HERVÉ LE TREUT nouveau climat sur la terre

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HERVÉ LE TREUT NOUVEAU CLIMAT SUR LA TERRE COMPRENDRE, PRÉDIRE, RÉAGIR N OUVELLE B IBLIOTHÈQUE S CIENTIFIQUE Flammarion Extrait de la publication

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HERVÉ LE TREUTnouveau climat sur la terre comprendre, prédire, réagir

N o u v e l l eB i b l i o t h è q u eS c i e n t i f i q u e

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NOUVEAU CLIMAT

SUR LA TERRE

comprendre, prédire, réagir

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DU MÊME AUTEUR

L’Effet de serre. Allons-nous changer le climatÞ? (avec J.-M.Jancovici), Paris, Flammarion, coll. «ÞChampsÞ», 2004

Le Changement climatique (avec G.ÞJacques), Paris, Unesco,2004

ClimatÞ: chronique d’un bouleversement annoncé (avecD.ÞHauglustaine, J.ÞJouzel), Paris, Le Pommier, 2004

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Hervé Le Treut

NOUVEAU CLIMATSUR LA TERRE

comprendre, prédire, réagir

Flammarion

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Cartes, schémas et graphiquesþ: Édigraphie, Rouen

© Paris, Flammarion, 2009ISBNÞ: 978-2-0821-0587-3

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INTRODUCTION

L’urgence se fait de plus en plus pressanteÞ: le climat denotre planète évolue dangereusement, et ce danger se révèlepeu à peu inévitable. Dès les années quatre-vingt, la commu-nauté scientifique a lancé un message d’alerteÞ: l’aug-mentation dans l’atmosphère des gaz à effet de serre vainévitablement provoquer un réchauffement global de laTerre pouvant déclencher de multiples perturbationsÞ: séche-resse et désertification ici, tempêtes violentes et inondationslà, fonte des glaces et hausse du niveau de la mer ailleurs… Ils’agissait alors de prévisions – les premiers signes du réchauf-fement et de ses conséquences n’étaient pas encore mesu-rables –, mais la réalité les a progressivement confirmées.

Aujourd’hui, les responsables politiques ont accepté le dia-gnostic des scientifiques et considèrent avec eux qu’unréchauffement global de plus de 2Þ°C représente un niveau dedanger à éviter absolumentÞ: il risque d’occasionner une évo-lution incontrôlable du climat. En serons-nous capablesÞ?Compte tenu de la force d’inertie du système climatique, ilnous reste très peu de temps pour réagirÞ: quelques décenniestout au plus pour accomplir des efforts d’une ampleur consi-dérable qui n’empêcheront pas tous les effets du changementclimatique, mais devraient nous prémunir des plus graves.

Nous devons diminuer au plus vite nos émissions de gazà effet de serre, mais aussi apprendre à mieux gérer notre

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planète dans un contexte où se développent d’autres fac-teurs de criseÞ: croissance démographique, réduction de labiodiversité, exploitation plus difficile des réserves de com-bustibles fossiles, accès encore très inégal des populationsaux biens vitaux (eau potable, nourriture), mais aussi auxsystèmes de santé… Seule une démarche politique, au sensle plus fort du mot, peut assurer la cohérence de choixcomplexes à opérer tant les paramètres à prendre encompte sont nombreux. Car il s’agit d’engager l’ensemblede la société, pas seulement les scientifiques et les techni-ciens, dans une démarche touchant les plans éthique,social, géopolitique. Mais faire connaître ces choix, encomprendre les implications, les faire accepter par des payset des groupes sociaux dont les intérêts sont objectivementdivergents requiert le développement d’une expertise scien-tifique à la fois incontestable et partagée.

