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Histoire de la littérature russe classique 0. Contexte Contexte historique Le classicisme = ensemble des auteurs, ouvrages qui peuvent servir de modèle et qui ont une valeur universellement reconnue. Les jalons de l’histoire sont difficiles à poser mais on peut dire que l’histoire de la littérature russe classique commence à partir des deux dernières décennies du 18 e siècle. Il y a des facteurs sociopolitiques qui ont déterminé le début de la période : - La Révolution française de 1789 : les auteurs ont réagi, cette révolution les a éveillés ils ont commencé à écrire - Des événements intérieurs à la Russie : 2 faits : 1) La guerre patriotique de 1812 (pour les occidents, cela équivaut aux invasions napoléoniennes) : - Les guerriers russes ont ramené des idées de la Révolution française. - C’est la rencontre de deux classes sociales qui ne rencontraient pas d’habitude : l’Aristocratie (qui dirige les soldats) et les soldats. Les officiers admirent les soldats, le peuple qui ont combattu héroïquement Napoléon. On croit à la liberté, on croit que le servage (fait de posséder des servants) va être aboli. Mais non, il ne le sera pas, le tsar Alexandre se comporte en gendarme cela entraîne des désillusions cela entraîne des soulèvements. 2) Le 14 décembre 1825 : les décembristes. Les gens veulent se soulever mais il y a un trop grand fossé entre les aristocrates et le peuple. Les aristocrates prennent le mouvement en main, mais : - Les uns souhaitent seulement une monarchie - Les autres sont plus révolutionnaires, ils veulent aller plus loin. Ils se feront tués. Mais ils laissent un sentiment de fierté nationale. On admire, par exemple, ces femmes qui ont tout laissé pour suivre leur mari passe de l’Histoire à la fois triste et belle, car leur exemple donne de l’espoir. Belinski : « 1812 donna naissance à l’opinion publique en Russie et contribua à la montée de l’effervescence idéologique qui culminera en 1825 ». Aspects idéologiques et situation linguistique À la fin du 18 e siècle, commencent à apparaîtrent les revues littéraires. L’opinion publique s’exprime. - 1791 : la revue de Moscou - 1802-1803 : Le messager de l’Europe - Le télégraphe de Moscou - 1831-1836 : Le télescope - Le contemporain (36 : Pouchkine, 37 : Plietnov) - Les anales de la patrie

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Histoire de la littérature russe classique

0. Contexte Contexte historique Le classicisme = ensemble des auteurs, ouvrages qui peuvent servir de modèle et qui ont une valeur universellement reconnue. Les jalons de l’histoire sont difficiles à poser mais on peut dire que l’histoire de la littérature russe classique commence à partir des deux dernières décennies du 18e siècle. Il y a des facteurs sociopolitiques qui ont déterminé le début de la période :

- La Révolution française de 1789 : les auteurs ont réagi, cette révolution les a éveillés � ils ont commencé à écrire

- Des événements intérieurs à la Russie : 2 faits : 1) La guerre patriotique de 1812 (pour les occidents, cela équivaut aux invasions

napoléoniennes) : - Les guerriers russes ont ramené des idées de la Révolution française. - C’est la rencontre de deux classes sociales qui ne rencontraient pas d’habitude : l’Aristocratie (qui dirige les soldats) et les soldats. Les officiers admirent les soldats, le peuple qui ont combattu héroïquement Napoléon. On croit à la liberté, on croit que le servage (fait de posséder des servants) va être aboli. Mais non, il ne le sera pas, le tsar Alexandre se comporte en gendarme � cela entraîne des désillusions � cela entraîne des soulèvements.

2) Le 14 décembre 1825 : les décembristes. Les gens veulent se soulever mais il y a un trop grand fossé entre les aristocrates et le peuple. Les aristocrates prennent le mouvement en main, mais : - Les uns souhaitent seulement une monarchie - Les autres sont plus révolutionnaires, ils veulent aller plus loin. Ils se feront tués. Mais ils laissent un sentiment de fierté nationale. On admire, par exemple, ces femmes qui ont tout laissé pour suivre leur mari � passe de l’Histoire à la fois triste et belle, car leur exemple donne de l’espoir.

Belinski : « 1812 donna naissance à l’opinion publique en Russie et contribua

à la montée de l’effervescence idéologique qui culminera en 1825 ».

Aspects idéologiques et situation linguistique À la fin du 18e siècle, commencent à apparaîtrent les revues littéraires. L’opinion publique s’exprime. - 1791 : la revue de Moscou - 1802-1803 : Le messager de l’Europe - Le télégraphe de Moscou - 1831-1836 : Le télescope - Le contemporain (36 : Pouchkine, 37 : Plietnov) - Les anales de la patrie

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Ces revues ne sont pas chères, elle favorisait la tradition de la lecture quotidienne et étaient des télégraphes d’idées. Herzen : « Nulle part ailleurs, excepté en Angleterre, les revues n’ont joué un rôle si

important. Elles sont effectivement le meilleur véhicule d’instruction pour un vaste

pays. Elles ont permis aux habitants d’Omsk et Tobolsk et lire les œuvres de Dickens

et Sand à peine deux mois après leur apparition à Londres ou Paris. »

Développement de la langue russe littéraire Des classicistes russes, comme Lomonossov ou Trediakovski, commencent à se préoccuper de la normalisation de langue. Ils sont confrontés à un problème : en russe, il existe deux langues (diglossie) : le vieux slave, la langue savante et la langue vernaculaire, courante. Le vieux slave est la langue religieuse, ecclésiastique. Elle est solennelle et difficile. � Débat houleux et permanent pour apprêter le slavon à être plus maniable :

- Kantemir veut ajouter une série de mots dans la gamme des sentiments qu’il calque de la langue française.

- Nicolas Karamzine, auteur sentimental, veut aussi réformer la gamme des sentiments, tout le vocabulaire de la vie intime et du monde intérieur.

- Ensuite, Pouchkine : le bon goût poétique. - Ensuite, d’autres apportent du vocabulaire philosophique calqué de

l’allemand. � Jusqu’aux années 40, développement de la langue russe.

1. Alexandre Griboïedov

C’était un homme polyvalent : diplomate, mathématicien, joueur d’échec, parle plusieurs langues. Il naît dans une famille de nobles à Moscou. Son père est officier et sa mère aristocrate. Ils ont donc de bonnes relations avec les milieux rapprochés de la Cour. À 8 ans, il est inscrit à la pension pour nobles à l’Université de Moscou. C’est très tôt, mais il était mature. Il montre un talent poétique précoce et un talent dans le genre satirique : « Dimitri Drianskoi » = parodie. Il a des professeurs allemands et russophones. L’invasion de Napoléon le marque. Le 23 et 24 juin 1812, lorsque Napoléon franchit les frontières russes, il doit partir au front. Mais grâce aux relations de sa famille, il est protégé, pas vraiment en danger. En effet, il est mis avec les « Ussar », connus pour faire la fête. En 1813, il est en permission car il est malade. Pendant cette période, il se rend célèbre pour ses 400 coups mais a aussi écrit au combat. Sa première œuvre : lettre de Brest-Litovsk à l’éditeur du messager de l’Europe. En août 1814, après la victoire des Russes, il se rend à Saint-Pétersbourg car c’est l’endroit où il faut être pour rencontrer du monde. Il a des idées progressistes : il lance un cercle de jeunes archaïsants. Ceux-ci ne sont pas tout à fait d’accord avec Karamzine pour la réforme de la gamme de la sentimentalité.

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Il devient secrétaire district. En tant qu’aristocrate, il n’y avait pas beaucoup de choix pour l’emploi : soit dans la diplomatie et l’administration, soit l’armée, soit le clergé. Il est aussi inscrit dans le cercle des maçons. Il se lance dans un quadruple duel pour une ballerine, mais l’un de ces camarades meurt : il prend de la distance et accepte un poste de secrétaire en Iran. En 1818, il quitte St-Petersbourg, en 1819, il est à Tabriz. Il réussit très bien sa mission. Il est content de cette mission car elle lui permet d’écrire. Il travaille sur « Le malheur d’avoir de l’esprit » en 1821-1824, c’est son unique pièce. En 1823, il part pour Saint Petersbourg pour essayer de la faire publier et jouer mais c’est un échec. Elle ne sera jouée qu’en 1858 (et encore, seulement à l’étranger, pas en Russie). Il apporte des modifications mais elle est quand-même censurée. Toutefois, il réussit à se faire connaître car des manuscrits de son œuvre circulent. En décembre 1825, on le soupçonne car il dérange, mais grâce à sa famille, on le laisse tranquille. Il se rend dans le Caucase. En 1828, il signe le traité de paix de Turkmantchai. Il épouse Nina Tchavtchavadze. C’est un mariage très court car en 1829, il retourne à Téhéran. On le charge d’une mission difficile. Tout le personnel de l’ambassade est tué lors d’une émeute. Griboïedov est mort en héros. Il est l’auteur d’une seule pièce. Beaucoup disent qu’elle est le prélude de la littérature russe. Le point de vue est étonnant et la langue parfaite. Chaque personnage à son langage propre. C’est le parlé de Moscou (bon vivant, moins huppé que Saint Petersbourg). Lise est la fille de Famoussov. Le personnage principal, Tchatski, veut demander Lise en mariage. Mais il a un comportement totalement inattendu : au lieu de se montrer poli envers Famoussov, il critique tout le monde, la société servagiste, … Lise, elle, aime le secrétaire de son père. Tchatski : son nom est double :

- tchad = fumée : pas très positif - tchaadaev : libre-penseur qui critiquait la Russie de l’époque.

Dans la pièce, il y a beaucoup de jeux de mots et expressions qui deviendront par la suite des proverbes. Perles du style de cet auteur. La fin est ouverte : comment analyser cette pièce ? C’est au lecteur de le découvrir.

2. Alexandre Pouchkine Dostoïevski : « Toute la littérature moderne provient tout droit de Pouchkine ».

Pouchkine a ouvert la voie à beaucoup d’autres auteurs : Gogol, … C’est une source d’inspiration intarissable, il a une pérennité éternelle. Il était très ami avec Mickiewicz et Prospère Mérimée. Celui-ci met l’accent sur la difficulté de traduire Pouchkine. Pourquoi difficile ? Car c’est un poète de génie, il écrit avec beaucoup de précision. Il dit : « Un Français n’a pas la possibilité

d’apprécier Pouchkine ». Il peut dire le plus de chose avec le moins de mot, grâce au côté elliptique de la langue russe. Le mythe de Pouchkine : son destin et sa personnalité ont favorisé la création d’un mythe. Il était très lumineux, et sur le plan humain aussi.

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Il a perfectionné la langue russe. Avant lui, la langue était lourde et archaïque. Il a été merveilleusement instruit, il a lu beaucoup de littérature mondiale. L’œuvre de Pouchkine est la prose russe et la tragédie. Il est né à Moscou le 6 juin 1799. Il est issu d’une lignée très ancienne dont il est fier. Il reçoit une éducation aristocratique, mais en fait sa famille est ruinée. Il est le premier écrivain professionnel (écrit pour vivre). Par sa mère, il reçoit un grand héritage. Sa lignée maternelle descend d’Ibrahim Hannibal. Celui-ci est un esclave qui avait été offert à Pierre le Grand. Il devient très vite brillant constructeur et militaire et Pierre le Grand l’affranchit et en fait son bras droit. Il épouse une femme russe et ils auront des enfants métisses. Pouchkine, physiquement, était très typé (yeux bleus, frisé, lèvres pulpeuses). Il aimait l’exagérer, il était fier de sa négritude. Il avait une haute idée de lui-même (de ses origines et de son don poétique). Il y avait chez lui une grande bibliothèque française : ce qui fait de lui un érudit très tôt. Il baigne dans un milieu propice à l’amour de la littérature. Il a des précepteurs : des Anglais et des Français, langue qu’il parlait très bien. Il avait d’ailleurs deux surnoms : le singe (car métisse) et le Français. Il avait deux grands-mères, dont Maria Hannibal. Mais sa grande inspiratrice est sa nourrice : Arina Rodionovna. Elle était à la fois sa mère, son amie, sa confidente, son ange gardien. Trois influences chez Pouchkine :

- Son métissage - Ses parents littéraires - Sa nourrice paysanne.

