Guelpa

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1 D' GUELPA Autointoxication et Désintoxication Quoid scripsi vixi. O. DOIN ET FILS, éditeurs. PARIS

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    D' GUELPA

    Autointoxication et

    Dsintoxication

    Quoid scripsi vixi.

    O. DOIN ET FILS, diteurs. PARIS

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    A MON CHER NEVEU

    Le DOCTEUR LOUIS RGIS

    COLLABORATEUR SAVANT ET DVOU JE DEDIE CE TRAVAIL

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    Preface

    La mdecine, a-t-on dit, est une science d'observation ; c'est aussi et plutt une science d'interprtation : un fait ne vaut que par les dductions que l'on en tire.

    Un matre en thrapeutique, Dujardin-Beaumetz, avait constat, en 1880, par des expriences prcises, qu'une maladie aigu volue d'autant plus promptement vers la convalescence que le malade perd plus rapidement et plus rgulirement de son poids. Avant lui, les empiriques naturistes avaient dj affirm que, dans les affections chroniques, ne gurissent vite et bien que ceux qui maigrissent sous l'influence du traitement. Voil le fait.

    Quant l'interprtation, les naturistes, gens simplistes, l'avaient donne en disant que cet amaigrissement est d l'expulsion de substances trangres entretenant la maladie. L'explication nous parat vraie. Aujourd'hui, en effet, il est scientifiquement dmontr que, lorsque l'organisme ne peut plus brler, neutraliser ou liminer la totalit des dchets issus du mouvement vital, il les dilue par rduction d'eau dans les tissus et les dpose dans les points o la circulation est peu active, afin d'viter une saturation toxique des humeurs qui compromettrait immdiatement l'quilibre fonctionnel constituant la sant, d'o un engraissement ou tout au moins une augmentation de poids qui se dissipe quand, par une thrapeutique appropries on provoque une dcharge des matires uses ainsi accumules.

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    Se basant sur ce raisonnement, le Dr Guelpa a institu une mthode de traitement destine dterger aussi rapidement et compltement que possible les organismes qui sont en cet tat d'intoxication latente. Il l'a pendant quinze ans, exprimente sur lui-mme et sur de nombreux malades, et nous expose aujourd'hui les rsultats de sa pratique. Ils sont hriliants et ses observations sont convaincantes pour qui veut les lire sans s'tonner de la hardiesse dos procds employs.

    Cette mthodeconsiste dans une dite hydrique de deux six jours, associe des purgations quotidiennes : la dite, afin d'affamer l'organisme, de le mettre dans l'obligation de brler ses toxines et ses vieux tissus ; des cellules nouvelles se dveloppent la place des anciennes : il y a renouvellement des tissus, rajeunissement' des fonctions ; les purges, afin de calmer les malaises rsultant de la privation de nourriture, de dsinfecter le tube digestif et de drainer vers l'intestin les rsidus immobiliss dans les coins les plus reculs de l'conomie. A notre avis, leur action est encore plus complexe : pendant le jene, l'appareil digestif, d'absorbant qu'il est en temps normal, se fait liminateur et les purges ont pour effet d'empcher les rsorptions des produits qui cherchent une issue par cette voie. Aussi parlageons-r.ous l'opinion du Dr Guelpa qui veut qu'on les associe toujours la dite, lorsqu'on prolonge celle-ci plusieurs jours.

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    Ainsi qu'on peut le prvoir, la mthode de notre confrre trouve en mdecine do nombreuses indications, notamment dans les maladies par ralentissement de la nutrition. L'une d'elles a t particulirement tudie par le D'Guelpa, qui lui consacre toute la premire partie de son livre; nous voulons parler de diabte, plus exactement du diabte arthritique.

    S'appuyant sur cette constatation que les rgimes qui russissent le mieux dans cette maladie se ramnent tous une rduction plus ou moins dguise de l'alimentation, le DrGuelpa a soumis systmatiquement ses diabtiques la dite accompagne de purgations, et cela sans craindre l'amaigrissement tant redout par les malades et les mdecins. L'exprience lui a donn raison : non seulement la glycosurie cde avec une rapidit tonnante, mais les forces renaissent et le diabtique cesse de l'tre au sens clinique du mot.

    Les observations de l'auteur en font foi, Longuement discutes la Socit de mdecine de Paris et la Socit de thrapeutique, elles ont t le point de dpart de controverses et de communications importantes, relates dans cet ouvrage, et qui jettent un jour tout nouveau sur nombre de questions encore mal lucides l'heure prsente.

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    Tel est, dans ses grandes lignes, le livre du Dr Guelpa. Il est essentiellement vocateur d'ides; c'est le meilleur compliment qu'on puisse en faire.

    Ajoutons qu'en le lisant on ne peut s'empcher de penser que la mdecine d'autrefois dites et purges , pas plus que le bon sens, ne perd jamais ses droits. Un peu de science loigne d'Hippocrate, beaucoup de science y ramne.

    Dr. L. Pascault

    Cannes. le 1" fvrier 1910.

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    AVANT-PROPOS

    II y a un an, j'ai communiqu aux Socits de Mdecine et de Thrapeutique, le rsultat de vingt annes d'observations et recherches cliniques sur l'importance capitale de la dsintoxication en hygine et en thrapeutique.

