Gutenberg Ou l 'Aventure de l' Imprimerie

25
Gutenberg, ou l’aventure de l’imprimerie Gutenberg, ou l’aventure de l’imprimerie Introduction Gutenberg a-t-il inventé l’imprimerie ? On peut se poser la question dans la mesure où, dans plusieurs pays d’Europe, on revendique la pa- ternité de cette invention. Il est vrai qu’à l’époque, au XV e siècle, nom- breux étaient ceux qui cherchaient un moyen de fabrication mécanique qui permettrait de multiplier rapidement et à moindre coût le nombre d’exemplaires d’un même livre. Il ne fait pourtant aucun doute que c’est Gutenberg qui est à l’origine de l’invention indispensable à la naissance de l’imprimerie : les carac- tères mobiles en plomb qui, indépendants les uns des autres, pouvaient être utilisés plusieurs fois et pour des pages différentes. Pendant des siècles, l’industrie de l’imprimerie, même si elle connaît des perfectionnements, ne sera pas très différente de ce qu’elle était au départ. C’est à partir du XX e siècle qu’une véritable révolution va s’opérer, bouleversant les techniques habituelles. c 2009, rue des écoles - Il était une histoire 1

description

livre en français

Transcript of Gutenberg Ou l 'Aventure de l' Imprimerie

Gutenberg, ou l’aventure de l’imprimerie

Gutenberg, ou l’aventure de l’imprimerie

Introduction

Gutenberg a-t-il inventé l’imprimerie ? On peut se poser la questiondans la mesure où, dans plusieurs pays d’Europe, on revendique la pa-ternité de cette invention. Il est vrai qu’à l’époque, au XVe siècle, nom-breux étaient ceux qui cherchaient un moyen de fabrication mécaniquequi permettrait de multiplier rapidement et à moindre coût le nombred’exemplaires d’un même livre.

Il ne fait pourtant aucun doute que c’est Gutenberg qui est à l’originede l’invention indispensable à la naissance de l’imprimerie : les carac-tères mobiles en plomb qui, indépendants les uns des autres, pouvaientêtre utilisés plusieurs fois et pour des pages différentes.

Pendant des siècles, l’industrie de l’imprimerie, même si elle connaîtdes perfectionnements, ne sera pas très différente de ce qu’elle étaitau départ. C’est à partir du XXe siècle qu’une véritable révolution vas’opérer, bouleversant les techniques habituelles.

c© 2009, rue des écoles - Il était une histoire 1

Gutenberg, ou l’aventure de l’imprimerie

Les premiers livres

Les premiers livres étaient rares et donc précieux, car ils étaient copiésun par un, à la main (d’où leur nom de manuscrit), ce qui prenait dutemps et coûtait fort cher. C’est pourquoi seuls les plus riches avaientles moyens d’en acquérir.

Mais à partir du XIIIe siècle, la demande en livres est de plus en plusimportante. Ils sont très recherchés par les étudiants dont le nombreaugmente dans toute l’Europe et par les populations des villes en pleinessor économique, issues de la bourgeoisie marchande. Des ateliersde copie se créent mais ce système est lent et les livres restent encoretrop chers pour la plupart des lecteurs.

Lorsqu’au XVe siècle un plus grand nombre encore de personnes saitlire, surtout dans les villes, le besoin de rendre la production des livresplus rapide et meilleur marché se fait sentir. C’est pourquoi des re-cherches pour découvrir un procédé d’« écriture mécanique », commeon dit alors, sont menées parallèlement dans plusieurs villes.

2 c© 2009, rue des écoles - Il était une histoire

Gutenberg, ou l’aventure de l’imprimerie

Le but essentiel de cette invention est bien clair pour les premiers uti-lisateurs de l’imprimerie puisqu’ils disent qu’ils « multiplient » les livrespour signifier qu’ils les impriment. Il s’agit bien pour eux de fournir deslivres moins chers pour des lecteurs de plus en plus nombreux.

