Heriberto Cabrera Reyes · 2020-06-30 · critique pour choisir une direction, trouver un sens dans...

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Heriberto Cabrera Reyes

Effondrement, apocalypse ou renaissance ?

Théologie en temps de crise

ISBN 99949-55-21-3 ©Service Diocésain de la Pastorale des Jeunes et des Vocations Couverture : Michaëlla Babooram Imprimeur : Dragon Printing Co. Ltd 1 juin 2020 Tous les droits réservés Toute reproduction même partielle, sans l’autorisation formelle et écrite de l’auteur est interdite Merci à Paméla Bugwondeen et Monique Koenig, qui m’ont aidé à

améliorer le français du tapuscrit.

Préface

Ceux qui ont eu, comme moi, la chance de travailler avec le Père Heriberto ont pu apprécier son sens critique. Notre culture mauricienne, peu habituée au franc-parler et à la confrontation directe, voit en générale la critique comme une attitude négative, ingrate, voir arrogante, générant conflit et autres crises éventuelles. Un humble retour aux racines des mots nous montre que c’est plutôt l’inverse : La krisis, mot grec évoquant un carrefour, nous pousse au contraire à développer notre sens critique pour choisir une direction, trouver un sens dans une situation difficile.

En ce temps de crises (le Covid-19 n’étant qu’une parmi d’autres), notre société semble en effet arriver à un carrefour. Carrefour où il faut choisir son chemin et faire attention de ne

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pas se tromper. Pour prendre le bon chemin il faut avoir devant soi la fin, pour quoi nous sommes en route, savoir vers quoi nous allons.

Au fil des pages qui vont suivre, le Père Heriberto nous invite donc à critiquer la crise que nous vivons afin d’y « discerner les signes des temps » et mieux voir quelle direction prendre. Pour cela, il fait appel à notre intelligence, en pensant hors cadre, tout en sollicitant notre courage, regardant en face les tenants et aboutissants de ce que nous sommes en train de vivre.

Mais intelligence et courage ne suffisent pas. L’auteur interpelle aussi notre foi. Une foi qui éclaire sans cesse notre jugement et nous fait discerner, au cœur des gens, des situations, des moyens technologiques, ce que Dieu lui-même nous dit. Alors les crises deviennent des opportunités pour choisir de nouveau la vie et les signes des temps, des indications que Dieu lui-même nous fait pour nous montrer le chemin qui y mène. Loin des apocalypses anxiogènes et mortifères, ce petit traité nous ouvre des pistes d’espérance, des raisons de renaître.

Père Laurent Rivet

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L’apport de la foi

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L’apport de la foi

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L’apport de la foi

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« La véritable espérance chrétienne n’est pas une évasion. L’espoir de l’au-delà éveille immédiatement la volonté

d’organiser l’en deçà ». Emmanuel Mounier 1

Introduction

Nous sommes, depuis plusieurs semaines, en confinement à cause du Corona Virus ou COVID-19. Des mots comme apocalypse, collapse et effondrement sont devenus très populaires 2. La collapsologie 3, le survivalisme, preppers et autres ont été pendant des années ridiculisés par une partie de la population,

1 Emmanuel Mounier, « Pour un temps d’apocalypse » (1946), dans La Petite peur du XXème siècle (Paris, 1959), 17. Cité par Evangéliste Vilanova, Histoire des théologies chrétiennes, T. III (Paris : Cerf 1997), 920. 2 On peut voir les travaux du philosophe Dominique Bourg. 3 La collapsologie et la sagesse pratique qui l'accompagne, c'est donc un bilan pour ouvrir un passage dans l'avenir sans déni de la réalité, climatique, sociale, mais c'est faire avec cette réelle réalité, comme on fait avec une

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aujourd’hui elles montrent ne pas avoir été si insensées comme on pouvait le penser 4. Il faut cependant dire que les théories de l’effondrement parlent surtout de l’épuisement des ressources, du dérèglement climatique, de l’effondrement du vivant et pas tellement des risques épidémiologiques comme celui que nous vivons. Dans cette situation tellement éprouvante à cause de la pandémie, les croyants se rappellent que la bible, depuis la Genèse à l’Apocalypse, parle de la fin du monde et qu’elle contient bien des pages utiles pour des manuels de collapsologie. Nous pouvons voir certainement une sorte de lien entre la collapsologie et le récit biblique de l’Apocalypse. En fait, les textes bibliques sont lucides et appellent à des transformations radicales. Mais la grande différence entre la collapsologie et l’eschatologie chrétienne est que cette dernière se termine par le retour de Jésus-Christ dans la gloire. Il me semble donc légitime de demander à la théologie, une fois de plus, de montrer sa pertinence par rapport à la situation particulièrement grave que nous vivons, autrement dit : qu’est-ce que la foi peut dire ?

maladie incurable, qui cependant ne met pas fin à la vie possible, mais la transforme radicalement. 4 On peut lire avec intérêt l’article : https://www.reformes.ch/societe/2020/03/coronavirus-bible-et-theories-de-leffondrement-maladie-coronavirus-apocalypse

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1. L’effondrement et moi

Après plusieurs semaines

Après huit semaines de confinement, qui ont coïncidé avec la fin du carême et une Semaine Sainte pas comme les autres, enfin un peu de temps pour écrire et nommer ce que nous avons vécu. Je fais partie des privilégiés qui peuvent rester à la maison pour faire leur confinement sans se culpabiliser : puisqu’ordonné par le gouvernement et demandé par l’Eglise… j’obéis. Je suis privilégié, car je fais la quarantaine dans de bonnes conditions, parce que j’aurai mon salaire à la fin du mois, parce que j’ai à manger et parce que je suis en bonne santé. Malgré cela, je ne peux pas fermer les yeux devant la souffrance qui m’entoure et qui m’interpelle.

Je me croyais à l’abri de la crise écologique

Au plus profond de moi, je me pensais à l’abri de l’effondrement climatique et économique, de la catastrophe nucléaire ou sanitaire. Je pensais faire partie de la dernière génération à pouvoir profiter de ce monde comme il était… et le COVID-19 est arrivé. Mais je dois avouer qu’il est arrivé, sans trop me surprendre, car j’étais bien au courant de la dégradation de notre planète, de la pauvreté, des guerres et des injustices. Nourri par les nouvelles et les films catastrophes de ces dernières années, je savais que quelque chose allait se passer… ce qui m’a surpris c’est la vitesse à laquelle elle est venue. Par contre, à la différence des films, j’ai du mal à croire qu’un héros et une solution miracle seront trouvés avant la fin de ce long-métrage.

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Nous sommes au début

Nous sommes au début de cet effondrement de société, au moins comme nous la connaissons. Le collapse, s’il n’est pas à cause du COVID-19, il le sera à cause du COVID-20, 21, 22, 23… Nous n’arrivons pas à mesurer les conséquences émotionnelles, familiales, professionnelles et spirituelles que cette crise signifie. Nous n’en avons pas encore payé le prix, encore moins les intérêts… qu’est-ce qui arrivera ensuite ? Quelles seront les conséquences par rapport à la santé ? Combien de gens vont perdre leur emploi ? On parle de récession, de diminution du PIB et d’une famine qui pourrait tuer plus de personnes que le Corona Virus, cela fait peur 5. Nous sommes dans l’incertitude. Il me semble qu’un retour en arrière n’est pas possible. Mais nous n'aimons pas les mauvaises nouvelles, ni être pessimistes, nous postons des phrases « clichés » sur notre wall numérique pour exorciser la peur, pour nous rassurer : « tout va passer » et « nous allons trouver une solution ». Oui, comme au temps du prophète Jérémie, la lucidité n'a jamais été confortable et nous cherchons tous des bouées d’espoir pour nous accrocher. En ce début de crise, car je crois que le pire est à venir, nous réagissons tous comme nous pouvons… essayant de nous attacher à quelque chose, à trouver des explications, des coupables, à ignorer ce qui se passe, tout est bon pour s’auto-encourager, se déculpabiliser et se rassurer. Il faudrait puiser du côté de l’espérance, le même prophète Jérémie n'a-t-il pas transmis cette parole : « car moi (dit Dieu), je connais les pensées que je forme à votre sujet – oracle du

5 https://cnnespanol.cnn.com/video/onu-hambre-programa-mundial-alimentos-coronavirus-covid-19-pandemia-perspectivas-mexico-vo/ https://cnnespanol.cnn.com/2020/04/22/la-pandemia-de-coronavirus-causara-hambrunas-mundiales-de-proporciones-biblicas-advierte-la-onu/

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Seigneur –, pensées de paix et non de malheur, pour vous donner un avenir et une espérance. Vous m’invoquerez, vous approcherez, vous me prierez, et je vous écouterai ». (Jr 29, 11-12). Une espérance dont nous sommes assoiffés et que le Pape François n’a pas manqué de rappeler avec son message pour la Semaine Sainte 6 et sa bénédiction Urbi et Orbi.

Une crise profonde de société, de conception de la personne

et des relations

Le COVID-19 est en train de faire émerger ce qu’on savait déjà : la générosité, le dévouement et les solutions techniques, bien qu’importants, ne sont et ne seront pas suffisants, comme disait le Pape François dans Laudato Si’. Nous voyons de nouveaux héros, par vocation et par circonstances. Certains risquent leur vie, comme ces médecins, infirmières, policiers et tant d’autres. Il y a aussi les « indisciplinés », une sorte d’« animal sauvage » égoïste que nous n’arrivons pas à comprendre et qui ne respecte aucune règle, en mettant en jeu leur vie et celles des autres par leur irresponsabilité, bref une sorte de « loup-garou » moderne. Mais il y a encore un autre être fantasque, le vampire, celui qui profite. Pour lui n’importe quel moyen est bon pour tirer profit de cet animal blessé qui est notre prochain, même hors de la loi. Tout cela est extrêmement étrange et nous n’arrivons pas à comprendre comment notre société a pu engendrer ce type de monstres.

