Guide de l'autorite
-
Upload
livio-didier -
Category
Documents
-
view
213 -
download
0
description
Transcript of Guide de l'autorite
AUTORISONS L’autorité
À LA MAISON
À L’ÉCOLE
Parents, enseignants, spécialistes de l’enfance et de l’adolescence… nous donnent leurs conseilsDOCUMENT RÉALISÉ À L’OCCASION DU XVIE CONGRÈS DE L’APEL, À MONTPELLIER, 4-6 JUIN 2010
| 3À L’ÉCOLE, À LA MAISON AUTORISONS L’AUTORITÉ
BÉATRICE BARRAUD,
PRÉSIDENTE NATIONALE DE L’APEL
E n matière éducative, nous ne sommes pas infaillibles et nos enfants
le savent bien ! Avec une habileté certaine, ils s’engouffrent dans nos
contradictions, profi tant de nos lassitudes et de nos incohérences.
Cela nous déconcerte, nous épuise, produit en nous un sentiment de
culpabilité alors que, justement, nous voulons bien faire.
Nous ne faisons pas aujourd’hui comme hier. Nous ne procédons pas avec un
enfant comme avec un autre, fut-il son frère ou sa sœur. Nous ne punissons pas de
la même manière pour la même bêtise. Tout est affaire de dosage, un peu comme
en cuisine, où les meilleures recettes sont celles que l’on s’échange, mais auxquelles
nous ajoutons quelques ingrédients en fonction de ce que nous avons en réserve et
de l’humeur du moment.
Osons relativiser, ne nous laissons pas non plus culpabiliser par les discours
ambiants qui nous font perdre confi ance en nous. Nous sommes plus souvent
démunis que démissionnaires. Je n’ai jamais rencontré de parents qui n’aient pas
envie de bien faire, même quand ils se trompent.
Qu’il est diffi cile d’éduquer ! Pourtant, il existe des conseils simples auxquels nous
ne pensons pas quand nous sommes dans le feu quotidien de l’action éducative…
Nos enfants ont tout à gagner à ce que nous fassions preuve d’une autorité ferme
mais bienveillante qui fasse grandir. Ce guide va nous aider à prendre du recul et à
trouver le bon sens éducatif.
L’autorité dans tous ses états
L’ÉDITO
Les chiffres sont issus du sondage Apel, La Croix, CSA, “Regards croisés, parents d’enfants scolarisés / jeunes de 15 à 24 ans sur l’autorité”, avril 2010.Les citations d’enfants ont été recueillies lors d’ateliers philosophiques qui ont eu lieu au collège-lycée de l’Assomption à Bondy (93) et à l’école Ste-Élisabeth-Plaisance, à Paris (14e).
© Apel nationale, 277, rue Saint-Jacques, 75240 Paris cedex 05.Crédits photos : Marie Genel - Florence Levillain - Patricia Leconte - iStock - Illustrations : RobinRédactrice en chef : Sylvie Bocquet. Secrétariat de rédaction : Claire AlmérasRédacteurs : Claire Alméras, Sylvie Bocquet, Aurélie Djavadi, Lise Dupas.Conception : Villeneuve et associés. Direction artistique : Clémentine Rocolle. Imprimerie Vincent, Tours. Mai 2010.
L’AUTORITÉ FAIT SES premiers pas
L’ENFANT N’EST PAS un petit adulte14 |
7 |
EN 2010, AUTORISONS L’AUTORITÉLes propositions de l’Apel
35 |
21 |
QUAND L’ADOLESCENCE s’en mêle25 |
4 | RENCONTRES PARENT-ÉCOLE®
Des réfl exions de parents sur l’autorité
L’AUTORITÉ à l’épreuve de la société actuelle
Le sommaire
5 -10ans
11 -18ans
9 mois5 ans
| 5À L’ÉCOLE, À LA MAISON AUTORISONS L’AUTORITÉ4 | GUIDE CONGRÈS APEL
Parents, enseignants, chefs d’établissement, vous avez été très nombreux ces derniers mois à participer aux Rencontres parents-école® sur le thème de l’autorité, organisées par l’Apel de votre établissement. Interrogations, souhaits, témoignages de vie… ces échanges ont permis d’enrichir la réfl exion et de préparer les débats de notre XVIe congrès. En voici une synthèse.
L’autorité sera d’autant mieux acceptée qu’elle
sera comprise. Cependant, la relation adulte-enfant n’est pas égalitaire, elle est asymétrique : l’adulte a le devoir de faire autorité pour aider son enfant à grandir dans la sécurité, la protection. Sans autorité, l’enfant ne peut pas devenir autonome et à son tour être l’auteur de sa propre vie. Il lui faut donc apprendre à obéir
pour qu’un jour il décide lui-même d’obéir ou de désobéir.Nous devons être crédibles : si on veut être respecté, on se doit d’être respectable et respectueux. Enseignants et parents s’accordent à penser que l’enfant apprend beaucoup par l’exemple de ses parents. Mais nous avons le droit d’être faillibles car l’autorité n’est pas une science exacte !
Pas de nostalgie des modèles de l’ancien temps
La nouvelle autorité ? Du sur-mesure
A vant, les enfants n’avaient pas voix au
chapitre, c’était le règne du « tais-toi » et du « parce que c’est comme ça ». Ce modèle, les parents n’en veulent plus ; Ils disent non à l’autoritarisme et à l’humiliation qu’il engendre. L’autorité, ce n’est pas exercer son pouvoir sur
le plus faible, c’est-à-dire l’enfant, et le respect ne peut pas faire bon ménage avec la peur. Ainsi, les parents actuels donnent-ils volontiers la parole à leurs enfants et cherchent à éviter les jugements de valeur. Ils veulent avant tout leur bonheur au risque de placer la barre très haut.
C’est ce que les parents appellent « l’autorité
évolutive ». Celle-ci n’est jamais acquise, elle se joue et se rejoue chaque jour, en fonction de l’âge et de la personnalité de l’enfant. C’est une autorité dialoguée qui exige du temps et de l’énergie et qui n’est pas toujours compatible avec les rythmes de vie actuels. Alors les parents demandent un MNN – un minimum non négociable –, tout en avouant : « L’autorité, c’est
drôlement fatigant mais passionnant. Il ne faut pas lâcher ! ».Oui, mais pour oser l’autorité, il faut avoir confi ance en soi. Parents et enseignants se sentent parfois bien seuls face à une société qui a tendance à minimiser la place des adultes et à donner le pouvoir de décision aux enfants. Les parents reconnaissent la diffi culté d’enseigner et les enseignants celle d’éduquer.
Une autorité porteuse de sens et bienveillante
RENCONTRES PARENT-ÉC OLE® Des réfl exions de paren ts sur l’autorité
L’autorité, c’est drôlement fatigant mais passionnant. Il ne faut pas lâcher !
L’AUTORITÉ FAIT SES premiers pas
9 mois5 ans
Pour grandir, l’enfant a besoin de faire l’expérience de la faille chez l’être humain. L’autorité est une relation qui apprend à grandir ensemble.Amour et autorité sont-ils compatibles ? Les adultes n’aiment pas affronter leurs enfants, alors que ceux-ci ont besoin d’exprimer plus ou moins vigoureusement leurs
Les diverses autorités auxquelles est confronté
l’enfant sont des médiations nécessaires pour
l’accès à une maturité : nul en effet n’advient à
sa pleine mesure par lui-même. Les autorités
éducatives sont ces altérités au service de la
structuration de l’enfant. Quand elles ont atteint
leur but, elles deviennent inutiles. Tel est le
paradoxe de l’autorité éducative : elle s’efface
une fois accomplie sa tâche. C’est quand les
autorités ont “élevé” l’enfant que celui-ci peut les
quitter pour irriguer l’humanité de son travail, de
son intelligence, de sa liberté, de ses alliances…
Le mot confi ance revient souvent dans les
paroles de parents pour que l’exercice de
l’autorité soit un art crédible. La confi ance de
l’autre nous est nécessaire pour acquérir une
confi ance en nous-même. La grandeur d’une
autorité est de savoir prononcer une parole de
confi ance sur l’enfant, de signifi er que la société
entière espère dans chacun de ses enfants et
qu’elle compte sur lui pour lui donner un avenir
sensé. En ce sens, il existe une affi nité entre
la tâche éducative et la parole primordiale de
Dieu dans la Bible. Car la première parole de
Dieu est la prononciation d’une inconditionnelle
bienveillance envers la créature et la Création :
« Et Dieu vit que cela était bon ». C’est sur fond
de cette initiale reconnaissance que l’appel à
l’exigence, à l’effort, c’est-à-dire à la mise en
œuvre de ses propres capacités créatrices,
peut avoir une chance d’être entendu comme
stimulant et encourageant. Dans toute la
Bible résonne cette articulation de l’appel à
s’aventurer en humanité et de la certitude du
non-abandon : « Va, je suis avec toi ». À jamais,
comme depuis toujours, les humains sont en
quête d’autorités qui soient réellement au service
de la protection et du progrès de leur vie.
« SAVOIR PRONONCER UNE PAROLE DE CONFIANCE »> L’avis de Jean-Yves Baziou, doyen de la faculté de théologie de l’Institut catholique de Lille
différences pour grandir. Éduquer n’est pas séduire.
