Heine Les Nuits Florentines II

27
LES miTS FLORENTINES –i. 11(1). –Et pourquoi voulez-vousme martyriser encore avec-cette hor- rible médecine, puisque je n'fn dois pas moins mourir!1 C'ét.tit Maria qui par!ait-alnsi au moment othMaximilien entra dans la chambre. Devant elle ét:ut ïe médecin, qui d'une ma:n tenaitune fiole et de l'autre une petite coupe où moussait une liqueur brunâtred'un aspect repoussant.TMon cher ami, cria t-i! au sur- venant, votre présence me fait grand plaisir en ce moment. Obtenez donc de la signora quelle avale seulement quelques goutter; je suis pressé. –Je vous en prie,.Maria! murmura Maximi!:en, de cptte voix tendre qui semblait partir d'un cœur.si brisé, que la ma!ade, singulièrement émue, oubliant presque sa propre souffrance, prit la coupe. Mais avant de ia porter à ses lèvres, elle lui dit en sou- riant –Pour me récompenser, vous allez me raconter l'histoire de Laurence, n'~st-ee'pas? ÏI sera~fsut selon vos désirs, signera. (') Voyez !aUvr~sondu15 avril.

Transcript of Heine Les Nuits Florentines II

Page 1: Heine Les Nuits Florentines II

LES

miTS FLORENTINES

–i.

11(1).

–Et pourquoi voulez-vousme martyriser encore avec-cette hor-

riblemédecine, puisque je n'fn dois pas moins mourir!1

C'ét.tit Maria qui par!ait-alnsi au moment othMaximilien entra

dans la chambre. Devant elle ét:ut ïe médecin, qui d'une ma:n

tenaitune fioleet de l'autre une petite coupe où moussait une liqueurbrunâtred'un aspect repoussant.TMon cher ami, cria t-i! au sur-

venant,votre présence me fait grand plaisir en ce moment. Obtenez

doncde la signora quelle avale seulement quelques goutter; je suis

pressé.

–Je vous en prie,.Maria! murmura Maximi!:en, de cptte voix

tendre qui semblait partir d'un cœur.si brisé, que la ma!ade,

singulièrement émue, oubliant presque sa propre souffrance, pritla coupe. Mais avant de ia porter à ses lèvres, elle lui dit en sou-riant

–Pour me récompenser, vous allez me raconter l'histoire de

Laurence, n'~st-ee'pas?

ÏI sera~fsutselon vos désirs, signera.

(') Voyez!aUvr~sondu15avril.

Page 2: Heine Les Nuits Florentines II

J~6 B~B D~~EC~~OB~~La pâle ma!ade~moitié souriant, moitiéfrissonnante but aussitôt

Je contenu de la coupe.Je suis pressé, dit le médecin

en mettantses gants noirs. Re-

couchez-voustranquillement, signera, et ne bougez que !e moins=possMé.

Ajccompagnéde là noire Debbrahqui réc!airait, il quitta la cham-

bre. Quand les deux amis furent seuls, Us se regardèrent Jong-

temps en sitence. Dans leur a~e parlaient des pensées que chacun

d'eux voulait cacher à l'autre. Mais la femmesaisit soudain la main

derhomit~eL~aœavritde!~is~.btù~n&.J"o"–Pour Famcur de Dieu, dit Maximi!ipn, ne vous agitez pas

""ainsi, et recouchez-vous paiStbiemcntsur !e sopha.

Quand Maria eut obéi i!hti couvrit tri ssoigneusement les piedsavecle chàlc qu'i! avait auparavant touched<-ses lèvres. EUe l'avait

sans doute remarqué, car &esyeux clignotèrent comme ferait un

enfant htureux.

Made:no~se!!eLaurence était-eHetrès bdie?

–~Si vous voul z nepas m'interrompre, chère amie, ptm(f pro-mettre d'écouter tranquil!< mentet en s'Ience, je vous dirai fort en

détail ce que vous désirez savoir.

Souriant nvecamitié au regard d'acquiescement deMaria, Maxi-

DMHense mit sur le siége,qoi était devant le sopha, et commençason récit de lamanit're suivante:

ï! y a maintenant neuf ans queje.partis pour Londres, dans le

but d'v étudier la ïanguc et (e peuple. Que le ciel confonde tes~n-

gL!s et leur langue! Us se fourrent dans la Louche une douzaine

de monos.Iïab(S; tes mâchent, h s cassent et vous les crachent à !&

figure, et ils app<!!ent cela parler. Hexreu~ement qu'ils sont assez

taciturnes de leur BaUH\L,et quoiqu'ils vous regardent toujours la

bouche ouverte, ils vous font au moins grâce de tondues conversa-

ti<Ms.Naïs maîheur à nous si nous tombons dans les mams d'un Rts;d'Albion qui a fait ~egrand tour et appris sur le contmeai à parlerfrançais. Célui-Ij veut saisir l'occasion de pratiquer sa scienceen

ïin~uistique, nons accable de questions sur tous !(&su à peinea-t-on repondu à l'une, qu'tl en arrive une ~secoDdesMï'cotre ase~

Botre~rtrie, ou iaLdurée denotre sq~' et il croit noas inté~sser

~~P"P~ cet inj~pog~Un~ a:Lis-de~ris disait,avec raison peut-être, que les Anglais ,app~eïmeMlË~<;onx~rsa-

Page 3: Heine Les Nuits Florentines II

~<

.R-~ITs.~ 'Ji.

y.

..t~ï~B~~

se.âu;.ly e u. s r~o~seau~ur~ (\Ç. ~J~i~~nu fst à tatJe q~~d_Us,c~ut)p%t,ea t~ ?-

~o~s~es~X~e~Ï~ ~~I~ d~1.'i~~e~rr~u.~ Qu~dehoi~~fpn~ ~u p!u~ou~mo~.Gu;t~~

<~u ~~rs et !eurs ~OMton j~j~seuies bonnespho~es qu'ifs poss~en~ Le c~~ ppésenvptou~ét!~

~hï~etiende kuyssauces, comptes d'un ~!ei:sde fa~ne et deux

~ers~ beurre, ou pour varier d'un ~'rsd~ beurre et c!euxtïeps

(an~ Qnp R~eu ~r~ ~cu~ï ~e ~n~,pai~ Ï~u~aes q~'U<%sen-

Yentcu}t§ reati et cq~me ~pâture t<~ a ~Ppa~Ï Plus aboiM-

n:tb!esencore gn~ ~n~R-i-~et~to~}]araDgu(sobt!gées, qu:~n(J,!a t~~ppepulevee et h s da'~s retupees~

~napppr~e à leur Heue~ p'ape un na~bre e~a! (~e bputeiHt&de

por~ qa'tk €f(~ent ce qu'H y a de ptus propre à suppléerle btean

~sexe.Je dis !ebeau sexe, cq~tes ~ng!a~es mérue~ cp npm. Ce s~otde t:e!fes,bL<ncb''$et. jettes p( psonnes.n est seuIrfpcDt dotp~age

que la distance trop g~apdc du t'ez à lu bouche, qu'on trouve chez

eUesausstfréquentant que eh~z ks hommes, gâie~ à mes yeux, ïes

plusbe~ux visages. Cène déviation d~ type de la be~ulp me causeune impression d autant plus pentbfe, quand je rencontre lesAï~-

~!ais,ici en ïta!ie, ou ces prppp~ttp~s mesctUtQesdu ne? coatt~ste~t

~yantage axtjcje~ visa~ a~iq~es des Italiens, ctonï les nez<0tnr-

besà la romain~ ou a~gnës à la grecque offrent sou vontdes pro-pprtaonstEpp (ïév~!oppées. Un observateur a!h manda remarquéavecbeaucoup de justesse que les Angtais qui se promènent au

~itieu !~<s ha~ens, ont tous 1 air de statues auxqueMeson a cassjB~è~out du nez.

Oui, c'est qj)ian<!on rencontre les Anglais en pays etran~qne–conira~te iait rrssomr encore p!!is leurs débuts. Ce sont les

dieuxdel'canni qui courent ta posteen tous pays dans des voiturest; t.. 'f.Dnuatnmen~yf~aisseps, et laissent derrière eux une terne pouss~ye

~etfLtesse.AjoQ~ez-y teur curipsijLésans injtérét, 'eur lou~jear

~~PCt ~r gauchenè Imper~ncnte, leur anguleux égoMmeet !~urpass~n jtroi'de pp~urtous !es sujets regoussans. I! y a p}us~e i~oïssc~ames~o~-v~ici, bur ta ~nzxa dei Uran ~ucca, un Anglais qui'< .< -.f- <f'' .t,~o~etp~ia~ourné~T boucha b~~pj a cpntpmp~r~chaf~tan à cheval qu! arrache les dents aux paysans. Ce sp~cta~e j~a–i~~pe~treteaoblenIsd'A~ion~ exégùtio~ gû il.rd à

F""

Page 4: Heine Les Nuits Florentines II

5S~ REVCEr-DJ~J~EUX-MONDES.

cette heuredans sac~ère patrie; car, après tes combats de boxeurs ei

de çq~s, Hn'y a pajsd&spectacle plus précieux, pour un Ang~ais

que t'agonie d'un pauvre d~b~e qui àvo!é un mouton ou imité une

écriture, et qu'oo expose, la corde au cou~ pendant une heure,

devant !a &caded~O!d-Baney, avant dé le lancer dans reternité. Je

D'exagéré pas quand je dis que le vol d'un mouton et !e faux, dans

cet horribte et crue! pays, sont punis à Féga! de l'inceste et du

parricide. Moi-mêmequ un triste hasard conduisit à Londres, j y ai

vu pendre un homme qui avait voté un mouton, et depuis ce temps,

j'ai perdu le goût pour le moutonrôti. Auprès de lui je vis pendre

un tr!andais qui avait contrefait ta signature d un riche banquier.

Jfe voisencore tes naïves terreurs du pauvre Paddy, qui, aux assi-

ses,'ne pouvait comprendre qu'on le punît si durement pour avoir

imit~ uf:e signature, lui qui permettait au premier venu d'imiter-la

siennel Et ce peuple ne cesse de parler' de chrisuaoïsme, il ne

mapque pas un prêche Je dimanche, et inonde de bibles l'univers!

Je vous layouerai, Maria, si je ne pus riea goûter en Ang!et<rre,

ni la cuisine ni les hommes, !à faute en était un peu à moi-même.

J~avaisemporté denm patrie une bonne provision de mauvaise hu-

meur, eije cherchais des distractions chez un peuple qui ne sait

lui-même tuer son ennui que djns te tourbillon de l'activué politi-

que et, ptercantile.La perfe~tton des machines qu'on emp!p~e par-

tout, dans ce pays, à accpmpJir des travaux d'homme, avait aussi

pour <noi qudque chose de déplaisant et de sinistre tout à la fuis.

