HARMONISATION COMPTABLE EN EUROPE: APERÇU I

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HARMONISATION COMPTABLE EN EUROPE: APERÇU I FINÉCO, vol. 7, N o 1, 1 er semestre 1997 41 HARMONISATION COMPTABLE EN EUROPE: APERÇU I Elisio Brandao (Université de Porto, Portugal) 1 Résumé. L’auteur destine aux lecteurs canadiens de Finéco son premier aperçu, général et panoramique, du phénomène de l’harmonisation comptable en Europe. Il en explique le contexte, la nature, la finalité et l’évolution sous l’impulsion des directives pertinentes (les 4 e , 7 e et 8 e ) guidant les quinze états membres de l’Union européenne. Il évoque la concurrence règlementaire venant de l’International Accounting Standards Committee et des instances comptables américaines auto- suffisantes. Il ne s’étonne pas des progrès modestes de l’harmonisation comptable en Europe, vu la diversité économique et culturelle du continent et les besoins inter- nationaux des grandes multinationales. Il prend acte d’un acquis: les états financiers des sociétés des divers pays concernés sont reconnus, à l’échelle de l’Union, même si, en pratique, leur manque de comparabilité nécessite souvent un effort coûteux de réconciliation. Dans un prochain article (Aperçu II), l’auteur poussera plus loin son évaluation des effets concrets de l’harmonisation comptable et des directives sur la qualité de l’information financière en provenance des mul- tinationales européennes. I. INTRODUCTION La direction de Finéco a pris prétexte de notre intérêt pour la règlementation financière et comptable en Europe (Brandao, 1988) pour nous demander de faire un peu le point, au bénéfice de ses lecteurs en majorité canadiens, sur le phénomène de l’harmonisation comptable que connaît notre continent depuis les années 80. Il nous convient d’y répondre sous forme de deux aperçus. Le présent (Aperçu I) se veut plutôt panoramique, notre souci étant d’expliquer le phénomène en général, sa finalité et les apparences de son évolution, en soi, et par rapport au contexte mon- dial. Dans un prochain article (Aperçu II), et via une revue de travaux empiriques 1 M. Elisio Brandao est professeur de finance à la Faculdade de Economia, Universidade do Porto, Rua Dr Roberto Frias, 4200 Porto, Portugal (Tél.: 351-2-557-1100; fax: 351-2-550- 5050; e-mail: [email protected]. Il remercie vivement le professeur Guy Charest, l’édi- teur de Finéco, pour sa confiance et son soutien éditorial.

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HARMONISATION COMPTABLE EN EUROPE: APERÇU I

Elisio Brandao (Université de Porto, Portugal)1

Résumé. L’auteur destine aux lecteurs canadiens de Finéco son premier aperçu,général et panoramique, du phénomène de l’harmonisation comptable en Europe.Il en explique le contexte, la nature, la finalité et l’évolution sous l’impulsion desdirectives pertinentes (les 4e, 7e et 8e) guidant les quinze états membres de l’Unioneuropéenne. Il évoque la concurrence règlementaire venant de l’InternationalAccounting Standards Committee et des instances comptables américaines auto-suffisantes. Il ne s’étonne pas des progrès modestes de l’harmonisation comptableen Europe, vu la diversité économique et culturelle du continent et les besoins inter-nationaux des grandes multinationales. Il prend acte d’un acquis: les étatsfinanciers des sociétés des divers pays concernés sont reconnus, à l’échelle del’Union, même si, en pratique, leur manque de comparabilité nécessite souvent uneffort coûteux de réconciliation. Dans un prochain article (Aperçu II), l’auteurpoussera plus loin son évaluation des effets concrets de l’harmonisation comptableet des directives sur la qualité de l’information financière en provenance des mul-tinationales européennes.

I. INTRODUCTION

La direction de Finéco a pris prétexte de notre intérêt pour la règlementationfinancière et comptable en Europe (Brandao, 1988) pour nous demander de faire unpeu le point, au bénéfice de ses lecteurs en majorité canadiens, sur le phénomènede l’harmonisation comptable que connaît notre continent depuis les années 80. Ilnous convient d’y répondre sous forme de deux aperçus. Le présent (Aperçu I) seveut plutôt panoramique, notre souci étant d’expliquer le phénomène en général, safinalité et les apparences de son évolution, en soi, et par rapport au contexte mon-dial. Dans un prochain article (Aperçu II), et via une revue de travaux empiriques

1 M. Elisio Brandao est professeur de finance à la Faculdade de Economia, Universidade doPorto, Rua Dr Roberto Frias, 4200 Porto, Portugal (Tél.: 351-2-557-1100; fax: 351-2-550-5050; e-mail: [email protected]. Il remercie vivement le professeur Guy Charest, l’édi-teur de Finéco, pour sa confiance et son soutien éditorial.

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représentatifs, nous tenterons d’évaluer les effets concrets de l’harmonisationcomptable sur la qualité de l’information financière en provenance des grandesfirmes européennes multinationales.

Indéniablement, les écrits sur l’harmonisation comptable vue d’Europe abon-dent. En témoignent la suite presque continue d’articles sur le sujet dansl’European Accounting Review, sur plusieurs desquels nous reviendrons, et la paru-tion d’ouvrages ambitieux et panoramiques dont deux bons exemples récents sontComptabilité internationale, un ouvrage édité en plusieurs langues par Raffour-nier, Haller et Walton (1997) et Comparative Studies in Accounting Regulation inEurope édité par Flower et Lefebvre (1997). En revanche, l’intérêt des Canadienspour l’Union européenne (UE) et son phénomène d’harmonisation économique(comptable comprise) semble minimal. Le survol d’un grand nombre de numérosde la (très soignée) Revue de la Banque du Canada a permis de relever un seul dos-sier substantiel sur l’historique et les implications de l’UE pour le Canada(Dupasquier et Jacob, 1997). Un échantillon de 21 numéros, d’entre 1990 et 1998,de la revue réputée de l’Association canadienne des professeurs de comptabilité,Contemporary Accounting Research, a permis d’identifier trois articles seulementoù on réfère, en quelques paragraphes tout au plus, à l’harmonisation comptable ausein de l’UE (Falk, 1994; Monsen et Wallace, 1995; Firth, 1997). Les chercheurscanadiens en comptabilité sont-ils enclins à limiter leur univers d’étude aux rivagesnord-américains?2 Se peut-il qu’ils sous-estiment l’importance des développe-ments en Europe, là où se constitue un bloc économique de toute première impor-tance? Quoi qu’il en soit, parions que leur intérêt va croître avec les signes de forcede l’Europe (par exemple, l’introduction graduelle de l’euro à partir de 1999), avecles statistiques du gigantisme économique européen à venir et, pourquoi pas, avecdes articles sur le sujet, tel le présent, destinés aux Canadiens.

