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MESURES 812 - FÉVRIER 2009 - www.mesures.com 18 F orum MESURES 812 - FÉVRIER 2009 - www.mesures.com 19 HENRI WALASZEK, CETIM Contrôle non destructif : « L’imagerie numérique et la modélisation ont bousculé les habitudes » Le contrôle non destructif (CND) connaît de profondes évolutions. L’émergence de nouvelles méthodes et l’apport de technologies numériques offrent aux professionnels du CND des possibilités inédites. Il est désormais possible, grâce aux techniques multiéléments, d’obtenir une image numérique des pièces contrôlées. Les contrôles ultrasonores et radiographiques gagnent ainsi en traça- bilité et en simplicité. Parallèlement, des outils réservés aux laboratoires sont devenus accessibles aux industriels. C’est le cas des logiciels de modélisation, qui bouleversent les démarches adoptées jusqu’alors. Henri Walaszek, responsable de produit de l’ingénierie du contrôle et d’instrumentation au Centre technique des industries mécaniques (Cetim), nous offre ici son point de vue sur le CND d’aujourd’hui et de demain. Mesures. Pouvez-vous nous rappeler en quelques mots les activités du Cetim ? Henri Walaszek. Depuis sa création en 1965, le Cetim a pour vocation d’accompa- gner les entreprises mécaniciennes dans leur développement. Il réalise à ce titre de nom- breuses actions collectives : travaux de nor- malisation, veille technologique, formations, journées techniques, etc. Il effectue par ailleurs de nombreuses études de R&D à l’in- tention des industries cotisantes. Grâce à ces activités, le Cetim a donc une double culture : il réalise des études techniques dans le cadre de recherches appliquées, et propose un cer- tain nombre de prestations dans le cadre de contrats privés. Cette spécificité est enrichis- sante. Elle nous permet d’appréhender la culture industrielle à travers deux approches très différentes. Mesures. Avez-vous aussi cette “double culture” dans le domaine du contrôle non destructif ? Henri Walaszek. Bien sûr. Dans le CND, comme partout ailleurs, nous réalisons à la fois des études techniques et des prestations commerciales. Pour comprendre la manière dont nous fonctionnons, il faut savoir que nos activités sont destinées à l’industrie mé- canique au sens large. Nous travaillons aussi bien avec des professionnels de la chaudron- nerie que des motoristes, des fabricants de matériels agroalimentaires, etc. Pour couvrir tous ces secteurs, nous disposons de diffé- rentes compétences. Citons parmi elles l’ana- lyse de défaillance, le calcul, la fatigue des composants mécaniques, les technologies de l’étanchéité, ou encore l’ingénierie des po- lymères et composites et les techniques de production. Le CND fait partie de ce faisceau de compétences complémentaires. Là aussi, nous nous mettons au service des industries mécaniciennes. Nous achetons les matériels de CND les plus avancés pour ré- pondre à leurs demandes, nous réalisons des études, puis des essais sur site ou en labora- toire pour évaluer l’intérêt de nouvelles mé- thodes. Actuellement, nous travaillons par exemple sur les technologies multiéléments, afin de voir dans quelle mesure elles peuvent être employées, et surtout, généralisées. Par ailleurs, nous proposons également des pres- tations de contrôle, mais surtout dans les cas où nous pouvons offrir une valeur ajoutée en termes d’études ou de conseils. Enfin, nos centres d’examen sont agréés par la Confédération française pour les essais non destructifs (Cofrend) pour la certification des opérateurs de contrôle non destructif. Cela concerne toutes les méthodes normalisées ou recon- nues par la Cofrend : ressuage, magnétoscopie, radiographie, ultrasons, émission acoustique et inspection visuelle détaillée sur réservoir composite. Mesures. Le Cetim participe-t-il égale- ment à l’élaboration des normes