Sa nourrice l’a inspiré pour « Eugène Oniéguine » (prototype du roman russe) : le personnage principal est un homme cynique, blasé et à côté de lui, il y a Tatiana, qui représente tout ce qu’il y a de beau chez une femme. Elle aussi est proche du terroir, comme la nounou de Pouchkine. Il écrit aussi 3 poèmes dans lesquels il parle de sa nounou :

- « La soirée d’hiver » - « Sur la nounou » (1826) - « Et je suis venu » (1855)

1813-1817 : Oeuvre de jeunesse Il a passé son enfance à Moscou mais il passe son adolescence près de Saint-Pétersbourg, dans une magnifique résidence : Tsarckoe Selo. En 1811, Alexandre Ier ouvre un lycée dans une aile de château pour que les aristocrates soient formés là. Pour y entrer, il fallait faire partie de la noblesse. Grâce à son oncle, Pouchkine parvient à y être admis. Cette résidence était un cocon merveilleux où l’on favorisait la création, l’intellectuel mais aussi la danse et le sport. Les meilleurs maîtres s’y trouvaient. Pouchkine a comme professeur David de Boudry, le frère de Marat ! C’est un paradoxe, car Marat n’a pas les idées monarchiques, les aristocrates russes ne se rendent pas compte qu’il peut être un danger. Pouchkine n’est pas un bon élève. Il a fait les 400 coups. « L’amour du travail n’est pas sa vertu dominante ».

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Cette période de sa vie est sa deuxième source d’inspiration, après sa nounou. En effet, il y apprend la vertu de l’amitié, la camaraderie, le goût de l’art, … Il écrit 3 poèmes sur cette période :

- « Souvenirs à Tsarskoï Selo », 1814 - « Romance », 1814 - « À Delvig », 1817

Dirjavin, roi de la poésie, est très touché par « Souvenirs à Tsarskoï Selo », il lui remet symboliquement sa couronne de roi de la poésie. Cela le propulse dans la renommée. 1817-1820 : Rapprochement du poète avec les décembristes Après sa dernière année à Tsarskoï Selo, le lycée ferme car ils se rendent compte que le lycée formaient plutôt des révolutionnaires. Pouchkine se voit offrir un poste au ministère des affaires étrangères. C’est une sinécure pour lui. En 1824, il se fait licencié tellement il est peu appliqué dans son travail. Pendant ce temps, il fréquente des cercles littéraires, comme « la lampe verte », il passe son temps avec des femmes (Pouchkine était un homme à femmes) et dans des tripots. Il écrit beaucoup de poèmes engagés contre le pouvoir politique et surtout contre le servage. Période qui commence par des épigrammes : petits poèmes satiriques qui se terminent par une pique. Il écrit sur Araktcheiev et Vorontov. Il déplaisait aux personnalités les plus haut placées. Ces épigrammes se répandent partout :

- « Pour Tchaadaïev » (Tchaadaïev est un pro-occidental qui critiquait le régime politique russe). Cette épigramme se termine comme un poème d’amour, pas du tout solennel. Poème anti-gouvernemental.

- « La liberté », 1817. Critique le régime autocratique, les policiers corrompus, …

- « Campagne », 1819. Critique le servage à la campagne. Il a également écrit « Rousslan et Ludmilla » : c’est le premier poème original de la littérature russe. Les personnages sont inspirés du folklore populaire. Les intellectuels vont être déroutés par un style trop populaire. De plus, il y a beaucoup de détails érotiques � le poème fait un scandale. 1820 – 1824 : L’exil du Sud (méridional) Le tsar pense que Pouchkine a dépassé les bornes et l’exile. Heureusement, au lieu d’être envoyé en Sibérie comme le sont les exilés, Pouchkine est envoyé au Caucase. C’est une chance pour lui et son œuvre. Le Caucase représente l’eldorado, l’exotisme pour beaucoup. C’est une contrée magnifique, une source d’inspiration, le pays de la liberté dans ces montagnes. Mais il a y aussi des guerres : on l’a envoyé là-bas dans l’espoir qu’il se fasse tué ou blessé. Or, pour les poètes, le danger représente une pointe de Romantisme. Le drame de Pouchkine : jamais le pouvoir tsariste ne l’a autorisé à quitter la Russie. Arrivé au Caucase, la première chose qu’il fait, c’est se baigner dans le Dniepr ; il attrape une infection. Heureusement, il est sauvé par la famille des Raïevski. Il arrive jusqu’à la Moldavie. Ce voyage l’inspire pour des poèmes romantiques :

- « Le prisonnier du Caucase », 1821. Dans ce poème, Pouchkine veut montrer que les gens du Caucase sont en rien moins bon que les citadins, Au contraire,

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il pense qu’ils ont des valeurs comme la liberté, la simplicité des mœurs, générosité. Il met en avant la beauté des femmes et des costumes.

- « La fontaine de Barchtchisérail », 1821-1823. Poème très connu- - « Les tsiganes »

Pouchkine est considéré comme le chef de file des romantiques russes. En Angleterre, c’est Lord Byron qui est le poète le plus romantique à cette époque. Pouchkine s’inspirera de Byron dans « Eugène Oniéguine », mais il a un trait national : c’est un poète moins individualiste, plus objectif. Il chante moins le héros individualiste. De plus, il y a des digressions : l’auteur parle en son nom propre. De plus, on se soucie de la vie de simples gens. Pouchkine passe la fin de son exil à Odessa. Il est envahi de pressentiments sombres car il règne en Russie une ambiance sombre. Il écrit « Démon » en 1823. Mérimée parle de Pouchkine en France. Il qualifie « Les Tziganes » de génie de Pouchkine. Il dit aussi que la sobriété de la langue de Pouchkine est impossible à traduire en français. « Les tziganes » est un peu autobiographique car Aleko (héros) est citadin, comme Pouchkine. (De plus, Aleko � Alexandre � Alexandre Pouchkine). Ensuite, « Eugène Oniéguine » Il passe sept ans sur ce livre. Le poème apparaît entre 1825 et 1832 sous forme de feuilleton. C’est un roman en vers. Contradiction : en même temps, opposition au roman en prose, mais aussi différent du poème romantique � genre nouveau. On entre dans le roman comme si on entrait dans une discussion. La fin est ouverte, pas de conclusion précise : sur ce côté, il donne le ton à la littérature russe. Oniéguine est un dandy. Il est le premier représentant des « hommes de trop » de la littérature russe. « Homme de trop » : quelqu’un d’instruit, qui a tous les atouts pour entrer dans la société, mais qui n’y trouve pas sa place. Oniéguine est un homme blasé. Arrive Tatiana, qui tombe tout de suite amoureux de lui. Elle lui écrit pour lui dire qu’elle l’aime, mais lui, ça ne lui fait ni chaud ni froid. C’est une énorme déception pour elle. De plus, Oniéguine se met à courtiser sa sœur Olga, pourquoi ? Ensuite, se déroule le duel entre Lentski (qui est un ami d’Oniéguine et qui aime Olga) et Oniéguine. Celui-ci tire et Lentski meurt. Oniéguine doit partir. Quand il revient, il revoit Tatiana qui est devenue une grande dame, qui s’est mariée...Thème du roman : asynchronie de l’amour. Il a un grand succès car ce sont des situations de la vie. Le roman est donc basé sur beaucoup de couples qui s’opposent :

- Tatiana et sa sœur - Onieguine et Lentski - Pouchkine et Oniéguine

La richesse du livre c’est que le narrateur est toujours présent et s’adresse au lecteur. Mais ce n’est pas une présence oppressante, il nous laisse la liberté de juger par nous-même. Il n’a pas de point de vue autoritaire : cela fait la modernité du livre. Il laisse également une liberté aux personnages.

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Quand Oniéguine s’en va car il a tué son ami, il représente bien aussi l’homme de trop : il a été trop choqué par son geste, l’homme de trop est aussi celui qui arrive quelque part, qui fait un geste qu’il ne voulait pas et qui disparaît ensuite. Le dixième chapitre du livre a été brûlé par Pouchkine, de crainte de représailles. En effet dans ce chapitre, Oniéguine rejoint les décembristes. On peut se poser la question : Pouchkine a-t-il participé au mouvement décembriste ? La réponse est non. Car il n’était pas tenu au courant de la date des événements :

- Soit les décembristes ne voulaient pas le mettre en danger - Soit ils avaient peur que Pouchkine parle trop et dévoile leur secret,

La fin du livre : ce n’est pas un « happy ending », les Russes n’aiment pas ce genre de fin. Le livre est basé sur la symétrie des couples, mais aussi dans la construction :

- Campagne et ville - Tatiana écrit une lettre à Oniéguine et ensuite Oniéguine écrit une lettre à

Tatiana - Un bal à la ville et puis un bal à la campagne C’est la première tragédie dans l’histoire de la littérature russe. Plus tard, il écrit « Boris Godounov », le 7 novembre 1825 (12 jours avant la mort d’Alexandre le Grand) L’histoire (vraie) : Ivan le Terrible meurt sans laisser de successeurs. Cela crée des troubles. L’un de ses fils, Fedor, épouse la sœur de Boris. Un autre fils, Dmitri, meurt : soit il a été égorgé, soit il est mort naturellement. Les autorités disent que c’est naturellement, mais autant Pouchkine que Karamzine penche pour l’assassinat. Cependant, ceux-ci aiment la tragédie. Boris devient tsar et même un bon tsar. Mais malheureusement, il n’a pas de chance : mauvaises récoltes, ennemis,…Période très troublante. Pouchkine écrit sur cette histoire une pièce révolutionnaire : - Pas d’unité de temps - Langue très diversifiée : le slavon est présent mais aussi beaucoup de mots

populaires. - Au centre de l’histoire : problème du peule, un peuple asservi Les thèmes : - L’ambition et le pouvoir, et les ambitions qui s’interchoquent. - La solitude du pouvoir - Le fait que pour monter au pouvoir, il faut qu’il y ait du sang ( => Alexandre

1er est arrivé au trône en versant le sang de son père) « Boris Godounov » a été de nombreuses fois censuré. La pièce n’a jamais pu être monté du temps de Pouchkine. Le tsar Nicolas dit à Pouchkine qu’il sera son censeur personnel � piège. Pouchkine est fatigué de la cour, il en a marre de combattre la censure. En 1829, il demande la main de Nathalie Gountchatov. Celle-ci est très belle, mais assez frivole, elle a reçu l’éducation de son temps. La famille de Nathalie n’est pas flattée par cette demande. Le mariage n’est pas bienvenu, mais ils se marient tout de même en février 1831. Nathalie n’a que 16 ans. Pouchkine profite de ce mariage pour se retirer à la campagne, à Boldino.

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1825 – 1837 : Période du réalisme de Pouchkine Durant cette période, Pouchkine est à son apogée de maturité en tant qu’écrivain. Il écrit « Les récits de feu Ivan Petrovitch Belkine ». C’est la première véritable prose russe. Ce sont de petites nouvelles. Après le personnage de « l’homme de trop », Pouchkine introduit ici les petits fonctionnaires, les petites gens. Il les décrit comme des hommes très simples, humbles, à la fois malheureux et attachants. C’est une nouveauté : pour une fois, on ne s’intéresse pas qu’à des aristocrates. Durant cette période, il écrit aussi : - « Le chevalier avare » - « Mozart et Salieri » - « L’invité de Pierre » - « Le festin pendant la peste » A Boldino, il écrit aussi ses contes pour enfants (inspirés de ceux de sa nounou). Exemple : « Conte du pope et de son ouvrier Baltot ». Autre roman célèbre : « La dame de pique », 1834. C’est l’œuvre pour laquelle le public est le plus enthousiaste Thème : l’appât du gain, thème moderne pour l’époque. Ce thème est déjà trouvé dans « La comédie humaine » de Balzac. Sauf que chez Pouchkine, son « napoléon » s’appelle Herman. Il est présenté comme qqun de vil. L’histoire se passe à Saint-Pétersbourg, qui est déjà une ville occidentale où l’on fait des affaires. L’histoire : officier de St-Pet. qui est désargenté et qui entend une comtesse qui parle d’argent et d’une martingale. Cet officier, au lieu de jouer, regarde. Il tue la comtesse pour pouvoir gagner la martingale. Seulement, il devient fou (la comtesse le hante). La fin n'est pas conventionnelle: se termine par une folie. Pouchkine s'aperçoit vite que sa jeune épouse est ouvertement courtisée par un Français, Dantes. Les bruits courent. Un jour, Pouchkine reçoit une lettre dans laquelle on le dit cocu. Pouchkine est furieux. Il convoque Van Eckern, qui est le protecteur de Dantes. Pouchkine le soupçonne d'avoir une relation avec Dantes et de pousser celui-ci à courtiser Nathalie pour faire croire qu'il est hétéro. Le tsar dit à Pouchkine de ne rien faire et qu'il va arranger les choses mais il ne fait rien. Dantes épouse la soeur de Nathalie, pour mieux pouvoir la courtiser. Le 27 janvier 1837, Georges Dantes et Pouchkine s'affronte en duel. Pouchkine est tué deux jours après. On dit qu'il a été très courageux pendant ces deux jours d'agonie. Il meurt donc le 29 janvier 1837. Quand le peuple aprend sa mort, ils s'accumulent devant son immeuble. Choses étranges: à peine est-il mort que les policiers arrivent. La messe de son enterrement est vite expédiée, son corps est amené dans la nuit en cachette.. « Тебя же как первую любль Росии сердце не забудет».

