Hervé gouil

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La Responsabilité Sociale des Entreprises, mode ou modèle stratégique pour le développement des coopératives ? Hervé GOUIL 1 Introduction De nombreuses coopératives et leurs regroupements intègrent aujourd’hui les concepts de RSE et de Développement Durable à leur communication, voire à certains outils de management. En revanche, on perçoit une hésitation des mouvements coopératifs à s’inscrire résolument dans des stratégies directement inspirées du concept de RSE. Pour simplifier et tenter déjà de lever un premier risque de confusion, convenons que le développement durable « se fixe pour objectif de satisfaire les besoins humains dans un souci d’équité, en préservant l’Environnement, tout en maintenant la croissance éco- nomique » et que la RSE est « spontanément considérée comme la traduction au niveau d’une entreprise des principes de développement durable » (Allemand, 2006 : 11-64). Ainsi, en France, la compatibilité « génétique » des principes coopératifs avec ceux du Développement Durable est maintenant largement affirmée : « les coopératives s’inscrivent par nature dans le développement durable » (GNC, 2009). Cependant, les travaux de recherche sont encore rares, qui confirment la proximité du modèle de la RSE et des spécificités des expériences coopératives. On souligne davantage dans ce domaine le manque de crédibilité des entreprises cotées en bourse, soumises à la versatilité de leurs actionnaires et à la dictature du résultat à court terme (Villette, 2003), ou on questionne le fondement même de la notion de RSE (Capron et Quairel-Lanoizel, 2005). Aussi, tout se passe comme si, face à l’engouement pour le développement durable, le mouvement coopératif se confrontait à un choix difficile. Faut-il en effet : Saisir ce qui peut apparaître comme une opportunité de reconnaissance ? Dénoncer la supercherie marketing, le risque de banalisation ou de récupération d’une éthique de développement, dont les entreprises n’ont en général pas les moyens ? Ou proposer et promouvoir un modèle spécifiquement coopératif de développement « soutenable » ? L’étonnant pouvoir des coopératives ...507...

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La Responsabilité Sociale des Entreprises,mode ou modèle stratégique pour le développementdes coopératives ?

Hervé GOUIL1

Introduction

De nombreuses coopératives et leurs regroupements intègrent aujourd’hui les conceptsde RSE et de Développement Durable à leur communication, voire à certains outils demanagement. En revanche, on perçoit une hésitation des mouvements coopératifs às’inscrire résolument dans des stratégies directement inspirées du concept de RSE.

Pour simplifier et tenter déjà de lever un premier risque de confusion, convenons que ledéveloppement durable « se fixe pour objectif de satisfaire les besoins humains dans unsouci d’équité, en préservant l’Environnement, tout en maintenant la croissance éco -nomique» et que la RSE est « spontanément considérée comme la traduction au niveaud’une entreprise des principes de développement durable» (Allemand, 2006 : 11-64).

Ainsi, en France, la compatibilité « génétique » des principes coopératifs avec ceux duDéveloppement Durable est maintenant largement affirmée : « les coopérativess’inscrivent par nature dans le développement durable » (GNC, 2009).

Cependant, les travaux de recherche sont encore rares, qui confirment la proximité dumodèle de la RSE et des spécificités des expériences coopératives.

On souligne davantage dans ce domaine le manque de crédibilité des entreprises cotéesen bourse, soumises à la versatilité de leurs actionnaires et à la dictature du résultat àcourt terme (Villette, 2003), ou on questionne le fondement même de la notion de RSE(Capron et Quairel-Lanoizel, 2005).

Aussi, tout se passe comme si, face à l’engouement pour le développement durable, lemouvement coopératif se confrontait à un choix difficile. Faut-il en effet : Saisir ce quipeut apparaître comme une opportunité de reconnaissance ? Dénoncer la supercheriemarketing, le risque de banalisation ou de récupération d’une éthique de développement,dont les entreprises n’ont en général pas les moyens ? Ou proposer et promouvoir unmodèle spécifiquement coopératif de développement « soutenable » ?

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Si les coopératives choisissent la première option, il s’agit sans doute de s’assurer queleurs pratiques sont « durablement » exemplaires et de se donner les moyens de lesvaloriser, face à des concurrents financièrement et médiatiquement puissants.

Si la seconde option est retenue pour contrer le risque de banalisation des expériencesde l’économie sociale et solidaire, il s’agit alors de démontrer la faiblesse des propositionsconcurrentes, derrière la séduction du discours, et de prouver qu’on parle généralementd’autant plus de développement durable, qu’on est dans l’incapacité de le penser et dele mettre en œuvre.