Dans ce qui suit, à la section II, nous situons et définissons le phénomèned’harmonisation comptable. À la section III, nous décrivons la teneur et la finalitédes directives principales (les 4e, 7e et 8e) au coeur de cette harmonisation enEurope. À la section IV, nous donnons, par quelques exemples concrets, une idéedu manque de comparabilité de l’information comptable et financière en UE, no-nobstant le degré d’harmonisation déjà atteint. À la section V, nous avançons

2 Entendons-nous. Il n’y a pas d’erreur, bien au contraire, à mener de solides études nord-américaines sur les différences comptables interpays, vu l’Accord de libre échange y ex-istant (NAFTA). Le bon exemple là-dessus vient de Bandyopadhyay et al. (1994), dont letraitement de la question “Réconciliation ou réciprocité comptable?” est exemplaire et laméthodologie inspirante pour un chercheur, européen ou autre. De plus, nous savons qu’ona publié au Canada quelques articles de vulgarisation [par exemple, Adjaoud (1996)] surle phénomène de l’harmonisation comptable dans le monde.

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diverses impressions quant à l’avenir du processus d’harmonisation en Europealors que grandit l’influence de la règlementation concurrente (internationale ouaméricaine).

II. TOILE DE FOND, DÉFINITION ET FINALITÉ

La mise en harmonie graduelle (ou l’harmonisation croissante) des politiqueséconomiques et monétaires des pays européens a créé l’Union européenne (UE). Ily a harmonisation (un terme éminemment diplomatique) lorsque des entités,nationales ou continentales, sous l’impulsion de forces et d’enjeux communs sou-verains, trouvent profitable d’accorder leurs politiques dans l’espoir de gagner enbien-être.

Toile de fond

La toile de fond de l’harmonisation comptable en Europe, c’est l’émergencede l’UE. Cette dernière appelait la première. Et nos lecteurs peuvent, avec Dupas-quier et Jacob (1997) s’en rappeler les phases. Au tout début, il y a eu le PacteCharbon-Acier (1951), suivi du Traité de Rome (1957) baptisant la Communautééconomique européenne, l’abolition des douanes (vers 1968), l’instauration dusystème (serpent) monétaire européen (1979) et le Traité de Maastricht (signé en1991) qui prévoyait les dernières phases de la réalisation, sur les plans économiqueet monétaire, de l’UE: la libre circulation des capitaux, des marchandises, des ser-vices et des personnes (1993), la création d’une Banque centrale européenne ausein du Système européen des banques (1998), l’introduction de la monnaie com-mune, l’euro (prévue pour janvier 1999) et sa mise en circulation (vers 2002) enremplacement des monnaies nationales.

Peuplée de plus de 370 millions d’habitants, l’UE, englobe couramment 15états (Allemagne, France, Royaume-Uni, Italie, Espagne, Portugal, Pays-Bas, Bel-gique, Suède, Danemark, Autriche, Finlande, Grèce, Irlande et Luxembourg), etbientôt d’autres états (Pologne, Tchèquie, Hongrie, etc.). Son moteur est la Com-mission européenne3. L’UE constitue, de mémoire d’homme, la plus vaste entrepri-se d’harmonisation interpays. Les ententes économiques, monétaires et sociales se

3 Plus précisément, l’UE a, à son sommet, le Conseil européen (réunissant les 15 chefs d’étatou de gouvernement aux fins de dicter les orientations). Celui-ci chapeaute les colégisla-teurs et organes décisifs que sont le Parlement (à double capitale: Bruxelles-Strasbourg) etle Conseil des ministres, sous lesquels fonctionne le moteur de l’UE: la Commission eu-ropéenne qui a l’initiative des directives, voit à leur application, gère le budget, etc. De plus,la Commission a des antennes conseillères: un Comité de contact et un Forum.

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sont forcément répercutées jusque sur le plan comptable. Ainsi a-t-on voulu harmo-niser (coordonner aime-t-on dire) les normes comptables nationales via desdirectives très souples, mais néanmoins suffisamment contraignantes pour attein-dre un but essentiel: fournir une information accessible, pertinente, et reconnue endroit par les utilisateurs au sein des pays unis.

La tâche était herculéenne vu les innombrables différences comptables inter-pays susceptibles de compliquer l’interprétation des états financiers. Cesdifférences portent surtout sur la quantité, la disponibilité, la révision, le schéma etla fréquence de production des états financiers, de même que sur l’évaluation desactifs, la mesure des bénéfices, la conversion des devises, sans compter les diffi-cultés d’interprétation attribuables aux biais et au jargon dans les donnéescomptables, aux langues utilisées, aux cultures bien diverses, etc. Les écrits abon-dent sur ces différences et ces difficultés. Parmi les plus accessibles, citons Nobes(1992), Klee (1992), Raffournier et al. (1997) mais, en particulier, Blake et Amat(1993).

Une définition comptable

L’harmonisation comptable est un processus enclenché par des organismessupranationaux (UE, Nations-Unies, OCDE, etc.). Elle évoque d’ordinaire, un ali-gnement transnational plus ou moins rigide, voire une simple coordination, desnormes comptables d’une partie du monde, ou du monde entier. Par normalisation,on sous-entend en général un alignement plutôt rigide des pratiques et principescomptables existant dans un pays (ou des parties de pays à traditions, juridiques ouautres, très différentes). Notons cependant que les organismes internationauxprivés (tel l’IASC) s’en tiennent au terme normalisation pour définir leur apportincitatif en normes internationales d’évaluation et de divulgation. Des définitionsplus ou moins formelles abondent dans les écrits. Falk (1994, p. 600) fait écho àplusieurs d’entre elles. Les plus générales décrivent le phénomène comme uneréponse à des enjeux communs suffisants pour créer l’harmonie nécessaire àl’adoption de buts communs ou à la résolution des conflits. Une définition peut-êtreplus intéressante - en tout cas plus descriptive de l’harmonisation à saveur euro-péenne - veut qu’il s’agisse d’une entente sur un processus qui délimite les varia-tions acceptables dans les pratiques comptables (Arpan et Radebaugh, 1985) despays signataires. Pour Cooke et Wallace (1990), l’harmonisation sous-entend queles techniques et concepts comptables des pays concernés peuvent se fondre en unensemble acceptable.

