GUIDE POUR LE CANDIDAT - SCEI · Suivant qu’une machine est une turbine ou un compresseur, le...

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ÉPREUVE COMMUNE DE TIPE 2013 Partie D TITRE : La performance des turbomachines Temps de préparation : 2 h 15 minutes Temps de présentation devant le jury : 10 minutes Entretien avec le jury : 10 minutes GUIDE POUR LE CANDIDAT : Le dossier ci-joint comporte au total : 15 pages Guide candidat : 1 page (non numérotée) Document principal : 14 pages Travail suggéré au candidat : Le candidat pourra par exemple : - montrer en quoi le principe de similitude est à la base du formalisme dans lequel sont exprimés les champs de performances des turbomachines ; - détailler la pertinence d’un tel formaliser ; - illustrer l’utilisation possible dans un milieu indutriel. CONSEILS GENERAUX POUR LA PREPARATION DE L'EPREUVE: Lisez le dossier en entier dans un temps raisonnable. Réservez du temps pour préparer l'exposé devant le jury. Vous pouvez écrire sur le présent dossier, le surligner, le découper … mais tout sera à remettre au jury en fin d’oral. En fin de préparation, rassemblez et ordonnez soigneusement TOUS les documents (transparents, etc.) dont vous comptez vous servir pendant l’oral, ainsi que le dossier, les transparents et les brouillons utilisés pendant la préparation. En entrant dans la salle d'oral, vous devez être prêt à débuter votre exposé. Il est interdit de sortir le sujet du site de l’épreuve A l'issue de l'épreuve, vous devez remettre au jury le dossier scientifique. Tout ce que vous aurez présenté au jury pourra être retenu en vue de sa destruction S29

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ÉPREUVE  COMMUNE  DE  TIPE  2013    -­‐  Partie  D

TITRE :

La performance des turbomachines Temps de préparation : 2 h 15 minutes Temps de présentation devant le jury : 10 minutes Entretien avec le jury : 10 minutes

GUIDE POUR LE CANDIDAT :

Le dossier ci-joint comporte au total : 15 pages Guide candidat : 1 page (non numérotée) Document principal : 14 pages Travail suggéré au candidat :

Le candidat pourra par exemple : - montrer en quoi le principe de similitude est à la base du formalisme dans lequel sont exprimés les champs de performances des turbomachines ; - détailler la pertinence d’un tel formaliser ; - illustrer l’utilisation possible dans un milieu indutriel.

CONSEILS GENERAUX POUR LA PREPARATION DE L'EPREUVE:

• Lisez le dossier en entier dans un temps raisonnable. • Réservez du temps pour préparer l'exposé devant le jury. • Vous pouvez écrire sur le présent dossier, le surligner, le découper … mais tout sera à

remettre au jury en fin d’oral. • En fin de préparation, rassemblez et ordonnez soigneusement TOUS les documents

(transparents, etc.) dont vous comptez vous servir pendant l’oral, ainsi que le dossier, les transparents et les brouillons utilisés pendant la préparation. En entrant dans la salle d'oral, vous devez être prêt à débuter votre exposé.

   

Il  est  interdit  de  sortir  le  sujet  du  site  de  l’épreuve  A  l'issue  de  l'épreuve,  vous  devez  remettre  au  jury  le  dossier  scientifique.  

Tout  ce  que  vous  aurez  présenté  au  jury  pourra  être  retenu  en  vue  de  sa  destruction  

S-­‐29  

  1  

Introduction

Beaucoup de questions restent sans réponses lorsque la communauté scientifique s’interroge

sur la nature même de l’énergie. Bien souvent, les définitions proposées pour caractériser

cette quantité se focalisent sur deux de ses propriétés les plus remarquables : son 5  

conservatisme quantitatif et sa diversité de formes (mécanique, électrique, interne, potentielle,

cinétique, etc…). Mais de grands enjeux scientifiques et sociétaux sont sous-jacents à la

compréhension fondamentale de la nature de l’énergie. Cette énergie indispensable en grande

quantité pour alimenter notre mode de vie actuel doit être convertie en forme utilisable,

stockée, distribuée, sans altérer notre environnement. L’état actuel des connaissances et de la 10  

technologie ne nous permet pas d’atteindre cet idéal. En physique, la science de l’énergie

s’appelle la thermodynamique. Basée sur trois principes célèbres, elle nous apprend que si

toutes les formes d’énergies se valent d’un point de vue quantitatif, elles n’ont pas la même

