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    Fdration Nationale des Or thophonistes

    42e AnneSeptembre 2004TrimestrielN 219

    Fondatrice : Suzanne BOREL-MAISONNY

    ISSN

    003

    4-22

    2X

    RducationOrthophonique

    RencontresDonnes actuelles

    Examens et interventionsPerspectives

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    Hmisphre droit etcommunication verbale

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  • Revue dite par la FdrationNationale des Orthophonistes

    Rdact ion - Admin is t ra t ion :145, Bd Magenta, 75010 PARIS T l . : 01 40 34 62 65 Fax : 01 40 37 41 42 e-mail : [email protected]

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    Rdacteur en chefJacques ROUSTIT

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  • 3HMISPHRE DROIT ET COMMUNICATION VERBALE

    Sommaire septembre 2004 N 219

    Rducation Orthophonique, 145, Bd Magenta, 75010 Paris

    Ce numro a t dirig par Yves Joanette et Laura Monetta

    Hmisphre droit et communication verbale : mise au point

    Communication et dynamique inter-hmisphrique

    1. Impacts dune lsion crbrale droite sur la communication verbale 9Yves Joanette, Ph.D, Montral

    2. Processus cognitifs sous-jacents dterminant les troubles de la communication verbale chez les crbrolss droits 27Laura Monetta, Ph.D. et Maud Champagne, PH.D. Montral

    Hmisphre droit et communication verbale : un dfi relever, une population servir 5Yves Joanette, Ph.D, Universit de Montral et Centre de recherche, Institut universitaire degriatrie de Montral

    1. Dynamique des relations entre hmisphres crbraux gauche et droit dans le langage normal : l'approche exprimentale en champ visuel divis 43Sylvane Faure, PH.D. et Laurent Quern, Nice

    2. Modifications de la dynamique inter-hmisphrique :un indice de leffet de lge sur le langage ? 57Beatriz Meja-Constan, Nathalie Walter, PH.D. et Yves Joanette, PH.D. Montral

    3. Latralisation des habilets langagires et de la communicationverbale chez les non-droitiers 67Tania Tremblay et Yves Joanette, PH.D. Montral

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  • 41. La contribution de lhmisphre droit la rcupration de laphasie : exemples de plasticit adapte et dysfonctionnelle et pistes dintervention orthophonique 79Ana Ins Ansaldo, Ph.D, Montral

    2. La rcupration de lanomie : le chemin neurobiologique pour retrouver ses mots 95Paolo Vitali et Marco Tettamanti, PH.D. Milan

    3. valuation des troubles de la communication des crbrolss droits 107Hlne Ct, Montral, Viviane Moix, Sion - Suisse, Francine Giroux, Montral

    4. Intervention orthophonique chez les crbrolss droits 123Viviane Moix, Sion - Suisse et Hlne Ct, Montral

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    Bases neurobiologiques de la rcupration de laphasie

    valuation et intervention auprs des crbrolss droits

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  • 5 Annie Blanger,

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    Lorganisation du cerveau pour le langage se rvle plus complexe quini-tialement anticipe. Pendant longtemps, en fait depuis la fin du XIXesicle, nous avons succomb la tentation de simplisme et attribuexclusivement lun des hmisphres le soin de nous doter du langage, actuali-sateur privilgi de la communication humaine. Au fil de lvolution dessciences de la communication humaine et de ses allies, telles les neurosciences,la neuropsycholinguistique ou encore la neuropsychologie cognitive, le tableausest embrouill au fur et mesure du dveloppement des connaissances. Lesbases neurobiologiques de la communication verbale ont peu peu t com-prises comme le fait dune organisation complexe procdant des deux hmi-sphres crbraux, chacun sa faon. De la sorte, notre capacit converser,

    Hmisphre droit et communication verbale :un dfi relever, une population servir

    Rducation Orthophonique - N 219 - septembre 2004

    Yves Joanette, Ph.D. Centre de recherche

    Institut universitaire de griatrie deMontral

    4565 chemin Queen MaryMontral (Qubec)

    Canada H3W 1W5; Courriel : [email protected]

    cole dorthophonie et daudiologieFacult de mdecine

    Universit de Montral

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  • 8narrer, convaincre ou palabrer nest plus conue comme la seule expressionde la mise en oeuvre de rseaux de neurones limits un hmisphre, le gauchechez la plupart des droitiers. En fait, nous avons besoin de lintgrit des deuxhmisphres pour mener bien ces conduites qui contribuent nous distinguerdes grands primates. Toutefois, comme toute connaissance impute ceux qui ladtiennent son lot de responsabilits, ce nouvel ordre hmisphrique gnregalement ses consquences.

    Pour le chercheur fondamentaliste, cette complexit rvle exige quilsattaque au dfi de la comprhension des rles respectifs de chacun des deuxhmisphres crbraux. quelles composantes de la communication verbalechacun des hmisphres contribue-t-il ? Ces contributions sont-elles spcifiquesau langage ou partages, en partie, avec les autres domaines de la cognition ?Les deux hmisphres entretiennent-ils des liens de comptition, de colocationou de coopration ? Comment sont dploys dans lespace et dans le temps lesrseaux neuronaux qui sous-tendent ces comportements ? Bref, une srie dedfis qui sont au coeur mme des efforts visant lever le voile sur les mystresdu cerveau qui pense et qui agit. En soi, ces dfis sont excitants et passionnants.Mais il y a plus.

    Pour le chercheur clinicien et pour ses collgues praticiens, la mise envidence de ces connaissances reprsente en quelque sorte une rvolution. Carsi lintgrit des deux hmisphres est ncessaire pour permettre lindividu sesconduites de communication verbale, cest donc quune lsion acquise lun ou lautre hmisphre pourrait avoir des impacts sur ces conduites. Le cas delhmisphre gauche est connu et relativement class : bien que tout ne soit pasencore dvoil, le clinicien dispose doutils pour dcrire et apprcier les troublesdes composantes du langage qui sont susceptibles dtre perturbes la suitedune lsion acquise lhmisphre gauche du droitier, par exemple. Des strat-gies de radaptation et/ou dadaptation sont proposes, mme si lefficience dela plupart dentre elles reste tre dmontre. Des interventions visant optimi-ser la participation sociale sont connues. Bref, et dans la plupart de nos socits,les individus porteurs de ces lsions sont pris en charge et leur proches sont ras-surs. Il nen est aucunement de mme pour les autres : celles et ceux qui, suite une altration acquise de lautre hmisphre - le droit - peuvent prsenter destroubles de la communication verbale affectant des composantes de la commu-nication verbale qui sont chroniquement ngliges. En fait, le clinicien ne dis-pose souvent ni de la formation ncessaire, ni des outils requis pour apprcierces composantes de la communication verbale. A fortiori aucune stratgie deprise en charge nest propose. Lindividu nest souvent mme pas repr

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  • 9comme pouvant prsenter de tels troubles et ne reoit aucune attention du sys-tme de sant relativement ceux-ci. Les proches sont laisss dans lignorance,laquelle gnre inquitudes et frustrations. La pratique de lorthophonie auprsdes individus avec altrations acquises lhmisphre droit se doit donc dvo-luer.

    Lobjectif de ce numro spcial est de proposer une srie darticles quiabordent les dimensions cliniques et thoriques des possibles troubles de lacommunication verbale qui peuvent faire suite une lsion acquise lhmi-sphre droit du droitier. Une premire section permet de faire le point sur lestroubles de la communication verbale des crbrolss droits (Joanette) et dediscuter des racines de ces problmes (Monetta & Champagne). Une deuximesection permet daborder la question de la dynamique inter-hmisphrique quisous-tend certaines des composantes du langage. Sont successivement discutsles dfis de la recherche sur la contribution de chacun des hmisphres au traite-ment des mots (Faure & Quern), lvolution avec lge de cette dynamique(Meja, Constain, Walter & Joanette) et ses particularits chez les individus quine sont pas droitiers (Tremblay & Joanette). La section qui suit traite quant elle du rle prsum de lhmisphre droit lors de la rcupration aprs uneaphasie par lsion gauche chez le droitier (Ansaldo ; Vitali & Tettamanti). Laquatrime et dernire section permet daborder les impacts cliniques desconnaissances acquises ce jour et traite des stratgies dvaluation (Ct &Moix) et de prise en charge (Moix & Ct) des troubles de la communicationverbale des crbrolss droits.

    Les individus porteurs dun trouble de la communication verbale quiaffecte les composantes non traditionnelles du langage ont beaucoup nousapprendre. Toutefois, en raison de limpact de ces troubles sur leur participationsociale et leurs activits au quotidien, ces individus et leurs proches ont besoinde lattention des spcialistes des troubles de la communication. Il faut esprerque le contenu de ce numro thmatique saura sensibiliser celles et ceux quisont susceptibles de leur apporter aide et expertise. En retour, notre comprhen-sion de la complexe organisation fonctionnelle du cerveau pour le langage nensera quenrichie.

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    Impacts dune lsion crbrale droite sur lacommunication verbale

    Yves Joanette, Ph.D.

