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    OBfrAR^

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    LESPROCDS PISTOLAIRES

    DESALNT GRGOIRE DR iNAZlNZE

    COMPARS A CEI'X DE SES riO.NTEMPORAIXS

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    LES

    PROCDS PIS0L4IRESDE

    SAINT GRGOIRE DE NAZIANZECOMPAHS A CEUX DE SES CONTEMPORAINS

    PARMarcel GUIGNET

    DOCTEUPI ES LETTRES

    PARISLibrairie ALPHONSE PICARD et FILSAUGUSTE PICARD, DITEUR

    82, Rue Bonaparte, 82

    1911

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    LESPROCDS PISTOLAIRES

    DB

    SllNT GRIGOIRE DE NAZIANZECOMPARS A CEUX DE SES CONTEMPORAINS

    Cette thse complmentaire a pour objet la Correspondancede saint Grgoire de Nazianze. Nous avons essay d'en carac-triser les principaux traits par l'analyse parallle du temp-rament et des procds de style de l'crivain.

    Aussi bien, il ne nous a pas sembl sans intrt de rechercher,dans l'uvre pistolaii*e de saint Grgoire, les dtails et lesdocuments pouvant apporter un complment ou une contri-bution quelconque l'tude que nous avions faite de l'orateur.On est tout le moins curieux de suivre dans l'abandon et dansl'intimit celui qu'on a entendu parler du haut de la chaii'e.Sans doute, la majest de l'loquence solennelle doit cderalors la place la familiarit et la simplicit du langagede la conversation; mais ce changement mme, cette modi-fication dans les mthodes et dans le style, impose par lesncessits d'un genre littraire diffrent, a prcisment poureffet, nous le verrons, de projeter une nouvelle lumire surles conclusions de notre premire thse.

    C'est donc surtout en tant que complment, en tant queProcos epist. de s. g. de N.

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    2 suite logique de notre travail principal que nous croyons cesujet opportun.

    Toutefois, de ce qu'il prsente une esquisse de la psycho-logie et du temprament littraire de saint Grgoire, il nefaudrait pas conclure qu'on doive y chercher une expositionet une critique des questions historiques, biographiques,chronologiques, thologiques, souleves propos de la Corres-pondance. Les lettres de notre auteur ne renferment sur cha-cun de ces sujets que des renseignements trop parpills, tropfragmentaires, trop insufTisants. Cela explique sans doutequ'aucune tude srieuse n'ait jamais t entreprise sur cepoint, alors que d'autres correspondances, celle de saintBasile, par exemple (1), ont dj tent plus d'un travailleur.La Correspondance de saint Grgoire, envisage au point

    de vue littraire et technique, pouvait seule faire l'objet d'unetude un peu cohrente.Pour mieux faire ressortir le temprament littraire de

    saint Grgoire, nous avons conu notre travail sur le pland'une tude compare, o seraient passs en revue les pro-cds littraires des principaux pistoliers contemporains.Nous trouvions, au surplus, dans cette confrontation entresaint Grgoire et les crivains de son temps, l'occasion d'-tendre un peu notre matire et d'en tirer des conclusions d'uneporte plus gnrale. Ce parallle nous permettait, en effet,de dgager quelques-unes des rgles de convention surtouttacite qui ont prsid l'volution du genre pistolaire auiv sicle ap. J.-C. C'est pourquoi nous tions naturellementconduit faire aux pistoliers contemporains une largeplace ct de saint Grgoire, et parfois les mettre aumme plan.

    (1) Gf . V. Martin, Edsai sur les Lettres de S. Basile le Grand. Thse, Paris, 1865.

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    3 Nous avons distribu notre matire de faon permettre

    au lecteur de suivre notre exposition sans tre oblig derecourir pralablement au texte mme de la Correspondance :Aprs un court aperu sur l'art pistolaire, au temps de saintGrgoire, nous avons analys la thorie de la Lettre, tellequ'elle nous est prsente par l'auteur lui-mme. Nous avonsplac immdiatement aprs l'tude littraire de ces lettres,en les classant par groupes distincts, et nous avons rservpour la fin tout ce qui concerne l'expression proprementdite. Bien que l'intrt de cette dernire partie soit moindre,il importait cependant de ne pas laisser tout fait de ct cequi concerne les lments concrets du style; ces lments, eneffet, d'un intrt secondaire pour le littrateur, sont d'untout autre prix aux yeux du technicien. Ils compltent doncavantageusement, semble-t-il, la physionomie de la Cor-respondance de saint Grgoire.

    Ajoutons enfin que nous avons d reprendre, dans cettedernire partie, l'expos de quelques-uns des procds djrelevs propos des Discours. Cette rptition tait fatalesi nous voulions confrer notre travail ime unit indis-pensable (1).

    (1) Consulter : S. Grgoire de Nazianza, d. Migne, t. XXXVII; S. Basile,d. bndictine, t. III; Libaniws, d. Wolf (Amsterdam, 1738); Episto-lographi graeci (Hercher, Gollect. Didot).

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    PREMIRE PARTIE

    La comparaison de la Correspondance de saint Grgoireet de celle de ses contemporains ne suppose pas l'tude sp-ciale de chacun des pistoliers du iv^ sicle. Une pareille tchedisperserait sans profit apprciable notre attention et nosefforts. Nous avons prfr choisir ceux d'entre eux qui,par leurs occupations, leur caractre, leur universalit,pouvaient le mieux reflter en leur uvre les tendances gn-rales de leur poque. Notre but est, en effet, de noter les pointspar o Grgoire se rapproche ou s'loigne de tel ou tel de sescontemporains, pour pouvoir dgager ensuite les rgles enusage alors dans le genre pistolaire, et tre en mesure, endernire analyse, de caractriser l'originalit de sa correspon-dance. Grgoire restera donc toujours le centre de notretude, et c'est lui surtout que nous nous rfrerons.Parmi les crivains profanes, un nom s'imposait notre

    attention : c'est celui de Libanius, esprit universel, portaux cieux par ses contemporains, rhteur et sophiste tout la fois, orateur, confrencier et surtout pistolier. Nous avonsassum la tche, moins difficile qu'aride et fastidieuse, dedpouiller d'un bout l'autre cette volumineuse correspon-dance, parce qu'elle nous parait le vrai type sur lequel ontt comme calques les autres ptres.

    Parmi les crivains religieux, l'tude, au moins partielle,de la Correspondance de Basile s'imposait galement : l'au-torit du grand pasteur avait force de loi, et l'admiration

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    6 qu'on avait pour le docteur s'tendait jusqu' son style mme.Il a, de plus, l'avantage d'avoir t connu de trs prs parsaint Grgoire, qui avait pour lui une affection toute spciale,presque un culte.Ayant ainsi pass en revue les points communs que nous

    pouvons relcA^er entre Basile et Grgoire, d'une part, Gr-goire et Libanius de l'autre, la tche nous devenait plusfacile pour dterminer sans encombre la part rellementoriginale de saint Grgoire dans l'art pistolaire de son temps.

    Toutefois, avant d'aborder cette tude, il est bon, croyonsnous, de jeter un rapide coup d'il sur l'activit pistolaireau iv^ sicle de notre re. Nos documents sur cette questionprjudicielle, nous n'irons pas les chercher bien loin, et celavolontairement : nous les tirerons de l'uvre mme des au-teurs que nous nous proposons d'tudier.La lettre tait alors considre comme une uvre d'art.

    Elle constituait un genre littraire trs en vogue l'poque.Elle tait, sans doute, d'ordre moins relev que les grandsgenres classiques. Saint Grgoire le laisse entendre la find'une des lettres les plus importantes de sa Correspondance,la Lettre Nicobule, en reconnaissant, non sans quelquesatisfaction, que son genre prfr est moins vulgaire que legenre pistolaire : Ta [AEi'Cto cTto^^x'Cixxi (1). Mais il reste quela lettre tait le moyen le plus simple et le plus facile pourprouver son propre talent littraire et prouver celui desautres. Dans ce sicle de raffinement intellectuel, elle devaitavoir une place d'honneur. Les poques de dcadence pr-frent les uvres courtes, finies, ciseles, aux ouvrages delongue haleine; et comme tous ne pouvaient pas prendre laparole dans les coles de rhtorique, la capacit littraire

    (1) Gr. Naz.,105, 51 (fin).

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    _ 7 se mesurait presque toujours d'aprs cinq ou six lignes d'unelettre. On pense quels soins devaient apporter leur rdactionceux qui se montraient soucieux et jaloux de leur rputationlittraire. L'empressement de la critique n'tait pas moindre :l'arrive d'une lettre, venant d'une fme plume, tait un rgal.Une ou deux lettres de Libanius (1) nous donnent des rensei-gnements curieux cet gard : Quand quelqu'un, dit-il, areu une de vos lettres et que nous l'apprenons, nous nousrendons aussitt auprs de lui, et, soit par nos instances, soitpar force, nous les lui arrachons pour les lire . Non moinsprobant est ce petit tableau de la rception d'une lettre : Ds que j'eus reu votre lettre, je la lus d'abord silencieu-sement; puis, riant de joie, je m'criai : Nous sommes vaincus...Basile m'a vaincu! . La lecture de la lettre avait lieu ensuite haute voix, au milieu de cris admirateurs et de bravos;puis on l'emportait et on la transmettait d'autres capablesde la goter.

    Rien d'tonnant par suite que l'on ait fait des extraits delettres (2), et que Grgoire de Nazianze lui-mme ait crit cequ'on pourrait appeler une thorie de la lettre (3). Ajou-tons que, quand bien mme les rgles du genre n'auraientpas t codifies, elles existaient nanmoins, prcises etsouveraines, implicitement ou inconsciemment respectes partout esprit soucieux de suivre la mode et le got du temps.Maint passage des correspondances nous le rvle : Grgoire,Libanius et Basile s'excusent chaque instant de dpasserla mesure rserve aux lettres (4), et l'analogie des procds

    (1) Liban., Corresp., 303, 637 et 719, 1583.(2) Gr. Naz., Corres/)., 108, 52 et 53. La collection, pour la plus grande partie,

    en fut faite par Grgoire lui-mme, une sorte de florilge o il avait mis aussi unchoix de lettres de saint Basile. (Batiffol, Ane. lia. chrt., p. 240.)

    (3) Gr. Naz., Corresp., 105, 51.(4) Id., ibid., 101 B (milieu) (toCto) ;jLa-/.po'Tpov t, vlx-' stcttoayiv eIvx; vstki.

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    employs dans un certain genre de lettres, l'analogie des ides,des formules, tout indique que la lettre, suivant les circons-tances et les sujets, devait tre coule dans un moule dter-min, qui en devenait ainsi la norme et le canon.

    C'est ce canon qu'il s'agit de dgager et de mettre en lu-mire. Nous essaierons d'en saisir l'application travers lesuvres pistolaires de trois esprits trs diffrents certes, etpar le caractre et par les occupations; mais nous nous atta-cherons surtout tablir dans quelle mesure exacte saint Gr-goire a suivi sur ce point des rgles que son ducation profane,ses hautes et nombreuses relations n'avaient pu manquer delui inculquer.

