Guy Lanoue, Université de Montréal, 2011-2014

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L’architecture et la représentation de la communauté: le symbolisme de l’espace et de l’esthétique architecturale uy Lanoue, niversité de Montréal, 2011-2015

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L’architecture et la représentation de la communauté: le symbolisme de l’espace et de l’esthétique architecturale. Guy Lanoue, Université de Montréal, 2011-2014. Le design monumental (le monumentalisme) utilise: 1) la lumière 2) les masses 3) l’espace (le vide) 4) la gestalt - PowerPoint PPT Presentation

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L’architecture et la représentation de la communauté:le symbolisme de l’espace et de l’esthétique architecturale

Guy Lanoue, Université de Montréal, 2011-2015

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Le design monumental (le monumentalisme) utilise:

• 1) la lumière• 2) les masses• 3) l’espace (le vide)

dans le but de définir un rapport particulier entre l’ensemble et ses composants, qui devient une métaphore pour le rapport individu-communauté.Dans l’architecture et le design en occident, il y a une tension entre la structure portante (censé être camouflée) et la façade (censé être la synecdoque de l’édifice ou du monument), comme il y avait un jeu visuel entre le haut et le bas, qui représentaient, comme on peut supposer, un système de hiérarchie sociale. Commençant à l’époque victorienne en Europe, les architectes utilise le fer pour mettre la structure portante en évidence, plutôt de la cacher, la transformant ainsi en entité monumentale parce que le public voie le lien entre structure et façade, ensemble et élément composant. Bref, la structure portante (colonnes, arches, murs) était traditionnellement contrastée et cachée par la façade ou «cachée» par un toit massif; aujourd’hui, elle est devenue (comme dans l’exemple à gauche) un véhicule métaphorique pour incarner le rapport entre l’individu et le social.

Le haut et le bas; l’espace intérieur et la façade

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Plusieurs signes architecturaux transforment l’espace public en marqueur du statuquo politique, mais Goodsell (1988:10) en a identifié quatre qui semblent être partagés en Occident depuis l’époque classique:

• 1) tels espaces sont totalement contrôlés par les autorités

• 2) l’accès par le public est restreint et contrôlé

• 3) leur destination politique est bien connue

• 4) ils sont renfermésJ’ajouterais une 5e: tels espaces sont des lieux où se manifeste la tension entre les signes de l’individu et les métaphores de la communauté.Tels lieux sont donc des espaces rituels, car a) ils sont composés d’un nombre limité d’objets-signes, et b) ces composants sont organisés selon un modèle assez précis.

Goodsell, Charles1988 The Social Mean of Civic Space: Studying Political Authority through Architecture, University of Kansas Press, Lawrence

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Une maison privée (reconstruite), Ostia Antica

Les détails architecturaux de l’espace privé sont également significatifs pour comprendre la structure de la communauté.Ici, dans un style devenu iconique de l’architecture italienne, le rez-de-chaussée est clairement distingué des étages supérieurs. Cet étage est censé être accessible au public, en contraste avec les étages supérieurs, destinés à l’usage privé. Aujourd’hui, les bâtiments italiens conservent souvent cette distinction, avec des commerces et ateliers situés au niveau de la rue, surmontés d’appartements privés. Chaque édifice est sémiotiquement organisé comme une pyramide (sans qu’il y assume la forme), avec la base qui représente la dimension publique (qui est facilement «pénétrée» et donc sémiotiquement «féminine», et le sommet qui est signe du privé ou de l’intime, du haut et donc de la tête, du masculin, et du pouvoir de la gouvernance.

Pour une excellente aperçu de l’architecture romaine et de son importance pour les traditions occidentales, voir les leçons de Diane E.E. Kleiner, professeur à Yale University et experte du domaine. http://www.youtube.com/watch?v=qd3MJPHaotQ&list=PLBCB3059E45654BCE

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Édifice, 16e siècle, Rome

Immeuble contemporain, RomeChaque étage a de détails distincts qui le

distingue des autres et qui établissent l’importance de l’orientation visuelle

horizontale (gauche-droite) et verticale (haut-bas)

La continuité dans l’idéation de l’édifice de l’époque classiqueest signe que les tensions entre individu et communauté existent toujours; dans ce cas, la décoration propre à chaque étage est évidemment liée à la présence d’une hiérarchie;

les divisions de classe sont importantes pour cette société

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Les colonnes sont indispensables dans la construction en pierre, donc elles deviennent des synecdoques de l’ensemble. Décorer la colonne accomplie deux choses: a) met l’attention sur le haut et le bas en faisant « disparaitre » la partie centrale; b) en mettant l’accent sur le haut, affaiblie son rôle essentiel, pour mettre l’accent sur les autres composants, surtout la cellule intérieur. La décoration transforme cet élément structurel en détail esthétique En fait, la décoration «végétale» transforme la base et surtout le chapiteau en élément terrestre, comme les flutes allègent les colonnes en faisant disparaitre leur qualité massive dans une masse de lignes fines. Même dans l’absence de végétation, comme dans le style ionique (au centre à gauche), la décoration reprend les thèmes du toit, donc une partie de la colonne est visuellement attachée au toit par ses décorations partagées. L’effet est d’isoler le toit et de minimiser l’impact visuel de la colonne: la décoration donc aide à unir visuellement les composants de l’édifice.

