expliquerai tout à l'heure, et cette liberté est, selon moi, la quatrième des libertés indispensables.

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Enfin vient la dernière (je ne dirai pas la plus importante, elles sont toutes également importantes), mais la dernière, dont le but est celui-ci : c'est de faire que l'opinion publique, bien constatée ici à la majorité, devienne la directrice de la marche du gouvernement.

Messieurs, les hommes, pour arriver à cette liberté qui est, on peut le dire, la liberté tout entière, ont imaginé deux moyens, la république et la monarchie.

Dans la république, le moyen est bien simple : on change le chef de l'État tous les quatre, six ou huit ans, suivant le texte de la Constitution.

De leur côté, les partisans de la monarchie ont voulu, eux aussi, n'être pas moins libres que les citoyens de la république, et quel moyen ont-ils imaginé ? C'est au lieu de faire porter l'effort de l'opinion publique sur le chef de l'État, de le faire porter sur les dépositaires de son autorité, d'établir le débat non pas avec le souverain, mais avec des ministres, de manière que, le souverain ne changeant pas, la permanence du pouvoir étant assurée, quelque chose changeât, la politique, et qu'ainsi s'accomplit ce beau phénomène du pays placé sous un monarque étranger à toutes les vicissitudes, du pays se gouvernant lui-même par sa propre pensée et pas sa propre opinion.

Texte V   : Discours de Gambetta du 11 janvier 1870 prononcé devant le Corps législatif en réponse au ministère Ollivier et au plébiscite du 8 mai 1870 qui désirait se rattacher le camp républicain dans une forme d’« Empire parlementaire »

Si vous voulez fonder la liberté avec l’Empire et que vous vouliez la fonder avec notre concours, il faut y renoncer et vous attendre à ne le rencontrer jamais. Ce que nous voulons […] c’est qu’on nous donne sans révolution, pacifiquement, cette forme de gouvernement dont vous savez tous le nom   : la République. Il arrivera un moment où la majorité vous remplacera, sans secousse, sans émeute, sera amenée à un autre état de choses. Vous n’êtes qu’un pont entre la République de 1848 et la République à venir, et nous passerons le pont.

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SÉANCE VIII

La Commune ou la République Sociale 1871

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Texte I : Jules Vallès, L'insurgé, 1886

Au troisième étage, une porte qu'un coup d'épaule ferait sauter et par laquelle on entre dans une salle grande et nue comme une classe de collège. Saluez ! Voici le nouveau Parlement ! C'est ici que l'Association internationale des travailleurs tient ses séances, et que la Fédération des corporations ouvrières donne ses rendez-vous.

C'est la Révolution qui est assise sur ces bancs, debout contre ces murs, accoudée à cette tribune, c'est la Révolution en habits d'ouvrier. Cela vaut tous les forums antiques, et par les fenêtres peuvent passer des mots qui feront écumer la multitude.

Des hommes de l'Internationale, tous les socialistes qui ont un nom se sont réunis. Et d'un débat qui a duré quatre heures vient de surgir une force neuve: le Comité des vingt arrondissements.

Chaque arrondissement est représenté par quatre délégués que vient de nommer l'assemblée. Nous venons d'étendre sur la cité le réseau d'une fédération qui en fera bien d'autres.

Texte II : Manifeste du Comité central de la Commune, 26 Mars 1871

La Commune est la base de tout État politique comme la famille est l’embryon de la société. Elle implique comme force politique la République, seule compatible avec la liberté et la souveraineté populaire. La liberté la plus complète de parler, d’écrire, de se réunir, de s’associer, la souveraineté du suffrage universel. Le principe de l’élection appliqué à tous les fonctionnaires et magistrats […]. Suppression quant à Paris, de l’armée permanente. Propagation de l’enseignement laïque intégral, professionnel. Organisation d’un système d’assurances communales contre tous les risques sociaux y compris le chômage. Recherche incessante et assidue de tous les moyens les plus propres à fournir au producteur le capital, l’instrument de travail, les débouchés et le crédit, afin d’en finir avec le salariat et l’horrible paupérisme. 

Texte III : Le programme de la Commune 

Élu le 26 mars 1871, le conseil municipal de Paris, dominé par des républicains radicalisés et des socialistes, s’est proclamé Commune   de Paris. Ce gouvernement insurrectionnel expose son programme.

Dans le conflit douloureux et terrible qui menace encore Paris des horreurs du siège et du bombardement, […] la Commune de Paris a le devoir […] de préciser le caractère du mouvement du 18 mars, incompris, inconnu et calomnié par les hommes politiques qui siègent à Versailles. [Paris demande :]

- La reconnaissance et la consolidation de la République, seule forme de gouvernement compatible avec les droits du Peuple.

- L’autonomie absolue de la Commune étendue à toutes les localités de la France et assurant à chacune l’intégralité de ses droits. 

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- Les droits inhérents à la Commune sont   : le vote du budget communal, recettes et dépenses ; la fixation et la répartition de l’impôt ; […] l’organisation de sa magistrature, de la police intérieure et de l’enseignement   ; l’administration des biens appartenant à la Commune.