    Rsum

    La survenue dune lsion acquise lhmisphre droit du droitier peut tre la source detroubles de la communication verbale. Lvolution rcente des cadres thoriques, entreautres relatifs aux habilets discursives et pragmatiques, permet aujourdhui de reconnatreet de dcrire ces troubles. Lobjectif de cet article est de rsumer les troubles de la commu-nication verbale qui peuvent se rencontrer chez les crbrolss droits. Ces troubles peu-vent affecter, divers degrs, la prosodie, le traitement smantique des mots, de mme queles habilets discursives et pragmatiques. Ces troubles semblent tre prsents chez environla moiti des crbrolss droits et peuvent sexprimer par le biais de nombreux profils dat-teinte diffrents. La prsence de ces troubles soulve la question de leur libell et du lienavec les troubles aphasiques. Sur la base de lvolution mme du concept de langage etdune dfinition universelle de laphasie, il est propos que ces troubles correspondent enfait une manifestation du concept daphasie, questionnant ainsi le paradoxe actuel selonlequel ces troubles de la communication verbale seraient de nature non aphasique . Lesnouveaux outils dvaluation clinique de mme que les stratgies dintervention sont par lasuite discuts.

    Mots cls : communication, langage, hmisphre droit, lexico-smantique, prosodie, dis-cours, pragmatique.

    Rducation Orthophonique - N 219 - septembre 2004Rducation Orthophonique - N 219 - septembre 2004

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    Impact of a right-hemisphere lesion on verbal communication

    Abstract

    The occurrence of an acquired lesion to the right hemisphere of right-handers can result inverbal communication impairment. The recent evolution of theoretical frameworks withregard to discourse and pragmatic abilities among other developments, now helps recognizeand describe these impairments. The aim of this article is to provide an overview of thoseverbal communication deficits that may be found among right-hemisphere damaged indivi-duals. These deficits can interfere at different levels with prosody, semantic processing ofwords, as well as discourse and pragmatic abilities. Such impairments appear to be presentin approximately half of right-hemisphere damaged patients and, when present, can resultin diverse clinical profiles. These deficits raise the question of both their labelling and theirrelationship with aphasia. Given the evolution of the concept of language and the universaldefinition of aphasia, we suggest these deficits may represent another manifestation ofaphasia, thus challenging the notion that they are of a non-aphasic nature. Clinical toolsfor the evaluation of these deficits as well as strategies for treatment are also discussed.

    Key Words : communication, language, right hemisphere, lexical semantics, prosody, dis-course, pragmatics.

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    Yves JOANETTE, Ph.D.1, 21 Centre de rechercheInstitut universitaire de griatrie deMontral4565 chemin Queen MaryMontral (Qubec)Canada H3W 1W5 Tl. (1) (514) 340-3540 poste 4767Fax (1) (514) 340-3530Courriel : [email protected] cole dorthophonie et daudiologieFacult de mdecineUniversit de Montral

    Chez ladulte droitier(1), la capacit communiquer par loral, par lcritou mme par le geste est un fait de lhmisphre gauche. Voil lun desenseignements qui ont littralement rvolutionn la mdecine modernede la fin du XIXe sicle. Cest ainsi que le sens dobservation clinique unique deMarc Dax, un chirurgien des armes de Napolon, a su souponner le rle privi-lgi de lhmisphre gauche du cerveau pour le langage verbal (Dax, 1836).Cest toutefois Paul Broca (1865) qui a pris position ferme et a fait connatre cefait la communaut mdicale de lpoque. Depuis, les nombreuses observa-tions cliniques, les approches exprimentales (prsentations en champs visuelsdiviss, coute dichotique) de mme que la neuroimagerie fonctionnelle ont per-mis de consolider ce fait sans quivoque. Toutefois, ce mme fait est loriginedune priode dobscurantisme en ce qui concerne la contribution de lhmi-sphre droit aux comportements de communication. Il a t ncessaire dat-tendre un sicle pour bnficier des contributions tout aussi judicieuses dautrescliniciens observateurs pour que lon finisse par reconnatre un second fait : lacapacit communiquer dpend galement de lintgrit de lhmisphre droit,mme chez le droitier. Cest Jon Eisenson (1959, 1962) qui fut probablement lepremier souponner que les individus droitiers avec lsion lhmisphredroit ntaient pas compltement exempts de toute limitation de leurs habiletsverbales. Appuyes en cela par Ed Weinstein (1964) de mme que par Macdo-

    (1) Voir Joanette (1989) pour une discussion de lorganisation du cerveau pour le langage des gauchers etambidextres, et la latralisation des lsions aphasiognes chez les non-droitiers. La mme rfrence permetgalement de prendre connaissance du cas exceptionnel des aphasies dites croises du droitier dans lesquellesune lsion lhmisphre droit est responsable dune aphasie au sens propre.

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    nald Critchley (1962), une srie dobservations cliniques ralises au momentmme o on commenait sintresser exprimentalement aux capacits langa-gires de lhmisphre droit (p. ex. Sperry & Gazzaniga, 1967) soulignent cettefois limportance de la contribution de lhmisphre droit pour la communica-tion verbale. Lobjectif de cet article est de rsumer, larges traits, ce que lonsait aujourdhui des impacts dune lsion crbrale droite sur les comportementsde communication. Ce faisant, cet article jette les bases des discussions qui sontcontenues dans le reste de ce numro spcial portant sur les liens entre hmi-sphre droit et langage. Le ton adopt se veut rsolument didactique et empreintdapplicabilit pour le clinicien qui doit faire face aux individus porteurs dunelsion crbrale droite. Dans un premier temps, les diffrentes composantes dulangage qui peuvent tre affectes suite une lsion de lhmisphre droitseront dcrites. Puis, une discussion portera sur lincidence et les diffrents pro-fils datteintes communicationnelles. Enfin, une rflexion sur ltiquette cli-nique apposer suivra.

    Les troubles de la communication verbale des droitierscrbrolss droits

    Depuis les premires descriptions cliniques de Eisenson (1962) et Crit-chley (1962), plusieurs travaux ont permis de mieux comprendre la contributionde lhmisphre droit du droitier la communication verbale. La plupart de cestravaux portent sur lidentification du potentiel linguistique de lhmisphredroit tel que mis en vidence dans des conditions cliniques particulires, denatures quasi exprimentales (p. ex. commissurotomiss, individus ayant subiune hmisphrectomie anatomique ou fonctionnelle). De nombreuses tudes ontt menes auprs dindividus normaux habituellement de jeunes tudiantsuniversitaires en faisant appel aux techniques de prsentation latralise (p. ex. prsentation en champ visuel divis, coute dichotique). La grande majo-rit de ces travaux se sont limits au traitement des mots isols. Dans len-semble, ces travaux convergent et indiquent que lhmisphre droit du droitierdispose dun certain potentiel linguistique. Il semble clair que ce potentiel a plussouvent trait au traitement du sens que de la forme du message verbal (voirCode, 1987 ainsi que Joanette et al., 1990 pour une revue). Toutefois, ces tra-vaux ne renseignent que sur le potentiel linguistique de lhmisphre droit etnon sur sa contribution effective au traitement du langage (Joanette & Goulet,1994). De plus, lensemble de ces travaux naborde que trs peu lventuellecontribution de lhmisphre droit aux composantes de la communication ver-bale qui dpassent les mots et phrases isoles (p. ex discursives, pragmatiques).Cest pourquoi les informations les plus pertinentes quant la relle contribu-

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    tion de lhmisphre droit proviennent de ltude de limpact de lsions cr-brales droites sur les habilets de communication verbale.

    Plusieurs travaux ont permis de mieux comprendre la nature des troublesde la communication verbale qui peuvent dcouler de la survenue dune lsionhmisphrique droite chez le droitier. Une revue complte de ces tudes faitdailleurs lobjet de quelques ouvrages (Joanette et al., 1990 ; Tompkins, 1995).Les lignes qui suivent ont pour objectif de rsumer larges traits lenseigne-ment actuel relativement ces troubles sans pour autant en faire une descriptionentire et complte. La description des phnomnes que les pionniers avaientpressentis est aujourdhui permise grce la disponibilit grandissante demodles thoriques de la communication qui abordent ces aspects nouveaux.Par exemple, les thories du discours (voir Joanette & Brownell, 1990) permet-tent maintenant de mieux dcrire et comprendre certains des troubles que peu-vent prsenter les crbrolss droits.

    On peut dire des troubles de la communication verbale des crbrolssdroits quils peuvent affecter principalement quatre composantes de la commu-nication verbale : la prosodie, le traitement smantique des mots, les habiletsdiscursives et les habilets pragmatiques. Lobjectif de cet article est de seconcentrer sur les troubles de la communication verbale des crbrolss droits.Il va de soi que la survenue dune lsion lhmisphre droit peut tre lori-gine de plusieurs troubles qui touchent dautres aspects de la cognition, tellesune apraxie, une agnosie, ou encore une ngligence spatiale unilatrale. Cestroubles ne seront pas abords ici ; ils seront toutefois voqus lorsquils sontsusceptibles dinterfrer avec les habilets de communication orales ou crites.