    Accueillie avec surprise d'abord, longuement discute ensuite, ma thse, grce au concours de mes minents argumentateurs, et par les faits qui, chaque jour, la corroborent, m'a sembl mrite." l'examen el le contrle du monde mdical.

    C'est pourquoi je l'ai expos en cette publication. Les discussions, qu'elle a dj souleve, lui ont donn un tel dveloppement, que j'ai cru indispensable de les reproduire ici. Quelques redites en sont rsultes, que le lecteur voudra bien excuser.

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    AUTOINTOXICATION

    ET

    DSINTOXICATION

    Naturam morborum Curationes ostcndunt.

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    Depuis une quinzaine d'annes je me suis occup diffrentes reprises de la question de l'amaigrissement scientifique. J'ai t amen ces recherches par les expriences de notre regrett ancien prsident Dujardin-Beaumetz, sur la variation du poids des malades, particulirement dans la fivre typhode. Avec son lve le Dr Stackler, il avait dmontr par les graphiques d'une bascule enregistreuse, sur laquelle posait le lit du malade, que la dothinentrie voluait d'autant plus favorablement et promptement vers la gurison que l'amaigrissement tait plus rgulirement rapide jusqu' la disparition de la fivre, c'est--dire jusqu' l'extinction de la maladie. Ces expriences, qui ont t, par la suite, comme un phare dans le cours de ma longue pratique mdicale, prouvaient de faon pour ainsi dire mathmatique que la maladie est surtout dtermine et entretenue par une quantit de produits de fermentation et par des dchets de tissus intoxiqus, que le corps doit liminer avant de pouvoir revenir la sant. De sorte que plus tt cette limination se produit et plus tt le malade est guri.

    Cette constante relation entre l'amaigrissement et le retour la sant dans les tats fbriles, m'a paru devoir galement exister pour les tats qui sans tre vraiment pathologiques ne sont pas absolument hygides. Convaincu de l'exactitude de cette induction, j'ai voulu me rendre compte des difficults et des avantages qu'il y aurait pratiquer une cure d'amaigrissement. A cet effet j'ai entrepris une srie d'expriences sur moi-mme.

    Contrairement ce qu'on pourrait supposer a priori, la cure de privation peut tre supporte, je ne dis pas agrablement, mais acceptablement pendant plusieurs jours sans de trop grands inconvnients. On souffre, il est vrai, de mal de tte, de dlabrement de l'estomac, de vertiges, de prostrations des forces. Toutes ces manifestations sont plus accentues le premier jour que les suivants. Mais ces

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    malaises assez pnibles, uniquement dus au simple jene, disparaissent presque totalement, si on a le soin de se purger abondamment tous les jours. Dans ce cas, surtout si la cure est faite pendant la saison chaude, elle est gnralement supporte avec la plus grande facilit et, il est noter que plus on la rpte et plus on l'endure facilement. Les rsultat, jamais mauvais, sont plus satisfaisants qu'on ne pourrait le supposer.

    Observation I. II y a une dizaine d'annes, un de mes clients qui tait atteint de diabte gras a 100 et quelques grammes de glucose, et qui j'appliquais sans succs le traitement de Bouchardat, me demanda s'il lui serait possible malgr son tat de sant de contracter une assurance sur la vie. Naturellement, je lui rpondis aussitt qu'il ne fallait pas seulement y penser. Puis, comme j'avais dj pratiqu nombre de fois l'auto- exprience du jene complt par la purgation, et que je commenais en connatre la porte, il me vint l'ide que rationnellement la cure, que je rptais prcisment en ce moment, pouvait tre utile et rapidement efficace contre le diabte. Je proposai donc mon malade de vouloir s'y soumettre. Quoiqu'un peu contre-cur, il accepta mon conseil et l'excuta consciencieusement. Mais quelle fut sa rcompense ! Ds le soir du deuxime jour, la liqueur de Fehling ne rduisait plus ses urines et, le troisime jour, il pouvait hardiment se prsenter au mdecin de l'assurance, qui ne put trouver d'empchement son admission.

    Ce succs vraiment exprimental m'a engag poursuivre avec plus d'ardeur ces recherches, au point de vue physiologique. Les rsultats, qui ont dpass de beaucoup mes plus favorables prvisions, font l'objet d'un travail que je dois publier prochainement. Mais, ds prsent, je tiens en extraire quelques observations ayant pour objet la cure du diabte et qui s'ajoutent la prcdente. Elles sont trs rcentes et suggestives. Je vous demande la permission de vous les rsumer sommairement.

    i AUTOINTOXICATION KT DSINTOXICATION

    Observation II. M. B-. 45. rue Montorgueil, quarante ans, tailleur; fut trait par moi il y a quatre ans pour diabte 100 grammes. Acharn au travail, il s'tait insuffisamment soign, et il lui tait rest de l'essoufflement, de l'affaissement des forces, de la bouffissure et une respiration rebelle et abondante (il tait oblig de changer de linge de corps trois ou quatre fois par nuit). Dernirement, une toux trs pnible lui fit craindre une complication tuberculeuse. L'examen de la poitrine rvla de la congestion broncho-pulmonaire

