HÉROS & ANTI-HÉROS -...

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Prolongement à l’exposition à l’Abbaye de Daoulas «Bonne fortune & mauvais sort» Le «tarot» de La Chartreuse de Parme I. Situation « Pour percer le secret de l’écriture de La Chartreuse de Parme, vous devrez être particulièrement observateur. Trouvez les cartes, lisez les extraits et faites le lien.» Supports : - Extraits de différents chapitres de La Chartreuse de Parme - des cartes de tarot II. Étapes : Étape 1. Enveloppe papier avec indices : - Observation : Quel lien faites-vous entre la carte et l’extrait ? - Lecture de l’indice 1 et recherche des liens entre cartes et chapitres Étape 2. Lecture de l’indice 2 (par mail) et début des recherches internet Indices 1 : Les Chapitres sont des arcanes 2 : Extrait du livre «Les mystères...», Article paru dans Le Monde, Renseignements sur Stendhal et les Francs-Maçons (internet) III. Compte-rendu de l’enquête 1. Expliquez comment Stendhal a organisé l’écriture de son Roman la Chartreuse de Parme, en vous appuyant sur des exemples précis. 2. Choisissez un extrait et proposez une étude détaillée : lien avec la carte + analyse stylistique, et proposez une hypothèse sur le rôle de cet extrait dans le roman Objectifs : - Découvrir le contexte de l’écriture de La Chartreuse... - Exploiter des documents variés pour comprendre le sens d’un texte - Connaître une étude récente sur un roman du XIXè Séquence 1 - Séance décrochée Daoulas - Près de Brest Chemins du patrimoine en Finistère Abbaye de Daoulas HÉROS & ANTI-HÉROS

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Prolongement à l’exposition à l’Abbaye de Daoulas «Bonne fortune & mauvais sort»Le «tarot» de La Chartreuse de Parme

I. Situation« Pour percer le secret de l’écriture de La Chartreuse de Parme, vous devrez être particulièrement observateur. Trouvez les cartes, lisez les extraits et faites le lien.»

Supports :- Extraits de différents chapitres de La Chartreuse de Parme- des cartes de tarot

II. Étapes :

Étape 1. Enveloppe papier avec indices : - Observation : Quel lien faites-vous entre la carte et l’extrait ? - Lecture de l’indice 1 et recherche des liens entre cartes et chapitres

Étape 2. Lecture de l’indice 2 (par mail) et début des recherches internet

Indices1 : Les Chapitres sont des arcanes2 : Extrait du livre «Les mystères...», Article paru dans Le Monde, Renseignements sur Stendhal et les Francs-Maçons (internet)

III. Compte-rendu de l’enquête

1. Expliquez comment Stendhal a organisé l’écriture de son Roman la Chartreuse de Parme, en vous appuyant sur des exemples précis.

2. Choisissez un extrait et proposez une étude détaillée : lien avec la carte + analyse stylistique, et proposez une hypothèse sur le rôle de cet extrait dans le roman

Objectifs : - Découvrir le contexte de l’écriture de La Chartreuse...- Exploiter des documents variés pour comprendre le sens d’un texte- Connaître une étude récente sur un roman du XIXè