Les trois catégories («ordres») de colonnes de l’Antiquité

(corinthienne, ionique, dorique)

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Temple, Paestum (Italie centrale) Notez la domination des colonnes, qui cachent même les murs internes du bâtiment

(la cella, «cellule», la partie interne définie par les murs intérieurs)

Les architectes devaient affronter un problème esthétique: le poids visuel de cette masse de colonnes et des murs de la cella semble dominer au point de créer un déséquilibre visuel, et donc ils ont décoré la plinthe du toit, ou parfois ils ont décoré son périmètre pour créer l’impression d’un toit plus massif et donc en équilibre avec la base, les colonnes et la cella. Cependant, ils risquaient de sombrer dans un cercle vicieux, car chaque augmentation du poids du toit renforçait, évidemment, le besoin de renforcer la structure.

Dans l’esthétique étatique, un haut (toit) trop petit sans impacte visuel est signe de faiblesse: le haut doit toujours dominer le bas. On y ajoute des décorations à la frise pour signaler son importance.

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Le Parthénon, Athènesun exemple du monumentalisme étatique; notez les marches qui entourent l’édifice, qui renforce sont intégration dans le lieu et adoucie le poids de la base; la cella intérieur est

invisible

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L’Acropole, Athènes, et le message de l’État «parfait»Il est impossible de constater visuellement (et ceci est l’effet voulu par les architectes de ce monument) que les bases du toit (dans les deux dimensions de longueur et de profondeur du linteau) ne sont pas parfaitement droites ni parallèles à la base de la structure. En effet, les parties centrales des deux dimensions (indiquées par les deux flèches) dévient de l’horizontale d’approximativement 3 cm, et ceci pour créer une illusion optique que ces linteaux vus du bas sont droits et parallèles, car l’œil, en regardant vers le haut, les aurait déformés; une personne aurait pensé que les architectes se sont trompés. Le sous-texte qui lie la perfection de l’édifice au pouvoir étatique aurait été saboté.

Ceci est la même déformation («la distorsion en barillet») du haut et du bas d’une photo avec un appareil qui utilise des lentilles non corrigées.

http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/5/59/Lens_distorsion.png/300px-Lens_distorsion.png

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L’Acropole aujourd’hui

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Il y a eu une évolution importante dans l’architecture des temples, de la Grèce à Rome, et surtout à l’époque impériale. Les premiers temples romains sont inspirés de modèles grecques et étrusques (ces derniers aussi influencés par les Grecs). Construits sur un podium (base) haut de quelques mètres, la cella (cellule) sacrée est entourée de colonnes et cachée de vu. À différence des temples grecs, qui ont des escaliers sur les 4 côtés, les romains ont généralement un seul escalier en avant, jumelé avec un toit projeté avant pour protéger le balcon. L’œil est donc orienté vers l’espace intérieur. Avec l’expansion territorial, les temples romains deviennent plus grands pour souligner l’importance de cet espace symbole de la communauté. La construction du Panthéon (118-128 AD) signale la consolidation de cette tendance. De l’extérieur, le devant ressemble à celles des temples classiques: colonnes couronnées sur lesquelles repose un fronton (un mur décoratif à l’intérieur d’un cadre triangulaire); suivi du comble rectangulaire, pour enfin arriver au cylindre, base de la coupole. Il y a donc un effet trompe-œil quand une personne passe de l’extérieur à l’intérieur: du linéaire au rond, du classique au révolutionnaire. L’importance symbolique de l’espace intérieur est donc signalé par ce contraste; en effet, la cella est plus grande de l’entrée. En effet, le cylindre est un cella de dimension plus grande de l’entrée.

fronton

comble

cylindre

De l’extérieur à l’intérieur

frise

oculus

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Le Panthéon, Rome

On ignore la raison pour laquelle il fut construit; ce n’est certainement pas pour honorer « tous les dieux », comme suggère le nom. À l’intérieur il y avait (et a toujours) 7 autels, mais on ne connait pas leur destination: les 7 planètes connues (5 + la lune et le soleil)? Construit par Hadrien mais attribué au Consul Marcus Vipsanius Agrippa, ce dernier est ami et allié d’Auguste/Octave. Il gagne la bataille d’Actium contre Marc-Antoine et Cléopâtre en 31 av-J.-C., ce qui permet à Auguste de devenir empereur (sans pourtant revendiquer le titre). Agrippa érige un temple en commémoration autour de 25 av. J.-C. Il est détruit par le feu à deux occasions. Un siècle et demi plus tard et voulant se lier symboliquement à la dynastie fondatrice de l’Empire, Hadrien (qui n’est pas du lignage Claudio-Julien comme Auguste, fils adoptif de Jules César) construit la structure actuelle et y appose une dédicace à Agrippa. Quoi que soit sa destination religieuse, son importance politique est claire. Le chapiteau, censé être corinthien, évoque la décoration égyptienne, lieu où Octave a établi son pouvoir.