6 Message pour la Semaine Sainte, 3 avril 2020. https://www.vaticannews.va/fr/pape/news/2020-04/francois-video-coronavirus-semaine-sainte.html

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Oui la crise fait sortir le meilleur et le pire de nous-mêmes et de nos sociétés. Nous sommes étonnés devant ces extrêmes qui sont la conséquence ou la manifestation d’une société malade, profondément divisée, profondément fragmentée, où à côté du Christ on a crucifié deux larrons, et pendant que le Fils de Dieu meurt, des centurions s’amusent à tirer au sort sa tunique.

La colère des gens

Les gens ont du mal à accepter de payer le prix de cette crise, car ce prix est et sera très lourd. C’est difficile d’accepter de changer, de vivre avec moins, plus pauvrement. Qui peut accepter de perdre son confort, de l’argent et du loisir ? En ce temps, on demande à l’Eglise, comme si elle était au-delà des contraintes espace-temporales, de faire de la même manière qu’à l’époque des grandes pandémies, en apportant les sacrements aux malades, en assurant les funérailles et en donnant à manger aux pauvres. Pour certains peu importe le risque auquel les prêtres ou les agents pastoraux pourraient être exposés : tomber malades ou mourir, ne l’ont-ils pas fait au temps de grandes épidémies en Europe ? Sauf qu’il y a un anachronisme, car aujourd’hui nous avons un meilleur système de santé et que les morts peuvent encore être enterrés par le gouvernement. En plus, nous avons une nouvelle donnée numérique qui nous permet de garder le contact avec les malades et leurs familles. A I’Ile Maurice, l’évêché a suspendu, pendant le confinement, la célébration publique des messes et des funérailles. Certains ont du mal à l’accepter, ce qui est d’ailleurs compréhensible. Mais en écoutant quelques-unes de ces plaintes, j’ai eu l’impression que pour certains fidèles, les sacrements et les liturgies sont plutôt un droit qu’une grâce. Dans ce paradigme, l’Eglise serait

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un fournisseur de services au lieu d’être une communauté croyante, ce qui nous éloigne de l’évangile. Par contre, à part « Caritas », il faut dire que nous avons manqué de courage et de prophétie. Nous avons, peut-être, trop facilement accepté le confinement et l’arrêt de tout service religieux, notamment pour les malades, les mourants et les personnes décédées (même pour celles qui n’avaient pas le COVID-19). Aujourd’hui, avec le recul, nous voyons que peut-être nous aurions pu faire autrement.

2. L’apport de la foi

Sortir de la crise en lui donnant du sens

Le Pape François avait raison de dire que tout est lié, comme il l’a fait dans Laudato Si’ à 9 reprises (n° 16, 70, 91, 92, 117, 120, 138, 142 et 240). En fait, une approche systémique de notre situation est nécessaire pour comprendre, interpréter, donner du sens et sortir de la crise. Le monde tel que nous le connaissons va probablement s’effondrer, c’est difficile à accepter, mais nous aurions dû changer avant. Dommage, il nous manquait de la volonté et de la cohésion sociale-culturelle-religieuse pour faire le pas. Les nouveaux prophètes de la protection de l’environnement comme Greta Thunberg nous avaient prévenu, mais ils sont peu écoutés, trop fragiles pour changer un monde malade. D’autres comme le Pape François avec son Laudato Si’ sont trop religieux pour influencer la réalité. La religion n’a pas aidé, comme elle aurait dû ou voulu le faire, parce que les bons discours n’étaient pas accompagnés de bonnes pratiques prophétiques de l’Eglise, ainsi l’homme n’a pas était accompagné dans cette entreprise de renaissance, car il faut le dire : le chemin de la facilité est toujours plus attirant et la culture matérialiste/hédoniste a pris

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le dessus sur la fraternité. Et cela pas seulement pour la religion chrétienne. Ainsi, de nombreux frères et sœurs sont morts seuls… Maintenant le fusible a sauté et nous sommes obligés de réagir. Ce choc systémique, où un virus fait plonger la bourse en chute libre ou encore nous oblige à faire 3 ou 4 heures d’attente dans une queue pour acheter quelques denrées alimentaires, suscite en nous des questions. Certains essaient de faire tout leur possible pour sauver la population, tout en pensant qu’après la crise nous allons pouvoir continuer comme avant, peut-être en ont-ils raison ? Pour illustrer ce que je viens de dire, en témoigne le discours d’Edouard Philippe (Premier ministre) à la France (soir du 19 avril 2020), où il parlait de « repartir et rebondir », mais sans remettre en question le système actuel. En fait pour un problème global, nous n’avons pas une réponse globale. Chaque Etat fait comme il peut ou il veut, parfois avec beaucoup d’égoïsme, nous le constatons dans ce qu’on pourrait appeler aujourd’hui « le piratage sanitaire » 7. En tout cas, je pense que cette crise devrait nous amener à revoir profondément notre manière de vivre. Par exemple, nous attendons tous de pouvoir revenir à la normalité, aller au supermarché sans masques et sans faire la queue, mais revoir le système signifie se demander si les supermarchés devraient exister, si ce que je vais acheter est nécessaire, si la manière de produire est viable (soutenable) à long terme et si tout le monde

7 https://www.20minutes.fr/monde/2752867-20200401-coronavirus-americains-surencherissent-acheter-masques-commandes-france ; https://atalayar.com/fr/content/la-turquie-d%C3%A9tient-un-avion-avec-des-respirateurs-%C3%A0-destination-de-lespagne

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peut payer les prix imposés par un supermarché. Car même si un jour on pourra enfin retourner à la vie normale, une partie importante de la population exclue de ce privilège ne le pourra pas, je pense notamment à ceux qui ne mangent pas à leur faim, à ceux qui n’ont pas accès à une santé de qualité… ni à rien d’équitable. C’est pour cela que revenir à cette nouvelle normalité, si elle signifie revenir à la normalité pleine d’injustice d’avant le COVID-19 et à la normalité pleine d’inégalités sociales de notre monde, cela ne m’intéresse pas, car je pense qu’il faut aller vers un changement profond, vers quelque chose de nouveau. Nous avons du mal à imaginer cette nouvelle manière de vivre et cette nouvelle société, qui sans un changement profond de la conception de l’homme et de ses rapports avec le monde, deviendra une société encore plus injuste, où nous serons tous enfermés, ceux qui peuvent dans leurs villas comme en Afrique, avec des gardiens (parfois même armés), pour protéger leurs vies et leurs richesses. Nous continuerons à construire des murs, à mettre des barbelés, des caméras, des chiens de garde et à faire appel à des sociétés de sécurité. Un changement profond est l’unique manière pour que nous puissions tous, et pas seulement une partie privilégiée de la société, participer et voir cette renaissance : « Alors j’ai vu un ciel nouveau et une terre nouvelle, car le premier ciel et la première terre s’en étaient allés et, de mer, il n’y en a plus ». (Apoc 21, 1). Mais attention, ce n’est pas seulement la société qui doit changer, mais aussi l’Eglise et je sens déjà les résistances. Nous avons du mal à aller jusqu’au bout de cette exigence de radicalité et aujourd’hui, en ce temps de crise, les textes de Christus Vivit prennent une actualité surprenante :

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37. L’Eglise du Christ peut toujours succomber à la tentation de perdre l’enthousiasme parce qu’elle n’écoute plus l’appel du Seigneur au risque de la foi, l’appel à tout donner sans mesurer les dangers, et qu’elle recommence à chercher de fausses sécurités mondaines. Ce sont précisément les jeunes qui peuvent l’aider à rester jeune, à ne pas tomber dans la corruption, à ne pas s’installer, à ne pas s’enorgueillir, à ne pas se transformer en secte, à être plus pauvre et davantage témoin, à être proche des derniers et des marginalisés, à lutter pour la justice, à se laisser interpeller avec humilité. Ils peuvent apporter à l’Eglise la beauté de la jeunesse quand ils stimulent la capacité « de se réjouir de ce qui commence, de se donner sans retour, de se renouveler et de repartir pour de nouvelles conquêtes ».

Autant l’Eglise compte avec les jeunes pour se renouveler, autant elle doit être attentive aux signes des temps :

39. Il est nécessaire que l’Eglise ne soit pas trop attentive à elle-même mais qu’elle reflète surtout Jésus-Christ. Cela implique qu’elle reconnaisse avec humilité que certaines choses concrètes doivent changer, et que pour cela il faut aussi prendre en compte la vision, voire les critiques des jeunes.

Ces questions sont de grande pertinence, car les temps que nous vivons nous demandent de revoir nos certitudes, non par rapport au contenu de la foi, qui restera toujours le même, mais dans la manière de la transmettre et de le témoigner.

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La crise pourrait être l’occasion pour se renouveler et oser vivre avec plus de radicalité notre fidélité à l’Evangile et aux personnes. Cela, notamment par rapport au monde numérique, à la manière de faire communauté en confinement, au style de vie des prêtres, aux questions d’argent et tant d’autres.

