GUIDE POUR LE CANDIDAT - SCEI · Suivant qu’une machine est une turbine ou un compresseur, le...
Transcript of GUIDE POUR LE CANDIDAT - SCEI · Suivant qu’une machine est une turbine ou un compresseur, le...
ÉPREUVE COMMUNE DE TIPE 2013 -‐ Partie D
TITRE :
La performance des turbomachines Temps de préparation : 2 h 15 minutes Temps de présentation devant le jury : 10 minutes Entretien avec le jury : 10 minutes
GUIDE POUR LE CANDIDAT :
Le dossier ci-joint comporte au total : 15 pages Guide candidat : 1 page (non numérotée) Document principal : 14 pages Travail suggéré au candidat :
Le candidat pourra par exemple : - montrer en quoi le principe de similitude est à la base du formalisme dans lequel sont exprimés les champs de performances des turbomachines ; - détailler la pertinence d’un tel formaliser ; - illustrer l’utilisation possible dans un milieu indutriel.
CONSEILS GENERAUX POUR LA PREPARATION DE L'EPREUVE:
• Lisez le dossier en entier dans un temps raisonnable. • Réservez du temps pour préparer l'exposé devant le jury. • Vous pouvez écrire sur le présent dossier, le surligner, le découper … mais tout sera à
remettre au jury en fin d’oral. • En fin de préparation, rassemblez et ordonnez soigneusement TOUS les documents
(transparents, etc.) dont vous comptez vous servir pendant l’oral, ainsi que le dossier, les transparents et les brouillons utilisés pendant la préparation. En entrant dans la salle d'oral, vous devez être prêt à débuter votre exposé.
Il est interdit de sortir le sujet du site de l’épreuve A l'issue de l'épreuve, vous devez remettre au jury le dossier scientifique.
Tout ce que vous aurez présenté au jury pourra être retenu en vue de sa destruction
S-‐29
1
Introduction
Beaucoup de questions restent sans réponses lorsque la communauté scientifique s’interroge
sur la nature même de l’énergie. Bien souvent, les définitions proposées pour caractériser
cette quantité se focalisent sur deux de ses propriétés les plus remarquables : son 5
conservatisme quantitatif et sa diversité de formes (mécanique, électrique, interne, potentielle,
cinétique, etc…). Mais de grands enjeux scientifiques et sociétaux sont sous-jacents à la
compréhension fondamentale de la nature de l’énergie. Cette énergie indispensable en grande
quantité pour alimenter notre mode de vie actuel doit être convertie en forme utilisable,
stockée, distribuée, sans altérer notre environnement. L’état actuel des connaissances et de la 10
technologie ne nous permet pas d’atteindre cet idéal. En physique, la science de l’énergie
s’appelle la thermodynamique. Basée sur trois principes célèbres, elle nous apprend que si
toutes les formes d’énergies se valent d’un point de vue quantitatif, elles n’ont pas la même
« qualité ». La chaleur, par exemple, constitue une forme « dégradée » de l’énergie, dont il est
difficile d’extraire une forme plus noble comme le travail. Cette dégradation se mesure, entre 15
autre, par l’augmentation de l’entropie. Or dans n’importe quel système, du jouet pour enfant
au plus complexe des aéronefs, l’énergie doit être convertie, maîtrisée, et utilisée en
produisant un minimum de dégradation. C’est donc une préoccupation première de
l’ingénieur que d’évaluer la quantité et la qualité des transferts de l’énergie entre ses
différentes formes. Ce dossier va détailler un type bien particulier d’échange, extrêmement 20
fréquent tant dans la vie courante que dans l’industrie : l’échange d’énergie entre un système
mécanique et un écoulement de fluide. Ce procédé est peut-être le premier à avoir été utilisé
dans ce qu’on appelle abusivement la production d’énergie. On pense évidemment aux roues
à aubes entrainées par le cours d’une rivière, présents dès l’antiquité, ou aux moulins à vents
apparus autour du XIIème siècle en Perse. Ce sont les turbomachines, sujet principal de ce 25
dossier, qui permettent ces échanges d’énergie. Par une mise en mouvement d’une roue à
aube, de l’énergie est soit transférée vers l’écoulement (compresseurs, ventilateurs,
pompes…), soit extraite de l’écoulements (turbines, éoliennes…). L’étymologie même du
mot turbomachine (de turba en Latin, et turbo en grec ancien) fait référence à la notion de
