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DVELOPPEMENT DURABLE DES TERRITOIRESconomie sociale, environnement & innovations

Sous la direction de Hassan ZAOUAL

DVELOPPEMENT

DURABLE

DES TERRITOIRESconomie sociale, environnement & innovations

L'HARMATTAN

cg L'HARMATTAN, 2008 5-7, rue de l'cole-Polytechnique; 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com diffusion. [email protected] harmattan [email protected] ISBN: 978-2-296-06718-9 EAN : 9782296067189

SOMMAIRE PRSENTATION GNRALE INNOVATION ET DYNAMIQUES UNE CLEF DE LECTURE DE PROXIMIT.

IlHassan ZAOUAL

La dimension territoriale de l'innovation Larbi HAKMI Hassan ZAOUAL

31 31 33 43 54 56

Introduction 1. Les approches institutionnalistes des systmes territorialiss d'innovation2. Les approches proximistes des systmes d'innovation Conclusion Rfrences bibliographiquesInnovations sociales et dynamiques territoriales. Une approche par la proximit (L'exprience des banques coopratives) Nadine RICHEZ-BATTESTI

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Introduction 1. Innovations sociales, territoires et proximit 2. Banques coopratives et innovations sociales territorial ises Conclusion Rfrences bibliographiquesEntrepreneuriat responsable et territoire. L'exprience des entreprises d'conomie sociale en France Nathalie FERREIRA

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Introduction 1. Principes et rgles des organisations de l'conomie Sociale et Solidaire (ESS) 2. Les entreprises d'conomie sociale et solidaire. Des acteurs majeurs du dveloppement local 7

3. Les entreprises d'ESS. Des acteurs incontournables du dveloppement durable Conclusion Rfrences bibliographiquesPromouvoir l'conomie solidaire et une autre approche de la richesse. Le bnvolat en pays Cur de Flandre et pays de Rennes rick ROUSSEL Introduction 1. Les enjeux du bnvolat. Dfinition et mesure 2. Le "pays". Une vision et un concept propices une conomie solidaire et durable 3. Enqute sur le bnvolat dans les pays Cur de Flandre et de Rennes 4. Le bnvolat. Facteur et indi cateur de richesse solidaire Conclusion Rfrences bibliographiques Innovation territorialise et nouvelles dynamiques touristiques. La valorisation des ressources spcifiques Delphine ROUSSEL

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105 105 107 111 117 122 125 127131

Introduction 1. L'innovation. Un enjeu pour les nouvelles dynamiques touristiques 2. Le territoire. Un creuset d'innovations touristiques Conclusion Rfrences bibliographiquesGestion des dchets, innovations et territoires. Retours d'expriences et recherche contextuelle Grard BERTOLINI Mustapha BRAKEZ Introd ucti on 1. De la collecte des ordures mnagres leur traitement 2. Les articulations entre rcupration et limination 3. Le compostage 4. L'appropriation par les habitants Conclusion 8

131 133 141 149 150 151 151 153 156 169 175 180

Rfrences bibliographiques Entreprise d'insertion et dveloppement durable. Une conomie des proximits au service d'une gestion ( solidaire des dchets Pascal GLMAIN

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183 183 184 192 200 201

Introduction 1. Les problmatiques environnementales situes : dfis et enjeux 2. L'exprience innovante de l'entreprise d'insertion TroCantons en Estuaire de la Loire Conclusion Rfrences bibliographiquesDynamiques communautaires et dveloppement durable. Les expriences des associations canadiennes du sud du Golfe du Saint-Laurent Claire KOSTRZEWA Patrick MOND Orner CHOUINARD Nadine GAUVIN Monique BRIDEAU Monique LANGIS

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Introduction 1. Concepts et vision de la nouvelle conomie sociale 2. Etudes et enqutes. Une approche empirique de l'conomie sociale des bassins versants du littoral acadien 3. L'conomie sociale. Une nouvelle manire de voir et de faire Rfrences bibliographiques

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LES AUTEURS

Prsentation gnrale Innovation et dynamiques de proximit. Une clef de lecture1

Hassan ZAOUAL Professeur des Universits, Directeur du GREL/RII, ULCODans les annes 1950, crit J. Michel Brittain, les sciences sociales apparaissaient aux yeux de beaucoup comme domines par les partisans des mthodes quantitatives et leur dsir de se rapprocher toujours plus des modles des sciences exactes. En ce dernier quart du XXme sicle, il semble que les mthodes non quantitatives gagnent du terrain malgr le combat, grand renfort d'analyse des donnes et de modlisations sur ordinateur : Les frontires culturelles des sciences sociales dans les annes 1990 , in Revue internationale des Sciences Sociales, n 119, fvrier 1989

1 Cette publication collective doit beaucoup Nathalie Ferreira. C'est elle que l'on doit le dmarrage de cet change scientifique contenu dans cette publication. Au dpart, Nathalie avait pour mission de parachever la coordination de ce numro. Cependant en raison de contraintes indpendamment de sa volont (raisons de sant), j'ai d prendre le relai et ainsi mettre en place une coordination inattendue de cette uvre collective. Nous tous, nous la remercions. Il

1. LE CONTEXTE SCIENTIFIQUE

Ce numro rsulte d'une initiative du Laboratoire RII de l'Universit du Littoral Cte d'Opale (France). Il runit un ensemble de contributions portant sur les thmatiques de l'innovation et du dveloppement durable articules aux dynamiques territoriales. Leur dnominateur commun est la proximit dont la mesure o les auteurs, indpendamment, de leur angle d'attaque en soulignent l'importance. Que l'on aborde, en effet, les processus d'innovation, les banques coopratives, les entreprises sociales, les nouvelles pratiques de l'conomie solidaire et du tourisme ou l'environnement les formes de proximit voques par les auteurs de cet ouvrage ont acquis un statut d'objet de recherche incontournable dans les changements paradigmatiques en cours. Ce changement de vision touche tous les aspects des dynamiques territoriales mergentes. Les modes de stimulation et de rgulation propres ces nouvelles dynamiques trouvent leur origine dans les anomalies sociales et cologiques que la globalisation dverse au dessus des acteurs et des territoires concerns. Ainsi, les reconstructions territoriales agissent la base comme des correctifs aux incertitudes conomiques, aux risques environnementaux et aux dstabilisations sociales inhrentes la globalisation. En ce sens, l'esprit qui anime l'ensemble des textes ici runis met en valeur incontestablement l'ancrage territorial et les capacits d'auto organisation des acteurs. En d'autres termes, les conclusions auxquelles arrivent les auteurs les inscrivent dans des approches assez voisines du courant des dynamiques de proximit. D'ailleurs, la plupart des contributions en question mobilisent, entre autres, les auteurs franais (Gilly, Pecqueur, Zimmermann) les plus en vue de ce renouvellement thorique.2. LA PROXIMIT. UN MOTEUR D'INNOVATIONS

Le premier texte qui ouvre ce dbat est celui de H. Zaoual et de L. Hakmi. Abordant l'innovation, cette contribution se dploie en deux dimensions. La premire consiste en une revue de la littrature concernant les rcents dveloppements de l'conomie de l'innovation. Elle retient pour l'essentiel l'interactivit existante entre les institutions et les processus d'innovation. De ce point de vue, l'innovation et, de faon plus large, la production des 12

connaissances renvoient des systmes complexes qui se construisent par interaction entre les acteurs. Et, ce sont les institutions qui en assurent la cohsion et le dynamisme. En d'autres termes, la dimension institutionnelle nous introduit dans les univers de coordination o se construisent des repres collectifs rduisant les incertitudes inhrentes aux processus d'innovation. Ici, la convention encadre et oriente les turbulences que les nouvelles connaissances introduisent lors de leur mergence et dans leur transcription dans l'organisation. La force de l'institution se traduit, dans les faits, par une stabilit relationnelle ncessaire la matrise de l'instabilit inhrente aux situations de changement. Cette mise en ordre du dsordre s'opre par une production de rgles, de rseaux, de processus de coopration et, de faon plus large, par des appartenances capables d'impliquer non seulement en interne les acteurs de l'organisation mais aussi, en externe, ses partenaires. C'est dans cette perspective, que la rfrence l'institution conduit peu peu un largissement du raisonnement de nos deux auteurs l'ensemble du contexte d'action des acteurs participant aux processus d'innovation. Ainsi, derrire l'institution se profile la reprsentation que les acteurs se font de leur monde, en substance leur territoire. En substance, dans la dmonstration propose, l'approche institutionnelle de l'innovation a le statut d'une transition paradigmatique conduisant la thse fondamentale dfendue: la ncessit de r enchsser territorialement les processus d'innovation pour mieux en comprendre les modes d'mergence, d'existence et d'volution. C'est cette orientation qui donne sens cet article et particulirement sa seconde partie qui insiste sur la proximit comme moteur d'innovation. Ce qui amne nos deux auteurs investir le dbat dont fait l'objet cette notion. Suite sa typologie traditionnelle dcrivant ses aspects gographiques, organisationnels et institutionnels, ils mettent l'accent sur la force des cultures partages par les acteurs. Mobilisant la thorie du site, ils soulignent la capacit des croyances communes structurer la dynamique d'un territoire et sa capacit produire du savoir. Ce faisant, ils enrichissent la typologie des proximits par la notion de proximit situe, laquelle s'avre indispensable dans le dcryptage de la notion d'innovation situe. Dans une seconde contribution, Nadine Richez-Battesti illustre l'importance qu'acquirent les approches par la proximit partir