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    gnralise et l'analyse des urines indiqua une densit de 1.026 et 6 grammes de sucre pour deux litres d'urine. Comme il me paraissait remplir les conditions favorables pour la cure de privation, je lui prescrivis de prendre quotidiennement, pendant trois jours, une bouteille d'eau de Janos chauffe, de s'abstenir pendant ce temps de tout aliment, de boire volont des infusions de th, de queues de cerises, de menthe ou tout simplement de l'eau. Le rsultat fut si heureux que le malade, enchant, accepta de rpter la cure aprs trois jours d'une alimentation modre. A la suite de celle seconde cure, c'est--dire moins de dix jours aprs le commencement du traitement, dix jours passs, non au lit, mais au travail, on ne constatait plus rien d'anormal dans la poitrine, le malade ne toussait plus, ne transpirait plus, n'avait plus de sucre et il travaillait aussi bien que jadis. Je l'ai engag se soumettre de temps en temps cette cure de privation pour assurer 1' affermissement de sa sant.

    Observation III. La troisime observation, encore plus intressante que la prcdente, est celle de la comtesse T... J'ai dj eu l'occasion de soigner cette dame, il y a une dizaine d'annes, d'un diabte de 300 grammes. Malade suivant trs scrupuleusement les conseils du mdecin, elle avait accept la cure de Donkin par le rgime lact exclusif, longtemps poursuivi. Elle tait gurie, et reste des annes gurie. Depuis quelque temps, cause d'une hygine alimentaire un peu nglige, et par l'effet de peines et d'motions trs grandes, ses forces allaient en diminuant de plus en plus. Elle en tait arrive au point d'avoir toutes sortes de difficults pour se lever sur ses jambesde la position assise. On la voyait tout le temps se passer la langue sur les lvres sches et brillantes, tant elle suait, pour ainsi dire, le sucre, et, en effet, elle avait d'abondantes transpirations. Par ailleurs, sa vue, dj organiquement mauvaise, baissait trs rapidement de plus en plus; ce qui inquitait outre mesure, cette dame douce d'une culture intellectuelle rare. A cet tat tait venue s'ajouter une sciatique, qui lui rendait la vie insupportable depuis plusieurs semaines.

    Aprs examen des urines et constatation de 250 grammes de sucre, je conseillai ma malade le rgime lact qui lui avait si bien russi prcdemment. Mais il ne produisit qu'une lgre amlioration, sans modification de la nvralgie sciatique. C'est dans ces conditions que je la soumis la cure de rduction prcipite, malgr ses soixante-dix ans.

    Elle l'excuta ponctuellement. Ds la fin de la premire priode, qu'elle poussa quatre jours de jene, il n'y avait plus de sucre, la sciatique tait pour ainsi dire disparue, les lvres taient redevenues humides, et la gne des mouvements avait beaucoup diminu. Mais elle prouvait une sensation plus nette de faiblesse. Je lui permis de manger modrment une alimentation varie. Ds le lendemain, elle se sentit moins faible, mais trois jours aprs je retrouvais dans les urines, du sucre en assez grande abondance, dpassant mme 100 grammes. J'engageai vivement ma malade reprendre la cure. Comme prcdemment, il y eut un succs complet au bout de trois jours. La malade accepta ensuite de rester pendant quelques jours au lait la dose d'un litre, et de rpter une troisime fois la cure d'abstinence complte. Le sucre n'a pas reparu. La cure fut encore reprise et suivie d'une alimentation sobre mais

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    varie. Celte fois, la gurison s'affirma plus solide. Ce qu'il y a de remarquable, c'est que non seulement les mouvements devinrent plus souples, que les transpirations disparurent totalement, mais l'tat des yeux s'amliora beaucoup, ce qui permet aujourd'hui notre malade, si obissante et intressante, de reprendre avec joie ses distractions intellectuelles. Elle est bien dcide ne point ngliger dans l'avenir ce moyen qui a t si utile a sa sant.

    Observation IV. H. P... (de Saint-Mand), g de soixante-huit ans, vint chez moi, il y a un moins, dans un tat dplorable. Il avait eu toutes les peines arriver jusqu' mon cabinet. Il touffait, une toux trs intense, avec teint cyanos et bouffissure de la face, me faisaient craindre qu'il ft aux dernires priodes de la tuberculose, tant donn que sa femme tait morte un an auparavant prcisment de cette maladie et que lui-mme tait diabtique depuis quelque temps. A l'examen de sa poitrine on constatait une congestion gnralise de deux poumons avec toute sorte de rles ne pouvoir rien conclure. La langue ainsi que les lvres taient trs sches; et outre la toux, le pauvre malade se plaignait surtout des migraines intolrables qu'il prouvait, et qui, depuis une quinzaine de jours, l'empchaient de prendre le moindre repos rparateur, quoiqu'il ft continuellement somnolent. Enfin il tait en proie une soif intense que rien n'apaisait. Je l'engageai vivement rentrer aussitt chez, lui, et lui prescrivis les couseils suivants :

    1 Prendre quotidiennement, pendant trois jours, une bouteille d'eau de Janos chauffe ;

    2" S'abstenir totalement de tout aliment ; 3 Boire volont tisane de queues de cerises, de tilleul, infusion de th, eau d'vian ; 4^ Garder l'appartement ; S" Faire analyser les crachats et les urines.