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Daoulas - Près de Brest

Chemins du patrimoine en Finistère

Abbaye de Daoulas

HÉROS & ANTI-HÉROS

La Chartreuse de Parme et «Les Arcanes de L’Art»Compte-rendu de l’enquête«Le titre "Chartreuse de Parme" vient du vieux français et de l'italien : étant polyglotte, Stendhal n'hésite pas à intégrer de nouveaux mots dans son lexique des plus complexes.En effet "cartes" en ancien français se disait "chartes" et se dit "carta" en italien, Parme faisant référence à la ville italienne.On retrouve des références linguistiques dans la dernière phrase du roman : "to the happy few" ("avis aux heureux initiés") qui fait référence à la confrérie auquel il appartient : les francs-maçons, en effet cette noble confrérie qui date du XVIIe siècle est née en Angleterre. Les francs-maçons sont une société mondiale fermée, dont les membres, ou frères, qui se reconnaissent à des signes, en possèdent seuls les secrets sous serment. Le but des francs-maçons est de protéger les Juifs des catholiques trop intégriste.Henri Beyle était tout comme Benjamin Franklin, La Fayette, Alphonse de Lamartine ou même Voltaire, un membre de la confrérie des francs-maçons ( ensemble d'espaces de sociabilité sélectifs, formé de phénomènes historiques et sociaux très divers, elle semble apparaître en 1598 en Écosse, puis en Angleterre au XVIIe siècle. C'est une confrérie secrète du monde du travail )Il avait peut-être été influencé par son cousin Pierre Daru lui aussi initié ou alors peut-être avait-il voulu faire comme l’un de ses héros personnels, Napoléon Bonaparte qui aurait été franc-maçon durant sa jeunesse.La Chartreuse de Parme serait une sorte d’hommage que Stendhal aurait rendu à la franc-maçonnerie. Les cartes du tarot qui l'ont aidé a s'inspirer étaient un emblème maçonnique.

Le tarot de Marseille est un jeu de cartes ayant pour usage des prédictions divinatoires, il sert à "prédire" le futur d'une personne. Stendhal s'en servira pour construire son roman avec un chapitre / Arcane en lien avec une carte.» Il s'adresse aux initiés des règles du Tarot, ces règles sont tellement complexes et nombreuses que peu de personnes ont pu comprendre le secret de la rédaction de La Chartreuse de Parme.

Pour conclure, nous pouvons dire que le secret de l'écriture fut bien gardé puisque ce n'est qu'en 2010 qu'il fut découvert Alain Bergher.

Bravo aux groupes d’Alyson Chéron, de Chloé Jacolot et de Margaux Matila !

Extraits de l’ouvrage Les Mystères de La Chartreuse de Parme, Les Arcanes de L’Art, de Pierre-Alain Bergher, 2010

« De la symbolique des figures telles que le Bateleur, la Papesse, l’Impératrice, personnifiant les trois premiers arcanes, ou telle que l’Etoile (...). Forêts de symboles auxquelles les cartes de ces jeux, à l’air aussi naïf que sibyllin servent de support et de courroie de transmission, Correspondances appelées arcanes. (...) Arcanes allusifs, insaisissables, ils offrent cependant une grille de lecture fort simple, parfois subtile et même cocasse». p.29

«Maternelle, majestueuse, maternaliste, l’Impératrice fait son apparition au chapitre III. Pourvoyeuse et protectrice c’est la bonne fée capable de se déguiser à la manière d’une grande actrice accoutumée à jouer les grandes dames, mais à l’occasion jouant, à contre-emploi, un humble personnage, une femme du peuple, une mère Courage. Telle la cantinière du Chapitre III de La Chartreuse de Parme, qui avec toute l’autorité de l'impératrice, sauve la vie de Fabrice à Waterloo.»

«Fabrice à la Tour Farnèse, - entré au chapitre XV, menotté et attaché par une chaîne à l’image des prisonniers enchaînés par le Diable à l’Arcane XV, il s’en évade au chapitre XXII, celui de l’arcane du fou - ce n’est plus le Fabrice de Waterloo : «Combien je suis différent, se dit-il, du Fabrice léger et libertin d’il y a neuf mois !» A l’évidence un nombre des plus significatifs.» p. 176

Compte-rendu de l’enquête

Stendhal utilise donc les cartes du tarot pour représenter ses chapitres. En effet, dans le Chapitre III Stendhal a décidé d'illustrer son propos par les valeurs l'Impératrice, Arcane III du jeu de cartes. L'Impératrice représente l'intelligence de la vie, et l'instinct fécond. Dans l'extrait donné l'impératrice est la cantinière elle donne des conseils à Fabrice notamment celui de ne pas aller combattre. Cela exprime bien l'anticipation de la cantinière qui analyse à la perfection Fabrice. Elle porte parfaitement le rôle d'impératrice dans cet extrait. Cette figure est qualifiée de "bonne", "intelligente", "généreuse", on retrouve ces éléments dans le texte: "cette femme qui semblait si bonne", et préfigure le rôle de la Duchesse Sanseverina qui sera la véritable impératrice du roman.