rotation pour définir ce que sont ces machines tournantes, dont la complexité croissante 30
impose parfois de vrais challenges technologiques. On peut citer le cas de la turbine haute-
pression d’un turboréacteur d’avion civil au moment du décollage. Chacune des pales de la
roue mobile récupère l’équivalent de la puissance motrice d’une Formule 1. Ces pales sont
2
dans un écoulement dont la température est de 400° supérieure à la température de fusion du
métal dont elles sont constituées, imposant une stratégie de refroidissement excessivement 35
complexe. Sans mentionner les contraintes mécaniques engendrées par les fortes vitesses de
rotation, alors que le contexte aéronautique impose une fiabilité extrême. Cette version
moderne de la roue à aube n’a néanmoins pas d’autre fonction que son ancêtre : récupérer une
partie de l’énergie présente dans l’écoulement sous forme cinétique et enthalpique, et la
convertir en énergie mécanique. De même, le ventilateur de bureau aux vertus rafraichissantes 40
douteuses joue strictement le même rôle que la paire d’hélices contrarotative des derniers
concepts de turbopropulseurs, voire que la pompe d’un moteur cryogénique à propergols
liquides pour les applications spatiales. Cette similitude, tant dans la fonction que dans la
forme de la machine peut être formalisée pour traiter, en particulier, le problème de la
conception. Il existe donc une formulation unifiée pour l’analyse générale des turbomachines, 45
qui est ensuite déclinée vers toutes les applications concernées (turbines à vapeur dans les
centrales électriques, hélices de navires, ventilateurs de refroidissement d’électronique,
turbocompresseurs automobiles, turboréacteurs d’avion, pompes…), même si elles font
intervenir différents niveaux de complexité. C’est cette formulation unifiée, qui va être
développée tout au long de ce dossier à l’aide de l’analyse en similitude. Dans une première 50
partie, des éléments de thermodynamique sont rappelés, et mis en forme pour l’analyse des
turbomachines. Dans une deuxième partie, l’analyse dimensionnelle et le principe de
similitude est appliqué aux turbomachines, afin de bâtir les premiers indicateurs de
performance. Enfin une dernière partie cernera l’applicabilité du principe de similitude au
dimensionnement des turbomachines, dans le cadre industriel. 55
Notions de thermodynamique des fluides
Dans cette partie, des éléments théoriques, préalables à l’analyse des turbomachines, sont
proposés. Il s’agit principalement de donner une formulation adaptée des deux premiers 60
principes de la thermodynamique, pour un système ouvert ; c’est à dire un système qui, en
plus des possibles échanges de chaleur et de travail, échange de la masse avec l’extérieur.
Pour simplifier cette formulation, nous allons la restreindre au cas des turbomachines faisant
intervenir de l’air. Cette restriction permet la double simplification de négliger l’influence de
la pesanteur, et d’utiliser la loi d’état des gaz parfaits, qui constitue une bonne approximation 65
pour l’air. Le premier principe de la thermodynamique formalise la conservation de l’énergie,
3
en égalisant la variation d’énergie totale d’un système (interne, cinétique et potentielle dans
notre cas) et le montant de chaleur et/ou travail échangé avec l’extérieur. Dans le cas d’un
système ouvert, une partie du travail échangé avec l’extérieur sert au transvasement du fluide
dans la machine. 70
Figure 1 : premier principe en système ouvert.
Cela se traduit par une formulation assez simple (Figure 1) qui fait apparaître l’enthalpie en
lieu et place de l’énergie interne, et le travail dit « utile », c’est à dire le travail total échangé 75
amputé du travail nécessaire au transvasement. Si l’air est caractérisé par sa température (T)
et sa vitesse (V) en entrée et en sortie de la machine, on peut écrire :
où !wuet !q sont les quantités de chaleur et de travail échangés par unité de temps et unité de
masse de fluide, et Cp la chaleur spécifique à pression constante de l’air. On reconnaîtra entre 80
parenthèse la somme du terme d’enthalpie1 massique et d’énergie cinétique massique du gaz.