    L'analyse des crachats faite par le laboratoire municipal nous a rassur au point de vue de la tuberculose : il n'y avait pas trace de bacilles de Koch. Par contre, l'analyse des urines indiquait l'existence d'un fort diabte, 78 grammes par litre. Notre malade mettait 4 litres d'urine dans les vingt-quatre heures, c'est--dire plus de 300 grammes de sucre par jour.

    Je l'ai revu quatre jours aprs (il habite la banlieue de Paris). Il ne toussait plus, il n'y avait plus de raies dans sa poitrine ; part un peu d'essoufflement la monte, la respiration tait calme, le pouls tout fait rgulier, l'aspect extrieur presque normal. Il ne restait d'inquitant que langue sche et rouge. L'analyse des urines rvlait 20 grammes de sucre par litre, qui, avec mission de 2 litres seulement, donnaient un total de 52 grammes par jour au lieu des 300 grammes de quatre jours avant. Cependant il accusait une grande faiblesse. Apres l'avoir rassur sur cette sensation assez normale, surtout aprs un premier jene, je lui ai permis de reprendre du lait, de l'eau et des tisanes. Mais le malade, ayant beaucoup soif, buvait journellement de 6 7 litres de lait pendant quatre jours, ce

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    qui naturellement a rtabli une forte proportion de glucosurie. J'ai d faire rpter plusieurs fois la cure totale de trois jours cl rduire de plus en plus l'alimentation.

    Aussi on a assist une vraie rsurrection. De livide et dmateux, le teint est redevenu rose, l'il vif et souriant au lieu d'angoiss et effar, la respiration s'accomplit normalement, sans aucune manifestation morbide l'auscultation. Les mouvements sont aiss et ne provoquent plus d'essoufflement.

    J'ai revu ce malade il y a deux jours. Comme je l'avais autoris s'alimenter de lgumes verts et de lait, il s'tait permis une ration trop abondante de lgumes, un litre de lait et deux ufs. C'tait excessif. Malgr cela, l'analyse des urines faite trois endroits diffrents (le patient est mfiant) ne dcelait qu'une dizaine de grammes de glucose, et l'tat gnral prsentait toutes les manifestations de la meilleure sant.

    ObsERVATion V. MME S... (au Perreux) est atteinte de diabte depuis de nombreuses annes avec ambliopie symp-tomatique trs prononce. Cette dame vint me voir le 23 novembre. L'analyse qu'elle avait fait excuter prcdemment indiquait 100 grammes de sucre pour 2 litres d'urine. Mais ce qu'elle prsentait d'excessivement inquitant, c'tait l'tat du pied gauche. Le mdius et l'annulaire avaient chacun leur extrmit une escarre carbonise de la dimension d'une pice de cinquante centimes. Toute la rgion mtatarso-phalangiennc avait une coloration livide et tait absolument insensible aux piqres mme profondes. C'tait de la gangrne diabtique. En prsence de cette situation si dangereuse, j'engageai cette dame appliquer sans retard et svrement la cure de dsintoxication de l'organisme qu'elle excuta ponctuellement. Quatre jours aprs, le mari tant venu m'ap-porter des nouvelles de la malade (elle habite la banlieue), m'a annonc qu'elle se trouvait beaucoup mieux ; et, fait plus tangible, l'examen pratiqu par moi-mme de l'urine, qu'il m'avait apporte, ne rvlait plus trace de sucre. Ce rsultat fut obtenu en moins de quatre jours. J'ai revu la malade huit jours aprs sa premire consul-talion. La cyanose de l'extrmit du pied avait t remplace par une coloration plus vive, mais l'insensibilit restait la mme. L'tat gnral tait trs bon. Je lui fis rpter la cure trois fois. Ds la deuxime fois, la sensibilit tait revenue presque totalement dans la rgion mtatarsienne et dans les doigts atteints par la gangrne. L'escarre des doigts qui s'est trs bieu limite et circonscrite au derme ne tardera pas tomber. La vision s'est considrablement amliore.

    J'ai revu la malade il y a deux jours. L'escarre du mdius est tombe, il ne reste que celle de l'annulaire. La sensibilit est revenue tout le pied, quoique encore uu peu faible dans la rgion du premier mtatarsien et du gros doigt. Mais la malade se sentant trop bien s'est dj permis des carts de rgime, un peu de sucre a reparu. Elle a promis d'tre plus svre l'avenir.

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    Je n'ai pas l'intention, aprs le grand nombre de thories qu'on a mises sur le diabte, de profiter de ces rsultats si heureux pour venir vous en proposer une mon tour. Toutefois, je vous demande la permission de me servir d'une comparaison pour mieux expliquer ma conception directrice dans cette cure qui me semble au moins rationnelle. Dans une grande industrie, lorsque l'approvisionnement du march et la surproduction occasionnent l'encombrement et la mvente des marchandises, une direction intelligente .suspend temporairement les achats de matire premire et les rgle ensuite sur l'coulement des produits fabriqus. Si on ne procdait pas ainsi la maison courrait invitablement sa ruine.