Les premières reproductions mécaniques de l’écriture

Des moyens mécaniques d’écriture existaient déjà mais seulement pourquelques signes, voire un ou deux mots. C’est le cas notamment desmarques que les potiers ou les fabricants de briques, apposent sur leurproduction.

En Extrême-Orient

En Chine, on utilise depuis longtemps des plaques de bois taillées pourimprimer le même dessin de façon répétitive. Il est établi également queles Coréens, au XIVe siècle, inventent l’art d’écrire en assemblant descaractères mobiles en bronze, mais il ne semble pas que les Européensl’aient su. On peut donc considérer qu’ils « réinventent » l’imprimerieau XVe siècle.

c© 2009, rue des écoles - Il était une histoire 3

Gutenberg, ou l’aventure de l’imprimerie

La xylographie

Dès le XIVe siècle, on utilise des formes gravées dans le bois pour re-porter mécaniquement un dessin sur les étoffes. De là a pu provenirl’idée de la xylographie, qui consiste à graver des formes en bois des-tinées à être transférées directement sur le papier. Cette techniquepermet, dès le début du XVe siècle, d’imprimer des images pieuses. Ona ensuite l’idée de graver dans le bois un petit texte, de la même fa-çon qu’on grave un dessin : quelques mots pour illustrer l’image, parexemple.

On ne peut cependant pas établir un lien véritable entre la xylographieet l’imprimerie dans la mesure où il ne s’agit pas de l’amélioration d’unemême technique mais bien de l’invention d’une nouvelle technique.

L’efficacité de l’impression mécanique passe donc par l’invention d’unmatériel réutilisable ; il faut trouver le moyen de fabriquer des lettresmobiles, afin qu’elles puissent resservir. Et si on utilise des lettres mo-biles, il faut également trouver le moyen de les aligner avec précision.

Ce sera la découverte de Gutenberg.

La jeunesse de Gutenberg

La vie de Gutenberg est assez mal connue car peu de témoignagesécrits nous sont parvenus.

De son vrai nom Johann Gensfleich zur Laden zum Gutenberg, il naîtvers 1397 près de Mayence, une grande ville allemande commerçanteet artisanale des bords du Rhin.

4 c© 2009, rue des écoles - Il était une histoire

Gutenberg, ou l’aventure de l’imprimerie

Il vient d’une famille de patriciens, c’est-à-dire riche : son nom montrebien qu’elle a possédé plusieurs propriétés. Le père de Gutenberg estmaître des comptes, un poste important dans le conseil municipal dela ville. Gutenberg a un frère et deux sœurs, tous plus âgés que lui.Comme les garçons issus du même milieu, on suppose que Gutenberga fait des études générales, notamment en littérature et en théologie,et non pas techniques.

Dans les années 1428-1430, les troubles politiques que connaît la villeobligent de nombreux patriciens, dont Gutenberg et son frère, à s’exi-ler. Alors que celui-ci rentre dès qu’il le peut, Gutenberg reste absentde sa ville natale pendant près de vingt ans.

Il est très probable que Gutenberg passe toutes ces années d’exil àStrasbourg. Pour gagner sa vie, car il ne reçoit pas les rentes qui luireviennent, il s’initie certainement au métier d’orfèvre et acquiert ainsides connaissances techniques, ce que ne lui permettait pas sa positionfamiliale dans son pays natal.

En 1436, il crée une première société, avec trois associés, qui avaitpour objectif de polir des pierres précieuses ou semi-précieuses et defabriquer des miroirs pour les pèlerinages religieux. Cette collabora-tion dure jusqu’en 1439.

c© 2009, rue des écoles - Il était une histoire 5

Gutenberg, ou l’aventure de l’imprimerie

GutenbergLes vrais portraits et vies deshommes illustres d’A. Thevet, 1584,c© Bibliothèque nationale

Gutenberg inventeur

Gutenberg s’occupe en même temps de trouver un procédé mécaniquede reproduction des livres. Il semble qu’il dispose alors d’une presse etde caractères en bois, qui ne produisent pas d’assez bons résultats. Gu-tenberg dépense alors beaucoup d’argent à chercher un métal adéquatpour faire des caractères.