Cette prise en compte globale de l’énergie cinétique et de l’enthalpie est à l’origine de la
définition d’un état dit « total », très utilisée en mécanique des fluides. On parlera donc
d’enthalpie « totale » (ht) suivant la définition suivante :
85 En conséquence, à partir des propriétés d’un gaz parfait, on peut également définir une
température « totale » (Tt). Ainsi, si un fluide de température T est en mouvement et que l’on
réduit la vitesse de ce fluide (sans échange de chaleur ou de travail) jusqu’à l’annuler, la
température du fluide se modifie jusqu’à atteindre la valeur de la température totale Tt.
Autrement dit, lorsqu’on arrête un fluide, il s’échauffe ; cet échauffement est d’autant plus 90
intense que la vitesse du fluide est élevée. Mais ce qui importe également avec la température
totale, c’est qu’en absence d’échange de chaleur/travail, elle se conserve. Corolairement s’il y
1 On rappelle que pour un gaz parfait, h = Cp.T. Pour l’air à température ambiante, Cp = 1004,5 J/kg.K
∆
�CpT +
V 2
2
�= wu + q
ht = CpT +V 2
2= CpTt
4
a un échange de travail/chaleur, elle varie. Si on apporte du travail à un gaz, la température
totale va augmenter. Si on prélève du travail à un gaz, la température totale va diminuer.
L’état « total » est donc un excellent indicateur des échanges d’énergie entre le fluide et 95
l’extérieur. Il est également possible d’exprimer la pression du gaz (P) dans cet état « total »,
dite pression « totale » (Pt). On fait alors la distinction entre la pression statique, pression que
l’on peut mesurer si on se déplace à la vitesse du fluide, et la pression totale, pression
mesurable au point d’arrêt du fluide.
Si l’on ne considère que l’échange de travail, le premier principe montre donc que, si une 100
turbomachine apporte du travail vers l’écoulement, la température totale va augmenter. La loi
d’état des gaz parfait montre que cela implique également une augmentation de la pression
totale. Ce type de turbomachine est alors de la famille des « compresseurs ». C’est le cas des
ventilateurs, des compresseurs, des pompes et des hélices. A l’inverse, lorsqu’une
turbomachine récupère du travail de l’écoulement, la température totale diminue, entraînant 105
également diminution de la pression totale. C’est donc en détendant un gaz que l’on peut
espérer en récupérer de l’énergie sous forme de travail. La turbomachine est alors de la
famille des « turbines ». On trouve dans cette famille les turbines de toutes sortes, les
éoliennes, les roues à aubes… Tant pour les compresseurs que pour les turbines, différentes
configurations sont possibles suivant l’orientation relative de la vitesse de l’écoulement par 110
rapport à l’axe de rotation de la machine, en entrée et en sortie (Figure 2).
Figure 2 : (a) Schéma d'une turbomachine -‐ (b) Classification suivant la direction des flux
entrants/sortants 115
A partir de ce nouvel état « total » qui permet une représentation au plus juste des échanges
d’énergie d’un fluide avec l’extérieur à partir des variables d’état classiques (pression,
température), il est possible d’évaluer la performance des turbomachines. L’indicateur le plus
simple est l’expression de la puissance utile récupérée ou fournie à l’écoulement par la 120
machine :
5
Suivant qu’une machine est une turbine ou un compresseur, le signe du travail utile sera
positif ou négatif (on se place du point de vue de l’écoulement). Mais cet indicateur dépend
d’un grand nombre de paramètre ce qui rend difficile la comparaison d’une machine à l’autre. 125
Une formulation adimensionnelle de cette performance est donc bâtie à partir de principes
d’analyse dimensionnelle. C’est l’objet de la partie suivante.
Analyse dimensionnelle des turbomachines 130
Un grand nombre de paramètres interviennent pour définir l’état de fonctionnement d’une
turbomachine. Pour faire le tri, et formaliser les dépendances, on fait appel à l’analyse
dimensionnelle, et plus précisément au théorème de Vachy-Buckingham (parfois appelé
théorème des π) qui permet de réduire le nombre de variables physiques d’un problème en un
nombre plus restreint de variables adimensionnelles. Si un phénomène est décrit par n 135
grandeurs physiques faisant intervenir p unités fondamentales, alors il est possible de donner
la solution adimensionnelle du problème comme une fonction de n-p produits sans dimension,
des n grandeurs physiques.