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d'un cas empirique, celui des banques coopratives. Sa dmarche est aussi structure en deux grandes tapes. La premire est de porte thorique. Se situant dlibrment dans une perspective no institutionnaliste, elle met en relation l'innovation sociale et le territoire en mobilisant la proximit comme mdiation entre ces deux entits. Les rappels qu'elle fait sur l'volution des thories de l'innovation (innovation technique) et des organisations (innovation organisationnelle et institutionnelle) lui permettent de souligner le caractre rcent de la notion d'innovation sociale. Sans aucun doute, le dterminisme technologique a beaucoup censur la prise en compte des innovations intangibles comme celle dont peut faire preuve les organisations de l'conomie sociale. Dans son exploration progressive des relations entre l'innovation sociale et la dimension territoriale, Nadine Richez-Battesti s'attache d'abord mettre en vidence les apports des courants de pense qui ont mis en avant le rle du territoire dans le dynamisme conomique. En ce sens, elle opre un rappel sur leurs concepts phares: districts italiens (Beccatini), systmes productifs locaux (Benko, Lipietz,), milieu innovateur, rgime territorial etc. Cependant, tout en reconnaissant leur pertinence quant au dcryptage des processus d'innovation, elle en souligne l'insuffisance quant la prise en compte de la notion d'innovation sociale. Or, celle-ci, de par son caractre collaboratif (coopratif), peut enrichir le dbat sur les dynamiques de proximit et d'innovation si chre aux approches territoriales. Evoquant l'approche des rseaux sociotechniques, (Callon, Lascoumes, Barthes, 2001), l'auteure souligne, d'ailleurs, le caractre collectif et social des processus d'innovation. Ainsi, la frontire entre innovation technologique et innovation sociale est fluctuante voire mme inexistante. A l'image de la contribution de L. Hakmi et de H. Zaoual, la recombinaison du contexte d'action et des interactions des acteurs qui le font mouvoir devient un protocole de recherche essentiel dans la dmarche de Nadine Richez-Battesti. Elle souligne explicitement que l'innovation sociale a pour caractristique d'tre situe . Ce qui l'inscrit implicitement dans la perspective de la contribution antrieure. De cette faon, les relations que les agents du territoire tissent entre eux se rincarnent dans les rseaux d'innovation, sources d'changes et d'apprentissage. Plus ces interactions s'intensifient, plus, elles ont besoin d'tre auto organises localement par des processus institutionnels capables de 14

leur donner sens, direction et dynamisme. Bref, la relation stimule l'innovation. De ce point de vue, eu gard son caractre intangible et relationnel, l'innovation sociale fait mme figure de modle interprtatif pour les autres types d'innovation. Dans ce processus, la construction territoriale est source d'appartenance, de confiance et en fin de compte, une matrice de sens organisant et motivant les acteurs en prsence. Cette perspective est encore plus adapte aux problmes auxquels est confronte l'conomie sociale dans la mesure o ses projets s'adressent des populations prcarises par la globalisation conomique. En d'autres termes, l'innovation sociale, dans son rle par rapport la cohsion sociale du territoire, a besoin aussi d'une forte cohsion organisationnelle dans ses modes d'mergence et de diffusion. Cette caractristique fondamentale transparat tout au long du texte et fait jaillir la ncessit de la proximit comme pense et comme pratique. C'est cette posture de recherche que Nadine Richez-Battesti adopte dans le dcryptage du cas empirique des banques coopratives dvelopp dans la seconde partie de sa contribution. Retraant l'importance grandissante des banques coopratives au sein de l'conomie sociale, l' auteure dcline leurs caractristiques et en dresse un ensemble d'indicateurs statistiques traduisant leur volution dans un contexte de drglementation impos par la globalisation en cours. Mais, ce qui retient, bien entendu son attention, c'est l'optique d'intervention de ces organismes de l'conomie sociale. De par leur finalit, les banques coopratives s'engagent de plus en plus dans des dynamiques territoriales les situant au plus prs des acteurs de la socit civile et des populations en demande de protection sociale. C'est sur cette chelle et sur des modes partenariaux situs que ces organisations d'conomie sociale sont parties prenantes dans les processus d'innovation sociale territorialiss. Elles oprent par ancrage territorial. Ce protocole les conduit, travers les arguments empiriques soutenus par l'auteure, des modes de gouvemance mettant en synergie une pluralit d'acteurs (associations d'insertion, organismes d'appui la cration d'entreprise et au logement, TPE-PME et PMI, coopratives de production et de consommation, associations de formation, collectivits locales etc.). Cette densit d'acteurs et de relations donne lieu des dynamiques de rseaux et de proximit alimentant les processus 15

d'innovation sociale. Ainsi, le territoire se voit investi par des dynamiques relationnelles mobilisant la rciprocit et des ressources non marchandes qui viennent en soutien au march dont les incompltudes sont gnratrices d'incertitude et d'exclusion sociale. L'exclusion bancaire en est ici la plus parfaite illustration. L'une de ses solutions est dans la mise en relation. De ce point de vue l'image de la finance informelle en Afrique (tontines), la banque (coqprative) est aussi une relation d'appartenance et de confiance. A travers les multiples initiatives dcrites dans cette contribution, on assiste, d'ailleurs, un vritable maillage du territoire fond sur des liens marchands, non marchands et/ou montaires. Ces hybridations des modes de coordination stabilisent les projets et les alimentent en diversit d'opportunits et en prennit. En somme, Nadine Richez-Battesti souligne que la dynamique de l'innovation sociale capitalise la fois des effets de localisation, de participation et de rputation qui s'auto renforcent mutuellement. Ici, l'espace de justification au sens des conomistes des conventions structure les comportements des uns et des autres autour de points focaux assurant la coordination la plus optimale par rapport aux objectifs partags par les protagonistes de la situation. Cette auto construction dans l'imaginaire des acteurs est la fois technique (projets, modalits d'apprentissage et d'innovation, organisation, management etc.) et thique.3. RESPONSABILITE TERRITORIALITE SOCIALE, SOLIDARITE ET

Tandis que la contribution de Nathalie Ferreira relve des impratifs du dveloppement durable. Elle focalise sa dmonstration sur la Responsabilit Sociale des Entreprises (RSE). Adoptant la dfinition de la RSE au sens de l'union europenne, l'auteure confronte l'exprience des organisations d'conomie sociale (associations mutuelles, coopratives etc.) par rapport l'mergence de la RSE que les entreprises classiques ont aussi tendance, aujourd'hui, adopter. Ainsi, le parcours des entreprises sociales lui sert, dans sa dmarche, de laboratoire quant l'exercice de la RSE. En substance, il s'agirait d'un laboratoire d'innovation et d'exprimentation de pratiques sociales nouvelles, selon ses propres termes. 16

Ce dcor tant fix, la dmarche adopte volue en trois tapes. Premirement, Nathalie Ferreira introduit le dbat portant sur la terminologie relative la dfinition des organisations d'conomie sociale et solidaire. En la matire, elle mobilise les termes des controverses sur le tiers secteur venant en appui au march et l'Etat dans le cadre d'une conomie plurielle. En substance, les organismes de l'conomie sociale reposent sur des valeurs de solidarit. Ils ont pour finalit de produire des biens et essentiellement des services non marchands rpondant aux besoins des populations laisses pour compte dans le cadre d'une conomie dominante motive exclusivement par le profit. Ces organisations ont donc une fonction de rgulation sociale. Nathalie Ferreira fait rfrence explicitement la dfinition de Jacques Defourny, assez diffuse parmi les acteurs de terrain L'conomie sociale regroupe des activits conomiques exerces par des socits, principalement des coopratives, des mutualits et des associations, dont l'thique se caractrise par la finalit de service aux membres ou la collectivit plutt que de profit, l'autonomie de gestion, le processus de dcision dmocratique et la primaut des personnes et du travail sur le capital dans la rpartition des revenus. . Incontestablement, la perspective adopte est celle de la recherche d'une justice sociale en confrontation avec une conomie domine par les valeurs de l'accumulation et du march. En d'autres termes, les acteurs de l'conomie sociale combinent dans leurs modes d'organisation une responsabilit, une autonomie et une efficacit sur des terrains turbulents dont la complexit exige d'eux une coute, une proximit et la capacit de diversifier leurs ressources (diversification des activits, hybridation des ressources en vue d'une plus grande autonomie et justice redistributive). Ces caractristiques les rapprochent des impratifs des dynamiques territoriales. C'est cet ajustement d'chelle et de nature que Nathalie Ferreira dcrit dans la seconde tape de son raisonnement. Ainsi, suite l'effondrement du fordisme et la monte en puissance de la globalisation, les anomalies vcues et constates (ingalits sociales et culturelles, exclusion, dficit dmocratique, dgradation environnementale) ont engendr l'irruption des acteurs de la socit civile ct de ceux de l'conomie et des pouvoirs publics. Derrire cette structuration tripolaire se dessine aux yeux de Nathalie Ferreira un lien troit entre les pratiques des acteurs de la socit civile notamment les organisations d'conomie sociale et les impratifs du dveloppement local. En effet, dans ce processus 17

de renversement, leur philosophie comme leurs modes d'action s'inscrivent gnralement sur des petites chelles que les conceptions classiq\les du dveloppement cartent totalement de leur perspective. A l'vidence, elles ont acquis un certain apprentissage en matire de management de la complexit, donc, de la diversit des situations et de leur multi dimensionnalit. Ainsi, ces organisations renferment, par exprience, des capacits rpondre, de manire flexible, une diversit d' objectifs (cohsion sociale et impratifs environnementaux). Ici, la production du lien social vient en rescousse aux dfaillances du march. Dans cette recomposition, le social devient un levier de dveloppement local y compris dans ses aspects conomiques. Ce nouveau rapport entre l'conomique d'une part et le social d'autre part nous introduit dans les paradigmes mergents que Nathalie Ferreira voque en soulignant l'ancrage territorial des pratiques sur lequel ils s'interrogent. Ici, le territoire, encore une fois, devient le mode le plus propice des formes de proximit gnratrices d'adhsion et d'implication auprs des acteurs de la situation. C'est l'ensemble de ces modes de gouvernance, assez rpandus dans les travaux sur le dveloppement local et l'conomie sociale, qui l'amne inscrire ses arguments dans la logique d'un dveloppement local qu'elle qualifie, suite l'cole qubcoise, de progressiste. Dans son dispositif: la coopration dont font preuve les acteurs locaux dans la construction de leur territoire et dans l'identification de leurs objectifs communs vient corriger les insuffisances de la concurrence. Cette aptitude est soutenue par une responsabilit partage que l'on rencontre dans les rseaux de PME et d'conomie sociale. Ces derniers font preuve d'une plus grande comptence relationnelle et, donc, sociale que les grandes entreprises dont les motivations et les modes d'organisation les loignent des impratifs territoriaux et sociaux. C'est cette diffrence entreprise sociale/entreprise classique, bien qu' l'heure actuelle la RSE soit discute et adopte en thorie par de nombreuses firmes, qui sert de fil conducteur l' auteure dans son expos de dernire partie de sa dmonstration. De son point de vue, il est opportun d'adopter la notion d'entrepreneuriat responsable pour mieux valuer la performance sociale des PME et des organisations d'conomie sociale. Cet entrepreneuriat responsable renvoie un ensemble d'attitudes conformes aux exigences des durabilits sociales et environnementales. Concrtement, un entrepreneur responsable est celui qui est 18