Les recherches se font dans le plus grand secret dans la mesure oùles résultats sont très convoités. Il est cependant incontestable quec’est bien Gutenberg qui a découvert la typographie, c’est-à-dire l’artd’écrire avec des caractères mobiles. Cela constitue en effet l’innova-tion technique la plus importante parmi celles qui ont permis la nais-sance de l’imprimerie.

6 c© 2009, rue des écoles - Il était une histoire

Gutenberg, ou l’aventure de l’imprimerie

Au bout de quelques années, pour des raisons mal éclaircies, Guten-berg regagne Mayence. Il s’associe à un banquier du nom de Fust, quiapporte à leur association l’argent nécessaire à la confection d’outils etde caractères en métal, à l’achat de parchemin, de papier et d’encre.Tout cela doit permettre d’apporter les dernières améliorations à ladécouverte et d’imprimer les premiers livrets pour les vendre.

En 1455, Gutenberg, toujours associé à Fust et à l’un de ses ouvriers,Schœffer, publie à Mayence une Bible, qui est, d’après les historiens, lepremier livre imprimé, connu sous le nom de Bible à 42 lignes. Maisdans le même temps, Fust, qui accuse Gutenberg de ne pas respecterles engagements du contrat, entame un procès contre lui.

c© 2009, rue des écoles - Il était une histoire 7

Gutenberg, ou l’aventure de l’imprimerie

La Bible à 42 lignes, 1455.Velin c© Bibliothèque nationale

Deux ans plus tard, séparé de Gutenberg mais toujours associé àSchœffer, Fust publie le premier livre dont la date d’impression estconnue avec certitude : le Psautier de Mayence. Dès ce moment, leuratelier fabrique des livres en série.

La fin de la vie de Gutenberg est mal connue. En 1465, il est anoblipar l’archevêque de Mayence et meurt en 1468, sans descendance. SiGutenberg n’a pas « inventé l’imprimerie », comme on le dit parfois,il a inventé les caractères mobiles, sans quoi l’imprimerie n’aurait pasexisté. La ville de Mayence lui a consacré un musée.

Les caractères d’imprimerie

La fonte des caractères

Pour fabriquer des caractères, il faut tailler (ou graver) en relief unpoinçon selon la forme de chaque lettre, dans un métal très résistant.Pour éviter de tailler les caractères un par un, il convient de les fabri-quer en série grâce à ces poinçons d’origine, auxquels ils seront doncidentiques.

8 c© 2009, rue des écoles - Il était une histoire

Gutenberg, ou l’aventure de l’imprimerie

Pour cela, il faut poinçonner une masse de cuivre (appelée matrice),métal plus tendre que celui du poinçon, où la forme s’inscrit en creuxet qui sera placée dans un moule. Dans ce moule, enfin, on coule lemétal autant de fois qu’on souhaite obtenir d’exemplaires du mêmecaractère. Quand le moule est usé, on en fabrique un nouveau.La création des caractères est un travail à la fois technique et artistique :c’est celui des orfèvres qui fabriquent des bijoux et de la monnaie.En effet, leur expérience leur permet de trouver la meilleure techniquede taille pour les poinçons et l’alliage de métaux le plus approprié à lafonte des caractères. C’est d’ailleurs dans ce corps de métier que seforment les premiers artisans du livre imprimé.

