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A la découverte de l’Histoire Cours d’Histoire 2013/2014. G. Durand 1 HIISTOIRE DE LA MESOPOTAMIE COURS 7 : L’EMPIRE PERSE ACHEMENIDE La dynastie perse des Achéménides, aux débuts légendaires, n'a d'abord régné que sur son peuple ; puis, après avoir conquis (vie s. av. J.-C.) tous les pays du reste de l'Orient, jusqu'à l'Asie centrale et à l'Inde, elle s'est trouvée, jusqu'à sa disparition (330 av. J.-C.), à la tête d'un empire d'une étendue (6 millions de kilomètres carrés) qui n'avait jamais été atteinte. Mais son histoire est toujours restée mal connue. Pourtant, le plus ancien des historiens, Hérodote, un Grec du ve siècle avant J.-C., a rassemblé dans ses Histoires des renseignements recueillis auprès de ses contemporains et se rapportant au conflit entre Grecs et Perses, depuis ses origines légendaires jusqu'à la destruction de l'armée et de la flotte perses (479). Plus curieux que les gens de son temps, il reste, avec toute sa naïveté, notre meilleur informateur. En effet, l'histoire des Achéménides est difficile à retracer à partir de leurs documents. En Orient, la voie orale tenait le rôle essentiel pour la transmission des ordres et des informations. Par ailleurs, les plus brillantes cultures, celles de la Mésopotamie et de l'Égypte, étaient en déclin et leurs écritures compliquées étaient de moins en moins employées. Quant aux peuples marchands, ils utilisaient leurs alphabets pour leurs comptes. Dans les palais perses, l'écriture, en dehors de la comptabilité, servait uniquement pour des inscriptions royales, qui avaient une valeur magique, comme l'indique l'emplacement de certaines : en effet, qui pouvait lire les textes des dépôts de fondation ou ceux de la falaise de Behistoun ? Le roi marquait sa présence par des formules monotones : nom et généalogie du souverain, remerciements au dieu. Si Darius Ier a fait exception, avec de longs récits de son avènement et de ses conquêtes, c'est pour masquer son usurpation ; après lui, le retour à la tradition a été rapide. L'Empire achéménide n'a duré que deux siècles. Il était affaibli par la relative liberté que ses rois avaient dû concéder, à cause des distances, à leurs satrapes et aux communautés sujettes ; et il n'a pu résister à l'armée macédonienne. Déjà l'incendie de Persépolis, sur les ordres d'Alexandre, annonce la

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HIISTOIRE DE LA MESOPOTAMIE

COURS 7 : L’EMPIRE PERSE ACHEMENIDE

La dynastie perse des Achéménides, aux débuts légendaires, n'a d'abord régné que sur son peuple ; puis, après avoir conquis (vie s. av. J.-C.) tous les pays du reste de l'Orient, jusqu'à l'Asie centrale et à l'Inde, elle s'est trouvée, jusqu'à sa disparition (330 av. J.-C.), à la tête d'un empire d'une étendue (6 millions de kilomètres carrés) qui n'avait jamais été atteinte. Mais son histoire est toujours restée mal connue.

Pourtant, le plus ancien des historiens, Hérodote, un Grec du ve siècle avant J.-C., a rassemblé dans ses Histoires des renseignements recueillis auprès de ses contemporains et se rapportant au conflit entre Grecs et Perses, depuis ses origines légendaires jusqu'à la destruction de l'armée et de la flotte perses (479). Plus curieux que les gens de son temps, il reste, avec toute sa naïveté, notre meilleur informateur. En effet, l'histoire des Achéménides est difficile à retracer à partir de leurs documents. En Orient, la voie orale tenait le rôle essentiel pour la transmission des ordres et des informations. Par ailleurs, les plus brillantes cultures, celles de la Mésopotamie et de l'Égypte, étaient en déclin et leurs écritures compliquées étaient de moins en moins employées. Quant aux peuples marchands, ils utilisaient leurs alphabets pour leurs comptes. Dans les palais perses, l'écriture, en dehors de la comptabilité, servait uniquement pour des inscriptions royales, qui avaient une valeur magique, comme l'indique l'emplacement de certaines : en effet, qui pouvait lire les textes des dépôts de fondation ou ceux de la falaise de Behistoun ? Le roi marquait sa présence par des formules monotones : nom et généalogie du souverain, remerciements au dieu. Si Darius Ier a fait exception, avec de longs récits de son avènement et de ses conquêtes, c'est pour masquer son usurpation ; après lui, le retour à la tradition a été rapide. L'Empire achéménide n'a duré que deux siècles. Il était affaibli par la relative liberté que ses rois avaient dû concéder, à cause des distances, à leurs satrapes et aux communautés sujettes ; et il n'a pu résister à l'armée macédonienne. Déjà l'incendie de Persépolis, sur les ordres d'Alexandre, annonce la

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disparition rapide de la culture achéménide. Il faudra attendre les orientalistes du xixe siècle pour que l'on relise les textes perses anciens et 1931 pour que commence la restauration des palais de Persépolis.