CeLte~vie arunc:e!<e de ruh~ges, pistons, cylindres, et de mi'iiers de

crobbeis,~oupiMcs, petites dents qui se meuvent presque avec pas-

Stpn~me rempiissait d horreur. La p< écision, Fexactitudey la me-

sure et la ponctuaHté de !a vie des Angtais ne me tourmentaient

pas moins~ car si les machines en Angleterre nous font ~(~ifet

d~hommes, les hommes nous y apparaissent commedes machines.

Qui, je bois, l'acier et !e cuivresemMent y avo~r usurpé l'esprit des

hommes et être devenu&presque fous par excès d'esprit, pendant

'que l'homme, dépoui!!e de sa vieinteHecfue!Ie,(~emb!;ib!e à un

~ntomé yi<jte, accomdit, commenne machine,sa tâche h ~bituetle.

A ia mmute nxee if mange son bee&îeak, débite son discours au

parlement, fait~ses ough s, moale~n ~Bigëncë~~ on bten encore va

se pendre. v t

V~ns pouvez vous ~~urer ~ans~eïae comMe~ns'augmentail mon

Page 5: Heine Les Nuits Florentines II

LES NUITS FMKEFîTINES..329'.

apaise dans ce pays; Mais rien ne se peut comparer à rhumëur

n~trequi m'assainit un soir que j'étais sur le pont de Wàt~îuo et

~ue je plongeais mesregards dans !a T.<mise.Il mesemblait voir s'y

reMéchir monâme, qui, du ibnd de ce miroir, me montrât toutes ses

b!essures. Et puis, j'en vins à me ra, peler les~nstpîr<s tes plus uf-

a~ëantes. Je pensai àlarose qui uvait etétOtis iesjoùrs arrosée de

v~n~gre,ce qui lui fit perdre ses parfums !es plus doux, et !a ue-

tritf avantle temps. Je pensai au papd!o:t égaré qu'un naturaliste

mïi im'avitle Mont-Btahc vit vu!tigèr soUtaire entre lesparois de

gtacé. Je pensai à !a guenonapprivoisée qui eta:t si fam~éreavec

Jes hommeset jouait si gdément avec eux, maisquiunjour~àtabte,

avant reconnu, dans lu rôti qu'on apportait sur un p!at, son propre~fant de singe, le snisit vivement, l'emporta dans les Lois e~ne se

6tp!us jamais voir partni nés bons amis ies hommes. HêJas!Je

mesentis dans t'ame une tei!e amertume, que des turmes bruiantes

s'échappèrent de mes yeux.e~es tombèrent dans la Tamise et s'en

tarent dans le grand Océan qui a déjà englouti tant de larmes hu-

maines, sans y prendre g~rde'H arriva dans ce moment qu'une singulière musique me tira de

mes sombns rêveries~ En regardant autour de moi, je vis sur te

rivageune troupe d'hommes qui paraissaient avoir forméunc~rcie"autour de quet~ue spectucle amusant. Je m*apprbchai, et diStiu~uaL

une fàmiHed'urtiates qui se composait des quatre personnes sui-vantes

l~Une petite vieille ramassée, habillée de noir, avec une très

pttite tête et un ~ros venu c très proéminent. De ce ventre pen-dait une énorme grosse caisse sur UqueilecUe tambourinait Hupi-~yabh/mem.

Un nain qui portait, comme un marquis français de rancien

rc~ime, un habit brode, une grande tête poudrée, Maïs dontlesmembres étaient minces et nuets. I! jouait du triang:e en sauti~!afntcàetlà.

Une jeune nlle d'environ quinze ans qpi portait une jaquetteco~r~ et étroite en soie rayée btet~ et un~ai~e~antaïonTayé-~nicmecouteur. C'était une créature d'une iorme aérifnne et toute~'acfeusë: Sa <Tgureavait ta beauté grecque. Nez noble et droit;~vres nnement découpées menton fuyant et arrondi; teint chau-'Bent oMtre; cheveux d'un notr éctatant, relevés autour des

Page 6: Heine Les Nuits Florentines II

M~T~bi ~~I~S~

~~ëS~ëÏ~rS~dro~~sve~ë'étsér~ ~Õ"pëu'maris..

~ëtr~~t'~q~përsët~ Jâ~s(M;tè"tê°qùi"faisait,

~n'adêde~on~s~:èit~J.~û1ëDfé,t1nDiV~1:aii"un"è1ltèi 'sava~'t"êan¡cÍ1~ piein~e!l~?ën% ~erso~me p'lein

d'a~ar, <pt?venaït, à taures: grande joie ou~pubtîcan~àis, (fns-

~emb!€r, avec 4ës caractères de b6?s~qu'6n tui avait présentés, !e

nom dè!ord W~Hh~t(%;ény-~uMnt deta même~çôn yà'fîatteuse

~î~ëtë de/M~. €~mè~c~é!t,~ënj~er 'son' air spiri-

nepSavâtt étiré Hhë~b~tè~ng!a:sre,'i<râ~qn' ét:nt venu dè

F~cë~M~~ae~és~~sMrtrës peTS(m'RëiS ~s '8!s d'ÂjbTpnse~ê-

j~ïssaient fô! voir les mërite~ It'ur ~M~càpftàTneh connusj¡¡mÓÎnspàrWsichreM:fraiJÇ3-is;-fec(jrriiaÏ:;san~~'à ,tàqüëJJëlès aûtres

~aTnôiBSpa~I~schFeais~ranç&is,recënnatssânceàïâquënelps autresC!%a~ufesdeFrance redisaient outrageusement de s~prêtt r.

Ë~eSet,c€~ troupe sè~omposuït de français y et re nain qui

~mnonça éB~aftë ~as~e nom(~e M.Turhitutu~commènca à déc!a-

BBtèren tào~de 'Mmçai~e et ~àvec des gestes si véhemens, que les

ouvres Aa§!ai~~vrireBt leurs bouches et relevèrent îeurs nez

encore plus qu'à i'ordinatre. Quetquefbts, après une!6ngTjnpériode,

~MBttàit !ë'étant ~u coq, et tes~okerikos, ainsi que les noms de

beaucoup ~empérears, 'de ro!s et QB~rhïcesIqhT! ~né!ait à son

',ai's~~i ~çè~ paüvresëgpëêtriteúr~ tes~Hscoers~tnr~Mt~ë~te~oifnpnrëStTës pauvres spectateurs. Ces

e)!)Sp!erèu!'s,ro!s ët~prHiees~6taie'nt. 'sébh Tm, ses protecteurs et

~M.~B~85SO~t~n,~è~r~ ;'àiis;'titt liïn~~èntïretién

avec sa majesté défunte Louis XVÏ, qui, pïus~ard~~ttt~eBaaadâ

~~(Mirs côn~S~a~~ioccàsibn~importan~ Conime tant a'au-

a~'e~Ht~ou~ràit~Ia faite à!a tourment rêv6ïut!dnna!re,~~é~t revenu <âaassa chère patrie iqn'à révoque de t'émpire,

pour prendre p~rtà~ gloire delà gra~tde ~atiou. Napotéon,disait-

nefavàitjamaSsaMmé~;en revanche, i! avait été presque adoré

parsasamtetë%~àpe Pie Vit. L'empereur Alexandre lui donnait

des bonbons~et !a princesse Gu:Haumede Kiritz te prenait toujourssur ses genoux. Son altesse le duc Charles de Brunswick te fa!s:!it

<pté!quefois chevauchersur ses chiens/et sa majesté le roi Louis

de Bavièretui avait ïu ses aùgustes~ësiës. Les pnhcesde Reuss,

Schjteitz, Kreutz, ainsi quecpux~Sch~ar'zenbôurg-Sond('rshauseny~Amaientcomme Tmfrère et avaient toujours fumé d:)ns ta mêtne

pipe quelui.A i'entëidre, i! n'aurait vécu dès soncn~nce qu'avecdes souverains; les monarques actuels s'étaient élevés et,avaient

Page 7: Heine Les Nuits Florentines II

t~ ·

LÈ&B~TSFLORENTnrE~

grandi avec tm~ 9~s regardai commelèssien~~ ~prpa~t~ <~oH

(piand!*uucL'ëuxpayattletribut à la nature. Après ces ~'àves~-

ro~s~.i!'chanta TBncoq.

j~/Tur!u!,utu êt~!t ~eéUe~un de~ nams !e~~i~ cur!ènY~q~

j'jeassejamaisvns. Sa vit'iUë ~ure ridé&fôrïnait un contra~e'

drôle avecso~pe!it corps enfàntM, et toute sa personne uw~o~.

trasre grotesque avec tes tours ci'adresse duntîî se faisait noa-

neur<IÏ se campa:dansles positions ïe~p!us nardies deTèscnmè,

~vec unetaptère d'une !on~uei)r démesurée, se mît à Ïrapper Paa*

~estoç etdetame, pendaniqu~I jurait sursonhônnèar~û~ëette

uaarteou cë~e~ërce éfait trresisfiNe, ctqù~avecsa~parade, à Iu~

SnouvaiisûretnentdéSertout hom;ite mortei, cequ'i! VQu!a:tproo-rer en invitant chacun des spectateurs à se mesurer avec lui d~&ïs

lBnoMeart de l'escrime. Quand !e nain eut contmué cejeupen–dhnt quelque temps, sans avoir trouvé personne qui voulut sou-

tenir un assaut en p!éin air, il s'inclina avec ta vit iHegrâce &'aB<-

çaisp, remerciapour!es su foragesdont on avait bien vôultf rbonoré!~et prit ta Hbcné d'annoncer à i honoraMepubHcle spet tacte !e t~us

extraordJLLairequ'oneût jumals admiré sur le sot de t'Ang!eterre.

~Voyez-TOus~cetiepersonne? dit-i! âpres avotr mis de sates ~ants~hcés, et conduit avec nanegalEH~erie r~speetu~use~miKèa <~n

cercle ïa jeune 6~0~ui faisait partie de ta société,cette persosneest !à ËHeumquedela très r~pectaMe et trés~brétieBBed~më~&~o~~oy~ ïà-~bas a~ec Ja grosse~su~se~et qui por~~Beofe~Memr--

~huiie dtnil de son époux chéri, le plus ~andventriïoqQB J~~Europeï Mademoisetïe va danser ~adm~rex maictenantita dansede mademoiselleLaurence. Après ce discours, il contreBteacoze

–ecuq.