La fonte des caractèresL’assemblage de la galée

Disposer de caractères mobiles ne suffit pas. Encore faut-il les assem-bler avec assez de rigueur et de solidité pour qu’ils ne bougent paspendant l’impression, qu’ils restent alignés avec régularité et produisentdonc une page imprimée bien nette. C’est pourquoi les caractèresdoivent avoir rigoureusement la même épaisseur et la même hauteur.Pour écrire un texte, il faut aligner dans un composteur1 les caractèresqui forment les mots, en intercalant des blancs entre les mots. Tous cescaractères sont ensuite serrés les uns contre les autres pour constituer1Sorte de gouttière où le compositeur aligne les caractères un à un.

c© 2009, rue des écoles - Il était une histoire 9

Gutenberg, ou l’aventure de l’imprimerie

une ligne puis les lignes sont serrées pour faire un plateau appelé galée.Enfin, le tout est serré solidement sur le marbre, la partie plate etimmobile de la presse.

L’assemblage de la galée

L’encre et le papier

L’imprimerie a pour but de produire de nombreux exemplaires très ra-pidement. Pour cela, il faut trouver un support plus facile à fabriquer engrandes quantités que le parchemin. Le papier répond à cette exigenceet permet en outre une bien meilleure impression parce qu’il boit unpeu l’encre. L’abondance du papier a été la condition déterminante dudéveloppement de l’imprimerie.

Le papier a été inventé en Chine puis apporté en Occident par les mar-chands et les voyageurs arabes. Dès le XIIe siècle, il existe des moulinsà papier en Espagne et cette activité gagne progressivement l’Italie etle sud de la France.

Le papier devient un support courant parce qu’à l’époque de Guten-berg la culture du chanvre et du lin, qui en est la base, est très répan-due. De plus, alors que les copistes utilisaient une encre à base d’eau

10 c© 2009, rue des écoles - Il était une histoire

Gutenberg, ou l’aventure de l’imprimerie

qui, trop liquide, coulait sur les caractères en métal, on met au pointune recette d’encre grasse qui ne s’étale pas pendant l’impression.

Enfin, la presse est l’outil qui a donné son nom à l’impression et à

c© 2009, rue des écoles - Il était une histoire 11

Gutenberg, ou l’aventure de l’imprimerie

l’imprimerie. Son principe est le suivant : il faut poser la forme2 ougalée bien à plat sur le marbre puis l’enduire d’encre avec la balle3.L’ouvrier place la feuille sur les caractères. Un mouvement donné à lapresse fait descendre la platine4 contre la feuille et la serre contre laforme. L’encre donne l’empreinte des caractères sur la feuille, dont uncôté se trouve donc imprimé. Il ne reste qu’à répéter l’opération pourimprimer l’autre côté. Les pages une fois imprimées recto verso, lesfeuilles sont livrées au relieur pour être pliées, cousues ensemble etfinalement reliées.

La diffusion de l’imprimerie

Une fois toutes les techniques mises au point, il reste à améliorer leurrendement, en particulier la vitesse de la presse, ce qui est l’objet d’in-cessants efforts. Mais il faut remarquer que tous les procédés tech-niques sont mis au point en dix ans, entre 1440 et 1450. Dans lesvingt années qui suivent, l’Europe se couvre de presses à imprimer.

L’utilité du procédé est sans doute la raison essentielle de sa rapide dif-fusion en Europe, mais les guerres y ont contribué. En effet, en 1462, laprise et le pillage de Mayence conduisent les ouvriers typographes dela ville à se disperser pour aller exercer leur métier ailleurs : des ate-liers sont fondés à Bologne en 1466, à Bâle en 1467, à Augsbourg puisà Nuremberg, à Rome puis à Venise en 1470. C’est cette destinationqu’avait choisie le premier typographe français. Il s’agit de Nicolas Jen-son, graveur de monnaie du roi Charles VII.21. Sorte de cadre dans lequel le papetier laisse égoutter la pâte à papier. 2. Ensemble des caractères assemblés, fortement serrés pour résister à l’impression.3Boule de chiffon avec laquelle on posait l’encre.4Placée juste au-dessus du marbre, elle presse la feuille contre le marbre pour qu’elle prenne l’empreinte des caractères.

12 c© 2009, rue des écoles - Il était une histoire

Gutenberg, ou l’aventure de l’imprimerie

Louis XI admire des ouvrages quiviennent d’être imprimés.