l'coute de ses salaris (salaires, conditions de vie, sant, formation, culture etc.), de ses fournisseurs comme de ses clients. Cette proccupation doit tre largie l'ensemble des contraintes du milieu y compris les ressources matrielles et environnementales. En somme, l'entrepreneur responsable est un acteur capable de grer, avec honntet et quit, un rseau d'acteurs fortement htrogne. Cette proccupation, en termes de management avanc, servirait la fois les intrts de son entreprise et ceux de ses partenaires en interne et en externe. Cette perspective, assez frquente en milieu PME, traduit une prise de conscience que son organisation n'volue pas dans un vide humain et environnemental. L'entreprise concerne tire son nergie et sa performance des acteurs de son organisation et de son environnement le plus immdiat. Cette inscription territoriale exige une transparence et une solidarit toute preuve. La rciprocit et l'ancrage territorial dont font preuve les organisations d'conomie sociales sont des caractristiques similaires celle de l'entrepreneur responsable. De l'avis de Nathalie Ferreira, ces pratiques, souvent implicites, mriterait une plus grande visibilit au moment mme o les entreprises classiques de grande taille communiquent de plus en plus en matire de RSE. En ralit, leur degr de visibilit est inversement proportionnel celui de leur enchssement territorial. En somme, les acteurs locaux tels que les entrepreneurs individuels (TPE, PME-PMI) font de la RSE sans le savoir. Face ces incompltudes en matire d'valuation de la RSE, l'auteure, conclut, son article en dcrivant le rcent dveloppement des mthodes d'valuation du bilan socital applicable aussi bien aux entrepreneurs locaux et qu'aux organisations d'conomie sociale elles-mmes. Hritier du bilan social, le bilan socital est un instrument d'une nouvelle gnration associant des approches quantitative et qualitative. L'amlioration en continu de ce dispositif permettra de mieux rendre compte des performances inaperues des organisations d',conomie sociale. Quant la contribution d'Erick Roussel se situe explicitement sur le terrain de l'conomie solidaire. Elle se dveloppe au plan pistmologique en croisant des arguments thoriques en faveur de ce troisime ple de l'conomie plurielle et des arguments empiriques tirs de deux expriences territoriales, celle du pays Cur de Flandre et celle du pays de Rennes. Pour ainsi dire, elle se

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veut varie dans ses modes d'investigation et la plus exhaustive possible. Cette contribution met d'abord en vidence l'importance relative de l'conomie sociale et solidaire dans le cadre d'une rgulation plurielle de l'conomie. Mobilisant un certain nombre d'indicateurs statistiques, l'auteur dresse une description mettant en vidence le potentiel de ce secteur non marchand en termes d'adhrents, de salaris et d'activits menes: 21,6 millions d'adhrents (soit 45% de la population) et 12 millions de bnvoles de 15 ans ou plus en 2002, un million d'associations en activit en 2006, 171 000 sont employeuses d'environ 1 600 000 salaris soit 8,5% de l'emploi du secteur concurrentiel, le temps consacr au bnvolat est valu 817 000 quivalents temps pleins par Lionel Prouteau etc. L'ampleur de cette implication citoyenne dans un contexte de crise conomique n'est donc pas passer sous silence. Dans ces pratiques d'conomie solidaire ce qui retient l'attention de l'auteur est la manire"de valoriser les activits de l'conomie solidaire d'autant plus que les systmes de comptabjlit nationale ne les prennent pas vritablement en compte. A l'vidence, l'absence de la prise en compte du bnvolat rsulte du rductionnisme de l'conomisme: il n'y a de richesse que de richesse marchande et mesurable. L'incompltude ici discute renvoie, d'ailleurs, au dbat sur les limites de l'indicateur de synthse de l'conomie savoir le taux de croissance du P.I.B. Dans le contexte actuel m,!rqu par la crise des indicateurs statistiques, la contribution d'Erick Roussel portant prcisment sur le rle et la mesure du bnvolat est, donc, d'une grande actualit. On ne sait plus mesurer la richesse des nations en raison des externalits ngatives de la croissance (chmage, dgradation de la qualit de vie, multiplications des risques, destruction environnementale etc.). Dans ces conditions, il est impratif aujourd'hui, selon l'auteur, de rendre compte du bnvolat qui joue un rle essentiel dans le dynamisme des organisations de l'conomie solidaire. En substance, le travail effectu gratuitement par les membres de ces associations notamment les militants devrait faire l'objet d'tudes et d'indicateurs pertinents. Dans la pratique, ces activits citoyennes non rmunres compltent et diversifient les ressources plus ou moins visibles des organisations associatives. Dans cette perspective, la plus ou moins importance du travail des bnvoles

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dtermine le degr d'autonomie de ces organisations. Ce qui est essentiel pour leur positionnement dans le dbat de socit. En s'appuyant sur les deux expriences territoriales voques, l'auteur met en vidence le caractre encastr des pratiques des organisations d'conomie solidaire. Elles contribuent la cohsion sociale de ces territoires. En produisant des relations et des espaces de discussion, elles produisent une richesse la fois sociale et conomique. Au mme titre que les autres pratiques coopratives mobilisant des rseaux locaux d'acteurs, ces organisations s'inscrivent d'emble dans les nouvelles dynamiques territoriales. C'est avec ce!te perspective partage avec les autres auteurs de cet ouvrage qu'Erick Roussel dcrypte les enqutes d'conomie solidaire qu'il a menes sur site. Ainsi, il explore le cas des pays Cur de Flandre et de Rennes. Il en tire une srie de conclusions tantt quantitatives tantt qualitatives insistant sur la ncessit de faciliter au plan institutionnel le dveloppement du bnvolat. Au plan thorique, en rhabiliJant le paradigme du don et du contre don de Marcel Mauss, Erick Roussel dmontre que la rciprocit est l'un des fondements de la vie en socit. De ce point de vue, comme le dmontrent les autres contributions de ce numro, le march ne saurait totaliser le rel. Au contraire, la vie conomique et sociale se dploie sur le terrain en recourant une diversit de modes de coordination (march, rciprocit, solidarit, coopration). Le march lui-mme a besoin des dimensions que sa science (Culture commune, convention, institutions, rgles, coopration, partenariat, cohsion etc.). Si le march dtruit le lien social, les organisations d'conomie solidaire tentent de le reconstruire grce une implication citoyenne dont l'un des modes d'existence essentiel est le bnvolat. Delphine Roussel, quant elle, nous propose une vritable synthse sur l'activit touristique. Sa dmarche dcrypte les dynamiques touristiques de faon pdagogique. Elle restitue de faon convaincante les causes et les consquences du tourisme de masse qui a, pendant longtemps, caractris cette industrie particulire. Dans la pratique, ce tourisme s'est dvelopp dans le cadre du paradigme classique du dveloppement. Celui-ci, tant essentiellement guid par une rentabilit conomique, a contribu terme des destructions patrimoniales (naturelles et culturelles). En substance, cette rosion de la bio diversit et de la diversit culturelle a appauvri les capacits d' attractivit des sites concerns 21

au moment mme o l'on assiste des changements majeurs de la demande touristique. En effet, la demande s'oriente, de plus en plus, vers des produits et des services incorporant les diversits dont il est question. C'est dans ce contexte sous tension que s'inscrit cette contribution. Le dilemme que pose cet article, c'est comment appuyer les dynamiques touristiques sans pour autant dtruire ce qui (patrimoines culturels, historiques et naturels) les motivent, aujourd'hui, en profondeur? En d'autres termes, il s'agit de concevoir et de promouvoir de nouvelles stratgies capables d'harmoniser des impratifs contradictoires, ceux de la conservation des ressources spcifiques tout en crant des activits touristiques pourvoyeuses d'une prosprit conomique des territoires. C'est ce niveau que l'auteure a recours l'innovation, la qualit et la crativit en gnral comme modes d'adaptation l'volution de la demande touristique et aux impratifs de sauvegarde des spcificits des sites concerns. L'chelle la plus pertinente de la mise en uvre de ces protocoles est le territoire. De ce point de vue, Delphine Roussel renoue avec lefil conducteur qui relie l'ensemble des contributions ici runies. A l'image des autres domaines voqus dans cette introduction gnrale, les processus d'innovation touristique ainsi qu'un management de qualit de l'offre de ce secteur particulier prsuppose une implication partage de tous les acteurs concerns. Ainsi, dans les aspects empiriques de sa contribution, l'auteure rappelle des dmarches et des expriences menes sur les territoires franais par les pouvoirs publics, de plus en plus, ouverts une dcentralisation des modes de gestion du tourisme. Ce changement en cours exige une vritable gouvernance touristique mobilisant, de faon adapte chaque territoire, les acteurs concerns (collectivits locales, oprateurs, transporteurs, restaurateurs, hteliers, organismes culturels, associations diverses etc.). Delphine Roussel souligne explicitement qu'il ne doit pas y avoir de projet touristique isol du contexte local. Cette ncessit doit aussi tre accompagne par une ouverture pour mieux capitaliser sur la diversit ambiante et lointaine. De ce point de vue, les regroupements en interne des comptences locales sont associer d'autres modes de mobilisation allant de l'intercommunalit jusqu' des programmes de coopration dcentralise avec des territoires lointains. Dans ces nouveaux 22

modes de gestion touristique, elle met aussi en relief les innombrables possibilits qu'offrent les nouvelles technologies de communication. Ces outils sont parties prenantes du management de l'image territoriale et de la gestion la plus courante des produits et des services offerts par la destination concerne. Dans ces illustrations empiriques, l'auteure nous fait dcouvrir, entre autres, l'exprience de Montreuil (Nord Pas de Calais). Ce territoire a su puiser dans sa culture, son histoire et son cologie de nouvelles ressources spcifiques assurant une attractivit croissante. Cet exemple vrifie et consolide ses arguments relatifs la sauvegarde des ressources spcifiques des territoires. Ainsi, contrairement l'uniformisation qui appauvrit la diversit des territoires, l'innovation territorialise, de par sa plasticit et sa proximit avec les hommes et les lieux, est une dmarche d'avenir.4. ENVIRONNEMENT ET ECONOMIE SOCIALE