    Sans doute, entre un rhteur vaniteux comme Libanius,un docteur grave et austre, tendances essentiellement pra-tiques et administratives comme Basile, un vque spirituelet fougueux, humain et bon comme Grgoire, on peut saisirde grandes diffrences; leur caractre, lui seul, nous indiqueque nous ne devons pas nous attendre une parit totale deleurs sujets et de leurs procds de mise en uvre; mais c'estprcisment cette distance produite entre eux par leurs naturesdiffrentes et quelquefois opposes, qui fera ressortir davan-tage les points incontestablement communs o ils se rencon-trent. La conclusion en sera ainsi plus nette et plus dcisive.

    Thorie de la lettre.

    Et tout d'abord, il est, dans la Correspondance de saintGrgoire, une lettre qui se signale expressment notre atten-tion, parce qu'elle est, elle seule, tout un petit trait pisto-laire. Elle ne peut manquer de contribuer largement clairerla question de l'art pistolaire au iv*^ sicle. Sans doute, elle

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    9 n'a gure qu'une valeur thorique, et si elle rvle assez bienquel tait l'idal des grands pistoliers d'alors, et spcia-lement l'idal de Grgoire, elle ne saurait nous prsenter untableau fidle de l'tat rel de la Correspondance au iv^ siclede notre re. Elle n'en est que plus intressante nos yeux,car elle nous permet de mesurer la distance qui sparait, cheznotre auteur, la thorie de la pratique. Confronte avec lersultats de notre enqute personnelle, elle aura l'avantagede confrer nos conclusions une prcision et un intrtnouveaux.

    Cette lettre sur la manire d'crire les lettres est adresse Nicobule, un des parents de Grgoh'e. poux d'Alypiana,fille de Grgoire le pre, et sur de Gorgonie, il tait donc sonneveu par alliance. Il semble avoir t particulirement aimde son oncle, et a t, en quelque sorte, son confident litt-raire. A ce titre, cette lettre doit tre la traduction assezexacte du sentiment de Grgoire. Il est vraisemblable, eneffet, qu'il et t moins sincre et plus circonspect, s'ils'tait adress un sophiste. Il convient donc de lui conservertoute sa valeur.

    Cette lettre est crite en rponse une question que luiavait adresse son correspondant (1). D'un ton entirementdidactique, compose d'une seule haleine, elle dit beaucoupde choses en peu de mots. La recherche et l'obscurit decertains passages, notamment les comparaisons du dbut,nous donnent l'illusion d'entendre un rhteur numrant ses lves les prceptes du genre pistolaire. A part cela, ladonne en est assez prcise, et le corps de la lettre bien com-pos. On nous permettra de la citer tout au long, avant d'enentamer l'tude.

    (1) Gr- Naz., 105, 51 (Titr, y.x\ toCto aixe).

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    10 Parmi ceux qui crivent des lettres, puisque vous me

    le demandez, les uns sont plus longs qu'il ne faut, les autrestrop brefs. Les uns et les autres s'cartent de la juste mesure,comme les archers qui envoient leurs traits au del et en dedu but. Leur faute est identique, bien qu'elle vienne de deuxerreurs opposes (1). Quand le sujet ne le comporte pas, il nefaut pas en crire trop, ni tre trop bref quand on a beaucoup narrer. Qu'est-ce dire? Faut-il mesurer la sagesse, en cettematire, la corde perse? Faut-il au contraire s'en tenir auxmesures [approximatives] des enfants, et baucher ses lettresde telle faon que ce ne soit pas mme crire; mais repro-duire, parmi les ombres, celles du milieu du jour (2), et parmiles lignes celles qui nous crvent les yeux, dont la suites'efface, s'oirant plutt spontanment nous qu'elle n'appa-rat rellement, reconnue par ses extrmits dfinies, en sortequ'elles sont, proprement parler, des conjectures de conjec-tures? Il faut rencontrer une juste mesure en fuyant ladisproportion dans l'un et l'autre sens. Voil ce que je pensede la concision des lettres. Pour ce qui est de la clart, tout lemonde reconnat qu'il faut viter un langage trop subtil ettrop orn, autant que faii'e se peut, et incliner plutt vers lelangage familier. Bref, la lettre la meilleure et la mieux criteest celle qui persuade aussi bien le simple particulier que lesavant, parce qu'elle est adapte la mentalit communeet qu'elle la surpasse, en sorte qu'elle se prsente commepouvant tre comprise en elle-mme tout d'abord. Il est, eneffet, galement inopportun d'obliger le lecteur dbrouillerdes nigmes et traduire la lettre. En troisime lieu, ce

    (1) Grgoire, offre peu prs identiquement cette phrase dans un passage deson -liscours 38 (320. B) to yp xaxbv v jxoTpoi oijloiov, xciv v to; vavTtotepiaxTixav

    .

    (2) C.--d. les ombres saillnates; les grandes lignes, disone-nou*.

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    11 qu'il faut une lettre, c'est la grce. Nous la sauvegarderonssi nous n'crivoDS pas des choses arides et ingrates, laides, sansordre ou malipropres, comme on dit. Exemple : tout ce qui estdpourvu de sentences, de proverbes, d'apophthegmes, toutce qui manque de sel, de recherche, toutes choses qui donnentdu mielleux au style. Toutefois, ne paraissons pas en abuser;car si, dans le premier cas, notre langage serait trop grossier,dans le second, nous paratrions insatiables; il est bon d'enuser comme on use de la pourpre dans les tissus. Les figuresde mots, nous ne les admettrons qu' la condition qu'ellessoient rares, et ne choquent pas notre pudeur. Les antithses,parisa, isokla, nous les rejetterons pour les laisser auxsophistes. Si nous les acceptons, que ce soit plutt pour nousjouer que srieusement. Le comble de l'art, en matire destyle, c'est ce que j'ai entendu dire un jour propos de l'aigle :les oiseaux discutaient sur le choix d'un roi et s'taient ornschacun sa manire; on convint que l'aigle tait le plus beauparce qu'il ne pensait pas l'tre. Il faut galement veiller ce que nos lettres soient pourvues d'une grce que nous n'af-fectons pas, et qu'elles se rapprochent le plus possible du na-turel Voil ce que je vous envoie par lettre au sujet deslettres. Ceci ne m'intresse peut-tre pas autant, moi quitraite d'un genre littraire plus relev. Le reste, vous l'ac-querrez par l'tude, et ceux qui s'y distinguent vous l'en-seigneront. ))

    Cette lettre est si nette que nous hsitons en donner uncommentaii'e. Nous le ferons toutefois, moins pour en expli-quer le contenu que pour mettre en lumire certains pointsimportants indiqus seulement d'un mot et qu'une lectureun peu htive peut laisser chapper. Du mme coup, nousessayerons de faire ressortir les ides matresses, accompagnantcette sorte de schma de rflexions que nous aura suggres

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    13 bref tout ce qui donne du sel au style, et tient par consquenten veil l'attention et l'intrt du lecteur. Mais, ajoute Gr-goire, cette slection entre nos ides, s'il faut toujours la faire,il ne faut pas paratre la faire trop souvent (oa'.voasSa : C fm),car, et ici nous compltons la pense de Grgoire, agirainsi serait se donner l'appai'ence du sophiste. La conclusionpratique est de se tenir dans un juste milieu, entre l'excsdans la grossiret ou la rusticit, et l'excs dans la rechercheou la prciosit. Bref, comme l'indique fort bien la comparaisonde la pourpre dans les tissus, il faut faire preuve de discrtion.Ainsi, on persuadera plus aisment.

    b) Mais si l'on a recours aux figures de mots et surtout auxantitheta, aux parisa, aux isokla, etc., la discrtion setrouve compromise. Il convient donc de les rejeter et de leslaisser aux sophistes, ou de ne les employer que dansune intention manifestement ironique. L'idal vers lequel ilfaut en somme toujours tendre, c'est le naturel, car ainsi, onsert la cause de la persuasion.

    Nous croyons avoir montr, en systmatisant peut-treles ides de Grgoire, mais sans avoir toutefois forc le sens dutexte, que la persuasion est, pour lui, comme le pivot autourduquel viennent se ranger les autres procds pistolaires.Appuy sur ces notions prcises, il nous sera dsormais

    plus facile, par l'examen de la Correspondance elle-mme, defaire le dpart entre ce que les conseils de Grgoire ont dethorique, et ce qu'ils reprsentent de rel. Cette thoriede la lettre est-elle une simple exposition de rgles et d'usagesdj accrdits parmi les lettrs, ou faut-il y voir une cons-truction idale, chafaude de toutes pices par un espritcurieux de nouveauts et en qute de perfectionnements?

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    16 la sincrit de ses convictions, tait appel, semble-t-il,encore plus que le sceptique Libanius, verser dans le tonoratoire ou lyrique : tantt, comme chez Libanius, c'est parson style, surcharg d'interjections et d'interrogations sophis-tiques (1); tantt par le dveloppement d'une ide gn-rale (2); tantt par la confusion des procds propres auxlettres de consolation, avec ceux de l'oraison funbre (3). Cette tendance, quoique fautive, est tellement naturelle quetous y tombent, mme Basile, pourtant peu facile mou-voir (4).

    Grgoire, en dpit de ces oublis, ragit visiblement contrece fcheux penchant. Telle ptre qui, par son seul sujet, estun vritable discours (5) (sur la faon dont on doit supporterles injures), digne de figurer parmi les plus belles pages, seremarque par un ton de calme presque majestueux, le tond'un pre son enfant; et si le sujet le porte amplifier (cequi se sent et l), Grgoire se contient volontairement,sachant bien qu'il s'adresse quelqu'un qui le comprend demi-mot. Telle autre lettre (6) que son importance et sa lon-gueur ont pu faire ranger, par erreur, au milieu des discours,s'en distingue pourtant bien par son style sans apprt, par-faitement correct, et mme un peu sec. Une autre encore (7),longtemps considre elle aussi, en raison de son sujet, commeun discours prononc, se prsente au contraire un il exercavec tous les caractres d'une lettre intime, presque confi-dentielle. En voici une preuve : lorsque Grgoire, dans ses

    (1) Gr. Naz., 261, 155; 30,6.(2) Id., 64, 29 (dbut).(3) Id., 321, 197 (seconde partie).(4) Basile, 186, 44 : Ad Monachum lapsum.(5) Gr. Naz., 141, 11. Comparez avec deux passages identiques des dis-

    cours : 1, 712, c 1, 977, c.(6) Id., 176, 101.(7) Id., 329, 202.

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    19 par des livres acres et amers, pour avoir prfr le titre derhteur celui de chrtien ! Pour moi, c'est bien plus decelui-ci que de celui-l que je rends grce Dieu. Non, trscher ami, ne persistez pas davantage dans ces sentiments;il n'est que temps de vous dgriser, de revenir rsipiscence,de prsenter vos excuses aux fidles, de les prsenter Dieu, ses autels et ses divins mystres, abandonns de vous.