Dans le troisième cas de figure, il faut proposer une critique constructive dudéveloppement (durable ou non), en redéfinissant précisément la pertinence desstratégies de coopération, face aux défis économiques, sociaux et environnementauxactuels. L’enjeu est alors de montrer l’importance des modes opératoires économiqueset des engagements éthiques, garantis statutairement, pour dépasser le simple énoncéd’une finalité généreuse et d’essayer d’y intéresser les partenaires ou acteurs influentsles plus proches.

Remarques méthodologiques.

Notre production est principalement une synthèse réflexive des expériences croiséesd’un panel de coopératives et mutuelles, représentatif de différentes formes decoopération (coopératives de consommateurs, bancaires, coopératives de production,coopératives d’entrepreneurs). C’est à partir de ces observations que nous tentonsd’articuler le questionnement stratégique individuel de ces coopératives, stimulé par « lanouvelle injonction à la RSE », avec ce qui pourrait constituer une réflexion stratégiquede l’ensemble du mouvement coopératif. Ces analyses ont été actualisées parl’organisation d’un atelier du 6 juillet 2012, qui a regroupé :

� la responsable du département juridique et vie coopérative du groupe COOPNORMANDIE-PICARDIE (coopérative de consommateurs, acteur de la distributionalimentaire), Madame Isabelle Catel ;

� le Directeur Général Adjoint de la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUELDE NORMANDIE SEINE, Monsieur Guillaume Lefebvre ;

� le Co-Directeur de la Coopérative d’Activités et d’Emploi COOPANAME, (SCOPregroupant plusieurs centaines d’entrepreneurs), Monsieur Stéphane Veyer.

Cet article doit beaucoup à la qualité du dialogue qui s’est instauré entre ces coopé -rateurs. Qu’ils en soient ici chaleureusement remerciés.

Ce travail porte donc principalement sur des expériences françaises. Il n’a pas deprétention universelle, mais valeur de témoignage et de proposition d’une grille d’ana -

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lyse, qui mériterait d’être réexaminée à l’aune d’autres contextes historiques, géogra -phiques et politiques. Nous espérons cependant qu’il puisse contribuer à la réflexiond’autres coopérateurs.

Le fond plus que la forme

Si la proximité entre la notion de responsabilité sociale des entreprises et les principescoopératifs semble évidente, il est utile de rappeler que les points de convergence sont aucœur des spécificités coopératives et ne concernent rien de moins que la propriété collectivenon cessible de l'entreprise, sa transmission solidaire d'une génération à l'autre, et la gestiondémocratique d'un projet dont l'entreprise reste le moyen. Ce cadre d'engagementsfondamentaux est statutairement garanti par le droit coopératif et « les règles statutairessont formellement plus solides que les engagements volontaires de RSE des entrepriseslucratives, car les démarches de celles-ci sont réversibles » (Blanc, 2008). Mais il estimportant d'observer que ces fondamentaux coopératifs rejoignent également lesprincipales théories économiques qui sous-tendent la notion de responsabilité sociale desentreprises ; notamment la théorie des parties prenantes, et la proposition de reconnaissancede biens communs mondiaux.

Les trois piliers de la Responsabilité Sociétale Coopérative

Il y a maintenant plus de dix ans, que l’ensemble des entreprises de l’économie sociale etsolidaire affirme leur intérêt pour la dynamique RSE (CEP-MAF, 2001). La ConférenceEuropéenne permanente des coopératives, mutuelles, associations et fondations rappelaitainsi : «Depuis 150 ans, il est indéniable que les entreprises d’économie sociale ont accumuléune expérience et un patrimoine significatifs en matière de responsabilité sociale». (Blanc,2008 : 6). Elles bénéficient dans ce domaine d’une reconnaissance, sinon du grand publicdu moins d’instances politiques et institutionnelles, comme celle de la Commission desCommunautés européennes qui dès 2002 souligne dans sa communication que :

« Les coopératives, mutuelles et associations, en tant qu’organisations fondéesautour d’un groupe de membres, savent depuis longtemps allier viabilitééconomique et responsabilité sociale. Elles parviennent à un tel résultat grâce àun dialogue entre leurs parties prenantes et une gestion participative et peuventdonc constituer une référence majeure pour les entreprises» (Blanc, 2008 : 6).

Pour ne pas se contenter de ces éléments déclaratifs, il s’agit donc de vérifier que lescoopératives sont effectivement dotées de caractéristiques avantageuses au regard desenjeux de la RSE.

Ce travail a été amorcé par exemple auprès de coopératives agricoles (Cariou, Fournie etWallet, 2006). Mais cette analyse peut être élargie à toutes les formes de coopératives, sur

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au moins trois piliers, que partagent - sous des formes d’expression légèrement distinctes -les différentes familles coopératives et les promoteurs du concept de développementdurable.