La connaissance que nous avons de notre planète évoluesans cesse. Elle résulte d’une histoire scientifique longue deplusieurs siècles, voire de plusieurs millénaires, qui s’esttrès fortement accélérée ces dernières décennies. À la fin duMoyen-âge, on débattait encore de la rotondité de laTerre. À la fin du XIXeÞsiècle, de nombreux territoiresdemeuraient inexplorés. Au XXeÞsiècle, les mécanismes quirégulent le climat ont commencé à être appréhendés sousforme quantitative. À la fin des années soixante-dix, àl’époque où je commençais une thèse dans l’équipe demodélisation du climat que Robert Sadourny et KatiaLaval venaient de former à l’École normale supérieure, unesécheresse particulièrement durable au Sahel, synonyme defamine pour les populations locales, soulevait, pour la pre-mière fois de manière aussi dramatique, le problème del’impact des activités humainesÞ: les pâturages avaient fragi-lisé la savane et modifié la réflexion des sols, provoquant,croyait-on alors, une diminution des précipitations. Le déve-loppement de systèmes d’observation ou de modélisationétait au cœur du travail de recherche. Depuis, une nouvelle

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étape a été franchieÞ: l’œil des satellites permet d’observerla Terre partout et à chaque instant, ou presqueÞ; la capa-cité de calcul des ordinateurs a été multiplié par 1 millionÞ;l’histoire des climats passés de la planète s’est écrite grâce àl’apport de techniques entièrement nouvelles.

Ce très long chemin, parcouru en si peu de temps, achangé le regard que nous portons sur notre planète. Voilàquelques siècles, elle était immense, hostile, inconnue. Aufil des explorations et des études, sa part de mystère n’acessé de diminuer, tout comme ses dimensions. Depuisque les astronautes ont pu embrasser d’un seul regard lapetite boule bleue et blanche perdue dans l’espace, nous nel’envisageons plus comme une terra infinita, incognita,abritant toutes sortes de mystères à percer. La Terre estdevenue notre domaine, un peu exigu, mais familier,apprivoisé. Cette vision nous a aussi fait prendre cons-cience de sa fragilitéÞ: elle est notre unique «Þvaisseau spa-tialÞ»… et nous y sommes toujours plus nombreux. Nousétions deux milliards dans les années cinquante, près desept milliards aujourd’hui, neuf milliards dans les décen-nies à venir. Une humanité croissante menace nécessaire-ment une planète aux dimensions et aux ressourceslimitées, et il est désormais évident que celles-ci viendrontà manquer. Cette prise de conscience a commencé à semanifester dans les années soixante-dix. Le célèbre rapportdu Club de Rome, «ÞHalte à la croissance. Rapport sur leslimites de la croissance1Þ», montrait déjà que notre modede développement ne pourrait se perpétuer indéfiniment,un thème qui fut au cœur de la campagne présidentielle deRené Dumont en 1974. Le grand choc pétrolier de 1973

1. Rapport établi par le Massachusetts Institute of Technology àla demande du Club de RomeÞ: D.þH. Meadows, D.þL. Meadows,J.ÞRanders et al., The Limits to GrowthÞ: A Report for the Club ofRome’s Project on the Predicament of Mankind, traduit de l’anglais parJ.ÞDelaunay, préface de R.ÞLattès, Fayard, 1972.

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constitua lui aussi une illustration frappante du caractèrelimité de nos ressources. Et, toujours à cette époque, desindicateurs objectifs témoignaient pour la première foisde changements environnementaux de grande ampleur.Ainsi, les premières mesures systématiques du tauxatmosphérique de dioxyde de carbone, lancées en 1957,ont traduit tout au long des années soixante une augmen-tation de plus en plus significativeÞ: la composition del’atmosphère était fortement affectée par les activitéshumaines.