Sylvie Bocquet avec
Régine Florin, responsable de
la formation à l’Apel nationale.
Le mot confiance revient souvent dans les paroles de parents pour que l’exercice de l’autorité soit un art crédible. Jean-Yves Baziou
Rencontres parent-école® Des réfl exions de parents sur l’autorité
| 76 | GUIDE CONGRÈS APEL À L’ÉCOLE, À LA MAISON AUTORISONS L’AUTORITÉ
9mois
8 | GUIDE CONGRÈS APEL | 9À L’ÉCOLE, À LA MAISON AUTORISONS L’AUTORITÉ
Le bébé, être bienveillant
Je ne peux pas lui dire non, il est si petit, si mignon, pense le parent débordant d’amour pour son enfant. Mais savoir dire non à son enfant, c’est s’assurer, dès ses premiers mois, qu’il grandit dans un en-vironnement protecteur et sti-mulant. Il ne faut pas envisager l’autorité comme un seul mode de répression. L’autorité, c’est à la fois contenir des com-portements dangereux pour les autres ou pour soi, mais, c’est aussi envelopper son en-fant, le materner, veiller à son sommeil, le nourrir ou lui don-ner des jouets pour l’éveiller et prendre soin de lui. Cette autorité-là est très positive et nécessaire. L’adulte doit avoir ce souci de protection pour l’enfant car celui-ci n’a pas la
Si l’enfant pleure, ne pas lui dire « ne pleure pas, ça ne sert à rien ». Il faut lui laisser au contraire le temps d’exprimer sa frustration. Cela lui permet de laisser sortir la tension qui est en lui. Pleurer est un pas-sage nécessaire et sain.
capacité, surtout lorsqu’il est tout-petit, de savoir ce qui est dangereux pour lui et ce qui ne l’est pas. Ainsi, s’il veut prendre un objet dangereux, il faut sim-plement lui enlever des mains et le mettre ailleurs, puis attirer son attention sur autre chose.
Vers 18 mois, apprendre l’obéissance
L’autorité, c’est l’apprentis-sage de l’obéissance. Mais cela n’est pas immédiat. « Les parents attendent de leurs en-fants qu’ils soient obéissants tout de suite, constate Véro-nique Guérin, psychosocio-logue. Or, c’est un apprentis-sage comme la marche ou la parole. Il ne viendrait à l’esprit d’aucun parent de gronder son enfant parce qu’il tombe lorsqu’il apprend à marcher. C’est pareil avec l’autorité, il faut être patient, et leur laisser le temps d’acquérir l’obéis-sance. » Certains enfants obéissent plus facilement que d’autres. Chaque enfant est différent, certains parlent plus tard ou mettent plus de temps à marcher, d’autres n’ont pas les capacités neuronales qui leur permettraient d’obéir vite et bien. Durant cette période d’apprentissage, un contexte très normatif et autoritaire peut favoriser la révolte chez l’enfant, à l’inverse, un envi-ronnement trop lâche ne lui permettra pas d’apprendre l’obéissance, nécessaire à tout un chacun.
Vers 2 ans, la phase d’opposition
L’enfant commence à dire non. C’est une étape d’affir-
mation, une période où sa vitalité lui permet de sortir de la fusion avec sa mère. « C’est un enjeu très important pour toute la vie, explique Véro-nique Guérin. Les enfants qui ne peuvent pas exercer et es-sayer cette puissance restent dans les jupes de leur mère pendant longtemps ».
À 2-3 ans, immédiateté et impulsivité
À cet âge, et jusqu’à 5-6 ans, l’enfant est dans l’immédia-teté, il n’a pas la capacité de différer une envie et il est égo-centrique. « Ne pensons pas que notre enfant est mauvais, prévient Véronique Guérin. C’est tout simplement une étape de son développe-
ment ». L’enfant est impulsif. Si on casse cette pulsion, on casse son énergie de vie et à l’inverse si on laisse faire on ne permet pas à l’enfant d’apprendre à canaliser son énergie. « On ne met pas un mur en face de l’enfant contre lequel il viendrait buter, on met des bornes le long du chemin, explique Véronique Guérin. Pour cela il faut l’accompa-gner. Lui dire oui dès qu’on le peut et non quand c’est nécessaire. Et si on dit non, essayer de dire oui à autre chose. Tu veux crier, je com-prends que tu sois en colère, mais pas dans mes oreilles, tu vas dans ta chambre. Tu veux mordre, ok, mais pas le bras de ta sœur, mors plutôt dans une pomme. » Claire Alméras
5 ans
Éduquer son enfant, faire preuve d’autorité, lui fi xer des limites, oui mais pourquoi et surtout que puis-je attendre de mon enfant si jeune ? Du moment où le bébé acquiert une autonomie physique jusqu’à 5 ans, que se passe-t-il dans la tête de l’enfant ? Peut-il comprendre ce que nous, parents, exigeons de lui ?
Quels sont les fondements de l’autorité ?R
EPÈR
ES
9mois
10 | GUIDE CONGRÈS APEL
5 ans
| 11À L’ÉCOLE, À LA MAISON AUTORISONS L’AUTORITÉ
86 % des parents pensent avoir suffi samment d’autorité.
Pour les tout-petits on ne parle pas de sanctions, car ils sont trop jeunes pour
comprendre. L’objectif de la
sanction est de responsabiliser
l’enfant. Avant un certain âge,
cela n’a pas lieu d’être. Mais ne
pas obéir a des conséquences.
Plus grand, vous pouvez le
priver de la possibilité de
jouir de quelque chose s’il
ne respecte pas la règle, par
exemple jouer avec un jeu
s’il ne cesse de le jeter par
terre, aller se coucher plus tôt,
réparer une bêtise, il vous aide
à essuyer s’il a fait déborder
l’eau du bain…
Attention à ne jamais
stigmatiser l’enfant : ce n’est
pas lui qui est méchant, c’est
son comportement qui est
répréhensible.
L’autorité, c’est interdire ou
obliger à certains actes.
Appliquer l’autorité, c’est
apprendre à son enfant à obéir
à des règles constantes, qui ne
varient pas selon l’humeur des
parents et qui sont nécessaires
pour la santé physique et
psychique de l’enfant. Cela est
différent de la soumission à
une personne, où l’enfant se
soumet à l’adulte parce qu’il en
a peur.
L’autorité se passe mal si
la relation avec l’enfant se
transforme en duel. L’enfant
dit non, l’adulte se met en
colère, l’humilie et essaye de
le soumettre. L’adulte doit
apprendre à son enfant à
intégrer les règles avec calme
et empathie, parce que la
colère de l’adulte entraîne
incompréhension et colère
chez l’enfant. Pas facile tous
les jours, car nous aussi nous
avons nos moments de fatigue
ou de stress.
Si votre enfant n’aime pas
être brusqué et a besoin de
temps avant d’abandonner une
activité, pensez à vous laisser
une marge de manœuvre en
prévoyant du temps.
Si le départ à l’école le matin
est laborieux, préparez avec lui
les vêtements la veille.
Quand l’enfant est brutal, le
parent doit alors intervenir
physiquement en prenant
l’enfant dans ses bras, en
restant calme, après lui avoir
expliqué ce qu’il va faire. Il ne
s’agit pas de le brutaliser, mais
de le contenir pour qu’il ne se
fasse pas mal ni à vous.
Votre enfant ne veut pas
mettre ses chaussures car il
ne veut pas aller à l’école ?
Mettez-lui ses chaussures. Il
n’a pas le choix car,
« À deux ans, elle a un sourire d’ange, je n’arrive pas à lui dire non »> Les conseils de Véronique Guérin, psychosociologue
« On obéit parce que sinon on nous punit. »
Dès que je lui disais non,
elle piquait une crise.
Aujourd’hui encore, elle fait
de grosses colères, mais
moins fréquentes. Elle crie,
devient toute rouge et se roule
par terre. Une fois, elle s’est
allongée au milieu de la rue.
J’avais son petit frère de 6 mois
dans les bras, j’allais chercher
un de ses grands frères à une
activité. Plutôt diffi cile de
faire face à ce genre de crise.
Dès la moindre contrariété,
à la maison, elle hurle, alors
qu’à l’école elle est très sage.
J’essaye de rester calme.
Souvent je l’éloigne de moi,
car je suis assez “sanguine”
et mes mots peuvent vite
dépasser ma pensée. Mais cela
demande beaucoup d’énergie,
pas seulement morale mais
aussi physique, pour gérer
plusieurs crises par jour. Ce
qui est diffi cile, c’est le regard
réprobateur des autres adultes,
comme si j’étais une mauvaise
mère. Certains oublient vite que
nous passons à peu près tous
par là.
Témoignage d’Alice, maman de Joséphine, 4 ans.
Joséphine a été un bébé très facile puis, vers 18 mois elle s’est mise à piquer de très grosses colères, jusqu’à 7 par jour.
« Ma fi lle fait de grosses colères »> Les conseils d’Etty Buzyn, psychanalyste
l’enfant. Je ne le pense pas.