    N'allez pas m'objecter ces beaux sophismes : Eh quoi !professer la rhtorique m'empche-t-il de professer le chris-tianisme? Ne gard-je pas la foi tout en m'adressant auxjeunes gens? Peut-tre mme prendrez-vous Dieu tmoin...Il n'en est rien, mon admirable ami; en tout cas, s'il faut vousconcder quelque chose, vous n'agissez pas comme il con-viendrait. Aussi bien, que faites-vous du scandale soulevpar votre conduite, notamment chez ceux qui sont naturelle-ment enclins au mal, et qui ne demandent qu' supposer etqu' raconter sur votre compte ce qu'il y a de pis? Sans doute,ce sont des calomnies; mais quelle ncessit y a-t-il de leuren fournir l'occasion? On ne vit pas seulement pour soi, maispour autrui; se persuader soi-mme ne sufft pas, si l'on nepersuade aussi les autres. S'il vous arrivait de lutter au pugilaten public, vous exposant, dans les thtres, tre frapp et frapper le visage de votre adversaire, ou de vous livrer desdanses et des contorsions indcentes, diriez-vous que vousavez la modration du sage? Un tel raisonnement, en toutcas, ne serait gure sage. C'est le fait d'un pauvre esprit quede l'admettre. Si vous vous convertissez, oh! alors, jeserai tout la joie ! disait un philosophe pythagoricien, quipleurait sur la chute de son compagnon. Sinon, ajoutait-il,vous tes mort pour moi. Mon affection pour vous m'in-terdit de prononcer pareille parole. D'ami, il devint sonennemi, tout en tant encore son ami , dit le pote tragique.

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    20 Oui, je serai bien pein, pour ne pas dire plus, si vous n'tespas de ces hommes, louables au premier chef, qui voient d'eux-mmes leur devoir; si surtout vous n'tes pas de la catgorie,dj moins digne d'loges, de ceux qui ne suivent pas lesbons conseils d'autrui. Telles sont mes exhortations. Pardon-nez-moi si mon amiti pour vous m'a arrach quelques crisde douleur, si l'intrt que je vous porte, vous, toutl'ordre sacerdotal, et j'ajouterai tous les chrtiens, a tropvivement enflamm mes sentiments. Et s'il faut maintenantprier avec vous ou prier pour vous, puisse le Dieu qui ressusciteles morts vous aider dans votre faiblesse ! On trouverait difficilement un plaidoyer prsentant la

    fois plus de logique et plus de pathtique. C'est une argumen-tation en rgle; mais l'aridit du raisonnement y est heureu-sement contrebalance par la sincrit de l'affection.

    Il est une autre lettre du mme genre dans la Correspon-dance; Grgoire s'y prsente comme l'avocat qui lutte nonpour l'existence d'un individu, mais pour celle d'une villeentire : c'est la lettre Olympios, o il demande la grce deDiocsare rvolte (1). Il la prsente comme une suppliantede tragdie, ce qui se reconnat aisment la mise en scne,au ton hyperbolique et pathtique qu'il lui prte : Voici pourvous une nouvelle occasion de clmence, lui dit-il, et de mapart, une nouvelle hardiesse, de confier une simple lettreune requte de cette importance. Ce qui me donne cetteaudace, c'est la maladie, qui ne me permet pas la plus petitedmarche. Aussi bien, elle ne me rend gure prsentable...Quel est donc le sens de mon ambassade? Ecoutez-moi avecbont et bienveillance. C'est quelque chose de terrible quela mort d'un homme; comment ne le serait-ce pas? Vivre

    (1) Gn. Naz., 240, 141.

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    21 aujourd'hui, n'tre plus demain, et partir pour ne plus jamaisrevenir ! Bien plus terrible encore est la mort d'une villeque des rois ont fonde, que les temps ont difie, qu'unelongue suite de sicles a conserve. Il s'agit de Biocesare,ville hier encore, mais non plus aujourd'hui, moins que vousne fassiez un geste de clmence. Reprsentez-vous cette villese roulant, en ma personne, vos pieds; supposez-lui unevoix, des habits de deuil, une chevelure rase, comme dansles tragdies, et prtez-lui ce langage : Tendez une mainsecourable celle qui gt prosterne sur le sol, puise. N'unissezpas vos rigueurs celles des temps; ne renversez pas les pauvresrestes qu'ont respects les Perses. Btir des villes est pour vousplus glorieux qu'abattre celles qui penchent d'elles-mmesvers leur ruine. Montrez-vous fondateur, sinon en augmentant,du moins en conservant intactes celles qui existent. Ne souffrezpas qu'une ville qui exista jusqu' votre entre en charge,n'existe plus aprs vous; ne fournissez pas la postritl'occasion de vous reprocher d'avoir rduit l'tat de terredserte ce qui tait autrefois mis au nombre des villes, et den'en avoir laiss subsister le souvenir que par les seules mon-tagnes, les seuls prcipices, les seuls dcombres. Supposezque notre ville, s'adressant votre humanit, imagine etexprime de telles penses. Mes exhortations moi, recevez-les comme on reoit celles d'un ami. Chtiez, si vous le voulez,ceux qui ont viol vos ordres et votre autorit; l-dessus, jen'ose rien demander, alors mme que, comme on le dit, ilfaudrait voir l'origine de ce sditieux mouvement non dansun complot gnral, mais dans l'lan insens de quelques jeunesturbulents. Renoncez toutefois au plus gros de votre colre, etenvisagez la chose de plus haut. Les coupables n'ont pu sup-porter l'excs de leur douleur, la vue de leur mre cruellementopprime; ils n'ont pas souffert d'tre appels citoyens et

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    22 d'tre sans cit; ils ont perdu la tte, ils ont transgress les lois^ils ont dsespr de leur propre salut. Leur douleur peu com-mune les a rendus fous. Est-ce l une raison pour qu'uneville ne doive plus tre ville? Non, mille fois non, admirableami. N'allez pas en dcider ainsi. Prenez en considration lessupplications de tous les citoyens, de tous les gouvernants, detous les notables. Tous sont galement touchs par ce malheur,et s'ils se taisent, respectueux de votre grande autorit, ilsle dplorent en secret. Prenez aussi en considration la prired'un vieillard qui serait trop cruelle la disparition complte desa grande ville, encore debout la veille, qui verrait le templequ'il a construit Dieu, qu'il a mis tout son zle orner,devenir, le temps de votre gouvernement expii', un repairepour les btes sauvages ! Ce n'est pas tant le bris des statuesqui me serait cruel, (encore que cela soit bien dur pour moi);non. Ne croyez pas qu'il s'agisse ici d'intrts que j'ai plusparticulirement cur. Ce serait plutt qu'une antique cit,qui a jet son clat, soit renverse du mme coup, et cela demon vivant, devant mes yeux, moi, que vous honorez, au sude tous, de votre faveur et de votre crdit. Le pathtique mne vite l'exagration : aussi bien relve-t-on dj des traces d'hyperbole au cours de la prcdente

    lettre. LibaniuS, lui, n'attend pas d'avoir traiter une affaireaussi pressante et aussi brlante pour en user. Toutes les oc-casions lui sont bonnes; qu'il s'agisse d'loges distribuer,de flicitations donner, do protestations d'amiti, d'admi-ration, partout l'uvre ou l'individu vant dpasse ce qu'il ya de plus beau ou de plus cher au monde.

    Votre lettre, crit-il, m'a grandement rjoui... Prodigieuseen tait la beaut; aussi n'ai-je pu retenu- mon admirationen pleine place publique, o je la reus et la lus aussitt.Stratgios, notre magistrat, qui m'entendit, me demanda :

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    23 Pourquoi donc cette exclamation? Je lui expliquai; il lut son tour et se rcria de plus belle... ! (1) Voici un autreextrait du mme genre : Quand j'entendis les loges publicsqu'on vous dcernait, j'tais tellement heureux que tout l'orde Midas, tout le royaume de Cyrus n'taient rien mes yeux...Andronicus vous le dira : mon bonheur se mesure aux louangesque vous recevez (2).

    S. Grgoire ne pouvait chapper un dfaut que prescrivaientdes rgles considres alors comme lmentaires, particulire-ment dans certains genres, comme le pangyrique. Aussi no-tons-nous quelques dbuts trs hyberboliques : Par quel boutcommencer votre loge, crit-il Basile, son ancien camaraded'tudes; comment trouver le mot propre pour vous dsigner?Sera-ce colonne et fondement de l'glise , lumire dumonde , pour employer l'expression mme de l'aptre, ou bien couronne dont se glorifient les chrtiens , ou bien c don deDieu , soutien de la patrie , rgle de la foi, lgat de la vrit, ou plutt n'est-ce pas tout cela la fois et plus en-core? (3) Le caractre passionn de Grgoire se rvle mer-vpilleusement dans cette autre lettre, o il proteste de son amitipour Basile avec tant d'ardeur qu'il craint, dit-il, d'treappel tragique : Mtxpoo yxp [j.e -/.ai TpxycpSov ol ypisi,Trote; (96. A,). La suite est une srie d'hyperboles plusfortes les unes que les autres, si bien que Grgoire, au lieu deprouver qu'il s'est toujours intress son ami, en arrive fina-lement se donner toutes les apparences d'un accus qui se

    (1) Liban., 142, 290.(2) Id., 5.35, 1126. Noter, dans l'hyperbole, une certaine tendance la

    redite. Dans la lettre 320, 670, on lit : Mixp yot Ttvra -/jyi spatvexat, MtSouTtXo-jTo;, etc. Dans la lettre cite plus haut (535, 1126) : (itxpv 5a tv MiSo--Xpuav... etc. ,

    (3) Gr. Naz.,92, 44.

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    24 dfend et se sent coupable (1). Eh quoi ! vos intrts ne sont mes yeux que bagatelles et frivolits ! tte divine et sacre !Quelle parole a franchi la barrire de vos dents? Commentavez-vous os prononcer un tel blasphme ! Permettez-moid'avoir, mon tour, un peu de hardiesse. Votre esprit a-t-ilpu concevoir une telle pense, votre main a-t-elle pu l'crire,le papier a-t-il pu la recevoir? Littrature, Athnes, vertus, sueurs de l'tude ! Car vos lettres m'obligent levermes plaintes jusqu'au ton de l tragdie. Voyons ! Ne me re-connaissez-vous pas? Ou bien, oubliez-vous ce que vous tesvous-mme, l'il, la majestueuse voix, la trompette de l'uni-vers, le roi de l'loquence. Grgoire mpriser vos intrts !Qui donc ne vous admirerait pas? S'il n'y a qu'un seul prin-temps parmi les saisons, un seul soleil parmi les astres, un seulfirmament pour tout embrasser, il n'y a qu'une seule voix, l'exclusion de toutes les autres : la vtre. Ceci soit dit, r-serve faite de ma capacit pour porter de tels jugements, et, ce que je ne crois pourtant pas, mise part l'erreur laquelle m'expose mon affection pour vous. Si vous me re-prochez une admiration disproportionne avec votre mrite,faites le mme reproche tous les hommes. En vrit, nul n'aet ne saurait avoir pour vous l'admiration que vous mritezsi ce n'est vous-mme, et votre parole qui ( supposer qu'il voussoit possible de vous dcerner vous-mme des loges) serait,par sa magnificence, la rgle des discours... C'est encorenotre Grgoire qui, plus loin, dans une lettre d'adieu un gou-verneur qu'il estimait, s'cria : Nous sommes perdus; noussommes trahis ! nous redevenons une autre Cappadoce ! (2)

    Malgr ces erreurs de got passagres, qui s'expliquent lafois par les suites de son ducation profane et par la vivacit

    (1) Gr. Naz.,96, 46.(2) Gr. Naz., 261, A;,.