« qualité ». La chaleur, par exemple, constitue une forme « dégradée » de l’énergie, dont il est

difficile d’extraire une forme plus noble comme le travail. Cette dégradation se mesure, entre 15  

autre, par l’augmentation de l’entropie. Or dans n’importe quel système, du jouet pour enfant

au plus complexe des aéronefs, l’énergie doit être convertie, maîtrisée, et utilisée en

produisant un minimum de dégradation. C’est donc une préoccupation première de

l’ingénieur que d’évaluer la quantité et la qualité des transferts de l’énergie entre ses

différentes formes. Ce dossier va détailler un type bien particulier d’échange, extrêmement 20  

fréquent tant dans la vie courante que dans l’industrie : l’échange d’énergie entre un système

mécanique et un écoulement de fluide. Ce procédé est peut-être le premier à avoir été utilisé

dans ce qu’on appelle abusivement la production d’énergie. On pense évidemment aux roues

à aubes entrainées par le cours d’une rivière, présents dès l’antiquité, ou aux moulins à vents

apparus autour du XIIème siècle en Perse. Ce sont les turbomachines, sujet principal de ce 25  

dossier, qui permettent ces échanges d’énergie. Par une mise en mouvement d’une roue à

aube, de l’énergie est soit transférée vers l’écoulement (compresseurs, ventilateurs,

pompes…), soit extraite de l’écoulements (turbines, éoliennes…). L’étymologie même du

mot turbomachine (de turba en Latin, et turbo en grec ancien) fait référence à la notion de

rotation pour définir ce que sont ces machines tournantes, dont la complexité croissante 30  

impose parfois de vrais challenges technologiques. On peut citer le cas de la turbine haute-

pression d’un turboréacteur d’avion civil au moment du décollage. Chacune des pales de la

roue mobile récupère l’équivalent de la puissance motrice d’une Formule 1. Ces pales sont

  2  

dans un écoulement dont la température est de 400° supérieure à la température de fusion du

métal dont elles sont constituées, imposant une stratégie de refroidissement excessivement 35  

complexe. Sans mentionner les contraintes mécaniques engendrées par les fortes vitesses de

rotation, alors que le contexte aéronautique impose une fiabilité extrême. Cette version

moderne de la roue à aube n’a néanmoins pas d’autre fonction que son ancêtre : récupérer une

partie de l’énergie présente dans l’écoulement sous forme cinétique et enthalpique, et la

convertir en énergie mécanique. De même, le ventilateur de bureau aux vertus rafraichissantes 40  

douteuses joue strictement le même rôle que la paire d’hélices contrarotative des derniers

concepts de turbopropulseurs, voire que la pompe d’un moteur cryogénique à propergols

liquides pour les applications spatiales. Cette similitude, tant dans la fonction que dans la

forme de la machine peut être formalisée pour traiter, en particulier, le problème de la

conception. Il existe donc une formulation unifiée pour l’analyse générale des turbomachines, 45  

qui est ensuite déclinée vers toutes les applications concernées (turbines à vapeur dans les

centrales électriques, hélices de navires, ventilateurs de refroidissement d’électronique,

turbocompresseurs automobiles, turboréacteurs d’avion, pompes…), même si elles font

intervenir différents niveaux de complexité. C’est cette formulation unifiée, qui va être

développée tout au long de ce dossier à l’aide de l’analyse en similitude. Dans une première 50  

partie, des éléments de thermodynamique sont rappelés, et mis en forme pour l’analyse des

turbomachines. Dans une deuxième partie, l’analyse dimensionnelle et le principe de

similitude est appliqué aux turbomachines, afin de bâtir les premiers indicateurs de

performance. Enfin une dernière partie cernera l’applicabilité du principe de similitude au

dimensionnement des turbomachines, dans le cadre industriel. 55  

Notions de thermodynamique des fluides

Dans cette partie, des éléments théoriques, préalables à l’analyse des turbomachines, sont

proposés. Il s’agit principalement de donner une formulation adaptée des deux premiers 60  

principes de la thermodynamique, pour un système ouvert ; c’est à dire un système qui, en

plus des possibles échanges de chaleur et de travail, échange de la masse avec l’extérieur.