1. La conquête de l'Orient Le peuple perse, qui fait partie de la dernière vague indo-européenne ayant envahi l'Iran, apparaît dans l'histoire lorsqu'il entre en contact avec les Assyriens. Au ixe siècle avant J.-C., le pays de Parsoua est situé dans la cuvette du lac Rezaiyeh, et le pays de Parsoumash, dans les monts Bakhtiari (vers l'actuelle Khurramabad, au nord de Suse). Est-ce le début d'une longue émigration du nord-ouest au sud-est à travers le Zagros, ou bien s'agit-il de deux rameaux d'un même peuple, dont un seul, voisin de la Susiane, est destiné à marquer l'histoire? C'est en Parsoumash, en effet, qu'apparaît la dynastie achéménide, dont les origines obscures ont donné lieu à des hypothèses contradictoires. Leur nom viendrait de Hahamanish (Achéménès en grec), roi de Parsoumash et sans doute vassal de l'Élam. Son fils, Tshahipaïsh (Téispès ; 675-645 env.) se proclame roi d'Anshan (au sud-est de Suse). Après avoir enlevé cette ville aux Élamites, il conquiert le pays de Parsa (l'actuel Fars – qui garde le nom des Perses – dans la province de Chiraz). Tshahipaïsh partage ses domaines entre ses deux fils, Ariaramna (645-600 env.), roi de Parsa, et Kourash Ier (Cyrus Ier ; 645-600 env.), roi d'Anshan, en Parsoumash, qui reste en principe sous la dépendance de son frère. La branche d'Anshan l'emporte d'abord : Kamboujiya Ier (Cambyse Ier ; 600-559 env.), fils de Kourash Ier, retire le titre royal à Arshama, fils d'Ariaramnès, mais le maintient comme gouverneur en Parsa. Le vainqueur de cette lutte familiale épouse Mandane (fille de son suzerain Astyage, roi des Mèdes), dont il a un fils, Kourash II (Cyrus le Grand, 559-530 env.). Maître d'une fraction des tribus perses, vassal du puissant roi des Mèdes, Cyrus sait exploiter le mécontentement causé par la mauvaise gestion du gouvernement des grands souverains de l'Orient. Des offensives foudroyantes lui livrent la Médie (550), la Lydie (547) et la Babylonie (539) avec toutes leurs dépendances. Non content d'avoir acquis les pays les plus riches et les plus évolués de l'Asie occidentale, Cyrus unifie à son profit l'Iran, réserve de soldats éprouvés. Il mourra au combat dans la steppe sauvage du Nord-Est.

Le tombeau de Cyrus à Pasargades.

Son fils Cambyse II (530-522) achève la conquête de l'Orient ancien en s'emparant de l'Égypte (525). Plus autoritaire, il excède ses sujets en leur extorquant impôts et recrues. Il meurt en 522, au moment

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où triomphe une révolte menée par son frère Bardiya. Le second fils de Cyrus, au pouvoir durant sept mois, mène une politique originale : il supprime conscription et tribut pour trois ans, et cherche à imposer le monothéisme des mages en faisant détruire les temples des dieux. Attachée à ses divinités et aux profits de la conquête, l'aristocratie perse l'assassine ; elle fait ensuite courir le bruit que Cambyse avait fait tuer secrètement Bardiya et que c'est un mage (prêtre mède, donc un étranger) qui s'est fait passer pour le fils de Cyrus. L'accession au trône d'un des meurtriers, Dariyawaoush (Darius Ier, 522-486), petit-fils de l'Achéménide Arshama, déchaîne des révoltes. Mais Darius sauve l'Empire, en porte les limites au Danube, à l'Iaxartes et à l'Indus, et en parachève l'organisation administrative amorcée par ses deux prédécesseurs.

Bas-relief de Behistun : le triomphe de la justice de Darius Ier face aux rebelles, sous les auspices divins.