La fin du monde

Le Nouveau Testament est habité par cette croyance : l’histoire touchera un jour à son terme. Dans certains textes, la fin du monde est « proche » et liée à une volonté divine. Pour les textes de Noé et de l’Apocalypse de Jean, la fin du temps est liée au conséquence du péché de l’homme. Entre parenthèse, je précise que dans la collapsologie on préfère parler des conséquences des agissements de l’être humain, en particulier de la civilisation occidentale. Cette manière laïque d’aborder les choses remplace la notion de « péché » par celle de « conséquence ». Dans l’Eglise, ces dernières années les représentations de la fin du monde ne sont pas tellement conçues comme synonyme de punition mais plutôt comme dévoilement. En fait dans le Nouveau Testament quand on juge, on met à nu le comportement antérieur des croyants, notamment par rapport aux « plus petits » : « chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait ». (Mt 25, 40). Le jugement est l’heure de vérité. A côté de ce jugement, nous avons des paroles comme celle de l’Apocalypse 21, 5 : « Voici que je fais toutes choses nouvelles » qui nous remplissent d’espérance. Le discours de l’Eglise s’est donc éloigné, ces dernières années, de la notion de punition divine. On peut trouver cependant, dans

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une certaine interprétation de l’Exode, une corrélation étonnement parlante à ce que nous vivons. Si les plaies d’Egypte sont un signe pour le peuple juif et Pharaon, le COVID-19 serait un signe pour nos dirigeants. Le Pharaon s’est endurcit dans le refus de libération, comme c’est le cas pour Trump au début de son approche de la pandémie ou Bolsanaro qui continue à s’obstiner dans une ligne négationniste ou même Andrés López au Mexique qui a réagi très tardivement.

Une théologie de l’espérance

De thèmes récurrents interpellent la foi : le mal, la souffrance, la mort, la punition de Dieu, la volonté de Dieu… comme si elle avait une réponse, comme si la théologie pouvait répondre au défi de la réalité. Cette demande met en évidence combien nous sommes démunis devant les circonstances, au point de penser que Dieu nous a abandonnés. La théologie du sens a du mal à interpréter l’effondrement. Elle essaie de donner de l’espérance au milieu des souffrances. Ce n’est pas nouveau, plusieurs théologiens ont approfondi ces questions, nous pouvons penser aux travaux de Jürgen Moltmann, qui par trois volets a tracé une voie : son insistance sur l’espérance chrétienne, la solidarité du « Dieu crucifié » avec les hommes et l’écologie (il écrira le premier vrai ouvrage chrétien sur l’écologie).

Précisons que « la théologie de Moltmann se focalise sur le thème du futur »8, il développe cet approche en tant qu’espérance. Mais pour lui l’espérance doit agir, il propose ainsi une « herméneutique de la mission chrétienne ».

8 Evangelista Vilanova, Histoire des théologie chrétiennes, T. III (Paris : Cerf, 1997), 795.

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Cette théologie est particulièrement parlante pour ceux qui sont insatisfaits d’une société déshumanisante comme la nôtre. En fait, pour Moltmann, notre espérance se fonde sur la re-création de toutes choses par Dieu dans la résurrection du Christ. Mais attention, il ne faut pas exclure la souffrance, car par la souffrance, la croix trouve une place dans la théologie de l’espérance chrétienne. Ce serait intéressant de pouvoir approfondir ce que Moltmann dit de l’eschatologie et du problème du mal 9. En fait, nous nous rendons compte qu’aveuglés par le matérialisme et le narcissisme, Dieu n’est plus perçu comme une présence vivante. Parler de l’événement chrétien10 comme « présence de l’avenir », signifierait parler de « la présence » (Jésus) comme la clé de notre destinée. La difficulté c’est d’incorporer la notion d’un jugement futur comme une condamnation. Y a-t-il aucune condamnation à l’avenir ? Le double espoir en la résurrection et le pardon serait-il l’enfant de la nécessité tragique ? En ce moment de crise, nous avons pris conscience de la fragilité, du fait que nous ne maîtrisons pas tout. L’incertitude est devenu un poids lourd. Où trouver des certitudes ? Les certitudes qui se fondent sur des faits et des connaissances, elles semblent

9 Moltmann est peut-être le plus connu mais il n'est pas le seul théologien d'espoir. Nous avons par exemple le théologien luthérien Wolfhart Pannenberg vers la fin des années 60 aux Etats-Unis. Les théologiens de l'espoir ont fait de l’« eschaton » leur centre conceptuel. Leur premier mouvement est celui d'utiliser ce centre pour affirmer la signification et l'importance de Jésus-Christ. 10 A propos de l’événement chrétien, don Luigi Giussani aimait dire que l'évènement chrétien vécu comme communion est le fondement de la vraie libération de l'homme. Pour plus d’information regarder https://francais.clonline.org/cl

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pouvoir nous apaiser, mais en ce moment nous ne les avons pas... elles nous manquent terriblement. Dans ce contexte tragique, la foi se présente comme un chemin à parcourir avec plein d’espérance, parce qu’elle se fonde sur la rencontre de quelqu’un, sur une personne. Comme un enfant qui a peur et retrouve le calme dans les bras de sa mère, de la même manière notre espérance, qui est la fille de la confiance, se fonde et embrasse Jésus.

Le souci des pauvres

Il y a encore une contribution importante que la théologie peut donner à cette crise : le souci des pauvres. Une réflexion profonde doit être faite sur notre manière de faire Eglise pendant le COVID-19 et nous ne devons pas manquer le rendez-vous de l’avenir après COVID-19. Car il y a beaucoup de pauvretés, de toutes sortes, qui ont besoin d’être accompagnées par l’Eglise. A ce propos, les collapsologues proposent l'entraide, la reconnaissance et l'émerveillement comme chemin pour vivre (et non survivre) dans l’effondrement. Dans le monde catholique, on préfère parler de solidarité et de justice par rapport aux pauvres, de re-naissance ou de nouvelle création et contemplation, fruit de l’émerveillement.

Conclusion La Pandémie et cette crise sont un appel à l’essentiel, à la pauvreté et nous n’avons pas trop de choix, sinon celui du sens. Dans cette approche du sens, il est nécessaire de développer notre intériorité pour pouvoir distinguer le plus important comme Marie, la sœur de Lazare, quand elle a accueilli Jésus chez elle (Lc 10, 42). C’est pourquoi le confinement peut être une opportunité pour nous arrêter, pour contempler la nature,

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pour nous émerveiller de ce que nous avons… car tout peut nous renvoyer à Dieu. Je termine ce premier point, en disant que l’incertitude engendre la peur et que seulement une présence pourra nous en faire sortir. Pour le croyant c’est la présence de Jésus vivant à ses côtés.

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Ambigüité et richesse

du numérique en

temps de pandémie

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« La théologie nous ne la faisons pas pour notre consommation,

ni pour le fait de faire de la théologie, ni pour avoir une propre théologie comme certains qui cherchent à avoir sa propre maison.

Nous cherchons une théologie qui soit maison pour tous ». Gustavo Gutiérrez

Introduction

Je remercie le confinement que m’a imposé le COVID-19 et qui m’a obligé de sortir de mon cadre, paradoxe pour quelqu’un enfermé dans une chambre depuis huit semaines. Je vais aborder, dans ce deuxième point, les questions liées au numérique en ce moment de pandémie et les différences entre les émissions en direct ou en différé. Ce sujet ne doit pas être séparé de ce que j’avais dit dans le premier point, « L’apport de la foi », où je parlais de la foi en ce temps de crise.

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J’espère que ces lignes vous aideront à mieux comprendre ce

que nous avons vécu et à reconnaître la manière « mystérieuse »

dont Dieu agit pour nous soutenir.

Je suis admiratif de la grande créativité de productions qu’ont

été publiées, presqu’une nouvelle langue qui anticipe, peut-

être, une nouvelle Pentecôte.

1. Un aréopage ambigu : le numérique

Un espace à habiter de manière évangélique

En 2017, les jeunes à Rome avaient interpellé l’Eglise par rapport à sa présence dans le monde numérique :

Le monde des news media mérite une mention particulière car, surtout pour les jeunes générations, il est véritablement devenu un lieu de vie ; il offre beaucoup d’opportunités inédites, surtout en ce qui concerne l’accès à l’information et la possibilité de tisser des liens à distance, mais il présente aussi des risques (par exemple le cyber-harcèlement, les jeux de hasard, la pornographie, les pièges des chat room, la manipulation idéologique, etc.). Bien qu’avec de nombreuses différences selon les régions, la communauté chrétienne en est encore à insérer sa présence dans ce nouvel aréopage, où les jeunes ont certainement quelque chose à lui enseigner 11.

Je crois que les jeunes peuvent non seulement nous enseigner comment ce monde numérique fonctionne, ses codes et son

11 Document préparatoire pour le Synode 2018 sur les jeunes. Les Jeunes, La Foi et Le Discernement Vocationnel (2017).

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langage, mais aussi nous aider à saisir le changement anthropologique qu’il comporte. Cette contribution possible a été encore une fois évoquée lors du Synode des jeunes :

Le monde digital, comme jamais auparavant, représente un grand potentiel pour réunir les peuples malgré les distances géographiques. L’échange d’informations, d’idéaux, de valeurs et d’intérêts communs est de plus en plus développé. L’accès aux outils d’apprentissage en ligne a ouvert des opportunités d’éducation dans des régions éloignées 12.