«M[arcus] Agrippa L[ucii] f[ilius] co[n]s[ul] tertium fecit»: Marcus Agrippa, fils de Lucius, a construit [cet édifice] lors qu’il était consul pour la 3e fois.

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L’intérieur mesure exactement 142 pieds de large et de haut, et la coupole repose sur des murs de 71 pieds de hauteur. La coupole est construite en béton, qui est considérablement allégée par l’utilisation de coffres (les éléments à l’apparence de cellules ou fenêtres fermées). Le toit massif (la coupole) semble «disparaitre» grâce à ce design et permet de construire de niches qui soulignent l’impression d’un grand espace intérieur. Le diamètre du coupole est plus grand d’un mètre de celle de St-Pierre.

Coffre

Niche

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Une autre vue du Panthéon

La rangée de fausses portes dans les murs rappellent l’entrée de temple, et les allègent, en dissimulant l’épaisseur des murs obligatoirement massifs afin de supporter une coupole si grande. Ces fausses portes signalent une ouverture, comme si cette partie supérieure était au rez-de-chaussée. Les murs donc apparaissent plus légers qu’ils le sont en réalité.

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Même si la partie supérieure de l’arche est relativement massive, l’œil est inexorablement porté vers le bas par les arches, la structure portante. C’est leur qualité «ouverte», voulue par les architectes pour alléger l’ensemble, qui doit être opposée par le linteau énorme en haut; visuellement, la composition semble déséquilibrée, mais «bien» parce que les personnes vivant dans les régimes étatiques ont normalisé l’idée que le haut domine le bas.

L’arche de Constantin, Rome

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La technologie du toit

Dans l’économie politique du visuel, le toit définit un espace couvert qui est symbole de la communauté: plus tel espace est-il grand, selon la logique sémiotique de métaphorisation

du lieu, plus la communauté est solidaire. La motivation pour le développement de nouvelles technologies est peut-être liée au besoin de mieux représenter l’unité de l’empire.

http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/3/3d/Affresco_dell%27aspetto_antico_della_basilica_costantiniana_di_san_pietro_nel_IV_secolo.jpg/649px-Affresco_dell%27aspetto_antico_della_basilica_

costantiniana_di_san_pietro_nel_IV_secolo.jpg

Un toit triangulé: l’ancien St-Pierre, Rome

http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/8/8a/Model_temple_of_Aphaia_Glyptothek_Munich.jpg/800px-Model_temple_of_Aphaia_Glyptothek_Munich.jpg

Un toit à linteau: un modèle du temple d’Aphaia, Grèce

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Les toits grecs

Source: http://en.wikipedia.org/wiki/List_of_ancient_roofs

À noter que l’envergure des toits grecs, même ceux triangulés, est plus petite

comparée aux toits romains, par un facteur de deux ou trois. Puisque les

deux utilisaient essentiellement la même technologie, la différence, logiquement,

est due à des visions esthétiques divergentes: les Romains semblaient

ressentir plus le besoin de construire en grand, de symboliser leur communauté diverse et hautement polarisée (par les

divisions de classe qui menaçaient de la saboter) en créant des espaces grands

dont le symbolisme soulignait l’union symbolique de tous les protagonistes du

social. Ils avaient également besoin de construire de grands toits, de grandes

«têtes» qui menaient l’œil vers le haut et donc vers l’État force motrice derrière

ces projets monumentaux.

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Les toits romains

Source: http://en.wikipedia.org/wiki/List_of_ancient_roofs

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Église romanesque, MilanNotez que les espaces ouverts des arches portent l’attention de l’œil vers le bas

Est-ce que l’addition des tours (après que l’Église ait supprimé la décoration massive et «païenne» des plinthes du toit, pour retourner vers une simplicité symbolique) serait une tentative de mener l’œil vers le haut, la source symbolique de l’autorité de l’Église après la chute de l’autre « haut », l’empire? L’Église catholique conserve la tradition romaine de mettre l’emphase sur l’intérieur. La façade ne fait pas toujours partie de l’édifice principal (comme ici). Son caractère artificiel (détaché de la partie centrale) signale l’importance de l’intérieur.

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Église néo-romaine (Rome)avec emphase sur la façade

Ici, on voit clairement l’effet de la façade exagérée

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Église néo-romaine (Rome), avec emphase sur la façade

La façade exagérée en hauteur (qui dépasse le vrai toit) est une tentative de mieux équilibrer haut et bas, de minimiser le rôle des murs comme structure portante.

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Église classique, RomeBasilique St-Paul-hors-les-murs

L’ampleur de l’espace intérieur est limitée par la capacité structurelle des poutres (en bois) du toit; les murs doivent être massifs pour supporter le poids du toit; plus large est l’espace intérieur, plus les poutres sont énormes et donc plus les murs doivent être renforcés pour les soutenir; le plafond visible (qui peut cacher un toit lourd, mais invisible de l’intérieur) est donc parfois suspendu de la structure «vraie» du toit pour l’alléger visuellement. On voit ici l’utilisation de coffrets (ou «caissons», dont l’utilisation dans la coupole du Panthéon est son trait signalétique). Ils vont alléger le toit visuellement. Si de l’extérieur le toit est massif, pour signaler le « haut », le toit-plafond vu de l’intérieur ne doit pas être si lourd qu’il donne l’impression d’écraser le public. C’est un autre sous texte de l’esthétique étatique, qui veut communiquer la solidarité de la communauté en dépit de (ou, à cause de) ses clivages de classe.