dans ce domaine ? Henri Walaszek. Tout à fait. Nous interve- nons régulièrement dans les comités de nor- malisation pour contribuer, entre autres, à la validation de nouvelles méthodes. Actuellement, nous participons à un groupe de travail de la Cofrend sur la normalisation du contrôle par ultrasons multiéléments ou “phased array”. Cela correspond à un réel besoin.Tout comme la méthode ultrasonore TOFD (détection et dimensionnement des fissures par temps de vol), la technique a fait ses preuves sur le marché depuis plusieurs années et son coût a beaucoup baissé. Mais l’absence d’un cadre normatif est un obstacle important à la généralisation de ces méthodes. C’est le cas en particulier dans le contrôle des appareils à pression. Pour l’instant, seul l’ASME prévoit d’utiliser ces méthodes ultra- sonores en remplacement de la radiographie. Mais la normalisation européenne com- mence elle aussi à prendre en compte ces évolutions. Mesures. Quelles sont les techniques de CND émergentes qui sont actuellement à l’étude au Cetim ? HenriWalaszek. Les méthodes ultrasonores phased array et TOFD font l’objet de travaux importants. Nous examinons leur potentia- lité face aux méthodes radiologiques. Nous nous penchons aussi sur la thermographie stimulée (afin d’obtenir des images de meilleure résolution à l’aide d’un traitement du signal spécifique). D’autres travaux portent sur la radiographie numérique, et nous com- mençons aussi à nous pencher sur le radar, pour la détection de canalisations enterrées. Enfin, nous menons des travaux de valida- tion dans le contrôle ultrasonore en ondes guidées. La méthode est encore peu utilisée, mais elle offre un intérêt certain pour le con- trôle global et rapide de zones inaccessibles dans les tubes de grande longueur. Mesures. Quelles sont, d’après vous, les grandes évolutions technologiques qui ont modifié le paysage du contrôle non des- tructif au cours de ces dernières années ? Henri Walaszek. Le contrôle par ultrasons, tout d’abord, a connu de profondes évolu- tions. Je pense en particulier à la méthode TOFD, qui exploite les signaux provenant de la diffraction des ondes ultrasonores sur le bord des défauts. Les avantages sont multiples : la méthode est rapide, peu sensible à l’orien- tation des défauts, et elle offre des enregis- trements cartographiques reproductibles. Dans certaines applications, elle représente donc une alternative intéressante à la radio- graphie, qui nécessite un traitement plus lourd et une sécurité accrue au niveau de la mise en œuvre. Ceci dit, la radiographie numérique a elle aussi beaucoup progressé. Sa résolution reste encore inférieure à la méthode traditionnelle par films, mais elle offre, très souvent, des résultats qui peuvent satisfaire un grand nombre de besoins. L’autre grande évolution, je l’ai déjà men- tionnée, ce sont les capteurs multiéléments. On les trouve dans la méthode ultrasonore (avec les ultrasons phased array), mais aussi en radiographie numérique ou en optique in- frarouge. Plus récemment, le CEA a même développé des sondes multiéléments pour contrôler de grandes surfaces par courants de Foucault. Le principe, rappelons-le, con- siste à diviser une sonde “classique” en plu- sieurs capteurs élémentaires reliés les uns aux autres et disposés suivant une géométrie spécifique. Ils sont programmés de manière à réaliser un “balayage numérique” de la pièce à inspecter. La technologie multiélé- ments permet ainsi de s’adapter à la forme de la pièce, et surtout d’obtenir une image… Mesures. Le résultat est donc plus facile à interpréter… La modélisation n’est plus réservée aux laboratoires de recherche high-tech. Elle arrive désormais dans l’industrie, où elle modifie profondément les usages. Cetim/Christian Barret Henri Walaszek, responsable de produit de l’ingénierie du contrôle et d’instrumentation au Cetim.