Le COVID-19 nous a fait plonger de manière inattendue dans le défi du numérique en quelques jours. Beaucoup d’adultes retardaient ou négligeaient son acceptation dans leur vie, certains étaient même des analphabètes du numérique. Ainsi, ils se sentaient lointains, ayant parfois des discours négatifs, d’ailleurs, parfois, non sans raison. Aujourd’hui, dans certaines situations, comme celle où je suis, à l’Ile Maurice : lockdown ou confinement obligatoire pendant huit semaines, le numérique est devenu l’unique, et je dis bien « l’unique », moyen de garder contact avec le monde, avec nos destinataires, avec nos paroissiens, avec les jeunes, avec nos familles et les personnes que nous aimons. Malgré les limites du numérique, nous remercions Dieu de la richesse et de l’opportunité qui nous ont été offertes grâce à l’outil informatique.

12 Document de la réunion pré-synodale. Les jeunes, la foi et le discernement vocationnel. (Rome, 19-24 mars 2018).

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Revenons un peu en arrière, déjà en 2002 le Conseil Pontifical pour les communications sociales avait dit que :

Elle (la réalité virtuelle) offre également à l'Eglise un moyen de communiquer avec des groupes particuliers, — jeunes, jeunes adultes, personnes âgées ou contraintes de garder la maison, personnes habitant dans des régions éloignées, membres d'autres organismes religieux — qu'il serait autrement difficile d'atteindre 13.

Cette valorisation positive est devenue aujourd’hui une évidence et les mots du Pape Jean-Paul II qui avait qualifié les médias de « premier aréopage des temps modernes » sont devenus réellement d’actualité. Certes, il ne suffit pas d’utiliser les médias pour assurer la diffusion du message chrétien et l'enseignement de l'Eglise, mais il faut intégrer le message dans cette « nouvelle culture ». Le Pape François, dans son Exhortation Apostolique Christus Vivit, parlait aussi des opportunités du numérique:

87. Ils constituent une extraordinaire opportunité de dialogue, de rencontre et d’échange entre les personnes, et donnent accès à l’information et à la connaissance. En outre, l’environnement numérique est un contexte de participation sociopolitique et de citoyenneté active et il peut faciliter la circulation d’une information indépendante capable de

13 Conseil Pontifical pour les communications sociales, L’Eglise et Internet (2002). http://www.vatican.va/roman_curia/pontifical_councils/pccs/documents/rc_pc_pccs_doc_20020228_church-internet_fr.html , n° 5.

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protéger efficacement les personnes les plus vulnérables en révélant au grand jour les violations de leurs droits. Dans de nombreux pays, Internet et les réseaux sociaux représentent désormais un lieu incontournable pour atteindre les jeunes et les faire participer, notamment aux initiatives et aux activités pastorales.

Ce texte est tellement d’actualité, qu’on n’aurait jamais pensé qu’à la place « d’incontournables », ces moyens seraient devenus « uniques » et « indispensables » pour ceux qui sont en situation de confinement ou doivent faire du télétravail. Pour la plupart des agents pastoraux et prêtres, c’est un monde maîtrisé par l’utilisation des « applications », qu’ils ont téléchargées sur leur portable (store). Ce temps de pandémie nous a mis à l’épreuve de la production du matériel numérique. Ainsi à cause du confinement, on s’est retrouvé : techniciens, producteurs, caméramans, acteurs, animateurs et communicateurs. Tout cela avec des moyens souvent modestes. Un appel à la créativité a été lancé à ceux qui n’avaient pas nécessairement les compétences ni le talent. Cela a donné parfois lieu à des émissions « tops » et d’autres, à des productions de faible qualité. Combien de temps pourra durer cette situation ? Quand on regarde ce monde des émissions, il semble que tous ont quelque chose à dire et nous sommes parfois submergés de propositions : prêtres, évêques, Pape… offrent tellement d’informations, que devant une telle fécondité nous pourrions nous sentir noyés, perdus.

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Vers une nouvelle perception du numérique

Nous savons tous combien le net peut être source ou moyen pour véhiculer de mauvaises choses, c’est pour cela que nous pouvons avoir un sentiment de méfiance et de peur envers lui :

Quand on se réfère à la technologie, il faut comprendre la dualité qui existe dans son utilisation. Alors que les avancées techniques modernes ont réellement amélioré nos vies, il faut se montrer prudent dans leurs usages. Si la technologie a pour certains permis d’élargir le cercle de leurs relations, pour beaucoup d’autres elle a pris la forme d’addiction venant remplacer les relations humaines et même la relation à Dieu. Quoi qu’il en soit, la technologie a maintenant une place incontournable dans la vie des jeunes et doit être considérée en conséquence 14.

Comme vous avez sans doute déjà constaté, il y a deux positions, une positive et une négative par rapport au numérique, notamment à Internet. Je pense qu’il faut rester prudents, car dans le net il y a du bon et du mauvais, voire du très mauvais, cette cohabitation entre le bon grain et l’ivraie (Mt 13, 14-30), est une invitation au discernement et à un bon exercice de la liberté. Devant les discours et les pratiques de l’Eglise par rapport aux médias, certains, comme Guy Marchessault, affirment que nous sommes héritiers d’une perception de médias qui a produit des

14 Document de la réunion pré-synodale. Les jeunes, la foi et le discernement vocationnel. (Rome, 19-24 mars 2018).

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blocages historiques et une approche utilitaire 15. Par contre l’Eglise affirme avoir adopté une approche fondamentalement positive à l'égard des médias 16. Quoi qu’il en soit, le moment n’est pas au débat et aux discours, mais à de bonnes pratiques. Comme a été le cas lors de ce confinement, où les productions religieuses nous ont accompagnées. L’utilisation à une plus grande échelle du numérique pour travailler, communiquer et nourrir notre foi, nous a mis devant des questions profondes concernant la conception de l’Internet et du net, car ce qui est en train de changer c’est la culture, la conception des rapports. Ainsi, nous avons été acteurs d’une nouvelle sorte d’anthropologie qui est en gestation :

Il est très important de mettre en évidence le fait que l’expérience de relations relayées technologiquement structure la conception du monde, de la réalité et des rapports interpersonnels ; c’est à cela qu’est appelée à se confronter l’action pastorale, qui a besoin de développer une culture adéquate 17.

15 Guy Marchessault, « Communiquer la foi dans une parole publique : intervenir dans les médias de masse », dans Précis de théologie pratique, dir. Gilles Routhier et Marcel Viau (Montréal/Bruxelles : Novalis/Lumen Vitae, 2004), 414. 16 Cf. Par exemple, les messages du Pape Paul VI et du Pape Jean-Paul II à l'occasion des Journées mondiales des communications sociales, mais aussi les nombreux document du Conseil pontifical pour les communications sociales : Pornographie et violence dans les médias. Une réponse pastorale ; Ethique en publicité ; Ethique dans les communications sociales. 17 Document préparatoire pour le Synode 2018 sur les jeunes. Les Jeunes, La Foi et Le Discernement Vocationnel (2017).

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A propos de cette nouvelle manière de concevoir la technologie et ses conséquences, les jeunes nous invitaient au dialogue :

L’Eglise devrait approfondir sa compréhension de la technologie, afin d’aider ces jeunes à en discerner un bon usage. De plus, l’Eglise devrait, en interne, approfondir sa compréhension de la technologie, particulièrement Internet, et l’envisager comme un espace fécond pour la Nouvelle Evangélisation. Les résultats de ces réflexions devraient être formalisés à travers un document ecclésial officiel 18.

Il y a encore du chemin à faire car c’est sur cette nouvelle culture que l’Eglise devrait se positionner et donner un avis, et pas tant sur l’utilisation ou la question morale 19. Autrement dit, nous devons nous poser des questions concernant l’inculturation de l’évangile dans cette nouvelle culture numérique. Le défi étant d’incarner le message, les valeurs, la personne de Jésus sur le net. Il ne s’agit pas seulement d’évangéliser à travers le numérique, mais d’évangéliser ce milieu, d’être présents, de l’habiter par la présence de Dieu. C’est important parce que la culture numérique fait partie intégrante de la vie de nombreux

18 Document de la réunion pré-synodale. Les jeunes, la foi et le discernement vocationnel. (Rome, 19-24 mars 2018). Voir aussi dans le même document où est écrit que : « Internet offre à l’Eglise une opportunité d’évangélisation sans précédent, particulièrement par les réseaux sociaux et les vidéos en ligne. Parce que nous appartenons à cette ˶génération médias˵ nous pourrions conduire cette évolution. Il s’agit également d’un moyen de choix pour aller à la rencontre d’autres jeunes, et rejoindre des jeunes d’autres religions et des non croyants. La ˶Vidéo du Pape˵ ou les séries de vidéo sur le Pape sont un bon exemple de l’utilisation des médias pour l’évangélisation ». 19 Voir Conseil Pontifical pour les communications sociales. Ethique dans les communications sociales (4 juin 2000).

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jeunes. Et comme disait Grégoire de Nazianze : « ce qui n'a pas été assumé, n'a pas été guéri » ou sauvé.

2. Les types d’émissions et d’interactions

Les sacrements sont des rencontres entre Dieu, l’homme et la communauté, ils peuvent être définis ainsi :

Acte symbolique (geste, parole), qui signifie une

réalité invisible destiné(e) à la sanctification des

hommes. Dans le sacrement, c’est Dieu qui agit par

l’intermédiaire de son ministre (prêtre ou diacre). II

existe sept sacrements : le baptême, la confirmation

et l’eucharistie, la pénitence (réconciliation),

l’onction des malades, l’ordre (par lequel on devient

diacre, prêtre ou évêque) et le mariage. Le baptême,

la confirmation et l’eucharistie constituent

"l’initiation chrétienne". Le sacrement du baptême,

en cas d’urgence (danger de mort) peut être donné

par tout baptisé 20.