Parfois l’enfant ne sait même
plus pourquoi il est en colère, il
est empêtré dans une crise et ne
sait plus comment la gérer. On
peut dire à l’enfant : ta colère,
c’est comme si tu te mettais
en prison et que tu n’arrives
plus à trouver la porte pour en
sortir. Lorsqu’il est plus grand,
vers 2-3 ans, on lui laisse le
temps de se calmer, on l’isole
dans sa chambre ou sur une
chaise, s’il ne peut supporter
l’éloignement. Après, il faut aller
le chercher, c’est l’adulte qui
permet une ouverture. Il est très
important de montrer à l’enfant
qu’on comprend sa colère. Les
parents peuvent aussi faire
de la prévention. Par exemple,
prévenir son enfant que l’on va
passer devant la boulangerie,
mais lui dire que l’on ne cédera
pas et que l’on n’achètera pas de
viennoiserie.
Auteur de Je t’aime donc je ne céderai pas, Albin Michel, 2009
Vers 18 mois ou 2 ans, l’enfant peut piquer de grosses
colères parce qu’il ne supporte
pas la frustration. L’adulte
doit garder son calme, car
l’enfant est dans le mimétisme,
il copie ce qu’on lui renvoie.
On peut alors lui parler et
détourner son attention, car
avant l’acquisition de la parole
c’est compliqué pour l’enfant
d’exprimer son refus ou sa
frustration. Certains parents
me disent que c’est malhonnête
de détourner l’attention de
« À l’école, on obéit pour savoir beaucoup de
choses et pour grandir. »
83 % des parents pensent que l’autorité c’est positif.
9mois 5 ans
66 % des parents d’élèves pensent que les enseignants n’ont pas assez d’autorité.
pour lui, c’est l’heure
de l’école et, pour vous, celle
d’aller au travail. Mais assez
vite faites diversion en lui
parlant du goûter, par exemple.
Votre enfant ne veut pas
prendre son bain, parce qu’il
est en train de jouer avec
un camion ? Autorisez-le à
prendre son jouet pour aller
dans le bain.
L’enfant très jeune n’a pas
la capacité de raisonner et
de comprendre. Les parents
expliquent les règles en
attendant que leur enfant
comprenne et y adhère. Or,
parfois il ne faut pas expliquer
mais dire avec calme en
étant convaincu que c’est
pour le bien de son enfant :
« Maintenant c’est comme ça
et pas autrement ».
Tout est question de dosage
dans l’autorité. Si l’adulte
impose toujours tout à
l’enfant, il ne lui permet pas
d’apprendre à faire des choix.
« Mon enfant a du mal à suivre les règles à l’école »> Les conseils de Stéphanie Chen, enseignante de petite section, à l’école Bossuet, à Paris
« Mon enfant ne veut pas se coucher, comment faire preuve
d’autorité ? »> Les conseils d’Edwige Antier, pédiatre
En petite section, l’enfant
peut avoir des diffi cultés à
suivre les règles parce qu’il
découvre la collectivité
et ses contraintes. Ce qui
est très important pour les
enfants réfractaires, c’est de
préserver leur individualité
dans le groupe. J’essaye de
les impliquer, mais en leur
proposant des moments de
tranquillité et en respectant
leur espace propre. Par
exemple, dans des temps de
rassemblement où chacun
se met sur son coussin. Ou
bien pendant les activités
sensorielles, où chacun fait
seul ses activités. Je propose
aussi des moments où je suis
seule avec un enfant pour une
activité. Je réussis lors de ce
tête à tête à le motiver. Je me
sers aussi des rituels, pour
valoriser les enfants qui ont du
mal avec les contraintes et les
consignes. Il y a un système
de feux rouges et verts pour
l’accès aux coins poupée ou
dînette. L’enfant qui a le plus
de mal à quitter ces coins est
chargé de mettre le feu rouge
qui en interdit l’accès. Pour les
enfants les plus turbulents,
je propose aussi des activités
surprenantes. Par exemple faire
une tour, mais pour mettre la
dernière et plus haute pièce,
il faut monter sur la table.
Cela les captive et les aide à
se concentrer. L’action est un
bon moyen de canaliser les
enfants récalcitrants et leur
faire accepter les règles. Je
tolère aussi que l’enfant dise
non à telle ou telle activité, car
souvent il fi nit par dire oui. Et je
répète constamment les règles
et les consignes.
«Tout d’abord il ne faut
surtout pas secouer son enfant
ou lui donner une douche
froide. Ce sont des gestes
graves et nuisibles. Il ne faut
pas non plus le laisser pleurer
au moment du coucher. 40 ans
de pratique me montre que
cela ne sert à rien. Il faut au
contraire calmer cette angoisse
de la séparation et de la nuit.
Cette période passera d’autant
plus vite qu’elle sera bien
gérée. Si l’enfant ne veut pas
se coucher, c’est peut-être
parce qu’il n’a pas sommeil.
Adaptez l’heure du coucher à
son rythme. Faites un tableau
du sommeil de votre enfant.
Peut-être a-t-il trop dormi dans
la journée ? Il vaut mieux une
sieste moins longue et une nuit
bien complète. Comprenez
aussi que votre enfant est non
seulement en pleine phase
de découverte, mais qu’il veut
aussi être avec ses parents
qu’il n’a pas vus de la journée.
Enfi n, si votre enfant prend un
biberon le matin, je conseille
d’en donner un le soir avant le
coucher. Le lait est un très bon
somnifère. »
Auteur de L’autorité sans fessées, Robert Laffont, 2010
Il faut laisser à l’enfant un
espace de liberté encadré par
des règles. Tu doit mettre un
bonnet parce que c’est l’hiver,
mais tu préfères mettre le bleu
avec un pompon ou celui de
toutes les couleurs ?
Auteur de À quoi sert l’autorité ? S’affi rmer, respecter, coopérer, Chroniques Sociales, 2008
À LIRE
• Les psys-trucs pour les enfants de 3 à 6 ans, de Suzanne Vallières, Les éditions de l’Homme, 2009
• Éduquer sans punir de Thomas Gordon, Marabout, 2009
• Votre enfant et la discipline, de T. Brazelton et J. Sparrow, Fayard, 2004
UN SITE
• Un site internetwww.enfant.com, site de Enfant magazine en partenariat avec Femme actuelle.
À LIRE AVEC VOS ENFANTS
• Grosse colère, de Mireille d’Allancé, l’École des loisirs
• Les colères, de Catherine Dolto, Gallimard Jeunesse Giboulés
• T’Choupi est en colère, de Thierry Courtin, Nathan
• Au lit, petit monstre !, de Ramos Mario, l’École des loisirs
• Non, non et non !, de Mireille d’Allancé, l’École des loisirs
« Quand j’obéis à mes parents je me sens très très contente. »
« On obéit à Dieu parce que c’est lui qui nous a créés, c’est lui qui a créé la terre, on doit le respecter. »
| 1312 | GUIDE CONGRÈS APEL À L’ÉCOLE, À LA MAISON AUTORISONS L’AUTORITÉ
L’ENFANT N’EST PAS un petit adulte
5 -10ans
Considère-t-on aujourd’hui les enfants comme des ados ? Quels sont les risques de cette confu-sion ?Béatrice Copper-Royer : Dans la société actuelle, tout va très vite et les enfants sont pris dans ce mouvement d’accélération générale. Fami-liers des nouvelles technolo-gies, ils sont très débrouillards sur Internet. Et la mode tend à gommer les générations, avec la création de collections mère/fille, notamment. Très vite, les enfants s’habillent comme s’ils avaient 14-15 ans. Ces comportements laissent penser qu’ils seraient devenus matures. Or, les enfants n’ont pas encore d’autonomie psy-chique et ont besoin d’adultes pour les aider à grandir. Ce
n’est pas parce qu’ils maîtri-sent bien portables et ordina-teurs qu’il ne faudrait pas leur donner un recul critique sur leurs usages, par exemple.
Mais en leur laissant une marge de choix, ne les incite-t-on pas à prendre des initiatives ?B. C.-R. : Les parents doivent expliquer leurs décisions et entendre les contestations de leurs enfants. Mais cer-tains choix sont des choix
d’adultes ! Sinon on place les enfants devant des alter-natives qu’ils n’ont pas les capacités de résoudre, du type : préfères-tu aller en co-lonie ou chez mamie pour les vacances ? Veux-tu redou-bler ou passer dans la classe supérieure ? En posant ces questions, on inquiète l’enfant au lieu de l’aider à s’affi rmer, car on le laisse seul devant des situations complexes.
Pourquoi les parents peu-vent-ils se sentir bloqués dans cet exercice de l’au-torité ?B. C.-R. : Les parents sont désireux de très bien faire et placent la barre très haut. L’idée même de priver l’en-fant de quoi que ce soit les culpabilise. Or, tout
5ans
| 1514 | GUIDE CONGRÈS APEL À L’ÉCOLE, À LA MAISON AUTORISONS L’AUTORITÉ
Passés le cap des 5-6 ans et l’entrée en primaire, les enfants semblent tout à coup plus autonomes. Mais attention à ne pas se méprendre sur cette nouvelle aisance. Pour s’épanouir, ils attendent encore de leurs parents des règles et des limites. Le point avec Béatrice Copper-Royer, psychologue clinicienne.