La jeuneRnene semMait faire aucune a< tentionni à ces parolas~ni aux regards des spectateurs. Perdue dans ses rêveries; eHede-meura sans mouvement jusqu'à ce que le nain eût étendu dëTabt

ses pieds ungrand tapis et recommencé à frapper son triante avec

accompagnement dé grosse caisse. C'était une singulière musKjué~?~~?S~urd bourdonnemeatjet de cnatbnH!cmentvoluptueuxf y distinguaiune më!odie pndtétiquementfbne, tristement déver~

~adfe, bizarre, quoique de la plus curieuse sïmp!tcite.Mats

j'oubliaibientôt cette musique quand fa jeune fille commença

~aBser.

Page 8: Heine Les Nuits Florentines II

~g2 RE~OB DES DEUX MONDES.

L& ~anse et la danseuse s'emparèrent ~véc ~brce <ie tonte mpp

attention Cen'ëtatt pas la danse ctassiq'e que nous voyons en-

<X)rc dan&nos grands baUets. Ce n'étaient pas ces alexandrins

dansés, ces sauts déclamatoires, ces,jentrechats d'antithèses,

,èette'. 'passion,.n blé q:oi,irouette. 1à:vous -duni~ër:.le vertige, aucette passion noble qui pirouette à vous donner !e Tertre au

point <;u'on ne voit plus rien que ciel et tricota rien qu'Idéal et

mensonge. En vérité, rien* n~me contrarie plus que te ballet.de

_l!0péra de Paris, où s'est conservée dans toute sa pureté la tradi-tion de cette danse classique, pendant ~que!es~Fraaçais ont ren.

versa le vieut système d;tns t<?Stautres ants, dans~ia poésie, h

BMsiqueetïapeinture. JMaisi! !enr s< ra dHBciIe de~re dans t'art

de la danse une semblable rcvoïut!on, à jnoinsqu'tls n'aientrecours Mi, comme dansïeur révolution politique, à ta ~erpem',

e~qu'U&ne gmHptinentlesjambes aux danseurs endureis de ran-eië~ Tégime. M~ Laurence n'était pas une grande danseuse. Les

pointes de ses pieds n'étaient pas très soup!e&,ses jambes n'étaient

point rompues à toutes les dislocationspossibles,eHe

n'entendait

rien à la danse teUe que l'enseigne M.Taghoni, niais eUedansaitc~mmeia. nature commandeanx hommes de danser. Toute sa per-~sonneétait enharmonie avec ses pas. Ce n'étaient pa&seuteme&t

~ses pieds, maïs, son ~orps entier qui dansait, son visage m~meda~.~ait~e!le devenaitpà!e parfois, maisd'âne pâleu!*jmorteKe,ses

yeux s'ouvraient tout grands <x)mmeceuxd un spectre autour de

ses lèvres palpitent la curiosité et t'effroi, et ses~beveux np~&

qm~8Bcadfaient ses4@mpesdans des ovales tisses, v~eta<enten se

soulevant comme deux ai!e$ de. corbeau.Cen'était pas la en eftët~mnsL~aBse~cïassique,ni une daase romanitiquenon pjtas, comme

TeMéndratt un Jeuiae~France. Cette danse n'était ni moyen-âge,m vémtienne, ni bossnc, ni macabre, ni moraïit&, ni clair de

htne, ni inceste. C était unedanse qni ne visait pas à amuserpav des formes de mouvemens extérieurs; <:es ~rmessemblaient~contraire ies mots d'une tangue particuHére.MaiStque disait

%eMe danse? Je~ne pus !a<~mprendre, avec que!que passionque~sedèmena~ce langage. Je soupçonnai seulement par iastans qu'ily ~MS~OBde caoses doaioareusM fM &nmhr~QL qui,

~'o'rdihaire, entends si facHementtout sens nguré, je ae~pow~parvenir à deviner cette énigme dansée. La ~ute en étai~eeFiei-

n~ment~a musique, qui medéroutait peut-être ~dessein etm'eim-

Page 9: Heine Les Nuits Florentines II

LES NCÏTS FLORENTINES. ~335

broù'Maitsahs cesse. Letriangïe deJ~ turfu~tj&fu yîceRMip~N~~

ibis Menmatï~Musementï Et madamemêre6*a'ppait sa grosse c~i&se

~avee une teHe colère, ~uesa Sgure étincelait spns te nuagede.sOD

bëHnet'ïio~coïQme&Betunesan~ante. '~i

Quand !a trouve se fut éloignée; je restai Iong-temp~~Nx<~àjI&

'mê!Be'p'!acé, rêvait au sens de cette danse. Etait-ce une~danse<~t

~id~ dé b France ou une danse natiûna!e d*Espa~De?~Leçaractët~

méndtona! sepei~nàit assez dansl'entportement avec tcqaeL!a d~Q-

seus~~e~ït de c6té et dautre sa tT~c tailley et djas~es mouxé-

~mens~ene~aes'de sa tete,~qa~!e renvet'sait q~dquefuis emar-

:~T' a la mamère de ces bacc~htës éc~evetées qae~nous yoyoa&"'avec étonhemencdans les retiefs des ~ses antiques. Sa danser vait

a~rs quelque ~hose d'invo!ootatre, d'enivré, de fatale ei~dan-

~it connuela Destinée. N'étaicat-ce pas les fragtnpns de~qujeiqae

antique pantomitue? Ou n'était-ce qu'une histoire privée.? Parfois

~jeone Mtese penchait vers la terre, comme pour écouter si ~e

B'enteBdait pasune voix monter vers c!ïe. EHc treB~b!aitalors

commeÏafeai!!e da peup!iér, se repliait à ia hâte en sens contraire~

etia<ecomp!issaities sauts tes plus extrava~ans, les plus dépégtés,

~puis rapprochaitde la terre une oreitte ph<s mqaiète qu~upara~vast~

~Busaitunsi~e de~téte,devenait rou~~ redevenait pâte; ffissonaautt~demeuMit un instant droite~&omme uncicr~eyanMnobiiecomme~a

pierre, et fa~saitenSn!~ geste de que!qu'tm qui seiave ies maias.

Ëtait-ce~da'sang qu'e!!e croyait ea!e ver avectant 'de'soio? ?EHe'ae-

cea~pagna celte action d'aBregareTsisappliant, si atteadnssaBiJL~

Elle hàsard~voulut~quec~ regard tombât sur moi. s

~~Toute~nuit suivante, je pensai à ce regardy à<~tte daiBse~.auiMzarre accompagnement, et quand, le lendemain, je me iaoçai

~eommeàrordinairedans les ru<~sde Londres~ j~épramvai~edés~Ie

pk!s~ardentde rencontrer de nouveau .lajone daNseose, et j'éc<a!u-

~ïs~u}ôutssi )é n'entendais point qï~eiq~e part na~musiqtte degrosse caisse et de triante. J'avais enHntrouvé à Londresquelqjue'chose~qtH m~ntéressat, et je n'errais p!us sans but ~ns $esrees béantes. Je venais de sortir de la Tour. et j'y avais observé

~teBtîvement ta hache avec ~que~c fat décapitée Annede Boïe~~dia~Bans de ta couronne d'An~eterre, ainsi que les :tt0ns,

~nïmdje:tetrouvai sur tapiace de ta Tour, au milien d'uae grandemadame mère et sa grosse caisse~ et j'en~eBdis M.Tur-

t

Page 10: Heine Les Nuits Florentines II

REVJUBMS~NEOXWONBES.

i~utu ~aater~ coq. Le cMea savaM compo~ de feehefTbe-

MMsmedejord WeMington, !e nain montra eaeerë ses tierces et

(mat*te~ irresistiHes, et M~ La~ence~ recommença sa danse

éuigmatique. C'était ce B~é~ne tangage muet qui voulait dire

quelque titose~que je ne<~btnprenaisguère, ce metnë ren~rsement

VM)!entfdesa be!!e tête, t'orei!!e attentive penchée vers <a terre,

Horreur qu'eHe vantait fuir en se jetant d ~nsdes SHut~pÏu~i~seo-

ses; puise!M:<~er<M'eïHeatteattveCGBameàan bruit soHtehain, le

~remMement, la' p&t~ur, HatmobilUé, ensn!te cet e<ftoyab!e et

m~iêEietfx tavem~nt de maias, et ea~in~et oMiqueEeg suppHaat

qn'eHe~trfét~eette fb!s,-phjts~n~-teHtps encore sunao~~

Oh! les femmfS,et !es je~tïte~@!tts a~iss!bien que les aunes f<mmes,

s'aperçoivent tout d'abord qu'eHes excitent i'attetttion d*t~ homme.

Quoique M~ Laurence, ~ua~d t4te ne dansait pas, demeurât

toujours sans: mouvement, s )ns porter ses yeux adieurs q~e sur

sa réverte intérieure, etqu'eïte ne jetât, pendant qu'eue dansait,

qu*uu seul regard sur le pub!ic, ce n'était point pur hasard St'~e-

ment que <e regard tontbait tOttjours sur moi, et p!us je la voyais

danser, p~s ce regard ptit d'ècbt et d*expression, (t plus il de-

v~t mintet!igib!e.Jc fus cotnmeenson'eté~ar ce regard; ( t pen-dant JEro~seïnaines, je b.:ttis !e pa~e de Londres du matin au

Boïr, m'ayréMnt partout ou dansait M~ Laur<'ace. J'en v~ns

à ee point de distinguer à travers les murmures !espJus bruyacsde la foule, et dans !e plus gr~nde!oi~nement. sons delà

griosse caisse et du triangïe. De son cote~-M. Tur~tutu, quandi! m'apercevait, grossissjitjoy<usej39eBt son ~ri de coq. Sans ~oir

jamaus éçhaugé un mot avec lui, ni avccM~ L.-ufenee, m avec

madame mè~. ni av~ le chien savant, je parus ~~n ~mep~e~dèteur société. ~aûBdM. Turtututu faisait sa cof!e<te,H s'ypre-aai~ avec te tact le plus 6n en s'approchant d~ moi, et détournait

toujours la tête du côte opposé, qua<djejet~s use petde piècedans son chapeau à trois cornes. Il avait en €? t anan de conve-

nance fort di&tmguë, et rappelait les belles manières de l'ancien

régime. On pouvait reconnaître, chez le petit homme;qu't!&v<nF

jgrandi a~ec ~es mocarques, et ceiait chose damait p!us sur-

prenante dë~e von', oubHant par~Ms sa dignité, cbaBtpr~oaMne

~n coq.ye ne pms vous décrire !a peme que j'eprMvai ~aand après

Page 11: Heine Les Nuits Florentines II

Mr inutHeme~cnerëh~ pëhdant trd~s~ours~a pètttë ~oc~re~dans~

tt~~s rues de~Londft~s,je compris ennh~qu'enë~avsit quitta

Ë~i~e; t~nnuTn~e sa~t de~nouveàudans ses bras de~omb~ïB~

~t':r encore ~efô!s'!e coeur. me fat impossiMe~de~!ë support

~~Ms~ong~temps~.Jedisadien au Ndb, aux BIacl~àafds,~a~

~ent!ëmenetHttx fash:0tiab!es d'An~eterre, tes quatre ëta~~e'~

~~tprr~'brttatUMqu~,et repartts pour !e cootta~nt civthsé, où~e'

ï~ sënouît!ai entdoraMumdevant -!etaNier bianc du premier cui-

s!nn'<'qaeje ré~comr~ï. La, je p~s'dMïïerendorè une fois comme

~e~t~Brei~isunnàb!ë, et réjouir nïon âme devant là-bonhomie

de~5gur<'sdéisiDtéres5ées.Màisje n pus ouMier enuèrement

M~ Laarence, ét!e dansalong-temps dans ma mémoire, et/da~s

mesht'ures sôM~a!res,jerêSéchtS souvent à ta pantomimeënigmati-

que de !à'bcHeenfant,surtoutà son st~quand e~eprë~aitrot'eiH~commepour écouter un bruit souterrain, n se passa aussi quet-

quetempt.avant que les bizarres mélodies de triante et de grossecaisseexpirassent dans mon souventr.