Pour simplifier cette formulation, nous allons la restreindre au cas des turbomachines faisant

intervenir de l’air. Cette restriction permet la double simplification de négliger l’influence de

la pesanteur, et d’utiliser la loi d’état des gaz parfaits, qui constitue une bonne approximation 65  

pour l’air. Le premier principe de la thermodynamique formalise la conservation de l’énergie,

  3  

en égalisant la variation d’énergie totale d’un système (interne, cinétique et potentielle dans

notre cas) et le montant de chaleur et/ou travail échangé avec l’extérieur. Dans le cas d’un

système ouvert, une partie du travail échangé avec l’extérieur sert au transvasement du fluide

dans la machine. 70  

Figure  1  :  premier  principe  en  système  ouvert.  

 Cela se traduit par une formulation assez simple (Figure  1) qui fait apparaître l’enthalpie en

lieu et place de l’énergie interne, et le travail dit « utile », c’est à dire le travail total échangé 75  

amputé du travail nécessaire au transvasement. Si l’air est caractérisé par sa température (T)

et sa vitesse (V) en entrée et en sortie de la machine, on peut écrire :

où !wuet !q sont les quantités de chaleur et de travail échangés par unité de temps et unité de

masse de fluide, et Cp la chaleur spécifique à pression constante de l’air. On reconnaîtra entre 80  

parenthèse la somme du terme d’enthalpie1 massique et d’énergie cinétique massique du gaz.

Cette prise en compte globale de l’énergie cinétique et de l’enthalpie est à l’origine de la

définition d’un état dit « total », très utilisée en mécanique des fluides. On parlera donc

d’enthalpie « totale » (ht) suivant la définition suivante :

85  En conséquence, à partir des propriétés d’un gaz parfait, on peut également définir une

température « totale » (Tt). Ainsi, si un fluide de température T est en mouvement et que l’on

réduit la vitesse de ce fluide (sans échange de chaleur ou de travail) jusqu’à l’annuler, la

température du fluide se modifie jusqu’à atteindre la valeur de la température totale Tt.

Autrement dit, lorsqu’on arrête un fluide, il s’échauffe ; cet échauffement est d’autant plus 90  

intense que la vitesse du fluide est élevée. Mais ce qui importe également avec la température

totale, c’est qu’en absence d’échange de chaleur/travail, elle se conserve. Corolairement s’il y

                                                                                                               1  On  rappelle  que  pour  un  gaz  parfait,  h  =  Cp.T.  Pour  l’air  à  température  ambiante,  Cp  =  1004,5  J/kg.K  

�CpT +

V 2

2

�= wu + q

ht = CpT +V 2

2= CpTt

  4  

a un échange de travail/chaleur, elle varie. Si on apporte du travail à un gaz, la température

totale va augmenter. Si on prélève du travail à un gaz, la température totale va diminuer.

L’état « total » est donc un excellent indicateur des échanges d’énergie entre le fluide et 95  

l’extérieur. Il est également possible d’exprimer la pression du gaz (P) dans cet état « total »,

dite pression « totale » (Pt). On fait alors la distinction entre la pression statique, pression que

l’on peut mesurer si on se déplace à la vitesse du fluide, et la pression totale, pression

mesurable au point d’arrêt du fluide.