Quelle place pour l’adulte, quelle place pour l’enfant ?R
EPÈR
ES
5ans 10 ans
29 % des 15-24 ans estiment que les adultes ne font pas preuve d’autorité car ils ont peur de perdre l’amour de leurs enfants.
enfant doit passer par des renoncements pour se construire. Par ailleurs, il y a une confusion sur ce que se-rait son bien-être. Le bonheur d’un enfant, c’est d’avoir des parents qui l’aiment, soient capables de l’éduquer et de le rassurer. Les limites qu’on lui fi xe sont autant de repères pour lui permettre de déve-lopper sa sécurité intérieure,
« Il commence à me cacher ses mauvaises notes »> Les conseils d’Ostiane Mathon, enseignante à l’école Saint-Louis de Montcalm (Paris)
« Si un enfant est plus grand, il a plus
d’autorité. »
donc de supporter le confl it et le jugement des autres. Soute-nu par ses parents, il peut ainsi vraiment prendre son envol.
Propos recueillis par
Aurélie Djavadi
Auteur de Vos enfants ne sont pas des grandes personnes, Albin Michel, 2010
En dissimulant ses mauvais
résultats scolaires, il manifeste
un malaise certain. Votre
enfant craindrait-il de perdre
votre estime ? Redoute-t-il vos
reproches ? Tout en le plaçant
face à ses responsabilités, il
s’agit d’établir un autre dialogue
autour des notes.
Il a enfreint les règles. Il
faut donc rester ferme, mais
aussi cerner les raisons de son
comportement. Questionnez
votre enfant sur ce qui s’est
passé : lui donner la parole,
c’est déjà l’aider à reprendre
confi ance en lui. Montrez une
continuité entre votre autorité et
celle de l’enseignant : expliquez-
lui que, vis-à-vis de son école, il
vous a mis dans une situation
en porte à faux. Par ailleurs,
votre enfant doit comprendre
qu’il a tout à gagner dans cette
communication : en cachant les
mots de son carnet ou ses notes,
il vous prive d’une occasion de
parler de ses problèmes et de les
traiter.
Remettre les notes en perspectiveNe vous seriez-vous pas trop
Le bonheur d’un enfant, c’est d’avoir des parents qui l’aiment, soient capables de l’éduquer et de le rassurer.
focalisés sur les notes ?
Les cacher serait alors une
manière d’échapper aux
remontrances. Il n’est certes
pas évident de prendre du
recul par rapport aux notes :
l’école leur accorde une si
grande place ! Cependant,
il y a un message clé à faire
passer aux élèves : ils ne
se résument pas à leurs
notes, un 6 ou un 4 refl ètent
seulement leur niveau dans
une matière, à un instant “t”.
Cela implique d’examiner avec
eux les copies qu’ils ramènent,
bonnes ou mauvaises, dans
leur ensemble. « Tu t’en es
bien tiré cette fois-ci, on va
regarder comment tu t’y es
pris », ou encore « Tu as perdu
des points, mais regarde,
c’est normal, tu as oublié une
retenue »… Avec de telles
discussions, on peut
vraiment déterminer
leurs acquis, et les
encourager à progresser.
Récompenses/punitions : un système à éviterLui promettre un cadeau
en cas de réussite, ou le
menacer d’être privé de sortie
s’il échoue ? Le chantage à
la note s’écarte du véritable
enjeu : la compréhension des
notions et leur apprentissage.
Si l’enfant n’a pas bien révisé,
il devra l’assumer en reprenant
ses leçons, et en rognant
pour cela sur ses loisirs, par
exemple. La sanction doit
rester constructive, sous
peine de perdre son sens,
et d’entraîner un sentiment
d’injustice. Rien n’empêche de
féliciter un enfant, mais après-
coup, sans avoir recours à la
carotte ni au bâton.
Auteur de Un projet… pour repenser la relation parents/enseignants, Éditions Delagrave, 2009.
| 1716 | GUIDE CONGRÈS APEL À L’ÉCOLE, À LA MAISON AUTORISONS L’AUTORITÉ
5ans 10 ans
43 % des parents pensent que le dialogue permet d’exercer une bonne autorité.
« Mon enfant est soumis à l’infl uence de ses copains »> Les conseils de Nicole Catheline, pédopsychiatre
Votre enfant est
impressionné par un groupe de
camarades qui fait la loi dans
la cour de récré ? Il tombe dans
le piège des « t’es pas cap », et
se fait prendre à leur place ?
Ou même subit des moqueries,
voire des insultes ? Pour l’aider
à s’en sortir et lui redonner
confi ance en lui, le recours
à l’autorité des adultes est
indispensable.
Les histoires avec ses copains/copines, ce sont ses affaires ? Certes, il est
important de laisser un enfant
se frotter à la vie en groupe,
ses bonheurs et ses aléas. Mais,
sans intervenir à tout bout de
champ, il faut garder un œil
sur ce qui s’y passe. Mauvaises
plaisanteries, railleries
constantes, ou tyrannie d’un
élève : il y a des problèmes dont
un enfant ne peut venir à bout
seul. Livrés à eux-mêmes, en
effet, les enfants établissent
des rapports de pouvoir et
de soumission. Il revient aux
adultes, par leur autorité, de
réguler ces relations et de les
initier au respect des autres…
Bref, les diffi cultés de la cour
de récré ne se régleront pas
d’elles-mêmes. S’impliquer
en tant que parent est alors
nécessaire.
« Laisse-les dire, ils se lasseront » ? Rien de
moins sûr. Au contraire, il
faut tout de suite aider votre
enfant à mettre en place des
stratégies de défense. « Que
s’est-il passé ? », « Si tu avais pu,
qu’aurais-tu fait ? » : analysez
la situation avec calme, sans
vous voiler les yeux, et en lui
montrant que vous croyez en
lui. L’inscrire à des activités
extrascolaires peut l’aider à
aller de l’avant. À condition
de bien choisir le groupe en
question, pour prévenir d’autres
faux pas, et de s’entretenir avec
son responsable au préalable.
Ne contactez pas directement les parents des autres enfants en cause, cela provoquerait
des réactions passionnées.
En revanche, il est crucial
d’alerter l’enseignant, car la
solution réside dans un travail
de fond sur la dynamique de la
classe. Préparez la rencontre et
misez sur la diplomatie, pour
éviter que votre enfant ne soit
soupçonné de se plaindre à
tort. N’hésitez pas à solliciter
les représentants des parents
d’élèves, qui pourront vous
aiguiller, et même assurer une
médiation.
Auteur de Harcèlements à l’école, Albin Michel, 2008.
Pour les jeux vidéo, nous
avons instauré une règle dès
le début : dans la semaine, il
n’y touchent pas, car ils ont
d’autres activités. Le week-
end, ils sont autorisés à y
jouer, mais pendant une durée
déterminée. Un jour, mon fi ls
ne voulait pas s’arrêter, et il
était très désagréable. Je lui
ai donc confi squé sa console.
On les avertit, on leur répète
que c’est la dernière fois qu’on
leur dit ceci ou cela. Mais si
on ne va pas jusqu’au bout de
la sanction, on risque de se
retrouver sans arrêt dans la
même situation.
Les enfants n’ont pas les
mêmes intérêts que nous en
tête. Qu’ils ne retrouvent pas
leurs affaires parce qu’ils
les ont mal rangées, cela ne
les gêne pas plus que ça.
C’est donc important de leur
expliquer les règles, dès que
possible. Il ne s’agit pas d’obéir
pour obéir, mais d’apprendre à
vivre en société. Par exemple, je
les rappelle pour qu’ils viennent
ranger la salle de bains, s’ils
ne l’ont pas fait après leur
passage. En colonie, ils ne
pourront pas se comporter
ainsi. Je leur demande aussi
de m’aider dans les tâches
ménagères. Faire ensemble,
c’est une façon de leur montrer
l’exemple et de les inciter à
participer à la maison.
Ma fi lle voulait sortir faire du
roller sans protections. Elle
a un caractère assez fort, et
avec elle, il faut beaucoup
dialoguer. Au lieu d’aller à la
confrontation en lui disant « tu
ne sors pas, point », je lui ai
parlé d’une personne qui s’était
cassé le poignet. Comme elle la
connaissait, c’est un exemple
qui l’a touchée. Ainsi, j’ai pu
négocier pour qu’elle protège
ses poignets et ses coudes. »
Témoignage de Frédérique, maman de Théo (10 ans) et de Lola (8 ans).
La difficulté, c’est d’aller au bout de la sanction.
« On obéit aux parents, grands-parents parce que, en général, ce qu’ils disent est vrai. »
« À la maison je désobéis, mais pas à l’école, parce que je n’ai pas envie d’avoir des gommettes noires et de me faire virer. »
Il ne s’agit pas d’obéir pour obéir, mais d’apprendre à vivre en société.
| 1918 | GUIDE CONGRÈS APEL À L’ÉCOLE, À LA MAISON AUTORISONS L’AUTORITÉ
5ans
| 2120 | GUIDE CONGRÈS APEL À L’ÉCOLE, À LA MAISON AUTORISONS L’AUTORITÉ
À LIRE
• L’autorité expliquée aux parents, Claude Halmos, NiL éditions, 2008
• Non tu n’es pas encore ado. Les huit-douze ans sont toujours des enfants, Béatrice Copper-Royer, Guillemette de La Borie, Albin Michel, 2004
• Il est permis d’obéir : l’obéissance n’est pas la soumission, Daniel Marcelli, Albin Michel, 2009
• L’autorité, pourquoi, comment. De la petite enfance à l’adolescence, de Anne Bacus, Marabout, 2005
DES SITES
• www.vosquestionsdeparents.fr, un site du groupe Bayard.• www.apel.fr
« Qu’un enfant exprime des souhaits et cherche à
obtenir toujours plus, rien de
plus normal : cela fait partie
de la construction de sa
personnalité. Aux pères et aux
mères de poser leurs limites.