Harmonisation et finalité de l’information

Il est reconnu toutefois que le degré d’harmonisation comptable souhaitableest fonction de la finalité attribuée à l’information produite. Or, cette finalité n’est

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pas évidente dans les pays européens où, hormis au Royaume-Uni, la capitalisationboursière est encore relativement faible4 (mais en forte hausse) et l’actionnariatconcentré (mais sur une pente démocratique), de sorte que les états financiers sontencore surtout produits pour l’appareil fiscal et les gros créanciers, les banques no-tamment, plutôt que pour les actionnaires. D’où la difficulté de fixer le degré d’har-monisation souhaitable comme le déplore Walton (1992) et le flottement qui peuten découler. L’on touche ici au besoin des instances décisionnelles de bien com-prendre, via la recherche, la problématique et les forces sous-jacentes en cause afind’y répondre par un degré optimal d’harmonisation. Traitons en succession de cesforces et de la recherche souhaitable.

a) Une réponse à des forces mal connues

On rend des comptes à qui a droit (contractuel ou autre) de les exiger. Lacomptabilité est donc un service rendu aux apporteurs de fonds et aux autorités del’état, des marchés et de la profession. Et la présentation comptable va s’adapter enfond et en forme, dans sa finalité comme dans ses principes d’organisation, auxforces dominantes exercées par les ayants droit à l’information. Le créancier do-minant avec siège au Conseil d’administration, si typique de l’Europe, n’a pas lemême besoin d’information comptable que l’actionnariat dominant typique del’Amérique. L’on voit déjà que toute harmonisation comptable devient d’autantplus complexe que les ayants droit à l’information ne se ressemblent pas d’un paysà l’autre. Comment s’entendre alors pour plus d’harmonie comptable, sansqu’aucune partie prenante soit moins bien servie qu’avant?

Sur l’optimum recherché, il ne manque pas de conseillers, notamment lesgrands organismes comptables, ou les notables du domaine. Par exemple, trèsrécemment, l’American Accounting Association (AAA, 1998) rappelait ses con-victions quant aux critères de qualité d’une norme comptable: (1) la norme vise-t-elle une lacune du modèle de “reportage” financier? (2) la norme corrige-t-elle lalacune? et (3) son bénéfice attendu dépasse-t-il son coût attendu? L’on voit icil’optique étroitement utilitaire de l’AAA. Pour sa part, Wyatt (1992) a rappelé quele principal apport de la comptabilité au bien-être de la société est de fournir uneinformation crédible aux décideurs. Également, que l’harmonisation ne doit pasêtre perçue comme une subversion des normes nationales, mais plutôt comme unbienfait apporté en surcroît dans des circonstances où les oppositions de normesnationales créeraient des tensions et des méprises. Il s’agit pour Wyatt d’en res-

4 Pour des statistiques sur la capitalisation boursière en Europe, se rapporter à Flower (1997a,p. 40), dont la source est dans les rapports mensuels des Bourses suisses. Voir aussi le rap-port de janvier 1997 de la Deutsche Bundesbank (Francfort).

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treindre l’application aux situations supranationales sans pour autant compromettreles pratiques nationales. Il rappelle donc une évidence: on n’harmonise pas un ser-vice comme la comptabilité au-delà de ce qu’exige les marchés. Il donne aussi saperception des forces derrière l’harmonisation comptable. Elles viendraient: (1) dela technologie permettant des communications planétaires très rapides; (2) de laconstitution de blocs économiques, comme l’UE, avec leur phénoménale réductiondes entraves aux échanges; (3) de l’appui que l’IOSCO (l’Organisation internatio-nale des Commissions des valeurs mobilières) accorde de plus en plus à l’IASC (leprésage possible de la reconnaissance éventuelle par les Bourses des états finan-ciers des multinationales étrangères qui seraient dressés selon les normes interna-tionales); et (4) du désir d’accroître l’efficacité des marchés des capitaux dans lemonde, un désir partagé non seulement par l’IOSCO, mais surtout par les firmesqui cherchent à abaisser leur coût du capital.

b) La recherche nécessaire

Nonobstant le bon sens derrière les considérations d’éminentes autorités surles forces sous-jacentes à l’harmonisation comptable, rien ne remplace de solidesrecherches dans le domaine. Celles-ci, selon Falk (1994), devraient pouvoir offriraux instances décisionnelles un cadre théorique éprouvé permettant: 1) de discernerdes objectifs communs souhaitables; 2) d’élaborer des politiques pour atteindre cesobjectifs; et 3) de répartir efficacement les ressources limitées consacrées à la pour-suite des politiques.

Qu’espérer de telles recherches? Selon Prather et Rueschhoff (1996) et leurrelevé sur la recherche “américaine” en comptabilité internationale, il faut d’abordexiger de bonnes théories de l’harmonisation et de bons tests. Illustrons cela par larecherche exemplaire de Marilyn Zarzeski (1996). D’abord, elle brosse un tableaude l’évolution de la comptabilité et des études sur la divulgation. Elle note, en pas-sant, le souci des régulateurs d’obtenir de l’information financière tant pertinenteque comparable, les exigences pour cela étant qu’on présente: (1) une même quan-tité d’information (la question du degré de divulgation); (2) une même information(les questions de mesure et de réciprocité ou reconnaissance); et (3) une informa-tion aussi fiable ou fidèle (les questions de révision). Elle constate par ailleurs quele rapport annuel semble le véhicule prévu pour les efforts d’harmonisation. Maissurtout, elle propose et éprouve un modèle dit de divulgation internationale.

Son modèle veut que le degré de divulgation (se reflétant dans les rapportsannuels des multinationales) s’explique par des forces inhérentes aux marchés et àla culture. Les marchés des produits et des capitaux, qui règlent l’allocation des res-sources dans le monde, feraient en sorte que la divulgation augmente avec la taille

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de la firme et l’importance de ses ventes à l’étranger mais baisse avec son ratiod’endettement. Une culture nationale plus secrète (plus fermée sur l’incertitude) ouà autorité lointaine (plutôt que diffuse et rapprochée) découragerait la divulgationtandis qu’une culture plus individualiste (que collective) et plus masculine (plusencline à l’assertion et à la croissance) favoriserait la divulgation vers les investis-seurs. Zarzeski offre des résultats empiriques qui soutiennent la vision postulée etles théories voulant que la divulgation dépende à la fois des ressources (via lesmarchés) et des influences culturelles, celles-ci étant perçues comme plus fonda-mentales. L’auteur voit même dans ses résultats une certaine réponse à la questionde Salter et Niswander (1995) sur ce qui peut changer la culture en matière dedivulgation comptable internationale: elle changerait selon la dépendance vis-à-visles ressources internationales. Ses grandes conclusions sont intéressantes: 1) l’har-monisation comptable totale ne serait pas atteignable vu que les pratiques dedivulgation résulteraient de la culture via les forces du marché; 2) les multinatio-nales divulguent spontanément de l’information sous la pression de la culture glo-bale et des marchés, ce qui diminue d’autant la nécessité d’une harmonisationrèglementée. La “preuve” de Zarzeski rejoint ici le bon sens de Wyatt (1992) quin’entrevoyait pas une harmonisation tous azimuts au-delà des exigences desmarchés. Elle donne aussi une bonne idée de l’éclairage que peuvent apporter detelles études en matière d’harmonisation.