La première étape de la mise en œuvre de ce théorème en est aussi la plus importante : 140
comptabiliser de manière exhaustive les facteurs influents le fonctionnement d’une
turbomachine. Nous avons déjà évoqué l’état « total » comme bon candidat à la représentation
des échanges d’énergie. Nous envisageons donc de prendre la pression totale et la température
totale en sortie de la turbomachine, comme bon indicateur du fonctionnement de la machine.
C’est en quelque sorte le « résultat » du phénomène physique. Nous allons donc chercher à 145
exprimer ces deux grandeurs à partir de ce qui est imposé, cette fois, à l’entrée de l’étage. En
particulier les propriétés physiques du fluide peuvent influencer la performance comme par
exemple la viscosité cinématique (ν), le rapport des chaleurs spécifiques (γ), et le rapport
entre la constante des gaz parfaits et la masse molaire2 (r = R/M ). Le débit en masse de
fluide ( !m ), les conditions thermodynamiques en entrée (pression et température totales, Pt et 150
Tt), la vitesse de rotation (N) de la roue à aubes (que l’on appelle généralement le rotor)
2 Cette expression particulière de la constante de la loi d’état des gaz parfaits permet d’écrire cette dernière sous forme molaire en faisant apparaître la masse volumique ρ, soit P/ρ = rT. Pour l’air, r = 287 m2.s-‐2.K-‐1
Wu = mCp (Tt2 − Tt1)
6
définissent le point de fonctionnement de la turbomachine, qu’on appelle aussi
« spécification ». Enfin, à même spécification et même fluide, la taille de la machine importe
également ; une longueur caractéristique de la taille de l’étage (L) est donc nécessaire. Dans
ces conditions il est possible d’écrire, en indexant par 1 les grandeurs en entrée de l’étage, et 155
par 2 les grandeurs de sortie :
160
En appliquant le théorème de Vachy-Buckingham on trouve une formulation adimensionnelle
du problème, dans laquelle apparaissent également des versions sans dimension des
conditions de sortie :
165
Il s’agit maintenant d’interpréter ce résultat. π est en fait le rapport des pressions totales en
entrée et en sortie de la turbomachine. Ce rapport s’appelle taux de détente ou taux de
compression suivant que la machine est une turbine ou un compresseur. η représente le 170
rendement de la turbomachine. Pour une turbine, c’est le rapport entre le travail récupéré par
la machine, et le travail idéalement récupérable. Chacune de ces deux quantités dépendent de
4 nombres sans dimensions. Pour en comprendre le sens, il convient de préciser que l’échelle
de longueur généralement utilisée est le diamètre du rotor. Le premier s’interprète comme un
débit de fluide sans dimension : c’est le débit réduit. Le second compare deux échelles de 175
vitesses. Au numérateur, la vitesse de rotation (N en rad/s) multipliée au diamètre du rotor
constitue donc la vitesse du bout des pales à un facteur près. On reconnaîtra au dénominateur
l’expression de la vitesse du son pour un gaz parfait. Ce rapport de vitesse est à un facteur
près le nombre de Mach du bout des pales ; il nous informe de l’importance des effets de
compressibilité (lorsque ce nombre est inférieur à 0,3 le gaz peut être envisagé comme un 180
fluide incompressible avec une représentativité satisfaisante). Ce nombre s’interprète
également comme une vitesse de rotation sans dimension appelée vitesse de rotation réduite.
Le troisième nombre sans dimensions est caractéristique du gaz : c’est le rapport des chaleurs
spécifiques (pour l’air, aux températures usuelles, γ = 1,4). Enfin, le dernier nombre est bâti
Pt2 = f (ν, γ, r, m, N, Pt1, Tt1, L)
Tt2 = g (ν, γ, r, m, N, Pt1, Tt1, L)
π = F
�m√rTt1
Pt1L2,
NL√γrTt1
, γ,NL2
ν
�
η = G
�m√rTt1
Pt1L2,
NL√γrTt1
, γ,NL2
ν
�
7
en utilisant une échelle de vitesse et une échelle de longueur, divisés par une échelle de 185
diffusivité. C’est à un facteur près le nombre Reynolds. Il évalue le rapport de force entre les
phénomènes diffusifs et convectifs pour la quantité de mouvement, et renseigne également sur
le degré de turbulence de l’écoulement.