Eux seuls peuvent juger de ce
qui est dangereux, raisonnable,
acceptable, etc. Un enfant,
de 5 à 10 ans, n’en a pas la
maturité. Il ne peut se douter
de toutes les conséquences
qu’entraînent ses actes et ses
désirs, par exemple installer
une télé dans sa chambre. C’est
en dialoguant avec ses parents
qu’il comprendra pourquoi
on n’offre pas un parfum de
jeune fi lle à une amie de 8
ans pour son anniversaire, et
manger trois glaces d’affi lée
n’est pas une bonne idée… Les
problèmes surgissent lorsque
les parents abandonnent ce
rôle de leaders. En laissant
un enfant décider de tout,
on le transforme en victime,
car on le prive d’une part de
son éducation. Si vous avez
toujours cédé à ses demandes,
il sera diffi cile, mais pas
impossible, de changer la
donne. Certes, vous passerez
par des scènes et des phases
de chantage du type « je ne
t’aime plus ». Mais souvenez-
vous qu’on ne peut être
en permanence dans une
atmosphère paisible, sans
confl its d’opposition, lorsque
l’on éduque un enfant. Par
ailleurs, votre enfant sera
rassuré de sentir un guide à ses
côtés ».
Auteur de Enfant roi, enfant sans loi : apprenons à dire non !, Res Publica éditeur, 2010
« Mon enfant veut décider de tout »
> Les conseils de Martine Robustelli Neu, professeur d’anglais et formatrice d’enseignants dans l’enseignement catholique
«L’autorité (du la-t i n “aug e re ”, augmenter) est
cette opération mystérieuse qui permet d’augmenter un pouvoir ou la force d’un ar-gument. Jadis, elle venait de trois sources. Le passé : c’est l’exemple des institutions de la Rome antique, la fondation de la cité revêt un caractère sacré d’où les dirigeants ti-rent leur légitimité. Le cos-mos : pour les philosophes grecs, la connaissance des lois de l’univers permet de mettre de l’ordre dans l’exis-tence de l’homme. Et enfin le divin : « Celui qui résiste à l’autorité se rebelle contre l’ordre établi par Dieu », écrit Saint-Paul (Épître aux Corin-thiens, 13, 1-7). Aujourd’hui, l’autorité absolue est rejetée, de nouvelles formes d’autorité apparaissent plus complexes
Fini l’autorité du père de famille, du professeur, de l’homme politique… Les repères traditionnels sont bouleversés. Y-a-t-il pour autant une crise de l’autorité ? Le regard de Pierre-Henri Tavoillot, philosophe.
Comment maintenir le cap de l’autorité dans le cas de familles recomposées ou monoparentales, quand votre enfant, jeune adulte, revient vivre à la maison ou quand le savoir du professeur est remis en cause par Internet ?
L’autorité à l’épreuve de la société actuelle
De nouvelles formes d’autorité
parce que traversées par le doute. On construit donc de nouveaux modèles que l’on n’a de cesse de déconstruire. Ainsi, fait-on confi ance à trois formes d’autorité, tout en les critiquant (notons que la cri-tique de l’autorité est, depuis la Renaissance et non pas mai 68, l’expression majeure de la modernité). C’est d’abord l’au-torité de la science et de l’ex-pertise dans de nombreux do-maines et en particulier celui de l’éducation. Mais le savoir peut accompagner le pouvoir, il ne le remplace pas. Vient alors l’autorité liée au cha-risme : c’est ce qu’on attend du professeur, du respon-sable politique, du dirigeant d’entreprise. Avec toutes les réticences qu’engendre la notion de leader : « Il n’est point de pire tyran que celui qui sait se faire aimer », disait
Spinoza. On peut y ajouter l’autorité de la sollicitude et de la compassion. La victime fait de nos jours autorité pour le meilleur (démonstrations de solidarité mondiale) et pour le pire (quand la souffrance confère des droits, voire des privilèges, et conduit à la dé-magogie). Je ne vois pas là les signes d’une disparition de l’autorité, mais plutôt de sa reconfi guration, quête d’une figure idéale, qui ne nous en impose pas mais qui soit compatible avec la liberté in-dividuelle acquise depuis plu-sieurs siècles. L’autorité n’est pas près de disparaître.»
Propos recueillis par Sylvie Bocquet
Auteur avec Éric Deschavanne de Philosophie des âges de la vie, Grasset, 2007
« L’autorité, ça sert à apprendre ! »
On ne peut être en permanence dans une atmosphère paisible, sans conflit d’opposition, lorsque l’on éduque un enfant.
22 | GUIDE CONGRÈS APEL | 23À L’ÉCOLE, À LA MAISON AUTORISONS L’AUTORITÉ
Internet, réseaux sociaux, télévision... la concurrence est rude pour les savoirs scolaires qui n’ont plus vraiment la cote auprès des jeunes générations. Pour Alain Bentolila, professeur de linguistique à Paris V, il est urgent de résister. Il nous explique comment.
Comment expliquer ce dé-samour des jeunes pour le savoir scolaire ?Alain Bentolila : 75 % des jeunes lisent mal, mais pas comme les illettrés d’autrefois, qui déchiffraient laborieuse-ment. Aujourd’hui, ils ne lisent pas le texte, ils essayent de trouver des indices qui don-nent lieu aux interprétations les plus inattendues. Nous avons changé d’époque, le texte ne fait plus autorité, l’auteur (n’ou-blions pas que le mot autorité vient du latin “auctor”) a disparu pour laisser place à un lecteur tout-puissant. Et ce désamour avec le savoir scolaire, qui va de pair avec une ringardisation de la culture, a créé une fracture culturelle inquiétante. Il met en danger la classe moyenne de nos élèves.
À qui la faute ?A. B : À la télévision qui for-mate les esprits. À un certain usage d’Internet. Savez-vous que 1 000 pages de Face-book contiennent seulement
552 mots, soit le vocabulaire d’un enfant de CP qui a du mal à apprendre à lire ? Qu’on ne me dise pas que c’est l’époque qui veut ça. Quand un courant met en péril la résistance intel-lectuelle de ses enfants, il est urgent de s’y opposer.
Comment ?A. B : Il faut apprendre des mots de vocabulaire aux en-fants. Les enseignants ne doi-vent pas avoir peur d’employer une langue claire et précise, sans se soucier des sourires moqueurs de certains élèves.
Ils doivent mettre en place des rituels d’apprentissage : tous les jours, un temps fort pour découvrir des mots nouveaux. C’est aussi une mission fami-liale. Utiliser un cahier de vo-cabulaire, outil de liaison entre la maison et la classe. Instituer des rendez- vous de lecture : surtout pas pour endormir les enfants mais quand ils sont bien éveillés au contraire ! Tout cela demande du temps, mais c’est notre rôle de parents de donner du sens aux apprentis-sages, de proposer à nos en-fants des activités culturelles et de développer leur esprit critique. Ne baissons surtout pas les bras !
Auteur de Tout sur l’école, Odile Jacob, 2004.
Le savoir scolaire doit encore faire autorité
L’autorité au sein des familles recomposées
L’avis de Marie-Christine Dallas, magistrate, ancien juge aux affaires familiales
◗ En droit, le beau-parent n’a pas d’autorité parentale sur l’enfant de son conjoint ou de son concubin. S’il peut ef-fectuer certains actes usuels comme, par exemple, l’emme-ner à l’école ou à une consul-tation médicale, c’est unique-ment parce que le père ou la mère lui a, de manière plus ou moins tacite, délégué ce droit. Si donc un juge se retrouve face à un adolescent qui ne respecte pas son beau-père ou sa belle-mère, le seul dis-cours qu’il puisse lui tenir est celui du bon sens. Il va lui rap-peler le nécessaire respect de l’autorité de tous les adultes qui en sont dépositaires (père, mère, enseignants, contrôleur de bus…) . Ensuite, il va lui dire que son beau-parent doit être respecté, parce que c’est une personne avec laquelle son père ou sa mère a tissé des liens et qu’il n’a pas à juger. Nombre d’adolescents sont, en effet, très sensibles à cette
notion de lien. Maintenant, bien sûr, le gendarme de ce respect, c’est le parent qui, juridiquement, détient l’auto-rité. À lui donc de savoir jouer son rôle et de reprendre son enfant s’il n’agit pas correcte-ment avec son beau-parent.»
L’avis de Marie-Claude Vallejo, pédopsychiatre
◗ Si le beau-parent sait se montrer prudent et discret, les choses se passent, en général, très bien. Même avec un adolescent. Tout se complique, en revanche, quand, de manière naïve, se sentant investi d’une mission, il cherche à prendre la place du parent absent et entend refaire à lui seul l’éducation de l’enfant ou de l’adolescent. »
D’abord, t’es pas ma mère !, Marie-Claude Vallejo,Albin Michel, 2006.