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    25 de sa nature (1), Grgoire sait garder, notamment auprs deshauts personnages, une dignit et une rserve qui sont tout son honneur. Nous verrons, par .exemple, que la plupartde ses lettres de recommandation ou d'loges sont empreintesd'un certain ton de bonhomie qui, d'ailleurs, ne se confondjamais avec le sans-gne, comme il arrive Libanius. Il estfacile d'en juger par la lettre que nous citons (2). Vanit part, crit-il Timothe, je suis donc toujours bon chasseurde bons sujets, moi qui, par" mes procds inquisiteurs, aid-couvert, pour la rvler ensuite aux autres, votre loquencecache et si jalouse de l'obscurit. Comme disent nos saintslivres, j'ai plac bien en vue sur le chandelier la lumire ca-che sous le boisseau. Pour taire vos autres qualits, tellesvotre ducation, votre pit, la politesse et la douceur de vosmurs, (toutes vertus qu'il est bien difficile un seul hommede runir), quelle n'est pas la beaut de votre conduite pr-sente ! Non seulement vous gardez mon souvenir, mais voslettres m'apportent la preuve de votre affection, et vousy ajoutez encore des loges ! Ce n'est pas que vous ayez desseinde m,e louer; je connais trop vos sentiments; mais c'est afinde me rendre meilleur, de me faire avancer davantage, parla confusion de ne pas tre tel que vous me croyez... Grgoire aime beaucoup ce ton enjou et de bonne humeurnaturelle : Vous avez beau vous taire, crit-il Procope (3);vos reproches ne m'chappent pas. On dirait que je vous en-tends me dire : Nous donnons un repas de noces; et, qui plusst, il s'agit du mariage d'Olympiade, votre cher trsor; il yavait une foule de prlats; et vous, soit ddain, soit paresse,vous faisiez dfaut, mon noble ami. Ni l'un, ni l'autre,

    (1) Cf. l'avis de Martin (op. cit., p. 174) sur le caractre de S. Grgoire.(2) Gr. Naz., 272, 164.(3) Id., 316, 193;

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    26 mon admirable ami. Je ne pouvais tout de mme pas, au milieude mes occupations tragiques, m'adonner des divertissementsjoyeux. Au surplus, il tait tout fait hors de saison et nulle-ment nuptial de voir deux goutteux voluer, objet de la risegnrale, au milieu des danseurs... Ceci soit dit par manire deplaisanterie... nuptiale. Je n'ai, d'ailleurs, qu' le vouloir pourtre au milieu de vous, participer votre rjouissance, joindreensemble les mains des deux jeunes gens et les unir toutes deux celle de Dieu... Comme on le voit, Grgoire daigne parfois se mettre en frais

    d'esprit; le badinage lui plat, et convient trs bien sa naturede Grec fm et moqueur (1).

    Ici, nous touchons un des cts o Grgoire se montrerellement suprieur : c'est dans l'emploi de l'ironie. Alors queLibanius ne semble pas savoir manier l'ironie qu'il a lourdeou grossire, le triomphe de Grgoh'e consiste dans une ircniequi va de la lgret la plus imperceptible et la plus bnigne l'amertume mle de colre et de dpit. Un exemple seprsente de lui-mme sous notre plume; il est connu de ceuxqui ont un peu feuillet la Correspondance; il s'agit de la fa-meuse Lettre Basile (2) qui, elle seule, pourrait nous difiersur la capacit moqueuse de notre auteur. L'ironie y est pi-quante, fine, spontane; la fin, Grgoire, se jugeant lui-mme,avoue spirituellement que ce qu'il crit est peut tre plus longqu'il ne convient une lettre, mais coup sr moins longqu'une comdie (28. B).

    Grgoire a mme trouv le moyen d'tre mordant sans frois-ser : tmoin cette lettre Nicobule, grand et bel homme, quise raillait peu dlicatement de son pouse, petite et frle (3).

    (1) Cf. encore Gr. Naz., 157, 86.(2) Id., 24, 4; cf. aussi 27,5.(3) Id., 44, 12.

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    21 tant donn le but atteindre, rien ne pouvait tre mieuxtourn : l'ironie y est si fine et si peu mchante au fond ! Vous vous moquez, dans votre lettre, d'Alypiana, commesi sa petitesse tait indigne de votre haute stature, colosse, tre immense et monstrueux, tant par la taille que par laforce ! Aussi bien, c'est d'aujourd'hui que j'apprends que l'me se mesure , que la vertu se pse , que les cailloux sont plusprcieux que les perles, que les corbeaux sont plus aimablesque les rossignols. Libre vous de jouir de votre haute taille etde vos coudes, de ne pas vous montrer infrieur aux Aloydes.Conduire votre cheval, brandir le javelot, aimer le gros gibier,c'est votre affaire, ...mais non celle de votre femme; elle n'a pasbesoin de beaucoup de force pour porter sa navette, maniersa quenouille, et rester assise prs de son mtier, comme c'estl l'occupation des femmes. Si vous y ajoutez les momentsqu'elle passe agenouille en prires, ses continuelles conver-vations avec Dieu dans les lans de son me, qu'allez-vousvous targuer de votre hauteur et de la mesure de votrecorps!.. Sachez comprendre combien elle est peu co-quette, combien elle est virile pour une femme, quelsoin elle apporte son mnage, quel amour elle a pourson mari ! Vous pourrez dire alors le mot du Spartiate : En vrit ! l'me ne se mesure pas, et il est bon pourl'homme que son extrieur jette les yeux sur son intrieur .Si c'est ainsi que vous en jugez, cessez vos plaisanteries;ne vous moquez plus de sa petitesse et vous estimereztout le bonheur de votre union.

    Il faudrait lire cette lettre dans le texte : c'est unchei-d'uvre qui recle des trouvailles de gnie : l'emploidu vocabulaire pique, si riche en mots destins vanterla force des hros, et le passage subit la fm, duton le plus badin au ton le plus srieux. C'est l que

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    28 Libanius pourrait s'crier : Nv'.x'/;|ji.Ga... Fp-^yopio Se-/.S/CpTTJ/CS (1).

    Cette ironie est une ironie douce et mielleuse. Grgoireen connat une autre, dont il s'arme rarement, parce qu'elleest plus mchante et se rapproche de la diatribe. L'uniquechantillon que nous en possdions sufft nous difiersur ce qu'eussent t les autres (2). Elle est adresse : -pTo; TToXiTEuofxvou. Je crois en vrit , leur dit-il , quesi Diogne de Sinope avait vcu parmi vous, vous ne vousseriez pas arrts devant sa besace, et que vous l'auriez, luiaussi, empoign, sous prtexte qu'il exerait un mtier, qu'ilavait un pauvre manteau et un bton, qu'il refusait de se fairepayer pour ses leons de philosophie, et qu'il soutenait sa vieen s'en remettant au hasard de la bonne fortune, frappanttantt une porte, tantt une autre... En somme, dans l'ironie, Grgoire est pass matre, et si

    Basile, dans une des rares lettres o il a daign l'employer (3),se montre un rival possible de Grgoire, Libanius est, surce point, sans contredit, dpass.

    Grgoire est donc un fin humoriste, et le caractre moqueurque ses lettres nous rvlent explique en partie l'ironie latentede certains passages de ses discours, voire des plus srieux.

    L'ironie, aprs ce que nous en avons dit, pourrait tre con-sidre comme le ton dominant de la Correspondance de Gr-goire, s'il ne s'y mlait un autre ton tout oppos : le ton srieux,ou mieux le ton doctoral. Grgoire, dans ses discours tho-logiques, a recours un style spcial, gnralement sobred'ornements. Il tait appel traiter aussi par crit de ces

    (1) Liban., 719, 1583.(2) Gr. Naz., 172, 98. Cf. aussi 62, 26 et 27.(3) Basile, d. de Libanius (Wolf), 725, 1595.

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    29 questions proprement dogmatiques; mais le ton de ces lettresdiire nous devions nous y attendre du style thologiqueoratoire. C'est un ton un peu sec, nu, quelquefois brutal; cesont les accents du docteur qui parle ex cathedra^ lance desanathmes et impose ses dfinitions. Ici, toute l'attention,tout le soin de Grgoire sont concentrs sur la pense ex-primer. Nous avons plusieurs types de ces lettres (1); mais laplus curieuse est celle qu'il lana contre Apollinaire (2). Sousforme de lettre, telle l'ptre aux Pisons, c'est un petit traitde l'hrsie, spcialement de l'hrsie Apollinariste. Bien en-tendu, ce ton doctoral, cher Basile, puisqu'il domine danspresque toutes ses lettres, est inconnu de Libanius, etpour cause.

    Il est cependant un ton, la fois grave et affectueux, bienconnu de Libanius, qui semble s'tre appliqu rivaliser surce point avec les docteurs catholiques : c'est le ton du directeurde conscience. Disons-le, Libanius, dans ses lettres de conseilet de direction morale, a su, en dpit de l'infriorit de lamorale paenne qu'il avait sa disposition, emprunter le tonpropre ce genre de lettres, et pratiquement faire beaucoupde bien aux mes inquites, dfaillantes ou dcourages.Toutefois Grgoire, comme Basile d'ailleurs, a une expriencepsychologique beaucoup plus tendue et plus pntrante.Alors que Libanius reste dans le gnral (3), et partant offre l'intress des arguments moins saisissants, Grgoire, in-

    , failliblement guid par sa psychologie, s'avance avec plusde dlicatesse, avec plus de hardiesse aussi que Libanius. Leton s'en ressent : tantt discret, tantt autoritaire et pressant,il sait se plier aux caractres et aux circonstances. Telle lettre

    (1) Gr. Naz., 269, 163; 228, 132 et 133; 233, 138.(2) Id., 176, 101.(3) Ce qui arrive aussi Grgoire, 384, 244.