- Le choix par l’élection ou le concours, avec la responsabilité et le droit permanent de contrôle et de révocation des magistrats ou fonctionnaires communaux de tous ordres. La garantie absolue de la liberté individuelle, de la liberté de conscience et de la liberté de travail […].

- L’intervention permanente des citoyens dans les affaires communales par la libre manifestation de leurs idées. […]

- L’unité, telle qu’elle nous a été imposée jusqu’à ce jour par l’Empire, la monarchie et le parlementarisme, n’est que la centralisation despotique, inintelligente, arbitraire et onéreuse. L’unité politique telle que la veut Paris, c’est l’association volontaire de toutes les initiatives locales. […] La Révolution communale, commencée par l’initiative populaire du 18 mars […] c’est la fin du vieux monde gouvernemental et clérical, du militarisme, du fonctionnarisme, de l’exploitation, de l’agiotage, des monopoles, des privilèges auxquels le Prolétariat doit son servage, la Patrie ses malheurs et ses désastres.

Texte IV : Affiche apposée par la municipalité communaliste du XVIIe arrondissement, 29 avril 1871

Aujourd'hui, citoyens, vous êtes en présence de deux programmes : Le premier, celui des royalistes de Versailles, conduits par la chouannerie légitimiste et dominés par les généraux de coup d'état […]. L'autre programme, citoyens, c'est celui pour lequel vous avez fait trois révolutions […]. C'est la revendication des Droits de l'Homme […]. Allons ! pas d'inutiles. Que les femmes consolent les blessés ; que les vieillards encouragent les jeunes gens ; que les hommes valides ne regardent pas à quelques années de près pour suivre leurs frères et partager leur péril […].

Texte V : Maréchal Mac-Mahon, Proclamation, 28 mai 1871

Habitants de Paris, l’armée de la France est venue vous sauver. Paris est délivré. Nos soldats ont enlevé à quatre heures les dernières positions occupées par les insurgées. Aujourd’hui la lutte est terminée ; l’ordre, le travail et la sécurité vont renaître.

Texte VI : Émile Zola, (dans) Le Sémaphore de Marseille, 29 mai 1871

La tuerie a été atroce. Nos soldats ont promené dans les rues une implacable justice. Tout homme pris les armes à la main a été fusillé. Les cadavres sont restés semés de Ici sorte un peu partout, jetés dans les coins, se décomposant avec une rapidité étonnante, due sans doute à l'état d'ivresse dans lequel ces hommes ont été frappés. Paris depuis six jours n'est qu'un vaste cimetière.

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Texte VII : Karl Marx, La Guerre civile en France, 1871

Après la Commune, il ne peut plus y avoir ni paix, ni trêve entre les ouvriers de France et ceux qui s'approprient le produit de leur travail. La main de fer d'une soldatesque mercenaire pourra tenir un moment les deux classes sous une commune oppression. Mais la lutte reprendra sans cesse, avec une ampleur toujours croissante, et il ne peut y avoir de doute quant au vainqueur final - le petit nombre des accapareurs, ou l'immense majorité travailleuse. Et la classe ouvrière française n'est que l'avant-garde du prolétariat moderne.

Notre Association n'est, en fait, rien d'autre que le lien international qui unit les ouvriers les plus avancés des divers pays du monde civilisé. En quelque lieu, [...] et dans quelques conditions que la lutte de classe prenne consistance, il est naturel que les membres de notre Association soient au premier rang.

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SÉANCE IX

La Troisième République 1870-1940

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Texte(s) I : Lois Rivet, de Broglie et du septennat

Loi Rivet, 31 août 1871

L'Assemblée nationale,

Considérant qu'elle a le droit d'user du pouvoir constituant, attribut essentiel de la souveraineté dont elle est investie, et que les devoirs impérieux que tout d'abord elle a dû s'imposer, et qui sont encore loin d'être accomplis, l'ont seuls empêchée jusqu'ici d'user de ce pouvoir ;

Considérant que, jusqu'à l'établissement des institutions définitives du pays, il importe aux besoins du travail, aux intérêts du commerce, au développement de l'industrie, que nos institutions provisoires prennent, aux yeux de tous, sinon cette stabilité qui est l'œuvre du temps, du moins celle que peuvent assurer l'accord des volontés et l'apaisement des partis ;

Considérant qu'un nouveau titre, une appellation plus précise, sans rien changer au fond des choses, peut avoir cet effet de mettre mieux en évidence l'intention de l'Assemblée de continuer franchement l'essai loyal commencé à Bordeaux ;

Que la prorogation des fonctions conférées au chef du pouvoir exécutif, limitée désormais à la durée des travaux de l'Assemblée, dégage ces fonctions de ce qu'elles semblent avoir d'instable et de précaire, sans que les droits souverains de l'Assemblée en souffrent la moindre atteinte, puisque dans tous les cas la décision suprême appartient à l'Assemblée, et qu'un ensemble de garanties nouvelles vient assurer le maintien de ces principes parlementaires, tout à la fois la sauvegarde et l'honneur du pays ;

Prenant, d'ailleurs, en considération les services éminents rendus au pays par M. Thiers depuis six mois et les garanties que présente la durée du pouvoir qu'il tient de l'Assemblée ;

Décrète :

Article premier. Le chef du pouvoir exécutif prendra le titre de président de la République française, et continuera d'exercer, sous l'autorité de l'Assemblée nationale, tant qu'elle n'aura pas terminé ses travaux, les fonctions qui lui ont été déléguées par décret du 17 février 1871.