L’avis de François de Singly, sociologue à l’université Paris Descartes
◗ Le beau-parent qui s’entend rétorquer « T’es pas mon père, t’as rien à me dire » doit ré-pondre : « Effectivement, je n’ai pas d’autorité sur toi, au sens juridique du terme. En re-vanche, je peux très bien avoir à te dire quelque chose parce que l’on vit ensemble et qu’il y a des règles à poser pour réussir ce vivre ensemble ». L’essentiel de la vie quoti-dienne en famille, ce n’est pas de l’autorité mais du lien et, du coup, le beau-parent peut occuper une immense place. À lui d’admettre en retour que, dans la famille moderne, tout le monde peut avoir à dire quelque chose, y compris les enfants. »
Comment aider l’enfant à devenir lui-même ?, François de Singly, Armand Colin, 2009.
L’autorité à l’épreuve de la société actuelle L’autorité à l’épreuve de la société actuelle
Les trois avis d’une magistrate, d’un pédopsychiatre et d’un sociologue.
QUAND L’ADOLESCENCE s’en mêle
11 -18ans
«Quand un adolescent
qui grandit vit toujours
chez ses parents, il faut
l’inciter à mettre la main
à la pâte et contribuer
« Quand notre fi lle aînée
est revenue à la maison
entre deux expériences
professionnelles, nous
l’avons accueillie à bras
ouverts. C’est à la fois
délicat car nous sommes
face à une jeune adulte qui
a pris son indépendance
et enrichissant, elle nous
demande conseil pour ses
projets. Nous réussissons à
rester fermes sur les règles
de vie commune : elle doit
faire sa chambre, ranger la
salle de bains après chaque
passage... En revanche, nous
n’arrivons pas à lui imposer
des horaires. Les aspects
matériels sont également
lourds : de nouveau le
réfrigérateur est à remplir,
le panier à linge déborde,
sans compter toutes les
affaires personnelles qu’elle
a rapportées ! La prochaine
étape : salariée depuis
presque un an, elle vient
d’acheter son appartement
et a décidé de voler de ses
propres ailes. Mais notre
seconde fi lle nous a annoncé
qu’elle revenait à Paris pour
un stage de quelques mois.
Les allers-retours sont loin
d’être terminés ! »
Au secours, mon ado revient à la maison !»
Témoignage d’Aurélie, maman de trois enfants.
| 2524 | GUIDE CONGRÈS APEL À L’ÉCOLE, À LA MAISON AUTORISONS L’AUTORITÉ
Fin d’un cursus de formation ou d’un CDD, retour d’un stage à l’étranger, les jeunes sont nombreux à revenir dans le nid familial. Quelles règles défi nir pour que cette cohabitation ne se transforme pas en co-location pesante ?
Quand le jeune adulte tarde à prendre son envol
L’autorité à l’épreuve de la société actuelle
> Les conseils de Xavier Pommereau, psychiatre
fi nancièrement à la vie
familiale. Accepter des
petits boulots pendant
l’année, travailler au
moins un mois l’été...
Les parents ne sont pas
uniquement des vaches
à lait. Trop d’adolescents
sont complètement
assistés. Or, pour qu’ils
puissent se projeter
dans une vie d’adulte,
ils ne doivent pas être
traités comme des
consommateurs passifs
de biens matériels. »
11ans 18 a
ns
66 % des 15-24 ans pensent que les parents n’ont pas suffi samment d’autorité.
Pourquoi les adolescents résistent-ils à l’autorité ? Alain Fuseau : L’adolescence est une période de quête identitaire où il est normal, d’avoir des conduites d’op-position. L’enfant est plutôt “comme” ses parents alors que l’adolescent, lui, est dans un phénomène d’inversion. Pour réussir à se définir, il a davantage besoin de décider de ne pas être “comme” que de décider d’être “comme”. C’est dans la différence avec les adultes que tout va se jouer. Et, d’ailleurs, pas for-cément avec tous les adultes puisque certains d’entre eux vont, parfois, au contraire, lui servir de modèles d’identifi-cation : un oncle, une grand-mère, un enseignant…
Cette résistance est donc plutôt bon signe ? A. F. : Tout à fait ! À condi-tion, bien sûr, que cela ne prenne pas des proportions infernales. D’ailleurs, quand
un adolescent se présente à ma consultation et que je ne perçois aucune velléité de résistance à l’autorité, je suis inquiet car cela fait partie du processus de construction psychique.
Comment les parents doi-vent-ils réagir ? A. F. : Selon les adolescents et l’environnement dans le-quel ils ont été éduqués, les conduites d’opposition sont plus ou moins spectaculaires. Il y a lieu de s’inquiéter dès lors qu’elles durent ou prennent des formes très graves. Ce qui
importe, en tout cas, c’est que les parents, à ce moment-là, ne modifi ent pas leurs moda-lités éducatives, en devenant subitement très laxistes ou, au contraire, sévères comme ils ne l’ont jamais été. L’adoles-cent, en effet, ne compren-drait plus de se retrouver face à des parents qui ne sont pas fi ables.
À quelle période de l’ado-lescence, cette résistance à l’autorité est-elle la plus visible ? A. F. : Pour les fi lles, souvent dès la 5e et jusqu’à la fin du collège. Pour les garçons, plu-tôt en 3e et 2nde, voire jusqu’en 1re. Chaque ado lescent connaît, en principe, deux années vraiment diffi ciles en sachant que c’est rarement en continu, qu’il y a des pics et des périodes d’apaisement.
Propos recueillis par Lise Dupas
« LES ADOS DEMANDENT À LEURS PARENTS DES RÈGLES ET DES LIMITES »> L’avis de Xavier Pommereau, psychiatre
« Le mot d’ordre des adolescents, c’est :
lâchez-nous... mais ne nous laissez pas. Rien
de pire pour eux que les remarques laxistes
du style : « Fais ce que tu veux », qui les
conduisent à pousser les limites le plus loin
possible pour susciter une réaction. Ce que
les adolescents demandent à leurs parents,
même s’ils râlent contre leur autorité, ce
sont des règles et des lois. Ils doivent être les
protecteurs, les garants. On ne fume pas du
cannabis, on ne roule pas sans casque sur son
scooter, on ne sort pas le soir à 15 ans sans
dire à ses parents où l’on va et avec qui. Ainsi,
les adolescents se font une certaine idée de la
“pureté parentale” et sont mal à l’aise avec tout
ce qui peut salir cette image. Dans le cas de
parents fumeurs, par exemple, mieux vaut qu’ils
déplorent ouvertement leur dépendance : « on a
malheureusement essayé d’arrêter sans succès,
mais essayons de faire de la maison un espace
sans tabac ». Ainsi les règles seront applicables
par tous et donc respectables. »
Auteur de Ados en vrille, mères en vrac, Albin Michel, 2010
Les parents doivent être les protecteurs et les garants.
« Quelqu’un qui a de l’autorité, il empêche la liberté de l’autre. »
| 2726 | GUIDE CONGRÈS APEL À L’ÉCOLE, À LA MAISON AUTORISONS L’AUTORITÉ
Le point avec Alain Fuseau, pédopsychiatre, responsable de la Maison des adolescents du Havre (76) et président de l’association nationale
des Maisons des adolescents.
Que faire quand l’autorité est malmenée ?
REP
ÈRES
11ans 18 a
ns
« Il ne veut plus que je vérifi e son travail scolaire malgré des résultats médiocres »
> Les conseils de Brigitte Prot, psychopédagogue, enseignante et formatrice
« Il passe trop de temps sur Facebook »
> Les conseils de Jacques Henno, journaliste, conférencier, spécialiste des nouvelles technologies
Plutôt que de dénigrer cette activité, cherchez
à comprendre pourquoi il
y passe du temps. Est-ce
un refuge parce qu’il peine
à communiquer avec son
entourage ? Ou encore, à cet
âge où nombre d’adolescents
ne sont pas très à l’aise dans
leur corps, est-ce que cet outil
n’est pas devenu, pour lui, le
moyen idéal de s’ouvrir au
monde en ne transmettant
de lui que les images où il
pense être à son avantage ?
Enfi n, serait-il rentré dans une
compétition avec des élèves
de sa classe pour être celui
qui réussira à se faire le plus
d’amis sur Facebook ?
Instaurez le dialogue. Expliquez-lui que Facebook
est, avant tout, une entreprise
commerciale qui, parce
qu’elle vit de la publicité, a
besoin d’audience et a tout
intérêt, par conséquent, à ce
que ses utilisateurs y restent
connectés le plus longtemps
possible. Aidez-le également
à réfl échir aux limites de
ce réseau social : au fait,
notamment, que ses amis sur
Facebook n’ont, au fond, rien
à voir avec de vrais amis, ceux
sur qui on peut compter en cas
de diffi culté.
Sans diaboliser cet outil, mettez-le en garde contre
ses dangers potentiels.
Demandez-lui, d’abord, s’il a
bien paramétré son profi l pour
ne le rendre accessible qu’à
ses amis et éviter ainsi que ses
informations, photos et vidéos
ne soient visibles par n’importe
qui et, notamment, par des
adultes mal intentionnés.
Profi tez-en pour lui rappeler
qu’il n’a pas le droit de diffuser
de photos de ses camarades
sans une autorisation écrite de
leurs parents. Enfi n, réagissez
si votre enfant est inscrit sur
Facebook alors qu’il a moins
de 13 ans. C’est interdit et le
signe, donc, qu’il a triché sur sa
date de naissance.