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Église romanesque, Venise

L’utilisation de l’arche et de la coupole dans une tentative d’alléger le poids du toit mais en augmentant son impacte visuelle et donc orienter l’œil vers le haut; le toit classique «disparait», pour être remplacé par une fantaisie flottante comme une voile. En même temps, on renforce les entrées en créant de multiples cadres encastrés autours des protes relativement petites: le haut hyper-décoré et couvert des coupoles est équilibré en augmentant le poids visuel du bas.

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Les étapes pour construire une coupole byzantineLa coupole est une arche tournée 360 degrés autour de l’axe imaginaire; normalement, elle a besoin un support durant la construction, un échafaudage qui est enlevé après que

la clé-voute soit placée au centre.

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Le style gothique est en fait une invention française qui débute avec la construction de la Cathédrale des rois français, St-Denis, 15km au nord de Paris et complétée vers 1047. En abandonnant les mures épais (considérés nécessaires pour supporter les toits lourds), l’architecte (Suger) brise avec le passé romain. Le style est critiqué comme un exemple de l’influence barbare, donc ‘gothique’ pour les érudits de l’époque. Le style établit trois traits: a) l’arche gothique pointue et donc plus haut de l’arche romain, b) l’arcboutant qui est placé dehors, pour appuyer et alléger les l’arches gothiques, qui peuvent désormais atteindre 30m de hauteur, et c) l’utilisation de la vitre pour éclairer le nef.

Le style gothique

St-Denis, à droite; à gauche, intérieure

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Notez qu’avec l’utilisation de l’arcboutant, une structure portante qui agit de mur (soutenir le toit) est placé à l’extérieur, et donc désormais il devient techniquement possible d’alléger les murs, vus de l’intérieur. Il est donc moins nécessaire d’utiliser de plinthes hautement décorées et de fausses façades pour harmoniser le haut et le bas, car le « haut » dans un sens, vu de l’extérieur, descends vers le « bas ».

L’arcboutant

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Style gothique (Notre-Dame, Paris)

La structure portante (les arcboutants) est ici manifestement visible: elle est à l’extérieur de la structure comme telle. L’effet est d’alléger l’intérieur et d’établir un contraste entre l’intérieur ouvert et l’extérieur « lourd ». Ces renforcements agissent également de flèches visuelles et portent l’œil vers le haut de la structure.

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Gothique, avec plan intérieur

On peut désormais y mettre une quantité énorme de fenêtres dans ces structures, comparé a la construction romaine qui a besoin de murs épais pour soutenir le toit lourd. La lumière peut devenir un élément structurel dans la composition du message esthétique.

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Façade, Notre-Dame, Paris

Notez la rosette centrale, dont le placement stratégique permet d’illuminer le nef au fonds de l’église; notez aussi les tentatives de décorer les superficies du bâtiment, car les arcboutants permet d’utiliser moins d’arches, créant plus d’espace libre pour la décoration. La qualité pointue de l’arche ainsi que l’hyperdécoration et les arcboutants portent l’attention de l’œil vers le haut, un message sémiotique appropriée pour une église, et aussi vers l’intérieur, car la façade semble être détachée de l’édifice. Notez que la série d’arches à l’entrée encastrées l’une dans l’autre dirige l’œil vers l’intérieur: la porte est diminuée, à l’inverse de la pratique romaine.

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Cathédrale gothique, Chartres (France)

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Cathédrale gothique, Bath (Angleterre)Ici, on voit les murs «disparaitre» grâce au génie mécanique gothique

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Ici, on voit l’avancement qui représente le style gothique sur le classique: des masses de lumière peuvent être utilisées comme un élément architectural qui définit les espaces intérieurs et donc augmentent la signification de leur fonction. À gauche, église à Regensburg, Allemagne (fr. Ratisbonne, de son nom celte, Radasbona; Regen, le nom du fleuve dont l’embouchure avec le Danube donne son nom allemand, dérive de regina, reine, car la ville était un castrum, fort militaire fondé par Legio III Italica durant la règne de Marcus Aurelius, une des légions les plus renommées de l’empire romain).

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Illumination de l’intérieur d’une église néo-romaine, gauche, et gothique, à droite

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La Renaissance

L’architecture de la Renaissance met l’accent sur la symétrie, les proportions, et l’adhésion à un plan géométrique rigide. En partie, ceci est inspiré par deux mouvements: a) le désire de retrouver la perfection et la grandeur de l’Empire romain, même si après 1000 ans l’interprétation est forcément réifiée; b) l’humanisme qui met l’accent sur l’individualité: d’une part, les idéologues célèbrent l’individualité (voir PPT La Perspective), mais, inconsciemment, reconnaitre que l’individu à des « droits » (pas dans notre sens contemporain, mais néanmoins, un rôle dans le déroulement de la vie) est troublant: où et comment l’encadrer? Réponse: dans un espace archi-harmonieux. En fait, cette architecture cherche un nouvel équilibre entre l’Église omniprésente (et prétendument parfaite) et la liberté.