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Contrôle non destructif : « L’imagerie numérique et la modélisation ont bousculé les habitudes »Le contrôle non destructif (CND) connaît de profondes évolutions. L’émergence de nouvelles méthodes et l’apport de technologies numériques offrent aux professionnels du CND des possibilités inédites. Il est désormais possible, grâce aux techniques multiéléments, d’obtenir une image numérique des pièces contrôlées. Les contrôles ultrasonores et radiographiques gagnent ainsi en traça-bilité et en simplicité. Parallèlement, des outils réservés aux laboratoires sont devenus accessibles aux industriels. C’est le cas des logiciels de modélisation, qui bouleversent les démarches adoptées jusqu’alors. Henri Walaszek, responsable de produit de l’ingénierie du contrôle et d’instrumentation au Centre technique des industries mécaniques (Cetim), nous offre ici son point de vue sur le CND d’aujourd’hui et de demain.

Mesures. Pouvez-vous nous rappeler en quelques mots les activités du Cetim ?Henri Walaszek. Depuis sa création en 1965, le Cetim a pour vocation d’accompa-gner les entreprises mécaniciennes dans leur développement. Il réalise à ce titre de nom-breuses actions collectives : travaux de nor-malisation, veille technologique, formations, journées techniques, etc. Il effectue par ailleurs de nombreuses études de R&D à l’in-tention des industries cotisantes. Grâce à ces activités, le Cetim a donc une double culture : il réalise des études techniques dans le cadre de recherches appliquées, et propose un cer-tain nombre de prestations dans le cadre de contrats privés. Cette spécificité est enrichis-sante. Elle nous permet d’appréhender la culture industrielle à travers deux approches très différentes.

Mesures. Avez-vous aussi cette “double culture” dans le domaine du contrôle non destructif ?Henri Walaszek. Bien sûr. Dans le CND, comme partout ailleurs, nous réalisons à la

fois des études techniques et des prestations commerciales. Pour comprendre la manière dont nous fonctionnons, il faut savoir que nos activités sont destinées à l’industrie mé-canique au sens large. Nous travaillons aussi bien avec des professionnels de la chaudron-nerie que des motoristes, des fabricants de matériels agroalimentaires, etc. Pour couvrir tous ces secteurs, nous disposons de diffé-rentes compétences. Citons parmi elles l’ana-lyse de défaillance, le calcul, la fatigue des composants mécaniques, les technologies de l’étanchéité, ou encore l’ingénierie des po-lymères et composites et les techniques de production. Le CND fait partie de ce faisceau de compétences complémentaires.Là aussi, nous nous mettons au service des industries mécaniciennes. Nous achetons les matériels de CND les plus avancés pour ré-pondre à leurs demandes, nous réalisons des études, puis des essais sur site ou en labora-toire pour évaluer l’intérêt de nouvelles mé-thodes. Actuellement, nous travaillons par exemple sur les technologies multiéléments, afin de voir dans quelle mesure elles peuvent

être employées, et surtout, généralisées. Par ailleurs, nous proposons également des pres-tations de contrôle, mais surtout dans les cas où nous pouvons offrir une valeur ajoutée en termes d’études ou de conseils. Enfin, nos centres d’examen sont agréés par la Confédération française pour les essais non destructifs (Cofrend) pour la certification des opérateurs de contrôle non destructif. Cela concerne toutes les méthodes normalisées ou recon-nues par la Cofrend : ressuage, magnétoscopie, radiographie, ultrasons, émission acoustique et inspection visuelle détaillée sur réservoir composite.

Mesures. Le Cetim participe-t-il égale-ment à l’élaboration des normes dans ce domaine ?Henri Walaszek. Tout à fait. Nous interve-nons régulièrement dans les comités de nor-malisation pour contribuer, entre autres, à la validation de nouvelles méthodes. Actuellement, nous participons à un groupe de travail de la Cofrend sur la normalisation du contrôle par ultrasons multiéléments ou “phased array”. Cela correspond à un réel besoin. Tout comme la méthode ultrasonore TOFD (détection et dimensionnement des fissures par temps de vol), la technique a fait ses preuves sur le marché depuis plusieurs années et son coût a beaucoup baissé. Mais l’absence d’un cadre normatif est un obstacle important à la généralisation de ces méthodes. C’est le cas en particulier dans le contrôle des appareils à pression. Pour l’instant, seul l’ASME prévoit d’utiliser ces méthodes ultra-sonores en remplacement de la radiographie. Mais la normalisation européenne com-mence elle aussi à prendre en compte ces évolutions.

Mesures. Quelles sont les techniques de CND émergentes qui sont actuellement à l’étude au Cetim ?Henri Walaszek. Les méthodes ultrasonores phased array et TOFD font l’objet de travaux importants. Nous examinons leur potentia-lité face aux méthodes radiologiques. Nous nous penchons aussi sur la thermographie stimulée (afin d’obtenir des images de meilleure résolution à l’aide d’un traitement du signal spécifique). D’autres travaux portent sur la radiographie numérique, et nous com-mençons aussi à nous pencher sur le radar, pour la détection de canalisations enterrées. Enfin, nous menons des travaux de valida-tion dans le contrôle ultrasonore en ondes guidées. La méthode est encore peu utilisée, mais elle offre un intérêt certain pour le con-trôle global et rapide de zones inaccessibles dans les tubes de grande longueur.