Si l’on ne considère que l’échange de travail, le premier principe montre donc que, si une 100  

turbomachine apporte du travail vers l’écoulement, la température totale va augmenter. La loi

d’état des gaz parfait montre que cela implique également une augmentation de la pression

totale. Ce type de turbomachine est alors de la famille des « compresseurs ». C’est le cas des

ventilateurs, des compresseurs, des pompes et des hélices. A l’inverse, lorsqu’une

turbomachine récupère du travail de l’écoulement, la température totale diminue, entraînant 105  

également diminution de la pression totale. C’est donc en détendant un gaz que l’on peut

espérer en récupérer de l’énergie sous forme de travail. La turbomachine est alors de la

famille des « turbines ». On trouve dans cette famille les turbines de toutes sortes, les

éoliennes, les roues à aubes… Tant pour les compresseurs que pour les turbines, différentes

configurations sont possibles suivant l’orientation relative de la vitesse de l’écoulement par 110  

rapport à l’axe de rotation de la machine, en entrée et en sortie (Figure  2).

Figure  2  :  (a)  Schéma  d'une  turbomachine  -­‐  (b)  Classification  suivant  la  direction  des  flux  

entrants/sortants 115  

A partir de ce nouvel état « total » qui permet une représentation au plus juste des échanges

d’énergie d’un fluide avec l’extérieur à partir des variables d’état classiques (pression,

température), il est possible d’évaluer la performance des turbomachines. L’indicateur le plus

simple est l’expression de la puissance utile récupérée ou fournie à l’écoulement par la 120  

machine :

  5  

Suivant qu’une machine est une turbine ou un compresseur, le signe du travail utile sera

positif ou négatif (on se place du point de vue de l’écoulement). Mais cet indicateur dépend

d’un grand nombre de paramètre ce qui rend difficile la comparaison d’une machine à l’autre. 125  

Une formulation adimensionnelle de cette performance est donc bâtie à partir de principes

d’analyse dimensionnelle. C’est l’objet de la partie suivante.

Analyse dimensionnelle des turbomachines 130  

Un grand nombre de paramètres interviennent pour définir l’état de fonctionnement d’une

turbomachine. Pour faire le tri, et formaliser les dépendances, on fait appel à l’analyse

dimensionnelle, et plus précisément au théorème de Vachy-Buckingham (parfois appelé

théorème des π) qui permet de réduire le nombre de variables physiques d’un problème en un

nombre plus restreint de variables adimensionnelles. Si un phénomène est décrit par n 135  

grandeurs physiques faisant intervenir p unités fondamentales, alors il est possible de donner

la solution adimensionnelle du problème comme une fonction de n-p produits sans dimension,

des n grandeurs physiques.

La première étape de la mise en œuvre de ce théorème en est aussi la plus importante : 140  

comptabiliser de manière exhaustive les facteurs influents le fonctionnement d’une

turbomachine. Nous avons déjà évoqué l’état « total » comme bon candidat à la représentation

des échanges d’énergie. Nous envisageons donc de prendre la pression totale et la température

totale en sortie de la turbomachine, comme bon indicateur du fonctionnement de la machine.

C’est en quelque sorte le « résultat » du phénomène physique. Nous allons donc chercher à 145  

exprimer ces deux grandeurs à partir de ce qui est imposé, cette fois, à l’entrée de l’étage. En

particulier les propriétés physiques du fluide peuvent influencer la performance comme par

exemple la viscosité cinématique (ν), le rapport des chaleurs spécifiques (γ), et le rapport

entre la constante des gaz parfaits et la masse molaire2 (r = R/M ). Le débit en masse de

fluide ( !m ), les conditions thermodynamiques en entrée (pression et température totales, Pt et 150  

Tt), la vitesse de rotation (N) de la roue à aubes (que l’on appelle généralement le rotor)

                                                                                                               2  Cette   expression   particulière   de   la   constante   de   la   loi   d’état   des   gaz   parfaits   permet   d’écrire   cette  dernière  sous  forme  molaire  en  faisant  apparaître  la  masse  volumique  ρ,  soit  P/ρ  =  rT.    Pour  l’air,  r  =  287  m2.s-­‐2.K-­‐1  