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    30 rvle une observation et un tact rellement suprieurs : celleo Grgoire, ayant choisir entre une satisfaction d'amour-propre et l'occasion de rpandre un peu de baume sur uncur aigri et dpit, se tire avec honneur d'une grave difTi-culte (1). Ayant eu consoler Timothe d'un malheur. Gr-goire n'tait parvenu qu' s'attirer ce remerciement k qu'il taitsans noblesse de juger pied sec ceux qui se dbattent aumilieu des temptes . En excellent directeur d'me, doubld'un bon psychologue, Grgoire, loin de se fcher, commencepar avouer que sa lettre a t au moins utile quelque choseen dtruisant la douleur de Timothe par la substitution d'unautre sentiment, une sorte de respect humain (to pvOpiXv).Il essaie ensuite de l'amuser un peu en le comparant plaisam-ment aux chevaux d'Achille qui, un moment abattus par lamort de Patrocle, levrent bientt la tte et en secourentla poussire. Puis, subitement, Grgoire change de tactiqueet, s'en prenant plus ouvertement son correspondant, ilavoue qu'il trouve sa lettre quelque peu hautaine et belli-queuse. Il ne lui en ritre pas moins le conseil de se raidircontre la douleur.

    Voil une lettre o l'on passe au moins par trois tonsdiffrents : c'est un des secrets de la suprme habiletde Grgoire. Nous avons dj not que ses pitres,souvent badines au dbut, se terminent, au contraire, surun ton srieux (2) ou demi- srieux. La rciproque estgalement vraie.

    Quelquefois, comme pour donner sa parole plus de prix,Grgoire, dont le verbe tait pourtant si abondant, devenaitalors concis jusqu'au laconisme. 11 sait que le laconisme n'est

    (1) Gr. Naz., 276, 166.(2) Id., p. ex. 309, 190.

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    31 pas dans la forme, mais dans la concision du fond (1) : c'estavant tout enfermer beaucoup de choses dans peu de syl-labes )). C'tait bien ce qu'avait remarqu Basile, lorsqu'ilcrivait Grgoire (pist. 19) : J'ai reu dernirement votrelettre; oui, elle tait bien de vous; c'tait votre criture, sur-tout votre genre : peu de paroles et une pense abondante (2).C'est ainsi qu'il communique parfois ses instructions avec unebrivet d'oracle, et sous une forme lapidaire; telle la petitelettre de quatre lignes o, en docteur habitu commanderet dfinir, il laisse entendre Amphilochius dans quellemesure il l'approuve (3). Cette brivet un peu sche, Grgoiresait la retrouver quand besoin est : tandis que Libanius, vexet froiss, s'emporte au hasard et frappe comme un sourd,Grgoire, plus adroit, mnage son correspondant, en dispersantsa colre au milieu de sourires ironiques, on en conservant aumoins un ton de politesse impeccable. Voici ce qu'il crivit son suprieur hirarchique, Eusbe de Csare, dont lesprocds l'avaient choqu : (4) C'est autant la violence dudpit, comme vous me l'avez reproch, qui a dict ma lettre,que la sagesse du Saint-Esprit allie la sagesse humaine, voiremme la simple justice. C'est la vrit que constate regretcelui que vous appelez le trs loquent Grgoire. Car enfin,si vous tes mon suprieur pour la dignit, vous me permettrezbien, mme moi, de m'exprimer avec quelque libert et avecune honnte franchise... Sivous regardez ma lettre comme celled'un subordonn qui ne doit mme pas vous regarder en face,je rece^Tai vos coups, mais sans aucun chagrin. Vous allez

    (1) TO Aaxwvt^siv o-j T0UT(5 ortv, o-Kip ol'et, oAt'ya; ryjWxoi.c, Ypiatv, XXTispl TtXei'cTTwv oXt'ya.

    (2) Cit par Martin, op. cit., p. 171.(3) Gr. Naz., 123, 62.(4) Id., 52, 17.

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    32 peut-tre me le reprocher; ce serait, en tout cas, un sentimentqui conviendrait tout autre qu' Votre Pit. Car une meleve admet plutt la libert de ses amis que la flatterie deses ennemis. Ici, nous ne pouvons rsister la tentation deprier le lecteur de lire tout au long la lettre o Grgoire notifiequ'il refuse l'vch de Sasime (1). Nous tcherons, par notreanalyse, de faire ressortir comment, indign de la conduitede son ami Basile, il sait cependant dissimuler la scheresserelle du ton au travers d'amplifications et d'ornements.

    C'est, il faut en convenir, une missive d'une franchise quel-que peu brutale, quant au fond; et si la rhtorique ne venaitmler cette amertume sa meilleure ironie et ses plus prcieuxornements, la lettre paratrait de ton plutt pre. Il ne fautpas croire que Grgoire noie dans un ton demi - srieuxdemi-moqueur les remontrances et les griefs qu'il veut exposer:son but est d'amener son correspondant comprendre qu'ilest fch, et plus encore, l'empcher de feindre qu'il ne l'apas compris. Aussi, fidle au procd que nous avons djindiqu, entremle-t-il adroitement les tons les plus diverset les plus dconcertants, depuis le reproche cinglant jusqu'l'indulgence feinte ou affecte. Dans la lettre que nous avonscite et qui est peut-tre le chef-d'uvre du genre, nousvoyons d'abord un homme positivement en colre, brutal etsans dfrence; le ton est manifestement indign, en tout casjoue l'indignation. Subitement il s'arrte, et, par un revirementd'une rare vivacit, il montre qu'il sait encore plaisanter ouexcuser. Bien plus, il va jusqu' s'excuser lui-mme et sedisculper d'avoir rien fait contre Basile; puis, tranquillementcette fois, tel un chat qui promne hypocritement sa griffedans les chairs de sa victime, il ajoute comme ngligemment,

    (1) Gr. Naz., 97, 48.

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    33 aprs avoir dit qu'il n'a sur la conscience aucune faute com-mise contre son ami, si ce n'est pourtant que nous avons cons-cience d'avoir t tromp, chose dont nous avons eu cons-cience un peu tard, mais dont nous avons tout de mme euconscience. Puis, aprs cette phrase jete en passant et commepar hasard, mais qui dut cependant faire mordre les lvres son ami. il continue posment l'numration de ses griefsen ayant soin de les placer dans la bouche de certainscalomniateurs malintentionns. Le tovto'j u.h oOv yxizt'.vixGou.^ (mais, envoyons-les promener!) nous amne aurapprochement de ce passage de haute comdie avec la tiraded'Arsino Climne dans le Misanthrope (1). Personne nes'y trompe, naturellement, Basile pas plus que les autres :aussi, lui qui connaissait les finesses hypocrites de la rhto-rique, dut en ressentir un certain dpit. Enfin (100, 2), im motsemble nous indiquer que Grgoire va se dcider aller droitau but et parler sans fard (2). Dtrompons-nous : le chat n'apas encore assez jou avec sa victime. Il bauche une petitedissertation sur l'art de combattre qu'il n'a pas appris, sur lamanire dont les faibles luttent quand on les pousse bout, tous passages pleins d'allusions, mais qui n'attaquent pasle sujet en face. Il espre, par ce harclement sans trve,frapper plus juste. Aprs avoir entreml plaisamment salettre d'allusions profanes (3), n'oubliant, mme pas ici qu'ils'adresse un lettr, il dvoile tout coup les projets fomentspar Basile, et le lui dit tout net : Tt tv ly.'j.7:o()v Sx'jy.covTTOGTepsv Tr,v y//]Tp6-oX'.v; Enfin, aprs une phrase d'uneironie mordante, Grgoire se drobe, non sans un dernier coupde patte.

    (1) Misanthrope, acte III, scne v.{2) 'Ey) S -0 iav, w; r/d), St^X-joto), xai jaoi iaiov pyi-rS^;.

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    34 Grgoire crivit d'autres lettres dans le mme genre, o il

    unit hardiment un ton de froide politesse une apparentebonne humeur (1) : au fond, c'est le mme procd employavec la mme aisance.Pour que notre auteur se montre embarrass, en effet, il

    faut qu'il en ait bien sujet. D'ailleurs, cela lui arrive rarement^A part certaines lettres o il se montre assez gauche dans l'ex-pos de ses revendications ou de ses raisons, il est gnralementd'une franchise, qui a l'avantage de servir sa cause, au lieude la compromettre (2). Libanius, en semblable circonstanceajoute im dfaut un autre dfaut. Son embarras se compliquepresque toujours d'un mensonge (3) ou d'une obscurit assezpaisse pour qu'il avoue s'en rendre compte (4).A vrai dire, la qualit matresse de Grgoire dans sa Corres-pondance, c'est l'aisance : ses lettres sont le rendez-vous destons les plus divers; on y rencontre mme le ton potique etidyllique. Il crit, par exemple, Candidianus (5) : Je laisseau pote, dont l'art est libre et indpendant, le soin d'entonnerun chant rustique en votre honneur et de former un chm'agreste; puis, aprs avoir moissonn quelques pis bien mrs,d'en tresser la plus jolie couronne qui soit, et d'orner votre^tte de ceps de vigne, piqus de lierre et de raisins. Voil bienles Thalysies de l'Agriculture, ramene grce vous parmi leshommes ! Que les pierres ruissellent du lait, les fontaines dumiel, que les arbres des vergers et des montagnes regorgenten fruits dlicieux ! videmment, ce passage est uneexception; mais il a l'avantage de nous attester l'entire libert

    (1) Gr. Naz , 101, 50.(2) Id. 260, 153; 276, 166.(3) Liban-, 135, 276. (Il lui rclame, dit-il. de l'argent, pour avoir le plaisir

    de lui crire.)(4) Id., 156, 322 : i'va o /yo; [j.t) eU arvr;|i.a TziTr,, ax^axtpov pi.(5) Gr. NAZ.p. 40>B.

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    .35 d'accent que garde Grgoire dans ses relations pisto-laires (1).

    Jusqu' prsent, nous avons vu dfiler devant nous l'ora-teur, le thologien, le lettr fin et dlicat, l'avocat, le docteur,voire mme le pote; nous l'avons vu tour tour enjou, spi-rituel, froidement poli, bonhomme. Avons-nous vu l'hommecomplet? Nous nous reprsentons bien jusqu'ici une ttefort spirituelle, un esprit aimable et souriant, une verves'exerant parfois aux dpens d'autrui; mais l'homme decur, o le trouvons-nous? Inutile de dire qu'il ne faut gurele chercher en Libanius, o l'esprit a trop souvent touffla voix du cur (2). Sans doute, chez Grgoire, nous avonsdj saisi, et l, au travers de lettres fort sphituelles oufort srieuses, quelque cri de l'me, chapp comme malgrlui (3), et aussitt rprim; mais il est certaines lettres, quenous avons rserves pour la fin, dont le ton, la fois simpleet mu, nous repose de la coquetterie des autres. L se rvlecelui qui sut tre un ami tendre et aimant, un pre spirituel in-dulgent et bon, un prtre compatissant et dsintress. Seslettres aux jeunes gens sont des modles de grce et de con"seils difiants (4); celles qu'il adresse certains de ses amisrenferment sur l'amiti des passages dignes de figurer ctde ceux de Cicron et de Montaigne: les plus infimes dtailsde ses lettres ses anciens condisciples et amis sont pleinsde souvenirs mus et mlancoliques (5) : Csaire n'est plus;(laissez-moi vous confier ma douleur, mme si elle ne vous

    (1) Une lettre curieuse cet gard, c'est celle o Grgoire, crivant pour sonpre, prend un ton un peu snile : c'est la lettre 83, 41, laquelle on peut joindre87,42.