La théorie de la similitude nous indique donc que si deux turbomachines présentent des 190
nombres sans dimensions strictement identiques, alors les indicateurs de performance (π et η)
seront les mêmes. On remarquera quand même que le fait de n’avoir qu’une seule échelle de
longueur pour décrire la géométrie complexe d’une turbomachine impose que les deux rotors
soient géométriquement semblables. On ne pourra donc pas espérer de similitude entre une
géométrie axiale et une géométrie radiale (voir Figure 2). Ces types de géométries génèrent en 195
effet des types de performances différentes.
Des résultats typiques pour les deux architectures les plus communes que sont les machines
radiales et axiales sont proposées dans le Tableau 1.
Radial Axial
π 4 2,1
η 0,8 0,9
L (m) 0,135 0,5
N (trs/min) 35 000 17 200
! (kg/s) 2,5 20,5
Pt1 (Pa) 101 325 101 325
Tt1 (K) 288 288
Wu (kW) 640 4 880 200
Tableau 1 : Performances et caractéristiques de compresseurs de référence : géométrie radiale (RADIVER) et axiale (NASA ROTOR 37).
Quoiqu’il en soit, les 4 paramètres sans dimensions définis constituent généralement les
variables servant à exprimer le champ de fonctionnement d’une turbomachine. Ils ne sont pas, 205
à l’usage, d’égale importance. Le fait de travailler avec le même fluide (par exemple de l’air)
permet de ne plus prendre en compte le rapport des chaleurs spécifiques. Ensuite, concernant
le nombre de Reynolds, il est souvent fait l’hypothèse que ses variations sont petites
8
comparées à sa valeur3, d’autant plus si cette valeur nous informe que le régime turbulent est
déjà atteint. Ainsi il ne reste que le débit réduit et la vitesse de rotation réduite pour décrire les 210
champs de performances des turbomachines. Il s’agit donc de formaliser les variations
relatives de 4 variables sur un même diagramme. C’est l’objet de la section suivante.
Champs de fonctionnement des turbomachines 215
Suivant la machine étudiée (turbine, compresseur…), les pratiques sont différentes ; on
cherche à améliorer la lisibilité des grandeurs importantes de la machine que sont le taux de
compression (faculté à comprimer les gaz) d’un compresseur ou la perméabilité (capacité à
limiter le débit masse) d’une turbine. Les champs classiques d’un compresseur et d’une
turbine sont présentés en Figure 3 et Figure 4. 220
Figure 3 : champ générique d'un compresseur.
3 La valeur de la viscosité cinématique (ν) pour l’air en conditions standard est de 1,45.10-‐5 m.s-‐2
9
225 Figure 4 : champ générique d'une turbine.
Pour le compresseur (Figure 3), le taux de compression est tracé en fonction du débit réduit
traversant la machine, pour différentes valeurs fixées de la vitesse de rotation réduite (qu’on
exprime parfois comme fraction de la vitesse de rotation de spécification). On superpose 230
généralement les lignes d’iso-rendements sur le diagramme, afin d’avoir une vision complète
de la performance. Pour le compresseur, il existe plusieurs limites de fonctionnement. La plus
sévère, pouvant entraîner la destruction de la machine, s’appelle le pompage. Ce phénomène
brutal survient lorsque l’énergie fournie à l’écoulement par le compresseur n’est plus
suffisante pour contrer la tendance naturelle d’un écoulement d’aller des régions de hautes 235
pressions vers les basses pressions. Dans ces conditions, des inversions de flux peuvent
apparaître brutalement dans la machine, générant des conditions de fonctionnement très
instables, voire dangereuses.
Pour la turbine (Figure 4), on trace indépendamment les valeurs du rendement et du débit 240
réduit, en fonction du taux de détente (les turbiniers ont pour coutume d’inverser le rapport π
de sorte d’avoir également des valeurs supérieures à 1 pour le taux de détente bien que la
pression de sortie soit inférieure à la pression d’entrée ; ceci permet une interprétation plus
immédiate de la charge en pression à laquelle la turbine est soumise), pour plusieurs valeurs
de la vitesse de rotation. Il existe également une limite de capacité en terme de débit pour la 245
turbine. Le niveau de blocage fixe la perméabilité maximale de l’étage, qui ne pourra pas être
dépassée, sauf à en modifier la géométrie.