Article 2. Le président de la République promulgue les lois dès qu'elles lui sont transmises par le président de l'Assemblée nationale. Il assure et surveille l'exécution des lois. Il réside au lieu où siège l'Assemblée. Il est entendu par l'Assemblée nationale toutes les fois qu'il le croit nécessaire, et après avoir informé de son intention le président de l'Assemblée. Il nomme et révoque les ministres. Le conseil des ministres et les ministres sont responsables devant l'Assemblée. Chacun des actes du président de la République doit être contresigné par un ministre.

Article 3. Le président de la République est responsable devant l'Assemblée.

Loi de Broglie, 13 mars 1873

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L'Assemblée nationale,

Réservant dans son intégrité le pouvoir constituant qui lui appartient, mais voulant apporter des améliorations aux attributions des pouvoirs publics

Décrète :

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Article premier. La loi du 31 août 1871 est modifiée ainsi qu'il suit : Le président de la République communique avec l'Assemblée par des messages qui, à l'exception de ceux par lesquels s'ouvrent les sessions, sont lus à la tribune par un ministre. Néanmoins, il sera entendu par l'Assemblée dans la discussion des lois, lorsqu'il le jugera nécessaire, et après l'avoir informée de son intention par un message. La discussion à l'occasion de laquelle le président de la République veut prendre la parole est suspendue après la réception du message, et le président sera entendu le lendemain, à moins qu'un vote spécial ne décide qu'il le sera le même jour. La séance est levée après qu'il a été entendu, et la discussion n'est reprise qu'à une séance ultérieure. La délibération a lieu hors la présence du président de la République.

Article 2. Le président de la République promulgue les lois déclarées urgentes dans les trois jours, et les lois non urgentes dans le mois après le vote de l'Assemblée. Dans le délai de trois jours, lorsqu'il s'agira d'une loi non soumise à trois lectures, le président de la République aura le droit de demander, par un message motivé, une nouvelle délibération. Pour les lois soumises à la formalité des trois lectures, le président de la République aura le droit, après la seconde, de demander que la mise à l'ordre du jour pour la troisième lecture ne soit fixée qu'après le délai de deux mois.

Article 3. Les dispositions de l'article précédent ne s'appliqueront pas aux actes par lesquels l'Assemblée nationale exercera le pouvoir constituant qu'elle s'est réservé dans le préambule de la présente loi.

Article 4. Les interpellations ne peuvent être adressées qu'aux ministres et non au président de la République. Lorsque les interpellations adressées aux ministres ou les pétitions envoyées à l'Assemblée se rapportent aux affaires extérieures, le président de la République aura le droit d'être entendu. Lorsque ces interpellations ou ces pétitions auront trait à la politique intérieure, les ministres répondront seuls des actes qui les concernent. Néanmoins, si par une délibération spéciale, communiquée à l'Assemblée avant l'ouverture de la discussion par le vice-président du conseil des ministres, le conseil déclare que les questions soulevées se rattachent à la politique générale du gouvernement et engagent ainsi la responsabilité du président de la République, le président aura le droit d'être entendu dans les formes déterminées par l'article premier. Après avoir entendu le vice-président du conseil, l'Assemblée fixe le jour de la discussion.

Article 5. L'Assemblée nationale ne se séparera pas avant d'avoir statué : 1° sur l'organisation et le mode de transmission des pouvoirs législatif et exécutif ; 2° sur la création et les attributions d'une seconde chambre ne devant entrer en fonctions qu'après la séparation de l'Assemblée actuelle ; 3° sur la loi électorale. Le gouvernement soumettra à l'Assemblée des projets de loi sur les objets ci-dessus énumérés.

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Loi du septennat, 20 novembre 1873

Article premier. Le pouvoir exécutif est confié pour sept ans au maréchal de Mac-Mahon, duc de Magenta, à partir de la promulgation de la présente loi ; ce pouvoir continuera à être exercé avec le titre de président de la République et dans les conditions actuelles jusqu'aux modifications qui pourraient y être apportées par les lois constitutionnelles.

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Texte II : Mac-Mahon, Discours à l’Assemblée Nationale, 7 janvier 1875

Messieurs, l’heure est venue où vous allez aborder la grave discussion des lois constitutionnelles   ; les travaux de votre commission sont prêts, et l’opinion publique comprendrait difficilement un nouveau retard.