En effet, la « solidarité inter générations », la « gouvernance» impliquant la participationdes différentes parties prenantes, la primauté donnée à la lutte contre la précaritéidentifiée notamment dans le « rapport Brundtland » (Commission Mondiale surl’Environnement et le Développement, 1987) font étrangement écho aux principes etengagements forgés par les expériences coopératives issues de la première révolutionindustrielle :

� la solidarité inter générations des coopératives, assise sur la constitution de réservescollectives et impartageables, la transmission sans cession de l’entreprise auxnouvelles générations, qui permettent une orientation sur le temps long ;

� le rôle historique des coopératives « filles de la nécessité », pour lutter contre lapauvreté et l’exploitation, orientant l’action vers l’accessibilité du travail, des produitset services à tous ;

� le modèle de gestion démocratique et participative recherché par les coopérateurs,essentiel à l’expression de chacun, à la mobilisation de l’intelligence collective faceaux défis complexes.

Une légitimité coopérative statutairement mais aussi théoriquement fondée

Ainsi, non seulement les coopératives peuvent effectivement se prévaloir d’atouts pourrelever le défi de la RSE, mais ces atouts sont liés à des options radicales, garanties parles statuts coopératifs.

Comme le fait remarquer Guillaume Lefebvre (2012) « le rapport au temps et à l’espace,se caractérise par la primauté donnée au temps long et la fidélité à un territoire proche»,alors que le modèle de réussite entrepreneuriale capitaliste se caractérise par unedésolidarisation d’avec les territoires et une obsession du profit à court terme (Reich,1997).

Mais les intuitions coopératives sont aujourd’hui également confirmées par les nouvellesthéories et recherches économiques. Les statuts coopératifs sont en cohérence avec lesfondements théoriques identifiables du concept de Responsabilité Sociale desEntreprises, parce qu’ils associent directement au moins une partie prenante àl’entreprise au-delà de la fonction de financeur, et qu’ils défendent la notion de propriétécollective.

Ainsi, la théorie des parties prenantes a pris une place considérable dans toute lalittérature sur le concept de Développement Durable et de RSE. « Elle considère qu’un

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équilibre coopératif est atteint lorsqu’aucun groupe de parties prenantes ne peutaccroître sa propre utilité sans risquer une perte d’identité supérieure entraînée par leretrait d’un autre groupe de la coalition ». Plus encore, la notion de « biens communsmondiaux semble ouvrir une « alternative théorique » en portant l’attention sur « lesbiens essentiels permettant d’assurer la survie et la reproduction des sociétés humaines »(Capron et Quairel-Lanoizelée, 2005).

Responsabilité Sociale de l’Entreprise ouresponsabilité Sociale des Entrepreneurs ?

L’échange avec Isabelle Catel, Guillaume Lefebvre et Stéphane Veyer rappelle que l’onparle généralement de RSE comme si l’entreprise était le sujet. Or, les coopérateurstiennent à ce que la coopérative reste avant tout un objet. Ce sont les personnes, lessociétaires, les sujets. Égaux en droit au sein de l’assemblée, ils gardent la responsabilitéfinale de contrôle de la conduite de l’entreprise.

Dans une première synthèse d’un vaste travail de recherche entrepris sur le thème« L’entreprise, formes de la propriété et responsabilités sociales » par le Collège desBernardins, P. Baudoin Roger dénonce « la grande déformation de l’entreprise par lapression financière » et souligne que cette déformation contribue à forger une repré -sentation erronée de l’entreprise (Roger, 2011 : 4). L’analyse juridique de cette dé formationpermet de constater que : « l’entreprise elle-même n’a pas d’existence juridique en tantque collectif de personnes apportant des ressources en capital et en travail au service d’unprojet de création collective».

La question de la responsabilité renvoie donc à la question de la conception même del’entreprise, à sa finalité, à son objet, à leur traduction en droit. À ce sujet, l’élaborationd’un nouveau statut de « flexible purpose corporation » en Californie peut à juste titreéveiller l’intérêt des coopérateurs. Mais, tout se passe comme si l’expérience coopérativeétait en avance sur une question fondamentale de la RSE, la délicate question de laresponsabilité solidaire : « comment être responsable de quelque chose qui ne nousappartient pas en propre?».

La RSE comme rappel utile de l’importance de l’environnement

Le sens d’environnement est à prendre ici au sens large. Il faut cependant d’abord noterque les coopératives n'ont pas d'antériorité précise dans le domaine de la préservationde l'environnement biophysique.

Une des faiblesses préjudiciables concerne également la prise en compte des partiesprenantes extérieures à la coopérative. On observe de plus une pratique limitée del'intercoopération. La spécialisation fréquente sur un métier et autour de l'intérêt d'uneseule partie prenante contribuant à un risque de banalisation de nombreuses coopé -

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ratives et à expliquer la distance qui s'est créée entre elles. En conséquence, face au défide la RSE, les coopératives les plus petites et les plus isolées souffrent de la faiblesse desmoyens de mise en œuvre, et il est plus généralement difficile de compenser le manquede vision globale et d'une communication mutualisée suffisamment puissante.