    Troubles de la prosodieLa composante prosodique de la communication rfre lensemble des

    traitements cognitifs qui permettent dexprimer ou de comprendre pleinement lemessage verbal partir de lutilisation des aspects suprasegmentaux de laparole ; ceux-ci comprennent particulirement les variations de lintonation, lespauses et les diffrences dintensit vocale. On distingue gnralement la proso-die linguistique de la prosodie motionnelle. La prosodie motionnelle permetau locuteur dexprimer son motion (p. ex. joie, colre) par rapport son mes-sage verbal. La prosodie linguistique quant elle runit principalement troisphnomnes qui oprent sur des segments distincts de lnonc :

    Laccentuation lexicale qui opre sur la syllabe et permet de respecter lesrgles daccentuation dune langue (toujours la dernire en Franais, mais quipeut permettre de distinguer entre mots de sens distinct dans plusieurs langues,

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    tel import versus import en langue anglaise). Laccentuation emphatique qui opre sur le mot et qui permet dexprimer

    limportance que le locuteur attribue un lment du message (telle lopposi-tion entre Paul mange la pomme et Paul mange la pomme).

    Les modalits qui oprent sur les phrases et qui permettent dexprimer lesens spcifique dun nonc (tel lnonc La porte est ouverte. versus Laporte est ouverte ? ).

    Plusieurs travaux ont permis de mettre en vidence la prsence possible detroubles de la prosodie chez les crbrolss droits et de les comparer aux troublesde la prosodie qui peuvent apparatre chez les crbrolss gauches. Les troubles dela prosodie des crbrolss droits les plus caractristiques semblent concerner letraitement de la prosodie motionnelle et des modalits. Dans le premier cas, on nese surprendra pas puisque lhmisphre droit est galement connu pour sa contribu-tion particulire au traitement des motions. Par contre, la prsence possible detroubles des modalits est un exemple de lexistence de troubles proprement proso-diques chez ces individus. On rapporte, par exemple, que certains crbrolssdroits ont tendance traiter comme des affirmations les modalits interrogatives ouexclamatives, en comprhension comme en expression (Throux, 1987). Chez cer-tains crbrolss droits, les troubles prosodiques sont importants et relativementisols ; on parle alors daprosodie ou de dysprosodie. Les troubles de la prosodiedes crbrolss droits semblent contraster avec ceux qui peuvent exister chez lescrbrolss gauches aphasiques. Chez ces derniers, les perturbations concernentplutt laccentuation lexicale. Ce premier constat permet dapporter des lmentsen faveur du principe de coopration interhmisphrique et du caractre compl-mentaire des contributions de chacun des hmisphres : les troubles de la prosodiene sont ni le lot exclusif des crbrolss droits ni celui des crbrolss gauches,mais constituent, selon leurs caractristiques, des faits cliniques qui se rapportentplus souvent lun qu lautre groupe de crbrolss.

    Prosodie retenirLes crbrolss droits peuvent prsenter des troubles du traitement de la pro-sodie, tant dans ses aspects expressifs que rceptifs. Ces troubles semblentintresser particulirement les modalits et la prosodie motionnelle.

    Troubles du traitement smantique des motsLa littrature portant sur les capacits de lhmisphre droit traiter les mots

    isols est imposante. Toutefois, cette littrature ne renseigne que peu ou pas sur les

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    vritables impacts dune lsion lhmisphre droit et la capacit des individus quien souffrent traiter les mots. Un ensemble plus restreint de travaux sest penchsur les troubles effectivement prsents lorsquun individu est aux prises avec unelsion acquise lhmisphre droit. De ces travaux, on retient que les crbrolssdroits prouvent des difficults particulires avec les mots les moins frquents etdont les rfrents sont les moins concrets et imageables. Toutefois, il nest pas cer-tain que de telles caractristiques des atteintes lexico-smantiques des crbrolssdroits refltent une contribution qui lui serait spcifique (voir Monetta & cham-pagne, ce numro ; Joanette & Goulet, 1998 ; Monetta & Joanette, 2001). Endautres termes, les difficults des crbrolss droits traiter ces mots isolsreprsentent-elles une atteinte spcifique des processus lexico-smantiques ousont-elles le reflet dun affaiblissement plus gnral des ressources cognitives ? Ilsemble bien que la rponse procde des deux et que les difficults des crbrolssdroits expriment tout la fois une baisse gnrale des ressources et une atteintespcifique de certains aspects du traitement smantique des mots. En ce quiconcerne lventualit dune contribution spcifique, deux exemples seront ici pr-sents brivement.

    Tendance lactivation des liens smantiques de faible prdiction lors detches de production de mots (Le Blanc & Joanette, 1996) Il est connu quunelsion droite interfre ou peut interfrer avec les performances lors dune tchedvocation lexicale (ou fluence verbale) et ce, plus frquemment lorsque le cri-tre de production est smatique (p. ex. noms danimaux) que lorsquil est denature orthographique (p. ex. mots commenant par la lettre B ). Dans ce cas,les crbrolss droits montrent une tendance exprimer des mots qui sontmoins prototypiques par rapport une catgorie smantique impose. Ce phno-mne pourrait traduire une certaine tendance activer des liens smantiquesplus priphriques par rapport la catgorie smantique utilise. Il est possibleque cette tendance pour le traitement smantique des mots isols soit de mmenature que celle qui fait en sorte que les crbrolss droits peuvent prsenter undiscours dit tangentiel, qui dvie du thme de conversation par glissementsmantique successif. Si tel tait le cas, il se pourrait que les deux phnomnesexpriment, lun pour les mots et lautre pour le discours, un manque dactivationsmantique centrale ou dinhibition latrale quelque niveau de traite-ment que ce soit.

    Trouble du traitement du sens second de nature mtaphorique des motsisols (Brownell et al., 1990 ; Gagnon et al., 2003) Des observations conver-gentes suggrent que les crbrolss droits prsentent des problmes particu-liers pour le traitement du sens second mtaphorique des mots (p. ex. CHA-LEUR au sens de lattitude enveloppante de proches et non dans son sens

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    premier qui voque la temprature). Les travaux ayant indiqu ce phnomneont pris soin de sassurer que la difficult ne concernait pas uniquement le senssecond des mots. Pour ce faire, ils ont montr que cette difficult existait alorsmme que le traitement du sens second non mtaphorique (PUPILLE au sens delil versus au sens de llve) ne pose pas de problme particulier aux crbro-lss droits. Toutefois, cette dmonstration reste complter.

    Sur le versant expressif, il a t maintes fois dmontr que les crbrol-ss droits offrent des performances diminues lors dune tche dvocation lexi-cale, mais uniquement lorsque le critre est de nature smantique (p. ex. nomsdanimaux) et productifs (p.ex. susceptible de permettre la gnration de plu-sieurs items) (Goulet et al., 1997 ; Le Blanc & Joanette, 1996 ; Cardebat et al.,1990 ; Koivisto & Laine, 1999).

    Traitement des mots retenirLes crbrolss droits prsentent des difficults pour le traitement du senset non de la forme des mots isols. En comprhension, ils peuvent prsenterdes difficults traiter les mots doccurrence peu frquente et de faibleconcrtion et imageabilit. Ces difficults tmoignent semble-t-il de la com-binaison dune diminution des ressources cognitives et dune atteinte plusspcifique qui caractriserait les lsions droites. Parmi ces caractristiques,le traitement du sens second de nature mtaphorique et lactivation des lienssmantiques plus priphriques sont considrs comme des candidats srieux une spcificit des atteintes droites.

    Troubles des habilets discursivesLes troubles de lencodage ou du dcodage du discours, quil soit pro-

    cdural, conversationnel ou narratif, constituent lun des signes qui peuventcaractriser les troubles de la communication des crbrolss droits. Bienque manifestes dans tous les types de discours, ces troubles ont surtout faitlobjet dtudes systmatiques dans le discours narratif. Ce fait est imputable la disponibilit de cadres thoriques intgrs de rfrence pour le discoursnarratif (p. ex. Frederiksen et al., 1990) qui restent encore venir pour lesautres types de discours. Cest ainsi que le discours narratif des crbrolssdroits a t tudi quant sa forme (p. ex. ratio noms/verbes), mais surtoutquant son contenu et son organisation. Les tudes effectues ont ainsi per-mis de mettre en vidence la prsence possible des signes suivants (Joanette etal., 1986 ; Stemmer & Joanette, 1998) :

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    Non-respect de la cohrence (p. ex. anaphores, contradiction, tendance ladigression et au discours tangentiel, absence de relation ou encore absence deprogression).

    Diminution du contenu informatif (p. ex. carence au plan de la quantitdinformations vhicules par rapport un nombre de mots/phrases similaire).

    Difficults effectuer certaines infrences, dont les infrences-liaisons (p. ex. les infrences qui font en sorte quune narration donne exigera une rin-terprtation au fur et mesure du dploiement des informations : par exemple,une histoire daccident, qui sera rinterprte comme un mauvais rve lorsqueles informations pertinentes auront t fournies plus tard dans lhistoire).

    Un point intressant souligner est le fait que les troubles narratifs descrbrolss droits ne semblent pas constituer un signe pathognomonique deleurs troubles de la communication. En effet, il a t montr que les dficits narratifs des crbrolss droits peuvent galement caractriser le style narratifde certains individus indemnes de toute lsion crbrale ou encore dindividusporteurs dautres affections. Par consquent, les troubles des habilets discur-sives des crbrolss droits ne doivent pas tre considrs comme leur tantexclusifs. Malgr tout, ces troubles peuvent exister et interfrer avec la capacitquont certains crbrolss droits communiquer verbalement.