Désireux, comme je n’ai à aucun moment cessé de l’être, de voir promptement donner au pouvoir que j’exerce en vertu de la loi du 20 novembre, ce complément nécessaire, je charge mon gouvernement de vous demander, pour l’une de vos prochaines séances, la mise à l’ordre du jour de la loi qui établit une seconde Chambre. C’est là, en effet, l’institution que paraissent le plus impérieusement réclamer les intérêts conservateurs dont vous m’avez confié et dont je ne déserterai jamais la défense.

Les rapports sont aujourd’hui faciles entre l’Assemblée et le pouvoir qui émane d’elle ; il en serait peut être autrement le jour où, ayant fixé vous-mêmes le terme de votre mandat, vous feriez place à une Assemblée nouvelle. Des conflits peuvent naître alors, et, pour les terminer, l’intervention d’une seconde Chambre, offrant, par sa composition, de solides garanties, est indispensable. La nécessité ne serait pas moins grande, quand même, pour trancher des conflits, vous croiriez utile, comme mon gouvernement l’a demandé, d’armer le pouvoir exécutif du droit de recourir au jugement du pays par la voie de la dissolution. L’usage de ce droit extrême serait périlleux, et j’hésiterais moi-même à l’exercer si, dans une circonstance si critique, le pouvoir ne se sentait appuyé sur le concours d’une Assemblée modératrice. J’ai la satisfaction de penser que, sur ce point, je suis d’accord avec la majorité de cette Assemblée. Si dans le cours de la délibération, mon gouvernement présente certaines modifications au projet que votre commission vous a soumis, ce sera pour vous en rendre l’adoption plus facile.

Un autre point plus controversé ne doit pas être moins promptement décidé : c’est celui qui touche à la transmission du pouvoir, quand j’aurai cessé de l’exercer. Ici mon intervention doit avoir un caractère plus réservé, puisque ma responsabilité personnelle ne peut, en aucun cas, être engagée. Je n’hésite pas à dire cependant que, dans ma pensée, cette transmission à l’échéance du 20 novembre 1880, devrait être réglée, de manière à laisser aux Assemblées qui seront alors en exercice, la liberté pleine et entière de déterminer la forme du gouvernement de la France. C’est à cette condition que, d’ici là, le concours de tous les partis modérés peut rester assuré à l’œuvre de réparation nationale que je suis chargé de poursuivre.

J’attache moins d’importance à la question de savoir ce qui devrait être fait si, par une volonté de la Providence que tout homme doit prévoir, la vie m’était retirée avant l’expiration de mon mandat. La souveraineté nationale ne périt pas, et ses représentants pourront toujours faire connaître sa volonté.

On a exprimé, toutefois, le désir que, dans cette éventualité, rien en fût changé jusqu’en 1880 au cours actuel des choses. Vous jugerez s’il n’y aurait pas lieu de compléter par cette disposition les garanties de stabilité promises par la loi du 20 novembre ? En tout cas, c’est un point à débattre et à régler entre vous dans un grand esprit de conciliation…

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Texte III   : Loi constitutionnelle relative à l'organisation des pouvoirs publics, 25 février 1875

L'Assemblée nationale a adopté la loi dont la teneur suit :

Article premier Le pouvoir législatif s'exerce par deux chambres : la Chambre des députés et le Sénat. La Chambre des députés est nommée par le suffrage universel, dans les conditions déterminées par la loi électorale. La composition, le mode de nomination et les attributions du Sénat seront réglés par une loi spéciale.

Article 2 Le Président de la République est élu à la majorité absolue des suffrages par le Sénat et par la Chambre des députés réunis en Assemblée nationale. Il est nommé pour sept ans. Il est rééligible.

Article 3 Le Président de la République a l'initiative des lois, concurremment avec les membres des deux chambres. Il promulgue les lois lorsqu'elles ont été votées par les deux chambres ; il en surveille et en assure l'exécution. Il a le droit de faire grâce ; les amnisties ne peuvent être assurées que par une loi. Il dispose de la force armée. Il nomme à tous les emplois civils et militaires. Il préside aux solennités nationales ; les envoyés et les ambassadeurs des puissances étrangères sont accrédités auprès de lui. Chacun des actes du Président de la République doit être contresigné par un ministre.

Article 4 Au fur et à mesure des vacances qui se produiront à partir de la promulgation de la présente loi, le Président de la République nomme, en Conseil des ministres, les conseillers d'État en service ordinaire. Les conseillers d'État ainsi nommés ne pourront être révoqués que par décret rendu en Conseil des ministres. Les conseillers d'État nommés en vertu de la loi du 24 mai 1872 ne pourront, jusqu'à l'expiration de leurs pouvoirs, être révoqués que dans la forme déterminée par cette loi. Après la séparation de l'Assemblée nationale, la révocation ne pourra être prononcée que par une résolution du Sénat.

Article 5 Le Président de la République peut, sur l'avis conforme du Sénat, dissoudre la Chambre des députés avant l'expiration légale de son mandat. En ce cas, les collèges électoraux sont convoqués pour de nouvelles élections dans le délai de trois mois.

Article 6 Les ministres sont solidairement responsables devant les chambres de la politique générale

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du Gouvernement, et individuellement de leurs actes personnels. Le Président de la République n'est responsable que dans le cas de haute trahison.