    (2) Notons cependant quelques honorables exceptions, dont la lettre 112, 232.(3) Gr. Naz., 81,40.(4) Id., 337, 204.(5) Id., 65, 30.

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    s-parait gure digne d'un philosophe). Or, j'aime ce qui me restede Csaire; tout ce qui vient me rappeler Gsair, je le couvrede mes embrassements et de mes baisers, car il me semblealors le voir, jouir de sa compagnie et de sa conversation. C'estl'impression que j'ai ressentie en lisant votre lettre. Ds quej'eus parcouru le dbut et que je la vis signe de Philagre,dont la personne et le nom me sont si chers, alors revinrent enfoule mon esprit toutes nos joies d'antan, villes, travaux,table commune, pauvret, toutes les douceurs de la bonnecamaraderie, comme dit Homre, nos plaisirs, nos efforts,nos sueurs dans l'tude des belles-lettres, nos matres communs,nos hauts espoirs, br^f tout ce que chacun peut raconter de cesbons m.oments dont le seul souvenir sufft me rjouir. Pourme donner l'occasion de nous rencontrer davantage encoresur ce doux sujet, consentez saisir votre plume et faites-moile plaisir de m'crire. Je suis loin de faire peu de cas de voslettres, puisque le mauvais sort qui rgla si fcheusement mesintrts, m'a arrach la grande consolation de votre socit.

    Cette tendresse de cur, si manifeste dans la lettre prc-dente, suggre parfois Grgoire l'expression juste et finedes plus beaux sentiments, tmoin le court billet qu'il criviten rponse une lettre de consolation, ou celui dans lequel ilregrette sincrement de n'avoir pas rencontr Eusbe, levaillant athlte exil pour la foi (1).

    Mais l o la simplicit et l'motion sont encore rehaussespar la conviction et l'ardeur de la foi, l o apparat le chrtien,le docteur de l'glise, Grgoire non seulement est grand; iltouche au sublime. Telle de ses lettres (2) renferme un crid'esprance parti du cur et que personne ne confond avecrexclam.ation d'un rhteur: D'autres possdent sans doute

    (1) Gr. Naz., 77, 35; 125, 64.(2) Id., page 129. A3.

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    37 le sol de nos anctres: mais nous avons, nous, la citcleste; d'autres occupent peut-tre notre sige piscopal;nous, nous avons le Christ, sublime change ! Pouravoir mpris quelques vains avantages, que n'avons-nouspas obtenu! Nous avons pass par le feu et par l'eau ;je crois fermement que nous irons dans le lieu du rafra-chissement. Non; Dieu ne nous abandonnera pas toujours;il ne souffrira pas que la saine doctrine soit perscute. Lajoie des consolations sera proportionne la multitude denos mau-x. Je le tiens pour certain et c'est tout l'objet demes dsirs.

    Libanius car il faut en revenir lui fait alorspitre figure auprs de Grgoire : il ne se dpartit jamaisd'un certain ton moyen, qu'il veut s'efforcer de rendrespirituel, mais qu'il n'arrive qu' rendre monotone. Lesdeux cents lettres qui nous restent de Grgoire offrentune diversit de tons qui contraste absolument avecl'uniformit des deux mille lettres de Libanius. L o cedernier fait un effort pour ch?.nger son accent habituel, ildevient aussitt gauche et emprunt.Mais notre conclusion a une porte plus gnra.le : peu nous

    importe la rigueur que Libanius le cde Grgoire ou Gr-goire Libanius; voici qui est plus curieux : Libanius estquelque chose de plus pour nous qu'un sophiste paen duiv^ sicle; il est le type du Rhteur contemporain deGrgoire; son uvre est nos yeux l'expression laplus fidle des rgles et des canons littraires de l'poque.En un mot, il est le champion de la littrature profane.Ds lors, nous sommes plus en mesure de constater l'ori-ginalit propre de notre Pre de l'glise; ayant fait ledpart de ce qu'il a reu ou accept de ses matres profaneset de ce qu'il a cr de lui-mme, nous pouvons avoir une

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    38 ide au moins approximative de sa valeur en tantqu'pistolier.

    Si nous en restions l, la tche ne serait pas complte : ilnous faut dsormais pousser plus loin notre analyse et recher-cher d'une faon plus prcise, non plus la mthode gnralesuivie par Libanius ou Grgoire pistoliers, mais les procdsspciaux, employs pour traiter tel sujet, et les ides spcialesaussi, mises pour servir l'argumentation ou au dveloppe-ment de ce sujet.

    Bien qu'il soit trs difficile de donner une unit une Corres-pondance, quelle qu'elle soit, et d'en grouper les sujets dansun ou plusieurs cadres nettement dfinis, nous avons essaynanmoins de runir sous une rubrique commune certainsgroupes de lettres plus caractrises. Ajoutons d'ailleurs quecette classification nous a t facilite : on n'usait pas autrefoisde la lettre comme nous en usons aujourd'hui. Genre presqueexclusivement littraire, elle avait non seulement ses procds,mais mme ses sujets : c'est, disons-le en passant, ce qui con-tribue rendre certaines d'entre elles si monotones. Non pasque, pratiquement, l'on ne semblt quelquefois droger cettergle : les empereurs, notamment, envoyaient quotidienne-ment des missives dont le contenu tait peu prs aussi litt-raire que celui de nos dpches; mais ces dernires ne rentraientpas dans le genre proprement pistolaire. Dslors,nous sommesautoriss, croyons-nous, diviser en groupes les Lettres deGrgoire : nullement factice, cette sparation est presquenaturelle.

    Si l'on veut bien considrer que, dans S. Grgoire pistolierse refltent :

    a) l'homme du monde; l'ami; le lettr;b) le personnage influent;

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    40 rents dbuts de chaque lettre, chez Libanius et chez Grgoire,que nos auteurs entament volontiers leur dveloppementpar certaines lormules ou certains mots qu'ils semblent pr-frer. Il se rencontrent galement dans l'emploi, au dbut,d'une pense gnrale, qui parfois est une maxime (1). Lesdbuts par citation sont encore plus frquents : on peut sup-poser que c'tait au moins une rgle d'lgance. Libanius citesouvent Homre ou Pindare en tte de ses missives (2); Gr-goire cite plusieurs fois Homre (3), une fois Hsiode (4),et couramment la Bible (5). Ces citations, surtout les dernires,donnent la lettre une allure lgrement oratoire. Les ho-mlies de Grgoire dbutent ainsi par le passage d'un psaumeou par un verset de la Bible.Le prambule est plus ou moins long, gnralement plus bref

    que dans les lettres de recommandation. Certaines lettres,crites en vue du trait final, sont employes tout entires le prparer. Le prambule tient alors lui seul les trois quartsde la place, comme il arrive dans la lettre suivante (6) : Sil'un de nos amis communs, dont le nombre est grand, j'aime le croire, vous demandait : O est maintenant Grgoire,et que fait-il? rpondez hardiment qu'il vit en philosophetranquille, s'inquitant autant de ses ennemis que de ceuxdont on ignore jusqu' l'existence, . . . tellement est invincible saforce d'me! Si maintenant, le mme homme vous demande denouveau : Et comment supporte-t-il sa sparation d'avec sesamis? n'allez plus rpondre hardiment qu'il le fait en phi-

    (1) Liban,, 2, 8; 13, 29; 704, 1553. Gr. Naz., 63, 29; 265, 158. Basile,297, 115; 343,148.(2) Liban., 16, 34; 278, 575; 568, 1195; 770, 53.(3) Gr. Naz., 27, 5 ('E| 'Oii^pou 8 to 7tpoot|x;ov) ; 309, 190.(4) Id., 317, 195.(5) Id., 257, 152; 277, 68; 296, 182; 301, 184, etc.(6) Id., 168, 94.

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    41 losophe; dites qu'en l'espce, ses sentiments sont d'une mevile. Les hommes se laissent gnralement dpasser en d'autresmatires; pour moi, j'avoue mon infriorit quand il s'agitde l'amiti et des amis, au nombre desquels est l'excellentAmazonius... ( qui est destine cette lettre).

    Dans d'autres cas, le prambule prpare l'objet importantde la missive assez directement pour qu'on puisse le regardercomme en faisant partie intgrante, logiquement parlant (1).S'il en est ainsi, la transition entre ce Trpooi^atov et le corpsmme de la lettre doit tre trs habile et en quelque sorte ina-perue. Grgoire y russit merveilleusement bien, quoiquetoute transition, aussi discrte qu'on l'imagine, sente toujoursw\ peu l'artifice. Une lettre curieuse cet gard est celle oGrgoire, voulant persuader Simplicie qu'il est de son devoirde ne pas s'opposer la nomination de son esclave l'pisco-pat (2), consacre un long TTpooiy.'.ov fliciter sa correspondanted'avoir fait l'loge de Basile. De l, le plus simplement dumonde, ayant ainsi vit d'aborder la question ex abrupto, ilajoute : Mais votre conduite ne me semble pas s'accorder avecvos paroles, puisque vous voulez dtruire l'uvre de Basile,en refusant la cration d'un nouvel vque.

    D'une faon plus gnrale, Grgoire soigne beaucoup sestransitions, et non seulement celle du prambule au sujetpropre de la lettre; de la sorte, chacune d'elles, telle unevritable uvre d'art, arrive prsenter une parfaite homog-nit, et une non moins rigoureuse unit. Certaines lettres deLibanius, au contraire, sont peine composes et laissent l'im-pression d'avo' t crites btons rompus . Tout au d-but (3), nous rencontrons deux lettres ne prsentant aucune

    (1) Gr, Naz.,149, 79.(2) Id., 149, 79.(3) Liban-, 11, 25; 12, 26.