–Et c'est là toute ~histoire? s'ëcrià Maria en se relevant avec

impatience.~ats MaxiinHienlasuppt~a de se recoucher, en ajoutait Je ~esfe'

s!g~tËcatifde i~ndex sur la <boucae, et lui dit Dotïceméat~uoacement. Dëinpùrez trànqmUe, et je vous raconteràt la Bn d&

ï~isfoire.~ev~os demandesetftement, au nom dû ci~, de Be pas

m'interrompre.Puïs, s'enfonçant encore p!us commodément dans son fanteui!~

v

Jt~imiHen continua son récit de'IanMmtèresuivante:

Cinq ans, après cet évènetnent, je vinsn Pari~poùr !a prpmièMf

Ms~ eLà~ne~poque r~sïaTquabIe: ~sFran<~nsr~ënaîëBt~d'accom-

p~ leur révolution de jainet, et runivers app~audissàYt.Cedramen'étatt pas nus~i effra~tTtque hes préeëdentes tfagédies de tarepo~Mque et de t'einpife. n n'étà'nrrësté~urlejchampde bataiite queqtrétquesmilliers de cadavres; aussi les révolutionnaires romanti-

ques ne furent-Hspas~fbft contens, et i!s annonc'crent_une nonvelle vigàbout-reau~ aurait -à-f.aire:

Paris me réjouit fort par la ~a!Cte qui s'y fait jour à pcoptos-d~tout, et exerce son innuence même sur les esprits tes plus assom-bris. Chose étrange! Par~sest le théâtre où l'on exécute les ï)lus

grandes tragédies de Fhistoire universdië, tragédies dont le seu-'

~~T'hMTS:~oïË~Tt< 3S8~

Page 12: Heine Les Nuits Florentines II

<'

~6 HEVUE~B~, DEUX RONDES.

vc~ur se~f~t trembler !~s cœurset<moun!érles yeux<dans tes pays

les~plus éloignés mais .te, spect~ur de ces grandes tra~ed~

~pro~ve à Paria ce qui, marriva ,une :fo's à, !a ~oc!e-~Sa<ut-Ma~ti)tou

je;~s repr~s~nteir.~ety</Myde A~j~e.~~étais.assisd~rriere.une dame

qui pôr~t, ;un chapeaudega~e rost?:,cc chapeau,était siiar~, qu'il

~pQsa~. cumptètement entre moiet le. théâtre dont je ne pus

–vpit~s ht~a~ qu'à travers-eette~aze rose~-de-s~ïte-que toutes

leshmen~ies scènes de TûKr Àf~ m'âpparu~en~sous hcou-

leur la plus r~ante.Qui, Uy a à Pa''is unet< mteroséqmL,eg.ic, pour

3e spectateur immédiat,tout( s les tragédies, aHnque la jouissance

<dela vie n'en soit ~s troublée. L(s idées noires qu'on ~ppot'tedans son propre cœur a Paris; y perdent leur caractère dan-

g~s~ mq~icta'tte. Nos chag' ins s'y adoucissent d';une f.con re-

marq~tbic, Danscet air de Paris, toutes les b!essHresguérissent

~us, vite qu'en tout autre lieu. Hy a djns cet air,quehtue chose

d~aus~ig~npreux, d'aussi compa~ssant, d'aussi doux que dans te

peuple même.

jCe,qut me charma le plus chex ce peuple, ce furent ses m~n~ercs

polt~s~ct dtsunguees. 0 parfum de politesse, parfum d'.tnanas,

<:qm~ep tu; rafraîchis, ma pauvre amc malade qu~avait avale, :en

A~emagne,/ttant de~vapeurs taba~iques, tant .d odeurde cbou-

~rp~ et de,g!~oss~èrete! Desmé.0tiics de Ro~min'auraient pasrje§onnëp!u&jdoucementa mon oreille que les exc<Mescourtoises

~un Franca~ qui, le jour d~ mon arrivée, m'avait heuFté ~ort le-

g~rement dans rue, Je reculai pr<sque.enface (Tune~idouce ur-

I~nitc, h!oi dont ics.c~s étaicnt~nes aux/sUeccieust's bourrades~eman~esj Pt-ndanttoute_la, pre-mièr~semame de mon séjour àP~ris~je m~ariran~cai pour etre heurjt~~usijecrs ~ois, dansle seul

~n~rE~crce~a~ec~cett~musiqtte cfexcuses. D'aïucursce n était

~~s~uleuient à cause de cette poutesse, mais aussi à cause desa

~M~ P~ple français prenait à mes yeux un certain air

~~A~v~s Icsav~z, cheznous, dansleBord, laian-

~ue~anpaiseest un des attributs de la haute noMesse, ~t le lan-

~~f'c'<'s. s'allia.~ des mon enfance, à ridée de qualité. EtJ~~MS une .daa~ de la halle de Paris pacler ]meM!eurlançais

~une,cbanQu~essealIemande~esoixante-s~ quartiers.~et~diôm~, qui donne au peuple français un air commeH~ut,

~mpréta~anssi,.dans monimngiaation .quelque chose dedêj~u~

.i~"

Page 13: Heine Les Nuits Florentines II

LESTnPïTS TLORENTH!ŒS. 9S?

.TOME VI.

semenc~bu~ux.€e!a venait d'un autre ~ouve'mr~d'en~n<ye:"Le

prcmifriivre où yat~pris à lire le français,fut ~recueU ~~Mes

(je L~ct ~('s'fo~m de ce langage naïyemenc~cnsè s~tent

~frimëe~ en ~arà~tères~neffac~ ?' e~ quand

j'arrivai â~Pàrts, eCque j'y entends parler franc~spartoùC~ je me

r~p~aÏs àchaque thstànt mestable~,< t jecroyai~toujour~entendrë

tes ~voixconnues de mes~iTmràtrxT-e~tat~t~tôt !e tion, tantôt ïe

jettp qut paraît, pitisiragneàa, ou ïa cigogneou la eotombe. Sou~

yën~ilm&semblaitatïssi entendre te renard qui dit: J'

Èh 'Bonjour, monsïeutr du Corbeau~ j

QuevousëtesjoH,que vousmescmblezbeau

M~sces rémmisceneesfabHèrps s'évei!!èrent encoreplusfréquem~m&Mdans mon am~, quand je pêne!!ai dans cette régions su~

peneure qu'on appette le monde. Ce fut ~n t ffbt le Môme~mon'de

qui fournit jadis à Lafontaine hstypesde sesca<actères d~ani-

maux. La saison d'hiver commenta bientôt après mon arrivée' et

pri~part à !a vie de salon où ce monde~~e rue avec plus OKimoins

dejoie. Ceq~i m'en parut !e plus intéressant et me frappa le plus~6it moins Fégai~des bonnes manières qui y régnée que~âdivër~site ~desparties~U! le composent~ ~ou\-ent-qu~d j'obser~s (~n~Miisa~onïes hommes q~H-s'yrassemblaient paisiblement', ~ecrb~~îsmetrouvrr dans un dé Cfs magasins de cario~teS ~ù Irs! r~~est

datons tës~emps gisentj)éle-me!e~ à côté !e~unf's des autresApoMongrec près d'une pagode chinoise, un Vrztiputztf mexicain

a~ec~n gothique MceAoM~, desidote~égypi~nnes'àtëtesde chi~n}

desamtsfétKheisdeboIs, d'ivoire, de métat,ëtc:J'yvis~e'i~~ux:

mousquetaires~!<iava:ent dansé avec Mane-AMuinettë, des pld-~lastropes qui av~en~ été adurés dans rassembfêë nationale, ctës!

montagnards sans pMié et sans tache, d<*srèpuMic~ins àprivoï~sesqni avaient trône au Luxembourg Arecturia!, dB grands ftign~tatres~del'empire devant qui l'Europe enticre av~it trèmbïë, des~

jesuin's souvera~as (!e h rês~uration, tout~sJdivinit~ éteintes~mutHécs et vennouluës de diverse jepoques. er auxquelles persOïïn~Becr6itp!us. Les noms hurteht quand ils se rencontrent, m~so~voit tes hommes Tester patsîbrement~ ~mic~em~~tes' vris Í p~èS~des autres eon~e8 antiquit< s dans lesboutiques duquai Voltaire.