La France adopte rapidement l’imprimerie. Un professeur de l’Univer-sité de Paris, Guillaume Fichet, décide de faire venir trois ouvriers ty-pographes des pays germaniques et leur installe un atelier dans la Sor-bonne. Ils choisissent de fondre des caractères d’un type rond, élégantet très lisible. C’est dans un des tout premiers livres en latin de cet ate-lier que Fichet fait l’éloge de Gutenberg « car il a gravé des caractèresà l’aide desquels tout ce qui se dit et se pense peut être écrit, transmiset conservé à la mémoire de la postérité. »

Les imprimeurs sont d’abord mal accueillis par les libraires qui vendentdes manuscrits et qui craignent la ruine de leur commerce. Mais lesimprimeurs obtiennent la protection du roi de l’époque, Louis XI, qui,une fois passées les grandes difficultés politiques et militaires du débutde son règne, s’intéresse à l’invention. Presque en même temps qu’àParis, l’imprimerie se développe à Lyon où est publié le premier livreen français.

c© 2009, rue des écoles - Il était une histoire 13

Gutenberg, ou l’aventure de l’imprimerie

Page du premier livre français im-primé et illustré Mirouer de larédemption de l’humain lignaisge,1478.L’illustration a été reproduite aumoyen de la xylographie. Publiépar M. Husz en 1478 c© Biblio-thèque de Lyon

Les incunables

Les tout premiers livres, qui sont publiés avant 1500 et qu’on appelleincunables, ressemblent beaucoup aux manuscrits. De loin, il est im-possible de distinguer la Bible à 42 lignes imprimée et une Bible ma-nuscrite copiée avec soin, à la même époque, dans le caractère appelé« gothique ».

Dans les deux cas, le texte est écrit en noir, sur deux colonnes, lesenluminures sont soit peintes à la main, soit imprimées par xylographiepuis coloriées à la main. Mais bientôt, les livres imprimés vont présen-

14 c© 2009, rue des écoles - Il était une histoire

Gutenberg, ou l’aventure de l’imprimerie

ter de réels changements par rapport aux manuscrits médiévaux. Desinnovations apparaissent ; certaines sont toujours en usage aujourd’hui.

Les filigranes

Les papetiers vont signaler la provenance du papier au moyen d’unfiligrane. Sur la forme dans laquelle s’égoutte la pâte à papier, ils posentun fil de laiton, tordu de façon à faire un dessin : il en résulte, dans lafeuille de papier une fois sèche, une trace visible par transparence.

La pagination

Une pratique beaucoup plus importante pour l’histoire du livre estla numérotation des pages. À l’origine, elle est utilisée surtout pourguider les relieurs, afin qu’ils n’intervertissent pas malencontreusementles pages. Mais elle a pour effet de donner aux lecteurs la possibilitéde se reporter plus aisément au texte. On peut parler d’un livre sansavoir à recopier mot pour mot un extrait car on indique avec précisionoù il est situé dans l’ouvrage.

Page de titre et marque d’éditeur

Enfin et surtout, les imprimeurs ont inventé la page de titre. Cettepage qui nous paraît si habituelle n’existait pas dans les manuscrits oùle titre de l’ouvrage, s’il était noté, constituait la première ligne du texte

c© 2009, rue des écoles - Il était une histoire 15

Gutenberg, ou l’aventure de l’imprimerie

proprement dit. Les imprimeurs vont l’inventer pour faire connaître letitre et donc le contenu du livre mais aussi pour donner des renseigne-ments d’ordre commercial tels que le nom de l’éditeur, la ville, la dated’impression.