Enfin, les trois contributions qui bouclent cet ouvrage portent sur les problmes d'environnement, composante essentielle du dbat sur le dveloppement durable. Sans entrer dans le dbat concernant ce concept, elles nous proposent d'explorer des expriences. En ce sens, elles sont plutt de porte empirique. Ainsi, en fin connaisseurs, Grard Bertolini et Mustapha Brakez traitent du problme des dchets dont, la croissance et le traitement ne sont pas maitriss en dpit des politiques d'environnement engages depuis quelques annes. Cette contrainte environnementale est encore plus pesante dans les pays en voie de dveloppement ou mme mergents, comme le montrent nos deux auteurs en ce qui concerne des pays comme le Brsil, le Maroc, l'Egypte ou l'Indonsie. Ainsi, cette contribution, de par le recours des expriences de par le monde, confre une porte universelle aux conclusions que l'on peut tirer des limites quant la collecte, au traitement et au recyclage des dchets urbains. Les innombrables constats et expriences convoqus la table de dmonstration restituent les insuffisances notoires de la gestion des dchets urbains. Les impasses de celle-ci se voient accentues par une croissance urbaine souvent anarchique se traduisant par des fractures territoriales au plan de la gestion urbaine des dchets. Ainsi, l'examen de ces expriences montre que la couverture des mtropoles urbaines de l'hmisphre sud (Rio de Janeiro, Le Caire, 23

Casablanca etc.) est ingale selon la composition sociologique de leurs quartiers. Les centres villes ainsi que les quartiers rsidentiels font l'objet d'une gestion, le plus souvent, moderne. Par contre, dans les quartiers priphriques, l'limination des dchets fait l'objet de pratiques informelles qui viennent la rescousse de la mal gouvernance des municipalits locales (insuffisance des moyens financiers, inadquation des modles institutionnels, corruption, dtournement, dficit de comptences, etc.). Cette fonction de rgulation donne lieu une vritable conomie des dchets (Bertolini, 2005) qui sert de survie de nombreuses populations. Ces dernires, sur la base des ralits locales, crent leurs propres modes de collecte (ne, mulet, charrette, etc.) et de recyclage des dchets de leurs quartiers, laisss l'abandon par les pouvoirs publics. Ces rgulations clandestines du problme pos sont animes par des rseaux informels impliquant une pluralit d'acteurs (mnages, communauts de quartier, chiffonniers, semi grossistes, grossistes), dont les modes de coordination renvoient aux particularits socio-urbaines de leurs sites, en somme aux conditions de vie dans lesquelles ils voluent. La mise en vidence de ces singularits par nos auteurs traduit, encore une fois, la grande diversit des situations et la ncessit de raisonner par encastrement dans la manire d'approcher le dchet. Celui-ci s'avre ds lors tre l'expression d'un milieu donn, en d'autres termes un construit social dont l'accompagnement prsuppose une proximit. L'ide de modle universel s'vanouit d'elle-mme comme le dmontre l'chec des transferts de modles (vision, concepts, technologies, savoir-faire, etc.) concernant ce domaine particulier. Ainsi, les innovations propres au domaine des dchets demandent, elles-aussi, un effort d'adaptation et des modes de gouvernance impliquant les populations concernes. C'est cette mme fibre que l'on dcouvre dans la contribution de Pascal Glmain. L'analyse propose dcrit des expriences d'conomie solidaire adosses la gestion des dchets. Ici, aussi l'image des pratiques informelles en la matire constates par Bertolini et Brakez au sud, le dchet peut faire l'objet d'une rappropriation par les acteurs du site en direction d'une conomie relationnelle remplissant la fois des fonctions sociales et environnementales (activits conomiques, emplois, traitement et recyclage, cohsion sociale). Cet enchevtrement est abord par Pascal Glmain de manire progressive. Son tude est structure en 24

deux grandes tapes. Etant de porte thorique, la premire tente de clarifier les concepts et les hypothses de la seconde dont l'objet est une tude empirique. Au plan thorique, l'auteur part de l'ide que l'analyse conomique de l'environnement combine plusieurs types de sous disciplines: l'conomie des ressources naturelles, l'conomie de l'environnement et l'conomie cologique. Il en explore les diffrences communes par rapport l'conomie sociale et solidaire. L'conomie des ressources tudie la nature des relations s'exerant entre l'activit conomique et les cosystmes. Elle a donn lieu des modlisations de ces interactions et plus tard des tentatives d'intgration de la dimension sociale. Tandis que l'conomie de l'environnement est celle qui pouse le plus le paradigme de l'conomie standard. La diffrence paradigmatique avec l'conomie sociale et solidaire est ainsi plus radicale. Cette rcupration de la question environnementale par la thorie standard se traduit, le plus souvent, par une formalisation des externalits dites ngatives que subit l'environnement. La rgulation publique qui s'en inspire a donn lieu dans la pratique des politiques d'environnement se limitant au principe du pollueur polluant (PPP) et de faon plus gnrale au march des droits polluer. Dans cette dernire proposition, la thorie standard prtend gurir pratiquement les maux environnementaux du march par le march lui-mme! L'exprience montre, aujourd'hui, que ces recettes internes au paradigme du march ne viennent pas bout de la dgradation des co systmes et de la pollution mises par la croissance conomique. Ce n'est pas un hasard que le dbat sur la dcroissance prend de l'ampleur. Cette limite de l'approche standard des anomalies environnementales explique, par ailleurs, le sens que l'auteur donne l'conomie cologique qui lui semble beaucoup plus pertinente. S'appuyant, entre autres, sur les travaux de Ren Passet, il en dcline les postulats et l'interprtation. Cette conomie du vivant repose sur la distinction croissance/dveloppement et surtout sur le divorce entre la sphre environnementale et la sphre conomique. Cette rupture inhrente l'autonomie de l'conomique se traduit par une croissance de l'entropie du milieu naturel. La capacit de charge de la nature n'est pas illimite. Le monde tant fini, le mythe de la croissance conomique se heurte, par dfinition, ici au caractre limit des ressources disponibles et une dgradation croissante de l'environnement. L'conomie du vivant s'inspire, 25

entre autres, de la biologie et associe dans ses analyses le monde du vivant et le monde inanim (cosphre). l'vidence, la question des dchets ne peut tre rsolue que par un vritable changement du systme de production et de consommation. Ce qui supposerait une remise en cause des principes de base de l'conomie de march, ncessit que l'auteur ne met pas toujours en vidence. Tout en soulignant certains recoupements entre les branches de l'analyse conomique voques et l'conomie sociale et solidaire (responsabilit, prcaution, prservation des amnits, solidarit intergnrationnelle, capacit de charge limite de la plante etc.), l'auteur insiste sur l'apport spcifique de l'conomie sociale et solidaire. S'exerant au plus prs des acteurs, cette conomie est mme de contribuer la rsolution, ou du moins, l'attnuation des risques environnementaux. Elle peut aussi en faire des opportunits dans la construction territoriale. De par ses protocoles d'intervention, l'conomie sociale et solidaire est, en effet, apte mobiliser les act~urs et procder par proximit dans la gestion environnementale. A ce niveau, l'auteur renoue troitement avec le fil conducteur de l'ensemble des contributions de cette uvre collective. Se rfrant au Rapport du Dr. Brundtland (1987) sur le dveloppement durable, il en souligne la compatibilit avec ies objectifs de l'conomie sociale et solidaire. Celle-ci est, en effet, porteuse d'une solidarit plurielle associant une pluralit d'acteurs et d'impratifs. Ce qui confre l'pistmologie, sur laquelle l'conomie sociale et solidaire pourrait tre construite, un caractre transversal. C'est cette vision, encore implicite, la dmarche de l'auteur que l'on retrouve illustre dans son tude empirique portant sur l'exprience innovante de l'entreprise d'insertion TroCantons en Estuaire de la Loire, objet de la seconde partie de cet article. Dans cette dernire, Pascal Glmain commence par dcrire l'idal type d'une entreprise solidaire d'environnement. Ce modle peut tre rduit trois caractristiques fondamentales propres ce type d'organisation de l'conomie sociale et solidaire: contribuer la vie conomique locale, la cohsion sociale et l'amnagement territorial. Dans ces conditions, son implication dans la gestion solidaire des dchets s'inscrit dans l'amnagement du territoire qui ne saurait tre le monopole des autres acteurs et d'un traitement rduit des approches techniciennes. En substance, dans cette tude empirique, l' cocyclerie 26

(alternative l'enfouissement ou l'incinration des dchets) est un outil d'un dveloppement intgr du territoire dans la mesure o il traite la fois des dchets, de la prservation et de la gestion des amnits dont la diversit est garante, long terme, du dveloppement socioconomique du territoire concern. Ces interactions multiples restituent la complexit des enchevtrements entre les dimensions d'un territoire. Ce qui laisse apparatre que l'cocyclerie est une sorte de chane solidaire complexe d'interventions et d'activits . C'est l'aide de schmas retraant leurs relations que l'auteur matrialise sa problmatique du rle la fois social et environnemental de l'organisation solidaire du territoire. Ce modle de gestion des dchets suppose de nouvelles capacits entrepreneuriales mobilisant la citoyennet, l'implication, la participation et une performance construite collectivement. Ainsi, la gestion de l'environnement mne aux acteurs et ce sont eux qui en garantissent la qualit la condition d'adopter les modes de gouvernance des organisations de l'conomie sociale et solidaire, bass sur la confiance, la transparence et la proximit. C'est dans cette mme perspective que s'inscrit la contribution sollective qui nous vient du Canada. Claire Kostrzewa, Patrick Emond, Orner Chouinard, Nadine Gauvin, Monique Brideau, Monique Langis nous font dcouvrir, au-del l'Atlantique, un dbat d'ides et de valeurs comparable celui que nous connaissons en Europe et au-del de la Mditerrane. Faut-il continuer suivre le catchisme de l'conomie pure ou s'engager dans d'autres voies menant une humanisation de l'conomie et une prise en compte de la pluralit de notre monde et de notre environnement? Incontestablement, cette contribution collective qui rsulte directement d'expriences de terrain indique la voie d'une nouvelle conomie sociale capable de renverser la conception et les pratiques inspire par la pense globale, celle qui rduit tout l'conomique. Dcouvrons alors, ensemble, le dveloppement de leur pense. Cette contribution collective recense la mthodologie et les rsultats empiriques d'une vaste tude de territoire. La dmarche retenue relve essentiellement d'une recherche-action partage par l'ensemble des acteurs de ce territoire canadien couvrant les bassins versants du littoral acadien du Nouveau-Brunswick, dans le sud du Golfe du Saint-Laurent. Plus prcisment, ce territoire s'tend de la Baie des Chaleurs au dtroit de Northumberland inclusivement et regroupe des populations francophones et 27