Écart et convergence entre écologie et coopération

Il est difficile de reprocher à des coopératives fondées avant même l’apparition de lanotion de pollution de ne pas avoir inscrit la préoccupation de préservation del’environnement biophysique dans leurs statuts originels. Si cette lacune n’est pastoujours comblée, en revanche, la sensibilité environnementale est souvent intégréedans des projets coopératifs plus récents. Plus remarquable encore, de nombreuseséquipes et organisations travaillant directement sur la protection de l'environnement oula recherche d'énergie renouvelable ont délibérément choisi de se doter de statutscoopératifs (Enercoop, SCIC Conservatoire du Saumon Sauvage, The Natural Step ….).

Cette cohérence entre objet et forme d’organisation se retrouve dans l’analyseprospective qui pose la nécessité de passer d'une production et d’une distributioncentralisée des énergies à base fossile, à une production localisée, distribuée latéralementde l'énergie, produite sur la base de ressources renouvelables. Cette analyse relie lanécessaire révolution énergétique à l’avènement de modes d'organisation coopératifset de pratiques d’échanges transversaux en réseaux. « Au fil de cette évolution, leséchanges de biens sur des marchés vont céder la place aux relations d’accès à des réseauxcoopératifs » (Rifking, 2011), et citant le journaliste du New York Times Mark Levine : « lepartage est à la propriété ce que l’Ipod est à la cassette audio, ou le panneau solaire à lamine de charbon. Partager c’est propre, vif, ingénieux, post-moderne ; posséder c’estterne, égoïste, timoré, arriéré ».

Mais plus fondamentalement encore, on peut considérer que la recherche de conciliationentre activité économique et justice sociale par la coopération s'établissait déjà au XIXe

siècle comme résistance à une forme de violence, celle de la pronation économique. Lacaptation et la maitrise par quelques-uns de la plus grande part des ressources audétriment de populations entières se poursuit aujourd'hui sur l'intégralité des ressourcesnaturelles et à une échelle telle, que cette capacité d’appropriation sans souci d’égalité,de réciprocité et d’équilibre fait selon de nombreux analystes courir un risque majeuraux conditions mêmes de survie de notre espèce sur terre. (Rahnema, 2003 ; Rist, 2007et Lordon, 2006).

Cela renvoie au besoin de coopération comme capacité à gérer collectivement etintelligemment le rapport entre intérêts particuliers et intérêts de la communauté, enrecherchant un équilibre acceptable et à faire comprendre aux acteurs les plus agressifs,que leur voracité, derrière ce qui ressemble à leur triomphe, signe déjà leur perte.

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Établir le lien fondamental entre responsabilité sociale et responsabilité environne -mentale revient à reconnaitre la nécessité de résistance à une même violence, celle dudéséquilibre des échanges, celle de la pronation entre individus, comme vis-à-vis desressources naturelles.

Faiblesse de l’intercoopération et nécessité de prendre en comptestoutes les parties prenantes

Une difficulté majeure pour assumer un engagement coopératif massif en faveur de la RSEest la distance qui s’est créée entre les expériences coopératives. La spécialisation autourd’une activité, mais aussi dans la défense des intérêts d’une catégorie de parties prenantes alimité leur influence sur la totalité du projet économique et social d’une communauté sur unterritoire. Elle limite donc la légitimité perçue pour parler de RSE. En dehors de quelquesexceptions (unités du groupe Mondragon, Coopératives Sociales Italiennes et plus récemmentSCIC en France) les coopératives sont rarement «multi partenariales».

Malgré le travail des fédérations regroupant les différentes familles coopératives, quelquesinitiatives intéressantes, dont la création de l’Association Européenne des Groupes coopératifs(ECG) en 2002 pour proposer un modèle de développement coopératif à l’échelleeuropéenne, le lien entre expériences coopératives, con sommateurs, producteurs, financeurs,mais aussi chercheurs, juristes et éducateurs semble s’être distendu.

Ainsi, même si toute entreprise est une tentative de conciliation de champs d’intérêt quipeuvent apparaître divergents, les coopératives ne semblent pas avoir résisté à laschizophrénie ambiante, qui nous amène à vouloir optimiser successivement nos positionsd’acheteurs, de producteurs, d’investisseur ou d’épargnant, sans véritable conscience du lienentre ces positions.

Dans cette spécialisation, sorte de mouvement centrifuge, une rupture de lien fait que lesexpériences ne se consolident pas les unes par rapport aux autres. «On ne sait pas coopérerentre coopératives » nous dit Isabelle Catel. Il y a peu d’échange ou d’entraide entrecoopératives, et une coopérative seule ne dispose pas de l’impact ou la légitimité suffisantepour revendiquer une vision politique forte sur l’ensemble des domaines économiques,sociaux et environnementaux.