Mesures. Quelles sont, d’après vous, les grandes évolutions technologiques qui ont modifié le paysage du contrôle non des-tructif au cours de ces dernières années ?

Henri Walaszek. Le contrôle par ultrasons, tout d’abord, a connu de profondes évolu-tions. Je pense en particulier à la méthode TOFD, qui exploite les signaux provenant de la diffraction des ondes ultrasonores sur le bord des défauts. Les avantages sont multiples : la méthode est rapide, peu sensible à l’orien-tation des défauts, et elle offre des enregis-trements cartographiques reproductibles. Dans certaines applications, elle représente donc une alternative intéressante à la radio-graphie, qui nécessite un traitement plus lourd et une sécurité accrue au niveau de la mise en œuvre. Ceci dit, la radiographie numérique a elle aussi beaucoup progressé. Sa résolution reste encore inférieure à la méthode traditionnelle par films, mais elle offre, très souvent, des résultats qui peuvent satisfaire un grand nombre de besoins.L’autre grande évolution, je l’ai déjà men-tionnée, ce sont les capteurs multiéléments. On les trouve dans la méthode ultrasonore (avec les ultrasons phased array), mais aussi en radiographie numérique ou en optique in-frarouge. Plus récemment, le CEA a même développé des sondes multiéléments pour contrôler de grandes surfaces par courants de Foucault. Le principe, rappelons-le, con-siste à diviser une sonde “classique” en plu-sieurs capteurs élémentaires reliés les uns aux autres et disposés suivant une géométrie spécifique. Ils sont programmés de manière à réaliser un “balayage numérique” de la pièce à inspecter. La technologie multiélé-ments permet ainsi de s’adapter à la forme de la pièce, et surtout d’obtenir une image…

Mesures. Le résultat est donc plus facile à interpréter… ➜

“La modélisation n’est plus réservée aux laboratoires de recherche high-tech. Elle arrive désormais dans l’industrie, où elle modifie profondément les usages.”

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Henri Walaszek. Bien sûr. Avec une image de la pièce, il est plus facile de comprendre le résultat d’un contrôle sans être un spécia-liste ! La technologie est donc plus accessible. Quand on parle d’imagerie numérique, on songe aussi à la possibilité d’automatiser le contrôle, afin de limiter les tâches manuelles les plus fastidieuses. L’image, enregistrée sur un PC, garantit également la traçabilité du contrôle. Il n’est plus nécessaire de noter les amplitudes de signaux sur une feuille de papier… Enfin, le fait d’obtenir une image est plus “vendeur” qu’une succession de signaux plus ou moins complexes à inter-préter ! Cela contribuera sans aucun doute à l’essor des techniques de CND.Mais l’essentiel n’est pas là. Si l’on ne devait retenir qu’une seule évolution, ce serait, à mon avis, l’arrivée des outils de modélisa-tion. Il s’agit d’une tendance lourde. Désormais, la modélisation n’est plus l’apa-nage de laboratoires de recherche high-tech. Elle est devenue accessible aux industriels. Je pense en particulier au logiciel CIVA, déve-loppé par le CEA. Cet outil, qui s’applique à différentes techniques de CND (ultrasons, courants de Foucault, etc.), conduit à prédire le fonctionnement d’un capteur (qu’il soit classique ou multiéléments) et à l’adapter en fonction de plusieurs facteurs tels que la géo-métrie de la pièce ou le défaut que l’on veut détecter. Il est donc possible de préparer le contrôle, de réaliser des études de faisabilité “virtuelles”, et de qualifier une méthode en économisant beaucoup de temps et de ma-tériel. Cette démarche est désormais natu-relle aux yeux de nombreux industriels à travers le monde. Elle a bouleversé leur façon de penser.