III. DES DIRECTIVES, PAS PLUS

Les 4e, 7e et 8e directives européennes émises entre 1978 et 1984 ont été gra-duellement intégrées au droit des sociétés et à la règlementation comptable des paysde l’UE, en général lors de refontes de leur code commercial. Contrairement à uneItalie lente, le Danemark, la France et l’Allemagne ont été prompts à les intégrer.L’Allemagne s’est distinguée en les intégrant en même temps, le 1er janvier 1986,après avoir réformé de fond en comble sa règlementation comptable et réunil’essentiel des règles applicables à toutes ses sociétés dans son Handelsgesetzbuch,ou code commercial, révisé (Haller, 1997). Comme on pouvait s’y attendre, unetelle acceptation générale des directives par autant d’instances comptables natio-nales ne pouvait résulter que d’un vaste compromis, que d’une habile pondération,sous forme d’options, des différences comptables interpays.

La 4e directive sur les comptes individuels

La première grande directive européenne sur le plan comptable, la 4e, émiseen 1978, s’avère la plus importante de par l’étendue de son champ d’application,l’univers total des quelque trois millions de sociétés de capitaux (Van Hulle, 1990,p. 4), et son signal ambitieux de discipline et d’alignement comptable. Son traite-

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ment des comptes des firmes individuelles constitue un “mix anglo-continental” de62 articles assortis de 76 options fleurant partout le compromis. Le texte intégral dela directive est annexé à l’ouvrage collectif coordonné par Klee (1992).

La 4e directive obligeait toute firme de l’UE (hormis la financière traitée dis-tinctement) à dresser et à publier un compte rendu annuel minimal. Selon Thorellet Whittington (1994), elle voulait répondre, d’une manière universelle, auproblème de la diversité des systèmes de contrôle (juridique, professionnel, ouautre) au sein de l’UE. Ces systèmes y vont du type “bien défini” au type “flou”.Ils sont bien définis, par exemple, en France et en Allemagne, où la fiscalité et laloi des sociétés en étant prescriptives, réduisent la latitude comptable et oriententl’information vers l’État et les principaux bailleurs de fonds. Ils sont flous là où,comme au Royaume-Uni et aux Pays-Bas, le lien entre les états financiers et la fis-calité est plus faible et la latitude comptable prétendument plus grande en mêmetemps que davantage orientée, à l’américaine, vers les investisseurs5.

Le contenu de la 4e directive se résume: (1) par ses sections 1 à 8 (art. 2 à 45)décrivant l’obligation annuelle faite à toute firme de l’UE de présenter, selon un oudeux schémas, son bilan et ses résultats avec annexe appropriée, des options étantprévues là où divergent les règles et la pratique; (2) par sa section 9 précisant le con-tenu du rapport annuel de gestion attendu; (3) par ses sections 10 et 11 prévoyantla publicité et le contrôle des comptes de la société; et (4) une section 12 pour lesdispositions finales, suivies des 22 déclarations faites au moment de l’adoption dela 4e directive par le Conseil le 25 juillet 1978. [Quelques modifications mineuresont été apportées subséquemment, notamment en novembre 1990 (90/604/CEE).]Ce qui particularise la 4e directive au-delà du grand nombre des options comptablesqu’elle renferme, c’est l’adoption du principe prééminent de fidélité selon lequelles comptes doivent donner une image fidèle (“a true and fair view”) de la situationde la firme. Sa primauté étant reconnue, ce principe, d’origine anglo-américaine6,s’applique donc en toute situation où il y a conflit probant avec des principes clas-siques (de prudence, par exemple).

5 La latitude comptable augmente rapidement dans ces pays depuis les années 90. Par exem-ple, à partir de 1998, les firmes françaises cotées devraient pouvoir présenter leurs états fi-nanciers selon des règles internationales plutôt que françaises. Lire les constats de Batt(1998) et de Vernimmen (1998, p. 73) à ce sujet.

6 Pour ceux qui veulent fouiller la question de la primauté du principe comptable de fidélitéimposée par l’UE et la façon dont les états membres ont appliqué le principe, lire Van Hulle(1997). Pour des nuances sur le sens de cette fidélité, lire Colasse (1997) et, en particulier,Blake et Amat (1993, p. 64-65).

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Toujours selon Thorell et Whittington, les options et compromis de la 4e

directive constituent plus qu’une façade de camouflage du statu quo comptable.Elle aurait eu un effet d’alignement transnational certain sur les traditions compta-bles par ses articles les plus prescriptifs (sur le format et la publication del’information). Toutefois, l’effet sur les mesures d’évaluation aurait été plutôtmince.

La preuve paraît difficile à faire quant aux effets véritables de la 4e directive.Ce que l’on sait, c’est que les effets de l’adoption du principe de fidélité ont suscitébien des articles dont ceux de l’European Accounting Review 2 (1993), Alexander(1996), Ordeilheide (1997), etc. Concernant la France, mentionnons l’impressionde Haller et Walton (1997, p. 18) selon lesquels l’adoption, en loi, du principe defidélité y a eu un effet dérisoire (une simple adjonction, sur papier, aux deux prin-cipes traditionnels d’évaluation: régularité et sincérité) et l’impression moins nihi-liste, plus crédible, de Colasse (1997) voulant que la reconnaissance obligée,répétitive, d’un principe comptable qu’on veut contourner, finit par changer, au fildes ans, la façon de comptabiliser les choses. Assez dit sur la 4e directive. Passonsaux 7e et 8e.

La 7e directive: consolidation des comptes des groupes

Si l’on exige depuis longtemps dans le monde anglo-américain que lesgroupes financés publiquement consolident et divulguent leurs comptes, pareilletradition de transparence en Europe continentale communautaire (hormis les Pays-Bas) n’a vraiment commencé qu’avec l’intégration de la 7e directive aux droitsnationaux respectifs.

La 7e directive, promise à l’article 57 de la 4e, étendait aux groupes les obli-gations de dresser, de contrôler et de publier des comptes consolidés dans lesformes et méthodes harmonisées prescrites. Van Hulle (1990) a rappelé les diffi-cultés de la Commission européenne pour définir les groupes. Lamb (1995) a faitune remarquable synthèse des divers concepts de groupe et de leurs implicationspour l’UE sur divers plans: règlementaire, fiscal, etc. En principe, la 7e directiveimpose aux états membres d’exiger la consolidation là où une société-mère con-trôle en droit (de jure, via une majorité d’actions votantes) une ou plusieurs filiales,le critère de droit étant privilégié dans la définition des filiales; mais elle permetaussi aux états d’exiger la consolidation là où s’exerce un contrôle de fait (de facto,via une participation minoritaire suffisante, une gestion commune, etc.), le toutassorti de nombreux cas d’exclusion. La coexistence de concepts de groupe admis-sibles (de jure, plutôt anglo-saxon et de facto, plutôt continental) reflète bien larecherche de l’union par les compromis.