    Habilets discursives retenirLes crbrolss droits peuvent prsenter des troubles de leurs habilets dis-cursives, qui sont mieux connus en ce qui concerne leurs habilets narra-tives. Ces troubles interfrent avec leurs habilets communiquer avecautrui, mais ne leur sont pas ncessairement spcifiques, ou tout au moins,leur caractre spcifique reste tre identifi.

    Troubles des habilets pragmatiquesLa composante pragmatique de la communication humaine est certes la

    plus rcente addition conceptuelle aux cadres thoriques qui permettent de com-prendre les troubles de la communication des crbrolss droits. Ce nest eneffet qu la fin des annes 60 (p. ex. Searle, 1969) dix annes aprs les pre-mires propositions de Eisenson (1959) que les rflexions issues de la philo-sophie ont permis dincorporer la pragmatique dans le spectre des composantesde la communication verbale. Et pourtant, lobservation clinique des crbrol-ss droits a depuis longtemps soulign leur possible manque de pertinence et

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    dhabilets communicationnelles en contexte naturel (p. ex. Gardner et al.,1983). Depuis, lvolution du concept mme de pragmatique et la richesse desmodles conceptuels disponibles a permis de contribuer cerner la nature destroubles de la communication des crbrolss droits ce niveau.

    Si la pragmatique a longtemps t conue comme le lien qui existe entre lemessage verbal et son contexte, les thoriciens contemporains insistent plutt surdautres aspects. Cest ainsi que la pragmatique est plutt conue aujourdhuicomme ltude des habilets dun individu traiter comprendre et/ouexprimer les intentions de communications par rfrence un contexte donn(Gibbs, 1999). De telles habilets pragmatiques sont ncessaires afin de com-prendre le sens rel des noncs sarcastiques ou humoristiques, les actes de langageindirects ou encore pour ajuster lintention du message et sa forme linterlocuteuret la connaissance du savoir commun partag. En fait, dans la vie de tous les jours,il est rare que lon exprime prcisment et spcifiquement notre intention notreinterlocuteur, contribuant de la sorte au plaisir de la communication. Plusieurstroubles susceptibles dtre prsents chez les crbrolss droits ont t rapportsdans la littrature.

    Troubles de lapprciation de lhumour et du sarcasme (p. ex. Gardner et al.,1975 ; Wapner et al., 1981) Plusieurs travaux ont soulev la possibilit que lescrbrolss droits aient des difficults particulires pour lapprciation et lacomprhension de styles discursifs dans lesquels lintention du locuteur estcache derrire la forme de surface et ne peut sinterprter quen fonction duncontexte prcis (p. ex. Voil qui est intelligent !). Toutefois, comme nous lavonsdj soulign ailleurs (Joanette & Goulet, 1994), ces travaux souffrent de limitesdcoulant de la mthodologie utilise (choix forc entre diffrentes alternativesplus ou moins possibles). Ces limites ne permettent pas de bien faire la part entrede relles difficults des crbrolss droits traiter ces discours particuliers ouune difficult des crbrolss droits slectionner parmi un ensemble de choixde rponses celle qui est la plus plausible. Bien que lexprience clinique plaideen faveur de lexistence relle de tels problmes, tout au moins chez certainscrbrolss droits, ce fait reste tre dmontr en clinique.

    Troubles du traitement des actes indirects de langage (Foldi, 1987 ; Stem-mer et al., 1994 ; Vanhalle et al., 2000) Les actes de langage indirects (Searle,1969) font rfrence aux intentions de communication qui ne sont pas expri-mes explicitement par le message verbal (p. ex. Il fait chaud ici pour Pourriez-vous ouvrir la fentre ?) . Plusieurs travaux ont permis de mettre en vidence depossibles troubles du traitement des actes indirects de langage chez les crbro-lss droits. Toutefois, il faut retenir que les tudes subsquentes ont montr que

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  • Habilets pragmatiques retenirPlusieurs crbrolss droits sont aux prises avec des troubles de leurs habi-lets pragmatiques. Ces troubles dont lorigine exacte ou les originesexactes reste(nt) tre dvoile(s) sont source de handicap communica-tionnel important. Ils semblent affecter lexpression et la comprhension des

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    ces troubles ntaient vritablement prsents que pour les actes de langage indi-rects non conventionnels, i.e. du type non fig. Ainsi, les crbrolss droitsnauraient pas de difficults avec les actes indirects conventionnels tels queAvez-vous lheure ?, mais plutt avec les actes indirects qui ne sont pas prala-blement connus et qui demandent une analyse par rfrence au contexte pourtre compris (Stemmer et al., 1994). Par ailleurs, dautres travaux ont permis desouligner que les difficults de traitement des actes indirects taient particulire-ment prsentes lorsque les crbrolss droits taient amens se prononcer demanire mtacognitive et sur une situation de communication non relie leurexprience propre (Vanhalle et al., 2000).

    Difficults de prise en compte du savoir commun partag (Chantraine et al.,1998) Dautres travaux ont permis de montrer que les crbrolss droitsavaient des difficults prendre en considration le savoir commun partagavec leur interlocuteur, dans des tches de construction de rfrents communspar exemple. Ces travaux suggrent que les crbrolss droits ne se montrentpas capables ou intresss tenir compte de ce que lon suppose savoir de ceque lautre sait dans llaboration de leur propre intention de communication etdans leurs ajustements.

    Les troubles dhabilets pragmatiques semblent caractriser certains cr-brolss droits aux prises avec des troubles de la communication verbale. Les rai-sons sous-jacentes ces troubles restent cependant comprendre. Troubles spci-fiques des capacits infrentielles ? Atteinte plus gnrale des ressourcescognitives ? Difficults imaginer ce que pense linterlocuteur ou attribuer lestats mentaux, comme le suggre la Thorie de lesprit ? Par ailleurs, des rsul-tats rcents soulignent la possible contribution de troubles des fonctions excu-tives ou dun manque de flexibilit mentale (Champagne et al., sous presse). Tou-tefois, aucune de ces pistes explicatives ne semble aujourdhui prdominer, etaucune ne saura probablement expliquer elle seule les difficults rapportes chezles crbrolss droits. Il reste encore beaucoup faire pour mieux comprendreces troubles dhabilets pragmatiques. Quoi quil en soit, ces troubles sont bel etbien prsents chez plusieurs crbrolss droits et reprsentent une source impor-tante des situations de handicap communicationnel que vivent ces individus.

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    Incidence et htrognit des profils datteinte de la communication verbale chez les crbrolss droits

    Les troubles de la communication verbale des crbrolss droits nontque trs peu t tudis quant leur incidence et la nature des profils datteintesusceptibles dtre rencontrs. On peut cependant penser quenviron un crbro-ls droit sur deux (environ 50 %) peut prsenter lun ou lautre ou plusieurs dessignes cliniques de troubles de la communication verbale dcrits ci-dessus (Joa-nette et al., 1991). Cette proportion est comparable lincidence des troublesaphasiques chez les crbrolss gauches, tous sites lsionnels confondus. Cestdonc dire que ce ne sont pas tous les crbrolss droits qui prsentent destroubles de la communication verbale, tout comme ce ne sont pas tous les cr-brolss gauches qui sont aphasiques. Lorsque prsents, les troubles de la com-munication verbale des crbrolss droits peuvent se prsenter sous diffrentesformes cliniques. Ainsi, certains crbrolss droits prsentent des troubles pro-sodiques, mais pas de troubles pragmatiques alors que le profil est linverse chezdautres, ralisant ainsi des doubles dissociations. Ce phnomne rappelle avecquelle prudence le clinicien se doit daborder les crbrolss droits, car ceux-cine prsentent pas tous un trouble de la communication verbale, ni ne prsententle mme profil clinique, lorsque de tels troubles sont prsents.

    Le dfi de ltiquette clinique des troubles de la communicationverbale des crbrolss droits

    Les sections qui prcdent ont permis de dcrire, larges traits, les troublesde la communication verbale qui peuvent faire suite la survenue dune lsion lhmisphre droit. Lincidence et la diversit des profils cliniques susceptibles decaractriser les individus porteurs de tels troubles ont galement t abordes. Cestroubles sont susceptibles dtre prsents chez les crbrolss droits de manirecomparable ce qui se passe chez les crbrolss gauches qui peuvent prsenterdes atteintes des habilets langagires dnommes aphasie. Or, il importe de seposer la question des liens qui existent entre laphasie et ces troubles de la com-munication verbale.

    intentions relles de communication par rfrence au message verbal lui-mme. Ces troubles sont la base du concept selon lequel les crbrolssdroits seraient de mauvais communicateurs en dpit du fait quils manipulentbien les outils linguistiques de base (p. ex. phonologie, syntaxe).

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    Depuis les premires sensibilisations lexistence de troubles de la com-munication verbale chez les crbrolss droits il y a bientt 40 ans, la littrature atoujours pris soin de rfrer ces troubles en les dissociant de ceux qui sont cou-verts par le concept classique daphasie. En effet, les tiquettes utilises pour rf-rer ces troubles portent en soi cette tentative de distinction. Parmi les tiquettesles plus frquentes dans la littrature (en particulier anglo-saxonne), on retrouveles expressions Troubles acquis de la communication de nature non aphasique(sic) ou encore Troubles de lhmisphre droit (re-sic). Ces tiquettes laissentcroire que ces troubles sont un tout et prsents chez tous les crbrolss droits.Cependant, et de manire plus gnrale, il apparat de plus en plus clair que cestiquettes cliniques sont non seulement insuffisantes, mais quelles imposent unesgrgation entre des troubles de la communication aphasiques et nonaphasiques, qui ne semble pas reposer sur une conception claire et explicite de cequi les distingue. Afin dy voir plus clair, rappelons ici certains faits lmentaires.