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    42 cohrence. Dans la seconde notamment, qui compte une dou-zaine de lignes, trois ides nettement distinctes se succdentsans aucun lien. videmment, nous avons choisi parmi les plusmauvaises; mais c'est dj trop que ces exceptions. Dans laCorrespondance de S. Grgoire, par contre, il y a peut-treun excs dans l'autre sens. La composition en est si serre quechacun de ses petits billets est une parfaite synthse , ausens tymologique du mot; on dirait autant de petits discours,tous trs agrables lire, car ils n'imposent aucun effort :toutes les ides, depuis la premire jusqu' la dernire, setiennent et s'appuient les unes les autres. Un exemple de cettetendance de Grgoire la systmatisation des ides, exempleque nous avons choisi simple exprs, mais qui ne laisse pasd'tre probant, nous le rencontrons dans la lettre 133, 70 tAyant besoin de s'excuser, et en mme temps ayant avouqu'il est souffrant, Grgoire ne demande pas qu'on l'excuse,mais qu'on veuille bien contribuer sa gurison en l'excusant.Cette habitude de souder ensemble deux ides, suprmementhabile force de naturel, se traduit encore mieux dans lalettre 140, 76 adresse Grgoire de Nysse. Grgoire a trouvle joint qui lui permet, sans discordance, la faveur d'unesimple transition, d'pancher sa douleur sur la mort de Basileet d'assurer son correspondant de ses sentiments affectueux :puisque celui qu'il appelle 'h l^Ick. csiv/i ^^^'h est parti,Grgoire reposera dsormais ses yeux sur celui qui, tel un mi-roir poli et brillant, reflte les vertus du cher dfunt, sur Gr-goire de Nysse. Ce soin qu'a Grgoire de la composition de seslettres s'explique parfaitement. On ne cesse de rpter queGrgoire s'attache la forme, et c'est vrai; car la formetient troitement au fond qu'elle exprime : une page srieuse-ment pense se prsente ordinairement en une contexturesolide et en une forme au moins correcte. Grgoire, et ceci,

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    43 malgr son apparente banalit, n'est pas si frquent Gr-goire, toutes les fois qu'il crit, a quelque chose dire; il espreque sa lettre aura un rsultat effectif et pratique; chacuneest pour lui un moyen d'action. Il veut, par exemple, rconcilierdeux ennemis (1) : Aprs avoir assur son correspondant detoute sa bienveillance, il lui expose, sans ambages, l'objet desa lettre : La calomnie a fait tout le mal, dit-il. Aprsquelques prcautions oratoires, il aborde l'exhortation la r-conciliation, laquelle est srieusement motive; il en tire lesraisons, non de l'incident qui a brouill les deux adversaires(ce qui et pu tre maladroit), mais de considrations plus g-nrales (p. ex. : qu'on ne peut toujours tre philosophe; lesoin que Sacerdos a des pauvres, etc.). Aprs avoir ainsi largil'intrt de la question (procd qui lui est propre), Grgoirearrive la conclusion qu'il divise en trois parties : l'une estla conclusion gnrale : un homme doit toujours tre respect,quel qu'il soit; donc respectez Sacerdos; l'autre personnelle :si ce n'est pas cette raison qui vous dcide, ce sera ma propreprire; la dernire enfin pratique : dtruisez les crits quevous tes peut-tre sur le point de lancer contre lui; retenezaussi l'pret de votre langue.

    Parcourez les Lettres de Libanius; vous vous rendrez compteque le sophiste paen crit souvent pour crire, dans le seulet unique but de faire admirer son talent : quand il doit r-pondre l'un de ses innombrables correspondants, il ne saitsouvent trop que lui dire : aussi lui raconte-t-il n'importe quoi,par exemple la manire dont il a reu ses cadeaux ou salettre...; peu lui importe le sujet, au fond; la forme seule leproccupe; il l'avoue mme navement dans l'une de seslettres (2), lorsqu'il crit, en rponse une question de Basile,

    (ly Gr. Naz.,357, 219.(2) Liban-, 720, 1585 (fin).

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    44 propos des Livres sacrs : Quant ces livres dont voustrouvez le style mauvais, mais le fond meilleur, je suis devotre avis; personne ne dit le contraire. La faon mmedont la phrase est crite prouve bien que peu lui importe lefond de la Bible, et que le style seul retient son attention. Nousconstatons l un des effets dplorables de la rhtorique, quela nature essentiellement intelligente do Grgoire a su viter.Un autre grave dfaut de la sophistique, dfaut qui exerce

    ses ravages jusque dans les petits genres, comme le genrepistolaire, c'est le vide de l'argumentation. C'tait mme, auxyeux de certains sophistes, le comble de l'art de faire quelquechose de rien ; les dclamations et les amplifications des colesde rhtorique en sont le plus probant exemple. Le sophiste est,comme dit Basile dans une de ses Lettres Libanius, unhomme dont le propre est de rduire volont les sujets oude les amplifier (1). Chose qui nous tonne, mais qui semblaitnaturelle alors, Libanius ne proteste que timidement contrecette dfinition du sophiste et contre l'application que Basilelui en fait. Ses uvres, et spcialement ses Lettres, ne pro-testent pas davantage; elles sont bien l'expression la plus pal-pable de la dernire partie surtout de la dfinition : ce sontdes amplifications, et des amplifications dans tout le mauvaissens du mot, c'est--dire des dveloppements d'une pauvretd'argumentation frappante et d'une prolixit qui n'est qu'unbavardage strile. Et nous ne parlons pas ici de ses lettres derecommandation dont le vide, nous le verrons, est pour ainsidire chose admise et de bon ton.Les procds de dveloppement sophistique, quels qu'ils

    soient, se ressemblent tous par le vide de l'argumentation.(1) dit. WOLF. 719, 1584 : xai o-oqxTTTi; toiouto;, w ye t'Stov sva: xf,; T-/vir)

    wfAoXoyrjTai y.al Ta (ieyiXa [iixp Ttotev, ot pouXsTat, xai to?; [ity.potTepiTtvaL

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    45 Tantt c'est le bavardage fastidieux d'un homme qui n'a rien dire (1), ou qui s'avise de raconter son correspondant, sansrien ajouter d'autre, les circonstances dans lesquelles il a reusa dernire lettre (2); tantt c'est la reprise d'une mme ide,sous des formes plus recherches les unes que les autres,sans qu' la fin l'argumentation ait fait im seul pas de plusqu'au dbut. Cette analyse dplace d'une mme notion,souvent banale et simple, produit parfois ce piteux rsultatqu'ainsi Libanius parait se dfier de l'intelligence de son cor-respondant (3). Il y a plus : notre sophiste, dans l'emploi qu'ilfait de la rhtorique, pousse parfois la navet jusqu' devenirpresque impoli : il a l'air de quelqu'un qui se moque de soncorrespondant et qui le traite en petit gai^on. Hygienus (4)souffrait de voir son pre presque aveugle. Libanius lui donnel'excellent conseil d'essayer de remonter le moral de son pre;mais savez-vous comment? Le fils devra dire son pre, parmanire de consolation,, qu'en tant aveugle, il vitera lapassion qui vient des sens! Remarquons toutefois, pour ex-cuser Libanius, que ces arguments et leurs analogues trou-vaient couramment leur place dans les oraisons funbres (5),et que c'est pour obir ce qu'il croyait un excellent prcepteque le pauvre rhteur a t amen pareille sottise. Un amourexcessif du paradoxe lui a, une autre fois, dict quelque chosedu mme got. Qu'on en juge : Ayant appris que vos chagrinsvous donnaient l'occasion d'tre philosophe, peu s'en est falluque je ne loue ce qui vous les a causs (6). Si Libanius necommet pas constamment de pareilles erreurs de got, qui

    (1) Liban., 178, 863.(2) Id., 462, 986; 619, 1329.(3) Id., 335, 701 (dbut).(4) Liban., 756, 10,(5) Cf. notre premire thse; dernier chapitre.(6) Liban., 278, 576.

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    46 feraient croire un absolu manque de tact, il a trop souventrecours, spcialement dans la manire de justifier un paradoxe, des arguments dont l'inanit clate aux yeux, en dpit dela virtuosit qui y est parfois dploye. Grgoire, lui, est plushabile dans la justification d'un paradoxe. Voici un extraitd'une lettre adresse prcisment Libanius; Grgoire sembleavoir voulu rivaliser avec le Matre . Nous ne la traduisonspas, pour conserver toute la saveur de l'original (1): M-yixYipTO-xpi TtaTTOjj/^oc TTCcoo., 7] /.ocTX (p'jcTiv T x,a.T. >.6you;. "Otwo'jv [7,01 [j.sl-'ria'ri, goI [j^Ayi^tsi. Une autre lettre (2) o Gr-goire engage piphane lui crire, est un badinage, obscur dessein, destin piquer la curiosit de son correspondant : Noacp 7roo)cxXo'jaxt v6y-ov, tv /.sXe'jovtx t'.[j,x,gBx'. xaTpaT y.'Xs'jovT'. S'.x(7/ic9at TuxiSa. Ailleurs, le sophisme reposesur ce fait que Libanius, comme quelquefois Grgoire, consi-dre l'exemple qu'il propose comme une preuve relle etindiscutable (3). Dans tel cas, le sophisme est flagrant; maisle ton spirituel qu'il emprunte aide le fah-e accepter (4).Libanius avoue Julien qu'il vient d'tre vaincu par lui dansl'art littraire, et il ajoute : De cette dfaite, je me rjouiscomme d'une victoire : quand le vaincu et le vainqueur sontamis, le vaincu participe la victoire de l'autre; car, chez desamis, dit-on, tout est commun. Le triomphe du sophiste estde nouer une difficult pour la dnouer ensuite (5) ou encore dedonner sa lettre l'aspect d'une courte thse que l'on discutepoint par point, comme dans les coles de rhtorique (6). Gr-goire, lui aussi, s'est avis d'avoir recours de spcieuses raisons;

    (1) Gr. Naz., 380, 236.(2) Id., 381, 239.(3) Liban., 85, 180 (fin).(4) Id., 534, 1125 (fin).(5) Id., 638, 1385.(G) Id., 628, 1353.

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    48 soit plutt qu'il ait voulu flatter le got douteux de ceux qui il s'adressait, et que ces jeux d'esprit charmaient, soit enfinqu'il y ait t amen par vanit d'auteur dsireux de niontrerson talent et son rudition, Grgoire n'en a pas moins consenti les employer, et cela en pleine connaissance de cause.A ces procds courants s'en joignent d'autres qui, eux, nerelvent qu'indirectement de la rhtorique, mais ne laissentpas cependant d'en relever : je veux dire les dveloppementspar synkrisis, par gradation, par ngative, par allusionsmythologiques. Le premier ne semble pas avoir t trs connude Libanius, au moins dans sa Correspondance; je n'en relvequ'un seul exemple, mais il est significatif (1); ce procd,qu'on pourrait galement appeler procd par accumulation,consiste numrer deux ou trois faits destins tre implici-tement mis en parallle avec le dernier, sans faire appel aucunsigne matriel indiquant la comparaison. Ici, il se prsente souscette forme : Grand fut Miltiade aprs la victoire de Marathon;grand fut Thmistocle...; grand enfin fut Julien aprs la pr-sente victoire. Basile en use de mme au dbut de la lettre 28(p. 136). Grgoire semble affectionner ce procd qu'il noussert dans cinq lettres au moins. C'est la lance qui fait recon-natre le Spartiate; l'paule qui rvle un Plopide; la parolequi indique qu'on est en face du grand Thmistius (2). Leslments de la comparaison sont, on le voit, assez diversifis;nous souhaiterions peut-tre qu'ils fussent plus homognes. Un autre passage est compos suivant la mme tactique : "Ev viv 'ap v wpxt, sic Se vilio v cTTpxaiv, gl Se 7:pUy(vcTTocvTa opav, ux Se /.xtol ttxvtwv covt; 'h ctt)... (3); de mmeencore : Mst. tov T^Xaov, v; cuy.aay^ia ' jj-erk t7)v (^ocXtv 6

    (1) Liban., 468, 1003.(2) Gr. Naz., 80, 38.(3) Id., 96, A 11-

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    49 xugpvTiTYi... (1). C'est l encore une preuve de la voguequ'avait la crtjyxp-.G'. chez les anciens, surtout chez les Grecs (2).Non moins couru tait le procd de dveloppement par

    gradation, qui est sa manire une espce de cdy-A^iaf-. Li-banius (3) et Grgoire l'emploient constamment; aussi n'yinsisterons-nous pas.Le dveloppement par ngative, qui facilite l'excs l'am-

    plification d'une ide, est aussi bien connu de Libanius (4)qui y trouve l'occasion de donner libre cours son habituelleprolixit; mais si Grgoire en use dans certains dveloppementsoratoires, il l'a laiss totalement de ct dans sa Correspon-dance.Parmi les sources de dveloppement o puisent l'envi

    Libanius, Grgoire et Basile, il en est une o ils trouvent abon-damment de quoi se satisfaire : c'est la mythologie. Celle-ci,dont tous les Grecs taient si fiers, tait loin d'tre battue enbrche par le Christianisme; elle exerait encore tout son pres-tige sur certains esprits; et, chose qui nous tonne aujourd'hui,causait un rel dommage l'expansion des ides chrtiennes.Ses plus fidles dfenseurs, elle les comptait prcisment parmiles rhteurs et les sophistes, qui y voyaient la principale sourcede leur art et qui la gardaient comme leur propre trsor.