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3. Lermontov « La mort du poète » (1837) est le poème qui le rend célèbre. Il n’avait rien publié jusque-là. Pouchkine et Lermontov sont souvent appréciés par les mêmes lecteurs, mais il avance plus loin la prose de Pouchkine. Il est l’initiateur de la prose psychologique (améliorée par Tolstoï). Après les décembristes (1825), la Russie est plongée dans un sentiment d’oppression. « L’homme de trop » se retrouve aussi dans la littérature de Lermontov. Il a un engouement pour Shelling, Heigel et le siècle des lumières. En 1830, il y a une Révolution française et c’est l’insurrection polonaise, donc des tensions en Europe. Lermontov porte son malheur tout au long de sa vie, et cela se fait sentir dans son œuvre. Il est né le 15 octobre 1814 à Moscou. Ses parents ne s’aiment pas. Son père est un officier pauvre qui s’est marié par intérêt. Sa mère, Maria Mikhaïlovna, est l’unique héritière d’une immense fortune. Elle décède en 1817. À Tarkany (sud-est de Moscou), son grand-père maternel chasse le père de Lermontov du domaine et il est éduqué par sa grand-mère. Culpabilisant d’une traîtrise face à son père, Lermontov vit seul et triste. Il consacrera beaucoup d’ouvrages au Démon. Ses poèmes de jeunesse :

- « L’Automne » - « Les hommes et les passions » - « L’homme étrange », 1831 (autobiographique) - « Pour un père et son fils, quelle épreuve fatale », 1831 - « Épitaphe », 1832.

Il reçoit une bonne éducation à domicile. En 1830, il entre à l’université de Moscou comme élève libre. L’université de Moscou était l’un des derniers havres de libre-pensée, mais ça ne tarde pas à changer. Sa grand-mère arrange son transfert vers l’université de St-P, mais il est refusé. Il s’inscrit alors à l’école militaire des cadets qu’il finit en 1834 comme карнесть ce qui l'oblige à suivre le tsar. Il publie «les annales de la patrie» mais il se sent étouffé par la censure du tsar. Deux périodes marquent sa vie: La période de jeunesse (1820-1834)

- Oeuvre inachevée: «Vadime», 1834. Il est influencé par Byron et le romantisme.

Il est rebel non seulement contre le tsar mais aussi contre Dieu (contrairement à Pouchkine). - «Une prière», 1838: poème jamais publié mais considéré comme l'oeuvre

principale de la poésie lyrique.

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Il essaye de provoque les femmes car il a un physique ingrat et se rabaisse lui-même auprès d’elles (il écrit une lettre aux parents d’une femme qui commence à céder à ses avances pour se dénigrer) � il se punit. Il critique fortement la société qu’il accuse de pourrir la plus pure des graines. Son personnage romantique type : rejeté par la société, le héros n’a qu’une solution : vouer tout son amour à une femme des plus angéliques (ex : dans « Démon »). Nouveauté dans le romantisme : son aptitude à raisonner. Il s’observe lui et son entourage � introspection. Son poème « la mort du poète » provoque la fureur du tsar et il est exilé au Caucase (comme Pouchkine) La période des exils En 1837, il est exilé au Caucase et revient un an après à Saint-P. En février 1840, il est de nouveau exilé au Caucase suite à un duel qu’il a provoqué envers le fils de l’ambassadeur français, Ernest de Barante. De même que pour Pouchkine, ces exils vont lui apporter beaucoup. Que demander de plus pour un Romantique que des contrées éloignées ? Il agit au Caucase tel un véritable ethnologue. Ses œuvres :

- « Le prisonnier du Caucase », 1828-29 : poème qui suit les traces de Pouchkine.

- « Les Circassiens » Ces deux poèmes sont les résultats de voyages avec sa grand-mère au Caucase. - « Ismael-Bei », 1832 - « Hadji-Abrec », 1833 - « Aoul Bastoundji », 1833-34.

Après ses exils, il écrit

- « Un héro de notre temps », 1838-40. - « Mtzyri », 1839 - « Démon », 1839-41.

Il s’interroge longuement sur l’attitude que la Russie devrait adopter : vision occidentale ou orientale ? � une attitude de médiateur entre les deux puissances opposées. En octobre 1835, il soumet la pièce « Le bal masqué » à l’approbation de la critique. Griboïedov a fortement influencé cette pièce. C’est un drame en vers de 4 actes. Il déplaît fortement à la censure. Pourquoi ?

- Influence de Griboïedov - L’histoire : Arbénine ( probablement le Tchatscki de l’époque), personnage

principal, se croit aussi (comme Tchatski) au-dessus des autres, il dit les choses comme il le pense. Après avoir gaspillé son énergie, il trouve une femme, Nina. (Nina = ange, Arbénine = démon). Il vit le parfait amour, il a donc la possibilité d’être heureux. Seulement, cette paix familiale va-t-elle durer ? � Un soir, Nina se rend à un bal masqué. Dans ces bals, les gens se lâchaient (ils n’étaient parfois pas très recommandables sur le plan moral). Nina y va et perd son bracelet. Une autre dame le retrouve et le donne à son

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amant. Cet amant tombe sur Nina. Arbénine l’apprend, croit que Nina l’a trompé et est très déçu. Il devient même fou de rage et empoisonne Nina. Arbénine est un peu le Tchatski de Griboïedov avec en plus une part de démon. Nina meurt en lui jurant son innocence. Après, la vérité se fait savoir et Arbénin apprend que Nina était innocente. Ses démons du passé le rattrapent. Il devient fou (pour du vrai alors que Tchatski ce n’était qu’une rumeur).

- Thèmes : • Lermontov raconte avec précision ce qu’il a pu voir dans les

mondanités • La fatalité • Le jeu • La société hypocrite

La famille impériale est directement visée � censure. De plus, la baronne masquée pourrait être n’importe qui. Ensuite, en 1836, il travaille sur son roman inachevé « La princesse Legovskoi » L’histoire : deux personnages : un Polonais curieux, Krasinsky, face au protagoniste démoniaque Petchorine (héros que l’on revoit dans « Un héros de notre temps »). Petchorine est l’homme de trop : il ne se pose pas de questions, est méprisant, profite de ses privilèges. Mais pour la première fois, c’est un roturier, et non un aristocrate. De ce point de vue, Lermontov est visionnaire. En même temps, il écrit des balades, dont une très connue : « Le chant du Tsar Ivan Vassilievitch, du jeune opritchnik et de l’audacieux marchand Kalachnikov », en 1837.

Les personnages :

Ivan = Ivan le Terrible Opritchnik : guerrier de l’entourage particulier d’Ivan le Terrible (guerriers souvent asiatiques). Kalachnikov : Russe. L’histoire :

Kiribeievitch (l’opritchnik) est triste car il aime une femme mariée (au marchand). Duel entre Kiribeievitch et le marchand. Ivan s’interpose et dit que même si Kalachnikov gagne, il aura la tête coupée. Kalachnikov gagne et a la tête coupée. Grande qualité de cette balade : la langue

Ce genre d’histoire n’existe pas, personnages complètement inventés. Thèmes :

- Rapports Orient-Occident - Parallèle entre Ivan le Terrible et Nicolas 1er (Pouchkine a perdu sa tête pour

garder sa femme) Le titre est volontairement long pour reproduire la sincérité des poèmes populaires. Ensuite en 1838-1840 : « Un héros de notre temps ». Roman « ovni » qui déroute les contemporains, scandalise le tsar et continue à intriguer les critiques ( dû aux non-dits, mystères, aux multiples interprétations). « Mystère mouvant ». La composition : le roman commence d’une façon chaotique. On sait directement que le héros est mort : Lermontov coupe le suspens de la fin. La chronologie est inversée.

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La dernière partie du texte = le journal du protagoniste. Cette chronologie nous interpelle et nous demande plus d’attention. Il est composé de plusieurs chapitres séparés. Le point de vue du narrateur change : ce n’est pas le même narrateur qui raconte toute l’histoire. Composé de cinq nouvelles formant un cycle. Personnage : Petchorine. Narrateurs : hommes du peuple. Ils ont tous un regard différent sur un même homme : éclairages croisés � très moderne. (En 1836, Pouchkine avait écrit « la fille du Capitaine » : aucune modernité) « Un héros de notre temps » est le roman le plus anti-didactique de la littérature russe. L’histoire : Petchorine enlève la fille d’un prince, Bella, l’emprisonne et fait tout pour qu’elle tombe amoureuse de lui. Et quand elle tombe raide dingue de lui, il la quitte. Petchorine = indigne ! De plus, il l’avait acheté à son frère en échange d’un cheval. Ensuite, à Petigorske, il repère la princesse Mérie et refait la même chose qu’avec la première. Il écrit une lettre aux parents dans laquelle ??? Il recommence plusieurs fois. Il choisit les filles les plus difficiles à conquérir. On peut penser que c’est un horrible personnage, mais Belinski dit « Vous préférez quelqu’un qui n’a pas d’envie » Petchorine est plus humain qu’Eugène Oniéguine. Petchorine est démoniaque : pour lui, la possession est plus importante que l’amour. Parallèle entre l’histoire de Petchorine et de Lermontov : Petchorine est tué en duel contre Grouchnitski (courreur de Bella), Lermontov est tué en duel contre Nicolas Martyrov Lermontov avait rencontré Martyrov à Piatigorsk et s’était moqué de lui, avait écrit des épigrammes sur lui et dessiné dessins caricaturaux. Un jour, Martyrov en a marre et convoque Lermontov en duel. Il paraît que Lermontov s’est laissé tué sans se défendre, sur la pointe d’un rocher le 15 juillet 1841. Aucun code de duel n’avait été respecté (pas de médecin ni secours). Cette mort a fait plaisir à Nicolas 1er. Son style littéraire fait encore poser beaucoup de questions : romantisme ou réalisme ? Avec Lermontov, c’est le chant du cygne de la poésie russe. Il n’y aura plus de poètes comme lui avant longtemps.

4. Nicolas Gogol (1809 – 1852) Il a été beaucoup influencé par Pouchkine. Il n’y avait pas de rivalité entre eux, Pouchkine était bienveillant. « Revizor », « Les âmes mortes », sont des sujets proposés par Pouchkine. Le parcours de Gogol : du romantisme au réalisme (mais on a du mal à définir les courants). Naboukov était outré quand on qualifiait Gogol de réaliste. C’est un écrivain énigmatique. Par exemple, il y a deux avis pour interpréter « les âmes mortes » :

- Les personnages sont caricaturaux - Les personnages sont héros

Né le 19 mars 1809 à Sorotchinski. Son père était fonctionnaire, de petite noblesse. Sa mère était très belle mais il n'a pas hérité de cette beauté. Il a vécu une enfance très heureuse. Sa mère lui a inculqué beaucoup de choses. Elle l'a également éduqué religieusement, elle lui a transmis sa foi. C'est pourquoi il reste qqc de mystique dans les oeuvres de Gogol.

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Il a fait son éducation primaire et secondaire à Niéjine. Etait-il médiocre ou élève modèle? Les avis sont partagés. Au lycée, son rêve est de devenir fonctionnaire à Saint- Pétersbourg. Mais arrivé là-bas, il est très déçu (car il est ambitieux et susceptible). On le reçoit mal: il n'a pas le poste qu'il désire, il trouve la ville froide et inhospitalière. Il se vengera dans ses récits ultérieurs. Il trouve un poste médiocre au ministère. A la fin de 1829, il travaille au ministère intérieur, Il y reste seulement un an. Il ne retire rien de bon de cette vie mais il cotoye d'autres petits fonctionnaires qui mènent une vie misèrable. Ceux-ci vont l'inspirer pour ses personnages. Contrairement aux autres auteurs, Gogol n'a existé pour rien d'autre que pour écrire. Il n'a pas de femme, ni amitié, ceci reste un mystère. Il était comme une éponge: il percevait les impressions littéraires et les mettaient ensuite sur papier. Son premier essai de jeunesse: Hans Küschelgarten, en 1829: poème sans aucun intérêt. Mais cela ne l'arrête pas: en 1831, il écrit un ouvrage très talentueux : « Les veillées du hameau près de la Dikanka» Dans ce poème, il se rapproche de son pays natal. Le public russe est enchanté par cette oeuvre car on aime le romantisme à cette époque. Ils y retrouvent le folkore slave, qui depuis lors n'avait pas encore été très exploré. Il connaît un grand succès. Pouchkine aussi est très flatteur. C'est un univers folklorique mais aussi angoissant: dans son oeuvre, on retrouve beaucoup plus le Diable que Dieu. Thème : les forces démoniaques et le combat plus ou moins désespéré contre ces forces. Il est perçu comme un auteur drôle. Il commence à fréquenter les milieux littéraires. Grâce à ses relations, il devient professeur d’Histoire à l’université de Saint-P. Mais il est ennuyeux en tant que prof, il quitte donc l’enseignement. En cachette, il continue à écrire. En 1835, paraissent deux recueils de nouvelles : « Les Arabesques », « Mirgorod ». Alors que « les veillées du hameau près de la Dikanka » était le folkore fantastique de la campagne, « Les Arabesques » est le folklore fantastique de la ville. Dans les Arabesques ;

- Le portrait : raconte la folie d’un peintre - Le journal d’un fou : prépare « Le double » de Dostoïevski. Récit écrit comme

le diagnostic d’un médecin. Pose les questions : comment la folie s’empare d’un être normal et quels en sont les symptômes ? Le personnage est Popristchine

Chez Gogol, le personnage est un petit fonctionnaire qui rêve de devenir qqun. Sur base de cette frustration, il part dans un monde imaginaire. C’est un auteur qui s’intéresse aux petites gens. Palier qui précède l’œuvre naturaliste de Dostoïevski. On éprouve de la compassion pour le personnage et on entre dans sa tête. - La Dame de Pique : introduit le thème de Saint-Pétersbourg. C’est une ville

où il vaut mieux être riche, c’est une ville de courtisans. Ville avec bcp d’écarts : d’un côté l’élite et la ville militaire, de l’autre, le reste de la population. Problématique : les bas-fonds de la ville.