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Avec Nobes (1992), donnons une meilleure idée de la 7e directive en relevantses articles clés: Art. 1: les filiales sont surtout définies en termes de critères dedroit (de jure plutôt que de facto); Art. 3: la consolidation englobe les filialesétrangères; Art. 4: il y a consolidation pour tout type de sociétés et sans égard austatut juridique de la filiale; Art. 7: une filiale possédée à part entière est exemptéede la consolidation de ses propres filiales; Art. 13: sont hors consolidation les fi-liales qui seraient trop coûteuses à consolider, peu importantes, etc.; Art. 14: esthors consolidation la filiale à activités trop dissemblables; Art. 16: la consolidationdoit être fidèle à l’image du groupe; Art. 17: des schémas (formats) uniformes sontobligatoires; Art. 19: le “goodwill”, dit aussi “achalandage” ou “survaleur d’acqui-sition”, doit subir une seule et juste estimation à la date de la première consolidationou de l’acquisition; Art. 29: les règles d’évaluation sont celles de la 4e directive; lesévaluations pratiquées aux fins fiscales doivent être corrigées, ou au moinsdivulguées; Art. 30: la survaleur (ou goodwill) doit être amortie ou radiée; Art. 33:les participations minoritaires doivent être regroupées et évaluées à leur coûtd’origine, ou en proportion des actifs nets; etc. À noter que Nobes, un britannique,se fit fort de remarquer que la grande majorité des articles clés de la 7e directivesont d’inspiration anglo-hollandaise, avec toutefois une certaine influence fran-çaise et un très faible apport allemand (ci-dessus, les articles 4 et 17 seulement).Cela n’étonne pas: les pays expérimentés en la matière se devaient d’enseigner auxautres!

Fidèle à son attitude de souplesse, la Communauté prévoyait pour les étatsmembres plusieurs options, notamment des exemptions pour les petits et moyensgroupes, les holdings financiers et les groupes ayant une société-mère noneuropéenne dont les comptes consolidés ont valeur d’équivalence. Il s’avère que la7e directive était suffisamment élaborée et inspirante pour que s’améliorent la com-parabilité et la divulgation des comptes consolidés des groupes européens. En1992, douze des quinze pays de l’UE l’avaient déjà intégrée à leurs lois. Mais pourles multinationales aspirant à être cotées hors UE, la question s’est vite posée: nesuffirait-il pas de consolider les comptes en fonction des normes américaines, voiredes normes internationales de l’IASC? Il semble que d’un assouplissement à l’autrel’UE ait fini par lui donner une réponse positive, les grandes sociétés européennesayant déjà obtenu dans les faits une telle latitude, comme nous l’avons déjà men-tionné (au renvoi 5).

Selon Van Hulle (1990, p. 8, parlant pour la Commission de la CEE, Direc-tion générale XV), “l’importance de la 7e directive réside surtout dans le fait qu’elleintroduit dans la plupart des États membres pour la première fois une obligationgénéralisée d’établir des comptes consolidés et qu’elle permet à la Communauté departiciper plus activement aux discussions internationales en matière d’harmonisa-

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tion comptable, ces discussions se rapportant particulièrement aux comptesconsolidés”. Déjà en 1990, on pouvait sentir la “dérive vers l’international” des exi-gences comptables pour les multinationales européennes. Il n’empêche que lebritannique Nobes (1992, p. 120) reconnaissait que la 7e directive devrait apporterune grande amélioration dans la comparabilité et l’accessibilité des comptes desgroupes au sein de l’UE.

La 8e directive sur la révision des comptes

Via la 8e directive adoptée en 1984, la Communauté européenne visait sur-tout à harmoniser les exigences à imposer aux réviseurs des comptes des sociétésen son sein, sinon à instaurer de telles exigences là où elles étaient absentes. Résu-mons-en le contenu en empruntant à Nobes (1992).

. Dans les premiers articles, on réserve le travail de révision aux spécialistesagréés par les états membres ou les instances professionnelles concernées.

. Suivent les précisions sur les études universitaires et les stages à exiger desfuturs réviseurs, sur les cas de dérogation aux exigences de formation et surdiverses mesures de transition visant le personnel comptable expérimenté maisnon agréé qui, dans divers pays (Allemagne, Danemark, Portugal, etc.), oeuvredepuis longtemps dans l’entreprise.

. Vers la fin, on décrit les exigences (assez vagues) d’éthique et d’indépendanceen plus d’exiger qu’une liste de réviseurs agréés soit disponible et que chaquesociété identifie ses propres réviseurs.

Au total, la 8e directive constituait un programme d’harmonisation en dou-ceur, de sorte que quatorze ans plus tard, on se trouve loin d’un euro-marché intégrépour les services de révision, les intérêts en place n’ayant pas vraiment été bous-culés (Maijoor et al., 1998; Margerison et Moizer, 1996). Pour l’essentiel, lesgrands cabinets internationaux (sous influence anglo-saxonne) se partagent la révi-sion des comptes des grandes sociétés7, le restant allant aux réviseurs plusautochtones.

Flower (1997a, p. 41) a rapporté des statistiques (indicatives tout au plus) surles effectifs en comptables et réviseurs agréés par pays. Elles révèlent qu’il y enaurait plus au Royaume-Uni (quelque 200 000 en 1993) que dans l’ensemble desautres pays de l’UE (où, en revanche, une multitude de techniciens comptables,d’économistes d’entreprise, etc., sont à l’oeuvre). Cette importance frappante des

7 Lire Rochat et Walton (1997) pour comprendre la problématique de la révision des comptesdes multinationales et la répartition du marché lucratif concerné.

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effectifs agréés britanniques peut faire comprendre pourquoi les directives euro-péennes sont marquées par leur influence, tout comme l’est l’IASC, et d’autant plusque la capitalisation boursière à Londres en 1994 (780 000 millions d’écus) égalaità peu près le total de Paris, Francfort, Amsterdam et Milan (Flower, 1997a, p. 40).Cette influence prépondérante, sinon inquiétante, a au moins un détracteur britan-nique de taille, Anthony G. Hopwood (1990, 1994), du London School of Eco-nomics. Il répète qu’il faut se méfier des groupes puissants derrière l’harmonisationcomptable vu qu’on peut craindre qu’ils oeuvrent davantage en fonction de leursintérêts étroits (professionnels, nationaux ou autres) que d’une meilleure compara-bilité de la comptabilité des entreprises.