    La premire question que lon est en droit de se poser concerne la dfini-tion mme du concept daphasie. En effet, rappelons ici que laphasie est connuecomme un trouble acquis du langage faisant suite une lsion galement acquisedu systme nerveux central. Cette dfinition est compatible avec celle qui apparatdans la majorit des traits daphasiologie (Lecours & Lhermitte, 1979).

    Elle est galement compatible avec celle qui est diffuse par de presti-gieux sites web (p. ex. ASHA, NAA, Clinique Mayo). Cette dfinition delaphasie nous rappelle que laphasie est essentiellement un descripteur cliniquequi permet de signaler la prsence de troubles acquis du langage. Cette dfini-tion ne porte pas en soi les raisons qui font en sorte que laphasie est prsente.Dailleurs, il est dornavant connu que ces raisons tiennent tout la fois lat-teinte de processus cognitifs spcifiques au langage (p. ex. processus phonolo-giques, syntaxiques) et dautres processus cognitifs, mais qui contribuent signi-ficativement aux comportements langagiers (p. ex. troubles de la mmoire detravail, troubles des fonctions excutives). Ce fait souligne que lorganisationfonctionnelle du cerveau nest pas en soi compartimente en fonction des habi-lets quil soutient. Les processus cognitifs qui permettent le langage ne sontpas encapsuls et indpendants des processus cognitifs qui permettent dautresactivits (p. ex. musique, praxies).

    Par ailleurs, cette dfinition de laphasie nous remet galement en mmoirece que laphasie nest pas. En effet, laphasie nest pas en soi une lsion : leslsions responsables dune aphasie sont multiples et plus largement distribuesdans lespace tridimensionnel que les pionniers de laphasie le concevaient. Nonseulement les lsions responsables des syndromes classiques ne sont pas toujours

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    l o on lenseigne, mais le cumul des observations depuis lintroduction de laneuroimagerie moderne indique que les lsions aphasiognes peuvent tre sous-corticales, thalamiques ou mme, rcemment, crbelleuses. Laphasie nest pasnon plus une tiologie, bien que la plupart des aphasies qui font lobjet dune priseen charge clinique soient la consquence dun accident vasculaire crbral.

    Par consquent, si laphasie nest pas par dfinition lie une lsion delhmisphre gauche dtiologie vasculaire, pour quelle raison semble-t-on main-tenir une distinction entre ce qui est aphasique et ce qui ne le serait pas ? Larponse tient ses racines dans un pralable important la dfinition de laphasie,soit la dfinition de langage. En effet, si la dfinition de laphasie semble rallierles opinions, celle du langage a une histoire rcente plus tourmente.

    Le langage, tel que conu au moment o les pionniers de laphasie ontintroduit et cristallis la caractrisation des formes cliniques daphasieencore en usage, tait limit certaines de ses composantes aujourdhuiconnues. En effet, du temps de Broca et de Wernicke, le concept de langage selimitait un spectre de composantes allant de larticulation la syntaxe en pas-sant par la phonologie et le traitement lexico-smantique. La preuve en est queles troubles affectant ces composantes suffisent encore aujourdhui tiqueterune aphasie selon ses formes classiques. Mais, depuis la fin du XIXe sicle, laconception que lon se fait du langage a elle-mme volu. Lexemple le plusfrappant concerne justement les habilets pragmatiques. Celles-ci ntaientcertes pas reconnues comme telles lpoque des Broca et Wernicke puisqueleur introduction date de la fin du XXe sicle ! Et leur intgration dans leconcept de langage nest que rcente. En effet, les habilets pragmatiques ontlongtemps t conues comme cognitivement indpendantes lune de lautre : lapragmatique tait vue comme la mise en place de lobjet langage au sein de soncontexte. Or, les annes rcentes ont vu samalgamer les deux concepts. Cestainsi que Gibbs (1999) enseigne que la pragmatique est une partie intgrante dulangage et non un niveau de traitement indpendant, extrieur. Mme pourChomsky (Stemmer, 1999), la pragmatique est une composante centrale detoute thorie linguistique qui prtend tre exhaustive. Il ne fait donc plus aucundoute que la pragmatique ne constitue plus le panier daccueil du langage, maisen reprsente des composantes nouvelles, tout comme le niveau discursif.

    Par consquent, si la pragmatique fait partie intgrante du langage, et silaphasie constitue un trouble acquis du langage faisant suite une lsion ducerveau, il en dcoule logiquement que les troubles des habilets pragmatiquesdes crbrolss droits devraient tre considrs lintrieur du concept dapha-sie. Une telle rconciliation entre les diffrents troubles de la communication

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    qui peuvent survenir aprs lsion crbrale ne ferait que rtablir le continuumsouhait allant de lintention du message son articulation, en passant par lor-ganisation du discours, sa syntaxe, ses choix lexico-smantiques et sa phonolo-gie, entre autres. De la sorte, on viterait des expressions aussi paradoxales quecelle des Troubles de la communication verbale de nature non aphasique.Existe-t-il des troubles de lorganisation du geste de nature non apraxique ? Ouencore des troubles de la perception des objets de nature non agnosique ? Ilsemble donc vident que le concept daphasie doive suivre lvolution duconcept de langage. Toutefois, une telle rvolution demande une concertationde tous. Cest pourquoi, d'ici cette concertation, il est probablement sage de sentenir ltiquette de Troubles de la communication verbale.

    Lorsque le concept d'aphasie stendra ces troubles, il restera intro-duire diffrents qualificatifs qui permettront de caractriser les troubles du lan-gage des crbrolss droits. Il va de soi que le recours une tiquette cliniquedu type Aphasie de lhmisphre droit serait absolument impertinent et malvenu. En effet, rappelons quil nexiste pas un, mais bien plusieurs profils dat-teinte du langage chez les crbrolss droits. Par ailleurs, se souvenant de cequest laphasie et de ce quelle nest pas, il est plus utile de tenter de caractri-ser les signes cliniques que les localisations lsionnelles. Par consquent, il sepourrait trs bien que lon souhaite introduire un certain nombre de types cli-niques daphasies, telle une aphasie pragmatique qui permettrait de rfrer laprsence relativement isole de troubles des habilets pragmatiques, ou encoreune aphasie discursive lorsque les troubles sont plutt limits aux habilets dis-cursives. Mais il est probablement encore trop tt pour proposer ces types cli-niques ce moment-ci.

    Les dfis de l'tiquette clinique retenirConsidrant la dfinition mme daphasie et celle de langage, il est ici pro-pos que les troubles dits de la communication verbale des crbrolssdroits constituent dans les faits une autre forme de troubles du langage quisinscrivent logiquement dans une version volue du concept daphasie.Cette proposition permet entre autres de rsoudre le paradoxe actuel entou-rant lutilisation dexpressions qui proposent une sgrgation par conventionentre ce qui devrait tre et ce qui ne devrait pas tre aphasie. Linclusion deces troubles dans le concept daphasie ne prsume pas des causes sous-jacentes de ces troubles qui, linstar des troubles aphasiques au sens clas-sique, expriment dans le langage une combinaison datteintes qui affectentsoit des processus proprement linguistiques, soit des processus cognitifsautres dont la contribution est ncessaire la mise en uvre du langage

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    ConclusionLes individus porteurs dune lsion lhmisphre droit peuvent prsen-

    ter des troubles de leurs habilets de communication verbale par loral oulcrit. Ces troubles sont souvent moins manifestes que ceux qui caractrisentlaphasie, mais ils peuvent avoir des impacts majeurs sur la qualit de vie deceux qui en souffrent en raison des situations de handicap communicationnelquils peuvent dterminer. Il importe de reconnatre ces troubles lorsque pr-sents dans diverses composantes du langage : prosodie, traitement des mots, dis-cours et pragmatique. Le lecteur intress par lvaluation de ces troubles etlintervention orthophonique auprs des crbrolss droits trouvera des articlesportant sur ces questions ailleurs dans ce numro spcial (voir Ct et al., etMoix & Ct). En attendant que ces troubles soient mieux connus de tous, ilsposent un dfi dtiquetage clinique propos duquel une suggestion est ici faite.Il reste que les individus crbrolss droits sont aux prises avec des situationsde handicap communicationnel et que, en cela, ils se doivent de recevoir latten-tion des spcialistes des troubles de la communication. Comme les cadresconceptuels maintenant disponibles permettent mme daborder la description etlvaluation des troubles discursifs et pragmatiques, il ny a plus de raisons quijustifient de ne pas inclure une offre de service destine aux individus crbrol-ss droits susceptibles de prsenter de tels problmes de communication.

    Remerciements Ce travail a t rendu possible grce l'appui des IRSC (Instituts de

    recherche en sant du Canada) - no MT-15006 et de la Fondation des maladiesdu cur du Canada - no YJ-13-FMCQ Yves Joanette.