Pourtant, le lourd fardeau des impôts provoque la révolte de l'Ionie (499-493), qui est à l'origine des guerres médiques. Afin de mieux tenir les cités grecques d'Asie, la cour perse entreprend de soumettre la totalité du monde hellénique : son morcellement en villes indépendantes augure mal de sa résistance. La petite armée envoyée par Darius Ier est battue à Marathon (490). La grande expédition, montée par son fils et successeur Hshayarsha (Xerxès Ier, 486-465), est finalement écrasée à Salamine (480) et à Platées (479). Une nouvelle coalition des Grecs, dirigée par Athènes, poursuit la lutte de libération des cités helléniques des îles et du littoral asiatique. C'est là peu de chose pour le grand empire menacé par des crises intérieures : révoltes nationales en Égypte (486-485) et à Babylone (482 ou 479), intrigues de palais, insubordination des satrapes issus des grandes familles. 2. Les institutions Tant que dure le règne de Xerxès Ier, qui avait suscité chez ses soldats tant d'actes de bravoure, la façade de l'Empire reste imposante. L'Empire perse, création d'un peuple sans passé et sans culture, reprend les méthodes des grands États qui l'ont précédé : l'Élam, qui avait guidé les débuts du royaume d'Anshan ; l'Assyrie, premier exemple d'une domination « universelle » ; Babylone, dont Cyrus a maintenu l'administration expérimentée.

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Xerxès Ier représenté sur un bas-relief d'une porte de son palais de Persépolis.

Comme ses prédécesseurs en Asie occidentale, le monarque perse est un maître absolu, appuyé sur des castes privilégiées : le peuple perse, exempt d'impôt car il fournit les sujets les plus braves et les plus loyaux, et, en seconde ligne, Mèdes et autres Iraniens, également vaillants. D'autre part, la Perse proprement dite (à peu près l'actuelle province de Chiraz) et sans doute aussi le reste de l'Iran sont dominés par une aristocratie de grands propriétaires, qui pourvoit le roi en généraux, conseillers et administrateurs, et lui procure des troupes recrutées sur ses terres. Enfin, des privilèges extraordinaires ont été accordés aux six clans de la noblesse perse, dont les chefs ont aidé Darius à tuer Bardiya. Les aristocrates perses reçoivent dès l'enfance une éducation traditionnelle – tir à l'arc, équitation, sobriété et respect de la vérité – qui les prépare à servir le roi. Instrument des conquêtes de Cyrus, l'armée est renforcée par des contingents levés parmi les peuples soumis, mais c'est de Perse ou du moins d'Iran que viennent ses chefs, sa cavalerie et les Immortels (on appelait ainsi les dix mille archers et piquiers de la garde royale, parce que chaque soldat tué était immédiatement remplacé). Dans chaque province, un satrape commande les troupes qui assurent le maintien de l'ordre ; il est également chargé de faire rentrer les impôts – tribut et « dons » – et de surveiller les communautés politiques locales. Incapable d'exercer une administration directe, l'Empire achéménide, comme ses prédécesseurs orientaux, n'a détruit que les grands royaumes. Les autres institutions subsistent : petits royaumes (comme à Chypre ou en Cilicie), villes marchandes de Phénicie gouvernées par un roi ou un sénat recruté parmi les citoyens riches, théocraties (comme l'État juif de Jérusalem), sans parler des tribus montagnardes (Pisidiens, Cadusiens, Carduques) et nomades (Scythes, Arabes).

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Les Achéménides ont même toléré l'émiettement de leur domaine en laissant se former de nouveaux royaumes indigènes (en Bithynie, en Paphlagonie) et en créant des principautés pour les transfuges grecs (comme Thémistocle). Les satrapies étaient immenses, du moins au ve siècle, et leurs titulaires détournaient fréquemment l'impôt à leur profit pour mener une politique personnelle. Le souverain se voit donc contraint d'exercer un contrôle vigilant. Il dispose à cet effet d'inspecteurs, d'espions (l'oeil du roi, l'oreille du roi) et de la poste royale pour laquelle un réseau de routes est soigneusement entretenu, afin que les ordres du maître puissent être transmis rapidement. L'impôt permet de collecter d'énormes richesses (la valeur de 388 tonnes d'argent par an) qui s'entassent en lingots dans les palais. En dehors du réseau routier, qui favorise aussi le commerce, les investissements productifs se limitent à deux réalisations de Darius Ier : le canal du Nil à la mer Rouge, et le voyage d'exploration de Scylax de Caryanda qui descendit l'Indus, contourna l'Arabie et gagna l'Égypte par la mer Rouge. Les rois ne frappent qu'une quantité réduite de monnaies (les dariques d'or à l'archer couronné), réservée au recrutement des mercenaires et à l'achat des consciences dans le monde grec. La raréfaction des métaux précieux dans l'Empire est à peine compensée par le crédit, ou plutôt l'usure. Au ive siècle, la partie occidentale du domaine achéménide, incapable de payer ses achats au Pirée, produit elle-même ses bronzes, sa céramique, son huile et ses vins. Mais les impôts excessifs causent d'incessantes révoltes provinciales. C'est ainsi que l'Égypte, protégée par les déserts, recouvre son indépendance en 460-456 et en 405-343.