    Il me parat qu'il n'en est pas autrement dans l'industrie du sucre de l'organisme animal. Lorsque, du fait de l'introduction alimentaire excessive par quantit et par qualit, ou du ralentissement de la combustion cellulaire ou plus souvent de l'association de ces deux causes, il y a encombrement dans les tissus et mvente, c'est--dire surproduction de glucose, la maison humaine court sa perte plus ou moins rapidement, mais fatalement, si on ne se dcide pas en temps suspendre d'abord, et rgler ensuite les acquisitions gastro-intestinales. C'est ce que je me suis propos et ce qui m'a russi avec la cure de rapide amaigrissement.

    On m'objectera probablement que ma conception est par trop simpliste. Je n'ai pas de peine le reconnatre. Mais je pense que vous voudrez bien accepter qu'elle a son avantage les rsultats ; c'est ce qui est encore de la bonne mdecine, et peut-tre mme de la science la plus vraie.

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    Enfin, pour terminer, je crois utile d'ajouter qu'en tudiant les innombrables cures qu'on a proposes contre le diabte et qui paraissent si dissemblables, je suis arriv dgager le lien commun, reliant tous les traitements qui ont donn des rsultats satisfaisants. Que ce soit le rgime lact exclusif de Don-kin, ou le rgime de lgumes verts et de fruits de Renzi, ou le rgime carn et d'acide lactique de Can-tani, ou le rgime de viande, de graisse et de gluten de Bouchardat, ou le traitement par l'opium de Tom-masini et de Pavy, etc., tous ralisent l'effet commun d'amliorer la combustion organique en rduisant l'alimentation, soit cause du dgot progressif provoqu par l'uniformit de la nourriture, soit cause de l'action empchante des mdicaments sur l'activit musculaire et glandulaire du tube digestif. J'ajouterai, de plus, que toutes ces mthodes ne peuvent dvelopper leur efficacit relle et durable qu' la condition toujours d'tre appliques sans discontinuit et avec trs grande svrit : condition difficilement ralisable.

    Or, le traitement que je propose rsume et lve au maximum de puissance la qualit utile commune toutes les mthodes prcdentes. Il permet au malade de revenir au bout de quelque temps l'alimentation habituelle mais modre. Il va sans dire qu'il ne suffit pas d'avoir constat une fois la disparition totale du sucre des urines pour crier la gurison dfinitive du malade.

    Pour rendre plus saisissant mon raisonnement, je recourrai encore a la comparaison entre le diabtique et l'industriel dont la situation est compromise. Cette situation ne sera pas dfinitivement sauve, si par un effort d'conomie l'industriel a pu parvenir faire front compltement, par lui-mme, la premire chance. Il lui faudra renouveler ces efforts pnibles, mais ncessaires, jusqu' la liquidation totale des chances successives; il n'aura le droit de reprendre la vie aise que, lorsque

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    par ses conomies accumules, il aura refait un capital suffisant. Autrement, il resterait toujours la merci de la moindre fluctuation du march.

    De mme si un diabtique peine guri ne savait pas complter, par des efforts rpts de dsintoxication, son capital ncessaire d'nergie vitale, la moindre motion, un peu de fatigue, une alimentation insuffisamment restreinte, etc., ramneraient fatalement sa glycosurie.

    Soyons donc svres au dbut, insistons ensuite intervalles de plus en plus espacs sur cette gymnastique des fonctions digestives, et nous aurons presque toujours la satisfaction d'assister d'abord au relvement rgulirement progressif et rapide de l'tat gnral, et plus lard la disparition complte et durable de toutes les manifestations diabtiques.

    DISCUSSION

    M. LinOssir. A plusieurs reprises, depuis quelques annes, j'ai insist sur les heureux effets de la restriction de la ration alimentaire globale chez le plus grand nombre des diabtiques ', et lutt contre le prjug de l'utilit pour les malades de cette catgorie d'une alimentation abondante. Je suis donc

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    prpar accepter tout mode de traitement bas sur cette restriction. Toutefois. M. Guelpa me semble,

    (1 Voir notamment LiNossier. Quelques remarques sur le rgime des diabtiques, Journal des Praticiens, 1902. et Linos-SIER et Lesioink. La ration albuminode dans le rgime des diabtiques. Bull.de la Soc.de medic. des hpitaux, 1908. )

    en inaugurant sa thrapeutique par trois jours de jene absolu, aggravs de purgations nergiques, dpasser sans ncessit la mesure utile.

    Une simple rduction de l'alimentation aboutirait au mme rsultat, un peu plus lentement peut-tre, mais avec moins de dsagrment pour le malade. Or, il ne s'agit pas d'une affection dans laquelle il faille aller vite, et on peut, sans grand inconvnient, mettre quelques jours obtenir la disparition de la glycosurie.

    Dans les cas o celle-ci rsisterait une simple rduction des aliments, on peut a la rigueur recourir la pratique de Cantani qui interrompait de loin en loin, par un jour de jene, le rgime adipo-arn-qui a gard son nom ; mais ce jour de jene, dont le rsultat est en effet quelquefois dcisif pour faire disparatre un reliquat de glycosurie rsistant une dite uniforme svrement rgle, est lui-mme

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    rarement indispensable. La plupart des auteurs alle- mands le remplacent par un jour de dite vgta- rienne (Gemsetag), dont j'ai maintes reprises constat le bon effet.