Peut-on construire un équilibre plus durable, une répartition plus juste des valeurs sans leregroupement ou du moins un dialogue intensif entre les différentes parties prenantes?

Entre menace et opportunité, la RSE : arme à double tranchant?

Les échanges entre coopérateurs soulignent les opportunités offertes par le succès du conceptde RSE et la législation de sa prise en compte, mais également les limites de l’approchenormative pour les coopératives. Les coopérateurs peuvent ainsi considérer le succès aumoins médiatique du concept de RSE à la fois comme une menace et une opportunité.

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Opportunité ou occasion de reconnaissance de la pertinence des principes coopératifs,mais menace de banalisation de l'engagement coopératif, noyé dans un discours généralsur la finalité sociétale de l'entreprise.

Opportunité d'être stimulé dans la lecture, la mesure, la communication des avantagescoopératifs et de leurs performances, en passant de l'implicite à l'explicite, de l’énoncéd’une valeur au suivi des actions. Mais crainte de passer du doute à la déception sur laperformance globale réelle.

D’ailleurs, même si un certain courant de doctrine économique dit «moraliste » a puinfluencer le concept de RSE, les études précises n’ont pas pu prouver un lien decorrélation entre éthique et performance de l’entreprise (Capron et Quairel–Lanoizelée,2005). Cela ne peut-être surprenant, car un comportement éthique consiste justementà s’interdire de faire certaines choses, alors qu’il serait dans son intérêt de les faire.

L’exigence de mesure et de sa publicité : avantage et limite de la RSE

Comme en témoigne Guillaume Lefebvre (2012) activement impliqué dans la démarchede RSE pour sa coopérative, « il y a un intérêt certain à répondre à l'engagement demesure des effets de l'activité de l'entreprise, en s'arrachant à la gravité d'une évaluationet d'une certification purement financières ». Cet intérêt de la mesure permet de rendreexplicite des performances ou des règles de conduite restée implicites et donc jusque-làplus facilement victimes de dérives.

Cependant, l'attention est portée sur le risque de dévalorisation de ce qui ne serait pasfacilement mesurable. Pour le dire autrement, la tendance peut être à la concentrationdes engagements de responsabilités sur des objectifs sans doute chiffrables, mais pasforcément essentiels. La menace suivante est de rechercher dans la mesure surtout uneconformité à la norme progressivement commune à l’ensemble des entreprises. Or, allerjusqu’au bout de la réflexion de la question de la responsabilité, c'est comme le ditStéphane Veyer poser la question « du choix de l’extension de la citoyenneté dans lechamp économique», de la liberté d’action des coopérateurs, c'est-à-dire du respect dela démocratie dans l’organisation du travail et des échanges.

Le poids du marketing et du désir de reconnaissance

Le risque que les entreprises les mieux dotées sur le plan des moyens d’action et decommunication se positionnent en leaders de la RSE n’échappe pas aux coopérateurs,qui peuvent craindre que les voix dispersées des coopératives ne soient guère audibles.

Cette forme de banalisation du mouvement coopératif par l’appropriation d’un discourssur la finalité sociale et l’éthique environnementale par les entreprises les plus puissantesest d’autant plus pernicieuse qu’elle peut apparaitre à certains coopérateurs comme uneforme de reconnaissance tardive de leurs propres convictions et engagements.

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Comme l’avaient analysé il y a déjà trente ans Laufer et Paradeise, le marketing s’estimposé comme une formidable machine de construction de légitimité pour l’entreprise :

«Contrairement au Prince de Machiavel, le Prince moderne est un démocrate :pour lui il s’agit moins de l’emporter par le tranchant des armes que de persuaderpar les fleurs de la rhétorique. Par l’étude de marché et le sondage d’opinion ilôte les mots de la bouche du public pour produire le langage légitimant qu’il luirenverra à travers les mass media» (Laufer et Paradeise, 1982).

La RSE, quelle que soit la conviction des personnes qui y travaillent, participe de cettefonction marketing. De plus, cette version du chant des sirènes - défensif d’un modèleéconomique dominant, mais fortement remis en cause - peut également faire songer àabandonner les outils d’évaluation et de suivi développés spécifiquement par lescoopérateurs ou dans le champ du secteur non lucratif (la révision coopérative, le BilanSociétal…) pour adopter les nouveaux outils de mesure présentés comme universels.

Pour les coopérateurs rassemblés à Rouen le 6 juillet 2012, cependant, s’il y a intérêtpour les coopératives à traiter de la question de la RSE, c'est d'abord par l'occasiondonnée de reparler des principes coopératifs.

La RSE une arme factice en temps de crise ?