Ce temps de crise et de confinement pose des questions par rapport à la manière de vivre ces sacrements. De nouvelles modalités, notamment pour la participation à l’eucharistie, sont en train de naître ou de se populariser. La TV, le téléphone, WhatsApp et autres sont des outils précieux, mais on perçoit facilement leurs limites par rapport aux sacrements, particulièrement la dimension communautaire et la matérialité de chaque sacrement (pain, vin, eau, huile etc.).

20 Définition proposée par l’Eglise Catholique de France dans https://eglise.catholique.fr/glossaire/sacrement/

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Les émissions en directe ou en différé

Dans la manière de fonctionner actuellement, deux types de formules sont proposés aux fidèles : les émissions en direct et les émissions en différé, avec la possibilité ou non d’interaction (envoi de messages). C’est intéressant ce que dit le document qu’a envoyé le Cardinal Sarah pour donner les indications pour la Semaine Sainte 2020 : « Les moyens de communication télématiques en direct, et non enregistrés, pourront être utiles » 21.

Deux choses attirent notre attention, avant tout les mots « télématiques » ou « telematic broadcasts » et « pourront ». « Télématiques », c’est un mot que d’habitude on n’utilise pas et « pourront » est un verbe qui, en ce moment de confinement, n’est plus possible d’être conjugué au « conditionnel », car aujourd’hui nous n’avons que cela pour maintenir le contact avec nos paroissiens dans une grande partie du monde.

Deuxièmement, quand le Cardinal parle « en direct, et non enregistré » 22, veut-il dire qu’il y a une différence ? Nous y reviendrons, en tout cas, je crois qu’il y en a une. Commençons par rappeler ce que le Conseil Pontifical disait en 2002 à propos de la relation entre destinataires et émetteurs, car c’est très pertinent :

L'interactivité à double sens d'Internet est déjà en train d'estomper la traditionnelle distinction entre

21 Congrégation pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements, Décret du 25 mars 2020, En temps de Covid-19 (II). http://www.vatican.va/roman_curia/congregations/ccdds/documents/rc_con_ccdds_doc_20200325_decreto-intempodicovid_fr.html 22 Ibid.

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ceux qui offrent et ceux qui sont destinataires de la communication et de créer une situation dans laquelle, du moins potentiellement, chacun peut faire les deux. Il ne s'agit plus de communication à sens unique, du haut vers le bas, du passé. Alors que de plus en plus de personnes se familiarisent avec cette caractéristique d'Internet dans d'autres domaines de leur vie, on peut s'attendre à ce qu'elles la recherchent également en ce qui concerne la religion et l'Eglise 23.

A retenir que dans un certain type d’émissions en direct, l’interactivité à double sens est possible, et c’est très riche et beau de constater comment les fidèles envoient, par exemple, des messages (prières, demandes et autres) pendant les célébrations de l’eucharistie transmises par Facebook. Il y a un autre cas, celui des émissions en direct mais sans possibilité de commentaires. C’est le cas quand on suit la messe à Rome ou ailleurs, où les messages ne sont pas possibles, notamment quand c’est à la TV. Une potentialité des émissions, déjà mentionnée, est celle des programmes en différé. Ici, il n’y a pas la possibilité de faire des commentaires, autant pour les émetteurs que pour les récepteurs, et s’il y en a, ils se font évidemment après l’émission « réelle ». Les émissions en différé permettent par contre de retravailler les images et le contenu, ce qui enlève les risques du live et donne plus de qualité technique et éducative.

23 Conseil Pontifical pour les communications sociales, L’Eglise et Internet (2002). http://www.vatican.va/roman_curia/pontifical_councils/pccs/documents/rc_pc_pccs_doc_20020228_church-internet_fr.html, n° 6.

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Une guérison à distance

A ce point de notre réflexion, il me semble important de se demander s’il y a ou non une sorte de grâce du direct, du streaming, du live. Rappelons quelques textes bibliques qui pourraient nous illuminer dans la quête d’une compréhension de ce que nous sommes en train, non seulement de réfléchir, mais de vivre. L’évangile de saint Jean nous rapporte un miracle à distance qui par sa modalité est très surprenant :

Il y avait un fonctionnaire royal, dont le fils était malade à Capharnaüm. Ayant appris que Jésus arrivait de Judée en Galilée, il alla le trouver ; il lui demandait de descendre à Capharnaüm pour guérir son fils qui était mourant. Jésus lui dit : « Si vous ne voyez pas de signes et de prodiges, vous ne croirez donc pas ! » Le fonctionnaire royal lui dit : « Seigneur, descends, avant que mon enfant ne meure ! » Jésus lui répond : « Va, ton fils est vivant. » L’homme crut à la parole que Jésus lui avait dite et il partit. Pendant qu’il descendait, ses serviteurs arrivèrent à sa rencontre et lui dirent que son enfant était vivant. (Jean 4, 46-51).

Dans cette histoire, je voudrais m’arrêter seulement pour approfondir deux questions : guérir à distance et la foi. Avant tout, celui qui demande le miracle est peut-être quelqu’un de sang royal ou tout simplement un serviteur du roi, voire même un soldat. Dans ce dernier cas, il ne serait pas juif. Quoi

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qu’il en soit, le récit nous dit que son fils est éloigné (environ 20 km) et malade. Nous avons aussi d’autres récits où Jésus guérit à distance en Mt 8, 5-13 et Lc 7, 1-10, « on peut penser que les trois évangélistes disposent d’une tradition commune » 24. A la différence de Matthieu et Luc, chez Jean, l’homme va devoir intervenir deux fois pour demander la grâce de la santé. Jésus accordera la guérison non en sa présence mais par sa parole : « va, ton fils est vivant » (v. 50). Je m’explique : dans les trois récits la question fondamentale n’est pas que la guérison se passe à distance, mais c’est la foi qui est au centre. Pour Matthieu et Luc, le miracle est la conséquence de la foi, par contre Jean invertit cette relation25. Il faut retenir cet aspect comme essentiel quand on pense aux émissions par Internet, la foi est plus importante et non tant la distance. C’est la foi qui donne de la valeur à la participation en direct ou en différé. C’est pour cela que pastoralement parlant, il faudrait que chaque croyant se demande la place de la foi dans sa participation aux émissions. Une autre chose qui me semble déterminante, c’est la question du « temps », le miracle se passe au même moment où Jésus parle, faut-il voir là une relation entre action de Dieu qui agit dans le présent et suivre une émission en direct ? C’est peut-être un peu anachronique, mais certainement très inspirant.

24 AAVV, Les évangiles. Textes et commentaires. Dir. Philippe Gruson (Paris : Bayard, 2001), 925. 25 Cf. Xavier Léon-Dufour, Lectura del evangelio de Juan. Jn 1-4. Tom I (Salamanca: Sigueme, 1989), 321.

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Directe ou différé, le temps

Dans le point précédent, nous avons fait référence à une possible différence entre une émission en directe et une en différé, s’il en a une, c’est laquelle ? Autrement dit, si je ne peux pas suivre à un moment déterminé une émission, pourquoi ne pas la suivre quand je peux où je veux ? Allons plus loin, puis-je suivre une messe dans mon lit ou en train de manger ? La mentalité de consommation peut orienter notre façon de nous rapporter aux médias. Ce qui n’est pas bien. Par exemple, je peux choisir mon émission préférée ou mon prêtre préféré, au moment qui m’arrange, à la limite Noël en Carême et Pâques à Noël. En soi, ce n’est pas si grave, si on la considère comme une simple émission, mais où se situe le sens de la communauté et le fait que l’émission a été faite pour un moment précis de l’histoire et par des croyants ? Le risque c’est celui d’ajuster la foi et les sacrements à nos besoins, en excluant la communauté physiquement et temporellement. Se couper de la communauté, même virtuelle, est un grand appauvrissement, car la sacramentalité n’est jamais un acte solitaire : un moi et Dieu, mais plutôt moi et Dieu dans une communauté. Cela n’empêche pas que Dieu nous touche avec ces émissions qui sont hors du temps (elles agissent un peu comme un livre qui nous interpelle), comme par exemple les chants ou les conférences, mais est-ce qu’il faut appliquer les mêmes critères pour une messe que pour un chant ? Il me semble que dans le cas de célébrations et de moments de prière, le « direct » en streaming est l’idéal, à condition que tous ceux qui y participent soient responsables, polis et qu’ils aient

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pour but d’y participer. Un filtre est possible, en mettant un mot de passe, pour chaque participant, afin d’éviter des commentaires déplacés. Concernant la question du « direct » encore, je crois qu’anthropologiquement et spirituellement c’est une option plus riche, particulièrement pour la messe, non parce que Dieu ne puisse pas agir à un autre moment de la journée ou de l’année, mais par le fait que le prêtre qui célèbre se sait en communion d’une manière « mystérieuse », avec ceux qui le suivent momentanément. D’autant plus quand le direct permet une nouvelle façon de participer avec les petits émoticônes et les commentaires des followers qui montrent leurs sentiments, nous pouvons même y voir leur nom ou le nickname avec leur « avatar » dans le coin de l’écran. Cette communion « mystérieuse » ne l’est pas dans le sens occulte, mais dans le sens que nous nous savons unis en ce moment à d’autres frères et sœurs, qui ont la même intention. Cette communion est voulue et permise par Dieu. C’est parce que nous aimons le même Christ et que lui nous aime, qu’elle est une grâce pour ses participants qui, soutenus par l’Esprit Saint, font l’expérience de la rencontre avec Dieu. La grâce prend la forme de la « puissance de la simplicité », comme la première communauté chrétienne : « chaque jour, d’un même cœur, ils fréquentaient assidûment le Temple, ils rompaient le pain dans les maisons, ils prenaient leurs repas avec allégresse et simplicité de cœur ». (Ac 2, 46).