Mesures. Vous n’avez pas mentionné les progrès réalisés dans les techniques de contrôle par ultrasons sans contact… Elles ont pourtant fait beaucoup parler d’elles il y a quelques années. Où en est-on aujourd’hui ?Henri Walaszek. Il est vrai que ce domaine a connu de nombreuses avancées, en parti-culier avec l’émergence du procédé électro-magnétique EMAT et de la méthode laser. Grâce à ces méthodes, il n’est pas nécessaire de réaliser des couplages avec gel pour trans-mettre les ultrasons du traducteur à la pièce. Au Cetim, nous utilisons depuis quelques années des sondes EMAT pour contrôler les contraintes mécaniques internes dans les matériaux. Cependant, nous n’avons pas en-core industrialisé la méthode. Le besoin en ultrasons sans contact est là, c’est sûr, mais il n’est pas encore satisfait par les méthodes

actuelles. Les traducteurs EMAT, par exemple, ne sont pas universels. Avec un procédé élec-tromagnétique, on n’est pas toujours sûr de transmettre les ondes dans le matériau. Cela dépend de nombreux facteurs…

Mesures. Qu’en est-il des ultrasons à cou-plage laser ?Henri Walaszek. Sur ce sujet, j’avoue que je suis partagé entre deux points de vue. La

technique est encore une méthode haut de gamme relativement coûteuse. Sa mise en œuvre, qui peut être délicate, requiert un niveau de formation important. D’un autre côté, il existe des installations qui fonction-nent avec succès depuis plusieurs années. La méthode est utilisée notamment pour re-chercher des défauts dans les matériaux composites. Par exemple, chez Lockheed Martin, cinq machines contrôlent des pièces aéronautiques en composites par ultrasons laser. Je pense également à une application canadienne qui utilise cette méthode pour mesurer l’épaisseur de pièces en sortie de laminoir… Bien sûr, on ne peut pas dire que la méthode soit couramment répandue. Mais cela peut changer. Si vous m’aviez parlé il y a un an de l’emploi des ultrasons à couplage laser sur des produits métalliques, par exem-ple, je vous aurais dit que ce n’était pas pos-sible. Mais les articles publiés ces derniers

mois montrent qu’il faut peut-être réviser ce point de vue. A l’avenir, les applications des ultrasons laser vont très certainement se multiplier.

Mesures. Par rapport à des méthodes telles que le contrôle par ultrasons, les techni-ques de ressuage ou de magnétoscopie font rarement parler d’elles. Pourtant, le bilan de l’activité “certification” de la Cofrend en 2007 montre que le ressuage reste la méthode la plus demandée, suivie de la magnétoscopie. Comment l’expli-quez-vous ?Henri Walaszek. Cela n’est pas étonnant. Le contrôle par ultrasons est celui qui génère le chiffre d’affaires le plus élevé. Mais si vous considérez le nombre d’opérateurs de CND qui réalisent des contrôles sur le terrain, vous verrez que le ressuage et la magnétoscopie arrivent largement en tête. Si l’on en parle peu, c’est tout simplement parce que ces méthodes connaissent très peu d’évolutions. Et c’est tragique ! Car le besoin est colossal, les méthodes sont peu coûteuses et très lar-gement utilisées dans de nombreux domai-

nes ! Par rapport aux ultrasons ou à la radio-graphie, elles s’appliquent à une plus grande variété de matériaux, et autorisent le con-trôle de pièces de géométrie complexe. Dans certaines applications, elles sont même in-contournables. Il y a bien eu quelques pro-

grès au niveau de l’acquisition des images de ressuage, par exemple, avec des bras de robots équipés de capteurs (dans le secteur nucléaire). Le problème, c’est l’automatisa-tion de l’interprétation des résultats, qui n’est pas acquise. Quelques travaux ont été réalisés dans ce domaine, mais ils n’ont pas abouti à un développement industriel géné-ralisable. Il faut encore et toujours compter sur l’œil de l’opérateur et sur son expé-rience.

Mesures. Les techniques de CND ont-elles récemment gagné de nouveaux champs d’applications dans l’industrie ?Henri Walaszek. Pas vraiment. Disons plutôt qu’il y a certains domaines où la demande est devenue plus importante. C’est le cas, par exemple, avec le contrôle des matériaux composites. Ceux-ci sont désormais intégrés dans des structures mécaniques critiques (telles que les poutres internes qui ren- ➜

Quelques repères pour mieux comprendreLes essais non destructifs sont utilisés pour détecter, localiser, et dimensionner les défauts situés dans des pièces ou des structures. Il existe pour cela de nombreuses méthodes. Les plus connues sont l’examen visuel, le contrôle par ultrasons, le ressuage, la magnétoscopie, les courants de Foucault, ou encore l’émission acoustique. Ces méthodes se distinguent par leur principe physique, leur mise en œuvre, le type de matériau qu’elles peuvent inspecter, et bien sûr les résultats que l’on peut obtenir.