acadiennes, anglophones et aborignes. Ce qui en dit beaucoup sur sa diversit culturelle. Il compte seize associations de bassin versant dont onze qui ont accept de faire partie de cette recherche collective. II s'agit d'une dmarche partenariale impliquant non seulement des chercheurs mais l'ensemble des acteurs concerns par les pratiques de dveloppement durable. Tous sont impliqus, de la dfinition la validation des rsultats de ce programme de recherche. Les objectifs de ce dernier consistent tudier et mesurer l'impact des projets environnementaux notamment dans le secteur de la rparation de systmes de fosses septiques sur l'conomie et la socit, d'une part, et sur l'environnement, d'autre part. Le but tant de construire des outils gnralisables et oprationnels dans l'accompagnement des populations locales. La progression de la dmonstration s'opre en quatre temps. Les deux premiers se veulent thoriques dans la mesure o les auteurs mobilisent et discutent des concepts d'conomie sociale et de leur lien avec la problmatique du dveloppement durable (et l'environnement) ainsi que de la mthodologie de recherche adopte. Les auteurs y dcrivent aussi l'tat du processus participatif ainsi que les modalits d'intervention des organisations de l'conomie sociale impliques dans ces expriences territoriales. Les deux dernires parties de cette tude se dduisent du chemin parcouru. Elles ont comme objet, d'abord, de construire le modle qui correspond aux pratiques locales de ces organisations du bassin versant du littoral acadien du Nouveau-Brunswick et, ensuite, de les dcrypter, de faon plus large par la vision et les principaux concepts de l'conomie sociale. Cette vision ne se rduit pas, dans leur perspective, aux associations. Elle incorpore aussi les entreprises. Cette hybridation renvoie la nature mme de l'conomie sociale qui associe littralement l'conomique au social. Il est noter que les nouvelles formes de gouvernance se construisent partir d'un management de la pluralit des acteurs locaux. Dans cette approche par la diversit, les auteurs recensent une pluralit de dfinitions de l'conomie sociale. Ce dbat de dfinitions portant sur l'conomie sociale traduit une instabilit paradigmatique de son concept en raison de la diversit des points de vue et des ralits sur lesquelles elle se dveloppe. En substance, les auteurs de cette contribution largissent le spectre de l'conomie sociale aux autres ples de l'conomie plurielle (Etat, march) et une diversit d'objectifs comprenant ceux d'une rgulationenvironnementale.

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De cette faon, nos auteurs enrichissent le paradigme mergent de l'conomie sociale et renforce sa capacit mobiliser et faire dialoguer une diversit d'acteurs. Cette ouverture explique l'intrt que le gouvernement canadien porte cette pdagogie citoyenne. Au fur et mesure de la progression de l'expos de cette recherche, l'interconnexion conomie sociale et l'environnement trouve sa place centrale et traduit la capacit de l'conomie sociale absorber une varit de problmes. En un sens, il s'agit d'une dmarche qui dcloisonne les disciplines des sciences de 1'homme. Elle inscrit I'homme, tout 1'homme, dans les multiples facettes de son territoire. Convoquant la table de dmonstration, les caractristiques du dveloppement durable et les faisant converger vers celles de l'conomie sociale, nos auteurs reconstruisent une perspective transversale, ncessaire, aujourd'hui, e,n raison du caractre enchevtr des dynamiques territoriales. A l'vidence, c'est un programme de Recherche-action, pistmologiquement et socialement, inclusif. Cette manire de voir permet aussi de mieux dcrypter le paradoxe global/local dans la mesure o ces pratiques locales viennent en appui voire en correctifs aux incompltudes de l'conomie globalise. L'tude empirique en tant que telle repose sur une enqute assez fine des associations locales. Celles-ci sont dcortiques sous plusieurs angles (statut, origine, mission, objectifs, composition sociologique, financement, ressources humaines, bnvolat, etc.). Il est noter que la dtrioration de la qualit de vie est un des facteurs motivant la prolifration et le dveloppement de ce type d'organisations. L'enqute dnombre de nombreux secteurs d'intervention: ducation communication, habitat, veille cologique de la qualit de l'eau, nettoyage de berges et rivages, initiatives environnementales, recherche documentaire, systmes de fosses septiques, concertation etc.). En substance, l'analyse des auteurs laissent entrevoir que ces organisations fonctionnent, dans la plupart du temps, en rseau avec les autres acteurs du territoire explor (Universits, centres de recherche, autres associations, autorits locales, agences gouvernementales, entreprises etc.). Dans leurs pratiques, elles s'apparentent aussi des organisations apprenantes partageant les informations et les connaissances en interne et en externe. Ce qui en fait des agents porteurs d'innovations sociales et environnementales. De fait, elles contribuent la construction d'espaces de discussion gnrant des liens et des biens pour 29

l'ensemble de la communaut territoriale. En raison des incertitudes de leur financement, le dynamisme de ces organisations s'appuie sur un fort bnvolat tournant notamment de la part des tudiants et de faon plus large les j~unes. Ce qui rejoint l'une des conclusions de l'tude mene par Erick Roussel dans le Nord-Pas-de Calais (France ). En somme, la philosophie des organisations d'conomie sociale tudies dans cette exprience canadienne renvoie leur capacit produire du sens et du civisme, sans lesquels, les territoires ne seraient pas aptes contenir l'entropie sociale et cologique de la globalisation. En ce sens, elles font uvre utile dans un monde ingrable par les lois conomiques admises. La sauvegarde des durabilits sociales et environnementales prsuppose, donc, un changement paradigmatique capable de penser la diversit, la multiplicit et la complexit des hommes et de leurs territoires. C'est en les respectant et en les impliquant qu'ils redeviennent les reconstructeurs de leurs propres mondes.

La dimension territoriale de l'innovation

Larbi HAKMI Hassan ZAOUAL Le rve du modle mathmatique, qui exprime les lois universelles du comportement conomique des hommes et des socits, est irraliste. Ou du moins, un tel modle est d'une extrme pauvret, car il doit faire abstraction de nombreuses contingences qui sont pratiquement dterminantes. Il suppose des "Homo conomicus" parfaitement rationnels oprant dans un espace parfaitement vide . (Jacques Plassard, 1989, pp. 211212). INTRODUCTION

Ces dernires annes, les conomistes ont initi de nombreux travaux thoriques et empiriques qui participent directement ou indirectement ~u reprage de ces lieux}) de l'innovation technologique. A la lecture de ces diffrents travaux, l'innovation technologique apparat majoritairement le fait des firmes, au sein desquelles est mobilis l'ensemble des dpartements et des services comme le montre le modle de la chane interconnecte de Kline et Rosenberg (Kline L. et Rosenberg N., 1986, pp. 275-305). Mais, au-del du monde de l'entreprise, les processus d'innovation impliquent de plus en plus intensment les Universits, directement, comme producteur de connaissances, ou indirectement, en termes d'ducation, de formation et de transferts de connaissances. L'innovation mobilise aussi des centres de recherche publics mais aussi privs qui constituent autant de 31

petits laboratoires de l'innovation (Hargadon A. et Sutton R.J., 2000, pp. 157-166). L'innovation s'appuie galement sur l'exprience des utilisateurs (Lundvall B.-A., 1988, pp. 349-369) constituant des milliers d'innovateurs (Von Hippel E., Thomke S. et Sonnack M., 2003, pp. 37-64). Ce sont ces milliers d'innovateurs anonymes qui animent, en ralit, les milieux innovateurs. Au-del de la firme, cette pluralit d'acteurs impliqus dans le processus innovant pose la question cruciale de l'unit d'analyse pertinente. L'ensemble de ces acteurs tant mobilis dans un maillage de relations, le rseau d'innovation (Debresson C. et Amesse F., 1991, pp. 363-379) s'est d'abord impos comme unit d'analyse privilgie. La (re)dcouverte de l'aspect polaris des activits innovantes, autour d'exemples mythiques comme la Silicon Valley ou la Route 128, a impuls ensuite de nombreux travaux en gographie de l'innovation (Feldman M. P., 1994), remettant au got du jour d'anciens concepts industriels et spatiaux. Cette profusion de travaux sur l'innovation multiplie les nouveaux concepts tels que le district technologique, le milieu innovateur, le cluster, le systme local d'innovation, la rgion innovante, la rgion apprenante, etc. Les pouvoirs publics se sont galement vus progressivement impliqus par le biais des politiques technologiques territoriales. Ainsi, comme nous le montrons dans cet article, le savoir se retrouve, de plus en plus, li au territoire. Le mode d'exposition de notre argumentation est structur en deux grandes tapes. La premire est une revue de la littrature conomique mettant en vidence la dimension institutionnelle des processus d'innovation. Se faisant, elle insiste sur la ncessit de prendre en considration ce qui fait institution dans les interactions entre les acteurs, le but tant de mieux dcrypter les stimulants et les blocages des processus d'innovation. Cette ouverture sur le contexte d'action des acteurs conduit un largissement la notion de systme prenant en compte l'interactivit de l'ensemble des lments jouant un rle dans la production et la diffusion des connaissances. Nous donnons une illustration travers les systmes nationaux et sectoriels d'innovation. La rfrence aux institutions conduit inluctablement celle du territoire dans la mesure o les institutions renvoient aux valeurs et aux conventions qui ont cours dans une contre donne. De ce point de vue, les approches institutionnelles nous servent de transition paradigmatique l'entre des thories du territoire 32

travers lesquelles nous mobilisons essentiellement le concept de proximit. Comme nous le montrerons, cette proximit a de multiples figures. Cette multiplicit a amen les conomistes et les sociologues des territoires distinguer la proximit gographique des autres types de proximits organisationnelle et institutionnelle. L'importance de cette notion fonde le contenu de la seconde tape de notre raisonnement portant sur les approches proximistes. Au fur et mesure de la progression de cet expos sur la proximit, sa complexit merge et ouvre la voie la ncessit de mobiliser de nouvelles penses transversales capables de rendre compte de la diversit des pratiques locales et de la multi dimensionnalit des processus d'innovation. C'est dans cette perspective que nous mobilisons la thorie des sites pour mieux approfondir l'analyse de la proximit. Privilgiant les aspects symboliques et culturels, la proximit situe donne sens et direction aux autres types de proximits et permet de mieux dchiffrer la notion d'innovation situe (Zaoual H., 2006, pp. 133-165).1. LES APPROCHES INSTITUTIONNALISTES DES SYSTMES TERRITORIALISS D'INNOVATION 1.1 Institutions et incitation l'innovation

Dans les nouveaux modles de l'innovation, la cl du succs rside dans la coopration et les interactions entre acteurs. Pour que cet apprentissage inter-organisationnel se dclenche, il est ncessaire de bnficier d'un environnement propice. Il est, en effet, souhaitable de disposer d'une certaine prvisibilit du comportement des autres, d'une confiance dans le droulement des interactions. Les institutions formelles (organisations gouvernementales, lois, organismes de formation, etc.) et informelles (valeurs, routines, coutumes, etc.) permettent prcisment d'assurer cette stabilit dans le changement. C'est l'ide que dfendent les auteurs de l'approche institutionnaliste. Gnralement, dans les modles classiques de l'innovation, seul l'apprentissage dans les entreprises tait pris en considration. D'ailleurs, les entreprises ont t prsentes comme les seuls acteurs de l' innovation. Toutefois, cette approche tend enfin