Article 7 En cas de vacance par décès ou pour toute autre cause, les deux chambres procèdent immédiatement à l'élection d'un nouveau Président. Dans l'intervalle, le Conseil des ministres est investi du pouvoir exécutif.

Article 8 Les chambres auront le droit, par délibérations séparées prises dans chacune à la majorité absolue des voix, soit spontanément, soit sur la demande du Président de la République, de déclarer qu'il y a lieu de réviser les lois constitutionnelles. Après que chacune des deux chambres aura pris cette résolution, elles se réuniront en Assemblée nationale pour procéder à la révision. Les délibérations portant révision des lois constitutionnelles, en tout ou en partie, devront être prises à la majorité absolue des membres composant l'Assemblée nationale. Toutefois, pendant la durée des pouvoirs conférés par la loi du 20 novembre 1873 à M. le maréchal de Mac-Mahon, cette révision ne peut avoir lieu que sur proposition du Président de la République.

Article 9 Le siège du pouvoir exécutif et des deux chambres est à Versailles.

Texte IV : Message de Jules Grévy au Sénat, 6 février 1879

M. de Marcère, ministre de l’intérieur.

J’ai l’honneur de donner lecture à la Chambre des députés du Message que M. le Président de la République adresse au Parlement :

« Messieurs les députés,

« L’Assemblée nationale, en m’élevant à la présidence de la République, m’a imposé de grands devoirs. Je m’appliquerai sans relâche à les accomplir, heureux si je puis, avec le concours sympathique du Sénat et de la Chambre des députés, ne pas rester au-dessous de ce que la France est en droit d’attendre de mes efforts et de mon dévouement. » (Très bien ! très bien !)

« Soumis avec sincérité à la grande loi du régime parlementaire… » (Très bien ! très bien ! à gauche et au centre), « je n’entrerai jamais en lutte contre la volonté nationale… » (Bravos et applaudissements prolongés à gauche et au centre), « contre la volonté nationale exprimée par ses organes constitutionnels. » (Nouveaux applaudissements.)

« Dans les projets de loi qu’il présentera au vote des Chambres et dans les questions soulevées par l’initiative parlementaire, le Gouvernement s’inspirera des besoins réels, des vœux certains du pays, d’un esprit de progrès et d’apaisement ; il se préoccupera surtout du maintien de la tranquillité, de la sécurité, de la confiance, le plus ardent des vœux de la France, le plus impérieux de ses besoins. » (Très bien ! très bien ! à gauche et au centre.)

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« Dans l’application des lois, qui donne à la politique générale son caractère et sa direction, il se pénétrera de la pensée qui les a dictées ; il sera libéral, juste pour tous, protecteur de tous les intérêts légitimes, défenseur résolu de ceux de l’État. » (Applaudissements.)

« Dans sa sollicitude pour les grandes institutions qui sont les colonnes de l’édifice social, il fera une large part à notre armée, dont l’honneur et les intérêts seront l’objet constant de ses plus chères préoccupations. » (Nouveaux applaudissements.)

« Tout en tenant un juste compte des droits acquis et des services rendus, aujourd’hui que les deux grands pouvoirs sont animés du même esprit, qui est celui de la France, il veillera à ce que la République soit servie par des fonctionnaires qui ne soient ni ses ennemis, ni ses détracteurs. » (Vifs applaudissements à gauche et au centre)

« Il continuera à entretenir et à développer les bons rapports qui existent entre la France et les puissances étrangères, et à contribuer ainsi à l’affermissement de la paix générale. » (Très bien ! très bien !)

« C’est par cette politique libérale et vraiment conservatrice que les grands pouvoirs de la République, toujours unis, toujours animés du même esprit, marchant toujours avec sagesse, feront porter ses fruits naturels au gouvernement que la France, instruite par ses malheurs, s’est donné comme le seul qui puisse assurer son repos et travailler utilement au développement de sa prospérité, de sa force et de sa grandeur. » (Applaudissements prolongés).

Texte V : Léon Gambetta, Discours à la Chambre des députés, 21 juin 1880

Messieurs, j’ai cédé à l’impérieux sentiment du devoir en demandant à la Chambre de vouloir bien m’entendre dans la question qui s’agite aujourd’hui devant elle […] Eh bien ! Messieurs, je le sais, je l’ai vu, je l’entends tous les jours ; ne pensez pas, ne pensez jamais qu’il y ait un autre moyen de supprimer ces récriminations éhontées sur la guerre civile autrement que par une mesure d’abolition complète, absolue ; ne le pensez pas !

Pourquoi ? Parce que vous ne referez pas l’histoire ; parce que vous ne pourrez pas aller de quartier en quartier dans tout ce Paris qui a cette vie tragique et épouvantable qui va du 4 septembre au 26 mai ; parce que vous ne pourrez pas refaire la vérité dans ces cerveaux obscurcis et dans ces âmes troublées   ; et entendez-le bien  ! Tant que restera une question d’amnistie, vraie ou fausse, posée sur une tête indigne ou sur une tête obscure, vous pouvez être convaincus que, toujours et nécessairement, vous verrez une grande masse s’égarer qu’il eût fallu recueillir, vous verrez des esprits s’enflammer et s’exaspérer qu’il eût été fort simple de maintenir dans la ligne droite.