L’industrie du livre

Très vite les ateliers d’imprimerie, autrefois itinérants, se fixent dansdes ateliers afin de pouvoir posséder plus de matériel, pour un travailplus varié et plus soigné. C’est une industrie qui, dès le début, a besoinde capitaux relativement importants. La quantité nécessaire de mobilier(casses, presses, etc.) et surtout de caractères représente une sommed’argent non négligeable. Le prix du papier s’y ajoute : beaucoup plusélevé qu’aujourd’hui, il représente environ les deux tiers du prix dulivre. L’imprimeur doit faire l’avance de toutes les sommes nécessairesavant de pouvoir vendre lentement les livres qu’il fabrique.

Comme beaucoup de marchandises de l’époque, les livres se vendentdans la boutique où est installée l’imprimerie. Ils sont également propo-sés sur les foires, grands rassemblements commerciaux qui se tiennentnotamment à Francfort ou à Lyon.

16 c© 2009, rue des écoles - Il était une histoire

Gutenberg, ou l’aventure de l’imprimerie

L’imprimerie est la première industrie qui a mis au point des réseaux dedistribution. Les imprimeurs ont pris l’habitude d’échanger une partiede leur production avec des correspondants. Cette organisation com-merciale, qui suppose des voyages incessants, une comptabilité et unecorrespondance méticuleuses, permet d’écouler plus vite le stock etde varier les titres que chaque boutique propose à ses clients, tout enrécupérant l’argent investi.

Habit d’imprimeur en lettre, Lar-messin, XVIIe siècle c© Biblio-thèque nationale sur les publica-tions destinées à la jeunesse

De grandes redécouvertes

Indéniablement, l’imprimerie augmente le nombre de livres et surtoutle nombre de titres disponibles. De ce fait, elle contribue de façondécisive à répandre toutes sortes de connaissances.

Au XVe siècle, l’imprimerie permet de diffuser des textes anciens ouplus récents dans les domaines de la religion, de la littérature, de l’his-toire et de la philosophie.

c© 2009, rue des écoles - Il était une histoire 17

Gutenberg, ou l’aventure de l’imprimerie

La chute de Constantinople5, conquise par les Turcs en 1453, estcontemporaine des débuts de l’imprimerie. Elle conduit beaucoup desavants grecs à se réfugier à Venise et en Italie avec leurs manuscrits,notamment ceux des œuvres de Platon6.

La cour du Pape, les grandes cours d’Italie, les universités de toutel’Europe attirent ces érudits. L’atelier de l’imprimeur Alde Manuce, àVenise, devient un centre d’études grecques. Imprimeurs et érudits s’yretrouvent pour réaliser les éditions les plus correctes possible desœuvres antiques dont on ne connaissait souvent, jusque-là, que la tra-duction en latin.

En trente ans, ils ressuscitent dans leur langue d’origine, à l’usage detoute l’Europe cultivée qui est impatiente de les lire, les œuvres fon-damentales de la littérature antique. Un siècle plus tard, c’est un grandimprimeur, Henri Estienne, qui compose le premier dictionnaire degrec.

Autre langue antique, l’hébreu est étudié pour des raisons religieuses.On souhaite par là accéder au texte original de la première partie dela Bible, l’Ancien Testament. Selon le même principe, la redécouverte5Anciennement appelée Byzance, Constantinople était la ville la plus riche du Moyen Âge. Après la victoire des Turcs, la ville est baptisée Istanbul.6Philosophe grec, disciple de Socrate.

18 c© 2009, rue des écoles - Il était une histoire

Gutenberg, ou l’aventure de l’imprimerie

des mathématiques antiques, dans les livres grecs, a pour effet de re-lancer l’intérêt pour les techniques.

La qualité du livre

L’exactitude du texte

L’imprimerie améliore également l’exactitude des textes. Copier à lamain étant un travail long et fastidieux, il arrivait que les copistes fassentdes fautes, inconvénient difficile à éviter comme à corriger. Les lecteursde manuscrits avaient donc souvent à se plaindre des fautes présentesdans les textes, qui rendaient la lecture peu sûre.