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considrer que les institutions ne se situent en aucun cas en marge de la dynamique d'un systme innovant. Des auteurs comme Garrouste et Kirat (1995) soutiennent l'hypothse que la dynamique institutionnelle conditionne la nature et le rythme de l'activit d'innovation. Effectivement, la dynamique institutionnelle interagit avec le changement technologique (Colletis G. et Perrin J., 1995, pp. 255-279). En substance, les processus d'innovation voluent en interaction avec l'ensemble de leur environnement institutionnel. Globalement, le rle des institutions consiste : . rduire l'incertitude lie aux processus d'innovation, notamment en favorisant l'apprentissage et donc l'adaptation aux changements puissants et rapides. Etant donn qu'elles sont elles-mmes caractrises par une stabilit relative dans le temps, les institutions accompagnent les autres acteurs, soit dans le basculement d'une trajectoire technologique une autre, soit dans le changement le long d'une mme trajectoire. Dans ce rle, les institutions produisent et fournissent des repres collectifs et des connaissances aux acteurs de la situation; . permettre aux diffrents acteurs d'avoir une meilleure connaissance de l'tat du monde dans lequel ils voluent et des consquences possibles de leurs actions. Les institutions fournissent, en quelque sorte, un mode d'accs l'univers en cours d'mergence (processus de raliser la coordination entre les agents au sein de rseaux de connaissances et de comptences. Il s'agit notamment de fournir les rgles du jeu aux diffrents acteurs, leur permettant ainsi d'changer plus facilement leurs connaissances et leurs comptences. Dans ce domaine, les institutions permettent d'instaurer une stabilit relationnelle; . codifier les connaissances et donc favoriser un change beaucoup plus fluide avec l'extrieur. A l'vidence, l'une des principales fonctions des institutions consiste, donc, rguler le paradoxe entre le besoin de stabilit et la recherche de nouveaut, tous deux la base de l'innovation dans lesentrepri ses.

.

dcouverte

);

Traditionnellement, les auteurs distinguent les institutions informelles des institutions formelles. 34

Les institutions informelles peuvent tre dfinies comme des routines, des structures de comportements identiques, des habitudes et des conventions plus ou moins implicites (Morgan K., 1997, pp. 491-503). Rappelons, cet gard, que l'apprentissage repose, entre autres, sur les rites et les routines. . Quant aux institutions formelles, elles font rfrence des organismes favorisant l'innovation et le transfert de technologie. Bien qu'elles soient formelles et identifies par des noms et des missions bien distinctes, ces institutions exercent des comptences qui sont parfois difficiles identifier partir des actions concrtes menes sur le terrain (Tsipouri L., 1996). De plus, comme le dmontre la thorie du site aucune organisation si formelle qu'elle soit n'chappe totalement des pratiques informelles. C'est mme ces dernires qui, par exprience, sont l'origine des innovations qui surgissent la surface du monde des institutions formelles (Zaoual H., 2002). Derrire cette terminologie et ces interrogations, nous adoptons ici la conception selon laquelle, c'est l' paisseur institutionnelle (Amin A. et Thrift N., 1993, pp. 405-430) d'un territoire qui, en crant les conditions, encadrant le droulement, et parfois en stimulant les changes entre acteurs, qui favorise l'irruption de grappes d'innovations (Schumpeter J.). Sous cette dnomination commune, se cachent des concepts thoriques nombreux, proposant des configurations particulires des systmes de production et d'innovation. Ces concepts identifient chacun des dterminants institutionnels diffrentsl comme cl de l'innovation. Leur construction s'est faite sur des contours gographiques htrognes. C'est ce qui nous amne commenter successivement les hypothses et les concepts dvelopps dans les systmes d'innovation suivants: les systmes nationaux d'innovation et les systmes sectoriels ou technologiques d'innovation.

.

1 La notion d'institution deux simultanment.

recouvrant

une dimension politique ou culturelle ou les

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1.2. Institutions

et systmes

d'innovation

1.2.1. Systmes d'innovation.

Considrations

gnriques

Selon Amable (Amable B., 2003, pp. 367-369), la notion de systme d'innovation runit diverses tentatives d'incorporer des lments institutionnels dans l'analyse conomique du changement technique, l'architecture des systmes scientifiques et de l'origine de l'innovation. Le point commun l'ensemble de ces investigations est une critique de la conception de l'innovation comme processus de dcision individuel indpendant de l'environnement. A contrario, ces nouvelles thories dfendent une conception d'acteurs insrs dans diverses institutions, en somme dans un contexte d'action diront les sociologues des organisations. La notion de systme d'innovation prsente plusieurs variantes. On distingue, en effet, des systmes plus ou moins larges, depuis des systmes trs simples bass sur des intersections minimes entre les agents du processus d'innovation, jusqu' des systmes qui englobent une vaste gamme d'influences sur le comportement des agents conomiques. Cette indtermination relative pose, fondamentalement, un problme thorique de dlimitation du systme. Nanmoins, l'approche en termes de systmes d'innovation est pertinente. Elle permet de surmonter les limites d'une vision linaire et strictement conomiciste . La conception systmique r-enchsse l'innovation dans la complexit de la socit. Cependant, une difficult s'impose. Elle concerne, comme nous l'voquions, la dlimitation des frontires du systme. En effet, il s'agit d'une question importante pour situer l'analyse des systmes d'innovation, soit strictement dans le domaine de l'analyse des mutations techniques ou alors dans le contour des analyses institutionnelles plus gnralistes de l'conomie et de la socit. Les trois sources conceptuelles de l'approche en termes des systmes d'innovation sont, pour reprendre K. Smith (1998) : . la prise des dcisions conomiques repose sur des fondements institutionnels. La consquence en est que diffrentes structures institutionnelles donnent lieu des diffrences dans les comportements conomiques et dans les performances auxquelles ces comportements conduisent;

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l'avantage comptitif (des nations) se consolide, du moins, dans la thorie traditionnelle, sur la spcialisation des conomies; . la connaissance technologique rsulte de l'apprentissage interactif: ce qui donne naissance des bases de connaissance)} distinctes selon les agents. Ces bases de connaissance diffrentes conditionnent leurs spectres d'innovation. Pour Amable (Amable B., 2003, p. 369), le premier lment est significatif, parce qu'il permet d'insrer l'ensemble des recherches sur les systmes nationaux d'innovation (SNI) dans la ligne des tudes institutionnalistes de l'conomie. Le deuxime lment souligne la contribution des systmes d'innovation en termes de comptitivit externe et de spcialisation industrielle dans l'analyse des trajectoires nationales. Enfin, le dernier lment intgre les approches en termes de systmes d'innovation dans l'conomie volutionniste. Les origines des systmes d'innovation se situent au carrefour de l'conomie de changement technique et de l'analyse des politiques scientifiques et technologiques. Ainsi, il ne faut pas considrer comme trange l'importance confre aux institutions directement associes au processus d'innovation et l'accumulation de connaissances assujetti l'influence des politiques publiques. Toujours selon Amable, la conception fondamentaliste du systme d'innovation reste concentre autour des activits strictement scientifiques. C'est cette conception qui est la plus rpandue, rassemblant les activits communment et explicitement lies l'innovation)} (Amable B., 2003, p. 370). De son ct, Lundvall (Lundvall B.-A., 1992), distingue deux conceptions diffrentes des systmes d'innovation:

.

.

la conception stricte)} qui se limite aux domaines

de la science, de la recherche, de la technique et, dans certains cas, de J'ducation; la conception large)} qui s'tend toutes les structures conomiques et institutionnelles affectant le systme de production et d'innovation. Ainsi, la conception stricte n'tudie que le systme scientifique et technologique. De cette faon, elle sous estime les facteurs dterminants et les consquences de l'innovation en dehors de ce domaine. Les partisans de cette conception restrictive tendent, diminuer l'importance des institutions et l'influence

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macroconomique , et privilgier les chanes d'intersection plus localises, rgionales ou intersectorielles. La conception large, en tudiant les facteurs dterminants d'innovation, incorpore les influences qui ne sont pas seulement lies au domaine de la science et de la technologie. Cette approche permet d'intgrer la culture, les coutumes, les traditions nationales, les lgislations, etc. Il est alors plus adquat de parler d'un systme national d'innovation (SNI) au lieu d'un systme local construit autour de certains rseaux ou de certaines entreprises. L'approche largie des systmes d'innovation a des rpercussions sur le type de travaux empiriques. L'hypothse la plus importante indique que les diffrences structurelles nationales ont un rle dans la faon d'aborder l'innovation, la comptitivit, la spcialisation du secteur et la croissance. Cela implique, du moins, un raisonnement en deux tapes: . la technologie, ou plus gnralement, l'accumulation de connaissances ou de comptences, est organise de faon diffrente, selon les pays; l'innovation, et plus gnralement, le changement technique et l'accumulation de connaissances, sont les principaux moteurs de la comptitivit des entreprises, des secteurs, des rgions et des nations. L'ide des systmes d'innovation est trs rcente. C'est aprs les annes 1980 que nous assistons son mergence. Elle s'enracine dans les travaux de Freeman (Freeman C., 1987), Lundvall (1992) et Nelson (1993). Ainsi, Edquist (1997) considre le systme d'innovation comme tous les importants facteurs conomiques, sociaux, politiques et organisationnels et autres qui influencent le dveloppement, la diffusion et utilisation des innovations . Cela signifie que les systmes d'innovation concernent les facteurs dterminants des innovations, et non seulement ses consquences (en termes de croissance, emploi, conditions de travail, etc.). L'auteur a caractris l'apparition de l'ide des systmes d'innovation par une pluralit de dimensions parmi lesquelles il souligne le rle dterminant de l'apprentissage interactif dans les processus des innovations; ceux-ci tant interprts, dans sa conception, comme le rsultat de l'apprentissage (processus interactif entre les organisations).