Lettre de Darius Ier à Gadatas, satrape en Ionie, sur sa gestion d'un paradis (jardin royal).

Conservée au musée du Louvre. 3. L’Empire de la démesure Il faut mettre en doute le tableau idéalisé par certains Grecs et par les textes zoroastriens, d'une domination achéménide très supérieure à celles des autres Orientaux, grâce à une tolérance et une douceur qui lui auraient assuré une grande popularité. Déjà, les cités grecques virent dans l'État achéménide tour à tour l'incarnation de la démesure et une proie facile à piller. D'ailleurs, les

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Achéménides ont déporté des populations rebelles et dépossédé les indigènes de leurs terres pour constituer des colonies perses en Babylonie et en Asie Mineure. Les mutilations et supplices infligés par le roi dépassent en raffinement les atrocités assyriennes. La tolérance diplomatique à l'égard des dieux locaux est traditionnelle en Orient; cette coutume fut abandonnée par les Achéménides comme par leurs prédécesseurs lorsqu'ils voulurent châtier les rebelles. Il reste que la conquête achéménide, réalisée au vie siècle par un homme supérieur et un peuple jeune, fut un grand événement. Mais les rois perses ne pouvaient espérer, avec les moyens techniques du temps, tenir un État de six millions de kilomètres carrés ; leur échec fut d'autant plus rapide que les Perses, descendant de leurs montagnes, s'orientalisèrent rapidement. Après Xerxès, il n'y a plus que décadence. La politique de Suse ne vise qu'à endiguer l'audace de minuscules États grecs qui tentent de profiter de la situation. Les Achéménides commencent par susciter des querelles dans le monde hellénique pour arrêter les attaques lancées contre l'Empire. Plus tard, ils réconcilient les villes dans l'espoir que leurs conflits ne s'étendent pas aux domaines de la dynastie, ou dans la crainte qu'elles cessent de leur fournir des mercenaires. En fait, aucune cité grecque n'est de taille à conquérir le royaume achéménide, qui survivra encore un siècle et demi. La mort de Xerxès est un de ces drames de palais, ou plutôt de harem, qui se produisent désormais à chaque succession, quand la fin du roi n'est pas hâtée par son entourage. Son successeur, Artakshasra (Artaxerxès Ier, 465-424), fait tuer son père et ses deux frères par le capitaine des gardes, dont il se débarrasse ensuite. Les guerres médiques ne sont pas vraiment terminées : Périclès envoie la flotte athénienne soutenir la révolte des Égyptiens (460). Artaxerxès riposte en expédiant de l'or en Grèce, où une coalition se forme contre Athènes, dont l'armada est détruite sur les bords du Nil (456-454). La fière cité de Pallas tente un dernier effort contre la Perse, puis, après la mort de Cimon (449), accepte un compromis : Artaxerxès renonce au littoral occidental de l'Asie Mineure et des îles, Athènes s'engageant à ne plus aider les rebelles d'Égypte. La guerre du Péloponnèse (431-404), qui coupe en deux le monde hellénique, va permettre aux satrapes d'Anatolie de reprendre du terrain en occupant les cités d'Asie révoltées contre la domination athénienne.

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Le tombeau d'Artaxerxès Ier à Naqsh-e Rostam.

Vue panoramique des tombeaux rupestres des rois achéménides de Naqsh-e Rostam.