Or, l’un des grands avantages de la typographie est qu’elle permet dereproduire des exemplaires absolument identiques. L’exigence de cor-rection va contribuer à rétablir la pureté des textes antiques en lesdébarrassant des fautes que les copistes y avaient accumulées. Sansdoute en raison de l’enthousiasme que procure une telle maîtrise, lespremières éditions imprimées sont souvent remarquablement exactes.

La précision de la langue

Le goût pour la précision que l’imprimerie fait naître conduit à uneharmonisation de l’orthographe et de la grammaire des langues. Lesmeilleures façons d’écrire ou d’orthographier se répandent et se fixent.En outre, la traduction des livres antiques dans les langues modernescontribue à multiplier et à préciser le vocabulaire.

c© 2009, rue des écoles - Il était une histoire 19

Gutenberg, ou l’aventure de l’imprimerie

La qualité des illustrations

La gravure sur cuivre (gravure sur métal en creux), aussi appelée gra-vure en taille-douce, remplace la xylographie. Elle est d’abord utiliséepour illustrer les textes. Pour cela, notamment dans les pays flamandset germaniques, les éditeurs font appel à de grands peintres, commeRembrandt. Grâce à la précision avec laquelle elle reproduit le tracé,la gravure rend possible également la publication d’atlas, de cartes dumonde ou du ciel. D’ailleurs, partout où les Européens se rendent, ilsl’installent, si bien qu’à la fin du XVIe siècle la gravure sur cuivre existeen Inde, au Japon, en Arabie, en Amérique du Sud.

Les livres et le pouvoir

L’imprimerie permet de servir et d’entretenir le goût des gens duXVe siècle pour la connaissance. Elle donne toute leur ampleur àdeux grands courants de pensée qui vont se développer au XVIe siècle :l’Humanisme et la Réforme.

L’Humanisme

L’Humanisme correspond à la volonté de développer en l’hommetoutes ses capacités, principalement en faisant progresser ses connais-

20 c© 2009, rue des écoles - Il était une histoire

Gutenberg, ou l’aventure de l’imprimerie

sances. Les Humanistes publient tout d’abord des éditions des œuvresantiques ou du Moyen Âge, puis des œuvres et des commentairescontemporains. En un siècle, ils renouvellent le domaine des connais-sances intellectuelles.Grâce à l’imprimerie, l’homme dispose maintenant de livres qu’il peutlire seul, et non plus seulement dans un cours collectif ou pendantun service religieux. Auparavant, la lecture était faite à voix haute etcommentée, voire censurée, par le professeur ou le prêtre. Il prenddonc l’habitude de se forger une opinion personnelle.

La Réforme

L’imprimerie sert également le vaste mouvement de contestation re-ligieuse qu’on appelle la Réforme parce qu’il est animé de la volontéde réformer l’Église. Ce courant se répand au XVIe siècle et conduit àl’établissement du protestantisme.Le premier acte public de la Réforme est l’affichage, à Wittenberg,en Allemagne, des thèses de Luther. Celui-ci dénonce la vente des in-dulgences, ces sortes de pardons que l’Église accorde contre de l’ar-gent. Bientôt excommunié et banni, Luther commence alors à traduirela Bible en allemand et organise le culte protestant. Il critique la hiérar-chie du clergé et affirme que la seule autorité en matière de religion

c© 2009, rue des écoles - Il était une histoire 21

Gutenberg, ou l’aventure de l’imprimerie

est la Bible. En effet, il considère que la foi authentique passe par lapratique de la religion dans une langue que l’on comprend.

En invitant les fidèles à lire la Bible, Luther encourage l’étude person-nelle et la confiance de chacun en ses propres capacités intellectuelles.

L’imprimerie et la contestation

Grâce à l’imprimerie, un nouveau mode de communication desconnaissances apparaît : le journalisme. C’est Théophraste Renaudotqui imagine de publier périodiquement un recueil des nouvelles de lacour. Il les destine aux gens qui, n’étant pas à la cour, ne peuvent lesapprendre que par ouï-dire. Il invente ainsi en 1631 la Gazette de France.De très nombreux titres vont être créés par la suite.