- La perspective Nievski : l’idée du récit : « Regardez cette belle ville, ces belles vitrines,…Mais ne vous fiez à rien, tout ceci est un mirage. En dessous du vernis, c’est une ville fantomatique et maudite. (influence sur Dosto : « Crime et Châtiments », ville qui pousse au crime).

- Le nez : l’histoire : un barbier découvre un matin au petit-déjeuner un nez. Il est très paniqué car il croit que c’est lui qui a coupé le nez en rasant une barbe.

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Sa femme en rajoute. Ensuite, cavalcade effrayante dans St-P pour se débarrasser du nez. En même temps, on découvre le propriétaire du nez (un major). Il rencontre le nez: discussion entre le major et son propre nez. Mais celui-ci ne colle plus. Le major va voir la gendarmerie, la presse et le docteur, qui lui dit de mettre le nez dans du formol. A la fin, le nez colle bien. « Le nez » = fantastique dans le réel. On s’y retrouve dans cette histoire. C’est l’absurde existentiel au plus haut comble. « Le nez » sera source d’inspiration pour un opéra et un ballet.

En 1842, Gogol écrit « Le Manteau » Dostoïevski : « nous sommes tous sortis du manteau de Gogol ».

L’anti-romantisme de Gogol atteint son apogée dans cette histoire. Le personnage : akkaki akkaki akkakievitch Bachmakchikov (bachmak= godasse). Nom ridicule ! Akkaki est un petit copiste. Avec passion, il passe sa vie à recopier des textes au propre. Il n’a rien d’autre dans sa vie à part son rêve : avoir un manteau. Il économise, va chez son tailleur et accomplit son rêve. Pour son malheur, on lui vole son manteau � il meurt de chagrin. Une fois mort, le fantôme de Akkaki vole les autres manteaux d’autres fonctionnaires. Fantastique dans le réel. Incroyable plaidoyer pour les petites gens. « Il y a autant de grandeur chez les petites gens que chez les aristocrates ». Innovations :

- Le style : mêle le ckaz traditionnel (le narrateur donne sa parole au personnage. Grâce à cela, on reconnaît dans sa façon de parler, de quel milieu social il vient.) avec son propre style : cocasse, ampoulé, drolatique, emphatique, débordant.

� Entrechoc de deux discours La particularité de Gogol, ce qui est révolutionnaire chez lui : le fantastique terre-à-terre, le fantastique dans la vie de tous les jours (exemple dans « le Manteau » ou « le nez ». Chez Gogol, quelqu’un de banal peut devenir fantastique. Et en même temps que le fantastique dans l’ordinaire, Gogol s’intéresse à l’historisme (comme Pouchkine). Il s’intéresse à l’histoire de la Russie dans deux œuvres :

- « Tarras Bouba », 1835. Ce livre constitue une superbe projection dans l’histoire de l’Ukraine. Son père lui avait parlé de tout ça dans son enfance. Vraiment différent des « Arabesques » : roman d’aventure.

- « Le Révizor », 1836. Sujet donné par Pouchkine : lors d’un voyage effectué par Pouchkine dans de petits villages, on le prend pour un « réviseur » (inspecteur général). Il trouve cela amusant et intéressant, et connaissant Gogol et son sens de la dérision, décide de lui confier ce sujet. En 1836, la pièce est jouée à St-P et miracle, la censure l’a laissée passer. Le tsar participe même à la Première, ce qui suscite l’enthousiasme public. Dans cette histoire, Gogol a voulu rassembler toutes les injustices par les personnes mêmes dont on attend le plus de justice, afin de s’en moquer.

« Le Révizor » L’histoire : Dans une petite ville, se trouvent le gouverneur, le juge, le médecin, le directeur d’une école, le directeur de la poste. Et toute cette administration est corrompue. Ils abusent de leur fonction. Par exemple, le directeur de la poste se

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permet de lire le courrier, et il le fait très naturellement car tout le monde a l’habitude de la corruption. Ce village est représentatif de chaque village de Russie, et plus largement de chaque village ou ville de chaque pays, et à toute époque. Cette histoire allie le comique, le grotesque et l’effrayant. C’est en quelques sortes un mode d’emploi de la corruption. Dans ce milieu corrompu, arrive un certain Khlestakov. On sait peu de lui : typique de Gogol, il esquisse à peine ses personnages. Khlestakob est un nouveau héro dans l’histoire de la littérature russe. Il est tellement léger, superficiel et incapable qu’il ne sait plus payer l’auberge. En même temps, le directeur lit un courrier et apprend qu’un réviseur va bientôt arriver. Tout le monde croit que c’est Khlestakov. Lui tire profit de cette confusion. Il se prend au jeu avec facilité diabolique. C’est un personnage drôle et diabolique à la fois. Il est d’ailleurs difficile à jouer à cause de cette double essence. Gogol sera déçu quand la pièce est joué, le côté diabolique est généralement absent. Khlestakov s’amuse : il courtise la fille du gouverneur, s’arrange pour se faire payer des verres,… A la fin du film, on annonce l’arrivée du vrai réviseur. Et la fin termine par la réplique du chef de la ville : « Et vous, êtes-vous mieux » ? La Première est donc décevante pour Gogol. Le public, quant à lui, est perplexe car c’est très nouveau et pas du tout traditionnel. Doivent-ils rire ? Gogol, déçu, va à Rome. Là, il travaille sur son célèbre poème « Les Âmes mortes » en 1841. Il connaît un grand succès immédiatement. Comme dans Le Réviseur, le personnage principal est aussi difficile à cerner. Le message du poème : l’être humain peut se métamorphoser selon les situations. De quoi sommes-nous sûrs, de nous ? � Non, car on change. L’introduction du poème est très déroutante : elle est banale, comme l’histoire est banale. On voit que le personnage principal représente moins d’intérêt que les roues de son carrosse ! Les objets dans l’histoire ont plus d’importante que les hommes. Dans les âmes mortes, les généralisations sont trompeuses : l’auteur nous dit beaucoup de choses, mais on se rend compte qu’elles ne sont pas toutes vraies. Affirmations farfelues. Autant la vie des personnages est creuse, autant le texte est rempli de tout et n’importe quoi. Tchichikov est l’anti-homme de trop, il est tout ce qu’il y a de plus ordinaire et il fait tout pour essayer de se caser dans la société. Pour cela, il va acheter les âmes : il sillonne la Russie pour acheter les âmes mortes. Et les âmes des hommes adultes sont plus importantes que les autres. On payait des impôts pour les âmes. Il rend visite aux propriétaires terriens pour acheter leur âme : c’est un véritable homme d’affaires � personnage unique de la littérature russe. Avec ces âmes, il peut emprunter de l’argent ( ?) Mais du point de vue éthique : acheter des âmes humaines est diabolique ! Tchichikov est-il le diable ? � le double côté de Gogol. Bcp d’ambiguïté : aucune pensée morale ou humaine n’est émise. Tous les propriétaires fonciers sont tous des personnages qui manquent de profondeur :

- Manilov : c’est un bloc de sucre. Ses paroles sont toujours doucereuses : caricature. « la guimauve »

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- Korobotchka : c’est une femme mais asexuée. Très rapace. Elle flaire car elle a peur de se faire avoir

- Sobakievitch : celui qui comprend le plus vite, le plus lucide - Pluchkine

Leur village respectif leur ressemble. Ils sont mis au même niveau. Le mot « Tchichikov » n’est pas sérieux. Sounds like un piaillement d’oiseau. Il n’y a aucune dimension spirituelle, et pourtant c’est un poème. C’est peut-être un clin d’œil à Pouchkine :

- Pouchkine appelle un poème roman - Gogol appelle un roman poème.

Envolées lyriques dans le roman : il y a des pages totalement poétiques dans ce texte prosaïque. Il a un regard lucide sur son pays : triste, esclavage,.. Son œuvre a dépassé son propre entendement : Gogol est effrayé par le diabolisme, il se sent coupable (d’avoir autant critiqué son pays). Pour apaiser sa conscience, il écrit une deuxième partie aux « Ames mortes » en 1848. Mais celle-ci est complètement folle. C’est un texte indigne de lui : dedans, il dit que la Russie finalement est bien, que l’esclavage va cesser,… Il meurt le 21 février 1852. On ne sait pas de quoi il est mort, il s’est probablement laissé mourir, rongé par la culpabilité. CCL : grâce à lui, littérature des petits hommes apparaît. Lien entre Gogol/ Tchékov - Thème préféré de Gogol : la métamorphose - Dans les âmes mortes, thème des gros et maigre � Tchékov écrit une pièce qui s’appelle « Les gros et les maigres » - Autre thème : attitude des Russes à se comporter différemment vis-à-vis des gens de pouvoir ou des gens inférieurs � même thème chez Tchékov dans « le caméléon ».

5. Ivan Tourguéniev (1818-1883) Il est prosateur, poète, dramaturge, critique littéraire et journaliste. Il est né à Orel le 28 octobre 1818. Les Tourguéniev sont une famille de notables et de très ancienne lignée. Ils sont riches, les parents sont instruits et donnent une éducation brillante à leur enfant. Tourguéniev, enfant, parlait déjà anglais, allemand et français. Dans le domaine familial, « Spasskoe- Loutorinovo », se trouve un théâtre privé. C’est la période en Russie où les propriétaires terriens choisissent un de leurs paysans pour en faire des acteurs. C’est bien mais le problème est qu’à n’importe quel moment, ils peuvent renvoyer le paysan aux écuries s’il le souhaite. Les paysans ne peuvent donc pas jouir pleinement de leurs libertés : dramatique. Sa mère est abusive, elle est très dure avec ses domestiques. Malheureuse, elle leur déverse toute sa colère. Tourguéniev est témoin de cela et très sensible à l’injustice. Pour fuir les discordes familiales, il part à la chasse avec les gens du peuple � découverte de la Nature.

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Son avis sur la Russie : pays misérable, au climat froid, rien d’attrayant, mais pourtant on l’aime, ce pays. En 1833, il fait ses études supérieures dans la faculté de Lettres à l’université de Moscou. En 1834, il s’inscrit à St P. Ce sont des années difficiles pour lui car il apprend la mort de son père et celle de Pouchkine. Ses impressions d’injustice ainsi que ses autres pensées sur l’imperfection du monde le poussent à faire de la philosophie. Il aiment les philosophes comme Sheiling ou Hegel. En 1837, il a finit l’université et part pour l’Allemagne. Il va à Berlin pour approfondir ses connaissances sur les philosophes idéalistes allemands. Il retrouve une certaine paix auprès des philosophes allemands. Tourguéniev est le plus pro-européens des auteurs russes, celui qui est le plus connu en Europe. Très jeune il devient un homme engagé : il s’engage dans le combat de l’abolition du servage. C’est pour cela aussi qu’il quitte la Russie. Tourguéniev est un homme de trop. En 1841, il retourne en Russie. Il veut exercer un métier et trouve une place dans le ministère de l’intérieur. Il veut agir sur le terrain mais sa tentative est décevante, il démissionne alors rapidement. En 1843, il fait la connaissance d’un roturier, un homme très engagé et de gauche : Vissarion Bélinski. C’est lui qui est le responsable de la tendance littéraire vers le réalisme. Les œuvres de jeunesse :

- « Paralcha », 1843 : poème - « Le propriétaire foncier », 1845 : essai

Belinski influence Tourguéniev en lui disant qu’il doit parler du peuple et dénoncer le système : être réaliste. En 1842, Tourguéniev a une fille avec une domestique de sa mère, il l’apelle Pélagie. En 1843, il rencontre Pauline Viardot (1821-1910).Son mari est un traducteur Russe – Français. Pauline Viardot est une cantatrice renomée, d’origine franco-espagnol. Ce fut une rencontre déterminante pour Tourguéniev car il tombe tout de suite amoureux fou. Elle est la seule femme de sa vie, alors qu’elle était mariée. En 1847, il écrit : « Les récits d’un chasseur ». Ces histoires ne décrivent pas d’aventures extraordinaires. Elles racontent simplement la vie de paysans. Pour la première fois, les paysans sont devenus sujets et pas objets. Jamais on avait parlé avec autant de respect de paysans. Tourguéniev veut nous dire que l’avenir est entre les mains des Moujiks. Les personnages sont Khor et Kalynitch, deux paysans. Les autres personnages (qui sont aussi les propriétaires fonciers) contribuent à donner une image complète et vivante des paysans. C’est une sorte de deuxième tome aux « Ames mortes ». Le message : Non, le servage n’a pas tué l’âme du peuple russe. On a essayé de traduire ce livre « les mémoires d’un seigneur », mais c’est un mauvais titre car dans « les récits d’un chasseur », Tourguéniev veut se mettre sur le même pied d’égalité que le peuple. Il n’idéalise pas le peuple russe : à la fin du livre, le peuple cède à la description de la Nature (paysage modeste et aride) � L’ordre des priorités a changé, l’admiration pour le peuple est un peu moins au premier plan. C’est une description psychologique de la Nature : ses personnages se ressourcent au contact du terroir.