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1.2.2 Les systmes nationaux et sectoriels d'innovation

a- Les systmes nationaux Dans la pratique, la notion de Systme National d'Innovation (SNI) est de plus en plus utilise ces dernires annes dans l'analyse de l'conomie, de la transformation et de la politique technologique pour expliquer le gap technologique entre les nations. Le concept du SNI nous permet d'interprter en profondeur les processus d'innovation et, cela, au-del des innovations du produit ou du processus qui surgissent dans un certain pays et dans une certaine priode. Les systmes nationaux d'innovation ont besoin d'tre compris au sens large. En effet, le concept n'opre pas seulement avec la phase innovatrice. Il met l'accent sur les principaux facteurs dterminants et sur l'organisation de l'action innovatrice. En outre, l'approche systmique de l'innovation se base sur la perception que les innovations sont principalement conduites par divers acteurs et par les relations que ceux-ci tablissent entre eux. Par consquent, la coopration entre le secteur scientifique et le secteur d'entreprise et/ou la coopration entre les diverses entreprises (mailles) se rvlent trs pertinentes, d'o l'actualit de la gouvernance des savoirs (Zaoual, 2006, pp. 380-397). C'est la raison pour laquelle l'approche des systmes d'innovation prtend identifier les principaux acteurs des processus de cration et d'absorption et les caractristiques de chacun d'eux. Il faut galement souligner que tous les concepts systmiques de l'innovation s'appuient sur le prsuppos que l'action conomique en gnral et l'action innovatrice en particulier sont configures par des arrangements institutionnels. Pour synthtiser, la dfinition du terme Systme National de l'Innovation doit, selon Balzat (2002), inclure et souligner au moins trois aspects essentiels: . la considration globale de tout le processus innovateur; . l'analyse des principaux acteurs engags dans ce

. l'arrangement institutionnel qui sert d'encadrement pour l'action conomique. Ainsi, Balzat (2002) affirme que le SNI est un ensemble d'organisations et institutions qui s'influencent mutuellement, dans39

processus (et des liaisons entre eux) ;

le dveloppement, l'absorption et la diffusion des innovations dans un pays. Par consquent, aborder le SNI est une manire d'apprendre au sujet de l'impact des organisations et des institutions dans l'activit innovatrice nationale comprise comme rsultat des processus interactifs dtermins par les divers acteurs et par leurs environnements. Malgr cela, le concept est polmique. Il a besoin, pour tre appliqu empiriquement, de contours bien dfinis. C'est ce que nous essayerons d'tablir. Dans ce but, nous allons dcomposer le concept en chacun de ses composants. Commenons tout d'abord par le terme systme . A priori, la notion de systme a une certaine connotation de ce qui est consciemment conu et construit pour atteindre un objectif prcis. Cette perspective n'est pas celle que nous adoptons. D'aprs Nelson (Nelson R. R., 1993), le concept systme renvoie un ensemble d'interactions et d'acteurs institutionnels qui sont l'origine de l'innovation. Celle-ci se construit collectivement. Les systmes, par dfinition, sont constitus par divers lments, des liaisons entre eux et un environnement institutionnel (Carlsson B., Jacobsson S., Holmn M., et Rickne A., 2002, pp. 233-245). Cette formulation gnrale s'applique galement aux SNI. Ces derniers sont ainsi conus comme des ensembles interactifs d'organisations et de relations entre celles-ci insres dans une structure institutionnelle. En ce qui concerne le terme innovation , Nelson souligne qu'il s'agit d'un processus travers lequel les entreprises dirigent et appliquent de nouvelles conceptions de produit et de procds de fabrication, encore inconnues. Dans cette indtermination, il faut souligner que l'innovateur strictement schumptrien n'est pas toujours celui qui obtient les avantages conomiques associs l'innovation. Historiquement, le travail pionnier dans la recherche sur les SNI est d Freeman. Lundvall et Nelson abordrent, aussi, le thme des processus nationaux de l'innovation sous une forme systmique, avec toutefois des perspectives diffrentes. Freeman (1987), quant lui, a introduit le concept de SNI pour dcrire et interprter la performance du Japon, le pays qui a eu le plus de succs quant ce sujet dans l'aprs-guerre. Les tudes dans ce domaine ont t diriges par deux groupes: le premier, men par Lundvall (1992), a fait des recherches sur le contenu analytique de la notion de SNI. Ces investigations identifient les rles jous par les utilisateurs, le secteur public et les institutions financires. Le deuxime groupe, 40

coordonn par Nelson (1993), a dvelopp un ensemble d'tudes de cas nationaux pour dcrire les principales caractristiques des systmes innovateurs des pays prsentant des niveaux de revenu diffrents. Ces auteurs ont appliqu la notion de systme d'innovation au niveau des Etats, en soulignant le fait que cette dimension constitue un cadre d'analyse dans lequel les diffrents acteurs producteurs de connaissances partagent un mme langage, une mme culture nationale et des rgles institutionnelles prcises qui en dcoulent. Ainsi les diffrents lments du systme national d'innovation, mme s'ils sont distants gographiquement, seront lis par une certaine proximit tant cognitive qu'institutionnelle. Partant de cette constatation, la dimension nationale semble pour ces auteurs tre l'chelle la plus approprie pour analyser la formation et le dveloppement d'innovations technologiques ou organisationnelles. Dans son ouvrage de rfrence, Nelson (1993) a rassembl une srie d'tudes dcrivant le fonctionnement et les principaux atouts de plusieurs SNI: l'Allemagne, le Royaume-Uni, la France, l'Italie, le Danemark et la Sude pour l'Europe, mais aussi les Etats-Unis, le Canada, }'Australie, le Japon qui sont des exemples de grandes puissances industrielles, ou encore la Core du sud, Taiwan, le Brsil comme exemples de nouveaux pays industrialiss. Cet ouvrage permet galement de mettre en vidence les contingences du dveloppement de ces systmes nationaux. Ces derniers varient en fonction de la structure du systme scientifique (fonde sur la recherche militaire ou non, par exemple), de la structure de l' industrie (taille des firmes ou rle de la R-D et de l'innovation pour les entreprises) ou encore en fonction des caractristiques gographiques et dmographiques (Superficie, ressources naturelles et population) de ces pays. Dans ce mme ordre d'ides, les chercheurs de l'OCDE ont dfini les SNI comme un ensemble d'institutions distinctes qui contribuent conjointement et individuellement au dveloppement et la diffusion des nouvelles technologies et qui forment le cadre l'intrieur duquel les gouvernements formulent et mettent en uvre les mesures destines influer sur le processus de l'innovation. Ainsi, c'est un systme d'institutions interconnectes, qui cre, stocke et transfre le savoir, les comptences et les ouvrages dfinissant les nouvelles technologies (OCDE, 1999). Cette formulation essaye de rsoudre les difficults de dfinition dues la grande diversit des formes empiriques qu'endossent les 41

SNI selon les pays. Cette diversit est, en substance, lie la taille du pays et son degr de dveloppement et au rle respectif des principaux protagonistes des processus d'innovation (entreprises, organismes de recherche publics et privs, administrations et autres institutions publiques) et les formes, la qualit et l'intensit de leurs interactions (OCDE, 1999).b- Les systmes sectoriels ou technologiques d'innovation

A partir de la mme approche systmique du processus d'innovation, d'autres thoriciens ont dvelopp le concept de systme sectoriel d'innovation (SSI) (Malerba F., 2002, pp. 247264). Ils considrent qu' l'intrieur d'un secteur industriel, les entreprises se regroupent en communauts dans lesquelles elles trouvent naturellement des partenaires (publics et privs) capables d'apprhender les diffrents problmes de la mme faon. Les divers lments des SSI sont donc relis par une proximit cognitive et organisationnelle (Cf paragraphe II), en somme par une culture commune. Nous pouvons rattacher cette approche au concept de systme technologique d'innovation (STI) (Carlsson B., Jacobsson S., Holmn M., et Rickne A., 2002). Il s'agit d'un systme regroupant diffrentes entreprises autour du mme artefact technologique ou d'un mme produit ncessitant, dans certains cas, des connaissances provenant de diffrents secteurs d'activit, du secteur acadmique ou encore des consommateurs utilisant ces produits ou artefacts. Ce concept peut tre rapproch de celui de communaut de pratique (Amin A. et Cohendet P., 2003). Ainsi, il renvoie un groupe d'individus cherchant amliorer la pratique d'une technologie ou d'un savoir-faire particulier. Ici, les acteurs du systme d'innovation sont lis aussi par des valeurs et une proximit cognitive. De manire intuitive, l'expression de SNI voque l'ide que les activits d'innovation sont de nature complexe. En d'autres termes, les systmes d'innovation ont un caractre multidimensionnel et collectif. Leur logique de fonctionnement ne saurait tre impute des agents individuels, ou mme des groupes d'agents coordonns par de pures relations de march. C'est la raison pour laquelle les chercheurs travaillant sur les SNI affirment qu' aujourd'hui les performances d'une conomie en matire d'innovation dpendent non seulement de la faon dont les diffrentes institutions (par 42

exemple, entreprises, instituts de recherche, universits) fonctionnent isolment mais aussi de leur interaction mutuelle, en tant qu'lments d'un systme collectif de cration et d'utilisation du savoir et de leur rapport avec les institutions sociales (valeurs, normes, cadres juridiques) (OCDE, 1999). Cet nonc est essentiel pour les dcideurs politiques qui dsirent renforcer le dveloppement conomique de leur pays. En effet, le dveloppement de l'innovation au niveau national ne peut plus se faire sur la base d'un soutien dsordonn aux diffrents acteurs, que ce soit les entreprises ou les institutions du savoir. Les approches sectorielles seules s'avrent insuffisantes. Aujourd'hui, l'efficacit d'une politique de soutien l'innovation est lie la cration d'un systme qui intgre l'ensemble des acteurs du SNI. Seule la mise en place de stratgies ayant une dimension systmique peut avoir un effet d'entranement et engendrer la cration de valeur ajoute. Paralllement ces dveloppements de l'cole sudoise, autour du concept de systme d'innovation, de nombreux travaux traitent des processus d'innovation en les rattachant la dimension territoriale. C'est cette relation entre le savoir et le territoire qu'est ddie la seconde tape de notre expos.2. LES APPROCHES PROXIMISTES D'INNOV ATION DES SYSTMES

2.1 Diversit et ambivalence d'un concept nomade

Le domaine de l'innovation, par nature changeant, connat aussi des changemnts dans les conceptions qui en explorent la nature et les causes. A ce sujet, on assiste l'mergence de nouveaux modles moins formels. Sans aucun doute, les tudes de cas, depuis les annes 80, assouplissent les approches traditionnelles par certains aspects plus dterministes. Dans ces nouvelles visions de l'innovation (Smith K., 1995, pp. 69-112), le territoire se retrouve rhabilit dans la dynamique du savoir. En un sens, le territoire n'est plus apprhend comme un ensemble inactif. Il est de plus en plus considr comme une entit active cratrice de ressources. Autrement dit, le territoire est un champ de forces et un ensemble homogne (Perroux F., 1958, pp. 1705-1723) la recherche d'une cohrence innovante. 43