Wu = mCp (Tt2 − Tt1)

  6  

définissent le point de fonctionnement de la turbomachine, qu’on appelle aussi

« spécification ». Enfin, à même spécification et même fluide, la taille de la machine importe

également ; une longueur caractéristique de la taille de l’étage (L) est donc nécessaire. Dans

ces conditions il est possible d’écrire, en indexant par 1 les grandeurs en entrée de l’étage, et 155  

par 2 les grandeurs de sortie :

160  

En appliquant le théorème de Vachy-Buckingham on trouve une formulation adimensionnelle

du problème, dans laquelle apparaissent également des versions sans dimension des

conditions de sortie :

165  

Il s’agit maintenant d’interpréter ce résultat. π est en fait le rapport des pressions totales en

entrée et en sortie de la turbomachine. Ce rapport s’appelle taux de détente ou taux de

compression suivant que la machine est une turbine ou un compresseur. η représente le 170  

rendement de la turbomachine. Pour une turbine, c’est le rapport entre le travail récupéré par

la machine, et le travail idéalement récupérable. Chacune de ces deux quantités dépendent de

4 nombres sans dimensions. Pour en comprendre le sens, il convient de préciser que l’échelle

de longueur généralement utilisée est le diamètre du rotor. Le premier s’interprète comme un

débit de fluide sans dimension : c’est le débit réduit. Le second compare deux échelles de 175  

vitesses. Au numérateur, la vitesse de rotation (N en rad/s) multipliée au diamètre du rotor

constitue donc la vitesse du bout des pales à un facteur près. On reconnaîtra au dénominateur

l’expression de la vitesse du son pour un gaz parfait. Ce rapport de vitesse est à un facteur

près le nombre de Mach du bout des pales ; il nous informe de l’importance des effets de

compressibilité (lorsque ce nombre est inférieur à 0,3 le gaz peut être envisagé comme un 180  

fluide incompressible avec une représentativité satisfaisante). Ce nombre s’interprète

également comme une vitesse de rotation sans dimension appelée vitesse de rotation réduite.

Le troisième nombre sans dimensions est caractéristique du gaz : c’est le rapport des chaleurs

spécifiques (pour l’air, aux températures usuelles, γ = 1,4). Enfin, le dernier nombre est bâti

Pt2 = f (ν, γ, r, m, N, Pt1, Tt1, L)

Tt2 = g (ν, γ, r, m, N, Pt1, Tt1, L)

π = F

�m√rTt1

Pt1L2,

NL√γrTt1

, γ,NL2

ν

η = G

�m√rTt1

Pt1L2,

NL√γrTt1

, γ,NL2

ν

  7  

en utilisant une échelle de vitesse et une échelle de longueur, divisés par une échelle de 185  

diffusivité. C’est à un facteur près le nombre Reynolds. Il évalue le rapport de force entre les

phénomènes diffusifs et convectifs pour la quantité de mouvement, et renseigne également sur

le degré de turbulence de l’écoulement.

La théorie de la similitude nous indique donc que si deux turbomachines présentent des 190  

nombres sans dimensions strictement identiques, alors les indicateurs de performance (π et η)

seront les mêmes. On remarquera quand même que le fait de n’avoir qu’une seule échelle de

longueur pour décrire la géométrie complexe d’une turbomachine impose que les deux rotors

soient géométriquement semblables. On ne pourra donc pas espérer de similitude entre une

géométrie axiale et une géométrie radiale (voir Figure  2). Ces types de géométries génèrent en 195  

effet des types de performances différentes.

Des résultats typiques pour les deux architectures les plus communes que sont les machines

radiales et axiales sont proposées dans le Tableau  1.

Radial Axial

π 4 2,1

η 0,8 0,9

L (m) 0,135 0,5

N (trs/min) 35 000 17 200

! (kg/s) 2,5 20,5

Pt1 (Pa) 101 325 101 325

Tt1 (K) 288 288

Wu (kW) 640 4 880  200  

Tableau  1  :  Performances  et  caractéristiques  de  compresseurs  de  référence  :  géométrie  radiale  (RADIVER)  et  axiale  (NASA  ROTOR  37).