« La solution est dans l’impasse » dit un proverbe chinois et « Là où est le danger, là croitaussi ce qui sauve » (Vegleris, 2006 : 77).

Conjoncturellement, mais de manière radicale, l'aggravation de la situation économiqueet sociale en Europe dans de nombreux autres pays révèle les deux faces de la crise.

Celle d'une menace majeure qui peut amener l'ensemble des acteurs y compris lescoopératives à se replier sur des objectifs de survie à court terme, et à affronter lesdifficultés en réduisant l'effort de solidarité aux sphères les plus proches. L'engouementpour le développement durable et la RSE devenant une victime collatérale de la crise.

Celle d’une opportunité d’un véritable changement, c'est-à-dire de transformation desrègles, d’une métanoïa.

Or, cette voie de la transformation est évoquée notamment par Jeremy Rifking dans « latroisième révolution industrielle ». Ce n'est pas un hasard si l’auteur évoque trèslargement la question de la coopération comme pilier de cette nécessaire transformation.(Rifking, 2011).

En effet, non seulement la crise actuelle questionne les méthodes de gestion centralisées,mais elle met à l'épreuve la démocratie elle-même (Reich, 2008a). La vocation historique

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de la coopération comme mouvement de démocratisation de l'économie est donc plusque jamais essentielle, alors que c'est la notion même de citoyenneté, qui est menacée.

« Tel Janus, le capitalisme hyperconcurrentiel contemporain a un doublevisage. S’il a de quoi séduire consommateurs et épargnants, les millions dedollars dépensés chaque année en lobbying ont sapé les fondements de ladémocratie »…«Qu’est-ce qui faisait que le capitalisme démocratiquefonctionnait aussi bien, tant du point de vue économique que politique ?L’existence d’une couche d’instances intermédiaires qui représentaient lesindividus en tant que citoyens et pas seulement en tant que consommateursou investisseurs. Les syndicats, les partis politiques et bien d’autres orga -nisations participaient à la formation et à l’expression de la volontégénérale »… « Le pouvoir de Wal-Mart (l’une des entreprises phare du supercapitalisme) provient de ce qu’elle agrège des millions de consommateurspour obtenir les meilleurs prix en amont. Il en est de même des fonds d’in -vestissement, qui agrègent l’épargne de millions de retraités pour obtenir lesmeilleurs rendements des entreprises. Les consommateurs / épargnants quenous sommes y ont gagné, mais les citoyens y ont perdu. Nous n’avons pasles moyens de nous exprimer quant aux conséquences sociales, écologiquesou civiques du supercapitalisme» (Reich, 2008b).

La RSE comme appel a une refondation du projet coopératif

Ainsi, la question de la RSE ne peut pas se résumer pour les coopératives à une questionde marketing, c'est-à-dire de légitimité de leur action vis-à-vis de différents publics quipeuvent contribuer à leur réussite. Elle incite à une véritable réflexion stratégique,puisqu'elle renouvelle le questionnement sur la finalité de l'entreprise, comme sur lesmoyens de déployer son action et ceci dans un contexte de crise majeure.

Comme en témoigne Isabelle Catel, la RSE peut renvoyer « à l’obligation d’être économesur l’ensemble des ressources afin de mobiliser les moyens sur l’essence même du métier,le service au sociétaire ».

Pour l’ensemble des coopératives, reconnaître cette dimension stratégique de la RSEnécessite d’abord de réaffirmer une ambition, puis de faire des choix pour concentrer lesefforts sur les leviers et actions les plus efficients pour la réaliser.

Se pose donc concrètement la difficulté de s’accorder sur cette ambition, cette place àprendre du mouvement coopératif pour répondre aux défis environnementaux sociauxet économiques de notre époque. Se pose également la question du temps pour construireune nouvelle vision stratégique suffisamment commune, pouvoir en conséquence choisirles meilleures options stratégiques et mutualiser les moyens d’action.

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Cependant, l'observation et la réflexion peuvent permettre de repérer déjà certainespistes en tenant compte de cette nécessaire articulation entre le temps long et le tempscourt, du poids économique globalement minoritaire des coopératives, comme de leurincomparable expérience.

L’Aïkido appliqué à la RSE (Renversement Subtil de l’Energie)

L’image de l’aïkido - art martial d’origine japonaise où il est essentiel d’utiliser à sonavantage l’énergie déployée par le « partenaire/adversaire » - s’est imposée lors d’uneétude consacrée aux entreprises socialement responsables (Bourgeois et Gouil , 2002),en observant les entreprises coopératives ou non qui obtenaient les résultats les plusprobants. Il ne s’agissait pas de « résistance à la mondialisation ni de ligne Maginot(stratégique de répartition uniforme, mais espacée des moyens de défense), mais d’effortsintelligents pour composer avec la logique économique afin de préserver l’emploi local ».