IV. DIFFICULTÉS D’INTERPRÉTATION MALGRÉ L’HAR-MONISATION

Le processus d’harmonisation comptable en Europe, sous l’impulsion desdirectives concernées, donne-t-il les signes attendus de progrès vers l’harmoniedésirée? Avant de dégager nos impressions sur l’évolution du processus, voyonsdivers indices du manque de comparabilité comptable en UE, malgré les effortsd’harmonisation déjà consentis.

Un exemple du secteur chimique

Les indices fournis par Canibano et Giner (1996) sont résumés au tableau 1.Des différences comptables typiques entre pays de l’UE y apparaissent8 ainsi quedivers effets de la réconciliation pratiquée. Plus précisément, les auteurs ont appli-qué les normes et principes comptables espagnols retenus (entre plusieurs autrespossibles) par la Société Repsol aux états financiers de cinq concurrentes (nonespagnoles) de pays différents de l’UE. Leur objectif était d’illustrer jusqu’à quelpoint le recours à différentes méthodes comptables compromet l’analyse financièrecomparative, à moins d’effectuer des ajustements préalables laborieux. Ils ont notéque les divergences comptables majeures concernaient surtout les immobilisationscorporelles, le crédit-bail financier, les actifs incorporels (dont les survaleursd’acquisition, dites aussi achalandage ou goodwill) les coûts de R&D, les conver-sions de devises et l’impôt sur le revenu.

8 Pour une ample description des divergences comptables au sein de la Communauté eu-ropéenne, lire Alexander et Archer (1992), Klee (1992), Blake et Amat (1993), Flower etLefebvre (1997), etc. Ces divergences interpays proviennent de différences dans les lois, lafiscalité, l’organisation des sociétés commerciales, voire dans les effectifs professionnels etleur influence. Concernant ces derniers, lire les statistiques européennes rapportées inFlower (1997a, p. 41).

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HARMONISATION COMPTABLE EN EUROPE: APERÇU I

TABLEAU 1Quelques différences comptables typiques entre pays de l’UE et effets d’ajustement aux normes d’un même pays (l’Espagne): le

cas du secteur chimique en 1991NB.: Les analystes-auteurs* ont adopté les normes comptables de la société espagnole Repsol pour

ajuster les états financiers de cinq de ses concurrentes étrangères. Bien entendu, bien d’autrescritères seraient conformes à la comptabilité espagnole (elle-même conforme aux directiveseuropéennes).

* Source: Canibano et Giner (1996). Extraits et adaptation de leurs tableaux I à IV, p. 43, 44, 52 et 53.a Arrondis au point de pourcentage le plus près.b Les devises respectives sont en pesetas, marks, francs, livres, florins et lires; les chiffres sont arrondis à l’unité la

plus rapprochée.NB: Pour en connaître beaucoup plus sur les différences comptables en Europe, lire Alexander et Archer (1992).

Le tableau 1 donne une idée des divergences comptables et des effets de ré-conciliation. Pour le levier financier, les résultantes des ajustements des analystesont été peu conséquentes: plus ou moins 10% pour 5 pays sur 6. L’exception(-35%) est due à la forte réévaluation, d’environ 25%, des immobilisations cor-porelles de Bayer vu qu’en Allemagne on s’en tient au coût historique. Cette mêmeréévaluation a aussi fortement déprimé le bénéfice de Bayer. Si on y ajoute l’effetnégatif d’incorporer les survaleurs au bilan (plutôt que de les imputer aux réserves),on obtient une correction totale de -72% pour le bénéfice par action (BPA) deBayer.

Quant à la réduction de -380% du BPA de Rhone-Poulenc, elle s’expliquesurtout par trois ajustements: (1) un important profit de cession d’actifs a étéretranché du bénéfice “ordinaire” et considéré comme gain extraordinaire; (2)

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Esp.Repsol

All.Bayer

Fr.Rhone-Poulenc

Angl.Imperial

Chemicals

P.-BasAzco

It.Pirelli

Immobil.corporelles

Coût mis à jour Coût Coût Valeur courante Coût Coût mis à jour

Crédit-bail Immob. incorp. Dépense Immob. corp. Immob. corp. Immob. corp. Immob. corp.

Survaleur (Goodwill)

Amortie en 10 ans

Imputée aux réserves

Amortie en 40 ans

Imputée aux réserves

Imputée aux réserves

Amortie en 10 ans

Levier financier original/Ajusté(Aj. - Orig.)/Orig.

1,301,300%

1,240,81-35%

1,801,64-9%

1,151,09-5%

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Bénéf./Action orig. hormis gains extraor.b

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(Aj. - Orig.)/Orig.

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l’amortissement rétroactif des survaleurs à 10% par année (plutôt qu’à 2,5%) anécessité un ajustement du bilan et signifié un montant amorti plus élevé (132%)que le bénéfice officiel; et (3) le profit d’une cession-bail a été retranché du béné-fice parce que le bail était financier plutôt que d’exploitation.

Au total, en montrant que leur analyse financière comparative nécessite desajustements laborieux, Canibano et Giner soulignent du même coup l’hétérogénéité(la souplesse) des règles comptables disponibles en UE par rapport à l’homogénéitérelative des règles internationales (IAS) ou américaines (FSA)9. Ils ne trouvent paspour autant cette situation comptable déplorable, seulement normale, vu le staded’évolution où se trouve l’UE.Des écarts comptables interpays pour les mêmes activités

Mais qu’en est-il des divergences si l’on comptabilise les mêmes activitésdans des pays différents de l’UE? Le tableau 2, partie A, donne la saveur de laréponse obtenue via une adaptation de résultats rapportés par Blake et Amat (1993,p. 2). Après avoir égalé à 100% le résultat probable moyen dans sept pays de l’UE,l’on observe que: (1) le résultat minimal admissible varie fortement d’un pays àl’autre (34% d’écart type) et se situe quelque 25% en moyenne sous le niveau pro-bable de 100; (2) le résultat probable est plus serré (16% d’écart type) et pareille-ment pour le résultat maximal admissible dont le niveau moyen dépasse d’environ15% le niveau probable; (3) l’écart entre le miminum et le maximum pour un paysdonné peut représenter quelque 40% du résultat probable en moyenne; (4) leRoyaume-Uni, avec ses résultats élevés et leur petite dispersion, se démarque enparticulier de l’Allemagne avec une grande dispersion de résultats prudents, ce quisemble contraire aux croyances répandues voulant qu’on observe plus d’uniformitécomptable chez les Allemands et plus de dispersion chez les Anglais [Lire Feige(1997) à ce sujet.]; (5) la France aurait les résultats les plus typiques des sept paysconcernés; etc.