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En 1852, Gogol meurt. Tourguéniev écrit une nécrologie, mais elle ne plait pas à la censure � il est exilé. Le 16 avril 1852, il doit aller à la campagne. En fait, cette nécrologie n’est qu’un prétexte pour l’exiler. Ce que le gouvernement n’aimait pas, c’est « les récits d’un chasseur ». Il patiente à la campagne pendant un an, et en 1853, il s’enfuit à Moscou pour rejoindre Pauline Viardot. Il avait écrit en 1852 « Moumou ». C’est l’histoire tragique d’un paysan asservi sourd-muet et qui appelle son chien « moumou ». Dans ce livre, il représente sa mère sous les traits d’une vieille propriétaire qui se défoule sur ses paysans. Elle habite à Moscou et y a 30 domestiques. Parmi eux, il y a un certain Guérassine. Celui-ci est très impressionnant et ne se plaint jamais de rien. C’est son homme à tout faire. Il fait peur aux autres car il est handicapé et de grande carrure. La femme dont il est amoureux a peur de lui elle aussi. Il concentre alors toute son affection sur un chien errant : moumou. Seulement, un jour, Moumou a montré les dents à la propriétaire. Celle-ci ordonne à Guerrassine de le noyer. Il obéit, et après se rend à pieds jusqu’à la campagne. Dans ce livre, Tourg. fait allusion à ses souvenirs d’enfance. C’est un réquisitoire violent contre le servage. La proprio est présentée comme une sadique. C’est un acte d’accusation, mais c’est encore plus que ça : Guerassine est le symbole du peuple russe : géant, travailleur, mais muet ! Le peuple russe n’est pas capable d’exprimer ses souhaits. Après « Moumou », il continue d’explorer la société russe pour savoir dans quelles mains se trouvent le destin de la Russie � il s’intéresse maintenant à l’aristocratie. Il disait : « le peuple russe, c’est la terre. Si on la laboure, elle produira qqc ». Il se tourne donc vers d’autres couches de la société, mais pas vers les marchands, il va vers son propre milieu. En 1856, il écrit « Roudine » Il paraît dans « Le Contemporain ». Roudine est un personnage autobiographique. Lui aussi est un homme de trop. Il étudie aussi à Berlin, il s’emplit d’idées révolutionnaires, progressistes. Mais, revers de la médaille : il manque totalement de sens pratique. Les âmes de ce genre d’homme sont complètement desséchées par les études théoriques. Roudine est un homme de trop, mais pas celui de Lermontov : ce n’est pas un surhomme. Il a des insuffisances : il est égoïste. Il laisse tomber sa mère et il rejette une superbe fille, pure, sincère, dévouée,…qui l’aimait. Elle était prête à le suivre pour changer le monde avec lui. Mais Roudine se débine et la rend malheureuse � il manque de cœur. En 1857, il écrit « Assia » : ce livre incarne les meilleures qualités des jeunes filles de Tourguéniev. Il est raconté à la première personne masculine d’un anonyme. Celui-ci rencontre une jeune fille, Assia. Elle est amoureuse de lui, mais il se débine, lui aussi. Il ne dit pas oui au moment où il le faut. Ce personnage sans nom donne l’impression d’êtres ratés. Il ne le regrette pas trop car il sait que de toutes façons, ce n’est pas dans son tempérament. Nabokov est très critique envers des personnages comme Roudine. Mais Tourg pense qu’on ne peut pas tout être à la fois. Il montre aussi les côtés positifs de Roudine. En effet, celui-ci fait des efforts pour se rendre utile. Mais ses efforts sont inappropriés avec son temps. Par exemple, il voudrait changer totalement l’enseignement. Or, c’est d’avance voué à l’échec. Il voit trop grand. Roudine meurt en 1848 sur les barricades de Paris. Cette posture de grand gaillard, cheveux au vent,… rappelle celle de Don

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Quichotte. Il ne fait pas ça pour sa gloire personnelle car il est anonyme. Il meurt pour une noble cause. Tourguiéniev publie aussi des articles, dont « Hamlet et Don Quichotte », le 10 janvier 1860. Il fait un tableau analytique des deux personnages. Il pense qu’ils sont tous les deux présents dans la vie.

- Les êtres comme Don Quichotte : ils sont voués à un idéal, croient en l’éternel. Ils sont enthousiastes et possédés par leur idéal. Personnages comme Roudine.

- Les êtres comme Hamlet : mettent leur ego en avant. Egoïstes et incroyants, ils doutent de tout. C’est un Méphisto, condamné à l’immobilisme.

« Hamlet du district de Schrigov » : annonce l’homme souterrain de Dostoievski. Maxime Gorki dira, à propos de Roudine : il laboura la terre vierge, c’est un homme malheureux mais pertinent qui a fait du bien à la Russie. En 1860, Tourg écrit « le premier amour » En 1872, il écrit « les eaux printanières ». Tourguéniev est toujours au centre des évènements. Il sent l’air du temps. Il est prédecésseur. Tchernotchevski réagit à Assia : il trouve que les hommes de trop ont fait leur temps. Il propose un nouveau type : les hommes nouveaux. Tchernotchevski était roturier. Par opposition à Lermontov qui noircit son personnage mais le montre toutefois comme un personnage fier et le met sur un pied d’estale, Roudine est mesquin, ce qui le descend donc de son pied des stales. Sa mort sur les barricades est un acte gratuit. De plus en plus dans la littérature russe vont s’avancer les roturiers (raznotchintsi) par opposition aux aristocrates (de Pouchkine et Lermontov). A leur tête : Tchernitchevski. Ils deviendront « les hommes nouveaux ». Tourguéniev reste dans la classe aristocratique. Il scrute l’horizon social de la Russie. En 1858, il écrit Le Nid de Gentilhomme (ou Le Nid de Seigneurs). Son but est de dénoncer le servage. D’ailleurs, il y aura une réforme du servage en 1861. Le personnage principal du livre est Théodore Lavredski. C’est un aristocrate au bon héritage génétique. Il est héritier d’une longue lignée de propriétaires terriens. Il est l’enfant d’un père européanisé superficiel et d’une femme de chambre. Il part faire des études qu’il ne termine pas car il tombe amoureux d’une fille de général. Elle est profiteuse, égoïste . Il aura donc un mariage malheureux. (comme Pierre dans Guerre et Paix). Cette femme s’apelle Varvara Pétrovna. Tourguéniev a mis dans son personnage tous les traits de Pauline Viardot, la sœur de Malibrant. Lavredski retourne chez lui et est pris de sentiments par la nature russe et rencontre Lize Kalitine (la Tatiana d’Oniéguine). Et là où le bonheur pointe son nez, commence le désastre : Lise rentre au couvent. La femme de Lavredski retourne en France. Le servage est un facteur culpabilisateur. Le bonheur est impossible. Tourguéniev est l’initiateur d’une grande tradition : la fin de l’aristocratie. � « La ceriseraie » de Tchékov marquera la fin de l’aristocratie. « Le nid de gentilhomme » sera le dernier ouvrage unanimement reconnu comme une grande œuvre de Tourguéniev.

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En 1861, il écrit « A la Veille » (nakanounié) Le but de ce livre est de trouver une cause commune. Il disait qu’il fallait changer mais avec prudence et lenteur, de peur d’abîmer. Dans ce livre, il nous montre un personnage révolutionnaire : Dmitri Insarov (nom non russe, bulgare). Il veut combattre les envahisseurs turcs. Insarov formule le modèle idéal de Tourguéniev � appel à la population russe. Le message : l’heure est grave, faisons tous bloc, quelle que soit notre origine sociale. Il appelle donc à la collectivité. Seulement, les révolutionnaires démocrates, les radicaux de gauche ne sont pas d’accord. Ils ne veulent pas s’unir avec les libéraux. Dobralilov écrira : « Quand est-ce que le jour viendra ?». Ce débat est vital pour la littérature russe. Importance donc du rôle de la littérature. Tourguéniev a un message pacifique, mais la Russie a pris le chemin de la violence (radicaux). Tourg. est vexé car il a essayé de faire pour le mieux. Il est obligé de quitter sa maison d’édition. C’est dans ce contexte qu’il commence à écrire « Pères et fils », un livre sur une problématique universelle : le conflit des générations. Il décrit les caractéristiques des fils, et le manque de compréhension des pères. En plus de cette problématique universelles, il y ajoute une composante russe : le conflit social (haute aristocratie vs. Bourgeoisie) et politique (libéraux vs. Radicaux). Pour la première fois en littérature, on entend des nihilistes. Deux variantes de pères :

- Nicolas Petrovitch (veuf, père de Arcade) - Paul Petrovitch (le frère de Nicolas, l’oncle de Arcade)

Deux variantes de fils : - Arcade Petrovitch (fils de Nicolas) - Eugène Bazarov (amis de Arcade)

Les Petrovitch habite dans une propriété de 200 âmes affranchies. Il ne doivent plus travailler, mais pour cela, ils doivent payer. Cette réforme était lamentable, car avant la porte de la liberté leur était fermée. Maintenant, elle est ouverte, mais reste inaccessible. Le problème de la Russie, toujours actuel, c’est que la terre n’est pas donnée aux paysans. Nicolas ferme les yeux sur cela. Il est obligé d’utiliser des saisonniers, mais ceux-ci font mal leur travail, car ce n’est leur terre, ils n’en prennent pas soin (� critique). Nicolas n’est pas aidé par son frère, Paul. Celui-ci est un aristocrate très brillant, pro-britannique, pas du tout concret. Nicolas fonde beaucoup d’espoir sur son fils, Arcade. L’histoire commence par Arcade qui rentre à la maison après ses années d’université. Il est accompagné d’un ami : Eugène Bazarov, très bien accueilli au début. Description de Bazarov par Tourguéniev : présenté comme un martien, une créature nouvelle. Ce personnage marque en fait le début du nihilisme. Il est en avance sur son temps. Sa façon de voir est très actuel : refus de l’autorité, extérieurement négligé, irrespect et mépris pour la tradition, il nie l’art et la musique et ne jure que par les sciences. Les nihilistes des années 1860 étaient des fanatiques des sciences naturelles. On disait même « un bon chimiste vaut mieux que 20 poètes ». Cet engouement était néfaste car il simplifiait la société humaine. Ils avaient la fausse impression que si on soignait un organisme, on soignait la société. C’est ce qui desserve Bazarov. Ces 4 personnages vont donc cohabiter. Ce sera un grand clash, surtout entre Bazarov et Paul, qui ont des valeurs complètement opposées.

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Arcade, lui, est le fils de son père : il est romantique, sensible, aime la musique et l’art. Ce sont des qualités pour Tourguéniev, mais des défauts pour Bazarov. Et Arcade est influencé par Bazarov. Dans le livre, Tourg. montre que Bazarov, avec sa simplicité, n’est en rien plus proche du peuple qu’un aristocrate raffiné. Les partisans de Bazarov ne sont pas acceptés par le peuple. Bazarov quitte la propriété et rencontre un dame, peut-être la seule à lui tenir la tête. Elle s’appelle Anna Odintsova. Elle est riche et indépendante, et on dit beaucoup de mal sur son mode de vie libértaire. Elle n’a plus besoin de rien. Bazarov, lui qui méprisait l’amour, tombe amoureux de Anna. Elle n’est pas indifférente, mais il lui fait peur. Elle veut s’en débarasser. Les Bazarov sont plutôt pauvres, et lui ne va pas voir ses parents. Ils l’aiment, mais lui pas trop. Anna l’interroge sur son avenir : « Allez-vous devenir un médecin de campagne comme votre père ? ». Il rentre toutefois chez ses parents et devient un médecin de campagne. Un jour, il se blesse en faisant un vaccin et est contaminé par le typhus. Il meurt très vite. Cette mort est bête et inutile. On a critiqué Tourguéniev d’avoir tué Bazarov mais d’autres pensent que c’est une bonne idée car on ne savait pas où il allait. Le message de cette mort : la vie est imprévisible et tragique. Bazarov est désavoué deux fois : par l’amour et par la mort. La réaction des contemporains n’est pas positive : le fossé s’agrandit. Tourgueniev dira : « tout mon roman est dirigé contre la noblesse comme une classe progressiste ». Les pères sont satisfaits du roman, ils croient que Tourg les défend. Réaction du clan Bazarov : ils le perçoivent de façon contradictoire. Il y a deux avis qui diffèrent :

- Maxime Antonovitch : Dans « un asmodé( = démon) de Notre Temps » qui paraît en 1862 dans « le contemporain », il exprime sa déception. Pense que T a présenté Bazarov pas comme un héro, mais comme un démon. Il pense que les pères sont trop embellis au détriment des fils. Selon lui, la jeunesse y est caricaturée.