Dans Tes pays germaniques, ou lies as~ionssont môïas (~sct~ïihà~

Page 14: Heine Les Nuits Florentines II

RËV~TtëuX-ttO~~BS..oitni RE'P~E .`bÉS~I~'Ua 'ÉS:

N~~nre vî~ë~ ~êmf'~ôciâMi~~t 3e personnes het~ro-

~t~~t~t~po~îN~ p\iis'dà~isfroiaes r~ons~1ëT~~a~par!r~ que oans

iM~oSe Fr:~n~ ~ù'~es~os ~n~s ennënns q'mnd ils se rën-

c~~nt d~ns un sa!on, ne peuvent gàrdr~ong~em sotnbre

g!!ënce.~ÈnÔBftï'é~'!ë'f!êsi r. dep!.tire est si 'gf-anden FrànKe. qû on~è~rcë'de pl..ïre, Bon-sèùte~ht'ntà ses amis, mais encore à ses

~e~s. Wn~ést occupe qu~â se draper et :r minauder,ét'!es

fL'mmesont ibrt à ~'re'i~i~po~ suT~p~ssër~es'hOthmesen coquette-

rtë~~un~nteHesyparvieMoeBt~déË~

'"Ce~e remarque n'aTrten~"cërfaHKTnentrien de mntveiHanfpour~les femmes6'anç<ises, et moinsencore pour les Parisiennes. Je suisatrcdhtrairë tenr adorateur le plusd~cbrê, et je les adore p!us àc;hise<Jetèurs débutsqu à causede leurs vertus. Je ne connais rien

~imiéu~~roave que cette I<gendeq)fifàît venir aum<mdë!esPari-

s~étmésavec toutes sortes de défauts, et suj~posca!ors une bonne

iëi' quiprend pitié d'<i~s et attache à chacun d<'ces défauts une~êat!ction'nouvëïtn. Cptte fëë b~n~nsanteest la Grâce. Les Pari-

siënnBs~ont~etïcst~BësP~'ipeut îe savoir? Quipeut pénétrer toutes

j~s 'rc~~ës~aé~a &nette, distiit~er lé vrai dans ce que te tmïe

~~nt, on ~ël~uac dans ce (tont la soie ballonnéfait paraderL'œit

~arr~i~-ifâpër~cérFrco~, va-t~on pënétrer jù&qn'ao fruit~

l5'ehvë!b~ent lafossit~t darts hne ecot~cë non~M~pnïs dansËMeanfrë, et ~est ~raidë ~e cet incessant c~ngement de inodesf

qQ'<eNesdenent ~œi! de~hoinatc. tpurs'Ëgurës sont-ëîïés bëUës~?Bserait ancorëdîfncHed'a~verïctà~a vérité. Coïnmet~s~estraits

sont dans lin mbnventënt per~tùel, Ta P.:nsienhe a minevisages,–cnafcun jpJusrfànt, plus spirituè!, plus avenant que r~utre, et ëÏïe

émbarràsscfort c~ni qui voudrait faire un choix dans ces visagesou devmfr !ë vérit~bîë~ Ont-e~ès les yeux'grands"? ~ûï le sait!JNouSsneregardons pas~u ca!ibre des canons quand le boulet nous

ent~orteta tête. D'aineurs~ qu~nd ces yeux ne frappent pas y ils

éblouissent àumoinspar leur fèû, etFon se trome fort heureuxd'être hors de leur portée. L~pace'entre leur nt z et !eur bouche

est-margejou rt'ssërrcf~~ftue~ois iar~ë, quancre!!es portent I<?nez ~n v~n~; queïq~ois étroit, ~nand leur !évre se dresse a\ecdédain. Leur bouche est-eïÏegrande ou petitr? <~mprutsavoir où

cesse ïa~bouche, où commence le sourire ?Pour bien juger, i! ~ti-

Page 15: Heine Les Nuits Florentines II

<.~L-.;H~NM~

22.

t<&~4~ ~bj~t d~jag~eBt'se ~jE~se~~

~aP de ca!m~ M~squi peut rt~ster tranqui!~ anpr~ Q~nnej~atB-

~enné~ et qH~IéPaj~nne est jamais tra~~ €e]a~.

~~n)Mnt pc~vp~exa~MT :tëuraïs~um'p~3f6tr~~

~~et&xésur~ep~ unèépin~e. C~st~~e~

~~ap!!}onatMc!né -etimmobile n'est plus un papiNbn. P ~uK~--server le papi!ïo'.nquand iL~sejoue autour des Séurs. pt !a Pa~i-

~eMe~n~n daiTS rhMén~ur domes~que, où J'ëpingie est ncnes

~ans son sein, mais d~ns !e stïon, danstes soiré<'s et dans les bàTs~

r ~e~ y~t%e:~ecd~s ai~~Bipetaa~des~

m'impatient ~moMrde là vie, une ardeur d'etourdissement, une

aetf~vrpsse, qui t'embeMitd'un~ iaçon presque attristante, ec i&i

j~te un charme dunt notre âmeest tout à la fois~ra~ et effrayée.

~be~oin passionné de jouir de la vie, commesi la mort les aBait

appeter tou!-à-I'heut'e de la source jaillissante du plaisir,ou que

~tte source ~ut se tarir à l'instant ? cet emprfss<me~ cette rage

~e vertige des Parisiennes, têts surtout qu'ils edatent dans tes

~a!$, me rappeHent toujours la tradidon des daaseuse&nocturnes

*~QBAppe~e~-neznous lesM~R~.Cesont de jeunes nancé<s mortes

~nt le jeurde& noces; mais et~ontcon~ervésii vivement d~BS

~ur~œw!'amour ma!satisfit dé ta danse, qu'eHcs sortent !amnt~ïeurs tombeaux, se rassemNent en troupes surîes rpHtPs, et!à

livrent aux danses !es pluspassionnées. Paires de ïearshabtts~e noces, co~roMiées de neurs, tes mains avides ornées d'anneauxiëttncelans, sourtant à ~dre frisaonBer, irrëststib~ment beHes, les

~is, bacchantes mprtes, dansent au c!air de !une, et elïes dan-

smt~vec~'asta~~ïas~~ardeHr et dTmpPtwsitc, qu'( ttcs~entetrtapprocher la 6n derbeure de minuit, le moment~ui~ioit tes faire

~ede-.ceB<!yedaBsie<Toidg!aciat~e~eo!'stombeanx.~r Ce fut â~ uae soirée de !à (chaussée d'Àntm que ces rénexrons

tou!aient dans mon âme. C'était une soirée brillànte, etrien~e~~aa~ait des conditions ordinaires ~t'nmeïptaisir. Assez de lunHé-

TMpoa" être buen éctairé, assez -de ~ces pour s'y m'irer, assez

d'houtmes~our~~T()uf~ de~aJ-E~~ a~sez~~ur se ra~raïcMr. On commença par ia~rode la nMStque. jpraaz

~iszt s'étant taissèentratnep an pia'ao.r~~eva sacbe~e!ure au-dës-~a~e~on~oat spintue!, ~t Bvranae4e ses phts~r~iiaBtes~ataiHes.

Page 16: Heine Les Nuits Florentines II

5~0 ~OE DES ~CX HONDBS.-Urwv-

~Le&toucBe&semblaient saigner. :Si je ne. metrompe~ R joua un

passade de la ~~M~eM~~de Ballan<~heydont~i~traduisit les idées

.en~mus~que,'~hose:fbrt~uti!e pom.ceux~qninepeuvent: lire dans

J'origina~Iesœa~vccs de~ céJebEe;é~ H joua~a i/M~-cAe

~ttMp~e~de'B~rtioz, admirable morceau que ce jeune musicien

ecrhit~j~crois,,lenK~n,dujoundesesnoces.<Ce~a~ Cut d~nsiputela salie .que visagespâHssans, seins oppressésy respiraHonpréc~-

puée pendant les pauses, et enBn ~applaudissemens < ibrce~és.

Ce tut 'ensuite ~ayecune?joie ptus.fol!e qu'd~es.~se livrèrent~ ia

.dansei,,.les ~ï~ tpei'ne,}au!tmiiteu ~de ta. ba-

~aire jà ~e refuster dansrune pièce \oistnè~i~R.sat.JSurid&

grands ~uteutts reposaient quelques dames, qui regardaient les

joueurs ou~saient mine des iméressèr au jeu. JEn passant au-

.près d'une dejGesdam~s~ mun.bras ~!a sa robe, et j éprouvai,

depu~Sila main jusqu'à répaule, un tressaiHement sembLMeà une

légère secousseélectrique. Une commotion de même nature, maisde !a plus grande force, agita mon cœur, quand je vis la ngurede ïa dame.. Est-ce elle ou n'est-ce pas eUe? C'était bien le mcme

visage, semblable à une antique par la forme et la couleur, si ce n'est

quil avait un peu perdu de sa pureté et, de son ecbt de marbre.

L'oeil exercé pouvait remarquer sur le ~ont ejLs~ J[es:jou€S~

petits dé~auts~ peut-être <ie;tegères marquesde petite~épole~ qui

faisaient re~:t~, de ces taches d'intempéries qu'on trouve sur les

statues qui ont été exposées quelquetemps au~rand air. C'étaient

acssi ces mêmes chevBëXrnpirsdescendant sur Jés tempesen ovales

lisses, comme des ailes de corbeau. Ma~squand soyeux rencon~

t~èrentt~es micnS),avec ce regard obliqua si bien coanu~ dcat le

ta~de.écl~r me remuait bonjours rame d'une manière si ënigma~que, je n'eus plus doute: c'était M~Laurea€e.

Gomplais~mmentétendue dans son ûtutem!, tenant d'une mainun

bouquet, et s'appuyant de l'autre sur le bras du siégCy M~Lau-

renice étuit aapp&s~unetaMe~ie jeu, etsemMaïtdoDner toutesona!~t.<m aiQ~<~u~s.Satoiletta etaitéléganteet~ting~~impte; toute de satin bIaBC~A~exception de bracetets en~perles,~~8e ja&~ïxtait pas~de t~oax. Boe grande~qmHtti~ de dentelles

couvrait son jeune sein, et lenveïoppait, d'~me&çon presqae puH-–taine,~usqu'au<'oa. Danscette décente simplicité de vétemens,elle

~BMit~ag!~ableet<oncBantcon~~eave<~uelquesvieiUesdames~

Page 17: Heine Les Nuits Florentines II

LES NUITS FLORENTINES. 3~

.resplendissantes~dediamans à parure bigarrée~ qoi rassises dans

~ybisinage, étalaient dans une nudité méIancoEque~s ruines

~Jeuranc!ennejSp!pndeùr,!a place où ~tTroie~~SanguBe'ayait

j~ours son air ravissant (!e tristesse je me~sends entraïn~vers

{d!~papun:att!àtt irréhisuMe. En6n je me pïaçai'dèbdut'derr~re

~on~utémi, brûlant du désir de lui parler, mais retenu par !e

E~~ctdescQnvenances. 1 y?~J''ét;<~resté f{ue!que temps en si'ence derrière e!Ie, quand e!!ë

~gra~too~à coup de son bôuqa~t ~uneHeur, et, sans tourner son

jEe~aEdsur moi,mela tendit par-dessus son épanle. Le parfum de

~t~~ea~ étaiiLsmgulier~ et exerça sur moi uBe ~scinanon toute

~paBticuuère.Je me sentis affranchi de toute Formalité sociaie,

~emmedans un songe où Foh faitetdit toutes choses. inaccoutu-

.méesydont on s'étonne le premier, et ou nos paroles prennent'cal~artère curieusement s!mp!e, enfantin etfami ier. D'un air cs!