Quoiqu’il en soit, les 4 paramètres sans dimensions définis constituent généralement les

variables servant à exprimer le champ de fonctionnement d’une turbomachine. Ils ne sont pas, 205  

à l’usage, d’égale importance. Le fait de travailler avec le même fluide (par exemple de l’air)

permet de ne plus prendre en compte le rapport des chaleurs spécifiques. Ensuite, concernant

le nombre de Reynolds, il est souvent fait l’hypothèse que ses variations sont petites

  8  

comparées à sa valeur3, d’autant plus si cette valeur nous informe que le régime turbulent est

déjà atteint. Ainsi il ne reste que le débit réduit et la vitesse de rotation réduite pour décrire les 210  

champs de performances des turbomachines. Il s’agit donc de formaliser les variations

relatives de 4 variables sur un même diagramme. C’est l’objet de la section suivante.

Champs de fonctionnement des turbomachines 215  

Suivant la machine étudiée (turbine, compresseur…), les pratiques sont différentes ; on

cherche à améliorer la lisibilité des grandeurs importantes de la machine que sont le taux de

compression (faculté à comprimer les gaz) d’un compresseur ou la perméabilité (capacité à

limiter le débit masse) d’une turbine. Les champs classiques d’un compresseur et d’une

turbine sont présentés en Figure  3 et Figure  4. 220  

Figure  3  :  champ  générique  d'un  compresseur.  

 

                                                                                                               3  La  valeur  de  la  viscosité  cinématique  (ν)  pour  l’air  en  conditions  standard  est  de  1,45.10-­‐5  m.s-­‐2  

  9  

225  Figure  4  :  champ  générique  d'une  turbine.

Pour le compresseur (Figure  3), le taux de compression est tracé en fonction du débit réduit

traversant la machine, pour différentes valeurs fixées de la vitesse de rotation réduite (qu’on

exprime parfois comme fraction de la vitesse de rotation de spécification). On superpose 230  

généralement les lignes d’iso-rendements sur le diagramme, afin d’avoir une vision complète

de la performance. Pour le compresseur, il existe plusieurs limites de fonctionnement. La plus

sévère, pouvant entraîner la destruction de la machine, s’appelle le pompage. Ce phénomène

brutal survient lorsque l’énergie fournie à l’écoulement par le compresseur n’est plus

suffisante pour contrer la tendance naturelle d’un écoulement d’aller des régions de hautes 235  

pressions vers les basses pressions. Dans ces conditions, des inversions de flux peuvent

apparaître brutalement dans la machine, générant des conditions de fonctionnement très

instables, voire dangereuses.

Pour la turbine (Figure   4), on trace indépendamment les valeurs du rendement et du débit 240  

réduit, en fonction du taux de détente (les turbiniers ont pour coutume d’inverser le rapport π

de sorte d’avoir également des valeurs supérieures à 1 pour le taux de détente bien que la

pression de sortie soit inférieure à la pression d’entrée ; ceci permet une interprétation plus

immédiate de la charge en pression à laquelle la turbine est soumise), pour plusieurs valeurs

de la vitesse de rotation. Il existe également une limite de capacité en terme de débit pour la 245  

turbine. Le niveau de blocage fixe la perméabilité maximale de l’étage, qui ne pourra pas être

dépassée, sauf à en modifier la géométrie.