À gauche, le Tempietto di San Pietro, Rome, exécuté par Bramante en 1502 pour marquer l’endroit (supposé) où St-Pierre a été mis à mort. Ce petit monument est considéré comme une des plus belles réalisations de la Renaissance. À droite, le Baptistère de Florence, fin 11e siècle mais continuellement redécorée: la forme finale est proto-Renaissance.

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Bref, l’architecture de la Renaissance tente de fusionner l’exubérance d’une individualité « libérée » de la rigidité (et pauvreté) médiévale, à la perfection équilibrée de la géométrie. Cette individualité se manifeste sous plusieurs formes, mais dans le domaine esthétique, il s’agit de ne plus écraser le spectateur avec un « message » monumental mais de l’inviter à s’insérer dans le langage des formes (haut et bas, gauche et droite, proche et loin; trompe œil, jeu de perspective) pour arriver, seul, et dans un acte créative, à la même « conclusion » véhiculée par les dynamiques dominantes de l’époque (émergence du marché de travail capitaliste; la foi et les structures universelle attaquées par la Réforme protestante « nationale »; émergence des premiers état-nations modernes, tels que la France et la Grande Bretagne; les premiers pas vers l’alphabétisation de masse).

À gauche, un dessin d’un palais d’Andrea Palladio (d.1580). On constate le formalisme de la géométrie classique, mais les « ailes » à gauche et à droite sont novatrices, car elles respectent la géométrie symétrique mais ne sont pas normalement constatées dans l’architecture du monde classique (ou les toits inclinés sont réservés pour le fronton.

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La guerre des toits: la coupole romaine versus le toit gothique

Le style gothique français, plus ou moins popularisé un siècle avant le début de la construction de la Cattedrale di Santa Maria del Fiore de Florence (commencée en 1296 et complétée en 1436), permettait de définir des espaces intérieurs plus grands et ,mieux illuminés. Oui, mais pour les Italiens, c’était un style français et surtout, selon (prétendument) les mots de la commission chargée de sélectionner un architecte pour cette église, « trop orné » - sans doute, une référence à l’utilisation des contreforts et des multiples arcboutants qui étaient la marque de commerce de cette architecture. Ayant étudié la coupole du Panthéon à Rome, Filippo Brunelleschi propose incorporer les contreforts dans la coupole (visibles en pierre blanche: des « côtes ») et de construire la coupole en brique et pas en béton. Les dimensions sont trop grandes (44m de large, reposant sur une base située à une hauteur de 52 m)

L’église, avec le Baptistère en arrière (à gauche sur l’image), connu pour ses portes en bronze et pour avoir inspiré Brunelleschi à inventer la perspective centrale (conique) Voir PPT La Perspective.

pour permettre l’utilisation d’une échafaudage intérieur qui soutient la coupole durant la construction, avant de placer la clé de voûte qui empêche l’arche (ou la coupole) de tomber. On estime qu’il n’avait pas suffisamment de bois en toute la Toscane pour une telle construction.

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Brunelleschi propose construire une coupole sans échafaudage, une réalisation jugée impossible à l’époque étant donné la dimension. Pourtant, il réussi, en adoptant trois stratégies pour que le poids de la coupole soit transmis au sol de façon indirecte et surtout pour éviter que les briques soient placées horizontalement, comme dans un mur normale, où le joint en mortier liant une rangée à une autre est le point faible où peut s’écrouler la coupole courbée (et donc, apte à tomber): 1) les briques forment une structure spirale; 2) les briques sont placées selon un plan de chevron pour mieux distribuer leur poids (une brique horizontale transfert son poids à travers la mortier à une brique verticale, qui transfert le poids des 2 briques à une 3e brique horizontale sur la rangée inférieure, qui à son tour le transfert le tout à une brique verticale, ainsi de suite; il n’y a pas une seule ligne horizontale de mortier qui circonscrit la coupole entière); 3) enfin, chaque rangé de briques est courbée pour définir une arche invertie, une structure très résistante. En bas, une reproduction de la dôme construite pour montrer les techniques novateurs de Brunelleschi (les premières rangés oranges montrent la construction conventionnelle).

Notez la courbature de chaque rangé de brique, qui définie une arche invertie.

Notez la structure chevronnée de l’emplacement des briques.

Enfin, notez la forme en spirale que forme cette structure d’emplacement de briques.