Par analogie, il semble possible d’accepter aujourd’hui le dialogue que constitue le sujetde la RSE entre entreprises coopératives et non coopératives, pour démontrer dans unpremier temps l’efficience des stratégies de coopération générant des échanges« gagnants / gagnants », dont on pourrait dire que nos entreprises comme nos sociétésn’ont plus aujourd’hui les moyens de s’exonérer.

C’est ensuite qu’une analyse plus exigeante de la notion même de RSE peut débouchersur une nouvelle démonstration. Celle de l’impossibilité de concevoir un développementdurable sans une extension considérable non seulement des pratiques de coopération,mais du droit coopératif. Ce droit garantissant un espace d’échanges à duréeindéterminée, basés sur la réciprocité, la solidarité, un partage de la propriété del’entreprise comme des ressources essentielles, une gestion et une régulationdémocratiques.

La cause coopérative peut-être fondée sur la compréhension qu’il y a un modèle dedéploiement des activités humaines à réinventer. Ce contre quoi luttent les coopératives,c’est ce que dénonce déjà Aristote « le pouvoir qu’a l’argent lorsque le désir s’en empare,de s’arracher à la réciprocité des rapports communautaires, de s’orienter vers uneaccumulation déraisonnable, de passer hors l’enceinte de la citée » (Henaff, 2002 : 108).L’appel à la RSE sonne en effet comme un rappel de l’enjeu que les coopératives ontessayé de tenir depuis leur création : maintenir l’économie dans une réciprocité deséchanges en rappelant que la communauté humaine peut se retrouver dans la quêted’une bonne vie, d’une vie heureuse et se dissoudre dans la fuite vers l’accumulationsans fin de richesses. « Ce mouvement sans fin, cette fuite dans l’illimité, que lecapitalisme suppose et affronte sans y voir un abîme ou une plongée dans l’indéterminé»(Henaff, 2002 : 133).

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Reprendre initiative et influence sur quatre piliers de développement

On remarque donc à la fois l’étroitesse du chemin coopératif, mais également sonadaptation à la complexité d’une ambition de développement durable, qui ne peut fairereposer sa réalisation sur une quelconque certitude, mais sur une capacité decommunication très poussée et d’échanges créatifs entre les différents acteursconcernés. Dans la poursuite de l’inspiration des arts martiaux, quatre champs d’actionprioritaires s’ouvrent, qui constituaient jusque-là les principaux moteurs du« supercapitalisme».

Internet bien sûrNé d’une commande de guerriers et mis à profit pour démultiplier la puissance desfinanciers, Internet est aussi un fantastique champ de découverte du fonctionnement enréseau et de « nouvelles approches de la coopération » (Cornu, 2004). Plus largement,

« Les TIC offrent l’opportunité de construire une société de la connaissance,de piloter plus efficacement le vaisseau Terre et de faire germer la citoyennetédu XXIe siècle. …Il est aussi grand temps d’y introduire de renforcer les règlesde gouvernance de l’Internet, véritable enjeu de développement durable »(Berhault, 2008 : 37).

L’éducation toujoursL’effort d’éducation à la citoyenneté permettant une compréhension simultanée desenjeux de coopération et de contribution globale de chacun à un développement collectifdurablement harmonieux semble une priorité évidente.

Ainsi, il est très encourageant de découvrir que malgré les résistances rencontrées, deschercheurs poursuivent de manière remarquable le travail sur les pédagogiescoopératives, notamment à travers l’Institut Coopératif de l’Ecole Moderne, (Go, 2010)et que des programmes comme l’animation des Coopératives Jeunesse de Services, auQuébec, permettent une découverte précoce et concrète de la conduite coopérative deprojets.

S’intéresser au transportDans la même logique, les coopératives ont sans doute à investir ou réinvestir le secteurdes transports, notamment du transport maritime, dont l'abaissement des coûts arenforcé la domination des multinationales, facilité la délocalisation des productions etla spécialisation mortifère de nombreuses économies. Même si le défi semble de tailledans les secteurs à forte concentration capitalistique, l’évolution des pratiques deconsommateurs (favorables aux circuits courts comme à l’auto partage) ouvre denouvelles portes.

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Soutenir les investissements coopératifs dans les énergies renouvelablesAu-delà de l’intérêt de substituer des énergies renouvelables aux énergies fossiles, l’enjeude la gestion coopérative de leur production et de leur distribution est majeur. Là encore,des expériences coopératives innovantes et pionnières ouvrent la voie. Enercoop estainsi en France :

« le seul fournisseur d'électricité à s'approvisionner directement et à 100% auprèsde producteurs d'énergie renouvelable (solaire, éolien, hydraulique et biogaz). Sesbénéfices sont réinvestis dans les énergies renouvelables. Il est également le seulfournisseur d'électricité sous forme coopérative» (Enercoop, 2012).