~iadu~éfent y n~igent~,comme on a coutume de &ire avec de vieux

antts, je me penchai sur le dossier du, fauteuil, et dis à rôreiHe de

-Jajcuse dame Mademoiselle Laurence, ou est donc votre mère

à !a grossecaisse?)– ELe est morte, répondit-elle avec le même ton calme, m~

~iH~ent, né~igent. 17,I,' e~t,n ent.~pApi'ès une courte pause, je me penchai. de nouveau'sur le dos-

~sïer'dutauteui~,et d~à rôreiHe de la jeune dame Màdemoiséïïe

/<baurencei, où doncest te -chiensavant? w r

H~est ~rti et court !e monde,répondit-elle avec le même'ton

~a!me~i<Mii8'erent,t!6g!eht.

~Ms encore~aprës une courte pause ~e me penchât snrïedos-

w S i~ 'do àl' .n_1_. 'aX~I .1J-~er~u ~uteui! dis à ForeiKe~k~~etHR~~ame MademoiseMeLaurence, où donc est M. Turhttutu, te nain? l,

ç(Hest avec les geans su~~ebooIevaFd du Temple, répohdit-

eNë.A~peine avait-eUe dit ces mots*,et toujours-avëc le même tOn

cata~e, ind~&rent; négïigent, qu'un vieux monsieur sern ux, d~ane

'hame~stat~emiËtah'e, vintà elle, et hir annonça qTte sa~vott~eétait!:r. Se levant lentement de son siège, eUe s~ppuyasur ~~Hnas

–~€e~homme,'et;-saus jeur eu arriéTB'airTs~drrë~trd sur nïo~,'eHesof~ avee~!ui de rappartempnt. < L

~al~ai ~om-er la maitresse de Ix maison (pu s~étaiMena~tont~sûir à entrée <mpremier s~tion, et y p~ésentaU so&sourife~àx

Page 18: Heine Les Nuits Florentines II

RB<rCE:MS M50X MOKMK&. 1

-T~0,

~ntrans~et aux sortsms, ~uand je ~m demandai îe nom de ta jeoue

dame~ùi venait de sortu'àvec~é vieux monsieur, e!~e partit d'u~

~tnn.tbÏe Me et s'écria Nïbn Dieu qui peut connaître tentée

monde î je Ta connais aussi peu que. EUe.s'arrêta car

voûtait dire sans doute aussi peu que moi, qu'ètle voyait ce ~oir-!a

pour h premtét e ibis.–Peut-être, lui d!s-{e alors, monsieur votre

mari pourra-t-il me donner des éclancissemens: où le trouve-

faije? 2

A la chasse à Saint~Sermain, repondit-eUe en riant plus fort

ït est parti ce maUo, et ne reviendra'que demainsoir. "Maisat-

tendez, je connais qùeiqu~un qui àbeaucoup parte ~vec cette dame:

je ne sais pas son nom; mais vous Ïe trouverez facilement eh de-

mandant le jeune homme auquel le premier ministre a donné un

Coupdepi('djene~isp!usoù<Tout difncHe qu'il soit de reconnaître un homme au coup de

pied qup lui a donné un premier ministre, j'pus pourtant bientôt

découvert le personnage, et lui demandai quelques e< laircisscmenssur !a singulière créature qui m'intéressait, et que je sus lui

dé&igner ass< z c~itement. Oui~it le jeune homme, jf~la connais

beaucoup je !ùi ai parlé dans un grand nombrf de soirées.–Et il

me rapporta une foa!e de choses insi~niRàntes ~ont 3 Favait entre-

tenue. Ce qui l'avait surtout surpris était 16 regard sérieux qu'elle

pren.ut quand i! lui .disait ur!e galanterie. Hs'étonnait aussi fort

qu'ele eût toujours refusé son invitation pour la contredanse, en

assurant qu'eue ne savait pas danser. Du reste, il ne connaissait ni

son nom ni sa situation sociale. Et personne, en que!que endroit

que je m'informasse, ne put m'en apprendte davantage. Ce fut in-

nïitement qup je com'ns Hautes ~es soirées pos~ibies, je ne-pas~'e-trouver nulle part M~ Laurence.

-Et c'e!st là tonte i'htstoirc?– s'écria Maria en se retournant len-

tement et bamant d'un a~r endormi;–c'est là. toute cette merveil-

leuse histoire? ,Et vous n'avez plus revu ni M~ Laurence, ni la

mère à la grosse caisse, ni le nain Turlututu, ni même te chien

sayanat?

Demenrez ~tranquaie, repHqua Maximi!ien, je les ai revus tous,même le chien savant. Ce fut, à !a vérité, dans un moment affreux

pour !ui queje le retrouvai à Paris, la p~vre bêt~ïC'était dans le

pays !àtm. Je passais~evant fa ~rboane/~aan~e ~~e&ncér d&

Page 19: Heine Les Nuits Florentines II

/'t~rr~E~T~

~ï~~ ~ën.~t~~ëi'è h~nn~ ~l~înë 'àns av~ec

dp~~t& ~s 'deux ~è~~aihés cte vie~~iïnnes', ~ui ~iancnt

~en ch~o~ntëh~e~

dans sa m'yeur de mort:, un regard presque humaine des larmes

coujaient de ses yeux; et quand H passa devant moi en serrant

ta ~uëue, <~u~tn3~dnregard humidem'efSeura, je ~f connus~ le.

cMensavant, le panégyriste de îord WeHingtOn, qui ~adtsavait

remplid'admiration le peuple d'Angleterre. Ëtait-U r6e!!enient en-

ragé? Peut être uvaît- perdu !a raisonpar excès de science encon-

~uàh~ses études dans te pays~attït. Peut-e~res'etait-it, pârun g<-0-

~dpm~'ntdésapprobateur, prbhonce contre Gnar! .tàniéme bour-

sduué de quelque professeur, et celui-ci avait imagtné de se

débarrasser de cet auditeur pointiHeux en le déclarant enrage.Mas 1la jeunesse n'examine pa~lung-temps si c'est 1~pédantisme<~ënséou !ajà!ous!e de métier qui crie au chien enrage; <Ilefrappeavecses bâtons stupides, et les vi(~!es femmessont toujours ta avec

leurs hurtemens, prêtes à couvrir la voix de ~innocence et de ~araison. Monpauvre an~isuccomba Hfut impitoyablement assommé

sonsmes'yéux, assommé et batuuë, et jeté enSn sur un tas d~or-

durës. Pauvre martyr de érudition î

ï~~sMuation de le nàinTùrlututu n'étangûèrepns riante

~jëandje te retrouvai sur le boulevard du Temple. 1M~Laurence

m'avaitbien dit qu'il s'y était mischez ies .géans mais, soit que jeBë coûtasse pas sérieusement Ty trouver, soît ~ae je ifasse Ùé-

~Bgë par Ïa fbute, je rbs long-temps avant de remàrquï'r la bou-

ùq~è~ù ton voit tes gêans. Ouàndj'y entrât, je trouvai deux~ngs&ineahs paresseusement couchés sur un !It de camp, qui. se levèrent~riahate pour_poser devant mot en attitnde'QB\géans.JHsn'ètatenten récité p:ts aussi grands que le promettait ~emphase de !earaBiche. C'étaient deux grands coquins, vêtus de tricot rose, qui

portaient d'énormes favoris noirs, peut-être Ïaux, et brandissaient

àu-aessus de leur tête des massues de bois creux. Quand je de-mandai après le nain qu'annonçait aussi le tab!eau de la porte, i!s

me~epond~'eut qu'un ue~c montrait pas depuis~tin mois, à cause–deson état de~maÏadiequi <mpirait toujours; mais que je pourrais

ïevoïr pourtant stje vuuiais payer double entrée. Avecquet plaisir

~~pare-tron pas doub'e entrée pour revoir u~~Lmfr Et c'était,né!as!nn ami au lit.de mort Cè~it de mort étau un berceau d*eh-

Page 20: Heine Les Nuits Florentines II

5& REVUE DES DEUX MONDES.

faht,* dansleque! était couche le pauvre nain avec son vieux visagejaune et ri<Je.Unepëdte 61!e d'environ quatre an~, assise près de lui,

~o:\balançait avec son pied le berceau, et chantait en ricanant

Dors Turlututu! dors! rs!

Quand le petit être m'aperçut, i! ouvrit, aussi grands que pos.

sll~e, :-ës yeux éteints et vitreux, et un sour:re douloureux grimaça

sur ses lèvres fàHes. Il sembia me reconnaître, me tendit s~ petite

main desséchée, et dit d'une voix éteinte –Mon vieilami

C~ét~i!, eh effet/une situation affligeante que çe!!e où je trouvai 0rhomme qui, dès sa hoitième année, avait eu avec Louis X~ï une

longue conversajton, que Je tzar Alexandre avait bourré de bon-

bons, que la princesse d~ Kiritz a\ait ~or:ë sur ses ~<noux, qui

avait chevuuché sur les biens du duc de Brunswick, à qui le roi

de B.vièt e avait lu ses vers. qui avait fume dans 'a mêmepipe que

des princes a~mands, que-le pape avait adore, et que Napoléon

h avait jamais aimé. Cette dernière circonstance attristait encore

le malheureux sur son lit, ou, comme j'ai dit, son berceau de

mort; (t il p'euratt sur le destin tragique du ~rand cmper< ur qui

ne. l'avait jamais aimé, m..is qui avait uni si dèplorablementà

Sainte-Hélène. –Tout-â-Mt comme moi, ajoutait-il, seul, mé-

cbnnù, abandonne de tous les rois et princes, inra~e dérisoire d'une

sptendëur~séel-~iQuoiqueje ne comprisse pas bien comment un nain qui n:ourt

ent~e d<s géans pouvait se comparera un géant mort au milieu des

nains, !es paroles du pauvre Tur!utatu me touchèrent néanmoins,

ct'surtout son décaissement à son heure dernière. Je ne pus m'empê-

cher de ïui'témoigner mon étonnement de ce que M"~ I.âurencè.

qu! était à prcseh~une si grande dame, ne s'inquiétait pas de lui. A

peine avais-je prononté ce t'om que le nain fut a~ité de mouvemcns

convulsifs; il dit d'une voix gémissante « Ingrate <n!ant! dont

j~ava!s soutenu le jeune âge, que je voulais élever au rang de mon

épouse, à qui j'avais mo'tirc comme on do.t se conduire et pest!cu!er

parmi ~ésgrands de ce n:o~dp, comn.e on sourit, comme on sa!uc à

îa~our~~comTne~ s~ presë~ rien mésTéçôns;~

tues devemt~he grande dame, tu as aujourd'hui un carr~s~e et

des laquai et beaucoup d'argent, b: aùcjup d'orgueil, et pas de

cœur. Tu me laisses mourir ici/seul, misérable,comme Napoléon

Page 21: Heine Les Nuits Florentines II

LES NUITS FLORENTINES. 345.'4<1

a Sainte-Hélène! 0 Napoïeon tu ne m'as jamais aimé. ? Je ne pus

cdmprtndre ce qu'iLajouta. Il leva !a tête, fit quelques mouvemens-

ave<c bras commepour s'escrimer contre quelqu'un, peut-être

contre la mort. Mais la ~ux de cet adversaire ne trouve aucune

résistance', ni chtz un Napoléon, ni chez un Turîututu. Contre

eutrtoute parade <st inuti!e. Epuise, comme ferrasse, le namImssa

retomber sa tête, me regarda long-temps avec un indcnnis~abL; re-

gard d'agonisant, iit soudain ïe chant du coq, et expira.