    M. Bardet.J'appuie les observations de M. Linossier. Je crois que notre collgue Guelpa va trop loin en instituant comme rgle gnrale, chez tous les malades, une dite absolue de trois jours. J'ai la conviction que plus d'un sujet se trouvera fort mal de pareille pratique. On ne m'accusera certes pas de faire partie du nombre des mdecins qui poussent les malades manger, puisque plus d'un m'a accus de rationner les gens l'excs. Eh bien! devant les propositions de mon collgue Guelpa, j'arrive blmer l'excs de dite, et j'avoue que je ne m'attendais gure cela. Mais si je suis pour le rationnement, je n'en mconnais pas moins le danger de la vacuit de l'estomac chez un grand nombre de malades. La suppression absolue d'une fonction est toujours dangereuse.

    Comme M. Linossier, je conseillerais plus volontiers des sries de rationnement, quand c'est ncessaire. Il est vident que chez beaucoup de malades, sans viser particulirement les diabtiques, un jour par semaine, une semaine par mois, et un mois par semestre de rgime vgtal exerceront une influence bienfaisante; cela vaudra bien mieux que la privation brutale d'aliments pendant plusieurs jours, mesure qui est bien rarement indique.

    M. Barbier. II est difficile djuger un traitement du diabte, si on ne prcise pas quelles formes du diabte il doit tre appliqu. Le rgime du Dr Guelpa convient-il aux diabtes florides comme aux diabtes maigres, pancratiques ?

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    M. Laumonier. La question du jene n'est pas la seule considrer dans le rgime prconis. Les malades sont galement soumis trois jours de purgation, ce qui contribue, certes, encore les affaiblir, et je crains que chez des sujets ainsi dprims et surtout diabtiques, on puisse avoir des accidents graves.

    M. Gaultier. Je me demande si chez des sujets qui ont des phnomnes de polyphagie et de poly-dypsie si accentus, ce traitement est en ralit applicable. J'ai prsent l'esprit le cas d'un jeune diabtique que j'ai pu observer dans le service du professeur Dieulafoy, l'Htel-Dieu. C'tait un diabte pancratique ; le sujet mettait 10 litres d'urine et 800 grammes de sucre en vingt-quatre heures.

    Il me parait difficile de faire accepter des malades qui maigrissent si rapidement et qui ont des besoins alimentaires exagrs, un jene prolong et rpt.

    M. Guelpa. Je rpondrai M. Barbier en lui dclarant que, dans ma communication, j'ai entendu parler seulement du diabte arthritique, fonctionnel si vous voulez, et laisser compltement de ct le diabte pancratique et les diabtes par lsions organiques, tumeurs ou autres. Ce n'a t qu'un oubli, si je n'ai pas prcis ce ct de la question. Je complte la rplique aux objections de M. Barbier en lui disant que, pendant la cure, les malades peuvent normalement vaquer leurs affaires. Pour ce qui est de savoir si les diabtiques avec lsions tuberculeuses peuvent tre soumis la cure, je n'ai pas encore fait d'exprience ce sujet, mais je suis dispos croire qu'ils en tireront trs probablement un grand avantage.

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    Quant l'objection de M. Linossier, j'avoue que je l'attendais. En effet, elle vient naturellement ceux qui jugent le jene dans les conditions habituelles et d'aprs les ides fausses acceptes actuellement. Mais je rpte de nouveau que le jene seul est assez pnible, comme je l'ai dclar dans ma communication antrieure ; par contre il est trs facile supporter, si on a le soin de pratiquer tous les jours la desinfection intestinale au moyen d'une abondante purgation. La question de l'importance thrapeutique de la privation d'aliments est absolument inconnue et n'a prt jusqu'ici qu' des erreurs, qu' des prjugs. Le jene pendant trois jours et mme plus, loin d'tre un procd brutal, affaiblissant le malade, est au contraire un moyen plus facile supporter qu'on ne peut le supposer, assurant au malade une nergie plus grande, qui se manifeste des les premiers jours qui suivent la cure. De plus il a le grand avantage d'teindre la faim et de modrer la soif. Cette assertion, qui parait paradoxale, est une simple vrit de faits trs comprhensible si on pense la grande dsintoxication produite par le jene et par la purgation. C'est l une ralit que quiconque peut facilement vrifier. Vous verrez que pendant l'abstinence et surtout aprs, vous serez plus agiles, plus aptes au travail et votre pense sera incomparablement plus libre.

    Ce rsultat est admirable, et il est tonnant qu'on ne s'en soit pas rendu compte plus tt : l'amlioration dpasse tout ce qu'on peut supposer, surtout lorsqu'on a rpt l'exprience deux ou trois fois de courts intervalles. J'ai une certaine pratique ce sujet, ayant fait de l'abstinence prolonge avec purgation une cinquantaine de fois, et l'ayant fait pratiquer presque autant de fois par mes malades. Eh bien! il n'en est jamais rsult le moindre inconvnient. Toujours la sant a t bien meilleure aprs qu'avant la cure. Depuis que je recoure de temps en temps ce moyen, j'ai reconquis une activit et une nergie que je n'avais plus depuis bien longtemps. Je travaille jusqu' des heures

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    trs avances de la nuit, je dors moiti moins, et je jouis d'une sant aussi belle qu'aux meilleures annes de ma vie..