    (p. ex. mmoire de travail). Une telle volution du concept daphasie permet-trait une rconciliation au sein dun mme concept de composantes du lan-gage qui ont t maintenues distinctes par convention jusqu rcemment.Toutefois, le passage cette volution du concept daphasie est probable-ment prcoce et ltiquette de Troubles de la communication verbale est sug-gre dici l.

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  • 29Rducation Orthophonique - N 219 - septembre 2004

    Processus cognitifs sous-jacents dterminantles troubles de la communication verbale chezles crbrolss droits

    Laura Monetta, Ph.D. et Maud Champagne, Ph.D.

    RsumLa nature exacte de la contribution de lhmisphre droit aux processus sous-tendant lacommunication verbale demeure ce jour inconnue. Cet article aborde trois hypothses dif-frentes susceptibles dexpliquer les processus cognitifs sous-jacents pouvant dterminerles troubles de la communication verbale chez les crbrolss droits. Lhypothse dundficit dattributions des tats mentaux (thorie de lesprit) conforte lide dune contributionrelle de lhmisphre droit la communication verbale tandis que les hypothses dunmanque ou dune mauvaise allocation des ressources cognitives et dun dysfonctionnementexcutif sont en faveur dun potentiel de lhmisphre droit pour la communication verbale.Mots cls : troubles de la communication verbale, crbrolss droits, thorie de lesprit,ressources cognitives, fonctions excutives.

    Underlying cognitive processes that determine verbal communicationin right-hemisphere damaged patients

    AbstractThe exact contribution of the right hemisphere to processes underlying verbal communica-tion remains unknown. This article reviews three different hypotheses which may explainthose cognitive processes underlying verbal communication disorders after right hemispheredamage. The hypothesis of a mental state attribution deficit (theory of mind) consolidatesthe notion that the right hemisphere definitely contributes to verbal communication while theother two hypotheses, of a lack of (or poor) allocation of cognitive resources and of the exis-tence of an executive dysfunction, are in favor of a potential contribution of the right hemis-phere to verbal communication.

    Key Words : verbal communication disorders, right hemisphere damaged individuals, theoryof mind, cognitive resources, executive functions.

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    Laura MONETTA, Ph.D.1, 2, 3 &Maud CHAMPAGNE, Ph.D.2, 31 School of Communication Sciences andDisordersMcGill University, Montral

    2 Centre de rechercheInstitut universitaire de griatrie deMontral

    3 cole dorthophonie et daudiologieFacult de mdecineUniversit de Montral

    Adresse de correspondance :Laura MONETTA, Ph.D.School of Communication Sciences andDisorders1266 Ave des Pins Ouest Montreal (Qc)H3G 1A8Tel : (514) 398-5106 - Fax : (514) 398-8123Courriel : [email protected]

    Dans lhistoire de la neuropsychologie du langage, ltude dindividusatteints dune lsion crbrale a souvent aid comprendre lorganisa-tion fonctionnelle du cerveau pour la cognition. Le fait quune lsion,dans une rgion spcifique du cerveau, soit suivie dun trouble dans une descomposantes spcifiques du langage suggre en effet que lintgrit de cettergion et du rseau laquelle elle est associe soit ncessaire la ralisationefficace de cette composante. Ltude systmatique des troubles de la communi-cation verbale chez les crbrolss droit (CLD) procde de cette dmarche etvise permettre une meilleure identification et comprhension de lapport habi-tuel au langage des structures quil sous-tend et de limpact de sa lsion sur leshabilets de communication. limage de lensemble des neurosciences cogni-tives, cet effort se double maintenant de lidentification des processus cognitifslmentaires impliqus. Ainsi, une premire srie de travaux neuropsycholin-guistiques a pu permettre de mettre en vidence chez les CLD, des troubles dela communication verbale (pour une revue voir Joanette, ce numro ; Myers,1998 ; Tompkins, 1995). Parmi ces troubles, on retrouve principalement desproblmes de la prosodie (Cicone, Wapner & Gardner, 1980 ; Wapner, Hamby& Gardner, 1981), du traitement smantique des mots (Joanette, Goulet,LeBlanc & Simard, 1997 ; LeBlanc & Joanette, 1996), des habilets discursives(Stemmer & Joanette, 1998) et des habilets pragmatiques (Winner & Gardner,

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    1977 ; Kaplan, Brownell, Jacobs & Gardner, 1990 ; Stemmer, Giroux & Joa-nette, 1994).

    Toutefois, les informations issues de ces tudes doivent tre interprtesavec prudence car plusieurs facteurs sont susceptibles dinfluencer ces rsultats.Dune part, il importe de considrer les diffrentes capacits dadaptation desindividus et les diverses stratgies utilises pour surmonter le dficit. Dautrepart, il est galement important de tenir compte de la possibilit dun phno-mne de diaschisis controlatrale, cest--dire de la possible rpercussion deseffets dune lsion latralise dans lhmisphre controlatral (Efron, 1990).

    Il est intressant souligner que parmi les cas tudis dans la littrature,des individus CLD ayant le mme type de lsion neurologique ne prsententaucun dficit langagier, alors que dautres prsentent des dficits smantiques,discursifs ou pragmatiques, isols ou en combinaison (Joanette, Goulet &Daoust, 1991). En dautres mots, la svrit des troubles du langage chez lesCLD varie grandement et leurs dficits langagiers demeurent trs htrognescomme chez certains crbrolss gauches (CLG) (Joanette, Goulet & Hanne-quin, 1990). Ceci peut suggrer que les processus cognitifs sous-jacents dter-minant les troubles de la communication verbale sont susceptibles dtre pertur-bs de faon diffrente dun individu lautre. De plus, il a t observ que lestroubles du langage des CLD sont dautant plus prsents que la situation decommunication est complexe (Gagnon, Goulet & Joanette, 1989, 1994 ; Tomp-kins, 1990). Ceci conduit lide selon laquelle certains CLD pourraient pr-senter un dficit sous-jacent au niveau des ressources cognitives et/ou des fonc-tions excutives.

    Bien que lintgrit des deux hmisphres crbraux semble essentielle une communication verbale efficace (Joanette et al., 1990), la nature exacte dela contribution de lhmisphre droit (HD) la communication verbale demeureencore inconnue lheure actuelle. premire vue, les observations recueilliesdans toutes ces tudes indiquent une capacit de lHD pour le traitement de cer-taines composantes du langage telles que les composantes pragmatiques et dis-cursives. Cependant, certains rsultats illustrent un potentiel de lHD pluttquune contribution relle aux processus sous-tendant la communication ver-bale. Des explications de cette potentialit font rfrence des capacits de hautniveau travers lesquelles diffrents systmes cognitifs interagissent notam-ment la distribution des ressources cognitives entre les deux hmisphres, ouencore aux mcanismes de facilitation et dinhibition hmisphriques rci-proques. Dautres explications plutt en faveur dune relle contribution delHD aux processus sous-tendant la communication verbale font rfrence la

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    capacit attribuer des tats mentaux aux autres (thorie de lesprit), parexemple.

    Les sections suivantes de cet article abordent trois hypothses diffrentessusceptibles dexpliquer les processus cognitifs sous-jacents pouvant dterminerles troubles de la communication verbale chez les CLD. Lhypothse dun dfi-cit dattribution des tats mentaux (thorie de lesprit) conforte lide dunerelle contribution de lHD la communication verbale tandis que les hypo-thses dun manque ou dune mauvaise allocation des ressources cognitives etdun dysfonctionnement excutif sont en faveur dun potentiel de lHD pour lacommunication verbale.

    Hypothse en faveur dun processus cognitif sous-jacent spcifique lHD : la thorie de lesprit

    La capacit communiquer ne repose pas seulement sur un systme langage intact mais aussi sur la connaissance du contexte de communicationspcifique, autrement dit, sur la connaissance de nos interlocuteurs ainsi que surla connaissance du monde (Martin & McDonald, 2003). Elle repose sur descapacits de haut niveau par lesquelles diffrents systmes cognitifs interagis-sent.

    Selon Martin & McDonald (2003), des infrences sociales sont nces-saires chaque fois que nous essayons dexpliquer ou de prdire les penses, lesintentions et les comportements des autres. Une des facettes de cette capacit faire des infrences sociales est la capacit attribuer des tats mentaux auxautres ou thorie de lesprit (TdE). La TdE rfre la capacit des gens for-mer des reprsentations des tats mentaux dautres personnes et utiliser cesreprsentations pour comprendre, prdire et juger des noncs et des comporte-ments (Premack & Woodruff, 1978).

    Malgr leur aptitude comprendre les phrases simples, les individus CLDsemblent perturbs dans leur capacit communiquer ; le sens d'une phrase, d'undiscours n'tant pas seulement infr partir du sens de ses constituants. La com-prhension dnoncs non littraux tels que ironie, mtaphore ou encore demandeindirecte, ncessite lintgration de ce qui est explicitement dit, mais aussi la capa-cit de dpasser cette signification littrale pour saisir lintention du locuteur dansun contexte donn. Lauditeur doit donc tre capable de distinguer le sens de laphrase du sens du locuteur. Pour cela, il doit utiliser linformation contextuellepour comprendre lintention du locuteur. Le sens du locuteur est donc driv partir de la comprhension de ce que le locuteur a lintention de communiquer viason nonc. Sabbagh (1999) parle dintention de communication.