250  

  10  

Mise en œuvre de la similitude dans le contexte industriel

Théoriquement, à une définition géométrique de turbine ou de compresseur correspond un

champ de fonctionnement unique pour les paramètres sans dimensions, donc transposable à

souhait dans l’espace dimensionnel. Un concepteur devrait alors pouvoir mettre à l’échelle 255  

une même forme de machine pour plusieurs spécifications différentes, en garantissant la

performance finale. La réalité est toute autre pour plusieurs raisons. La première est théorique,

et vient du fait que les champs de fonctionnement tels que décrits au paragraphe précédent ne

tiennent pas compte de tous les paramètres adimensionnels. Deux ont été négligés, ce qui fait

que la similitude n’est pas exacte. En particulier, l’influence du nombre de Reynolds peut 260  

s’exprimer, comme présenté en Figure  5. D’autre part, le fait de travailler avec un même gaz

ne garanti pas la stricte conservation de certaines propriétés physiques. Le rapport des

chaleurs spécifiques γ peut varier si la température du gaz imposée par la nouvelle

spécification change de manière importante (pour l’air, la valeur de γ passe de 1,4 à 290 K à

1,35 à 800 K). Cela induit à nouveau une similitude partielle, et donc un biais sur la 265  

performance attendue.

Figure  5  :  Influence  isolée  du  nombre  de  Reynolds  pour  les  compresseurs  centrifuges  (la  

vitesse  de  référence  du  Reynolds  est  la  vitesse  de  bout  de  pale). 270  

  11  

Enfin, outre la forme des aubages, une autre caractéristique très importante des machines

tournante n’est pas prise en compte lorsqu’on considère une échelle de longueur unique. Il

s’agit du jeu mécanique qui se situe en tête des pales, et qui est indispensable pour éviter que

les aubages frottent sur le carter. Or un écoulement perturbateur prend naissance dans cet 275  

espace, du fait de la différence de pression qu’il existe entre les deux faces de la pale et

dégrade la performance finale de la machine.

Figure  6  :  Evolution  du  niveau  de  rendement  en  fonction  de  la  hauteur  d’une  pale  de  

turbine  -­‐  In  fluence  de  la  taille  du  jeu 280  

La taille du jeu nécessaire est généralement de quelques dixièmes de millimètres. Suivant la

taille de la turbomachine, la taille relative de ce jeu ne sera pas la même, avec une influence

sur la performance locale de l’aubage (Figure  6).

Application 285  

Le rotor 37 est un compresseur axial servant de référence dans la littérature, dont une ligne

isovitesse dans le champ de fonctionnement est donnée de manière expérimentale en Figure  7.

Une même référence pour les compresseur centrifuge existe : le compresseur RADIVER,

également présenté en Figure   7. Les caractéristiques dimensionnelles de références de ces 290  

compresseurs sont données dans le Tableau  1.

On souhaite dimensionner un compresseur répondant à la spécification présentée dans le

Tableau  2 avec le rendement le plus élevé possible et une contrainte sur l’encombrement et la

vitesse de rotation. On va donc essayer d’économiser un dimensionnement complet, et adapter

avec une simple loi d’échelle l’un ou l’autre de ces compresseurs pour lesquels le niveau de 295  

performance est jugé satisfaisant.

  12  

(a) (b)

Figure  7  :  Ligne  iso-­‐vitesse  du  RADIVER  (a)  et  du  rotor  37  (b). 300  

Pour les deux compresseurs, le taux de compression π = 2,1 est atteignable, pour la vitesse de

rotation nominale pour le Rotor37, et pour l’iso-vitesse 80% pour de RADIVER, avec une

valeur du débit réduit de 0,225 pour le premier et 0,34 pour le second. Il s’agit maintenant de

vérifier si ces valeurs sont compatibles avec la nouvelle spécification, dans les contraintes de 305  

vitesse de rotation et d’encombrement imposées.

π 2,1

Pt1 (Pa) 150 000

Tt1 (K) 580

! (kg/s) 60

ν (m2/s) 3,26.10-5

N (rpm) < 14 000

L (m) < 0,9  

Tableau  2  :  spécification  à  satisfaire.