Parallèlement, l’exploration de notre planète a engendréun autre sentiment, très différentÞ: un sentiment de puis-sance, de maîtrise. Ainsi, après la Seconde Guerre mon-diale, on assista à la conception et à la mise en œuvre deprojets colossauxÞ: des barrages immenses construits pourmaîtriser l’avenir énergétique, comme ceux d’Assouan, enÉgypte, ou plus récemment des Trois-Gorges, en ChineÞ;un système d’irrigation de grande ampleur, tel celui per-mettant à l’Ouzbékistan de produire des tonnes de coton,a coupé l’alimentation d’une des plus grandes mers ferméesdu monde, la mer d’Aral, et l’a condamnée à un assèche-ment rapideÞ; ou encore des projets que nous n’oserionsmême plus imaginer et qui ont été finalement abandonnés,tel celui d’une usine marémotrice barrant toute la baie duMont-Saint-Michel.

Si l’ère de ces grands projets semble révolue, la multi-plication des images et des informations disponibles,l’accroissement indéniable de nos connaissances continuentd’entretenir l’espoir que nous pourrons un jour utiliser notreplanète de manière rationnelle, en contrôlant son fonction-nement, en la modifiant, voire en la réparant à notre guise.Depuis peu, on laisse entendre que certaines technologies(réalisées ou en projet), regroupées sous le terme de «Þgéo-ingénierieÞ», sont capables de contrecarrer le changementclimatique. A l’heure des choix importants, entretenir unetelle illusion peut engendrer de dangereux malentendus.

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L’importance que ces procédés ont prise dans le débatpublic a justifié un rapport1 de la Royal Society, l’académiedes sciences britannique. Un groupe d’experts a évalué lesbénéfices potentiels, les coûts des différents procédés, etmis en relief les dangers de certaines méthodes, notammentcelle consistant à injecter dans l’atmosphère des particulessoufrées capables de réfléchir le rayonnement solaire.

De fait, ces dernières décennies, la recherche nous arévélé la complexité, encore largement incomprise, de lamachine climatique. Et l’humilité s’impose face à un sys-tème qui, tel le corps humain, apparaît infiniment pluscomplexe à mesure que nous l’explorons. Ce qui a conduitles scientifiques à donner l’alerte, c’est finalement la com-binaison de ce qu’ils savent – l’identification d’un méca-nisme inexorable de réchauffement de la planète, unfaisceau d’indications mettant au jour les débuts d’un chan-gement climatique important, appelé à s’intensifier – et dece qu’ils ne savent pas – l’incapacité de prévoir avec préci-sion le comportement d’un système multiple dont le cli-mat n’est que l’un des déterminants.

Ce que les chercheurs savent procède d’une recherchecollective organisée depuis plus d’un siècle à l’échelle inter-nationale. Sous l’égide du Programme des Nations uniespour l’environnement (PNUE), de l’Unesco et du Conseilinternational pour la science (CIUS, une émanation desacadémies et sociétés savantes), au travers d’instancesplus spécifiques telles que l’Organisation météorologiquemondiale (OMM) ou la Commission océanographiqueinternationale (COI), ont été créés tous les outils permet-tant une étude de la planèteÞ: observatoires, systèmesd’analyse et de prévisions. Ainsi, c’est une communauté deplusieurs milliers, voire dizaines de milliers de chercheurs,travaillant dans plusieurs centaines d’instituts, qui a permis,

1. Geoengineering the Climate. Science, Governance and Uncer-tainty, septembreÞ2009.

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au cours des vingt dernières années, d’évaluer le risqueclimatique. Résumées dans les rapports successifs duGroupe intergouvernemental d’experts pour l’étude duclimat (le GIEC, lui-même émanation de l’OMM et duPNUE), ces études ont eu une influence décisive sur ledéveloppement d’une action politique internationaledestinée à réduire les émissions de gaz à effet de serre.Cette action, lancée avec le Sommet de la Terre à Rio(1992), en présence d’un grand nombre de chefs d’État,s’est poursuivie avec le protocole de Kyoto (1997Þ;entrée en vigueur en 2005), qui a quantifié les objectifsde réduction des émissions pays par pays pour lapériode 2008-2012. C’est aussi le diagnostic de lacommunauté scientifique qui permet de définir lesobjectifs de l’après-Kyoto (2010-2020), lesquels consti-tuent l’enjeu du prochain Sommet international desNations unies sur le climat, prévu en décembre 2009 àCopenhague.