Dédramatisez. S’il existe
des cas d’addiction aux jeux
vidéos, ce n’est pas le cas
pour Facebook qui compte,
aujourd’hui, quatre cents
millions d’utilisateurs dont
quinze millions en France.
Dites-vous, d’ailleurs, que cette
activité a toutes les chances
de n’être qu’une passade et
que votre enfant va fi nir par
s’en fatiguer tout seul.
Montrez l’exemple. Si l’on
veut détourner son enfant
de Facebook, attention à ne
pas passer soi-même trop
de temps sur les écrans et
à prévoir diverses activités
(sorties, visites, rencontres
avec des amis…) qui donnent
envie à toute la famille de faire
autre chose.
Auteur de Les 90 questions que tous les parents se posent (téléphone mobile, Internet, jeux vidéo…), éd. Télémaque, 2008.
« Faut un minimum d’autorité dans la société pour que ça puisse marcher. »
«Les adolescents ont beaucoup de mal à supporter le regard inquisiteur de l’adulte. Surtout à partir de la 4e, au
moment où ils essaient de
devenir indépendants et sont
en train de passer un cap
vers davantage d’autonomie.
Attention, donc, en tant que
parent à ne pas avoir une
attitude trop pesante. Inutile,
par exemple, de chercher coûte
que coûte à aider son enfant le
soir ou le week-end de la même
façon qu’on le faisait, quand
il était en 6e. Car on court
le risque d’être rejeté. Pour
autant, quand on s’entend dire,
par son enfant, « Laisse-moi,
je me débrouille tout seul ! »
et que le bulletin trimestriel
n’est pas bon, mieux vaut ne
pas baisser les bras tout de
suite et chercher à réfl échir. Il
s’agit là, en effet, d’une phrase-
écran qui peut cacher bien des
choses. Une façon, d’abord,
pour l’adolescent, de tester
la capacité de ses parents à
résister. Mais également – et
aussi paradoxal que cela
puisse paraître – un vrai
besoin d’être aidé, à condition,
toutefois, que ce soit une aide
qui ne les étouffe pas et leur
permette de savoir faire tout
seuls. En tant que parent,
dès lors qu’on se retrouve
confronté à une telle situation,
il convient donc de procéder
avec mesure, en privilégiant la
politique des petits pas. Si, par
exemple, le contrôle de maths
a été raté, pas question de
dire à son enfant : « On refait le
cours et on y passe la soirée si
nécessaire ! », mais plutôt : « Je
te fais confi ance pour me dire
ce que tu n’as pas compris et
comme je n’ai pas envie de te
laisser te battre tout seul face
aux diffi cultés, si tu veux, on
s’y met une demi-heure. » Une
aide, bien dosée et toujours
limitée dans le temps, a
toutes les chances d’être bien
accueillie. Il y aurait, d’ailleurs,
danger à ne pas la proposer.
Je rencontre, en effet,
dans ma pratique, nombre
d’adolescents qui, arrivés
en 2nde ou en 1re, reprochent
soudain à leurs parents de
ne pas les avoir assez cadrés
quand ils étaient au collège. »
Auteur de J’suis pas motivé, j’fais pas exprès, Albin Michel, 2003.
« De nos jours il n’y a plus d’autorité. Tout est inversé, ce sont les enfants qui ont de l’autorité sur les adultes. »
65 % des 15-24 ans considèrent que les enseignants n’ont pas assez d’autorité.
| 2928 | GUIDE CONGRÈS APEL À L’ÉCOLE, À LA MAISON AUTORISONS L’AUTORITÉ
11ans 18 a
ns
«IL Y A TRENTE ANS, JE TROUVAIS GLOBALEMENT EN GERME LES MÊMES COMPORTEMENTS QU’AUJOURD’HUI »> L’avis de Daniel Watremez, directeur du collège-lycée Saint-Louis Saint-Clément à Viry-Châtillon (91)
On dit volontiers qu’il est de plus en plus diffi cile d’affi rmer son autorité face aux élèves. Qu’en pensez-vous ? Daniel Watremez : Il est indéniable que la
société a évolué, que les jeunes vivent des
choses qu’on ne vivait pas et que le commerce
en a fait des clients. Pour autant, si je regarde en
arrière, je n’ai pas le sentiment que la différence
soit aussi grande qu’on veut bien le dire.
Chez les adolescents avec qui je discutais, il y a
trente ans, je trouvais globalement en germe les
mêmes comportements qu’aujourd’hui. L’idée
que nous serions dans une époque totalement
incroyable me fait sourire. Du moins, dans un
établissement classique.
Quelle est votre conception de l’autorité ? D. W. : En tant que chef d’établissement,
l’autorité a été mon premier sujet de réfl exion.
Et en m’interrogeant, j’ai compris qu’elle était
provisoire. J’ai souvent comparé mon rôle à celui
d’un tuteur. Une fois que la plante a poussé,
on l’enlève. Ensuite, l’autorité que j’ai sur
quelqu’un ne se justifi e que parce qu’elle
va lui permettre de grandir et que je sais
qu’elle est nécessaire. Tout jeune professeur, j’ai
vite pris l’habitude d’avoir une relation humaine
avec mes élèves, de les considérer autrement
que dans leur seule fonction d’élèves, comme
mes frères et sœurs.
Mais il vous arrive de sanctionner durement ? D. W. : Bien sûr ! Et, d’ailleurs, je le dis à l’élève
pour qu’il comprenne bien que ce n’est pas de
gaieté de cœur et qu’il n’y a, chez moi, aucun
sentiment de vengeance. Pour les choses moins
graves, je privilégie l’humour tendre. Je ne dis
pas l’ironie. Nombre de situations peuvent se
régler parfois d’un simple regard. Cela suppose,
évidemment, que la personne ait la confi ance de
ceux qui reçoivent l’autorité.
« Ma fi lle veut que je lui achète des vêtements de marque »> Les conseils de Didier Pleux, docteur en psychologie du développement, psychologue clinicien
« Il y a un vrai travail éducatif, à mener sur le long
terme, pour faire comprendre à
son enfant que coller à la mode,
c’est accepter d’être cloné et
donc refuser toute singularité.
Si, toutefois, un jour, un parent
se retrouve dans la situation
où son fi ls ou sa fi lle exige
les mêmes vêtements de
marque que ses pairs, il ne
faut surtout pas hésiter à lui
répondre : « Non ! Il n’en est
pas question ! » ou encore
« Je trouve cela ridicule ! ».
Beaucoup de pères et de mères,
aujourd’hui, n’osent plus être
authentiques, n’osent plus
dire non par crainte du confl it,
par peur que leurs enfants
n’explosent, surtout à l’âge de
l’adolescence. Ils ont tort car
la frustration, c’est justement
ce qui construit le psychisme.
Si maintenant, l’adolescent ne
veut pas en démordre, reste
alors à lui apprendre le principe
de réalité : « Très bien, mais
comment comptes-tu te les
offrir ? Avec quel argent ? ».
Bien sûr, on évitera, dans
ce cas, de tomber dans la
contradiction en lui fournissant
l’argent de poche qui lui
permettrait de se les procurer.
Et, si on estime qu’il fait un
mauvais usage de cet argent,
alors on n’hésitera pas à le
gérer soi-même. »
Auteur de Un enfant heureux, Odile Jacob, 2010.
« Autorité et éducation, ça ne peut pas fonctionner l’un sans l’autre. Faut toujours avoir un peu peur de ses parents. L’autorité, ça nous fait évoluer. »
« Certains profs ont une certaine prestance, une manière d’être. C’est ça l’autorité. »
41 % des parents et des ados estiment que ce sont les classes trop chargées qui sont la cause d’un manque d’autorité des enseignants.
| 3130 | GUIDE CONGRÈS APEL À L’ÉCOLE, À LA MAISON AUTORISONS L’AUTORITÉ
11ans 18 a
ns
| 3332 | GUIDE CONGRÈS APEL À L’ÉCOLE, À LA MAISON AUTORISONS L’AUTORITÉ
« Ma fi lle écoute plus ses amis que ses parents »> Les conseils de Jean-Louis Davin, enseignant et formateur d’enseignants
« À l’adolescence, les
jeunes vivent quelque chose
de très paradoxal. Ils veulent
se démarquer, devenir
indépendants mais ont, en
même temps, très envie de
ressembler à leurs pairs dont ils
recherchent la reconnaissance.
Il n’y a rien d’anormal, du coup,
à ce que le parent sente soudain
son enfant lui échapper et ait
la désagréable impression
de passer après le groupe. Il
convient, néanmoins, de réagir
si l’on s’aperçoit tout à coup qu’il
subit une mauvaise infl uence.
Mais inutile alors de se mettre à
critiquer ses amis. On ne ferait
que le perdre davantage. L’idéal
est de réussir à entamer avec
lui un dialogue constructif qui
lui rappelle les limites à ne pas
dépasser et lui fasse prendre
conscience des dangers qu’il
encourt à suivre aveuglément
ses amis. Au cas où l’on ne
serait pas entendu, il faut alors
envisager d’avoir recours à un
tiers : un membre de la famille
ou un ami en qui l’adolescent a
confi ance et qu’il saura écouter.