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Le direct a donc une nouvelle grâce, celle de milliers d’espaces et des personnes qui se rencontrent, parce qu’elles se savent unies, non tant par un réseau Internet, que par ce qui est célébré et par celui qui est célébré : le Christ et la foi que nous lui portons, comme dans le texte évangélique de guérison à distance que nous avons étudié. Don Luigi Guissani disait à propos du présent :

Seul le présent peut vaincre l’abstraction : le présent est l’objet véritable de la connaissance. Tout ce que l’on ne peut pas expérimenter d’une certaine façon dans le présent n’existe pas. Même Dieu, dans son existence, doit être présent ici puisque la présence est la caractéristique de l’être de Dieu. Comme dit saint Thomas : « Le nom ‘Celui qui est’ signifie être dans le présent et cela convient souverainement à Dieu, dont l’être ne connaît ni passé, ni avenir » 26.

Donc, le présent est le kayros, le temps du salut, où le Dieu du présent, le Dieu « je suis », se fait expérience pour nous. Car Dieu est toujours quelque chose qui se passe maintenant, en ce moment, en cet instant précis. Dans ce sens, l’émission suivie en direct, au présent, permettrait d’expérimenter le Dieu du présent, cette façon de concevoir le temps évite de tomber dans une foi théorique et illusoire. Pour celui qui « produit » des émissions, la frontière entre la pertinence de la mission qui lui est confiée et sa « popularité »

26 Luigi Giussani, Engendrer des traces dans l’histoire du monde (Milan : Parole et Silence, 2011), 164.

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exprimée en followers n’est pas toujours claire. Comment rester humble quand on a beaucoup de « vues » et followers ? De nouvelles formes d’orgueil peuvent naître, aussi bien dans le clergé que pour les laïques, où on peut rivaliser en vraies « stars du Web ».

Conclusion

Terminons en disant que les émissions en direct sans possibilité de commentaires sont plus pauvres en échange, mais toujours nécessaires quand il s’agit des contraintes propres à la TV où un grand nombre de personnes suivent. Il me semble donc, dans la mesure du possible, que la participation aux émissions en direct soit le choix le plus souhaitable, notamment quand on parle de prières et de la messe. Mais revenons au récit évangélique de la guérison à distance, au fond ce qu’importe c’est la foi et l’amour que nous mettons dans ce moment où nous sommes présents devant Dieu. Car quand il y a la foi et l’amour, l’espérance n’est pas très loin, et nous en avons tellement besoin en ce moment précis.

Autant, pour la distance que pour le temps (direct ou en différé), certainement Dieu peut agir de manière qui dépasse notre entendement. Notre travail théologique consiste à essayer de nommer ce qui est possible de l’être.

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Sacramentalité

et

numérique

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« Derrière chaque difficulté, il y a une opportunité » Albert Einstein

Introduction

Après presque trois mois de confinement, nous sommes fatigués et nous attendons avec impatience de pouvoir « sortir », pouvoir reprendre une partie de la vie que le COVID-19 nous a enlevée. Ce troisième chapitre répond à l’invitation que les documents de l’Eglise font pour approfondir et réfléchir sur l’« Internet » :

Certains autres points exigent encore une réflexion approfondie. En ce qui les concerne, nous invitons à une recherche et à une étude permanentes, comportant le développement d’« une anthropologie et une véritable théologie de la communication » — incluant aujourd'hui une

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référence spécifique à Internet. Certes, outre l'étude et la recherche, un programme pastoral positif pour l'utilisation d'Internet peut et doit (se) poursuivre 27.

Faisant écho au texte précédent, dans les lignes qui vont suivre, je vais essayer d’approfondir la question concrète de l’Internet et des sacrements. Je suis certain qu’un document écrit permet aux gens de réfléchir, de prendre position et d’aller plus loin. Car, comme vous allez le constater, cette dernière réflexion laisse beaucoup de portes ouvertes, ce qui peut être frustrant pour certains, mais source d’inspiration pour ceux qui veulent aller plus loin.

1. Les questions que posent les sacrements à

distance

En ce moment de confinement, nous avons choisi de continuer à faire ce que nous savons faire, c’est-à-dire : des chapelets, messes, chemin de croix et adorations, mais en les adaptant à nos conditions particulières, autrement dit, comme les gens ne pouvaient pas venir à l’Eglise, nous avons rapproché l’Eglise d’eux grâce à l’Internet. Ainsi, les célébrations sont entrées dans nos vies par la fenêtre d’un écran. Cela nous interpelle sur la valeur sacramentelle de ces pratiques. Je m’explique : quelle est la valeur d’une messe à distance et de

27 Conseil Pontifical pour les communications sociales, L’Eglise et Internet (2002). http://www.vatican.va/roman_curia/pontifical_councils/pccs/documents/rc_pc_pccs_doc_20020228_church-internet_fr.html , n° 9.

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la communion spirituelle ? 28 Quelle est la valeur d’une bénédiction par Internet ? En tout cas, pour cette dernière interrogation, la « réalité » de la bénédiction à distance semble exister, car le Pape la pratique pour la bénédiction Urbi et Orbi.

Essayons d’approfondir encore quelques-unes de ces questions théologiques et pastorales, spécifiquement pour deux sacrements, toujours dans le cadre de pandémie et de maladie : la messe et la réconciliation ou confession. J’insiste pour dire que nous sommes dans une situation exceptionnelle, unique… ne faut-il pas aussi des réponses uniques pour les sacrements ? Est-ce que la solution originale ne consisterait pas tout simplement à les retransmettre par vidéo ? En fait, je crois que les choses sont plus complexes et que la perspective du numérique peut donner des opportunités pour vivre les sacrements autrement, mais il ne pourra jamais remplacer ce que nous vivons dans nos communautés et nos célébrations « normales ». Si le net a beaucoup de richesses, il a aussi ses limites, donc loin de moi de faire l’apologie du numérique.

28 « Communion au Christ présent dans l’Eucharistie, non pas en le recevant sacramentellement, mais par le seul désir procédant d’une foi animée par la charité. La valeur de la communion spirituelle repose sur la foi en la présence du Christ dans l’eucharistie comme source de vie, d’amour et d’unité. Elle est un moyen privilégié de s’unir au Christ pour ceux qui ne peuvent pas communier corporellement: personnes âgées, malades, divorcés remariés ». https://eglise.catholique.fr/glossaire/communion-spirituelle/ Cf. aussi Dicastère pour la Communication du Saint Siège, Fort dans la tribulation. La communion de l’Eglise soutien durant l’épreuve (Città del Vaticano : Libreria Editrice Vaticana, 2020), 57.

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C’est vrai qu’il n’y pas de baptême sans eau qui mouille, d’onction de malades sans huile qui coule, de communion sacramentelle sans hostie consacrée et d’ordination sans imposition des mains. Malheureusement et heureusement, d’une certaine façon, la technologie (Internet et la téléphonie) est l’unique moyen que nous avons pour communiquer, autant bien les mettre à profit, intelligemment et de manière évangélique. Je voudrais noter ici deux choses particulières par rapport au sacrement de la réconciliation. Il ne demande pas une « matérialité » (pain, vin, huile, eau…), en fait on n’a même pas besoin de toucher la personne ou de la voir (quand on confesse dans un confessionnal). Ensuite, il n’est pas nécessaire que ce soit célébré en communauté, elle est implicite. On a besoin seulement d’un pénitent et d’un prêtre.

2. Le cas de la messe

Est-ce la même chose de suivre la messe à la TV, sur les réseaux sociaux que dans une Eglise ? Cette pratique est déjà acquise depuis longtemps. Je crois que nous sommes tous d’accord que ce n’est pas la même chose, il suffit d’un peu de bon sens pour le comprendre, en disant cela je ne vais pas lui enlever son importance, surtout pour les malades et les personnes âgées. Mais aujourd’hui les célébrations à distance prennent des contours nouveaux, autant par la manière que par le nombre de personnes contraintes à les suivre, car en moment de pandémie, la messe à distance, par la TV ou le net, sont pour la plupart des fidèles l’unique voie de célébration. La déclaration de la commission de Communication Sociale est très éclairante pour ce que nous approfondissons :

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La réalité virtuelle ne remplace pas la Présence réelle du Christ dans l'Eucharistie, la réalité sacramentelle des autres sacrements, et la participation au culte dans une communauté humaine faite de chair et de sang. Il n'y a pas de sacrements sur Internet ; et même les expériences religieuses qui y sont possibles par la grâce de Dieu ne suffisent pas si elles sont séparées de l'interaction dans le monde réel avec d'autres personnes de foi. Voilà un autre aspect d'Internet qui exige une étude et une réflexion 29.