Ce que nous ne savons pas comporte une large gammede risquesÞ: quelles seront les régions du monde les plusaffectéesÞ? D’ici à 2100, de combien de dizaines de centi-mètres le niveau de la mer se sera-t-il élevéÞ? Etc. Non seu-lement nous n’avons pas de réponse précise à ces questions,mais nous ne savons même pas si nous en aurons un jour.Le système climatique est à la fois chaotique et ordonné,prévisible et imprévisible. Cette part d’incertitude, pour lemoment irréductible, doit inciter à prendre des mesuresdraconiennes de préservation de notre environnement.Mais elle complique l’adoption à l’unanimité d’un agendapolitique adéquat. D’un côté, les actions nécessaires pourréduire les gaz à effet de serre – dans le jargon des négocia-tions, on parle de «ÞmitigationÞ» – sont connuesÞ: économiesd’énergie, recours à des énergies non carbonées, maîtrise desmassifs forestiers, réduction des émissions de gaz à effet deserre (dioxyde de carbone, méthane, oxyde nitreux, fréons),stockage du carbone. De l’autre, nous savons que nous

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devrons aussi nous protéger des effets désormais inévitablesdu changement climatique – on parle alors d’adaptation. Lecouple mitigation/adaptation est indissociable. Mais cetteadaptation ne sera possible que si l’amplitude du change-ment reste modérée. ConclusionÞ: tout retard dans la réduc-tion des émissions de gaz à effet de serre implique uneresponsabilité croissante des pays occidentaux (les plus grosémetteurs de gaz depuis une cinquantaine d’années) et despays émergents (depuis une dizaine d’années) vis-à-vis desvictimes. Par ailleurs, la nécessité d’une action rapide changeaussi la nature du problème et complique la mise en œuvrecollective de solutions. Longtemps, l’incapacité scientifique àdétailler la géographie des changements à venir a été perçuecomme un atoutÞ: les différentes nations de la planète émet-taient des gaz à effet de serre que l’atmosphère se chargeait trèsvite de mélanger. Comme il était impossible de distinguerles gagnants des perdants, le problème climatique se résumaità l’affirmation d’une solidarité planétaire face à un dangercommun. Il devient impossible d’ignorer que nous nesommes pas égaux face au changement climatique en termesde responsabilité et de risques encourus. Si nous n’en tenonspas compte, nous pénaliserons les nations les plus vulnérables.

L’ambition de ce livre est directement liée à cette diffi-culté. Les mesures à prendre doivent se développer à diffé-rentes échelles – internationale, nationale, locale –, alorsmême qu’elles mettent en jeu des intérêts différents, par-fois contradictoires. Cela ne sera possible que si tous lesacteurs partagent une perspective, une intuition, la plusjuste possible, de ce qui nous attend dans les prochainesdécennies. À ce titre, le développement d’une expertisescientifique de haut niveau dans les pays émergents,laquelle n’a plus rien à envier à celle des pays développés,contribue à une prise de conscience plus largement partagéedes risques et peut faciliter les négociations internationales,tandis que le manque d’informations des nations les pluspauvres est un handicap auquel il est urgent de remédier.

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Mais veillons à ne pas tomber dans la simplification.Faire du changement climatique une catastrophe absolue,sans échappatoire ni rémission, c’est aller au-delà de ceque dit la science et c’est priver les générations futures detoute perspective autre que celle d’un avenir douloureuxquels que soient les efforts entrepris. S’autoriser un rela-tivisme (l’humanité s’en est toujours sortie, et il n’y a pasde raisons que cela change) somme toute très approxima-tif, c’est ignorer les souffrances, les famines, les capricesde la nature qu’ont dû affronter les générations passées etinstaurer en système une désinvolture qui menace grave-ment les générations futures. Les circonstances com-mandent au contraire une réaction collective, organisée etprompte.