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Un autre type de « conversation » avec l’objet d’art: à droite, l’intérieur de l’église San Carlo [Borromeo] alle Quattro Fontane, Rome, projetée par Francesco Borromini en c.1635 et complétée en 1646. Elle est l’incarnation du style baroque. À gauche, le plan intérieur, avec l’autel (visible à droite) en haut, l’entrée en bas. Les murs sont composés de lignes horizontales « brisées » par des petits courbes. Cette tension est à la base du régime visuel du baroque, car le spectateur formule lui-même la ligne horizontale « absente ». En haut, au centre, la façade de l’église: ses deux frises courbées semblent prête à s’envoler, qui crée une tension avec l’idée de la stabilité innée d’un édifice en pierre et celle symbolique de l’église. Né du décret de l’église visant à populariser la religion en la

rendant accessible au public illettré, les artistes répondent en créant des jeux visuels ou le spectateur s’engage émotivement avec le sujet. Ils augmentent l’élément dramatique et la tension en adoptant de formes insolites, et des formes et des couleurs saisissants. Finies les allégories intellectuelles du maniérisme précédent, bien que le baroque partage avec le maniérisme l’idée de tension, de briser avec l’emphase que la Renaissance plaçait sur l’harmonie.

Baroque

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Un exemple de trompe l’œil; à droite, la coupole de San Carlo (Rome). La stratégie visuelle du baroque n’a pas comme but épater le spectateur, mais de l’inviter à reconstruire la « vraie » coupole « cachée » par le dessin qui porte l’œil en haut vers un point de feu qui semble beaucoup plus loin qu’il l’est en réalité. À gauche, Sant’Andrea della Valle, Rome, projetée par Carlo Maderno, architecte de la façade de Saint-Pierre, et construite entre c.1600 et 1650. Notez à gauche: il y un ange, dont l’aile semble appuyer la partie supérieure. Le spectateur est donc invité à imaginer une 2 e ange à droite. C’est la stratégie visuelle du style baroque: 1)

imaginer ce qui manque; 2) « pénétrer » la décoration trop voyante pour arriver à la « vraie » structure (c’est en fait cette 2e approche qui pour le grand public définit le baroque); 3) « lire » les effets visuels hyper-dramatiques comme une invitation pour identifier la tension « cachée » par le trompe l’œil; 4) se joindre à l’exubérance visuelle de l’artiste, où l’imaginaire grandiose triomphe sur le vécu (triste).

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Détail, San Andrea della valle, Rome. Cette église a déclenché une légende urbaine censée expliquer sa façade déséquilibrée. Un ange à gauche semble appuyer la 2e étage avec son aile, tandis que le côté droite est nu. On dit que l’architecte Carlo Rainaldi a critiqué Carlo Maderno, responsable pour cette église ainsi que la façade de St-Pierre, parce qu’elle était “trop haute et fragile”. Selon la légende, Maderno a refusé de modifier son dessin. Rainaldi, chargé de compléter le décor de l’église, a placé l’ange solitaire comme commentaire ironique sur son rivale, “la seule façon”, dit-il, “pour empêcher que l’église ne s’écroule”. Pourtant, Rainaldi a décoré l’église 50 ans après la fin de sa construction, et 30 ans après la mort de Maderno. Les deux hommes ne se sont pas chicanés. En fait, l’ange de Rainaldi donne une touche baroque à l’église style renaissance. Le langage esthétique du baroque était subtile: harmonieux à première vue, mais voulant introduire des touches de déséquilibre qui encourage la participation de l’imagination individuelle. On voit un ange, et l’harmonie de la façade encourage le spectateur à imaginer l’ange « absente » à droite. La légende populaire témoigne de la qualité abstraite et raffinée de ce langage, ciblant les esthètes mais inaccessible aux masses illettrées, qui créent des légendes pour « expliquer » le déséquilibre.

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Ici, les colonnes et pilastres unissent deux étages (ou plus), mettant l’accent sur la verticalité et le désire d’unir haut et bas. Cependant, comme dans cette exemple (Palazzo dei Conservatori, Rome, projeté par Michel-Ange, c.1564), la partie horizontale du haut est soulignée de façon emphatique par les

les balustrades, les statues, et par l’épaisseur, la décoration et la solidité de la frise. Ceci est un peu révolutionnaire, puisque le style semble exposer les structures portantes (colonnes, toit) aux dépens d’une façade très ornée qui jadis était censée cacher les membres structuraux de l’édifice. Donc, le Maniérisme (fin Renaissance, fin 16e siècle) a inversé les anciens canons esthétiques en « jouant » avec le vertical et l’horizontal. On voit le même style dans la colonnade de Place St-Pierre.

Ordre colossale: Haute renaissance

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Il Campidoglio (Capitole), Rome, réalisé par Michel-Ange. On voit à gauche le Palazzo dei Conservatori, aujourd’hui le Musée municipal.

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St-Pierre: la colonnade montre le style de l’ordre colossale, mais qui ne semble pas éliminer l’impression romanesque des ailes de l’église (à droite).

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Scala Regia, Vatican. Conçue par Antonio da Sangallo le Jeune mais restaurée par Bernini dans les années 1660s, ce passage lie la basilique aux appartements apostoliques (résidence des papes). Parce que le passage est étroit, Bernini a adopté un trompe œil architecturel en réduisant la largeur et la hauteur du passage de son début à sa fin, créant l’impression qu’il « disparait » dans la distance, et donc qu’il soit plus long qu’il l’est en réalité. Tout ceci pour cacher sa réalité un peu mesquine.