250
10
Mise en œuvre de la similitude dans le contexte industriel
Théoriquement, à une définition géométrique de turbine ou de compresseur correspond un
champ de fonctionnement unique pour les paramètres sans dimensions, donc transposable à
souhait dans l’espace dimensionnel. Un concepteur devrait alors pouvoir mettre à l’échelle 255
une même forme de machine pour plusieurs spécifications différentes, en garantissant la
performance finale. La réalité est toute autre pour plusieurs raisons. La première est théorique,
et vient du fait que les champs de fonctionnement tels que décrits au paragraphe précédent ne
tiennent pas compte de tous les paramètres adimensionnels. Deux ont été négligés, ce qui fait
que la similitude n’est pas exacte. En particulier, l’influence du nombre de Reynolds peut 260
s’exprimer, comme présenté en Figure 5. D’autre part, le fait de travailler avec un même gaz
ne garanti pas la stricte conservation de certaines propriétés physiques. Le rapport des
chaleurs spécifiques γ peut varier si la température du gaz imposée par la nouvelle
spécification change de manière importante (pour l’air, la valeur de γ passe de 1,4 à 290 K à
1,35 à 800 K). Cela induit à nouveau une similitude partielle, et donc un biais sur la 265
performance attendue.
Figure 5 : Influence isolée du nombre de Reynolds pour les compresseurs centrifuges (la
vitesse de référence du Reynolds est la vitesse de bout de pale). 270
11
Enfin, outre la forme des aubages, une autre caractéristique très importante des machines
tournante n’est pas prise en compte lorsqu’on considère une échelle de longueur unique. Il
s’agit du jeu mécanique qui se situe en tête des pales, et qui est indispensable pour éviter que
les aubages frottent sur le carter. Or un écoulement perturbateur prend naissance dans cet 275
espace, du fait de la différence de pression qu’il existe entre les deux faces de la pale et
dégrade la performance finale de la machine.
Figure 6 : Evolution du niveau de rendement en fonction de la hauteur d’une pale de
turbine -‐ In fluence de la taille du jeu 280
La taille du jeu nécessaire est généralement de quelques dixièmes de millimètres. Suivant la
taille de la turbomachine, la taille relative de ce jeu ne sera pas la même, avec une influence
sur la performance locale de l’aubage (Figure 6).
Application 285
Le rotor 37 est un compresseur axial servant de référence dans la littérature, dont une ligne
isovitesse dans le champ de fonctionnement est donnée de manière expérimentale en Figure 7.
Une même référence pour les compresseur centrifuge existe : le compresseur RADIVER,
également présenté en Figure 7. Les caractéristiques dimensionnelles de références de ces 290
compresseurs sont données dans le Tableau 1.
On souhaite dimensionner un compresseur répondant à la spécification présentée dans le
Tableau 2 avec le rendement le plus élevé possible et une contrainte sur l’encombrement et la
vitesse de rotation. On va donc essayer d’économiser un dimensionnement complet, et adapter
avec une simple loi d’échelle l’un ou l’autre de ces compresseurs pour lesquels le niveau de 295
performance est jugé satisfaisant.
12
(a) (b)
Figure 7 : Ligne iso-‐vitesse du RADIVER (a) et du rotor 37 (b). 300
Pour les deux compresseurs, le taux de compression π = 2,1 est atteignable, pour la vitesse de
rotation nominale pour le Rotor37, et pour l’iso-vitesse 80% pour de RADIVER, avec une
valeur du débit réduit de 0,225 pour le premier et 0,34 pour le second. Il s’agit maintenant de
vérifier si ces valeurs sont compatibles avec la nouvelle spécification, dans les contraintes de 305
vitesse de rotation et d’encombrement imposées.
π 2,1
Pt1 (Pa) 150 000
Tt1 (K) 580
! (kg/s) 60
ν (m2/s) 3,26.10-5
N (rpm) < 14 000
L (m) < 0,9
Tableau 2 : spécification à satisfaire.