- Dmitri Pissarev : il écrit« Bazarov » qui paraît en 1865 dans « rousskaya clova ». C’est un philosophe matérialiste, il aime Bazarov. Il trouve qu’il a un caractère fort, est travailleur, est indépendant de son père. Il est sceptique : il ne croit que ce qu’il voit � matérialiste.

Troisième avis : Hertzen : c’est un penseur, écrivain, philosophe. Il est à l’origine de la pensée démocratique révolutionnaire. C’est aussi un homme politique. Il écrit « ichio raz Bazarov » qui paraît en 1869 dans « l’étoile polaire ». Il dit : « les décembristes sont nos grands pères et Bazarov nos fils prodigues ». Il dit aussi : « étrange destin que celui de « Pères et fils » ! Que Tourguéniev ait mis en scène Bazarov dans une toute autre intention que de lui jeter des fleurs, la chose est sûre ; qu’il ait voulu faire quelque chose pour les pères, c’est tout aussi sûr ; mais en face de père aussi pitoyables et nuls que les Kirzanov, l’âpre Bazarov a séduit Tourguéniev. Au lieu de fustiger les fils, il a batônné les pères. » Pourquoi il y a-t-il autant de divergences ? Car il décrit la réalité présente, et c’est difficile de juger sans recul. C’est dur d’être objectif. Il dépasse ses opinions pour être objectif et décrire la vrai réalité. De plus, c’est le début des attentats et des manifestations (du côté des étudiants aussi). Tourguéniev s’en va en 1963 rejoindre Pauline Viardot à Paris. Ils partent ensemble à Baden Baden. Il y écrit « la Fumée ». en 1865. Dans ce livre, il continue sa

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prospection en se demandant ce qu’il en est des Russe à l’étranger. Beaucoup de Russe à l’époque faisaient le tour de l’Europe, en passant obligatoirement par l’Allemagne. Il montre dans ce livre Hertzen et son entourage. Le personnage principal est Goubariov. C’est un héro très négatif : il est imbus, creux, vide. C’est un fumiste : ce qu’il dit, fait, n’est que de la fumée. Ce livre est une provocation. Valentin Ratmirov a rossé à mort 5 paysans ????? Grégoire Litvinov est partiellement noble et partiellement roturier. Comme Lavredski (père aristocrate et mère marchande), Litvinov a mère aristocrate et père marchand. Il fréquente la haute société mais à contre cœur, il y est contraint. Litvinov est très en désaccord avec cette aristocratie. Seulement, il est amoureux d’Irène, une aristocrate. Elle n’est pas respectueuse envers lui, elle lui fait plusieurs fois des mauvais coups. Mais ils se retrouvent et il tombe amoureux encore. Le mari d’Irène avait rossé 5 paysans et avait été incapable de se justifier. Irène : elle porte des dentelles à un prix duquel on pourrait faire vivre une famille de 5 enfants pendant un an. C’est un roman très critique de la société contemporaine de l’époque. Destin Gregoire >< destin Louvredski :

- Louvredski : la femme qu’il aime rentre au couvent � malédiction - Grégoire : il n’est pas coupable, son bonheur est possible, pas de malédiction.

La note de fin : mi positive, mi négative. La réaction du public : désaccord. C’est un livre dur à lire, tellement il est critique, méchant vis-à-vis de la Russie. Mais cette dureté est justifiée par le climat de la Russie : les attentats terroristes commencent à faire jour (le 1e en 1866). Dostoïevski écrit une charge contre Tourguéniev : « Les démons ». Dedans, il y a les futurs Bazarov qui peuvent agir, car ils se sont organisés et sont déterminés à tout détruire. Karmazinov vise Tourguéniev. La santé de Tourguéniev ne va pas bien mais il produit néanmoins encore son dernier roman, en 1877 : « Terres vierges » Même s’il parle respectueusement du peuple russe dans « carnet du chasseur », il change d’attitude par la suite. Il effectue deux retours en Russie en 1879 et 1880 car il a besoin de connaître une nouvelle classe russe pour son roman. « Terres vierges » : il revient à son idée qu’il faut labourer le peuple, et en profondeur � amener le peuple russe par le savoir à un niveau de conscience supérieur. S’ils ne le sont pas en Russie, ses mérites sont reconnus à l’étranger (Flaubert). A Oxford, il reçoit le titre de doctor honoris causa, pour son combat contre le servage. En 1822, il est très malade, il a un cancer de la moelle épinière. Il refuse une anésthésie : prouve qu’il est courageux. Il meurt le 22 août 1883 à Bougival. Sa dépouille est transportée en Russie et 400 000 personnes assistent à ses obsèques à Saint Pétersbourg. CCL : Il est un très grand styliste. C’est un brillant représentant du siècle d’Or. Il avait également des talents de visionnaire : il présentait l’évolution socio-politique et en donnait une image objective ( ex : les nihilistes avec Bazarov).

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6. Ivan Alexandrovitch Gontcharov (1812-1891) Pour la première fois, c’est un auteur non aristocrate, quelqu’un qui vient du milieu marchand � il a un regard très différent des autres. Il est né à Simbirsk. Il est né dans une famille prospère, patriarcale, qui tient au respect de la religion et l’éducation. Son père a une certaine célébrité dans son district : il est élu maire de la ville. C’est un marchand mais aussi un notable. Sa deuxième femme s’occupe de l’éducation des enfants car leur mère est décédée vite. Elle est attentionnée et intelligente. Ivan entre dans un pensionnat privé où il apprend le français, l’allemand et la littérature. En 1822, les deux frères sont inscrits à l’école de commerce de Moscou. Ivan déteste cette école, si bien que la mère le retire. En 1831, il entre à la faculté de philo et lettres de l’université de Moscou. Il est enchanté. Il s’exerce dans le métier de traducteur et traduit quelques romans de Eugène Sue, comme « les mystères de Paris ». En 1832, il reçoit la visite de Pouchkine. En 1834, il obtient son diplôme et retourne chez lui. Simbirsk est un trou provincial, il n’y a là aucune perspective pour lui. Alors que des parents aristocrates sont froids et distants envers leurs enfants, les parents du milieu marchand les surcouvent (dégâts d’une telle éducation). C’est trop pour lui : il veut s’installer à St P et le fait en 1835. Tous ces éléments seront racontés dans « Une histoire de campagne » St P est la ville de la cour et militaire. Elle est très riche et cela attire les artistes. Mais c’est aussi une ville étouffante, littéraire, bourgeoise, capitaliste, impitoyable. C’est en fait une ville construite sur des ossements : tous les paysans, le peuple, furent emmenés pour la construire, mais traités dans de mauvaise conditions � bcp mourraient. C’est en même temps une ville européenne. C’est une ville de contrastes aussi : d’un côté les palais et la richesse, et de l’autre les quartiers populaires et la pauvreté. C’est un choc pour Gontcharov. Il vit mal (sans être chauffé). Il travaille comme petit fonctionnaire : il est traducteur au ministère des finances. Il écrit aussi bcp. Ce qui le sauve, ce sont ses relations littéraires, comme Maïkhov qui l’encourage et le fait rencontrer d’autres écrivains (Tourguéniev, Dostoïevski). Surtout, il rencontre Belinski (celui qui se charge de découvrir les talents de l’époque). Celui-ci pousse Gontcharov au réalisme. Mais il reste tout de même fidèle à son milieu de marchands et ne s'emballe pas trop dans le réalisme de Belinski. Celui-ci le convainc néanmoins à s'intéresser à ce qui se passe autour de lui. Ses premiers essais étaient un peu gnangnan. Quand on l'accuse de ne rien produire, il répond qu'il est paresseux de nature. Ce qui lui vaut son surnom «Prince de Len». En réalité, c'est parce qu'il cherche son héro. En 1845, il soumet à Belinski son premier roman: «Une histoire

ordinaire». Belinski a confiance en la réussite du roman et il n'a pas tort. Ce que Belinski apprécie, c'est qu'il porte un coup au romantisme et provincialisme. C'est l'un des rares romans russes d'apprentissage. Dans ce roman, un jeune provincial, Alexandre Adovev, est le fils unique d'une veuve. Dans sa campagne, tout est fait pour le rendre heureux: amis, amoureuse, domestiques,… Mais Adovev voudrait voir ce qui se passe à St P. Il arrive à St P et sa mère, très mère poule, le fait venir chez son oncle, Pierre Adovev (homme brillant). Elle lui envoit également une lettre. Il reçoit d'autres lettres: de sa copine, … Sa mère voudrait que l'oncle en prenne soin, mais Pierre se montre méprisant. De plus, il revend ses cadeaux. En fait, il n'a nullement envie de ce neveu et veut l'expédier. Leur première rencontre est parlante: deux catégories d'âge, deux types de charactères antagoniques. Deux époques se

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rencontrent: féodalisme >< modernité. Alexandre ne semble pas du tout convenir au mode de vie de St P: il est trop doux, rêveur et poète. St P est capitaliste et affairiste, alors que la campagne est patriarcale et arrierée. Là, la notion de temps est inexistente: rien ne presse (>< Pierre Adovev est un homme pressé). Il faudra bcp de temps pour qu'ils se comprennent, pour qu'Alexandre se plie à ce nouveau mode de vie. Il tombe amoureux de Nadinka. Mais elle est citadine et pragmatique, elle veut un meilleur mariage qu'un provincial lourdeau. Ça le rend très malheureux. Son oncle essaye de le raisonner en lui disant qu'il a fait la même chose à sa copine de campagne. Il compare l'amour à un phénomène d'électricité. Alexandre rentre à la campagne, mais le mal est déjà fait. Il rentre chauve (alors qu'avant il avait une belle longue chevelure) � il n'est plus le même. Il retourne alors en ville. Dans cette histoire, le héro est dans son temps positivement. Ce qui rend le livre unique, c'est quand Alex a 40 ans et qu'il revient voir son oncle. Pierre est très fier car son neveu est devenu brillant, il fait une belle carrière et est sur le point d'épouser la fille du directeur. Mais en même temps, il regrette un peu l'Alexandre de ses débuts car il a perdu de sa fraîcheur et il ne s'en rend pas compte. Pierre a une femme: Lizabeth Ivanovna. Les médecins lui apprennent qu'elle est malade et leur conseillent d'aller à la campagne. Pierre commence à douter: a-t-il fait ce qu'il fallait avec sa femme? Ne l'a-t-il pas tué à petits feux (en travaillant trop)? Ces doutes montrent que le neveu a donc déteint sur l'oncle. Les circonstances de la vie aussi mettent Pierre en doute. Lizabeth n'a plus de désir, elle ne peut s'imaginer d'autre vie que celle à la ville. Elle est façonnée elle aussi. C'est un thème encore très actuel. Pour la Russie aussi: la Russie féodale n'a plus lieu d'être, c'est la modernité de la ville qui prévale. Gontcharov nous dit que c'est comme ça mais il nous fait poser la question: devons-nous l'accepter? � question ouverte. Il ne dit pas ce qu'il faut faire, c'est à nous de réfléchir. Belinski n'aimait pas cette façon de faire. Gontcharov est partagé car il a connu les deux modes de vie. C'est la première oeuvre russse traitant de la mentalité bourgeoise (phénomène nouveau). Le sujet est familier, il s'inspire de Balzac. Mais le traitement est original. Les personnages ne sont pas négatifs. En 1849, un extrait de «Oblomov» est publié dans «Le Contemporain»: «le rêve d'Oblomov» (prélude). Il travaille jusqu'en 1852. Ensuite, il part faire un tour du monde. Il réussit à être le fonctionnaire de l'amiral Poutiatine. Paradoxe: il écrit un livre sur un homme paresseux alors qu'il est parti voyager sur un bâteau. Il navigue à bord de le frégate «Pallas» (titre d'un de ses ouvrages). En 1856, il écrit donc «La frégate Pallas», ouvrage dans lequel il raconte le quotidien des matelots, il souligne leurs qualités, dont surtout le courage. Son voyage sera périlleux car le bateau est en mauvais état. Il devra même revenir en traîneau. On remarque qu'il ne se laisse pas influencer par les paysages magnifiques pour son inspiration. Il écrit donc «Oblomov». Oblomov est l'incarnation de la paresse. C'est un roman honirique. Les 100 premières pages: Ilia Oblomov essaye de se réveiller! Le roman commence donc par ce réveil, dans un appartement au centre ville. Ilia vit avec son domestique, Lakhar, qui cire des chaussures � dénonciation esclavagisme. Les deux n'arrêtent pas de se chamailler. Le look de Oblomov: il reste affublé de sa robe de chambre et de ses pantoufles. Un jour, il reçoit une lettre disant qu'on lui donnera moins d'argent. Deuxième problème: le propriétaire lui donne l'ordre de quitter les lieux. Ensuite, plusieurs personnes lui rendent visite:

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- Volkov: mondain superficiel. Plus Oblomov l'écouter, plus on pense comme lui. Il se dit qu'il vaut mieux être paresseux comme lui que superficiel comme Volkov.