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Le début du moderne (ici, l’Opéra de Paris, Charles Garnier, 1875): l’harmonie, mais aussi le monumentalisme étatique et non religieux. Les proportions sont classiques, mais on constate le triomphe du massif, d’un décor qui écrase l’individualité plutôt que l’invité à participer dans une conversation. Ici, l’individu est passif. Bientôt, on voit l’émergence de l’industrialisation, où des motifs répétés et standardisés vont communiquer que le spectateur s’adapte à l’idée de la machine.

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La taille de l’édifice est moderne, mais on voit toujours des fenêtres palladiennes, l’ordre colossale de Michel-Ange qui unit les premières trois étages, la décoration romanesque qui sépare les étages l’une de l’autre, et la frise décorée et la petite taille des fenêtres du haut qui se contraste avec la ceinture ininterrompue séparant le rez-de-chaussée et la 1re étage, créant un équilibre dynamique entre ces deux masses imposantes néanmoins unies par la verticalité de l’ordre colossale. Ici, le magasin à rayon Marshall Fields à Chicago, début 20e siècle.

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Futurisme

Ce mouvement se concrétise surtout en Europe autour de la 1re Guerre mondiale. Un mouvement largement littéraire et artistique à ses débuts, inspiré par le Manifesto du poète italien Filippo Marinetti qui brise avec le passé et met l’accent sur la vitesse, la jeunesse, les rythmes mécaniques de la machinerie industrielle, la violence « libératrice » et individuelle (à différence de la violence institutionnelle incarnée par le parcours social et politique qui aboutirait, 6 ans après sa publication en 1908, en la Grande guerre). Le Futurisme comme mouvement était largement italien et soviétique (pas surprenant qu’il émerge dans les pays chaotiques) mais a des échos ailleurs. Il influence largement l’art-déco.

Un projet futuriste d’Antonio Sant’Elia (d.1916) jamais réalisé (comme plusieurs projets futuristes). L’accent est sur le chromatisme (les contrastes de couleurs et de tonalités), des lignes longues et ininterrompues (un peu comme l’ordre colossale mais sur un échelle plus grande), et l’utilisation des portes-à-faux (cantilevers) qui interrompent la continuité linéaire (à gauche, on les voit avec les tours « connectées » à la masse principale de l’édifice). Chaque composant de l’ensemble (p.e., une tour) est esthétiquement unie, mais les composants sont assez distincts l’un de l’autre (p.e., les deux masses principales) pour communiquer l’idée d’un déséquilibre dynamique au sein de l’ensemble: suggestion du mouvement, de l’explosion, de la négation du cadre unificateur.

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L’architecture fasciste

Le fascisme écrase l’individualité. Il n’y a pas de place pour une conversation où le spectateur et s’engage avec les éléments du design. L’individu est réduit à une catégorie unidimensionnelle, le citoyen. Les édifices sont massifs et symétriques mais privés de décorations qu’une personne peut utiliser comme point d’insertion dans l’imaginaire, où les tensions sociales sont transposées en éléments prétendument esthétiques. Le fascisme n’admet pas que les tensions existent, car il anéantie une des deux pôles dans l’opposition individu-société: l’individu n’existe pas, et la société est parfaite. Il y a souvent un grand fronton pour transmettre un message verbal.

Le Palazzo della civiltà italiana à EUR, une zone érigée au sud de Rome par les Fascistes et censée héberger « l’exposition universelle » de 1942 pour célébrer les 20 ans du régime. La guerre a interrompu la construction et la fête, mais cet édifice (qui aujourd’hui héberge la maison de couture Fendi) a été utilisé en plusieurs films et publicités pour incarner, dans un éclat de banalité flagrante, la stérilité de la vie contemporaine.

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Art Déco

Ce style est influencé par le Futurisme italien. Il tente de fusionner la décoration d’inspiration artisanale à la froideur imposante des arts industriels. À droite, le Chrysler Building, New York, fin des années 1920s. Des éléments ‘traditionnels’ dans les frises super imposées et courbées dans la forme d’un « chapeau » sont mariés aux formes rectilinéaires répétées des étages inférieures (qui découpent l’édifice en plusieurs composants). On est carrément dans l’époque industrielle. Cependant, l’individualisation est conservée et signalée par le décor traditionnel et par les lignes interrompues par des motifs décorés ou par des courbes. L’idée est d’unir le passé « traditionnel » et le futur « industriel ».

Salle Ernest Cormier, Université de Montréal.

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La vraie modernité émerge quand le style devient une manifestation de la victoire de l’architecte sur les limitations techniques imposés par les matériaux de construction, qui devient une métaphore pour la conquête de la nature. Les architectes tentent d’exploiter les nouvelles possibilités inhérentes dans ces nouveaux matériaux. Il n’est plus prioritaire d’invoquer la perfection géométrique censée incarner un équilibre esthétique qui définit un espace imaginaire où les tensions socio-politiques puissent émerger sans menacer le vécu. Édifice réalisée par Walter Gropius en 1925 pour la Maison Bauhaus. Notez les grilles d’acier placées à l’extérieure, qui rappellent le renforcement normalement utilisés pour le béton armé. On prend un

élément de construction et on l’accord le statut normalement réservée pour un élément décoratif. Le motif est répété pour les fenêtres.