Et alors vous voulez que je me taise, que je ne dise pas à mes amis, qui sont au pouvoir, sans empiéter sur leur indépendance qui est entière, car si elle n’était pas entière, c’est ma conscience qui ne le serait pas   !…   (Bravos. Applaudissements prolongés à gauche et au centre), vous voulez que je ne leur dise pas : « Oui, il y a un intérêt supérieur qui s’impose ; oui, il y a une raison d’État qui ouvre et dessille les yeux les plus obstinément fermés ! » C’est que, dans un pays de démocratie, dans un pays de suffrage universel, de disputes ardentes

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dans les comices électoraux, il y a un moment où, coûte que coûte, il faut jeter le voile sur les crimes, les défaillances, les lâchetés et les excès commis. (Vifs applaudissements.)

Rappelez-vous, messieurs, que si vous ajournez l’amnistie jusqu’à la veille des élections de 1881, on exploitera le pardon accordé aux gens de la Commune comme un complot, comme une sédition ; on épouvantera la France, en lui présentant les dangers du retour d’hommes chargés de crimes, couverts de sang, altérés de vengeance   ; tandis que, si vous faites l’amnistie aujourd’hui, il en sera comme des prédictions sinistres qu’on faisait sur le retour des Chambres à Paris.

Dans quinze mois, quand nous reviendrons devant nos électeurs, devant le suffrage universel, nous pourrons le prendre à témoin que, depuis le jour où vous avez voté l’amnistie, l’oubli, le pardon, le silence se sont faits sur la guerre civile. Voilà pourquoi je trouve l’amnistie opportune ; voilà pourquoi je l’ai conseillée, (Très bien ! Très bien !) car c’est l’honneur du gouvernement républicain à côté duquel je suis, d’avoir pu, en matant les factions, fonder la République, ramener les Chambres dans Paris, décréter successivement la rentrée sur le sol national des hommes compromis dans nos discordes ; c’est l’honneur, la force de ce gouvernement, et il a bien le droit, au nom de la République, au nom de la France, de vous dire : « J’ai la garantie et le dépôt de l’ordre et des libertés nationales dans les mains, ayez confiance en moi, marchez avec moi. »

Oui, ce gouvernement a le droit de tenir un tel langage, et, permettez-moi de vous le dire, vous avez le devoir de réfléchir, vous avez le devoir, que vous avez accompli en bien d’autres moments, de descendre au fond de vos consciences, de vous mettre en présence des conséquences, des avantages de la politique de concorde qui est aujourd’hui devant vous et de vous poser ce dilemme   : oui ou non, devons-nous consentir à faire l’amnistie  ? Votre réponse est oui ! n’est-ce pas ? Personne ne se lève dans cette assemblée qui ose dire : « Non ! Jamais nous ne ferons l’amnistie   ; il faut persister dans une politique implacable, qui ne connaît que des fautes inexpiables. »

II faut donc faire l’amnistie et par conséquent, la seule question politique qui se pose et qui s’impose à l’attention du Parlement est celle-ci : existe-t-il un moment, plus favorable pour la faire ? (Applaudissements prolongés à gauche et au centre) Je dis qu’il n’en existe pas ! Pourquoi ? Parce que si le pays – et je pense avoir étudié avec soin la marche des esprits – est résolu à ne pas se payer d’apparences, à ne jamais céder aux impatiences, aux ardeurs, même légitimes, des uns, il est résolu aussi à ne pas laisser passer les heures propices aux grandes mesures. J’ai écouté le pays, je l’ai suivi, je l’ai lu dans ses diverses manifestations écrites ; je l’ai étudié dans ses diverses manifestations électorales. Et où est donc l’opinion publique, si elle n’est pas dans ces rendez-vous, si elle n’est pas dans ces consultations, solennelles à tous les degrés, où les électeurs donnent l’opinion de la France ?

Après avoir écouté, interrogé le pays, je suis arrivé à cette solution : non, la France n’est pas passionnée pour l’amnistie, elle n’y apporte ni ardeur ni enthousiasme, elle sait ce que lui a coûté cette série de crimes ; elle sait quelle a été la rançon de cette folie inoubliable ! Non, elle n’est pas passionnée pour l’amnistie, et, si elle n’avait qu’à prononcer un arrêt, il serait bien vite écrit en caractères ineffaçables. Mais, messieurs, si la France ne subit pas d’entraînement

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vers l’amnistie, elle éprouve un sentiment que les hommes politiques doivent enregistrer : c’est celui de la lassitude.   («  Très bien   !  »  Applaudissements à gauche.)  Elle est fatiguée, exaspérée d’entendre constamment se reproduire ces débats sur l’amnistie, dans toutes les questions, à propos de toutes les élections, de toutes les contentions électorales, et elle dit à ses gouvernants et à vous-mêmes : « Quand me débarrasserez-vous de ce haillon de guerre civile ? » (Bravos à gauche.)