Dans le chapitre VI, l'Arcane évoquée est l'amoureux. L'amoureux est un individu dominé par ses passions, qui se laisse aller à ses penchants naturels, comme on le voit dans l'extrait ". Ici cet extrait parle de la comtesse Pietranera est amoureuse de son neveux mais elle sait qu'elle ne pourra jamais être avec lui donc elle se redirige vers un autre homme. Cependant ses sentiments sont partagés entre les deux hommes. Cette carte annonce l'avenir de Fabrice car il va vivre la même situation. Et on remarque dans ce texte le champ lexical des sentiments amoureux "passionné", "amour" qui montre l'exaltation des sentiments.

Dans le chapitre XVIII, représenter par la dix-huitième carte du tarot: la lune. Stendhal a voulu créer une situation obscure en utilisant des termes plutôt sombres tel que "le malheur, prison, soir épouvantable..." De plus, Fabrice va chercher la lumière à travers l'obscurité ce qui est illustré par un véritable contraste entre l'ombre et la lumière. La lune représente tous ce qui est lugubre, car la lune apparaît la nuit. Fabrice cherche aussi le bonheur dans l'ombre " les douceurs de la prison", "se laisser charmer" il optimise tout ce qui l'entoure.

Dans le chapitre XXII, représenter par la vingt-deuxième carte: Le mat ou le fou. Dans cet extrait Fabrice est le mat, il se retrouve dans une situation sans issue au premier abord mais il finit par se libérer de cet emprisonnement. Le fou dans le tarot à pour image d'être déterminé et marche d'un pas sûr. Dans ce passage Fabrice est piégé dans la tour de Farnès il se délivre pour suivre c'est objectif comme poussé par les forces divines. Le fou du tarot semble fuir mais il ne fuit pas tout comme Fabrice qui cherche simplement à repartir au point de départ (recommencer sa vie). Par ailleurs, Fabrice est pris pour un fou "Quelques-uns ont prétendu que Fabrice toujours fou eut l'idée déjouer le rôle du diable", une folie qui, d’une certaine manière manière, l’élève au statut de héros.

Stendhal s'inspire donc des caractéristiques propre à chaque personnage de tarot, notamment ses principes comme "l'intelligence de l'impératrice" ou "la détermination du fou" pour représenter les différents changements de personnalités à travers le livre. Fabrice qui était materné par l'impératrice au chapitre III se retrouve fou dans le chapitre XXII. Il détermine aussi le changement de la situation: la lune représentant l'obscurité est associée à la prison où se retrouve enfermé Fabrice par exemple.

Félicitations aux groupes de Chloé Jacolot et de Victorine Avry !

Fabrice trouva bientôt des vivandières, et l’extrême reconnaissance qu’il avait pour la geôlière de B… le porta à leur adresser la parole  ; il demanda à l’une d’elles où était le 4e régiment de hussards, auquel il appartenait.

— Tu ferais tout aussi bien de ne pas tant te presser, mon petit soldat, dit la cantinière touchée par la pâleur et les beaux yeux de Fabrice. Tu n’as pas encore la poigne assez ferme pour les coups de sabre qui vont se donner aujourd’hui. Encore si tu avais un fusil, je ne dis pas, tu pourrais lâcher ta balle tout comme un autre.