C’est en coordonnant un chapitre sur l’histoire desrecherches climatiques, publié dans le dernier rapport duGIEC (2007), que m’est apparu l’intérêt de transmettrela façon dont s’est élaboré et continue de l’être l’ensembledes connaissances scientifiques et des modes de raison-nement qui nous permettent d’aborder cette crise envi-ronnementale sans précédent. Notre regard s’est affinépeu à peuÞ: inévitablement, les théories proposées pourdécrire un système aussi complexe et hétérogène que lesystème climatique n’ont qu’une validité partielle etsont immédiatement suivies par d’autres théories unpeu plus précises. C’est ainsi, d’étape en étape, que sesont développées les connaissances qui permettentd’affronter des problèmes nouveaux, comme le rôle desactivités humaines.

Pour éviter les faux débats et les controverses non fon-dées, il est indispensable de savoir situer les uns par rapportaux autres des processus qui se développent à des échellesd’espace et de temps d’une incroyable variété. Le climatcorrespond pourtant à une notion fort concrèteÞ: c’est bienlui, et non la météorologie du jour, qui détermine la dis-tribution géographique des écosystèmes, la structure de

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l’habitat, le mode vestimentaire et le régime alimentaire,l’organisation de la vie économique et sociale. Et c’est bienl’évolution future du climat qui nous préoccupe, même sic’est très souvent au travers de ses manifestations les plusextrêmes (tempêtes, inondations…) que les médias ou legrand public cherchent à l’appréhender. Il s’agit doncd’inscrire les fluctuations météorologiques dans le cadred’évolutions plus lentes, plus globales, plus organisées.

Mais ces fluctuations plus lentes couvrent elles-mêmesun registre très étendu. L’histoire de notre planète sedéroule sur plusieurs milliards d’années. Le positionne-ment de l’Antarctique au pôle Sud s’est effectué il y a envi-ron 100Þmillions d’années. Les grands cycles glaciaires duquaternaire se sont organisés à l’échelle de dizaines ou decentaines de milliers d’années. L’âge interglaciaire, pendantlequel les civilisations humaines se sont développées, duredepuis 10Þ000Þans, tandis que les émissions de gaz à effetde serre augmentent de manière particulièrement brutaledepuis 50ÞansÞ! Enfin, pour parler de l’attente la plus ordi-naire, elle concerne surtout la pluviosité du prochain étésur son lieu de vacances.

L’étude de chaque échelle de temps nous aide à com-prendre un processus particulier. Comment agréger toutesces connaissances dans une vision cohérente du fonction-nement de la TerreÞ? Celle-ci peut-elle nous aider à com-prendre pourquoi notre planète, seule parmi toutes cellesque nous connaissons, a pu abriter un mécanisme aussi fra-gile que la vie et pourquoi les activités humaines engen-drent une menace inéditeÞ? C’est l’ambition du livre quede donner quelques éléments de réponse à ces questions.

Nous commencerons par décrire le fonctionnement dela machine climatique en nous attachant à mettre en évi-dence les grands facteurs qui assurent sa régulation – àl’échelle globale, d’abord, à l’échelle régionale ou locale,ensuite. Nous verrons plus tard comment se sont cons-truits les outils d’observation et de modélisation destinés à

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prévoir l’évolution des différentes composantes du sys-tème climatique. Enfin, nous nous pencherons sur l’actionde l’homme. Celle-ci s’inscrit dans un temps très particu-lierÞ: très court (quelques décennies) s’agissant des émis-sions de gaz à effet de serre, beaucoup plus long (quelquessiècles) en termes de conséquences. Elle définit aussi unegéographie très contrastéeÞ: les gaz émis sont mélangéspar l’atmosphère et chaque pays subit l’action de tous lesautres, d’une manière souvent très inégale et très injuste.Au bout du compte, nous sommes face à un problème quiimplique une double solidarité, internationale et intergéné-rationnelle. C’est dans ce contexte qu’il faut créer lesconditions d’une décision citoyenne et démocratique quidevra s’appuyer sur un diagnostic scientifique et techniqueconstamment actualisé.