[...] Mais que voulez-vous ? Vous allez peut-être m’accuser d’opportunisme ! Je sais que le mot est odieux…   (Sourires.)  Pourtant, je pousse encore l’audace jusqu’à affirmer que ce barbarisme cache une vraie politique…   (Applaudissements),  que c’est en s’inspirant de la générosité des uns et de l’esprit d’examen des autres qu’il faut se décider. Et alors, étant face à face avec les difficultés, je dis à ceux-ci : « Vous touchez à la réalisation d’une mesure qui, peut-être, aurait été facilitée si elle eût été entourée, dans les réclamations qui se sont produites, de plus de mesure, de plus de sagesse. Et aux autres, je dis : « Le moment est venu de se résoudre ; ne voyez-vous pas entre nous et ceux qui ne sont que des anarchistes de profession, qui ne sont que de purs démagogues, que des fauteurs de désordre ; ne voyez-vous pas entre eux et nous une année compacte de braves gens, d’électeurs honnêtes et sincères qui, troublés et égarés, considèrent l’amnistie comme le retour aux plus détestables doctrines ? Ne sentez-vous pas qu’il est nécessaire d’aller à eux, de les rassurer et de leur dire : «  La République, c’est un gouvernement de démocratie, c’est le gouvernement qui est le plus fort de tous les gouvernements connus contre la démagogie. Pourquoi ? Parce qu’il ne gouverne et ne réprime ni au nom d’une famille ni au nom d’une maison, mais au nom de la loi et de la France  » » (Bravos et applaudissements répétés à gauche et au centre.)

[...] On a dit, et on a dit avec raison – cela saute aux yeux –, que le 14 juillet étant une fête nationale, un rendez-vous où, pour la première fois, l’armée, organe légitime de la nation, se trouvera face à face avec le pouvoir, où elle reprendra ces drapeaux, hélas, si odieusement abandonnés… (Bravos et applaudissements prolongés.) Oh ! Oui, il faut que ce jour-là, devant la patrie…   (Nouveaux applaudissements),   il faut qu’en face du pouvoir, en face de la nation représentée par ses mandataires fidèles, en face de cette armée, « suprême espoir et suprême pensée » comme disait un grand poète, qui, lui aussi, dans une autre enceinte, devançant tout le monde, avait plaidé la cause des vaincus…   (Applaudissements),   il faut que vous fermiez le livre de ces dix années ; que vous mettiez la pierre tumulaire de l’oubli sur les crimes et sur les vestiges de la Commune, et que vous disiez à tous, à ceux-ci dont on déplore l’absence, et à ceux-là dont on regrette quelquefois les contradictions et les désaccords, qu’il n’y a qu’une France et qu’une République.   »   (Acclamations et applaudissements prolongés. Un grand nombre de membres se lèvent de leur place et s’empressent autour de l’orateur pour le féliciter lorsqu’il descend de la tribune.)

Texte VI : « Loi Ferry », 28 mars 1885 (rendant l’Enseignement primaire obligatoire)

Article premier L’enseignement primaire comprend : - L’instruction morale et civique ; - La lecture et l’écriture ;

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- La langue et les éléments de la littérature française ; - La géographie, particulièrement celle de la France ; - L’histoire, particulièrement celle de la France jusqu’à nos jours ; - Quelques leçons usuelles de droit et d’économie politique ; - Les éléments des sciences naturelles physiques et mathématiques […] ; - Les éléments du dessin, du modelage et de la musique ; - La gymnastique ;- Pour les garçons, les exercices militaires ; - Pour les filles, les travaux à l’aiguille. […]

Article 4 L’instruction primaire est obligatoire pour les enfants des deux sexes âgés de six ans révolus à treize ans révolus; elle peut être donnée soit dans les établissements d’instruction primaire ou secondaire, soit dans les écoles publiques ou libres, soit dans les familles, par le père de famille lui-même ou par toute autre personne qu’il aura choisie.

Texte VII : Loi relative à la création des syndicats professionnels, 21 mars 1884

Article premier. Sont abrogés la loi des 14-17 juin 1791 et l'article 416 du Code pénal. Les articles […] du Code pénal et la loi du 18 avril 1834 ne sont pas applicables aux syndicats professionnels.

Article 2. Les syndicats ou associations professionnelles, même de plus de vingt personnes exerçant la même profession, des métiers similaires, ou des professions connexes concourant à l'établissement de produits déterminés, pourront se constituer librement sans l'autorisation du Gouvernement.

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SÉANCE X

La République en péril

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Texte I : Comte de Chambord, Discours, 5 juillet 1871

Français, Je suis au milieu de vous. Vous m’avez ouvert les portes de la France et je n’ai pas pu me refuser le bonheur de revoir ma patrie.