Ce conseil déplut à Fabrice mais il avait beau pousser son cheval, il ne pouvait aller plus vite que la charrette de la cantinière. De temps à autre le bruit du canon semblait se rapprocher et les empêchait de s’entendre, car Fabrice était tellement hors de lui d’enthousiasme et de bonheur, qu’il avait renoué la conversation. Chaque mot de la cantinière redoublait son bonheur en le lui faisant comprendre. À l’exception de son vrai nom et de sa fuite de prison, il finit par tout dire à cette femme qui semblait si bonne. Elle était fort étonnée et ne comprenait rien du tout à ce que lui racontait ce beau jeune soldat.

— Je vois le fin mot, s’écria-t-elle enfin d’un air de triomphe  : vous êtes un jeune bourgeois amoureux de la femme de quelque capitaine du 4e de hussards. Votre amoureuse vous aura fait cadeau de l’uniforme que vous portez, et vous courez après elle. Vrai, comme Dieu est là-haut, vous n’avez jamais été soldat ; mais, comme un brave garçon que vous êtes, puisque votre régiment est au feu, vous voulez y paraître, et ne pas passer pour un capon.

Fabrice convint de tout  ; c’était le seul moyen qu’il eût de recevoir de bons conseils. J’ignore toutes les façons d’agir de ces Français, se disait-il, et, si je ne suis pas guidé par quelqu’un, je parviendrai encore à me faire jeter en prison, et l’on me volera mon cheval.

— D’abord, mon petit, lui dit la cantinière, qui devenait de plus en plus son amie, conviens que tu n’as pas vingt et un ans c’est tout le bout du monde si tu en as dix-sept.

C’était la vérité, et Fabrice l’avoua de bonne grâce.

— Ainsi, tu n’es pas même conscrit  ; c’est uniquement à cause des beaux yeux de la madame que tu vas te faire casser les os. Peste  ! elle n’est pas dégoûtée. Si tu as encore quelques-uns de ces jaunets qu’elle t’a remis, il faut primo que tu achètes un autre cheval ; vois comme ta rosse dresse les oreilles quand le bruit du canon ronfle d’un peu près ; c’est là un cheval de paysan qui te fera tuer dès que tu seras en ligne. Cette fumée blanche, que tu vois là-bas par-dessus la haie, ce sont des feux de peloton, mon

Nous avouerons avec sincérité que la jalousie du chanoine Borda n’avait pas absolument tort  ; à son retour de France, Fabrice parut aux yeux de la comtesse Pietranera comme un bel étranger qu’elle eût beaucoup connu jadis. S’il eût parlé d’amour, elle l’eût aimé  ; n’avait-elle pas déjà pour sa conduite et sa personne une admiration passionnée et pour ainsi dire sans bornes ? Mais Fabrice l’embrassait avec une telle effusion d’innocente reconnaissance et de bonne amitié, qu’elle se fût fait horreur à elle-même si elle eût cherché un autre sentiment dans cette amitié presque filiale. Au fond, se disait la comtesse, quelques amis qui m’ont connue il y a six ans, à la cour du prince Eugène, peuvent encore me trouver jolie et même jeune, mais pour lui je suis une femme respectable… et, s’il faut tout dire sans nul ménagement pour mon amour-propre, une femme âgée. La comtesse se faisait illusion sur l’époque de la vie où elle était arrivée, mais ce n’était pas à la façon des femmes vulgaires. À son âge, d’ailleurs, ajoutait-elle, on s’exagère un peu les ravages du temps ; un homme plus avancé dans la vie…

La comtesse, qui se promenait dans son salon, s’arrêta devant une glace, puis sourit. Il faut savoir que depuis quelques mois le cœur de madame Pietranera était attaqué d’une façon sérieuse et par un singulier personnage. Peu après le départ de Fabrice pour la France, la comtesse qui,

sans qu’elle se l’avouât tout à fait, commençait déjà à s’occuper beaucoup de lui, était tombée dans une profonde mélancolie. Toutes ses occupations lui semblaient sans plaisir, et, si l’on ose ainsi parler, sans saveur  ; elle se disait que Napoléon voulant s’attacher ses peuples d’Italie prendrait Fabrice pour aide de camp. — Il est perdu pour moi ! s’écriait-elle en pleurant, je ne le reverrai plus ; il m’écrira, mais que serai-je pour lui dans dix ans ?