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4. La fin d'une dynastie À sa mort en 424, Artaxerxès Ier laissait dix-huit fils. C'est alors une période obscure avec des rois légendaires (Sogdianos) ou éphémères (Xerxès II). Puis un prince, Darius II (423-404), prend définitivement le trône en se débarrassant de ses autres frères, laisse gouverner sa sœur et épouse la féroce Parysatis. Suse exploite la guerre de Décélie (413-404) où Athènes commence à perdre sa suprématie maritime. Les satrapes financent la flotte spartiate et récupèrent quantité de villes helléniques d'Asie enlevées aux Athéniens. Mais Sparte, qui se sent pour cela déconsidérée aux yeux de l'opinion grecque, se montre une alliée incommode. Le satrape Tissapherne juge plus sage de pratiquer une politique de bascule entre les deux grandes cités helléniques ; il est désavoué par la cour de Suse qui confie le commandement en Asie Mineure au fils cadet du roi, Cyrus le Jeune, artisan de la victoire définitive de Sparte (405). À la mort de Darius II, son fils aîné, Artaxerxès II (404-358), faible de caractère, épargne la vie de son frère Cyrus qui conspirait contre lui avec l'appui de Parysatis. Le jeune prince, revenu en Asie Mineure, rassemble des troupes et marche contre son frère, mais il est tué à la bataille de Kounaxa (401), près de Babylone. L'armée du prétendant se disperse, sauf les dix mille mercenaires grecs qui, menacés d'extermination, défient Artaxerxès ; ils traversent ses États et aboutissent sept mois plus tard à la mer Noire. L'exploit des Dix Mille discrédite l'Empire achéménide et provoque la convoitise du monde grec. Sparte, qui domine alors en Grèce, attaque les domaines du roi et se pose en libératrice des Grecs d'Asie Mineure (400), mais son armée est rappelée en Europe par une coalition hellénique suscitée par l'or perse (394). Les Spartiates s'épuisent et bientôt le roi dicte sa paix (386) : il garde la côte de l'Asie et Chypre, les autres cités grecques restent indépendantes, ce qui signifie qu'il n'y aura pas d'empire athénien. Artaxerxès II peut désormais tenter de récupérer les provinces perdues : l'Égypte révoltée depuis 405, Chypre dominée par Euagoras de Salamine passé à la rébellion en 390. Le Chypriote finira par capituler (379), mais une série d'échecs aux portes de l'Égypte provoque le soulèvement général des satrapes d'Asie Mineure. La monarchie n'est sauvée que par la division de ses adversaires. Artaxerxès II eut cent quinze fils de ses trois cent soixante concubines. Quelques-uns tentèrent d'abréger son règne : l'aîné fut tué, un autre fit tuer deux de ses frères avant de succéder à son père sous le nom d'Artaxerxès III (358-338). Dur et cruel, il restaure l'Empire. Après plusieurs échecs, il vient à bout des satrapes et de l'Égypte (346-343). Inquiet de l'ascension de la Macédoine, il soutient secrètement les adversaires du roi Philippe II, et ne se démasque que lors du siège de Périnthe, sur les Détroits, qui est sauvée par les Perses (340). Mais l'impérieux monarque meurt empoisonné par l'eunuque Bagoas, qui fait boire également la coupe fatale au fils et successeur d'Artaxerxès, Oarsès (338-336). L'eunuque « faiseur de rois » choisit alors l'arrière-petit-fils de Darius II. Mais Darius III (336-330) se débarrasse de son protecteur Bagoas en lui faisant boire le breuvage que celui-ci lui destinait. Quant à Philippe II, il a envoyé une armée pour libérer l'Asie, mais sa progression est arrêtée par l'assassinat du roi de Macédoine (336). Son héritier Alexandre reprend son projet et annonce une grande expédition pour venger les Grecs des injures faites par Darius et Xerxès aux temples grecs. Darius III est battu en Cilicie et en Assyrie, et assassiné en Hyrcanie par ses satrapes (330).

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Alexandre le Grand face à Darius III lors de la bataille d'Issos, mosaïque de Pompéi