Certains disent que les célébrations transmises en directe ou en différé ne sont qu’une image de la réalité, est-ce le cas ? Avant tout, personne ne veut dire que les émissions remplacent les célébrations dans une Eglise en communauté, mais nous affirmons que c’est une autre manière de prier, dans un contexte exceptionnel de quarantaine. Il y a une tradition très ancienne dans l’Eglise, qui enseigne que pour tous ceux qui ne peuvent pas communier sacramentellement, il y a la communion spirituelle. Mais c’est quoi cette communion spirituelle ? La communion spirituelle permet d’exprimer le désir d’accueillir dans son propre esprit le Christ, dans des situations où il est impossible de participer à l’eucharistie et de recevoir la communion sacramentelle. On peut utiliser des paroles ou des prières comme celle de Saint Alphonse-Marie de Liguori :

29 Conseil Pontifical pour les communications sociales, L’Eglise et Internet (2002). http://www.vatican.va/roman_curia/pontifical_councils/pccs/documents/rc_pc_pccs_doc_20020228_church-internet_fr.html , n°9.

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Je crois, mon Jésus, que tu es réellement présent au très Saint Sacrement de l’autel. Je t’aime par-dessus toute chose et je désire ardemment te recevoir dans mon âme. Puisque je suis incapable de Te recevoir de façon sacramentelle, entre au moins spirituellement dans mon cœur. (Garde le silence et exprime à Jésus ton amour pour Lui). Je T’embrasse comme si Tu y étais déjà et je m’unis entièrement à Toi. Ne permets jamais que je sois séparé de Toi. Ainsi soit-il.

La communion spirituelle c’est bien, mais je voudrais ajouter qu’après trois mois sans messes et sans pouvoir communier, il faudrait se demander sérieusement si nous ne pouvons pas « inventer » ou « développer » d’autres manières pour permettre l’accès à l’eucharistie aux fidèles désireux et affamés. Car pour nous, chrétiens, l’eucharistie sacramentelle est de l’ordre de l’essentiel. Elle est aussi importante que la nourriture, que les médicaments, que les services essentiels… mais à un autre niveau. Enfin, si pour l’eucharistie nous avons une communion spirituelle, pour la réconciliation nous avons une démarche semblable : la confession de désir. Mais à différence de l’eucharistie, la confession présente des possibilités de célébrations différentes de celles des autres sacrements comme nous allons voir.

3. Le cas de la confession

La question est fréquente en ce temps de confinement. Puisqu’il n’est pas possible de venir à l’église pour se confesser, peut-on recevoir l’absolution par téléphone ou par WhatsApp, Skype ou autre ? Au moins pour les cas les plus graves ?

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Selon la doctrine de l’Eglise, la confession doit être tout à la fois individuelle, secrète, auriculaire, concise et complète 30. La réponse de l’Eglise est donc : non, on ne peut pas recevoir le sacrement de la réconciliation par Internet, comme pour tous les sacrements 31. Mais qu’en est-il dans le cas de maladie ou de confinement comme c’est le cas aujourd’hui ? Où mettre en place le principe fondamental qui oriente l’Eglise, « le salut des âmes » (salus animarun) ? 32 Car il ne s’agit pas d’une manière ordinaire de confesser, mais d’une manière extraordinaire, qui pourrait être autorisée dans certaines conditions et à certains prêtres.

30 Catéchisme de l’Eglise Catholique, n. 2042 : Deuxième Commandement de l’Eglise : « Tout fidèle est tenu par l’obligation de confesser ses péchés au moins une fois par an ». Code Droit Canonique, can. 989 : Tout fidèle parvenu à l'âge de discrétion est tenu par l'obligation de confesser fidèlement ses péchés graves au moins une fois par an ». En ce qui concerne la confession pascale, et en général les autres confessions, spécialement en cas de péché mortel ou grave, impossibles pour de très nombreux fidèles dans le contexte actuel d’épidémie de coronavirus, le décret de la Pénitencerie Apostolique du 19 mars 2020 (cf. aussi homélie du Saint-Père du 20 mars 2020) comporte cette disposition : ceux qui n’ont pas accès au sacrement de Pénitence peuvent demander à Dieu le pardon de leurs péchés – même mortels – d’un cœur contrit et sincère (contrition), avec la ferme résolution de recourir à la confession sacramentelle dès que possible. 31 Cf. Conseil Pontifical pour les communications sociales, L’Eglise et Internet (2002). http://www.vatican.va/roman_curia/pontifical_councils/pccs/documents/rc_pc_pccs_doc_20020228_church-internet_fr.html , n° 9. 32 Cf. Dicastère pour la Communication du Saint Siège, Fort dans la tribulation. La communion de l’Eglise soutien durant l’épreuve (Città del Vaticano : Libreria Editrice Vaticana, 2020), 47.

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Il y a une objection importante pour la réconciliation par Internet, il s’agit de la présence physique réelle des personnes, car l’Eglise ne considère pas la présence par Internet comme réelle. On peut justement se demander, quelle est la différence entre un écran et un confessionnal où on ne voit pas l’autre ? Et si je ne peux pas me confesser par téléphone, comment me faire pardonner ? La solution proposée est celle de demander pardon « d’un cœur contrit et sincère ». Cette formule ne remplace pas la confession mais elle pardonne. Cependant il est dit, quand même, qu’il faudra se faire confesser dès que possible. Alors quel est le sens de ce pardon ? Le sens est probablement à trouver dans l’urgence, dans la situation exceptionnelle. Le pape François a réaffirmé ce que l’Eglise a toujours enseigné : qu’un acte de contrition parfaite efface les péchés… en attendant de pouvoir en faire l’aveu personnel le plus tôt possible. Pour le dire explicitement : si on meurt sans pouvoir se confesser on est quand même pardonné parce qu’on le voulait au fond de son cœur 33, mais si on reste en vie, il faut aller confesser les péchés graves. On pourrait se demander pourquoi : pour être pardonné ? pour terminer la confession ? pour être rassuré ? pour éviter des abus ? pour ajouter la dimension communautaire ? pour avoir une pénitence adaptée ? pour écouter une parole réconfortante ? Peut-être un peu pour toutes ces choses à la fois. Ce manque de présence physique part d’un concept de la relation numérique comme n’étant pas une vraie relation. Bien

33 Cf. Dicastère pour la Communication du Saint Siège, Fort dans la tribulation. La communion de l’Eglise soutien durant l’épreuve (Città del Vaticano : Libreria Editrice Vaticana, 2020), 47-49, qui explique le pardon en cas de danger de mort.

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évidemment ce n’est pas la même chose, d’échanger par Internet que physiquement, mais pour les jeunes la relation numérique est réelle et pas virtuelle, pour eux il y a présence mais autrement. Au fait, c’est une nouvelle culture, presqu’une nouvelle anthropologie que nous avons du mal à comprendre et qui est en train de naître chez la nouvelle génération. Il faut se rappeler que pour beaucoup de jeunes : « l'expérience humaine comme telle est devenue une expérience médiatique » 34. Elle est tellement réelle que les jeunes peuvent souffrir de bullying, peuvent être agressés dans leur intimité, etc. Il y a une autre objection à la confession par Internet, celle de la confidentialité. Le secret de confession doit en effet être absolu. Or, nous savons que même protégée par un bon firewall ou un password, une conversation téléphonique peut être écoutée, une vidéo conférence ou un message peuvent être surveillés. Mais, ne peut-on pas trouver une réponse à cette question ? Est-ce un confessionnal (lieu pour se confesser) plus confidentiel qu’un message ou qu’un e-mail ? Si c’était si dangereux le Web, pourquoi l’utilisons-nous pour travailler, payer, écrire, etc. ? C’est un paradoxe. Il faut dire aussi que le sacrement de la réconciliation a subi de profondes transformations dans sa manière d’être célébré au long de l’histoire et qu’il y a en ce moment une autre possibilité qui s’ajoute à celle de la « contrition » (repentir sincère) : l’absolution générale en cas de besoin très graves, avec le

34 Conseil Pontifical pour les communications sociales, L’Eglise et Internet (2002). http://www.vatican.va/roman_curia/pontifical_councils/pccs/documents/rc_pc_pccs_doc_20020228_church-internet_fr.html , n°4, citant Aetatis novae, n. 2.

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propos de confesser individuellement leurs péchés graves en temps voulu 35. On revient à la question des « péchés plus graves », peut être pour signaler l’importance de la confession personnelle et pour éviter des abus, peut-être pour permettre à la personne de recevoir un bon conseil. Bref, autant pour l’eucharistie que pour la confession, nous passons de la communion sacramentelle à la communion spirituelle ; et de la confession sacramentelle à la confession directe à Dieu ou de désir, en attente de la confession sacramentelle auriculaire dans tous les cas. Cette « attente de la confession auriculaire » est importante pour éviter de croire que la confession sacramentelle n’est pas nécessaire. Mais, je voudrais insister sur la situation exceptionnelle que nous vivons, à grande échelle, est-ce qu’on peut penser à une solution « nouvelle » ? Il faut dire aussi que les personnes en grande détresse émotionnelle et spirituelle ont besoin d’une parole qui assure le pardon, d’une parole qui réconforte. Les possibilités de la « contrition » et de la demande de pardon directe adressée à Dieu, ont leurs limites, elles privent le pénitent de cette dimension de grande humanité par laquelle la grâce passe dans le sacrement. Car derrière la demande de

35 Catéchisme de l’Eglise Catholique, n° 1483. Dans : Dicastère pour la Communication du Saint Siège, Fort dans la tribulation. La communion de l’Eglise soutien durant l’épreuve (Città del Vaticano : Libreria Editrice Vaticana, 2020), 47. 53-54, le Cardinal Mauro Piacenza, pénitencier majeur, rappelle que la confession doit être toujours célébrée selon les dispositions de l’Ordo Paenitentiae. Dans ce même document, il explique les conditions pour l’absolution collective.