Ce fut dans ces dispositions qu’elle fit un voyage à Milan ; elle espérait y trouver des nouvelles plus directes de Napoléon, et, qui sait, peut-être par contre-coup des nouvelles de Fabrice. Sans se l’avouer, cette âme active commençait à être bien lasse de la vie monotone qu’elle menait à la campagne ; c’est s’empêcher de mourir, se disait-elle, ce n’est pas vivre. Tous les jours voir ces figures poudrées, le frère, le neveu Ascagne, leurs valets de chambre  ! Que seraient les promenades sur le lac sans Fabrice ? Son unique consolation était puisée dans l’amitié qui l’unissait à la marquise. Mais depuis quelque temps, cette intimité avec la mère de Fabrice, plus âgée qu’elle, et désespérant de la vie, commençait à lui être moins agréable.

Telle était la position singulière de madame Pietranera  ; Fabrice parti, elle espérait peu de l’avenir ; son cœur avait besoin de consolation et de nouveauté.

Stendhal, La Chartreuse de Parme, Chapitre VI, 1832

Il y avait lune ce jour-là, et au moment où Fabrice entrait dans sa prison, elle se levait majestueusement à l’horizon à droite, au-dessus de la chaîne des Alpes, vers Trévise. Il n’était que huit heures et demie du soir, et à l’autre extrémité de l’horizon, au couchant, un brillant crépuscule rouge orangé dessinait parfaitement les contours du mont Viso et des autres pics des Alpes qui remontent de Nice vers le mont Cenis et Turin  ; sans songer autrement à son malheur, Fabrice fut ému et ravi par ce spectacle sublime. C’est donc dans ce monde ravissant que vit Clélia Conti  ! avec son âme pensive et sérieuse, elle doit jouir de cette vue plus qu’un autre  ; on est ici comme dans des montagnes solitaires à cent lieues de Parme. Ce ne fut qu’après avoir passé plus de deux heures à la fenêtre, admirant cet horizon qui parlait à son âme, et souvent aussi arrêtant sa vue sur le joli palais du gouverneur que Fabrice s’écria tout à coup  : Mais ceci est-il une prison  ? est-ce là ce que j’ai tant redouté  ? Au lieu d’apercevoir à chaque pas des désagréments et des motifs d’aigreur, notre héros se laissait charmer par les douceurs de la prison.

Tout à coup son attention fut violemment rappelée à la réalité par un tapage épouvantable : sa chambre de bois, assez semblable à une cage et surtout fort sonore, était violemment ébranlée des aboiements de chien ; et de petits cris aigus complétaient le bruit le plus singulier. Quoi donc  ! si tôt pourrais-je m’échapper  ! pensa Fabrice. Un instant après, il riait comme jamais peut-être on n’a ri dans une prison. Par ordre du général, on avait fait monter en même temps que les geôliers un chien anglais, fort méchant, préposé à la garde des prisonniers d’importance, et qui devait passer la nuit dans l’espace si ingénieusement ménagé tout autour de la cage de Fabrice. Le chien et le geôlier devaient coucher dans l’intervalle de trois pieds ménagé entre les dalles de pierre du sol primitif de la chambre et le plancher en bois sur lequel le prisonnier ne pouvait faire un pas sans être entendu.