Reste, enfi n, à tenter une autre
solution : celle de faire diversion,
en l’incitant à participer à de
nouvelles activités (sportives,
culturelles…) qui puissent le
détourner de son groupe et lui
permettre, peut-être, de faire
d’autres rencontres. »
« Mon fi ls est en 1re et il sèche les cours. Que faire ? »> Les conseils de Sylvain Connac, enseignant, docteur en sciences de l’Éducation
Donnez du poids à la valeur scolaire. Sans que
cela prenne l’allure d’un
interrogatoire et sans vous
focaliser sur les résultats
scolaires, ouvrez un espace
de parole à la maison au sujet
de l’école. Cherchez à discuter
régulièrement, avec votre
fi ls ou votre fi lle, de ce qui se
passe au lycée, de sa relation
avec ses camarades, ses
enseignants.
Travaillez avec votre enfant sur l’orientation. Invitez-le à s’interroger sur ses
projets à long terme : « Quels
domaines t’intéresseraient ? » ;
« Qu’est-ce que tu ne voudrais
surtout pas faire ? » ; « Est-ce
que ce qui compte pour toi,
c’est d’abord l’épanouissement
dans le travail ou plutôt le fait
de gagner beaucoup d’argent
pour pouvoir accéder à un
certain nombre de loisirs ? ».
Les jeunes, qui ont un projet
personnel, savent pourquoi
ils vont à l’école et acceptent
d’autant mieux le fait que
l’école ne soit pas toujours
passionnante.
… car pour les adolescents d’aujourd’hui, il n’y
a pas de soirée réussie sans alcool. Souvent,
sous prétexte de ne pas gêner, les parents qui
invitent ne sont pas là et du coup, les jeunes
sont complètement livrés à eux-mêmes. Pour
que Charlotte y aille le moins souvent possible,
je me débrouille donc, quand je sais qu’elle aura
une invitation, pour prévoir un week-end à la
campagne. Je lui ai même proposé, cette année,
d’organiser à la maison son anniversaire, mais
parce qu’elle savait qu’il n’y aurait pas d’alcool et
que je serais présente, elle a refusé. Elle n’avait
pas envie d’être la risée du groupe, le lendemain,
en arrivant au collège. J’ai bien essayé d’en
parler autour de moi. Malheureusement, j’ai le
sentiment de ne pas être entendue. Les parents,
semble-t-il, n’osent pas dire non à leur enfant
par peur d’affronter leur colère mais aussi parce
qu’ils se culpabilisent. « Est-ce que je ne vais pas
le couper du groupe ? », se disent-ils. Du coup,
ils acceptent de fermer les yeux sur un certain
nombre d’inconvénients, dont l’alcool ! Quand
j’en discute avec ma fi lle, elle a l’air d’accord
avec moi. À treize ans, toutefois, elle est très
malléable, très naïve et je crains que, face à la
pression du groupe, mes arguments n’aient que
bien peu de poids ! »
Témoignage de Éléonore L., 40 ans, maman de Charlotte (14 ans)
Ma fille me demande d’aller à des booms et cela me fait très peur…
« Mes parents je trouve qu’ils sont trop stricts. Mais mon enfant, il aura encore moins de chance que moi de faire ce qu’il veut. »
« On ne peut pas imposer l’autorité à l’adolescence. Faut que les parents s’y prennent avant. »
42 % des parents estiment que montrer le bon exemple permet d’exercer une bonne autorité.
18 ans
| 3534 | GUIDE CONGRÈS APEL | 35
Envisagez une réorientation scolaire. Si votre enfant ne
voit plus l’intérêt d’aller aux
cours, c’est peut-être que
les études qu’il suit ne lui
conviennent pas. Renseignez-
vous alors pour savoir s’il
n’existe pas des passerelles
qui lui permettraient de
bifurquer vers une autre voie.
Mais attention à ce que cela
n’apparaisse pas comme une
sanction. Si votre enfant était
dans la voie générale – ce
que vous estimiez être la voie
royale – et qu’il opte pour la
voie professionnelle, n’y voyez
rien de dégradant. Considérez
plutôt que le bien-être de votre
enfant est primordial et passe
avant vos rêves.
Valorisez ses réussites. Afi n de le remettre en selle
et de lui redonner confi ance
en lui, regardez ce qui
fonctionne plutôt que ce qui
dysfonctionne. Encouragez-
le et félicitez-le, même pour
ce qu’il fait à la maison. Vous
renforcerez ainsi chez votre
enfant l’estime de soi qui, en
général, fait défaut aux élèves
qui n’ont plus goût à l’école.
IL CONSOMME DE LA DROGUE OU DE L’ALCOOL, QUELLE AIDE JURIDIQUE ?
> > L’avis de Sylvia Berdin, juriste à Apel service
« Dans ces moments-là, les parents se sentent perdus et les
repères juridiques peuvent les aider à y voir plus clair. Le droit
les conforte dans l’idée que non seulement ils peuvent protéger
leur enfant mais qu’ils doivent le faire. Les titulaires de l’autorité
parentale peuvent, par exemple, organiser une prise en charge
médicale et un suivi psychologique. Quand l’enfant est mineur,
ses parents prennent un rendez-vous chez le médecin, sans
forcément attendre son consentement. Lorsque la situation
devient préoccupante et que le parent a du mal à asseoir son
autorité, il peut se saisir du dispositif de l’Aide éducative à
domicile (mis en place par l’Aide sociale à l’enfance) et qui permet
d’introduire un tiers dans une situation souvent “bloquée”.
Dans le cas de parents défaillants ou si le jeune est arrêté en
possession de cannabis, il sera convoqué par le juge des enfants
qui pourra demander des mesures d’assistance éducative ou
encore une injonction de soins. Celle-ci sera demandée pour
rechercher les raisons de cette addiction. »
En savoir plus : Apel service, tél. : 0 810 255 255 (coût d’une communication locale), de 10 h à 18 h, du lundi au vendredi.
À LIRE• Les ados expliqués à leurs parents de Marie-Rose Moro, Bayard, 2010
• Les nouveaux ados, comment vivre avec ? Marcel Rufo, Serge Hefez, Philippe Jeammet, Daniel Marcelli, Marc Valleur, Patrice Huerre, Marabout, 2010
• Guide de l’ado à l’usage des parents de Stéphane Clerget, Calmann-Lévy, 2008
• Tracas d’ados, soucis de parents de Daniel Marcelli et Guillemette de La Borie, Albin Michel, 2002
« S’il n’y a pas d’autorité, y’a pas d’éducation. L’autorité, c’est mettre des règles. C’est l’éducation à la maison, à l’école, partout quoi. »
ans18 En 2010, autorisons l’autorité
Réinventer notre manière d’exercer l’autorité, être des adultes cohérents, voilà ce qu’il ressort des nombreuses réfl exions menées depuis plus d’un an au sein de notre mouvement. Voici les propositions que l’Apel fait pour que les débats portent leurs fruits.
CONFORTONS LES CONSEILS D’ÉTABLISSEMENT
Comment construire de la cohérence entre
adultes sans l’instance principale de régulation
que constitue le conseil d’établissement ? Nous
souhaitons qu’il y en ait un par établissement,
avec un président d’Apel et des élèves réellement
associés et formés à la mission d’élèves
délégués. Certains conseils d’établissement
ont déjà accueilli des débats sur le thème de
l’autorité ; d’autres sont prévus. N’hésitez pas à
en proposer dans votre établissement.
Quant aux parents correspondants ils devront
pouvoir y jouer tout leur rôle et siéger à tous les
conseils de classe, notamment aux conseils
déterminants de fi n d’année.
DES ADULTES SOLIDES POUR DES ENFANTS À CONSTRUIRE
Nous demandons solennellement aux médias d’arrêter de mettre en exergue les faits déviants d’une jeunesse minoritaire, ce qui dévalorise l’ensemble de la jeunesse au point que près de 50 % des Français ont une image négative des jeunes*. Nous demandons aux adultes que nous sommes de témoigner de la confi ance que nous avons envers les jeunes, nos enfants ! C’est en s’appuyant sur des adultes solides que nos enfants pourront se construire. À nous, adultes, de savoir faire preuve de cohérence, entre parents, entre école et parents, et entre parents, école et société. Alors, là oui, nous pourrons autoriser l’autorité.
Le congrès ne s’arrête pas là…Dès la rentrée 2010, proposez des conférences,
des Rencontres parents-école® (RPE®) et des
débats en conseils d’établissement… L’Apel
nationale est à votre disposition pour vous
épauler et vous conseiller.
Pour organiser une RPE®, connectez-vous
sur votre intranet via www.apel.fr ou prenez
contact avec votre président d’Apel.
AMÉLIORONS LE DIALOGUE PARENTS-PROFESSEURSLes rencontres avec les enseignants se résument souvent aux seules réunions parents-professeurs. Nous voulons créer des espaces de dialogue où parents et enseignants puissent échanger sur un pied d’égalité. Les Rencontres parents-école® organisées par l’Apel jouent ce rôle, nous voulons les multiplier.Parents-enseignants, comment mieux se comprendre ? L’Apel est prête, dès la rentrée prochaine, à collaborer avec les organismes de formation des enseignants de l’Enseignement catholique pour créer des modules de formation à la relation école-familles.
*Enquête “Les Français et les jeunes” réalisée pour l’Afev (Association de la fondation étudiante pour la ville), mars 2010.