    Pour vous prouver combien on supporte facilement ceTte cure, surtout si elle est faite dans la saison chaude, je vous rsumerai une observation person- nelle. L'anne dernire, ayant fait un voyage au Maroc j'ai voulu revenir de Tanger Paris dans l'tat de jene complet. Dans ce but, j'ai fait mon dernier repas le jeudi soir 27 juin 1907, et je n'ai remang ' que le mardi 2 juillet a midi (112 heures). Dans cet intervalle, j'ai pris deux purgations (limonade purgative), une Tanger dans la nuit de jeudi vendredi (le dpart eut lieu le vendredi midi) et l'autre le samedi soir Madrid. J'ai bu en tout quatre tasses de th, quatre citronnades, deux cafs et une bouteille d'eau. Il est considrer que j'ai travers en cette saison estivale toutes ces contres torrides et dboises de l'Espagne, du sud au nord. Je n'ai prouv qu'une sensation minime de soif, et pas la moindre indisposition de chaleur, de sueur, de faim. Je suis arriv Paris si bien portant, qu'aprs avoir pris un bain, j'ai pu repartir trs aisment pour vaquer jusqu' midi aux soins de ma clientle, sans m'tre accord la moindre satisfaction alimentaire.

    J'ajouterai encore en rponse M. Linossier, que, puisque, part un lger malaise, non constant, il n'y a pas d'inconvnient pratiquer la cure de privation prolonge et rpte, je ne vois pas pourquoi nous devons laisser durer indfiniment une maladie qui mine l'organisme, quand il est en notre pouvoir de la faire disparatre trs rapidement.

    Ce que je viens de dire rpond aussi aux objections de MM. Bardet et Gaultier et celle de M. Laumouier concernant la boulimie dont on doit souffrir dans un jene si prolong. C'est en effet une

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    erreur trs grande de croire qu'on a faim pendant le jene, quand on a le soin de se purger abondamment tous les jours. Je vous donnerai un autre jour l'explication 1res rationnelle^ de cette apparente contradiction. Je tiens cependant dire quelques mots pour tranquilliser notre cher Secrtaire gnral sur le dangerqu'il craint de la vacuit de l'estomac. Non, ce n'est qu'une lgende que nous, mdecins, devons enfin dtruire. Un danger existe, oui, mais seulement lorque nous laissons se perptuer les infections du tube digestif faute des purgations ncessaires. J'ai maintenant assez d'exprience physiologiquement et pathologi-quement pour affirmer rsolument cette vrit, moins qu'on ne prolonge trop la privation d'aliments. Je complterai cette rponse en disant, qu'aprs le jene on peut revenir l'alimentation ordinaire sans aucune prcaution spciale, la condition cependant qu'on ne se permette pas des abus.

    M. Barbier. Je dsirerais poser trois questions M. Linossier :

    1 Le rgime de rduction est-il applicable tous les diabtiques?

    2 Ce rgime est-il compatible avec l'exercice, ou impose-t-il le repos ?

    3 Est-il applicable aux diabtiques tuberculeux, dont la tuberculose volue parfois avec une rapidit et une gravit extrmes?

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    Utilit de la restriction alimentaire globale chez les diabtiques.

    Par le D' Linossikhi de Vichy).

    Avant de rpondre aux questions que m'a poses, la fin de la prcdente sance, M. Barbier, je demande la Socit la permission de lui prsenter quelques rflexions sur l'utilit trs frquente de la restriction de l'alimentation globale chez les diabtiques, utilit que j'ai t amen affirmer un peu brivement la suite de la communication de M. Guelpa.

    Ce n'est pas une notion nouvelle, puisque Rollo, qui revient l'honneur d'avoir le premier reconnu la ncessit de la restriction de l'alimentation hydrocarbone, conseille de limiter l'alimentation dans son ensemble.

    Prout y insiste davantage ; pour lui, la nature des aliments est moins importante que leur quantit . Bouchardat n'est pas moins formel. H cite l'appui de son opinion le fait assez curieux que la glucosurie de ses diabtiques disparut pendant le sige de Paris. Marsh, Trousseau, von Mehring, Minkowski, von Noorden, Naunyn, Kolisch, Ebstein, Seegen, Cantani, Lpine, Maurel Mathieu parlent dans le mme sens. La majorit des auteurs qui se sont particulirement intresss la question du diabte (j'en dois excepter quelques-uns tels que Lecorch, Pavy, Dickinson, Robin, Labbc) a donc

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    t frappe de l'utilit de la restriction de la ration globale des diabtiques, ou du moins de la restriction simultane de la ration hydrocarbone et de la ration albuminode, ce qui revient au mme, une alimentation exagrment grasse amenant vite la satit.

    11 est curieux que l'autorit des auteurs que je viens de citer ne soit pas parvenue imposer au public mdical dans son ensemble une notion, qui nie semble ressortir avec vidence d'une observation attentive des sujets atteints de diabte. C'est que, comme je l'ai fait remarquer dj dans plusieurs publications1, cette notion heurtait plusieurs prjugs.