Stendhal, La Chartreuse de Parme, Chapitre XVIII, 1832

Un peu après que minuit et demi eut sonné, le signal de la petite lampe parut à la fenêtre de la volière. Fabrice était prêt à agir ; il fit un signe de croix, puis attacha à son lit la petite corde destinée à lui faire descendre les trente-cinq pieds qui le séparaient de la plate-forme où était le palais. Il arriva sans encombre sur le toit du corps de garde occupé depuis la veille par les deux cents hommes de renfort dont nous avons parlé. Par malheur les soldats, à minuit trois quarts qu’il était alors, n’étaient pas encore endormis  ; pendant qu’il marchait à pas de loup sur le toit de grosses tuiles creuses, Fabrice les entendait qui disaient que le diable était sur le toit, et qu’il fallait essayer de le tuer d’un coup de fusil. Quelques voix prétendaient que ce souhait était d’une grande impiété, d’autres disaient que si l’on tirait un coup de fusil sans tuer quelque chose, le gouverneur les mettrait tous en prison pour avoir alarmé la garnison inutilement. Toute cette belle discussion faisait que Fabrice se hâtait le plus possible en marchant sur le toit et qu’il faisait beaucoup plus de bruit. Le fait est qu’au moment où, pendu à sa corde, il passa devant les fenêtres, par bonheur à quatre ou cinq pieds de distance à cause de l’avance du toit, elles étaient hérissées de baïonnettes. Quelques-uns ont prétendu que Fabrice toujours fou eut l’idée de jouer le rôle du diable, et qu’il jeta à ces soldats une poignée de sequins. Ce qui est sûr, c’est qu’il avait semé des sequins sur le plancher de sa

chambre, et il en sema aussi sur la plate-forme dans son trajet de la tour Farnèse au parapet, afin de se donner la chance de distraire les soldats qui auraient pu se mettre à le poursuivre.

Arrivé sur la plate-forme et entouré de sentinelles qui ordinairement criaient tous les quarts d’heure une phrase entière  : Tout est bien autour de mon poste, il dirigea ses pas vers le parapet du couchant et chercha la pierre neuve.

Ce qui paraît incroyable et pourrait faire douter du fait si le résultat n’avait eu pour témoin une ville entière, c’est que les sentinelles placées le long du parapet n’aient pas vu et arrêté Fabrice ; à la vérité, le brouillard dont nous avons parlé commençait à monter, et Fabrice a dit que lorsqu’il était sur la plate-forme, le brouillard lui semblait arrivé déjà jusqu’à moitié de la tour Farnèse. Mais ce brouillard n’était point épais, et il apercevait fort bien les sentinelles dont quelques-unes se promenaient. Il ajoutait que, poussé comme par une force surnaturelle, il alla se placer hardiment entre deux sentinelles assez voisines. Il défit tranquillement la grande corde qu’il avait autour du corps et qui s’embrouilla deux fois ; il lui fallut beaucoup de temps pour la débrouiller et l’étendre sur le parapet. Il entendait les soldats parler de tous les côtés, bien résolu à poignarder le premier qui s’avancerait vers lui. Je n’étais nullement troublé, ajoutait-il, il me semblait que j’accomplissais une cérémonie.

Il attacha sa corde enfin débrouillée à une ouverture pratiquée dans le parapet pour l’écoulement des eaux, il monta sur ce même parapet, et pria Dieu avec ferveur ; puis, comme un héros des temps de chevalerie, il pensa un instant à Clélia. Combien je suis différent, se dit-il, du Fabrice léger et libertin qui entra ici il y a neuf mois  ! Enfin il se mit à descendre cette étonnante hauteur. Il agissait mécaniquement, dit-il, et comme il eût fait en plein jour,

L'IMPÉRATRICE (Arcane 3)L'Impératrice est l'émotion qui donne une âme à la vie, ce qui l'anime, la fait se mouvoir. L'Impératrice représente l'intelligence de la vie, l'intelligence au pouvoir, le bon instinct fécond et fertile de la nature. C'est encore l'art de vivre en bonne intelligence, d'imposer sa force et sa loi en restant réceptif et attentif aux forces et aux lois de la nature. L'Impératrice est également celle qui rend la Mère-Nature généreuse, qui sème et transmet le germe de vie pour que cette dernière prolifère et abonde. Elle est le grand principe féminin par excellence. Cependant, le grand pouvoir de l'Impératrice reste celui des sentiments et des émotions. Sa puissance d'action est affective, sa compréhension instinctive et spontanée. C'est une femme royale, mais aussi une femme de coeur dont les trois mots d'ordre sont : amour, émotion, motivation.