À la partie B du tableau 2, on voit ce que Theunisse (1994) a pu trouver enanalysant les ratios d’une succursale belge d’une société française: (1) les ratiospeuvent changer sensiblement si les mêmes opérations sont comptabilisés d’uncôté de la frontière plutôt que de l’autre; et (2) en l’absence d’information internepour expliquer les différences, l’analyse financière selon l’une ou l’autre descomptabilités nationales (pourtant harmonisées) va donner des réponses dif-férentes. Se pourrait-il que les écarts comptables interpays aient peu diminuémalgré les directives concernées comme semblaient le conclure Joos et Lang(1994)?

9 Pour une description de l’IASC et de ses normes, lire Raffournier (1997). Pour la comp-tabilité américaine et sa règlementation, lire Meek (1997). Pour comparer l’évolution de larèglementation comptable en Europe, aux États-Unis et dans le monde de l’IASC, lire Flo-wer (1997b).

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Arrêtons ici les illustrations du manque typique de comparabilité des étatsfinanciers en UE, nonobstant le degré d’harmonisation comptable déjà atteint. Vi-siblement, les analystes financiers y sont toujours aussi nécessaires.

V. L’HARMONISATION COMPTABLE: QUEL AVENIR?

Au vu des indices de divergences comptables ci-dessus et de leur abondancedans les écrits mentionnés, faut-il désespérer du système européen et souhaiterl’adoption de normes internationales ou américaines plus contraignantes? Notreréponse se veut intuitive tout au plus et se limitera donc à des impressions. Le ta-bleau 3 donne une idée de notre perception fin-de-siècle de l’évolution en cours dela règlementation comptable dans chacun des pays mis en comparaison. Le tableauparle de lui-même. Passons au niveau de l’Union.

Une première impression générale, c’est que l’harmonisation comptable(vers plus de comparabilité, de divulgation, de lois compatibles, de reconnaissanceréciproque, etc.) s’y poursuit lentement, comme il faut s’y attendre dans un con-texte aussi multinational et diversifié dans ses traditions comptables. Les objectifsderrière les directives 4, 7 et 8 sont loin d’être atteints mais le chemin parcouru, neserait-ce qu’en termes de transparence comptable des sociétés et d’ouvertured’esprit du monde comptable européen, semble appréciable (Colasse, 1997; Nobes,1992).

Une deuxième impression veut que le processus stagne, voire dérive, parattentisme des autorités compétentes (la Commission européenne, Direction géné-rale XV). Cette dérive serait incontrôlée par des responsables sans volonté aux-quels il faudrait rappeler leur mission de mener le processus d’harmonisation à sonterme (Socias, 1996). Cette dérive serait particulièrement acceptée par les autoritésen ce qui concerne les grandes sociétés européennes. Celles-ci auraient déjà acquisla latitude de présenter, au sein même de l’UE, leurs comptes dressés selon desnormes internationales, voire américaines. Ce double traitement, accommodementcomptable pour les grandes “internationales” et conformisme pour les petites“domestiques”, donne cette impression d’une évolution vers une doctrine comp-table européenne à deux dimensions (Vernimmen, 1998, p. 73).

Rien de très étonnant dans cette dérive comptable au bénéfice des multina-tionales européennes puisque leurs besoins en matières premières, produits etcapitaux les amènent aux “vraies” portes internationales où la langue comptable estparfois empruntée à l’IASC mais surtout, aux régulateurs américains. Or, ceux-ciexigent, depuis longtemps, le respect de principes éprouvés et beaucoup de divul-gation, de transparence, en plus de contrôler l’accès à d’immenses capitaux. Jus-

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HARMONISATION COMPTABLE EN EUROPE: APERÇU I

TABLEAU 3Règlementation comptable: caractéristiques et évolution dans divers pays

représentatifs (Union européenne et Amérique du Nord)

Sources partielles principales au-delà d’impressions personnelles: Bandyopadhyay, Hanna et Richardson(1994); Blake et Amat (1993, chap. 2 en particulier); Klee (Coord., 1992, chap. 11 sur le Portugal en par-ticulier); Flower et Lefebvre (éd., 1997, chap. 13 en particulier); Nobes (1992, plusieurs chapitres);Socias, A. (éd., 1996; chap. 1 en particulier); Street et Shaughnessy (1998).

* CNC: Conseil national de comptabilité; IASC: International Accounting Standards Committee.

Pays Sources pré-dominantes

Utilisateursprivilégiés

Évolution fin-de-siècle

Allemagne Législation FiscCréanciers

Demeure prescriptive; la prudence domine toujours via la constitution de réserves; néanmoins, les multi-nationales s’adaptent en parallèle aux normes domi-nantes hors UE (IASC, USA) selon leurs besoins en capitaux; sous l’influence des directives, les sociétés donnent de plus en plus d’information.

France Législation sous forte in-fluence des experts (CNC)*

FiscCréanciers

Devient plus souple; en particulier pour les grandes sociétés cotées qui ont une latitude comptable importante et croissante; elles peuvent même établir leurs comptes selon les normes du IASC* ou des USA.

Pays-Bas Législation et profession comptable

Actionnaires(+ Employés)

Évolution depuis longtemps marquée par la sou-plesse et le réalisme économique de type anglo-américain.

Portugal Législation FiscCréanciers

Influence française (code commercial, plan comp-table, etc.) en baisse; intégration graduelle des direc-tives européennes depuis 1989; essor de la profes-sion comptable jusque là moins visible.

Royaume-Uni Législation et fort apport de la profession

Actionnaires Forte tradition comptable de souplesse et de trans-parence; force première derrière l’IASC; en concur-rence subtile avec les régulateurs américains, même si ceux-ci participent aux travaux de l’IASC.

Canada Législation et profession

Actionnaires Fond comptable britannique; normes sous forte influence américaine quoique certaines disparités demeurent significatives; appui à l’IASC assez soutenu; attentisme.

USA Législation et profession

Actionnaires Pays autonome dans sa règlementation comptable bien définie depuis longtemps; appui (calculé et attentiste?) face à l’IASC; pourquoi s’adapter à plus faible que soi?

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qu’à ce que l’UE ait autant d’atouts, les normes et pratiques comptables devraientévoluer vers celles de la “concurrence” (IASC, USA).

Par ailleurs, la lourde bureaucratie inhérente à l’harmonisation et à la surveil-lance des quinze systèmes comptables de l’UE a probablement freiné l’élan desautorités européennes. Il serait étonnant que le coût marginal d’ajouter et de gérerune mesure de coordination comptable de plus en Europe n’ait pas déjà dépassél’avantage marginal correspondant. De plus, le paradoxe est bien connu: viser àplus d’uniformité peut alimenter la diversité. Citons, en passant, un exemple sym-pathique donné par Fuller-Love (1998) selon lequel l’obligation faite aux sociétésbritanniques (publiques, en particulier) de publier des comptes a mené à l’émer-gence d’une comptabilité en gallois! (Et pourquoi pas en breton, ou en basquebientôt?). Quoi faire alors? La souplesse de l’UE et son attentisme apparent, serait-ce de la sagesse?