1/ Le contrôle par ultrasons est basé sur l’émission d’ondes ultrasonores à l’intérieur d’un matériau à l’aide de traducteurs couplés à la pièce. Les ondes se réfléchissent sur le fond de la pièce et sur les défauts, avant de revenir au traducteur. En interprétant les signaux obtenus, on peut alors localiser et dimensionner les défauts détectés. Pour assurer une transmission optimale des ultrasons, le traducteur doit être couplé à la pièce à travers un jet d’eau ou un gel. Il existe également des méthodes sans contact basées sur un couplage laser ou électromagnétique (EMAT).

2/ Le ressuage consiste à appliquer un liquide coloré ou fluorescent (appelé pénétrant) sur la surface à contrôler. Celui-ci pénètre à l’intérieur des défauts débouchants (fissures, criques, etc.). Après avoir nettoyé la pièce pour éliminer l’excès de pénétrant, il suffit d’appliquer un révélateur pour faire apparaître les défauts de surface. Cette méthode s’applique à une grande variété de matériaux non poreux (matériaux métalliques, plastiques, etc.).

3/ La magnétoscopie consiste à générer un flux magnétique intense dans les pièces à contrôler. Lorsque le matériau parvient à la saturation magnétique, il apparaît, au droit des défauts, des flux de fuite que l’on met ensuite en évidence à l’aide de traceurs magnétiques. La méthode s’applique aux pièces de nature ferromagnétique.

4/ Le contrôle par courants de Foucault consiste à utiliser un champ magnétique variable dans le temps pour induire des courants (appelés courants de Foucault) dans les matériaux conducteurs. En présence d’un défaut, la circulation de ces courants est perturbée. Il suffit alors de mesurer l’impédance du capteur pour détecter le défaut et le dimensionner.

5/ L’émission acoustique, enfin, exploite l’énergie libérée sous forme d’ondes élastiques transitoires lorsqu’un défaut se propage dans une pièce ou une structure (propagation de fissures, corrosion, déformation plastique, fuites, etc.). Le principe de la mesure réside alors dans la détection des ondes ultrasonores générées dans la structure. La méthode est privilégiée dans le contrôle des équipements sous pression et des réservoirs de stockage.

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La méthode TOFD exploite les signaux provenant de la diffraction des ondes ultrasonores sur le bord des défauts. La technique est rapide, peu sensible à l’orientation des défauts, et elle offre des enregistrements cartographiques reproductibles.

“Les méthodes TOFD et phased array ont fait leurs preuves. Mais l’absence de normes constitue un obstacle à leur généralisation.”

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forcent l’ossature des avions). Les besoins se développent aussi dans le ferroviaire, où l’on utilise des composites pour alléger les structures tout en améliorant leur tenue mé-canique. Dans ce domaine, les exigences de qualité et les besoins des industriels devien-nent pratiquement les mêmes que dans l’aé-ronautique !

Mesures. L’aéronautique est-il un secteur industriel important pour le CND ?Henri Walaszek. Si l’aéronautique est un gros utilisateur de CND, c’est aussi un gros fournisseur ! Les industriels de l’aéronauti-que développent des méthodes, voire du matériel pour leurs propres besoins. Ils sont à la pointe des évolutions techniques en ma-tière de CND, et sont souvent les premiers à tester les nouvelles méthodes. Les ultrasons phased array, par exemple, sont utilisés chez eux depuis des années ! Pour nous, c’est un secteur à surveiller de près car il est moteur dans de nombreuses applications.Notre plus gros client est le secteur de l’éner-gie, avec les appareils à pression, le contrôle de conduites forcées, de barrages, etc. Dans ce domaine, nous offrons à la fois du conseil et des prestations de contrôle.

Mesures. Nous parlons du contrôle de structures dans l’aéronautique, le ferro-viaire… Cela prouve-t-il que le CND est réservé aux applications de sécurité ?

Henri Walaszek. C’est le cas dans certains domaines, en particulier dans le contrôle des appareils à pression. Les critères d’accepta-tion sont alors très liés à des questions de sécurité. Mais hormis dans cette application (qui représente tout de même plus de la moitié de notre chiffre d’affaires), les indus-triels qui utilisent des méthodes de CND sont avant tout soucieux de la qualité des pièces qu’ils produisent.