L'AMOUREUX (Arcane 6)À partir du sixième arcane, il ne s'agit plus de figures comme les arcanes précédents (Bateleur, Papesse, Impératrice, Empereur, Pape), mais de personnages représentés dans des circonstances particulières chargées de significations. Ici, l'Amoureux se trouve dans la situation dans laquelle l'individu se laisse aller à ses penchants naturels, là où son coeur le porte, qui élit et qui est élu, qui fait son choix et qui est choisi. Le personnage central de l'arcane est l'époux, celui qui épouse le monde, la nature, en s'abandonnant et en se soumettant à sa destinée, en se laissant choisir, choisit lui aussi et apprendra à devenir un être libre, victorieux, un être unifié. Tel est le véritable sens du choix : prendre une direction et s'y tenir.

LA LUNE (Arcane 18)Sur l'image de cet arcane, il s'agit d'une éclipse paradoxale, d'une curieuse occultation du Soleil. La Lune est figurée par un D et un visage de profil tourné vers le bas. Astronomiquement, un tel phénomène céleste est impossible. L'ombre jetée sur la Terre par ce passage inenvisageable du premier quartier de la Lune devant le Soleil est une représentation de l'ombre contenue dans la lumière, et non de l'obscurité grandissante. Il s'agit du royaume de l'ombre en tant que composante de la lumière. Ce royaume de l'ombre représente tout ce qui est caché, dissimulé, enfoui en chacun de nous, et qui précède la lumière. La lettre-nombre "Tsade", en analogie avec cet arcane, signifie "côté opposé" ou "adversaire", mais aussi "côté" ou "bras", c'est à dire côté divin ou bras divin. L'ombre contenue dans la lumière représente l'aspect caché de notre personnalité, le divin en nous.

LE MAT (Le Fou - Arcane 0 ou 22 )Si le Fou de cet arcane est appelé le Mat, c'est parce que le mot "mat" vient de l'expression arabe "as-sah mat(a)" qui signifie "le roi est mort". On traduit la même expression en français par la locution : "échec et mat". Ainsi, en persan par exemple, le roi et le jeu d'échec portent le même nom : "sah" et "mat(a)" signifient "sans issue, désespéré". Autrement dit, le roi est dans une situation sans issue. C'est pour cela que le personnage représenté sur l'arcane semble fuir. Mais il ne fuit pas ; prenant conscience de sa situation, il a décidé de se retourner. Il exécute un retour sur lui-même, une régression. Ce "renouveau" est révélé par un retour de la lumière qui avait été chassée.

Le Mat a donc compris qu'il devait retourner au point de départ, se replonger dans ses origines, involuer pour évoluer. C'est pourquoi dans le Tarot cet arcane est situé au début et à la fin. Le Mat est aussi appelé "fou", mais il n'est ni égaré, ni fou. Il est determiné et marche d'un pas sûr. Il sait où il se dirige : vers lui-même. Dans son baluchon, il porte le Monde, le vingt et unième arcane. S'il est "fou", il s'agit de la sagesse divine qui est pure folie dans ce monde. Un animal le poursuit ; on dirait qu'il cherche à le retenir en s'accrochant à lui ; il s'agit en réalité d'un chacal, Anubis peut-être, le dieu des morts égyptien. Même la mort ne peut retenir notre Mat qui se dirige vers le crocodile, le "maître des mystères de la vie et de la mort" dont les yeux, en Egypte, symbolisaient l'aurore.