- Collègue de bureau Soudbinski: il est devenu chef. On peut lire que son existence n'est pas enviable car il se tue au travail. Le problème d'Oblomov: il arrive au travail comme s'il venait rendre visite à sa famille. Il croit à une relation paternelle avec son patron et ne convient donc pas au monde du travail.

- Ecrivain: Oblomov trouve qu'il ne fait que critiquer (écrivain naturaliste). - Alexeev Andreev: une larve - Taranteev: une connaissance. Il est théoricien mais n'a pas réussi. Il est aigri et

pic-assiette. - Médecin qui lui conseille d'aller à l'étranger. Oblomov est tétanisé. Autre

conseil: faire de la marche. Pourquoi est-il si oisif et pas les autres? Oblomov a un ami qu'il aime bcp: Stolz. «Stolz» en allemand veut dire «fier», «Oblom» veut dire «débris», «épave». Tout les oppose. Oblomov a connu une enfance heureuse ainsi que servagiste, tous ses désirs sont des ordres. Deux systèmes d'éducation différents: Stolz a eu une enfance très dure. Histoire inspirée par un personnage du folklore russe: Ilia Mourometz, personnage qui est resté couché pendant 33 ans (l'âge d'Oblomov). Stolz veut trouver une femme pour Oblomov. Il lui présente Olga, mais celle-ci ne se comporte pas de manière subtile. Oblomov ne la supporte plus. De plus, il n'aime pas sortir. Olga épouse alors Stolz mais ils ne vivront pas heureux. Oblomov rencontre une veuve, Pchénitsina, et se fait déménager chez elle. Il se plaît bien car elle s'occupe bien de lui. C'est la mère qui lui fallait. La mère de Gontcharov aussi était veuve, et avait le même patronyme. Pchénitsina = blé pour le pain � «bonne pâte». Oblomov ne fait plus rien , il régresse. C'est une vie gâchée. Stolz lui demande ce qui le bloque. Il lui répond: c'est l'oblomovisme. Dénonciation du servage dans ses conséquences: cette éducation fait croire que le travail est honteux, et fait des êtres dépendants. Mais Gontcharov prouve aussi l'interdépendance: Hakhar aussi est dépendant d'Oblomov � société paralysitaire. Oblomov = encore un homme de trop. Mais contrairement aux autres, Oblomov trouve son bonheur, et ne rend pas les autres malheureux. Fin de la vie de Gontcharov??

7. Fiodor Mikhaïlovitch Dostoïevski ( 1821-1881) Philosophe, mais pose seulement les questions sans y apporter systématiquement les réponses. Il a eu un destin peu ordinaire et fut durant toute sa vie endetté. C'est qqun d'honneur: il a pris toutes les dettes de son frère défunt. Qqun qui va s'user. Il a subi une exécution et a été envoyé au bagne. De plus, il est épileptique: après ses crises, il a des visions (sorte d'états de trans) qui l'enrichit dans son écriture. Mais ce n'est pas qqun de brisé: il a assumé son destin. Il est né le 30 octobre 1821 à Moscou. Il est le 2e enfant dans une famille de 6. Il dira de sa famille qu'elle fut «russe et pieuse». Son père est médecin militaire, cultivé, un

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bon père de famille, mais il a un charactère difficile et est rude avec son entourage. Il travaille à l'hopital «Marie», un hopital pour les pauvres. Dosto a donc vu tous les jours la misère du monde. Sa mère est d'origine marchande � milieu roturier. Elle leur lisait des extraits de l'Ancien Testament � il a reçu une éducation religieuse. Mais en même temps, son père étant médecin, il fut élevé dans un milieu proche de la science et matérialiste. Il a appris aussi l'Histoire de la Russie. En 1831, le père achète une propriété à Darovoe Tcheremotchnia, mais son expérience en tant que propriétaire terrien fut un désastre. De 1831 à 1833, Fedor et son frère sont envoyés dans une pension (Drachoussov). Mais c'est un très mauvais établissement, lugubre et sinistre. En 1833, les deux frères quittent la pension pour enter dans une autre (1833-1837). Tchermok est une excellente école. Leur professeur de littérature leur fait aimer la littérature et donne envie à Fedor de devenir écrivain. Leur mère meurt en 1837 de la tuberculose. Celle-ci va revenir, sous les traits de bcp de personnages attachants. En 1838, il entre à l'école du génie à St P. Fedor est solitaire, renfermé, mal à l'aise dans cet univers scientifique. Il écrit déjà à cette période, mais rien ne nous est parvenu. Il organise un cercle littéraire. A St P, il est pauvre et ne reçoit pas assez d'argent de son père. Celui-ci est assassiné. Autour de cette mort, bcp de rumeurs circulent. Fedor s'en sent un peu responsable (du décès). En 1844, il renonce à une carrière de militaire et se consacre à l’écriture. Il s’essaye d’abbord à la traduction, Balzac pour commencer. Mais c’est un mauvais traducteur : il rajoute des adjectifs, son français n’est pas bon,… Lui, par contre, est enchanté. En 1845, il écrit son premier roman « Les pauvres gens ». La manuscrit paraît chez Belinski, qui adore le livre. On y perçoit une influence très nette de Gogol. Belinski dira même de Dostoïevski : « Le meilleur parmi les écrivains proches de Gogol ». Les deux homme se lient d’amitié, mais ils ont un sérieux malentendu au sujet de la religion. Toutefois, Dostoïevski est attiré par la doctrine socialiste utopique de Feuerbach, même s’il trouve qu’elle est restrictive. En 1846, il écrit « Le double ou les aventures de Monsieur Goliadkine ». Goliadkine est un personnage dostoïevsin. C’est un roman sur le dédoublement de la personnalité. Mais il n’est pas très bien reçu, même Dosto n’est pas très heureux de la forme. Il s’est d’ailleurs montré critique vis-à-vis de ses premiers romans. Il dépense tout l’argent qu’il gagne : fête, boissons, et pour les pauvres. Les soucis matériels commencent. Malgré cela, il continue à écrire. Il termine en 1846 « Monsieur Praktchartine ». Dedans, on retrouve un personnage balzacien, l’avare. Ce qui choque, c’est qu’il présente les pauvres comme des gens pas si bons que ça (pas comme chez Pouchkine par exemple) : c’est la griffe de Dostoïevski. Son livre est durement critiqué par Belinski qui est déçu. Dosto montre de plus en plus son propre style, pas celui qu’on voudrait qu’il ait. En 1847, il écrit « La logeuse ». Dedans, on retrouve la théorie des cœurs faibles : personnes qui préfèrent renoncer à leur liberté. Il habite à St P (ville de contrastes) et écrit sur les pauvres, mais ceux-ci ne sont plus à l’image de ce qu’il étaient avant (>< Akkaki akkakievitch). Chez Dosto, ce sont de petites gens, mais ils le savent. Ils ont une fierté, un égo, et ne sont pas toujours sympathiques. Ils ne veulent pas qu’on les plaigne. Ils montrent leur refus de communication avec le monde extérieur. Belinski est furieux. Sur le sujet de St P, Dosto assemble 3 nouvelles :

- « Chroniques de Saint-Pétersbourg », 1847 - « Les nuits blanches », 1848 - « Netotchka Nezbanovna », 1848

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Le personnage est rêveur, loin des hommes, coupé de la réalité � « rêveur pétersbourgeois » : il évite la société et la lumière, il est lunatique, apatique, et ne vit que dans son imagination. Il présente aussi St P comme une ville de vices (� « Crimes et châtiments »). Ensuite, il écrit, en 1848 :

- « La femme d’un autre » - « Un cœur faible » - « Un honnête voleur ».

Dosto n’est pas du tout sentimentaliste, il est plutôt psychologue. Il marque le début de la prose psychologue. Il fréquente le cercle de Petrochevski. 1848 est l’année des révolutions en Europe. Pendant ce temps, le cercle se réunit pour discuter de questions actuelles. C’est une réunion de libres penseurs. Au milieu, le noyau dur est Nicolas Spitchnev. Il est plus révolutionnaire et a des projets plus radicaux. Que fait Dosto dans ce cercle ? � probablement sa haine du servage le fait participer à ce noyau dur. Ils ouvrent une imprimerie pour distribuer des tracts. La police en embarque qquns pour la prison. 34 sont embarqués pendant 8 mois. Dosto montre un courage exemplaire. Il se retrouve parmi les plus dangereux et est condamné à mort le 22 décembre 1849. Mais l’empereur Nicolas 1er change d’avis. C’était en fait simplement une menace. Sa réelle sentence est une peine de 4 ans de travaux forcés en Sibérie. Il atterit à Tobolsk, dans un bagne. Cela représente 4 dures années pour lui. Il écrit dessus : « Souvenirs de la maison des morts », en 1860-62. Dedans, il réfléchit sur la nécessité du travail forcé. Cela va même influencer les autorités tsaristes. Ensuite, il commence ses crises d’épilepsie. De plus, après le bagne, il doit passer 4 ans de mise en service en Sibérie. Il va à Semi-Polentiensk ?? (au Khazakstan). Curieusement, c’est là qu’il rencontre son premier grand amour : Maria Issaïeva. Son mari est un ivrogne (Crimes et châtiments). Maria quitte vite son marie mais ce marriage ne rend pas Dosto heureux. Cependant, il s’occupe d’elle jusqu’à sa mort, ainsi que de leur fils. Le bagne apporte une matière à écrire à Dosto. Le 18 février 1855, le tsar Nicolas 1er meurt. Dosto demande alors une amnistie, qui lui est accordée. On le pardonne et il peut retourner à St P. Il revient donc avec sa femme et son fils fin décembre 1859. Il édite deux revues :

- « Le Temps », une revue littéraire. Il croyait que ça lui rapporterait de l’argent, mais cela lui prend bcp de temps et de plus, il est soumis à la censure. Il s’endette. Le Temps est interdit en 1863. Il en édite une autre :

- « L’Epoque ». Depuis le bagne, Dosto est réfractaire à toute action violente. Il pense a une solution pacifique pour régler le problème de la Russie. En 1862, il part à l’étranger. C’est la première fois qu’il quitte la Russie. Il va en Allemagne, France, Italie, Angleterre. A Londres, il rencontre Hertzen, mais ils n’ont pas les mêmes projets de socialisme. Il écrit sur ce voyage : - « Remarques d’hiver sur un voyage d’été », mars 1866. (lecture agréable grâce à l’humour et la légereté. Il y exprime ses impressions sur l’Occident, qui sont négatives. Les auteurs russes étaient très critiques envers l’Occident. Il pense qu’aucun socialisme n’est possible en Europe. Il trouve les Européens trop matérialistes. A Baden-Baden, il connaît pour la première fois la fièvre du jeu : le deuxième enfer de Dostoïevski. (1er : le Bagne)

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A Baden-Baden, il est accompagné par Apolinaire Soudova. Il écrit en 1866 : « Le joueur ». Comme dans son roman, Dosto ne peut pas résister à l’attrait du jeu. Il joue jusqu’à s’oublier et à oublier Apolinaire. Le sujet est original et actuel. Il rappelle celui de « La Dame de Piques » de Pouchkine. 1864 est une année de décès pour lui :

- D’abord, le 15 avril : sa femme. Cette union était passionnelle mais pas heureuse. Elle meurt de tuberculose. Elle lui laisse son fils (source de problèmes pour Dostoïevski).

- Ensuite, le 10 juin : son frère. Il lui laisse sa famille, ainsi que bcp de dettes. Dosto les assume.