Depuis Kline et Rosenberg (1986), la dynamique de l'innovation renvoie un processus d'apprentissage coteux, au cours duquel des rtroactions entre les connaissances des utilisateurs et des producteurs et leurs ressources favorisent la cration de connaissances nouvelles (par recombinaison, capitalisation de connaissances internes et externes). Puisque l'apprentissage interactif est le cur du processus d'innovation il est ncessaire d'apprhender le contexte institutionnel et culturel dans lequel il prend place ainsi que le processus temporel et historique de son dveloppement. Dans ce contexte, l'innovation est pousse par la dynamique de l'espace-territoire (Gay C. et Picard F., 2001, pp. 679-716). En effet, l'espace-territoire, ensemble d'institutions et de ressources avec lesquelles les acteurs de l'innovation interagissent, offre les conditions favorables l'change d'informations et de connaissances, et finalement l'innovation. Le point commun de cette littrature rside dans l'ide que l'atmosphre des affaires chre Marshall, ne peut se rsumer la seule concentration gographique. Un groupe de travaux postule en effet, que la proximit gographique est incapable d'expliquer par elle-mme l'existence de systmes conomiques territoriaux et leur dynamisme en matire d'innovation, si elle n'est pas renvoye un systme d'appartenance, une histoire s'incarnant dans des rgles et des reprsentations collectives (Courlet C., Pecqueur B. et Soulage B., 1993, pp. 7-21). De ce point de vue, les relations entre l'conomie et la socit ainsi que celles reliant les institutions, le savoir et le territoire deviennent dterminantes dans les processus d'innovation. Dans son article de 1985, Granovetter, thoricien des rseaux, explique qu' on ne peut comprendre comment les institutions sont construites, si l'on ne voit pas que les acteurs individuels sont insrs dans les structures sociales (Granovetter M., p. 540). En d'autres termes, les institutions sont vues comme le fruit de la structure des interactions entre individus (Kirman A., 1999, pp. 91-110). Ds lors, merge l'ide que l'espace territoire et son rle dterminant dans le phnomne d'innovation ne sont qu'une consquence des interactions que dveloppent les acteurs. A partir de cette hypothse, de nombreux travaux vont chercher interroger la conjonction entre espace physique et espace institutionnel, telle que postule dans les thories institutionnalistes, et questionner le recouvrement de ces deux formes d'espace. En 44

effet, l'espace gographique et l'espace institutionnel - vu comme un rseau relationnel - peuvent concider. Nanmoins, comme avanc par Tremblay et Rousseau (Tremblay D.G. et Rousseau S., 2003, p. 6) la proximit gographique reprsente une potentialit rendant la probabilit d'un contact plus important sans toutefois l'impliquer ncessairement . Les argumentations dveloppes dans le cadre de cette approche tentent prcisment de dmontrer le caractre non ncessaire de la proximit gographique pour dynamiser les changes de connaissances et l'innovation, et au contraire, le rle dterminant de la proximit relationnelle comme acclrateur de la diffusion de connaissances. Dans ces controverses, l'approche proximiste reproche aux institutionnalistes de restreindre le cadre d'analyse un territoire gographiquement born, et par consquent de ne pas tre capable d'expliquer les avantages comparatifs des liens locaux et des liens non-locaux. Pour rpondre cette critique, elle dveloppe l'ide que l'individu n'est pas seulement en interaction avec les membres de son site gographique mais aussi avec d'autres individus, avec lesquels ils partagent d'autres types de liens. Ds lors, la notion de proximit doit tre largie. Cette dernire vision, est dveloppe et popularise par le collectif franais dynamiques de proximit , base sur l'tude d'agents situs , c'est--dire non seulement localiss dans l'espace gographique mais aussi positionns les uns vis--vis des autres dans une structure relationnelle non spatialise par essence. Selon cette approche, la notion de proximit s'inscrit dans une conception de la ralit conomique, comme de la ralit sociale, essentiellement relationnelle (Gilly JP. et Torre A., 2000, p. 10). Autrement dit, le local n'est pas postul dans cette approche. Il est endogne, et prsent comme le fruit d'une construction sociale en mouvement. Il convient alors d'identifier les interactions l'origine de la dynamique locale d'innovation. Ces interactions expriment un certain degr de proximit. Et, celle-ci endosse de multiples figures et modalits dont la saisie reste encore limite comme en tmoigne le dbat thorique dont elle fait l'objet (Pecqueur et Zimmerman, 2004 ; Zaoual, 2005).1 Pour quelques publications rcentes du groupe, on peut se rfrer au numro spcial de la revue Economie Rurale (n 280, 2004) ou aux ouvrages coordonns par Pecqueur et Zimmermann (2004), Dupuy et Burmeister (2003), Gilly et Torre (2000) .

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Comme de nombreux auteurs, Boschma (2004, 2005) propose de diffrencier cinq types de proximit (cognitive, organisationnelle, sociale, institutionnelle et bien sr gographique) qui peuvent encourager et amliorer les interactions entre institutions productrices de connaissances et la cration de connaissances communes. Ainsi, les proximits cognitives, organisationnelles, sociales, institutionnelles peuvent tre vues comme des substituts l'existence de proximit gographique. Cependant, la combinaison de ces diffrentes formes de proximit peut permettre la mise en place, dans un territoire, d'un climat favorable l'innovation. En contre partie, la proximit gographique va pouvoir favoriser et stimuler l'existence d'autres formes de proximit. Cependant, trop de proximit peut aussi entraner des effets de blocage lors de ces interactions. En effet, les msententes et la concurrence entre les acteurs locaux peuvent aussi inhiber leur capacit cooprer. La proximit gographique constitue le pendant de la proximit organisationnelle du point de vue des relations entre agents. Alors que la proximit organisationnelle traite de la sparation conomique et des liens en termes d'organisation de la production, la proximit gographique traite de la sparation dans l'espace et des liens en termes de distance (Gilly JP. et Torre A., 2000, p. 10). Elle fait rfrence la notion d'espace (gonomique) renvoyant largement la localisation des entreprises, elle intgre la dimension sociale des mcanismes conomiques. Il ne s'agit pas uniquement d'une proximit physique dans la mesure o elle n'est pas donne par les contraintes naturelles, mais, elle est construite socialement. C'est la proximit gographique qui peut permettre aux acteurs, lorsque les routines. butent sur la ralit et ne conduisent plus l'efficacit, d'explorer collectivement de nouvelles combinaisons productives et de nouvelles modalits de coopration, c'est--dire de nouvelles formes de proximit institutionnelle, aussi bien locales que locales-globales (Gilly J.P. et Pecqueur B., 2000).. En raison de la complexit du concept en cause, les travaux thoriques issus de l'approche proximiste suggrent d'investiguer le pouvoir explicatif de diverses formes de proximits non spatiales. Le premier apport de ce courant est donc d'largir la notion d'espace, et d'y intgrer des espaces interactionnels non localiss, dont le fonctionnement remet en question le caractre ncessaire et suffisant de la proximit gographique. 46

Toutefois, ces travaux vont plus loin, prsentant la proximit gographique comme une contrainte. Ainsi, Boschma (2004), Boschma et Lambooy (1999) et Boschma, Lambooy et Schutjens (2002) soutiennent que trop de proximit (quelle qu'elle soit) peut s'avrer nfaste pour l'innovation. De plus, l'excs de proximit gographique peut engendrer des effets d'encombrement pnalisant pour' l'innovation. De mme, trop de proximit cognitive, sociale, ou institutionnelle, peut inhiber l'innovation du fait d'un manque d'ides nouvelles et contradictoires, sources de crativit. Ainsi, le deuxime apport de ces thoriciens est de prsenter pour la premire fois la proximit (quelle que soit l'espace dans lequel elle se dcline), comme un frein possible l'innovation. Dans l'approche proximiste , le rle bnfique de l'espace gographique pour l'innovation est mis mal, et on lui substitue l'ide d'un espace relationnel favorable quel que soit son ancrage gographique. Certes, la proximit physique peut constituer un support la coordination des acteurs mais ce sont les interactions entre acteurs qui stimulent, en dernire instance, la diffusion et la cration de connaissances, en somme une dynamique territoriale d'innovation. Toutefois, si le ct interactionnel devient dterminant voire discriminant, peu de prcisions sont donnes quant l'identit des acteurs en interaction. Au mieux, Cowan et Jonard (Cowan R. N. et Jonard N., 2004) caractrisent le type d'interactions favorables (locales vs non locales). Cependant, tous les acteurs doivent-ils tre connects? A priori, non, puisque certains travaux prcisent que l'excs de relations peut s'avrer nfaste. On aimerait disposer de travaux complmentaires, distinguant les diffrents acteurs de l'innovation, et leurs besoins de proximit relationnelle respectifs. Mme si la littrature conomique se concentre plus particulirement sur l'importance de la proximit gographique, qui permettrait de favoriser les interactions entre les acteurs, nous estimons qu'elle ne suffit pas engendrer des interactions innovantes entre eux. Selon Rallet et Torre, pour faciliter ces interactions, la proximit gographique devra tre structure et active par la proximit organise. Cette structuration des relations inities par la proximit gographique pourra se faire par l'intermdiaire d'institutions macroconomiques, dans le cadre d'un systme national d'innovation (ou rgional). On retrouve donc ici le rle de la proximit institutionnelle. 47

Au contraire, si les institutions sont loignes gographiquement, des interactions pourront intervenir dans des rseaux non territoriaux, o seule la proximit organisationnelle s'affirme. On peut galement noter que, par l'intermdiaire du processus de mobilit des acteurs, la proximit organisationnelle peut se transformer en proximit gographique temporelle et partielle. Ainsi, la proximit organisationnelle va pouvoir compenser ce que ces auteurs nomment les besoins temporaires de proximit gographique. Autrement dit, la proximit organisationnelle va permettre dans certains cas de mettre en relation les acteurs concerns sur la base d'changes face--face, mme ponctuels. En d'autres termes, pour que ces interactions se mettent en place de manire plus dynamique, la proximit gographique doit s'accompagner d'autres formes de proximit (cognitive, organisationnelle, sociale ou institutionnelle) qui permettront, mme si la proximit gographique est temporaire, de crer des rseaux d'agents htrognes qui pourront interagir et crer de nouvelles connaissances. La diversit agit ainsi comme moteur de changement et de dcouverte. En dfinitive, le dveloppement de