C'est la fin de la monarchie achéménide, dont héritera la monarchie « universelle » d'Alexandre. 5. L’art des Perses Cyrus II fit de sa capitale moins une ville qu'un vaste jardin arrosé par des canaux délimitant des parterres que dominaient deux palais construits successivement. Ce n'étaient pas des résidences, mais des salles d'apparat à fenêtres hautes, destinées aux audiences royales et amplifiées par des portiques moins hauts, permettant d'accueillir en outre la masse du peuple perse répandue alentour. Ces édifices étaient l'aboutissement de la tradition architecturale née chez les autochtones à Hasanlu et développée ensuite au Luristan et en Médie. Mais l'exécution de cette architecture devenue purement « iranienne » fut confiée aux meilleurs tailleurs de pierre de l'empire nouvellement créé : les Ioniens, annexés après la victoire sur la Lydie. Ces gens sont responsables de l'aspect grec des fines colonnes reposant sur un tore cannelé porté par une base blanche et noire. Cependant, les chapiteaux en forme de doubles protomes d'animaux étaient originaux, et le décor intérieur du palais le plus récent reproduisait des monstres assyriens. Le pavillon d'entrée avait des portes dont les jambages étaient décorés de génies-gardiens dont le seul qui subsiste est vêtu à l'élamite, avec une tiare égyptisante conforme à l'éclectisme en vigueur au Levant. Cyrus en somme n'avait pas créé, pour le décor de sa capitale, un art vraiment nouveau. Après sa mort prématurée comme celle de son fils Cambyse, la monarchie perse fut prise en main par l'usurpateur que devait être Darius l'Achéménide (522-486). Ce fut lui qui patronna pour près de deux siècles un art symbolique des ambitions universelles du peuple-seigneur des Perses, héritier du peuple-seigneur élamite. Comme en Élam, il y eut deux capitales dont la plus prestigieuse se trouvait dans le haut pays élamite devenu terre d'élection des Perses : ce fut Parsa, ou Persépolis, construite à proximité de la nécropole royale aménagée dans le même rocher qu'un vieux lieu de culte élamite. La seconde capitale fut à nouveau Suse, complètement remodelée. On accédait au palais par une porte monumentale isolée, gardée par deux statues dont celle qui subsiste, représentant Darius, avait été taillée en Égypte.

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Le palais était double, avec au nord l'énorme salle du trône, ou Apadana. C'était en somme la réplique plus grandiose de celles de Cyrus, avec ses colonnes cannelées hautes de près de 20 mètres. Au sud, la résidence proprement dite était au contraire de pure tradition mésopotamienne, avec ses deux salles d'audience en enfilade comme à Babylone, encadrée par des magasins qui devaient porter les appartements privés. Les murs étaient revêtus de briques émaillées représentant soit des monstres ou des animaux, soit le peuple perse en armes, les fameux archers en robe d'apparat. Persépolis fut construite ensuite, par Darius et ses successeurs, exclusivement selon la tradition iranienne des palais à colonnes ne différant guère que par leur module.

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L’apadana du palais de Persépolis

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La salle du trône identique à celle de Suse se dressait sur un soubassement dont deux des côtés sculptés illustraient le défilé des nations de l'empire devant le roi trônant au centre à côté de son fils. Il ne s'agissait pas là de l'évocation d'une fête particulière, mais du thème amplifié et constant de l'idéologie impériale, développé sous des formes différentes sur les jambages de portes des autres palais et surtout sur la façade de la tombe royale de Darius, reproduite par tous ses successeurs. Elle reproduisait en bas-relief le portique à colonnes de l'entrée d'un palais et au-dessus, c'est-à-dire à l'intérieur, l'estrade portée par les personnifications des peuples soumis, nommément désignés, en costumes nationaux et en armes, parce que néanmoins libres. Sur cette estrade, le roi apparaissait en prière devant l'autel du feu et, planant dans le ciel, un personnage divin dans lequel on peut reconnaître soit Ahura Mazda « dieu des Aryens », soit la personnification de la dynastie. Ce décor était commenté par ce texte : « Si tu penses : combien de pays possédait le roi Darius ? Regarde l'image de ceux qui soutiennent mon trône. Tu les reconnaîtras et tu apprendras ceci : que l'Homme perse a bataillé loin de la Perse ! » Ce décor illustrait donc comme la sacralisation du pouvoir, analogue à celle que l'on trouve sur nombre de sceaux où le vieux thème du maître des animaux a été transposé sur le plan politique : le personnage y apparaissait soit comme le roi, soit plutôt comme cet Homme perse, seigneur des autres hommes. Comment ne pas observer ainsi à la fois la permanence des thèmes de l'art en Iran, et le renouvellement de leur symbolisme par les Perses, héritiers des Élamites ?

Sphinx du palais de Darius à Suse. Briques siliceuses à glaçure, vers 510 av. J.-C. conservé au musée du

Louvre.

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Fantassins perses portant une lance et équipés d'un arc et d'un carquois, détail de la « frise des archers » du palais de Darius à Suse. Briques siliceuses à glaçure, vers 510 av. J.-C. conservé au Musée du Louvre.

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Mèdes et Perses sur les bas-reliefs l'escalier oriental de l'Apadana de Persépolis.

Personnage divin sortant d'un disque ailé dominant plusieurs bas-reliefs perses, généralement interprété

comme la représentation du grand dieu Ahura Mazda118 (ici sur une porte de Persépolis).