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    Lun des champs de recherche rcemment dvelopps pour investiguerles problmes de reconnaissance et de transmission de lintention de communi-cation prsents dans les troubles de nature pragmatique est ltude de la TdEchez les individus CLD. Ainsi, la capacit distinguer une plaisanterie d'unmensonge serait lie la TdE de lindividu, c'est--dire sa capacit de recon-natre que les gens ont des croyances qui peuvent diffrer des siennes. De faonplus prcise, ceci serait en relation avec la capacit des sujets attribuer destats mentaux concernant les connaissances d'une personne sur les connais-sances d'une autre personne.

    La TdE fait rfrence la capacit dun individu se reprsenter les tatsmentaux, tels que croyances, intentions, et est distincte de la capacit repr-senter les tats de fait rels. Lintrt pour la TdE est largement d lassertionselon laquelle un trouble de la cognition sociale, caus par un dficit spcifiqueau niveau dun module inn, indpendant, sous-jacent au dveloppement de laTdE est responsable des dficits centraux de lautisme (Baron-Cohen et al.,1985 ; Leslie, 1987).

    Une TdE nous permet de faire des prdictions sur le comportement desautres bases sur nos hypothses propos de leurs buts, intentions et connais-sances. Cest essentiellement un ensemble dinfrences sur les motivations etles connaissances dune autre personne qui nous permet dajuster notre commu-nication avec eux. Elle nous permet de distinguer quand quelquun est srieux,blagueur ou sarcastique, et de dterminer ce quil signifie partir de ce quil dit.Elle nous permet de ngocier les aspects sociaux de la communication. Cest unensemble dinfrences parce que les tats mentaux internes des autres ne sontpas directement observables ou explicites. La comprhension des tats deconnaissance est importante pour une TdE et pour comprendre les aspects prag-matiques de la communication. Il est, en effet, important de distinguer entresavoir et connaissance. Une TdE ne nous informe donc pas seulement sur lesmotivations et les tats affectifs de quelquun mais aussi sur sa base de connais-sance.

    Ltude de la thorie de lesprit chez les individus CLD a rcemment per-mis de raffiner notre comprhension de leur problme dans le traitement desintentions de communication, gnralement appel troubles pragmatiques.Quelques tudes ont en effet montr que les individus CLD avaient une capacitrduite pour raisonner sur la base des motivations du locuteur dans une conver-sation. Quelques tudes (Brownell, Griffin, Winner, Friedman & Happ, 2000 ;McDonald, 1999 ; Martin & McDonald, 2003 ; Sabbagh, 1999 ; Winner, Brow-nell, Happe, Blum, & Pincus, 1998) tendent montrer que les individus CLD

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    sont dans lincapacit dvaluer les tats mentaux du locuteur (croyances,connaissances darrire-plan, intentions).

    Les quelques recherches qui ont tudi de faon spcifique lattributiondtats mentaux chez les individus CLD ont rapport un dficit plus ou moinsimportant de ces capacits (Happ, Brownell & Winner, 1999 ; Siegal, Carring-ton & Radel, 1996 ; Surian & Siegal, 2001 ; Winner et al., 1998). Ces tudes ontmontr que les individus CLD avaient plus de difficults que les individus aveclsion gauche pour faire des prdictions bases sur les fausses croyances dundes protagonistes de lhistoire (Happ et al., 1999 ; Siegal et al., 1996). De plus,les CLD semblent avoir plus de difficults rpondre correctement aux ques-tions portant sur les tats mentaux de second ordre par rapport aux tats men-taux de premier ordre (Happ et al., 1999 ; Siegal et al., 1996 ; Surian & Siegal,2001 ; Winner et al., 1998). Leur problme semble li au fait de comprendre deshistoires ou des bandes dessines ncessitant lattribution dtats mentaux paropposition aux stimuli qui ncessitent des infrences ne portant pas sur les tatsmentaux (Happ et al., 1999).

    Des tudes telles que celle de Kaplan et al. (1990) et celle de Winner etal. (1998) ont mis lhypothse que les difficults des individus CLD com-prendre des noncs ironiques versus des mensonges pouvaient tre dues unedifficult percevoir lintention du locuteur, le sens intentionnel dune ironietant habituellement loppos de son sens littral. Pour comprendre comment unauditeur peut interprter une ironie et/ou un nonc faux, on a besoin de com-prendre ce que lauditeur sait et ce que le locuteur pense que lauditeur sait.

    En rsum, une lsion hmisphrique droite pourrait donc conduire desdficits au niveau de la cognition sociale entranant des difficults comprendreles intentions des autres et donc comprendre les aspects pragmatiques du lan-gage. La capacit attribuer des tats mentaux aux autres peut ainsi tre conuecomme un processus cognitif sous-jacent spcifique pouvant dterminer certainsdes troubles de la communication des individus CLD.

    Hypothses en faveur dun processus cognitif sous-jacent non sp-cifique de lHD : Ressources cognitives et fonctions excutives

    Thorie des ressources cognitivesUn certain nombre de recherches a conduit un nouveau concept pour

    expliquer les problmes de langage rencontrs la suite dune lsion crbrale.Il sagit du vaste concept de ressources cognitives (attention, habilet, mmoirede travail et effort en sont des synonymes frquemment employs). Selon cette

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    conception, linformation est traite par des ressources cognitives qui sont par-tages entre les diffrentes activits effectuer simultanment et elles consti-tuent un systme capacit limite. Le concept de ressources cognitives existedepuis de nombreuses annes, sous plusieurs dnominations diffrentes. Lesdiffrents concepts dfinissant les ressources cognitives peuvent se regrouper entrois catgories (Salthouse, Kausle & Saults, 1988). Les ressources cognitivespeuvent donc se concevoir en termes dnergie ou capacit dattention (Kanhe-man, 1973 ; Wickens, 1989), en termes de temps ou vitesse de traitement (Jen-sen, 1982), et en termes despace ou de capacit de la mmoire de travail (Bad-deley, 1986). Il faut souligner que, pour toutes les notions de ressourcescognitives utilises, la quantit dinformation qui peut tre traite par un sys-tme cognitif donn est limite (Navon & Gopher, 1979). En d'autres mots, laperformance d'une preuve qui demande de lattention interfre avec la perfor-mance d'une deuxime preuve seulement si la capacit totale de la demandeexcde les capacits disponibles du systme cognitif qui traite les informations.Dans toutes les tches, qui exigent la ralisation conjointe de plusieurs activits(p. ex. parler au tlphone en conduisant la voiture), des processus cognitifs dif-frents comptitionnent pour les mmes ressources, ce qui a pour consquenceune dtrioration de la performance (Kanheman & Treisman, 1984 ; Navon etGopher, 1979 ; Brown, 1997). videmment les capacits automatiques, qui nerequirent pas d'attention et qui sont donc indpendantes des systmes capaci-ts limites, sont exclues de cette dfinition.

    Plusieurs tudes en neuropsychologie ont utilis le concept de ressourcescognitives pour expliquer les dficits de la communication verbale suite unelsion crbrale. Depuis 1990, plusieurs chercheurs essaient dexpliquer les pro-blmes de communication verbale chez les individus atteints dune lsion cr-brale en termes dune mauvaise distribution ou dune insuffisance de ressourcescognitives (Tompkins, Bloise, Timko & Baumgaertner, 1994 ; Slansky &McNeil, 1997 ; Murray, 2000). En 1991, McNeil et collaborateurs ont proposun modle dallocation de ressources pour expliquer le dcrment de la perfor-mance langagire chez les individus avec une lsion crbrale gauche. Cesauteurs mettent lhypothse que certains des dficits retrouvs chez les indivi-dus aphasiques sont secondaires des problmes de ressources cognitives.Mme si la plupart de ces tudes se basent principalement sur les donnes din-dividus CLG, certains chercheurs (p. ex. Murray, Holland & Besson, 1997) ontanalys les performances des individus CLD rapportant aussi un possible dficitde ressources cognitives.

    Ces tudes ne donnent toutefois pas une rponse totalement satisfai-sante tant donn le grand nombre de problmes mthodologiques retrouvs,

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    dont le plus frquent est lvaluation des ressources cognitives (Monetta etal., 2001). Dun ct, les chercheurs de ce domaine sont souvent confronts labsence de corrlations leves entre les diffrentes mesures quils utili-sent et dun autre ct, linterprtation des rsultats ncessite des prcautionsmthodologiques qui, en pratique, sont rarement respectes (Hupet & Van derLinden, 1994).

    Plusieurs auteurs ont dmontr que les dficits langagiers chez les CLDont principalement t mis en vidence lors des situations de communication lesplus complexes (Tompkins, 1990). De plus, dautres tudes ont montr que lesaspects de la communication verbale les plus dficitaires chez les CLD taientaussi les plus exigeants en termes de ressources cognitives (Gagnon et al.,2003 ; Beeman & Chiarello,1998, entre autres). Cela conduit lide dunecontribution probable, au niveau des ressources cognitives, de lHD aux proces-sus langagiers.

    Alors, si les diffrents troubles de la communication verbale retrouvschez les CLD sont causs, au moins en partie, par un dficit au niveau des res-sources cognitives, il devrait tre possible de faire une relecture de ces troublesen fonction de lhypothse dun dficit de ressources cognitives suite unelsion crbrale. En dautres mots, il devrait tre possible dexpliquer lestroubles lexico-smantiques, prosodiques, pragmatiques ainsi que discursifs,retrouvs chez les CLD, et dit spcifiques lHD, partir de lide selonlaquelle la contribution de lHD au langage correspond une contribution aumaintien dune quantit suffisante de ressources cognitives pour les traitementsles plus complexes.