Mesures. Quelle est la position de la France dans le domaine du CND ? Est-elle un ac-teur majeur par rapport à d’autres pays ?Henri Walaszek. Sur le plan international, notre pays est relativement bien situé. Je pense que cette situation provient du fait qu’il y a, en France, une industrie nucléaire importante. De nombreux acteurs français, tels que le CEA, Metalscan, Socomate, Sofratest ou M2M (pour ne citer qu’eux), sont exporta-teurs en matière de CND. Mais bien sûr, nous ne sommes pas encore au niveau du Canada ou des Etats-Unis qui restent, avec des socié-tés comme General Electric ou RD Tech, des leaders incontestés du domaine.

Mesures. Comment voyez-vous le CND dans les années qui viennent ? Quels sont les progrès auxquels il faut s’attendre ?Henri Walaszek. Je pense que nous allons assister, dans les cinq ou dix prochaines an-nées, à un essor important dans le domaine du traitement du signal. Les technologies ultrasonores multiéléments, par exemple, sont intéressantes en tant que telles (parce qu’elles autorisent le contrôle de formes complexes, ou parce qu’elles offrent la pos-sibilité de focaliser le faisceau où l’on veut dans l’épaisseur du matériau), mais aussi et surtout parce qu’elles annoncent une évolu-tion majeure : le fait que l’on puisse piloter l’émission des différents capteurs élémen-taires de manière à préparer à l’avance le

traitement du signal ultérieur, et donc l’in-terprétation des résultats. Actuellement, il n’y a quasiment pas d’appareils avec un traite-ment du signal intégré. Mais cela viendra ! On pourra alors réellement exploiter toutes les possibilités des méthodes multiéléments. Cela conduira certainement à de nouvelles façons de contrôler. On pourra gagner du temps et automatiser les méthodes, tout en étant peu sensibles à l’orientation des dé-fauts. Il est fort probable que les techniques de CND prennent alors un nouvel élan. La thermographie stimulée, par exemple, ne doit déjà son succès qu’au traitement du signal qu’il y a derrière !Je pense également que la méthode ultraso-nore par couplage laser a de beaux jours devant elle. Avec une technologie laser plus sûre, plus accessible, et en profitant des pro-grès réalisés en matière de traitement du signal, les applications devraient se multi-plier. Par ailleurs, comme je l’ai dit, il faudra aussi compter sur les méthodes qui permet-tent d’obtenir des images des pièces con-trôlées. Cela profitera sans aucun doute aux méthodes ultrasonores, et probablement aussi à la radiographie numérique. Enfin, du point de vue physique, je pense que nous n’avons pas encore fait le tour de ce que peut nous apporter l’acoustique non linéaire.

Mesures. Comment cela ?Henri Walaszek. Toutes les techniques de CND actuelles ont fait leurs preuves dans la détection de défauts. Mais il y a un domaine dans lequel elles montrent leurs limites : celui de l’endommagement des matériaux. A l’heure actuelle, il n’y a pas d’indicateur fiable qui puisse indiquer l’état d’endomma-gement d’une pièce et son état de fatigue. Mais des progrès intéressants sont apparus dans les techniques acoustiques, en acous-tique non linéaire. Dans ce cas, on n’étudie pas la réponse du matériau dans le domaine fréquentiel initial, mais dans les fréquences multiples. On peut alors obtenir des infor-mations sur l’état de la microstructure du matériau. Je pense que c’est l’une des pistes qu’il fau-dra explorer pour connaître le processus de vieillissement des pièces que l’on contrôle, et optimiser ainsi les opérations de mainte-nance préventive. Plutôt que détecter le dé-faut lorsqu’il est suffisamment conséquent, on pourra entrevoir une possibilité d’appré-cier l’état d’endommagement. Autrement dit, la possibilité d’évaluer la durée de vie résiduelle.

Propos recueillis par Marie-Line Zani-Demange

La méthode TOFD a fait ses preuves depuis de nombreuses années et son coût a beaucoup baissé. Dans certaines applications, elle représente une alternative intéressante à la radiographie.

“Le ressuage et la magnétoscopie ne progressent pas assez vite. Pourtant le besoin est colossal, les méthodes sont peu coûteuses, et largement utilisées dans de nombreux domaines.”

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