Cette, mortm'attri~a doutant plus que le ~funt ne m'avait donne

aucune<-ia'rciss< mentsur M" Laurence~ Ou la rencontrer mainte-

pa~~JeLjt'étaiSLpas amoureuxd'el'e et ne sentais à son égard a~icun

eniraînentent irrési~ubte, et cependant un d( sir mystérieux me ~t!-

D]u!art,à la chercher partout. Dès que j'étais emré dans un salon,

~uej~vais passé en r~vue toute la réunion sans avoir trouvé cette

Bgure toujours présente a ma mémoire, Timpathnce me prenatt et

me poi ssa!t dehors. Un.soir, à minuit, je renecbissais so!Itair< ment

surceseotiment, en attendant un nacre, à ïasurUe de lOpéra~~Mais

iLnc,yint pasdc Sicre, ou plutôt il ne vint que des voit'jn's qui

appartenait nt à d'autres, !esq':e!s s'y établirent à Lur grande sa-

tisfaction, et le vide se fit in~ersiblement autour de moi. « Il

fauta!ors que vons nartiez dans la mienne~ a dit enfin une dame..

qui~profondément cnve'opp(e dans sa.mantine nuire, avait attiodu

pendant que'que temps auprès de moi, et se disposait à monter

dans unéquipage. Sa voix me vibra dnnsie cœur. Le regard obliqueaccoutuméexerça de n~uveau~a m~gie, et je me retrouvai commedans un songe quand je me sentis auprès de M""Laurence dans un

chaud et moelleux carrosse.. Nous n'échangeâmes pis~une seule

parole d a:ileursituus n'aurions pu nous entendre, car nous rou-

!ioos~vec un frHcasd~tonnerresur le pavede Paris. Nousrou~âBgcs

long-temps, puis nous nous arrêtâmes devant une grande pOtte co-chère.

,.Deslaquais en brillante livrée nous éclairèrent sur rescauer~ etdans une longue file d'appartemens. Une femme:de chambre, quivint.a~-devant denous avec une ngure < ndormie,balbutia au m~iende beaTicoupd'excuses-qu~n n'avait aIhHné de j~ que dans

~~S~F~~ot ~e iemme signe de s'éloignera Lau-rence me dit en riant –Le hasard vous conduit loin aujourd'hui;

n'y a de feu que dans ma chambre à coucher.

Page 22: Heine Les Nuits Florentines II

R~~JM~ ~J!

Ran&~e.tteettajnbr~ c~ Ion ~us !a~ b!~B~t!sea!:s, ~ambqyatt

j~n bon ~u cheminée ~i avait c~M~ant-plus de pnxque ta

~m~re ~ait ;UM~pn.seet t~es. é~v~e. Çctt~ grantle pièce avait

~uej[qu<~c~Qse de &Mgu)ièrement.dessert. MeuMeset décoration,

j~m~ortatt .çae~ejL d~untempsdûnt~'eda~ RO~s~paraîtmam~eDaot

~p~~qne et. ~e, qjMles rumes ene~itettt un spmtre. Je veu~~re;!e tent~; de yetnpu'e, ~mp& de rai~ d~ des org;u<i)!cnx

plumets Nuttan~, ~es (~o~uresgrecques/d~ la ~raR~e g~irp, des

P~~ {'~tm)o!'ta!<téaffinel!e que dfc~tah )e ~Mï/~M~du

cai~ c~o~~ueuta~qju'oa~i&~tayec ~e la. chicorée, et du mauvais

.&~B ~~qué av~ df pauvre Mrop de !'a~ips~,et de~sprinces etdes ducs f~bt'ïquesay«; ren du tout. I! avaMpourtant son charme,

~e ten<p~de ma<er<al!Sïnepathénque Tatsta déc!amait~Gros pei-

gn;<i!,Bi~otuni dansait, Maury prêchait, ~ovigo avait la poUçe,~empereur It$a<tOssian, Pau!<ne Borghnse se fàtsait mouter enycnus, en Vepu~ foute nue, parce que la chambre était bien

~bauffee, comme c<I!e ou je metrouvais a\ec ]ML"~Laurence.

Nous nous assunos devant !a chemint e, nous babiHàntes fam!!ié-

rernent, et et~e~a~ raconta en soupirant qu'elte etatt mariéeà un

h~ros bonap~tt~!e qui chaque soir, avant le coucher, la régalaitd'une d( scniptipndequ( I(;u'une de sesbattes qu'il lui ~vaitlivre

~a veme,avant de parnr, Ia:bataiHe d'téna, matsqu'il était ma!in-

~'C, et survivrait difi6<jitementà la campagne de Russie. Quand je

!ui demandaidf'pu~s combien de temps sonpère était mor~ eue ritet m'avoua qu'el'e n'avait jamais connu son p&re, et que sa soi-di-sant fuere n'avait jamais été manée.

J~m~is mariée 1 mécriai-je. Je 1'~ pourtant vue de mes pro-pre s yeux. à Londres, en grand dcui! de son mari.

–OM répomirt LaurenecT~Ies'est toujears vêtued~aoir pen-dant douze ans, pour intéresser les gens en qualité de veuve mal-h<ureuse, peut-être aussi pour attéch~r que~tùc imbéc~e amateur

4ie mariage: et!e e~ptEditeatrer sous pavu<pnnoir plus prompte-mfni d~ns !e port d~ rhy~nen. Maisce fut ta mprt seule qui eut pitié~e!~et B:~ Ën~tpar nne htpmorrhagie~Je ne !'ai jamais aimée, carc!!e me donn:<it.tonjoursbeauconp de coups et peuà manger. Je se-rrais morte de ~a~N.Yu~u~ ne m'fut ~ssé juntes ~)is en

cachette un pettt moH~au. de pain~n)a$s te Bam demandai en re-tour quejerépousa~sa, et comtoises ~pet~c~~c~puè~en~ ttse

Page 23: Heine Les Nuits Florentines II

M&HOjT&MLOMNTtNBS. 3~:

.Mm~ ~Mc ma mèr~jer dis :mamère par hàMmde, t~os tes deu~

,me.tounNentèren~en c<Mnnun.Usdi~aie!tt to~ours ~ue j'étais une

~~ture inuûïe.~ue t~chien savantavai~m<te~i~ m~rite

<mé}moi,avecma d~nse détectable; ~t ils Iraient ~!o~ le cMe~

~nesdépens, t'étaient jusqu'aux nues, le Caressaient, 't&BO~fis-

ssaent de gâteaux dont ils mejetaient ~es,miettes. Le chieBi, di~-saient Hs,eïait Jeur véritab!e soutien c'était iu: <jui charmait le

~pab!ic,les spectateurs ne s'itttéressaifTH p~s à moi !e moius da!

monde, ïe chien étatt ob'i~é de me nourrn* de son travail, je man-

.geaiSrraumôneque me~i~it ïe cbKn. Le m~d~tchien!

.Ohl ne !e maudissezp!us, dis-je en arrêtant rexprës&ïonde~

son~epit;i! est mort, }er<<i vumourir.

Est-elle réeHement morte, la vitain~ bête? s'écria Laurence

en sautant d'une joie qui la couvrit de rougeur.Et te n.<u!est mort aussi 1 ajuutai-je.M. Turlututu? s'écri.~t-et!e encore avec joie. Mais cette jôi&

s'eHaçabientôt, et fit place à t'air doux et triste dont elle dit Pau-

vre Turtututuî

Commeje ne lui cachai pas qu'a son heure domière~e nain s'était

ptain!d'tlle avec amertume, e!!e fut saisie d'une vive agitation, et

m'assura avec de nombreux sermons qu'eHe avait voutuLpourvoir

largement ù Fa venirdu nain; qu'eHe tui avait offert uae pension s'U

voulaitvivre tranquillement et avec discrétion en provincp~ Mais~

ambitieux comme il était, continua Lturenee, irdenMndait a rester

à paris, à habiter mon hôtel; <I pensait pouvoir reaouer par mon

intermédiaire St'sanciennes relattans dans !c faubourg Saint-Ger-

main, et recouvrer dans la société sa britLate ~)osition d'autrefois.

Quandje le refusai nettement, il me fit dire que fêtais un spectrema<~dtt,~nYampire, nn enfant de mort.

Laurence s'arrêta soudain, tremblante de tout son corps, et dît

ea&navec un profond soupir <tHé!aslpïut à Bi~u qu'ils m'eus-

sent iaissée dans !e tombeau auprès de ma merci n Comate je ïa

pressais de m'expliquer ces mystérieuses paroles~ e'!e versa untorrent de tacmes~ et trcmMant et frissonnaaty m'avoua que ïa

~mmenoire à ~grosse caissa qui se dwmait pour sa mère, !tn

aa~mr dé~réquete bBMKqui courait sur sa naissance~~Mt.pa&unfcontc ~it à plaisir. <xDans la ville où nbas demea-

MQps~<ditLauMn!ce,.oa m'appe~t~ en effet l'en&mtdemoRtï Le&

Page 24: Heine Les Nuits Florentines II

34~ REVUEDESDEUXMONDES.

vieilles Rieuses pretendaientque J'étais la nlle d'un comte du pays

qui maltraita toujours sa femme,et quand e!!c fut morte, !a 6tma-

gniHquement enterrer; maisque !a femmeétait alors dans un état

de grossesseavan ëe et n'avait été frappée que d'une morta, parente

que des voleurs dr* cimetière, ayant ouvert son tombeau pour dé-

pou.Iier le corps de ses riches ornemeas, avaient trouvé !a com-

tesse vivante et.en mal d'enfant, et comme elle était morte réelle-

ment pendant l'accouchement ils l'avaient froidement remise d.ns

son tombeau, en emportant l'enfant qui fut élevé pur leur ne leuse,

Ja maîtresse du gr..nd ventriloque. Cepauvre enfant, enseveli.avant,

d'être né, un l'appela pârtuut, depuis, l'enfant ~e mort! Hé!as!

vous ne comprenez pas quelle douleur j'éprouvai dès mon plus

jeune âge, quand on me donnait ce nom. Quand le grand ventrilo-

que vivait et qu'il était mécontent de moi, ce qui n'était p;is rare,i! s'écriait toujours Maudit entant de mort, je voudrais ne t'avoir

jamais déterré d< ton cimetière! Comme il était fort habite ventri-

loque, il modifiait sa voix de telle taçon, qu'on ne pouvait s'empê-cher de croire qu'elle sort.tit deterre, et il me petsuadaita!ors quec'ét.tit ma mère défunte qui me racontait sa vie. Il fut à mé~nc debien la connaître, cette triste existence, <ar il avait été jadis va'ef

de chambre du comte. 11joui sait cruc!!cmentdes;iffreuses terrrurs

q!ie j'éprouvais, pauvre petite enfant, en entendant des p;.ro!es quisemblaient sortir de terre. Cesparoles souterraines meïacontaient

d'effrayantes histoires, hstoires dont je n'ai jamais saisi l'm~em-

b!e,quej'oub!i;<i ensuite iusensiblement, mais qui me revenaient

avec de vives couleurs, quand je dansais. Oui, quand je dansais,

j'étais soudainement saisie d'un étrange souvenir. Jem uubLais moi--

même, je me semb!aisune toute autre personne, et comme telle

tourmentée par h s peines et par les secrets de cette~nême personne.Dès que je cessais dedanser, tout s'effaçait dans ma mémoire.