310
Option RADIVER
A 80% de la vitesse de rotation, on lit sur la Figure 7 qu’un taux de compression de 2,1 est
obtenu pour une valeur de débit réduit de 0,34. On calcule la vitesse de rotation réduite de
l’iso-vitesse 80% qui vaut 11,1. Avec les valeurs de la nouvelle spécification, la valeur du
13
débit réduit permet de calculer le nouveau diamètre du rotor, soit 0,7 m. Enfin la vitesse de 315
rotation réduite fixe la vitesse de rotation réelle. Avec un diamètre de 0,7 m on obtient 7 600
rpm. Une loi d’échelle d’un facteur 5,18 sur la géométrie de référence du RADIVER
permettant de tenir la spécification requise. On constate ici que la similitude n’est pas exacte
puisque le nombre de Reynolds de la nouvelle spécification est 3 fois plus petit que celui de la
spécification de référence. Par contre, le rendement de ce point de fonctionnement est de 0,64 320
ce qui n’est pas très bon. Si le fait d’augmenter le diamètre du rotor à même taille de jeux
peut engendrer un effet bénéfique, la diminution du nombre de Reynolds va probablement
dégrader le rendement déjà médiocre.
Option ROTOR37 325
Ici, le compresseur est mieux adapté par nature du fait que le taux de compression visé par la
nouvelle spécification est égal au taux de compression de dimensionnement du ROTOR37. Le
débit réduit vaut 0,225 et la vitesse réduite 25,3. On trouve alors un diamètre rotor de 0,85 m
et une vitesse de rotation de 14 400 rpm. Le critère d’encombrement est respecté, mais pas
celui de la vitesse de rotation. 330
Comme le dépassement est faible, il est probablement possible d’envisager une adaptation. En
particulier, si on impose la valeur maximale pour la vitesse de rotation de 14 000 rpm dans
l’expression de la vitesse réduite, il vient une nouvelle valeur pour le diamètre de 0,86 m.
Dans ces conditions, le débit réduit est de 0,22 pour un taux de compression de 2,13. On peut
espérer qu’en diminuant un peu la vitesse de rotation en fonctionnement on pourra régler 335
exactement le taux de compression voulu. Le nombre de Reynolds est quasiment inchangé, de
même que le jeu relatif, ce qui signifie que le rendement final sera proche de la mesure de
référence, soit autour de 0,85. Cette configuration paraît satisfaisante. Pourtant elle présente
deux inconvénients importants. D’une part elle impose de fonctionner sur la limite haute en
terme de vitesse de rotation, ce qui ne laisse aucune marge pour les aléas de fonctionnement 340
ou pour l’analyse de la tenue mécanique. D’autre part, le fait de se déplacer sur la ligne de
fonctionnement vers la gauche du champ rapproche dangereusement le point de
fonctionnement de la limite du pompage. Au-delà de dégrader un petit peu le rendement, c’est
surtout la viabilité de l’installation qui est en cause.
345
Il existe donc une option peu performante mais fiable, et une option performante mais
risquée. Ici, suivant l’application visée le choix ne sera pas le même. Suivant
l’environnement, la stabilité des conditions de fonctionnement, les coûts…etc… une
14
possibilité ou l’autre peut être envisagée. Il existe évidemment une troisième possibilité, la
plus indiquée, qui consiste à dimensionner un compresseur exactement sur la spécification 350
finale. Mais le développement complet d’une nouvelle géométrie est long, et également risqué
quant au niveau de performances finalement atteint.
Conclusion Dans tous les cas, il est clair qu’un dimensionnement unique ne peut pas être mis à l’échelle 355
pour toutes les spécifications. Il existe par contre pour chaque géométrie une « projection »
dans l’espace dimensionnel de spécifications pour lesquelles la mise à l’échelle est possible et
pertinente. La façon de « projeter » les performances de la base de donnée d’un industriel
constitue bien un enjeu crucial puisque cela traduira sa capacité à répondre au mieux à une
spécification nouvelle, et à ne concevoir une nouvelle géométrie que lorsque cela est vraiment 360
utile.
L’expression de l’espace des spécifications possibles, et du degré de couverture de cet espace,
peut bien évidemment être sans dimension, et ne pas faire appel aux paramètres classiques de
la similitude. Ces formulations plus ou moins judicieuses de la base de données des machines 365
existantes, et la manière dont elles sont appliquées font partie de l’expérience et de la maturité
d’un concepteur de turbomachines