Mais je ne veux pas donner, par une présence prolongée, de nouveaux prétextes à l’agitation des esprits si troublés en ce moment. Je quitte donc Chambord que vous m’avez donné et dont j’ai porté le nom avec fierté depuis quarante ans, sur les chemins de l’exil. En m’en éloignant, je tiens à vous le dire, je ne me sépare pas de vous, la France sait que je lui appartiens. Je ne puis décliner que le droit monarchique est le patrimoine de la nation, ni décliner les devoirs qu’il impose envers elle. Ces devoirs, je les remplirai, croyez-en ma parole d’honnête homme et de Roi. Dieu aidant, nous fonderons ensemble et quand vous le voudrez, sur les larges assises de la décentralisation administrative et des franchises locales, un gouvernement conforme aux besoins réels du pays. Nous donnerons pour garanties à ces libertés publiques auxquelles tout peuple chrétien a droit, le suffrage universel, honnêtement pratiqué, et le contrôle des deux chambres, et nous reprendrons en lui restituant son caractère véritable, le mouvement national de la fin du dernier siècle. Une minorité révoltée contre les vœux du pays en a fait le point de départ d’une période de démoralisation par le mensonge et de désorganisation par la violence. Ses criminels attentats ont imposé la révolution à un pays qui ne demandait que des réformes et l’ont dès lors poussé vers l’abîme où hier elle eut péri, sans l’héroïque effort de notre armée. Ce sont les classes laborieuses, ces ouvriers des champs et des villes, dont le sort a fait l’objet de mes plus vives préoccupations et de mes plus chères études, qui ont le plus souffert de ce désordre social. Mais la France, cruellement désabusée par des désastres sans exemples, comprendra qu’on ne revient pas à la vérité en changeant d’erreur, qu’on n’échappe pas par des expédients à des nécessités éternelles. Elle m’appellera et je viendrai à elle tout entier, avec mon dévouement, mon principe et mon drapeau. A l’occasion de ce drapeau, on m’a imposé des conditions que je ne dois pas subir.

FRANÇAIS !

Je suis prêt à tout pour aider mon pays à se relever de ses ruines et à reprendre son rang dans le monde. Le seul sacrifice que je ne puisse lui faire est celui de mon honneur. Je suis et je veux être de mon temps, je rends un sincère hommage à toutes ses grandeurs, et quelle que fut la couleur du drapeau sous lequel marchaient nos soldats, j’ai admiré leur héroïsme, et rendu grâce à Dieu de tout ce que leur bravoure ajoutait aux trésor des gloires de la France. Entre vous et moi, il ne doit subsister ni malentendu, ni arrière-pensée. Non, je ne laisserai pas, parce que l’ignorance ou la crédulité auront parlé de privilèges, d’absolutisme, ou d’intolérance, que sais-je encore   ? de dîme, de droits féodaux fantômes, que la plus audacieuse mauvaise foi essaie de ressusciter à vos yeux, je ne laisserai pas arracher de mes mains l’étendard d’Henri IV, de François 1er et de Jeanne d’Arc. C’est avec lui que vos pères, conduits par les miens, ont conquis cette Alsace et cette Lorraine dont la fidélité sera la consolation dans nos malheurs. Il a vaincu la barbarie sur cette terre d’Afrique, témoin des

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premiers faits d’armes des princes de ma famille. C’est lui qui vaincra la barbarie nouvelle dont le monde est menacé. Je le confierai sans crainte à la vigilance de notre armée : il n’a jamais suivi, elle le sait, que les chemins de l’honneur. Je l’ai reçu comme un dépôt sacré du vieux Roi mon aïeul, mourant en exil. Il a toujours été pour moi inséparable du souvenir de la patrie absente, il a flotté sur mon berceau et je veux qu’il ombrage ma tombe.

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Texte II : Général Boulanger, Discours à la Chambre des députés, 4 juin 1888

L'expérience a démontré que la responsabilité des ministres devant la Chambre équivaut à l'absorption du pouvoir exécutif par le pouvoir législatif, et à l'avilissement du premier. La Chambre doit légiférer, elle ne doit pas gouverner. [...]

Dans une démocratie, les institutions doivent se rapprocher autant que possible du gouvernement direct. Il est juste et bon qu'on interroge le peuple par voie directe chaque fois que s'élèveront de graves conflits d'opinions qu'il peut seul résoudre. C'est pourquoi je pense qu'il est indispensable d'introduire dans notre Constitution le référendum. [...]

Je crois qu'un gouvernement fondé sur des institutions ainsi renouvelées ouvrirait dans la République une ère de paix et d'ordre, de travail et de crédit, d'harmonie et de réconciliation que le régime parlementaire ne peut même pas essayer de réaliser.

Texte III : La crise des 6-9 février 1934

Il n’y a plus de politique, écrit Ordre nouveau , en février 1934   ; il n’y a plus que des 1

politiciens, six cents bavards soit inconscients, soit trop malins, toujours impuissants. Élire un député signifie trop souvent aujourd’hui donner l’impunité parlementaire à un escroc, un receleur, un dangereux imbécile .2

Ordre nouveau est un mouvement politique des années 30.1

Texte tiré du livre de Michel Winock, La Fièvre hexagonale, Paris, Seuil, 1987, p. 206.2

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