    En ce qui concerne les dficits pragmatiques des sujets CLD, parexemple, plusieurs hypothses ont t avances. En psycholinguistique, lemodle de traitement simultan suggre que la comprhension du langagenon littral (p. ex. ironie, mtaphore, sarcasme) implique le traitement simul-tan et non pas squentiel du sens littral et du sens non littral dun nonc.(Clark, 1979). Pour leur part, Brownell et Stringfellow (1999) suggrent queles difficults des sujets CLD traiter des actes de parole non littraux sontlies des troubles attentionnels car les processus impliqus dans ce traite-ment ncessitent le maintien parallle des sources dinformation parfoiscontradictoires ou incongrues. En considrant le traitement simultan du lan-gage, il est possible dexpliquer les dficits pragmatiques chez les sujetsCLD par lhypothse dun dficit des ressources cognitives. La diminutionou mauvaise allocation des ressources cognitives observes au niveau de lat-tention divise pourraient expliquer les difficults des sujets CLD grer

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    simultanment des lments contradictoires. Ceci les empcherait daccder la bonne interprtation dans le cas dnoncs non littraux, ou encorelorsque l'information engendre un conflit de sens comme dans le cas du sar-casme.

    Il est galement possible de comprendre les dficits discursifs retrouvschez les sujets CLD comme tant des dficits secondaires un problme de res-sources cognitives. Pour comprendre un nonc discursif, un sujet doit se repo-ser sur la base du texte reprsent par deux niveaux de description de linforma-tion de ce texte. Le premier correspond la microstructure, soit linformationlinguistique et fait rfrence la structure syntaxique et la cohsion. Lesecond correspond la macrostructure, soit linformation smantique, et faitrfrence la cohrence incluant, de faon abstraite, lide principale du texte.Daprs certaines tudes (p. ex. Huber & Gleber 1982 ; Joanette, Goulet, Ska &Nespoulous, 1986 ; Hough, 1990 et Schneiderman, Murasugi & Saddy, 1991), ilsemblerait que les individus CLD reposent davantage sur les informations de lamacrostructure plutt que sur celles de la microstructure pour comprendre undiscours. Cependant, ils semblent incapables dutiliser le principe dorganisa-tion dune macrostructure pour comprendre un paragraphe. Les auteurs rappor-tent aussi la prsence dun discours tangentiel, de confabulations et dune diffi-cult valuer la plausibilit dun vnement dans un contexte donn, situationqui les conduit accepter des informations incongrues.

    Dans lventualit o les troubles des CLD seraient imputables unediminution des ressources cognitives, il est possible de voir ces comportementsdiscursifs chez les patients CLD comme tant lis des troubles attentionnelsdans la mesure o les processus de traitement ncessitent le maintien de plu-sieurs sources dinformation en parallle. De plus, pour utiliser le principe dor-ganisation au niveau de la macrostructure, les sujets doivent faire appel lacomprhension de labstrait, ce qui ajoute un certain niveau de complexit. Siles individus CLD ont une diminution ou une mauvaise allocation de ressourcescognitives, il est donc logique quils prsentent des dficits pendant le traite-ment des informations abstraites ou de plusieurs sources dinformations enparallle.

    Il est important de mentionner que lhypothse de ressources cognitivesnest pas exclusive et quelle ne soppose pas lhypothse de processus cogni-tifs sous-jacents spcifique lHD (thorie de lesprit) dans le traitement de cer-tains aspects du langage. Il est probable que le vritable rle de lHD dans lacommunication verbale soit le produit dune combinaison dapports spcifiqueet non spcifiques.

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    Les fonctions excutivesBien que trs relie lhypothse prcdente, lhypothse dun dys-

    fonctionnement excutif est de plus en plus souleve pour expliquer les per-turbations des aspects pragmatiques du langage des individus CLD (Cham-pagne, Stip & Joanette, sous presse ; Martin & McDonald, 2003 ; McDonald,1993). Cette hypothse provient notamment de lexistence de similarits frap-pantes entre les troubles du langage observs chez les individus CLD et chezles individus ayant une lsion frontale (FL). Chez ces deux populations, eneffet, le discours est dsorganis, confabulatoire et tangentiel. Il peut treassoci un manque de regard critique sur le comportement verbal. Ce typede lsion est en effet associ un manque de contrle concernant les capacitslangagires. Les patients sont donc dans lincapacit de suivre le thme duneconversation, de faire des infrences appropries (comme dans le cas du dis-cours), de comprendre le langage non littral tels que mtaphores ironie et(McDonald, 1993) dignorer le sens littral dun nonc dans le but de com-prendre les implicatures conversationnelles comme le sarcasme (McDonald,1992), de faire des demandes indirectes infrentielles sous la forme duneallusion (McDonald & Van Sommers, 1993) ou de fournir des instructionsdtailles et organises (McDonald, 1993). Ces individus ont des difficults apprcier ou utiliser les infrences linguistiques et pragmatiques dans destches plus complexes. Leur performance est aussi caractrise par un manquede flexibilit dans linterprtation du discours et par un manque de self-moni-toring dans la slection de leur rponse.

    Si ce tableau est caractristique des individus FL, il nest pas prsent cheztous les individus CLD. En effet, en raison de la nature des lsions crbrovas-culaires dans lhmisphre droit, le groupe de patients tudis est ncessaire-ment htrogne, incluant la fois des patients avec et sans dysfonction frontal.Les rsultats de certaines tudes (pour une revue, voir Martin & McDonald,2003) suggrent un rle critique des rgions frontales de lHD et conduisent lhypothse selon laquelle les dficits langagiers des individus CLD pourraienttre, en partie, expliqus par la prsence dun dysfonctionnement excutif.

    Les fonctions excutives constituent un sous-ensemble des fonctionscognitives permettant de sadapter un environnement en volution. Elles com-prennent, par exemple, la planification, linhibition ou encore la flexibilit.

    Une flexibilit rduite peut entraner des difficults prendre en compteles diffrents sens possibles dun nonc selon le contexte dans lequel cetnonc est prononc (Brownell, Potter, Birhle & Gardner, 1986). Les individusCLD seraient alors moins sensibles aux nouvelles informations et moins aptes

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    comprendre le sens second dun nonc dans le cas dnoncs non littrauxcomme des noncs ironiques, par exemple.

    Selon Tompkins, Baumgaertner, Lehman et Fossett (1995), linhibitionjouerait aussi un rle particulier dans le traitement du langage non littral. Lesprocessus dinhibition joueraient un rle central dans la suppression des infor-mations (interprtations) saillantes en faveur de linterprtation la plus appro-prie dans un contexte donn. Le sens littral, non pertinent peut, en effet, tredans certains cas plus facilement accessible que dautres interprtations pos-sibles dun nonc donn, dans la mesure o il pourrait tre plus automatique.Un dficit du contrle de linhibition chez des individus CLD entranerait alorsdes difficults pour supprimer lun des diffrents sens dun nonc conduisant des difficults pour choisir le sens correct dun nonc dans le cas du langagenon littral. Cest dailleurs lhypothse principale qui est pose chez les indivi-dus FL pour expliquer les troubles des capacits pragmatiques.

    La capacit intgrer des informations et former des liens conceptuelsest considre comme lun des processus majeurs parmi les fonctions excu-tives. Une perturbation de cette capacit pourrait aussi rendre compte des diffi-cults des CLD faire des infrences et intgrer diffrentes informations enun tout cohrent, particulirement lorsque ces informations sont ambigus. Cecipermettrait dexpliquer les difficults des individus CLD grer les lmentsorganisateurs du discours, et plus particulirement leur difficult valuer lamacrostructure dun texte incluant le thme principal (Hough, 1990 ; Schneider-man et al., 1991).

    On notera que les fonctions excutives des individus CLD peuvent treendommages de faon slective, conduisant une srie de troubles spcifiqueset que ces dficits excutifs spcifiques peuvent tre associs des troublesparticuliers au niveau des aspects pragmatiques du langage (McDonald, 1992,1993, MacDonald & Sommers, sous presse). En effet, Champagne, Desautels etJoanette (sous presse) ont montr que si un dficit de contrle de linhibitionpouvait expliquer les difficults des individus CLD comprendre le langagenon littral, un manque de flexibilit pouvait tre prsent chez les individusCLD et ne pas entraner de difficult comprendre le langage non littral.

    Alors quun dysfonctionnement excutif pourrait rendre compte des dfi-cits pragmatiques chez des individus avec dficits du lobe frontal, ceci ne rendpas ncessairement compte des difficults pragmatiques de tous les individusCLD. Les individus CLD les plus susceptibles de vrifier cette hypothse sont,en effet, ceux dont la lsion crbrale se situe dans le lobe frontal droit.

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    Conclusions gnralesLe but du prsent article tait doffrir quelques pistes encore exploratoires

    des bases cognitives sous-tendant les troubles de la communication verbale chezles CLD. Trois hypothses ont t examines pour tenter dclaircir quels sontces processus et de quelle faon chacun dentre eux peut expliquer ces troublesde la communication verbale. Lhypothse dun dficit dattributions des tat