310  

Option RADIVER

A 80% de la vitesse de rotation, on lit sur la Figure  7 qu’un taux de compression de 2,1 est

obtenu pour une valeur de débit réduit de 0,34. On calcule la vitesse de rotation réduite de

l’iso-vitesse 80% qui vaut 11,1. Avec les valeurs de la nouvelle spécification, la valeur du

  13  

débit réduit permet de calculer le nouveau diamètre du rotor, soit 0,7 m. Enfin la vitesse de 315  

rotation réduite fixe la vitesse de rotation réelle. Avec un diamètre de 0,7 m on obtient 7 600

rpm. Une loi d’échelle d’un facteur 5,18 sur la géométrie de référence du RADIVER

permettant de tenir la spécification requise. On constate ici que la similitude n’est pas exacte

puisque le nombre de Reynolds de la nouvelle spécification est 3 fois plus petit que celui de la

spécification de référence. Par contre, le rendement de ce point de fonctionnement est de 0,64 320  

ce qui n’est pas très bon. Si le fait d’augmenter le diamètre du rotor à même taille de jeux

peut engendrer un effet bénéfique, la diminution du nombre de Reynolds va probablement

dégrader le rendement déjà médiocre.

Option ROTOR37 325  

Ici, le compresseur est mieux adapté par nature du fait que le taux de compression visé par la

nouvelle spécification est égal au taux de compression de dimensionnement du ROTOR37. Le

débit réduit vaut 0,225 et la vitesse réduite 25,3. On trouve alors un diamètre rotor de 0,85 m

et une vitesse de rotation de 14 400 rpm. Le critère d’encombrement est respecté, mais pas

celui de la vitesse de rotation. 330  

Comme le dépassement est faible, il est probablement possible d’envisager une adaptation. En

particulier, si on impose la valeur maximale pour la vitesse de rotation de 14 000 rpm dans

l’expression de la vitesse réduite, il vient une nouvelle valeur pour le diamètre de 0,86 m.

Dans ces conditions, le débit réduit est de 0,22 pour un taux de compression de 2,13. On peut

espérer qu’en diminuant un peu la vitesse de rotation en fonctionnement on pourra régler 335  

exactement le taux de compression voulu. Le nombre de Reynolds est quasiment inchangé, de

même que le jeu relatif, ce qui signifie que le rendement final sera proche de la mesure de

référence, soit autour de 0,85. Cette configuration paraît satisfaisante. Pourtant elle présente

deux inconvénients importants. D’une part elle impose de fonctionner sur la limite haute en

terme de vitesse de rotation, ce qui ne laisse aucune marge pour les aléas de fonctionnement 340  

ou pour l’analyse de la tenue mécanique. D’autre part, le fait de se déplacer sur la ligne de

fonctionnement vers la gauche du champ rapproche dangereusement le point de

fonctionnement de la limite du pompage. Au-delà de dégrader un petit peu le rendement, c’est

surtout la viabilité de l’installation qui est en cause.

345  

Il existe donc une option peu performante mais fiable, et une option performante mais

risquée. Ici, suivant l’application visée le choix ne sera pas le même. Suivant

l’environnement, la stabilité des conditions de fonctionnement, les coûts…etc… une

  14  

possibilité ou l’autre peut être envisagée. Il existe évidemment une troisième possibilité, la

plus indiquée, qui consiste à dimensionner un compresseur exactement sur la spécification 350  

finale. Mais le développement complet d’une nouvelle géométrie est long, et également risqué

quant au niveau de performances finalement atteint.

Conclusion Dans tous les cas, il est clair qu’un dimensionnement unique ne peut pas être mis à l’échelle 355  

pour toutes les spécifications. Il existe par contre pour chaque géométrie une « projection »

dans l’espace dimensionnel de spécifications pour lesquelles la mise à l’échelle est possible et

pertinente. La façon de « projeter » les performances de la base de donnée d’un industriel

constitue bien un enjeu crucial puisque cela traduira sa capacité à répondre au mieux à une

spécification nouvelle, et à ne concevoir une nouvelle géométrie que lorsque cela est vraiment 360  

utile.

L’expression de l’espace des spécifications possibles, et du degré de couverture de cet espace,

peut bien évidemment être sans dimension, et ne pas faire appel aux paramètres classiques de

la similitude. Ces formulations plus ou moins judicieuses de la base de données des machines 365  

existantes, et la manière dont elles sont appliquées font partie de l’expérience et de la maturité

d’un concepteur de turbomachines