Gwenegan bui, dans la tempête bretonne libération

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30/10/13 Gwenegan Bui, dans la tempête bretonne - Libération www.liberation.fr/politiques/2013/10/30/gwenegan-bui-dans-la-tempete-bretonne_943429 1/3 Gwenegan Bui, dans la tempête bretonne CHARLOTTE ROTMAN 30 OCTOBRE 2013 À 18:12 Gwenegan Bui, député du Finistère. (Photos AFP et Assemblée nationale.) LES DÉPUTÉS DE L'AN II (4) Chaque semaine, rencontre avec un élu qui fait l'actualité. Aujourd'hui, l'élu socialiste du Finistère, en première ligne face à la crise régionale. Il a baigné dans la révolte bretonne. Il s’est retrouvé sur un pont à Morlaix, pris à partie comme POLITIQUE

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Gwenegan Bui, dans la tempêtebretonneCHARLOTTE ROTMAN 30 OCTOBRE 2013 À 18:12

Gwenegan Bui, député du Finistère. (Photos AFP et Assemblée nationale.)

LES DÉPUTÉS DE L'AN II (4) Chaque semaine, rencontre avec un élu quifait l'actualité. Aujourd'hui, l'élu socialiste du Finistère, enpremière ligne face à la crise régionale.

Il a baigné dans la révolte bretonne. Il s’est retrouvé sur un pont à Morlaix, pris à partie comme

POLITIQUE"

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représentant de la Nation: «On va vous pendre.» Il a affronté le désespoir des salariés des

abattoirs Gad, dont 889 allaient perdre leur emploi et à qui on proposait 1 000€ pour les trois

premières années, puis… 187€ pour les années suivantes. Il a averti : la directive sur «les

travailleurs détachés», notamment dans le secteur agroalimentaire nourrit un sentiment

antieuropéen explosif. Il a vu, cet été, le premier portique tomber, pour signaler le refus de

l’écotaxe, cristallisation des colères de la péninsule…Gwenegan Bui, 39 ans, est le député PS de la

quatrième circonscription du Finistère, un département qui a mal et le fait savoir. Lui-même a

eu «la boule au ventre» plusieurs fois, lors de cette crise que le gouvernement a espéré calmer

mardi en annonçant la suspension de l’écotaxe. Cet impôt, qui aurait dû être payé pour tous les

camions français ou étrangers de plus de 3,5 tonnes, roulant sur certaines routes, aurait du

rapporter plus d’un milliard d’euros par an, et visait à inciter les entreprises à utiliser, pour le

transport de marchandises, des modes moins polluants.

Gwenegan Bui est l’un de ceux qui ont tenté d’alerter le gouvernement: la convergence de

plusieurs crises s’annonçait explosive dans une terre frondeuse par tradition. Avec les plans

sociaux, tout cela est devenu du «combustible inflammable». «Dans l’exécutif, ils pensaient

qu’on exagérait, et que la pédagogie allait l’emporter mais nous on connaît nos gars, et ce

temps là était passé», retrace Gwenegan Bui, dans son bureau de l’Assemblée. «On avait peur

que ça dégénère, mais on n’a pas su trouver les mots. On nous voyait un peu comme le village

d’Astérix envahi par l’écotaxe.»

«EFFET PÉNINSULE»

Après l’annonce hier de Jean-Marc Ayrault d’un moratoire sur l’écotaxe, Gwenegan Bui espère

voir la fin d’une séquence: «Avec les autres élus bretons, je vais prendre mon téléphone, pour

faire revenir le calme et ramener les gens à la table des discussions. Le dialogue est dans notre

ADN, on est capable, droite et gauche, de travailler ensemble pour le territoire: c’est l’effet

péninsule», veut-il croire.

Cet effort sera-t-il suffisant pour apaiser l’étrange «coagulation» que l’on a vu samedi dernier

dans la rue ? «Ceux qui veulent faire chuter le gouvernement car ils jugent la gauche illégitime

et ne supportent pas qu’on soit en pouvoir, ceux qui ont perdu leur boulot, et se sentent comme

des salariés Kleenex, des paysans coiffés des bonnets rouges distribués par Armor Lux, des

grands patrons qui manifestent, plus l’extrême droite, l’extrême gauche qui veulent faire de la

casse, mélangés à des gens de bonne foi qui pensent que l’écotaxe va détruire l’économie

bretonne…»

«PAS D'ACCENT SUR LE PRÉNOM»

Gwenegan Bui aimerait qu’on n’écorche pas l’orthographe de son nom. Il insiste gentiment :

«Pas d’accent sur le prénom, et ne me rajoutez pas de s à Bui…». S’il est tâtillon c’est qu’il a

souvent vu son nom écorché et que c’est aussi que là réside son identité. Il se sent Breton; dit

«chez moi», quand il parle de la terre de son enfance qu’il a quitté un temps pour des études et

du boulot à Paris. Mais il est aussi d’origine vietnamienne par son père, descendant d’une famille

de la diaspora qui a fui le régime communiste. Tout cela compte dans son parcours. «Mon

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premier acte politique a été une manif anti-Le Pen, à Brest» se souvient-il, même si, docile, il a

respecté la promesse faite à sa mère de passer son bac avant de s’engager…

En 1993, à 18 ans tout rond, il entre au MJS. Il entame avec une même joie des études d’histoire

(DEA sur la guerre d’Indochine et ses conséquences sur le débat dans la SFIO) et le militantisme,

au sein de l’appareil socialiste: il grimpe, jusqu’à devenir président du MJS de 1999 à 2001, et

membre du cabinet de François Hollande, alors premier secrétaire du PS, en 2001 et 2002.

Il est au premeir rang pour assister au naufrage de la présidentielle de 2002, qui a vu Jean-

Marie Le Pen devancer Lionel Jospin et s’imposer au deuxième tour. «Le désastre». Il se remet

alors en question : «Je me suis engagé contre le FN et là, on perd face à lui… Est-ce que le

travail militant n’a servi à rien?»

BAIL PRÉCAIRE

Dans la foulée, il se blesse au talon d’Achille, lors d’une partie de foot avec Benoît Hamon (un

mauvais tacle par derrière) et se retrouve immobilisé pour six mois. Au chômage, morose,

estimant que le PS a «failli» il pense arrêter la politique. Plus d’une décennie après, il est difficile

d’imaginer Gwenegan Bui abattu. Débordant d’énergie, il parle vite, faits de grands gestes, ne se

lasse pas. La politique l’a finalement rattrapé. En 2003, Delanöe le repêche au congrès de Dijon,

et l’engage au groupe PS à la mairie de Paris. Mais il rêve de retourner en Bretagne, avec sa

femme avec qui il a aujourd’hui trois enfants de 7, 4 et 1 an. En 2004, quand la gauche conquiert

la région, Marylise Lebranchu lui organise un rendez-vous avec Jean-Yves Le Drian qui le fait

venir dans son cabinet. Le voilà de retour dans ses terres. Il aime bosser à la région où il dit

mettre de côté «la roublardise apprise en militant à Solférino».

Il se sait en «bail précaire», ici. A l’Assemblée, il est le suppléant de Marylise Lebranchu et

membre de la commission des Affaires étrangères. En acceptant sa nomination au

gouvernement, la ministre de la Décentralisation a fait savoir qu’elle était contente de faire

monter la nouvelle génération et d’organiser le passage de témoin.

RETROUVEZ les précédents portraits de la série «Les députés de l’an II»

Charlotte ROTMAN