    Libanius, en bon Grec et en bon paen qu'il est, la vnrecomme une idole : c'est pour lui une mine inpuisable

    (1) Gr. Naz, 353, 217.(2) J'en citerai encore deux exemples : l'un 368, 224 : Qui est-ce qui plat le plus

    aux chevaux? Evidemment ce qui les intresse; et aux aigles ? ce n'est rien autreque ce qui intresse les aigles... ; l'autre 372, 228 : Qui ne loue une plante djcouverte de fleurs? qui n'est charm parles moissons...? qui n'est joyeux de voirune me nouvellement initie et que son Dieu orne dj, secouer les entravesterrestres pour s'unir lui plus troitement ?

    (3) Liban., 546 (lignes 11 et 13).(4) Id., 139, 285. iJ-j y' 'vOpwTtov [xv TevewTa o y y. v va(7Tr|0-et;, iicep v

    [j.'J6o'.;...

    Pkocfds pist. de s. g. de N. 4

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    50 qu'il ne nglige jamais; elle lui fournit bon nombredes comparaisons qui composent la trame de beaucoup deses lettres. L'emploi de la mythologie est encore une des mul-tiples formes que prend la Guy/tptcri, d'o son succs. De lafable, du mythe, de la lgende, Libanius use et abuse; c'estchez lui quelque chose de mcanique; il est, comme les rhteursde son temps, un maniaque de mythologie. C'est l- dessus queles rhteurs se mesurent et c'est leur grand triomphe. Pour sefaire une ide de la relle invasion du mythe dans presquetous les genres littraires, surtout dans le discours, il faut lireHimrius; il faut lire aussi, chez Libanius, quelques-unes deslettres les plus bourres de mythologie, et il n'en manque pas.Le mythe se faufile partout, se glisse la faveur de la plus petiteoccasion (1). Ici, c'est Thmistius qui est compar Zeus, etla comparaison reste son avantage (2); l, c'est Hracliusque doit imiter Zeus dans ses bienfaits envers Thtis (3) ;une autre est encombre de lgendes ou de faits historiquesplus ou moins lgendaires (4); un homme qui s'appelle Ale-xandre suggre immdiatement l'esprit de notre rhteurun rapprochement avec le grand Alexandre (5). Mais lu m-thode la plus courante chez Libanius, c'est de citer le passaged'un mythe et de comparer celui dont il est alors question l'un des personnages de ce mythe (6).

    Grgoire, par son ducation profane, connaissait certaine-ment la mythologie aussi bien que les sophistes eux-mmes;on conoit qu'il se soit appliqu de toutes ses forces l'exclurede ses uvres. C'tait pour lui plus qu'une question littraire :

    (1) Liban., 632, 1366.(2) Id., 182, 369.(3) Id., 439, 939.(i) Id., 54, 102.(5) Id., 543, 1140.(6) Id., 491, 1045.

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    51 c'tait une question qui intressait la religion nouvelle, etmettait en jeu son honneur et sa dignit d'vque chrtien.Nous croyons nanmoins pouvoir prsumer que son esprit deGrec cultiv regrettait l'heureux temps o il pouvait impun-ment mlera ses dclamations la grce, le charme dlicat desplus belles parmi les lgendes grecques. Au surplus, 'son natureltrs actif et trs pratique devait lui interdire le renoncementtotal ce qu'il pouvait la rigueur considrer comme un droitlittraire, acquis et lgitime. C'est l tout ce qui explique chezlui, la frquence d'un procd qui avait dj pntr dans lasophistique (1), mais qui tait loin d'tre aussi en vogue que lamythologie. Grgoire tait partisan de la doctrine qu'on nedtruit que ce que l'on remplace; il l'a montr en maintes cir-constances, en matire dogmatique comme en matire litt-raire (2). La mythologie, dont il ne pouvait raisonnablementplus orner ses crits, il essaya de la remplacer. C'est pourquoiil emprunta et plus souvent cra lui-mme de petites fablesdont il s'agit d'examiner la valeur.Disons - le tout de suite : c'est une chance que , pour

    des raisons extra-littraires, Grgoire ait t contraint derayer le mythe de sa Correspondance; car non seulementcette ncessit a t pour lui l'occasion d'chapper ce qu'on

    (1) M. Mridier (p. 61. Thss sur Thraistius) croit devoir considrer la fablecomme un procd sophistique^ et il cite l'appui de son affirmation Maxime deTyr et Thmistiuslui-mm9, dont il rapporte cette phrase significative : Je vousdirais une fable que j'ai 1^ toute prte, si vous aviez l'obligeance de me laisserrivaliser avec les sophistes. Pour Grgoire de Nazianze, c'tait, croyons-nous,un moyen de substituer un procd tout fait sophistique un autre qui l'taitmoins, et qui pouvait mme ne pas l'tre, s'il prsentait une certaine grce naveet frache.

    (2) Je fais ici allusion l'une des causes qui, de l'avis de tous les rudits, a pr-sid la naissance de ses pomes : on sait en effet que c'est pour opposer lafausse doctrine des Apollinaires la doctrine orthodoxe et saine que Grgoire sedcida donner libre cours sa verve potique (Cf. La biographie de Grgoire, parGrgoire le prtre).

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    52 peut appeler la tyrannie mythologique, mais encore lui afourni le moyen de nous rvler la dlicieuse simplicit, lafracheur tout idyllique de son naturel. La fable laquelle nous-faisons allusion est insre dans une lettre qui est un chef-d'uvre de malice, de verve, d' propos (1). Ingnieusementinvente, elle est assez longue, mais sans prolixit; la matireen est simple, harmonieusement dveloppe. Les hirondellesraillaient un jour les cygnes sur ce qu'ils fuyaient le commercedes hommes, et qu'au lieu de faire jouir le public de leurschants mlodieux, ils vivaient dans les prairies et le long desfleuves, ne chantant que fort peu, et encore ne chantantqu'entre eux, comme s'ils rougissaient de leur voix harmo-nieuse. Pour nous, disaient les hirondelles, nous vivons dansles villes, au milieu des hommes, et dans les maisons. Nouscausons avec les hommes, nous leur racontons nos aventures,nous leur parlons des vnements arrivs autrefois dansl'Attique, de Pandion, d'Athnes, de Tre, de la Thrace, duvoyage de Tre, du dpt qui lui fut confi, de l'outrage fait la pudeur, de la langue coupe avec tant de barbarie, de lalettre crite en caractres de sang, surtout de la fin tragiqued'Itys, et enfin de notre mtamorphose en oiseaux. Lescygnes ne savaient d'abord s'ils devaient rpondre auxhirondelles, dont le babil importun les fatiguait. S'tantenfin dtermins leur rpondre : Nous ne chantons, dirent-ils,que pour charmer les oreilles de ceux qui viennent dans lasolitude entendre les sons doux et harmonieux que rendentnos ailes, quand elles sont tendues pour recevoir le souffle duzphir. Si nous chantons peu et devant peu de monde, c'est lnotre grand mrite. Nous ne prodiguons pas la musique; et nousne voulons pas qu'elle soit touffe par le tumulte de la ville.

    (1) Gr. Naz., 209, 114.

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    bb les blmes ou les loges qu'on distribue en ralit soi-mme,et cela, dans le but d'viter l'insolence ou la flagornerie. Untexte, relev chez Libanius (1), est tout fait dcisif : Su SeO'jx, v xaip pTiTopsost, XXo'j ivoc'. Xs'ywv to atTiWjy-evou,ou; aT vs^Xaaa av. Il ne peut donc rester de doute.Nous relevons ce procd chez Libanius, bien entendu, etausFi chez Grgoire. Seulement, si le premier l'emploie pourne pas tre tax de flatteur (2), le second a voulu viterpar l de blesser en face la modestie de son interlocuteur oufuir une insolence qui, sans cela, et t trop brutale (3).Un des secrets qui permettent de ragir victorieusement

    contre certains sujets plus ou moins ingrats ou arides, c'est,comme l'avoue d'ailleurs Grgoire (4), de donner mi sujettout mdividuel et spcial un intrt gnral et philosophique.Au mme passage, Grgoire indique qu'il faut recourir detemps autre aux sentences, aux proverbes, aux apophtegmesqui, dit-il, prsentent l'avantage de donner une certaine grce(y,p'.

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    56 pression d'une mentalit moyenne et populaii'e : il lui arriveen effet de rectifier le proverbe ou de le complter (1). Cetterectification n'est nanmoins pas systmatique chez Grgoire;la plupart du temps, il s'en tient la simple intercalation d'unproverbe plus ou moins banal (2), C'est toujours dans le mmebut de gnralisation, que nos deux auteurs mlent leur d-veloppement des penses gnrales et vagues (3) qui parfoisterminent la lettre (4).A ces procds courants de gnralisation, les rhteurs, etGrgoire, qui sur ce point est'leur fidle disciple, en ajoutent

    un autre, plus habile et d'une tout autre porte : c'est de donner la prire que l'on fait ou la chose que l'on demande un prixqui dpasse de beaucoup la satisfaction personnelle qu'on ensaurait retirer. Ainsi, lorsque Libanius rclame un service pourquelque protg, il met toujours en avant l'utilit que ce ser-vice rendu aura non seulement pour l'intress, mais pour lesMuses, pour la cit et pour lui-mme (5); en d'autres termes,il gnralise la valeur de sa dmarche, ou du bienfait qu'ilsollicite. Grgoire, lui, fait souvent intervenir l'intrt de laCviuse de Lieu. Quand je vous cris, dit Libanius, je crois lefaire au nom de toute la ville (6). C'est pourquoi une lettrecomme celle de Grgoire Helladius, dj cite (7), renfermetrois conclusions, dont une personnelle, une pratique et une

    (1) Gr. Naz., 276. A2 xpwo-a liaeTat vyv o xaXwi; r/ei Xlyctv xsTpajixEvoi;.(2) Id., 289, 178 (B fin) ; 313