Pendant que Laurence parlait ainsi d'un air lent et presque

questionneur, elle se tenait debout devant la chemisée où le feu

Namboyait toujours plus clair et plus gai et moi j'étais enfoncé

dans le fauteuil qui servait probablement a soïi mari quand, le soir

avant le coucher, il' luiracontait ses bataillt~. Laurent~ me re~ar-datt avec ses grands yeux, et semblait me demander conseiL Elle

ba~a~~ça~t~atête avec une rêverie si melancJiqcs elle m'Misp:raitune si noble, si douce pitié; elle était si svete, si jeune, si belle,

Page 25: Heine Les Nuits Florentines II

LES NUITS ~FÏ.ORENT!NËS. 3~

cette~Beur, ce ~ys sorti d'un tombeau, cette ~6ne de ia~mort~ ce

soectre au vis'ge d'ange, aucorps de bayad~re! Je ne'sais comment

ce!a'se;Rt; c'était peut-être l'inuuenc~du faut<ui!s;:r loquet j'étais

asstS!' je Mima~ai étce vi~ux généra! y qui laveiHe ava~Ta- 1

co~ë ta ba~ne d'ït~na ~tdévait !e iendemnin compléter sun~récit,'

etjedts Après labata'He d'I<na, ma chère amie, toutes !psibr-

terfss~s prussiennes se rendirent d.:ns t~space de quelques 'semai-

nes~ presque s~ns coup férir. M.debourg se rendit !à première,

c'était la p!ace la, plusforte elle était armée de tt o~scents canons.

Ce!a~e fut-il pas honteux~

'Laurence ne me laissa pas continuer les idées noires avaient

cessé.d'assombrirsa be:!e6gure.E~eritcommeun enfhntets'é.ria:

e ûhï o~i, ceL est honteoy p'us que honteux Si j'étais une forte-

resse et que j'eusse trois cents canins, je ne me rendrais jamais ?

Gomme M'~ Laurence n'était pas une forteresse et qu'eUe n'avait

pas trois cents canons.

-A ces mots, MaximHien interrompit sa narration, et après une

courte p~use, dit à demi-voix Maria, dormez-vous?

Je dors, répondit Maria.

Tant mi<ux, reprit Ma~imi!i<n avec un sourire; je n'ai donc

poinf à craindre de vous ennuyer cn~Jécrivant un peu minutieuse-

méat, co<nntele font les romanciers du jour, tous les meubles delà

chambre où je me trouvais.

Dites ce que vous voudrez, cher am! ~dors.

–fêtait en effet un Ht m~gniSque. Les pieds, comme ceux:

de tous les lits de l'empire, consistaient en rariatidt s et en sphynx,

etiecid bril~t de riches dorures, particulièrement d':u~!es d'or,

qui-se becquetaient comme des tourtere!!e c\'tait peut-être un

symbotcde t'amour sous l'empire. Les ride tux étaient ck;soie rou~e,et comme les flammes de la cheminée !cs éclairaient d'une vive

luenr, je me trouvais avec Laurence dans un demi-j ~urde ~a, et

me~guraisétre le dieuPInton, qui, au mineu des c!artés~am-

boyaatps de l'eBier, enlace dans ses bras Proserpin<B endormie.Elle dormait en effet, et je contemplai, dans cette situation, sa belle

tête, c~prchantdan~~s~atts-~e3~Hcati~~ que,mon âme ressentait po<~reue. Que signine cette ~m~ëi~ueLse~

se~cache sous la s~mboïiqt<e de ces beilés formes? Cette gfacKn~e

Page 26: Heine Les Nuits Florentines II

1 Il-3S~ RE~CE MaM5D~M~NHBS&

énigme reposait maintenant danstnes bras comme âne propriété

et pourtant Je n'en a~ais pas Ïe mot.

TMaisn'est-ee pas Me de chercher le sens d'une aj~parttio&

étr:tngère, quand ao~ nei~Mw~s ~nôme ~sexp!iqMer~ mystère d~~

~otreTpropre ame~Et qa~savons-no~s si !es ~afis 'Mbaagers exis-

tent MéHetnent? Harnve~oavent quoneùs ne pauvonsdistingacr

de& songes la rë.tlité elle même! Ce <~ueje~v~s et ehtendis, cette

n~it-R, par exemple, fut-il un produit de mon imagïnat'on ou us

&it réel? Je l'ignore. Je me somiens ~eu'ement qu'aa moment ô&

le Onx <!es pensées les plus bizarres mundait moa~èrveaa, m~

(ïreHI&fht happée d unhrMt étrao~e. C'<taït une tNétodie M~

mais très sourde. EIk seBab!ait ~ahliMéréà mon esprit et je distin-

gïMHen6n tes sons d'un triangle et d'une grosse caisse. Cette musi-

quegazouiHante et bourdonnante puraissatt venir de très luin. Ce-

pendant quand je levai les yeux, je vis près de moi, ~u milieu de

la chambre, un spectacle qui m'était bien connu. C'était M. Turlu-

tutu le nain, qui jouait du triang'e, et mndame mère qui battait la

grosse caisse p<*nda~que le chien savànt Hairait le sol.tout autour,comme pour y chercher et rassembler ses caractères de bois. Le

chien paraisse ne se mouvoirqu'avec peine, et sa p< auétait soml-

lée de ang. Madame mère portait toujours ses vétemens de deuil,

laais son ventre n'était plus aussi drôlement proénnn<Bt qu'autre-fois il descendait au contraire d'une f<~oa repoussante; t'a petiteface n'était plusrouge non plus, mais jaune. Levain, qui avait ton-

jours l'habit br~é et te toupet poudré d'un marquis français dé

I'ancifnr<gime, semblait un pea grandi, peut-être parce qu'il

étatt maigri horriblement. HJmontMrt encore sesïuses d'escrime

et ~vait ~atr de débitt r ses anciennes vanteries mais il parlait si

bas, qae je nepus~~un~eul-mo~ ~t je dëvlnarse<il( me~, ~amouvement de sa touche, qu'il répétait quelquefois son chant

de coq.

~Penda~tqoe ces caricatures-spectres s'agitaient dévalât mes yenxcomme des ombr~ chinoises, avec nn mystérieux entprëssement,

jese!!ti&queM~Laafenee,qa<<iurmait sur moncŒur, respirait

to~ow~ phs péoi~~atrUa ÎTi~son gïacé disait ircssaiil~ toas

ses~eù~n<es<:OMnïe~ils eussent ét~tQ~uréspardcstkHtIeursin*parst<ppo!<taMea.JB~na, souple eomme une anguille, elle glussà d'eB~

Page 27: Heine Les Nuits Florentines II

~N~Ms~!N~

tre mesbras~ se trouva soudain an milieu de la chambre, et com-

mença à danser pendant quejnadame mère avec son tambour, et

le n.in avec son triangle, faisaient résonner leur petite mus~me

étouffé~. EHe dansa tout-à-fit commejadis auprès du pont de Wa-

4ertoo et sur les carreCours de Londres. Ce fut ta même pantomme

mystérieuse,les mêmes élans de bornts passionnés, le même ren-

versement bachique de ta tête,~les mêmes,innp~ons vers !a terre

pour y''coûter une voix Stcrète/puis~IeiFemb'te la pa!eur,

ï'immob!nté, et~une nouv~Ie attenta à ee qui se-disait sous te!re.

Ëne se frotta aussi les mains comme si elle se tes eût levées. Enfin

~Heparut jeter emore sur moi son regard oblique, douloureux et

w suppliant. Mais ce ne fut que dans le mouvement de ses traits que

je pus nre ce regard, et non d.ms ses yeux qui éta!ent fermés. La

musique s'évapora <'nsons de.piusen p]us éteints, la mère au tam-

bour et !e na n pâ'issant peu à p<u, 'et se fondant comme un brouil-

tard,disparurent entièremen!; nta~s M~~Laurence restait debout

et dansait les yeux fermés. Cette danse aveugle la nuit, dans cette

salle ~nencteuse, donnait a otte c!)armante créature une appa-rence de fantômequi me devint si pénible, que parfois je frissonnais,

et je me sentes bien aise quand ette mit nn à sa danse, et seglissa de

nouveau dans mes bras, avec la même souplesse qu elle s'en était

échappée.

On comprendra que cette scène n'eut rien d'agréab!e pottr moi.

Mais i hommes'accoutume à lout, et il est même à pBésutner quele caractère mystérieux prêta à cette femme un aUratt de plus quimé!ait à toutes mes sensations un plaisir de frisson. Bref, au bout

de qu< !quessemaines, je ne m'étonnai plus du tput, quand., la nuit,résonnait le murmure léger du tambour et du tNan~le, et ~uc ma

~~J~"rence se levait jLûu~t d~UL coup et d~ns tit un~spïo les"

yeux fermés. Son mari, rancien héros bonapartiste, avait un com-

mandement dans le voisinage de Paris, et son service ne h)i per-mettait de passer que tcsjpujrsà !a~v.iUe<n va. sans dire qniLdevmt

mon ami !e plus inUme.etqu'Upleara à ç~au~estarmes, quandplus. tard je!eur dis a<iiea,pour ïong-tem~s.I~ panait, aloins avec

~oa~ëpoQse~eu~~StC!le,etjeneIes~ ptns;rexus d~RV..is.Quand MaximmcQ eut om ce r~c~, ii p~t vite sQn~. chapeau et

s'esquiva.

JTENR~B~E.