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Deux exemples d’expérimentation visuelle rendue possible grâce à l’utilisation de l’acier, mais surtout grâce à une nouvelle sensibilité qui permet telle expérimentation. À droite, le style « internationale » des années 1950s et 60s, Tour IBM, Chicago, projetée par Mies van der Rohe; une dizaine d’années plus tard, à gauche, Marina City par son étudiant, dans le style Mid-Century Modern (ou, parfois, Moderne, avec le « e » final français greffé au mot anglais). Notez le contraste entre l’impersonnalité monumentale communiqué par son étanchéité hermétique qui, un peu come le Futurisme des années 1930s, exclut l’humain du paysage esthétique Les lignes droites sont communiquées par la répétition des éléments courbés, et elles sont interrompues par des interruptions des colonnades verticales.

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Les sociétés asiatiques où se trouve ce genre de temple ont une organisation sociale différente de celle de l’Europe occidentale, et donc les tensions qui entourent le rapport entre l’individu et la communauté s’expriment de façon différente. Par exemple, notez que la structure portante est quasiment complètement cachée par le décor, à différence des églises occidentales. À dire la vérité, les temples asiatiques sont en général beaucoup plus petits et intimes que les églises occidentales et donc les architectes locaux ne doivent pas affronter le problème de couvrir un espace intérieur gigantesque (ce qui les oblige, en Occident, d’adopter de toits imposants et donc de murs portants massifs). Un peu partout en Asie (en les Asies!) où on pratique la riziculture, le monumentalisme symbole de la communauté se manifeste par l’investissement dans les terrasses et non dans les temples.

Temple, Thaïlande septentrionale

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Deux tentatives d’orienter l’œil vers un élément structurel:décoration italienne (à gauche), qui renforce l’idée du toit massif (même quand cet élément n’est pas

nécessaire sur le plan structural); décoration chinoise (à droite), qui tente de l’alléger en faisant un pont visuel entre le toit et les poutres portantes; notez aussi l’utilisation de symboles du monde végétal

(feuilles d’acanthe) en Occident (donc, un élément terrestre), et de motifs fauniques en Orient (les lignes évoquent le dragon, qui est une créature de l’air qui contrôle l’eau (la pluie, par exemple); il est donc plus

léger et certainement plus bénéfique que le dragon de la mythologie occidentale).

http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/1/17/Jade_dragon_2.jpg/220px-Jade_dragon_2.jpg

Bijou en jade en forme de dragon, approx. 300 ans a.J.C.

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Véranda, Asie centraleNotez les fausses colonnes, qui agissent de trompe-œil, car elles sabotent l’idée de la

colonne comme structure portante et définissent une gestalt d’arches multiples.

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Toit chinois traditionnel à plusieurs niveaux et pentes, détournant l’attention de son rôle architectural principal; sa courbature crée l’impression que le toit est plus léger qu’il l’est en réalité; il semble flotter, et donc l’œil le voit plus haut qu’il l’est en réalité.

http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/9/9f/HighStatusRoofDeco.jpg/300px-HighStatusRoofDeco.jpg

Les architectes chinois parfois faisaient comme leurs confrères occidentaux, en décorant le toit pour porter l’œil vers le haut. Ceci était généralement réservé pour les édifices étatiques les plus importants, pour souligner le haut (surtout que les figures sont mythologiques)

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Temple chinois à Suzhuo, Jiangsu

Ici, on voit mieux l’effet esthétique du toit «détaché», qui s’intègre mieux dans le milieu bucolique;

notez que l’attention est portée vers le haut par la courbature du toit.

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Grand palais, Bangkok, Thaïlande Notez la métaphorisation du toit du palais transformé en chapeau-couronne;

un élément architectural se transforme en élément artistique; notez également la décoration de la plinthe du toit pour cacher son rôle architectural

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Temple vietnamienNotez les murs portants transformés visuellement en arches et donc en galléries, pour souligner

l’espace aux dépens de la structure portante. Notez également les toits métaphorisés en plateaux de service, métaphore du repas et de la fête. Notez aussi que le toit semble flotter, qui

symboliquement allège la structure portante inférieure.

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La ville défendue (sacrée), Beijing, ChineUne autre aperçue du toit flottant qui a l’effet d’alléger la structure portante

On voit qu’il est possible de construire des structures majestueuses qui communiquent l’idée du léger (mais qui ont le même effet et but que leurs homologues occidentaux, de diminuer

l’individu devant l’architecture monumentale censée représenter le pouvoir étatique)

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Pagode japonaise Yakushiji Toto (730 av. J.-C.) montrant l’effet du toit flottant

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Temple, JaponUn autre exemple de 1407, qui démontre la persistance de ce style

et donc son importance dans le langage local de l’espace social.