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LES GRANDS DÉTERMINANTS DU CLIMAT

La Terre est exceptionnelle à plus d’un titre et elle estsurtout la seule planète connue qui porte la vie. Quels sontles facteurs qui ont contribué à maintenir des conditionsclimatiques favorables à la vie pendant plusieurs milliardsd’annéesÞ? Constituent-ils une sorte de garantie que toutpourra continuer à bien se passer en dépit d’une présencehumaine toujours plus déterminanteÞ? Esquisser des élé-ments de réponse nous oblige à considérer la complexitédu système climatique, une complexité qui tient à lamultiplicité de ses composantes (atmosphère, océan, gla-ciers…) et se révèle au fil d’une longue histoire, parfoischaotique. La découverte, au début du XIXeÞsiècle, du passéglaciaire de la planète, la mise en évidence de périodes longuesde plusieurs millénaires pendant lesquelles d’immensesmontagnes de glace recouvraient l’Europe et l’Amérique duNord ont profondément modifié la vision d’un mondequ’on croyait jusque-là immuable, créé en une seule fois etpour toujours. L’existence de variations climatiques impor-tantes a immédiatement mis les scientifiques au défi d’encomprendre les raisons – une recherche qui s’est accompa-gnée, dès les débuts, d’une interrogation récurrenteÞ: si leclimat de la planète a si fortement changé dans le passé,peut-il changer de la même manière dans le futurÞ? Dèsles débuts du XXeÞsiècle, le chimiste suédois Svante Arrhenius

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y ajoutait une interrogation plus dérangeante encoreÞ:l’homme peut-il être un acteur de ces variationsÞ? Arrheniusrépondait par l’affirmative et pointait même un mécanismepossibleÞ: l’augmentation des gaz à effet de serre.

Démêler l’écheveau de cette complexité sera l’objectif dece premier chapitre. Comment allons-nous procéderÞ?

D’abord, regarder vers le passé pour mieux appréhen-der le futur de notre planète. C’est en comprenant dansquelles conditions climatiques les diverses civilisationssont nées et se sont organisées que nous pourrons mieuxdéfinir les caractéristiques nouvelles de la période quis’ouvre. L’étude des glaciations, ou celle des climats pluschauds de l’Holocène, nous montre que toutes les com-posantes du système climatique ont subi des modifica-tionsÞ: l’étendue des glaciers, bien sûr, mais aussi leszones de précipitations, la température et le niveau de lamer, les circulations océaniques, la distribution des éco-systèmes, le taux atmosphérique en gaz à effet de serre…Les climats du passé offrent donc un véritable laboratoired’observation de la planète permettant d’appréhenderl’interaction de tous ces éléments.

Ensuite, nous considérerons notre planète de manièreun peu distanciée, comme nous le ferions de Mars et deVénus. Sa caractéristique la plus nette est sa températureglobale. Cette température est principalement détermi-née par les échanges d’énergie que la Terre entretientavec l’espace. Identifier la nature de ces échanges, leursvariations possibles, c’est donc se donner des clés poursaisir à la fois les variations passées du climat et ses per-turbations futures. Le développement de cette approche,très riche conceptuellement, a marqué les débuts de laclimatologie.

Enfin, ce regard distancié ne suffit pasþ; il nous faut aussila regarder de plus près. La diversité des climats de la pla-nète est dessinée par l’atmosphère et l’océan, deux fluidesque le chauffage solaire et la rotation de la Terre entraînent

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dans un mouvement sans fin. Ce mouvement est parfoiscomplexe et ne se fait pas au hasardþ: nous savons d’ailleursque certaines manifestations − les orages violents de larégion du pot-au-noir, près de l’équateur, la bande dedésert qui ceinture la Terre près des tropiques, les dépres-sions des moyennes latitudes… – constituent des traitsquasi permanents du visage climatique de la planète. Tousces phénomènes sont contraints par des lois physiquesdont l’énoncé peut rebuter le non-scientifiqueÞ: conserva-tion de l’énergie, du moment cinétique, de la quantitéd’eau, équation du mouvement… Ce sont pourtant ceslois physiques qui déterminent le caractère du monde danslequel nous vivons, qui définissent la mesure des change-ments climatiques possibles dans le futur, et c’est guidéspar leur signification que nous essaierons de décrire lefonctionnement de notre planète.