La Gazette de France

En dépit du développement progressif du journalisme, les mouvementsintellectuels, aux XVIIe et XVIIIe siècleq, passent encore surtout par lelivre. La célèbre Encyclopédie de Diderot et de d’Alembert en donnesans doute la meilleure preuve. Ces deux grands savants et hommesde lettres décident de rassembler tout le savoir de leur époque dansun énorme dictionnaire.

22 c© 2009, rue des écoles - Il était une histoire

Gutenberg, ou l’aventure de l’imprimerie

Mais comme ils défendent en même temps le droit de chaque hommeà la connaissance et la liberté de pensée, leur entreprise est plusieursfois entravée et même suspendue par le pouvoir politique. Elle est fi-nalement menée à bien en vingt ans, puis réimprimée et imitée danstoute l’Europe. Elle symbolise, aujourd’hui encore, la résistance que lesavoir peut opposer à l’obscurantisme religieux ou politique.

L’imprimerie moderne

Très longtemps, les livres ont été composés manuellement, lettre parlettre. Mais ce travail, par lui-même fastidieux, ne permettait pas decomposer de longs journaux dans les délais impartis : une nuit. C’estde leur fabrication que sont venues plusieurs innovations considérables.

La première concerne l’impression : c’est l’invention de la rotativeen 1867. Au lieu d’employer une presse plate, qu’il faut manœuvrerpour l’impression de chaque feuille, on a l’idée de mouler l’original surune sorte de carton souple, qui pouvait s’enrouler sur un cylindre.Contrairement au mouvement alternatif de la presse plate, ce cylindretourne sans s’arrêter. En l’alimentant avec du papier en bobines et nonplus en feuilles, l’impression se fait en continu. Dès que fut supprimé

c© 2009, rue des écoles - Il était une histoire 23

Gutenberg, ou l’aventure de l’imprimerie

le timbre, que pendant longtemps les éditeurs de journaux devaientlégalement apposer sur chaque exemplaire, la rotative fut adoptée enFrance comme elle l’avait été en Angleterre un peu plus tôt.

À la fin du XIXe siècle, de nouvelles machines accélèrent la composi-tion : la linotype, qui fond chaque ligne d’un seul bloc, puis la mono-type, qui fond et assemble les caractères mobiles un par un. Dans lesdeux cas, le long travail de rangement des caractères après usage estsupprimé puisque la machine fond le métal qui sera coulé une nou-velle fois.

Aujourd’hui, il n’est plus besoin d’aligner des lignes de plomb pourformer les pages. Les dernières améliorations viennent de l’ordinateur,qui réalise automatiquement la mise en page, c’est-à-dire la répartitiondes blancs et la disposition du texte sur la page.

Chronologie

Les dates clés de l’imprimerie :

– XIIe siècle – Début de la fabrication du papier en Espagne et enItalie

24 c© 2009, rue des écoles - Il était une histoire

Gutenberg, ou l’aventure de l’imprimerie

– Milieu du XIIe siècle – Fabrication du papier en France

– Vers 1397 – Naissance de Gutenberg

– 1453 – Prise de Constantinople par les Turcs

– 1455 – Bible à 42 lignes : premier ouvrage typographique

– 1457 – Psautier de Mayence, premier ouvrage typographique daté

– 1500 – L’imprimerie est installée dans plus de 200 villes en Europe

– 1501 – Alde Manuce crée le caractère italique

– 1537 – François Ier instaure le dépôt légal

– 1631 – Premier numéro de la Gazette de Théophraste Renaudot

– 1751-1772 – Publication de l’Encyclopédie

– Milieu du XIXe siècle – Utilisation du papier à base de pâte de bois

– 1867 – Marinoni met au point une presse rotative rapide

– 1885 – Invention de la linotype par Mergenthaler.

– 1887 – Invention de la monotype par Lewistone.

c© 2009, rue des écoles - Il était une histoire 25