Il existe bien des débats, parfois virulents, sur l’avenir de l’harmonisationcomptable en Europe, dont l’un, très récent, a donné des échos typiques (Flower,1997b; Cairns, 1997; Nobes, 1998; Flower, 1998). Bien entendu, les participantsont des intérêts personnels à défendre. Dans le cas mentionné, il s’avère que Cairns,ce praticien influent auprès de l’IASC, s’est attaqué aux universitaires sous prétextequ’ils les trouvent plutôt futiles lorsqu’ils comparent, classifient et modélisent lesdifférences comptables interpays. Il les a invités d’ailleurs à se brancher sur la réa-lité des transactions et des événements dans le monde à la manière de l’IASC. Il estvrai que celui-ci reçoit un appui (conditionnel) de l’IOSCO et espère que dansl’avenir les parquets boursiers du monde vont reconnaître les états financiers desmultinationales préparés selon les normes internationales. (On peut douter que lesAméricains s’en contentent éventuellement).

L’accès à tous les marchés des capitaux sur présentation d’une informationnormalisée selon l’IASC, ne serait-ce pas ce que toutes les sociétés (européennescomprises), devraient souhaiter? Et pour cela, faut-il avoir un système comptableuniversel homogénéisé? Nous ne le croyons pas pour plusieurs raisons de simplebon sens. Rappelons d’abord une évidence: une faible règlementation comptable(voire son absence) n’empêcherait pas les affaires. Cette vieille opinion a toujoursses adeptes convaincus (par exemple, Myddelton, 1995). Rappelons aussi quel’uniformité relative est au bout du mouvement oscillant qui retourne à la diversitérelative. De plus, la part de jugement personnel entrant dans diverses composantesdes mesures comptables synthétiques est source d’imprécision et telle que l’on peutattendre de bonnes variations d’un évaluateur à l’autre, qu’ils soient du même paysou pas. D’ailleurs, l’imprécision ayant un caractère additif, plus la mesure sera syn-thétique (pensons au bénéfice, par exemple), plus son imprécision sera grande en

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soi et sa comparabilité diminuée. La consolation, toutefois, réside dans l’annulationrelative des “mésestimations” au fil du temps.

VI. CONCLUSION

Nous craignons volontiers que le coût de pousser rapidement plus loin, pard’autres directives ou autrement, l’harmonisation comptable en Europe, dépasse-rait largement la valeur des retombées positives que l’on peut en attendre. Il neserait pas tragique que l’orgueilleuse construction d’un modèle comptable euro-péen soit mise en veilleuse. Par ailleurs, l’évolution déjà obtenue dans les attitudeset pratiques comptables au sein de l’UE, en partie via les effets des 4e, 7e et 8e direc-tives, constitue un capital accumulé inestimable qui n’a pas fini de fructifier. Toutcompte fait, n’y aurait-il pas lieu de miser sur ce capital d’évolution, sur les événe-ments porteurs et sur les forces des marchés pour générer les solutions comptablesde l’avenir? On peut parier que ces solutions vont différer de bien des manières,celles pour les groupes et multinationales ne pouvant pas convenir forcément auxsociétés de taille modeste.

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ELISIO BRANDAO

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HARMONISATION COMPTABLE EN EUROPE: APERÇU I

LONG SUMMARYAccounting Harmonization in Europe: Assessment I

Elisio Brandao (Universidade do Porto, Portugal)

We were asked by the Editor to provide our assessment of the accounting har-monization process underway in Europe since the eighties. The present assessmentis both qualitative and panoramic, its aim being to introduce Canadian Finecoreaders to the coordination being achieved between the national accounting sys-tems within the European Union (UE), a distant, yet akin, phenomenon with that ofthe persistent U.S.-Canada accounting differences. Obviously, the latter appearrather limited compared to those still in existence in Europe even after more thanfifteen years of harmonization efforts.

In section I, we note the lack of Canadian articles about European account-ing harmonization: hardly a few paragraphs over ten years in the main accountingjournal, Contemporary Accounting Research (in: Falk, 1994; Monsen and Wal-lace, 1995; Firth, 1997; etc.) and in the Bank of Canada Review (Dupasquier andJacob, 1997). In section II, we relate the main events (the founding Treaty of Rome,1957; the Treaty of Maastricht, 1991; etc.) having led to today’s EU with a popu-lation approaching the 400-million level and its fifteen Member states: Germany,France, United Kingdom, Italy, Spain, Portugal, Holland, Belgium, Sweden, Den-mark, Austria, Finland, Greece, Ireland and Luxemburg. We explain how theEuropean Commission initiates accounting harmonization through directiveswhich are incorporated over the years in the national corporate laws and account-ing regulations. We distinguish between accounting harmonization (transnationalcoordination with a view to reduce accounting differences) and standardization(aiming at accounting uniformity). The problems arising from different traditionsin financial reporting as well as the basic criteria, factors, or forces behind theaccounting harmonization process are underlined. References to the representativeliterature are made (Walton, 1992; Wyatt, 1992; Falk, 1994; Zarzeski, 1996;Prather and Rueschhoff, 1996; Flower, 1997; AAA, 1998; etc.).

The main European accounting Directives are described in section III alongwith the problems they raised and the apparent effects they had. The Fourth Direc-tive (adopted in 1978) was gradually implemented throughout the EU over the nextdecade. It imposed minimal accounting duties for firms: the production and publi-cation of annual accounts (balance sheet, profit and loss statement and notes, inprescribed formats) with a lot of options as to rules and methods, yet with an over-riding principle: the true and fair view principle so characteristic of Anglo-Saxon

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accounting. The Seventh Directive dealt with consolidated accounts whilst theEighth Directive imposed qualifications on auditors. Worthwhile references aboutthe directives, their contents as well as their influence on European accounting arethe following: Nobes (1992); Blake and Amat (1993: remarkably accessible andenlightening); Thorell and Whittington (1994); Hopwood (1994); Flower and Lefe-bvre (1997); Raffournier et al. (1997), etc.

The persistent lack of accounting comparability within the EU is exemplifiedin section IV, and the amount of necessary reconciliation illustrated. In sections Vand VI, the future of accounting harmonization in Europe is seen through variousauthors and our own impressions are rationalized. The British (through the IASC)and American (FASB, SEC) influences are seen as determinant for European mul-tinationals. A two-tier European accounting system (multinational vs. domestic)appears to be emerging as is expected from the basic market forces at work.

In forthcoming Assessment II, through a review of the empirical literatureand a few measures of our own, we attempt to evaluate whether or not EU harmo-nization has impacted the content and quality of the financial informationpublished by European multinational corporations.

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