Il écrit pour gagner sa vie. Il s’engage à publier « le joueur » pour novembre 1866. Un mois avant l’expiration, il engage une tsénographe : Anna Grigorievna Snitkina. Tsénographie est une révolution pour l’époque. Grâce à elle, son roman paraît à temps, et de plus il l’épouse en 1867. Il trouve enfin la paix et le bonheur familial. Ensuite de 1860 à 1881, il écrit 5 romans qui font sa gloire :

- « Crime et châtiment » : livre au début très lent. Il prend le temps de nous présenter les personnages. Est-ce un roman policier ? Non. Le héro est Rackolnikov, un ex-universitaire intelligent. Il a une théorie particulière sur la vie et la mort. C’est un jeune homme arrogant. Les 6 premiers chapitres exposent les raisons pour lesquelles il commettra le crime. Il vit dans une extrême pauvreté. St P est décrite comme une ville qui mène au crime. Il commet son crime mais se trome deux fois ( ??). C’est avant tout un roman philosophique, mais surtout pas un simple policier. « Rackol » signifie en russe : déchirure, coupure. Il est déchiré : d’une part il voit la grande misère et d’autre part, il se demande s’il peut croire à son utopie, qui est , peut-on, même avec très peu de moyens, sauver le monde de la misère ? Il y croit jusqu’au crime. Mais une fois son crime commis, il se sent coupé de l’humanité. Il se rend compte seulement après qu’il en faisait partie (avant son crime). Mais ce n’est pas du remords. Il regrette son geste à cause du sentiment de soluitude. Il s’insupporte lui-même et c’est pourquoi il fera tout pour qu’on découvre son crime. En tuant, il s’est assassiné lui-même. Question fondamentale du roman : l’homme peut-il se tirer d’affaire sans Dieu ? Peut-on se servir des autres ? La fin justifie-t-elle les moyens ?

- « Les Démons », 1871-72. A cette époque, l’affaire Netchaiev (nihiliste) éclate. C’est un révolutionnaire convaincu qui a assemblé autour de lui une équipe. Il leur a demandé à chacun de commettre un meurtre, juste pour prouver qu’ils en sont capable. Cette radicalisation de la gauche socialiste faisait très peur à Dosto. Le sujet des « Démons » : l’extrême acte : se supprimer soi-même au nom de la liberté.

Dosto repart de nouveau à Baden-Baden avec sa femme et il se remet à jouer. Il écrit - « L’Idiot » en ????. Son rêve : montrer un homme absolument excellent et le placer à son époque. On se rend compte qu’on ne colle pas à la société quand on est parfaitement pur ( incarnation du Christ). Dosto l’appelle le Prince Christ « Mychkine » (petite souris). Il essaye de faire le bien mais il est incapable de faire changer les choses. Il n’empêche pas le meurtre de Nastasia Philipovna. Elle et Aglaia sont deux femmes amoureuses de lui. Dosto veut montrer qu’il faut être fou pour être le Christ moderne. Et c’est ce qui arrive à Mychkine. Quand on suit les préceptes de Dieu, on est faible et malade. C’est le roman le plus tragique de la littérature russe.

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Dosto revient en Russie en 1871. Il écrit :

- « L’Adolescent » : c’est l’histoire d’un jeune (Arkade Dolgoroukov) qui rêve bcp de devenir riche comme Rotchill. C’est un adolescent maximaliste qui au fond de lui aspire à l’harmonie et l’équilibre.

- « Les frères Karamazov », en 1879-80. Roman qu’il voulait le premier d’une trilogie. Dans son projet, ce roman est donc inachevé. Il voulait écrire un roman ayant pour thème la jeunesse russe. C’est une histoire policière aussi, mais encore plus tragique que Crime et Chatiment, car ici on ne sait pas qui a tué. С'est un roman à rebondissements. On peut le qualifier de roman synthétique. Il veut faire porter ses idées et attirer ses lecteurs en créant une histoire à suspens. L'histoire d'un père et des fils. Le père = Fedor Karamazov : c’est un personnage immonde : menteur, malhonnête, … Ses fils : Dmitri, Ivan et Alexis (ils ne sont pas nés du même marriage) ainsi qu’un « batard » : Smerdiakov : c’est le laquet de la maison. Il l’a eu avec une femme psychologiquement dérangée. Ivan : c’est l’investigateur du meurtre. Alexis : il porte le nom d’un saint. Il se prépare à entrer au monastère. Par lui, Dosto continue sa réfléxion sur l’homme parfait. Dmitri : il cumule en lui le bien et le mal. Il fait du mal involontairement. Il est ce que Dosto appelle un russe spontané. Il est passioné mais le germe du bien en lui n’est pas éteint. Il croit en Dieu. Dosto va montrer que Dmitri avait toutes les raisons de tuer son père. Il sera néanmoins accusé et reçoit la peine de 20 ans au bagne. Dosto s’oppose violemment contre les théories socialistes sur l’influence du milieu. Selon lui, le milieu n’excuse rien. Seulement, ce n’est pas Dmitri qui a tué. Pq ? Car il avait foi en Dieu. L’amour du bien a vaincu. Il sait qu’il est innocent, mais il accepte néanmoins la peine avec satisfaction. Il sait qu’il deviendra un homme nouveau. Il a la soif de repentir. Il pense que tout le monde est solidaire. C’est Smerdiakov qui est le meurtrier, mais il a été influencé par Ivan. C’est un crime idéologique. Finesse psychologique des romans : Dosto présente des petites gens mais qui ont leur mot à dire. Les romans de Dosto sont extraordinaires dans le sens que chacun des héros est porteur d’une idée. Ce sont des romans idéologiques, de style polyphoniques. Il est subtile car il laisse le lecteur juger par lui-même. Référence : « Problème de la poétique de Dostoïevski » de M. Bakhtine. Dosto ne veut pas qu’on qualifie son style de réalisme critique. Il l’appelle du réalisme fantastique. Il dit : « rien n’est aussi fantastique que l’âme humaine en conflit avec le monde ». Il est important aussi de souligner la nature urbanistique de l’auteur. C’est un écrivain de la ville.

Il a reçu beaucoup de critique de la gauche, car ses théories vont à l’encontre de la pensée révolutionnaire. On le critiquait de conservatiste.

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En 1880, on inaugure un monument consacré à Pouchkine. Dosto prononce un discours. Il gagne le cœur de l’élite litéraire de Moscou. On le qualifie de « prophète ». Dostoievski a mené une vie de força, tant au sens propre (a subi le bagne) qu’au sens figuré (avait toujours des dettes, devait subir la peur d’être en retard,…), si bien qu’il tombe malade. Il souffre d’un amphysème (maladie pulmonaire). Il meurt le 27 janvier 1881. Une foule de personnes se rassemblent à son enterrement. Il reçoit enfin la gloire qu’il méritait. Sur Tolstoi et Dostoievski : « Avec eux, l’esprit occidental fait un bond en avant dans les ténèbres au moyen de l’intuition poétique ; en eux se retrouve rassemblée une grande part de la lumière que nous possédons sur la nature de l’homme » Steinher, 1959.

8. Lev Nicolaievitch Tolstoï (1828-1910) Il est né en 1828 à Iasnaia Poliana. Il est le 4e fils du comte Nicolas Tolstoi (celui-ci est le prototype de Nicolas Vorctov dans « Guerre et Paix »). Sa mère meurt très tôt, en 1830. Son père meurt également alors qu’il n’a que 9 ans (1837). Le décès va profondément le marquer. Il n’a donc ni père ni mère � éducation chaotique. Les enfants sont repris par leur tante maternelle Tatiana Ergolskaia, ainsi que par leur tante paternelle, Alexandra Osten-Sacken. Tolstoi l’aime bcp. Déjà enfant, il hérite d’un tempérement indépendant et sauvage. C’est un garçon atypique : il se sait laid, mais a envie de plaire. Toute sa vie il fera preuve de liberté d’opinion. En 1844, il entre à la faculté orientale de l’université de Kazan. En 1845, il change de faculté pour aller à la juridique. En 1847, il abandonne ses études (anti-conformiste) : il a bcp de capacités mais il n’entre pas dans le moule. Il a une opinion particulière sur l’Histoire : il ne pense pas qu’elle est faite par les grands hommes, qui selon lui, sont impuissants face à l’ordre objectif du destin. Exemple 1: Napoléon dans Guerre et Paix Exemple 3 : Kotousov (GetP) : c’est un fataliste. Il a laissé les choses se faire d’elles même. Selon Tolstoï, l’issue d’une bataille dépend du moindre détail. Il regarde toute chose de la vie comme s’il la découvrait pour la première fois. C’est pourquoi il ne supporte pas les visions de ses professeurs. En 1848, il revient à St P, où il mène la vie désordonnée de la jeune dorée : jeux,… Mais il est très mécontent de ce train de vie : il regrette de ne pas avoir de but. En janvier 1849, il se retire à Iasnaia (il est persuadé qu’il sera propriétaire terrien). Il écrit son premier ouvrage : « Histoire de ma journée d’hier », en 1851. Le titre suggeste que c’est autobiographique. Cela apparaît simple, mais il se rend vite compte qu’il a trop d’impressions. Son roman reste inachevé. En 1851, après un essai infructueux d’agriculture, il décide de partir avec son frère au Caucase (campagne militaire). Là-bas, en Tchétchénie, c’est la guerre. Les Tchétchénes sont dirigés par le puissant Chamil et s’opposent au tsar.

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En 1852, Tolstoï devient militaire de carrière. Il publie, achevé cette fois-ci, « Enfance » (premier tome d’une trilogie). Il la signe « L.N ». Elle remporte un certain succès. En réalité, elle ne comporte l’histoire que de deux journées. En 1854, il écrit le deuxième volet : « Adolescence ». En 1857, le troisième volet : « Jeunesse ». Ses impressions au Caucase : découverte des mœurs, coutumes et du parlé, le marquent profondément. On peut le voir dans son roman « Les Cosaques », qu’il finit en 1862. C’est l’histoire romantique d’un officier russe, qui étouffé par la société va chercher la liberté chez un peuple libre, les Cosaques. Il finit toutefois par rentrer en ville. On peut aussi voir le penchant de Tolstoï vers la philosophie et son appartenance très intime avec la Nature. D’ailleurs, l’osmose avec le monde qui l’environne est un de ses thèmes récurents. Il a également une peur terrible de mourir et s’intéresse à la vie après la mort. En 1854-55, il est muté en Crimée à Sebactopol. Il va s’inspirer de son expérience pour créer des récits de guerre (1855) :

- Sebastopol en mai - Sebastopol en août - Sebastopol en décembre.

Dedans, il parle de toute la cruauté de la guerre. Il y est fermement opposé. Il parle de la naissance des premières infirmières de guerre,… Ce sont des récits nouveaux et poignants, et qui rendent Tolsoï célèbre. Tourgueniev lui dira : « votre arme est la plume, pas le sabre ». Il écrit encore une nouvelle : « Les trois morts », en 58-59. La mort l’obsède et il décrit 3 façons de mourir :

- une femme qui meurt de la maladie - un paysan - un abre : c’est lui qui a la façon la plus belle de mourir, car après sa

disparition, tout un bosquet renaîtra. « Guerre et Paix » : il voulait écrire un roman sur les décembristes. Il commence à l’écrire en 63 et le termine en 69. >< Dostoievski : prend le temps pour écrire. C’est un maniaque de la correction. Sa composition est atypique : il est énorme, et plein de rebondissements. C’est comme une symphonie de Beethoven : il ne met jamais de point final. Il y a dans le livre plus de 400 personnages, qui ont tous un nom et une identité : les individus les plus insignifiants sont mériteux de respect. Thèmes :

- le rôle du hasard dans le rôle de l’humanité : sa propre philosophie de l’Histoire

- Mouvements massifs vers l’est, et ensuite vers l’ouest. ???? « Anna Karenina » : 1873-77. Ce livre est basé sur un fait divers réel : une femme abandonnée par son amant et qui se jette sous les rails. C’est l’histoire d’un couple, mais en réalité de plusieurs couples. C’est aussi l’histoire de Levin et Kitty : couple sous la forme la plus heureuse. Couple d’Anna : sous la forme la plus malheureuse. C’est deux qui s’opposent. Tolstoi a reçu des critiques qui disaient que c’était en fait deux romans en un. Le lecteur était plutôt mécontent de cette dualité. Mais il y a encore un 3e couple ( ??) . Anna décède, mais son charme et sa beauté reste. Suggère que le roman n’est pas fini.

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Levin : il ne se sent chez lui nulle part. Il incarne la sauvagerie de Tolstoi, ainsi que son sens d’individualité. Il est aussi bcp question de paysannerie. A travers, Levin, Tolstoi montre son chemin vers le peuple russe. Le rêve de levin est de se rapprocher du peuple, mais c’est irréalisable car le peuple le rejette (on critiquera Tolstoi pour cela). De nouveau, Tolstoi raconte sur sa ses sentiments. Mariage de Tolstoi : en 62, avec Sophia Andreevna Bertz, une aristocrate cultivée. Mais ils se détachent peu à peu, car lui veut se rapprocher des modes de vie des paysans. Il est en effet très proche du peuple : il aidé des phalanstères,… Il rejette les artifices du mondee moderne. Il ira même jusqu’à quitter la maison familiale aller vivre selon ses préceptes. C’est ainsi qu’il meurt dans une station de train le 28 octobre 1910. Il avait quitté la maison avec sa fille et un médecin. Il est décédé d’une pneumonie car il ne voulait pas aller en 1ère classe.