Conclusion : répondre à la recherche de sens

Il n’est pas besoin de la RSE pour percevoir la crise du management, et l’attente par denombreuses personnes d’un autre rapport au travail et à la consommation. C’est ainsique la SCOP Coopérative d’Activités et d’Emploi COOPANAME a construit son projet,résumé par sa Présidente Anne Chonik Tardivel : « construire ensemble une entreprisecommune, un outil d’émancipation que nous gérons démocratiquement, dont la seuleambition est de permettre à chacun de vivre dignement de ce qu’il sait faire, avec qui ilveut, au rythme qu’il choisit » (Coopaname, 2011).

C'est sur cette question du travail, du sens du travail et des conditions de travail, que sedessine peut-être à nouveau, 150 ans après la première révolution industrielle, le levierd'adhésion le plus fort au mouvement coopératif. De nombreux producteurs, jeunes etvieux, opérateurs ou cadres interrogent les coopératives. Ils constatent souvent que lesalariat reste un contrat de subordination, mais de moins en moins une garantie desécurité, que l’entrepreneuriat en dehors d’une communauté solidaire est de plus en plusrisqué. Ils expriment donc leur aspiration à une véritable responsabilité, c'est-à-dired’abord à une liberté. On peut lire ce besoin de Respect, Solidarité et capacitéd’Entreprendre utilement, dans l’intérêt pour la RSE. Cependant, ces chercheurs de sensdécouvrent, s’ils y prêtent vraiment attention, que la porte de la RSE ouvre sur lanécessité d’un autre rapport à l’autre, au temps, à l’argent, à la propriété. Ils peuventapprendre que des expériences, souvent difficiles, mais concrètes ont été menées pourconstruire des échanges moins violents, plus équilibrés, plus durables, plus réciproques.

Il est donc d’abord du pouvoir et de la responsabilité des coopératives de défendre etd’étendre ces espaces précieux de projets, pour les y accueillir.

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Note1 Observatoire du Management Alternatif AMO, hébergé par HEC Paris.

Bibliographie

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de l’Aube.BLANC, J. (2008). « Responsabilité Sociale des entreprises de l’économie sociale et solidaire : des relations

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Résumé

Les points de rencontre entre RSE et principes coopératifs ne concernent rien de moins que la propriétéde l'entreprise, sa transmission d'une génération à l'autre, et sa gestion solidaire et participative.Aussi, les coopérateurs peuvent considérer le succès du concept de RSE à la fois comme une menaceet une opportunité. Opportunité de reconnaissance de la pertinence des engagements coopératifs,mais menace de leur banalisation. Opportunité d'être stimulés dans la mesure de leur performanceglobale. Mais crainte parfois du résultat. Pourtant, les ravages d’un capitalisme surpuissant sontcomme une marée noire qui déborde le frêle barrage flottant de la RSE, comme la capacité derégulation démocratique des états. Dans ce contexte, la responsabilité sociétale des entreprisescoopératives ne peut se réduire à une question de marketing. Elle renvoie à leur vocation historiquede démocratisation de l'économie et aux choix stratégiques des leviers d’actions pour réaliser cetteambition.

Summary

Corporate social responsibility (CSR) and cooperative principles converge on business ownership, thetransfer of ownership between generations, and its communal and participative management.Cooperators may therefore see the rise of CSR both an opportunity and a threat: an opportunity topromote the importance of cooperative commitments, but also the threat that they may be trivialized.While the opportunity to have their overall performance assessed can be motivating, it can also bedaunting. Yet, the devastation caused by crushing capitalism is like an oil spill that the fragile CSRboom cannot contain, and that threatens states’ capacity for democratic regulation. In this context,cooperatives’ responsibility to society cannot be reduced to a matter of marketing. This responsibilityis entrenched in their traditional mission of democratizing the economy and their strategic choicesof levers to achieve this ambitious goal.

Resumen

La Responsabilidad Social Corporativa (RSC) y los principios cooperativos convergen sobre lapropiedad de la empresa, su transferencia de generación en generación y su gestión solidaria yparticipativa. Los cooperativistas pueden considerar el éxito del concepto de RSC no sólo como unaoportunidad sino también como una amenaza. Oportunidad de que se reconozca la pertinencia delos compromisos cooperativos pero amenaza de que sean trivializados. Oportunidad de verseestimulados en la medida de su resultado global pero también, a veces, temor de ese resultado. Sinembargo, los estragos de un capitalismo aplastante son como una marea negra que sumerge lasfrágiles barreras de contención de la RSC así como a la capacidad de regulación democrática de losestados. En este contexto, la responsabilidad social de las empresas cooperativas no puede limitarsea un problema de marketing. Remite a su vocación histórica de democratizar la economía y a suselecciones estratégicas de los modos de acción para concretar ese objetivo.

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