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pardon, il y a toujours une demande de réconfort, d’écoute, de soutien… d’une parole de la part de Dieu. Le silence de la maladie et du confinement, nous prive de cette parole. S’adresser directement à Dieu, dans les demandes de pardon en situations exceptionnelles, pour certains fidèles plus fragiles, n’est pas suffisant. Cela peut renforcer en eux le sentiment d’abandon de l’Eglise et de Dieu. J’ai trouvé intéressant ce que le cardinal Antonio Marto de Fatima disait dans une interview rapportée par Religion Digital :

Nous sommes en train de vivre notre foi comme le peuple qui traversait le désert, dans des circonstances exceptionnelles et sans précédent. Nous avons eu à trouver de nouvelles manières et moyens pour la vivre et la nourrir, jusqu’à ce que nous revenions à une situation de normalité. Dans des cas d’urgence, je n’ai aucune objection pour la confession par vidéoconférence. L’Esprit Saint aussi agit par ses moyens. Mais en vérité, je ne le trouve pas nécessaire. Le Pape a déjà dit que le Catéchisme de l’Eglise Catholique a prévu des situations dans lesquelles c’est possible de ‘se confesser’ directement à Dieu avec contrition et demande de pardon et avec l’engagement de célébrer la confession sacramentelle dès que possible. Nous ne devons éviter avec facilité la relation personnalisée propre aux sacrements 36.

36 Religion Digital, https://www.religiondigital.org/mundo/Cardenal-Antonio-Marto-videoconferencia-innecesario-fatima-coronavirus-leiria-cardenal_0_2221277872.html, traduit de l’espagnol par moi-même.

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C’est étrange, cela ressemble fort à un double langage. Car il dit « je n’ai aucune objection » et ensuite « ne voir aucune nécessité » pour confesser par Internet. Si l’urgence de confinement, notamment dans un hôpital où on risque de mourir, n’est pas une urgence, j’ai dû mal à voir laquelle le serait. Il aurait gagné à donner quelques exemples des situations « nécessaires » afin d’éviter ce malentendu. En tout cas, certains prêtres confessent en secret depuis longtemps par Internet, téléphone, WhatsApp ou skype, comme je l’ai vu dans quelques cas au Chili. Mais c’est un tabou de parler de cela.

Pour terminer ce paragraphe, je voudrais insister sur l’importance de l’apport de la théologie et de l’anthropologie. La situation actuelle est une invitation aux théologiens à écrire, pour nous éclairer sur ce que nous vivons.

4. Le droit et la créativité

On sent bien une tension entre créativité et respect de la liturgie, par rapport à l’utilisation du réseau (Internet). Le pape François, lors de son message pour la Semaine Sainte, parlait de la « créativité de l’amour » 37. Ce qui rejoint ce que le Conseil Pontifical pour les communications sociales disait en 2002 :

Il est également important qu'à tous les niveaux de l'Eglise, Internet soit utilisé de façon créative pour

37 Message pour la Semaine Sainte (3 avril 2020). https://www.vaticannews.va/fr/pape/news/2020-04/francois-video-coronavirus-semaine-sainte.html

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répondre aux propres responsabilités et accomplir l'œuvre de l'Eglise. Rester timidement en arrière par peur de la technologie ou pour d'autres raisons n'est pas acceptable, étant donné les innombrables possibilités positives qu'offre Internet 38.

Nous avons des interventions comme le « décret De la Congrégation pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements » émis le 25 mars 2020, à propos des normes pour les célébrations de la Semaine Sainte 2020, où il n’y a en réalité rien de nouveau, sauf une série de normes qui renvoient au missel romain 39. C’est compréhensible, afin d’éviter des abus, tout en nous laissant sur notre faim. On est en droit de se demander : quelle créativité, numérique, pastorale et théologique est permise ? Je voudrais insister sur cette opportunité à saisir pour l’Eglise. Nous devons profiter pour changer, dans le bon sens du mot, avec une fidélité créative envers notre passé, Jésus Christ et l’histoire présente.

La créativité est-elle un droit ou un devoir ? J’estime qu’il faut

reformuler la question. La créativité est une grâce, elle est un

don pour l’Eglise, à condition qu’elle soit le fruit de l’Esprit Saint

et rattachée à la tradition vivante de l’Eglise. La clandestinité, si

38 Conseil Pontifical pour les communications sociales, L’Eglise et Internet (2002). http://www.vatican.va/roman_curia/pontifical_councils/pccs/documents/rc_pc_pccs_doc_20020228_church-internet_fr.html , n° 10. 39 Congrégation pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements, Décret du 25 mars 2020. En temps de Covid-19 (II). http://www.vatican.va/roman_curia/congregations/ccdds/documents/rc_con_ccdds_doc_20200325_decreto-intempodicovid_fr.html

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il y en a une, à l’intérieur de l’Eglise, n’est bonne pour personne

et ne fait pas grandir la communauté croyante, elle peut être

prophétique, à condition qu’elle se risque au discernement de

l’Eglise et que l’Eglise accepte de garder présente l’invitation que

Jésus avait adressée à Nicodème : « il te faut renaître à

nouveau ».

Conclusion Bien que ce dernier chapitre puisse sembler un peu audacieux, ce sont les circonstances qui m’ont obligé et donné le temps pour écrire, c’est un work in progress, et je pense avoir posé plus de questions que donné des réponses. Les eucharisties par le net nous ont nourri, un peu comme la manne au désert, nous avons hâte de pouvoir y sortir et retrouver l’eucharistie communautaire. Nous avons découvert la douleur que vivent ceux qui sont enfermés par la maladie, nous avons découvert la souffrance de ceux qui ne peuvent pas communier… C’est difficile de rester insensible à tout cela, dans ce sens le confinement a été une école de « jeûne » eucharistique et de solidarité avec ceux qui sont privés du « pain de vie ». Le confinement nous a fait découvrir la valeur de la parole comme nourriture, devant elle, nous sommes tous égaux, nous avons tous la possibilité de la lire, l’étudier et la célébrer, cela ne doit pas s’arrêter après le confinement. Un jour « pardonner » (sacramentellement) à distance sera-t-il autorisé officiellement ? Je ne sais pas, ce que je sais, c’est que c’est une pratique qui existe, mais cachée. Alors pourquoi ne pas y réfléchir. Le problème est complexe : validité, opportunité,

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sacramentalité, ministères… Cela dépendra en grande partie de la conception du numérique et de comment cet outil imposera ses règles malgré nous. Après trois mois sans serrer la main de mes amis, moi comme tant d’autres, nous sommes en train d’avoir la nostalgie de la main qui pardonne et de celle qui consacre, du pain partagé et du bébé qui pleure pendant la messe. Peut-être qu’à la fin de ce COVID-19 nous apprécierons mieux ce qu’on a souvent pris pour acquis : les sacrements, la communauté et les prêtres. Certains disent que nous sortirons de la pandémie tous changés.

Moi, je voudrais ajouter : à condition que nous nous mettions en

mode « changement » maintenant, aujourd’hui et tout de suite.

Le changement passera, à mon avis, par la découverte de qui

nous sommes et pour « qui » il vaut la peine de vivre. Dans le cas

des croyants, par Dieu et son prochain. Il nous faudra donc des

hommes et des femmes courageux, prophétiques… bref, des

amis de Dieu.

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Table de matières

Préface ………………………………………………………………………………………… 1 1. L’apport de la foi

Introduction ...................................................................................... 5

1. L’effondrement et moi .............................................................. 7

Après plusieurs semaines .............................................................. 7

Je me croyais à l’abri de la crise écologique ................................... 7

Nous sommes au début ................................................................. 8

Une crise profonde de société, de conception de la personne et

des relations ................................................................................. 9

La colère des gens ....................................................................... 10

2. L’apport de la foi ..................................................................... 11

Sortir de la crise en lui donnant du sens ...................................... 11

La fin du monde .......................................................................... 15

Une théologie de l’espérance ...................................................... 16

Le souci des pauvres ................................................................... 18

Conclusion ...................................................................................... 18

2. Ambigüité et richesse du numérique en temps de

pandémie

Introduction .................................................................................... 23

1. Un aréopage ambigu : le numérique........................................ 24

Un espace à habiter de manière évangélique .............................. 24

Vers une nouvelle perception du numérique ............................... 28

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2. Les types d’émissions et d’interactions .................................... 31

Les émissions en directe ou en différé ......................................... 32

Une guérison à distance .............................................................. 34

Directe ou différé, le temps ......................................................... 36

Conclusion ...................................................................................... 39

3. Sacramentalité et numérique

Introduction .................................................................................... 43

1. Les questions que posent les sacrements à distance ................ 44

2. Le cas de la messe ................................................................... 46

3. Le cas de la confession ............................................................ 48

4. Le droit et la créativité ............................................................ 54

Conclusion ...................................................................................... 56

Le P. Heriberto Cabrera, salésien de don

Bosco, a été missionnaire en Afrique,

Madagascar et l’Ile Maurice. A la base

technicien… il a eu une formation

interdisciplinaire : en philosophie et éducation.

Il est docteur en théologie pratique. Il enseigne

l’éco-théologie avec une grande passion et il est engagé dans la

protection de l’environnement, notamment avec les jeunes.