La très longue histoire de la Terre

La question du climat est intimement associée à l’effortqu’ont dû faire les différentes sociétés humaines pours’organiser. Les hommes n’ont cessé de se déplacer,d’emprunter des voies de migration, des routes commer-ciales souvent longues et complexes, et de prendre ce fai-sant conscience de la diversité des paysages rencontrés. Detelles connaissances leur ont permis de coloniser toute laplanète, d’y élaborer des formes de vie collectives très com-plexes. Les monuments mégalithiques, vieux de plusieursmilliers d’années, nous en offrent peut-être le témoignagele plus ancien. L’administration centralisée d’un empireaussi immense que la Chine, le peuplement des îles duPacifique par les Polynésiens ou, plus près de nous,l’expansion scandinave à l’époque des Vikings ne peuventse concevoir sans une vision très articulée du monde, de sagéographie et de son climat.

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N° d’éditionþ: L.01EHBNFU0587.N001Dépôt légalþ: novembre 2009

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NOUVEAU CLIMAT SUR LA TERRE COMPRENDRE, PRÉDIRE, RÉAGIR

Aujourd’hui, Copenhague. Objectifs : refonder le protocole de Kyoto, l’élargir à tous les pays de la planète. Trouver un accord global d’aide aux popula-tions les plus vulnérables et un accord sur la réduction des gaz à effet de serre pour les pays industrialisés et émergents – États-Unis et Chine compris.

La recherche nous a révélé l’immense complexité de la machine climatique et la difficulté à prédire son évolution. Quelle sera l’élévation du niveau de la mer en 2100 ? la pression sur les milieux littoraux ? l’étendue de la désertification ? l’évolution des glaciers ? Impossible de le quantifier. En revanche, il est dé-montré que nos émissions de gaz à effet de serre sont responsables du changement climatique ; que celui-ci est d’ores et déjà irréversible et qu’il affectera tous les milieux naturels ; qu’un réchauffement supérieur à 2 °C rendra l’évolution du climat incontrôlable.

Hervé Le Treut, l’une des figures de l’appel à la vigilance lancé dès les années 1980, dresse le tableau des actions à mener : réduire drastiquement les émissions de gaz à effet de serre, mettre en place des politiques d’économie d’énergie, limiter la consom- mation d’énergie fossile, développer les énergies alternatives, capter et stocker le CO2 des centrales thermiques… Il ne reste que quelques décennies pour diminuer l’ampleur des modifications en cours et nous préparer à affronter les nouvelles inégalités qui en découleront.

Un ouvrage indispensable pour comprendre la machine climatique, ses facteurs de régulation et les enjeux écologiques de demain.

Tempête de sable dans la province du Gansu, Chine, février 2009 © Chen Mingzhe /

ChinaFotoPress / Getty Images 09-X

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HErvÉ LE TrEUTprofesseur à l’École

polytechnique, dirige l’Institut Pierre-Simon-

Laplace, fédération de six laboratoires de

recherche impliqués dans les sciences de la planète

et de l’environnement. Spécialiste de la

modélisation du climat, il a participé aux

rapports du Groupe intergouvernemental

sur l’évolution du climat (GIEC).

Il est notamment l’auteur de : L’Effet

de serre. Allons-nous changer le climat ? (avec J.-M. Jancovici, Flammarion, 2004).

FlammarionN B S

Prix France : 21 eISBN : 978-2-0821-0587-3

editions.flammarion.comExtrait de la publication