    Le premier est celui-ci, que les besoins alimentaires du diabtique sont suprieurs ceux de l'homme sain. Il est assez ais de remonter ses origines.

    a. Ds les premires tudes sur le diabte, l'im possibilit de raliser, mme avec des rations ex cessives, l'quilibre nutritif chez les diabtiques maigres, la polyphagie frquente chez les diab tiques gras devait donner, par une gnralisation irrflchie d'observations justes, l'impression que l'organisme du diabtique est insatiable.

    b. Dans la seconde partie du sicle dernier, se dveloppaient les tudes relatives la ration d'en tretien. Le diabtique perdant une certaine quantit de sucre par l'urine, on admit que sa ration devait

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    tre leve d'une quantit correspondante d'aliments albuminodes ou gras pour remplacer le sucre perdu. On oubliait de se demander si ce sucre ne se perdait pas prcisment parce qu'il est inutile : le dogme dsastreux de l'invariabilit de la ration ali-

    1 Linossier. Quelques remarques sur le rgime des diabtiques, Journal des Praticiens, 1902. Linossier et Lemoixe. La ration albuininode dans le rgime des diabtiques. Huit, de la Soc.de mcd. des Ilp., 1908.

    mentaire' ne permettant pas de s'arrtera cette hypothse.

    c. Le diabtique a souvent trs gros apptit, et nous nous trouvons en face d'un nouveau dogme, plus funeste encore, c'est que l'apptit donne la mesure des besoins de l'organisme.

    d. Enfin le diabtique est sans forces, et l'alimen tation n'est-elle pas la source naturelle de l'nergie?

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    Dans la ralit, le plus grand nombre des diabtiques a des besoins infrieurs ceux des sujets sains.

    11 ne faut pas s'arrter, pour s'en rendre compte, l'observation superficielle des diabtiques florides polyphagiques. Encore pourrait-elle dj provoquer cette remarque que le diabtique, encore capable d'laborer une ration strictement suffisante, est incapable de brler, ventuellement, une quantit excessivs d'aliments. C'est tin premier degr dans l'chelle pathologique. L'impossibilit de l'effort apparat avant l'impossibilit du travail normal.

    O l'abaissement des besoins des diabtiques apparat nettement, c'est chez les diabtiques anorexiques, ou chez ceux, infiniment nombreux, qui, avec une alimentation ne dpassant pas la ration d'entretien normale, perdent avec l'urine 100 200 grammes de sucre, tout en maintenant leur poids habituel.

    < Lnossier. De la variabilit de la ration d'entretien. Bull, de la soc. de Thiap., dcembre 1U02.

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    Rcemment, je publiais, avec G.-H. Lemoine, I'ob3ervation d'un diabtique qui vivait en tat d'quilibre azot, et en conservait son poids, avec une ration moindre de 1.500 calories, soit 20,o par kilogramme. Et encore, sur ce nombre, 350 calories provenaient de l'alcool.

    Je ne considre pas ce cas comme exceptionnel. Weintrand et Pautz1 ont tudi un diabtique qui, avec une ration de 25 calories par jour et par kilogramme, engraissa en peu de temps de 6 kgr. o.

    Kolisch K qui a prconise le rgime vgtarien dans le diabte, et a consacr sa thse une srie d'intressants travaux, a entretenu des diabtiques en bon tat de nutrition et quilibre de poids, et mme parfois avec un certain degr d'engraissement, avec une ration de 20 calories et mme moins par kilogramme et par jour.

    Borchertet Finkelstein3 ont tent d'imposer des diabtiques et des sujets sains un rgime identique restreint. Les diabtiques seuls conservrent leur quilibre. Les exemples analogues abondent dans la littrature.

    Les chiffres les plus exceptionnels, ma connaissance, ont t fournis il y a quelques annes par de Renzi*. Cet auteur a publi les observations de dia-

    1 Weintbani. et Pautz. Zeitschr. f. liiolor/ie. lid XXXU. * Koi.iscii. Zeilschr. f.physik. u. dit. Tlierap., 1008. 3 Borciieiit et Finkelstein. Oeutscli, mil. Woclienschr., 1S93. ' De Rknii. Klin. Therap. Woclienschr., 1902.

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    btiques sans glycosurie, dont la ration put tre abaisse au-dessous de 12 calories par kilogramme, et de diabtiques avec glycosurie, dont la ration (compte tant tenu du sucre rejet par l'urine) tait infrieure 10 calories. Malgr ces rgimes de famine les malades engraissaient. Il y a bien des rserves faire sur les recherches de Kenzi. Elles ne furent pour chaque sujet que d'une dure un peu restreinte, et de simples rtentions aqueuses semblent avoir donn l'illusion d'augmentations de poids relles. Il n'en rsulte pas moins une impression 1res nette que les diabtiques en question pouvaient se contenter d'une alimentation qui, pour un sujet normal, eussent t tout fait insuffisantes.

    Je sais bien qu'on peut opposera l'affirmation que les diabtiques ont des besoins alimentaires restreints le fait que leurs changes gazeux restent normaux, et qu'ils liminent autant d'acide carbonique que des sujets sains. Il y a l une contradiction qui ne me parat pas convaincante. Les tudes sur les gaz expirs chez les diabtiques n'ont en gnral pas tenu un compte suffisant de la quantit des aliments ingrs par les sujets; mais cette critique nous entranerait trop loin.

    Moins convaincante encore est l'objection tire de la prtendue hyperazoturie des diabtiques. Lecor-chla croyait si constante que sa constatation lui paraissait suffisante distinguer un diabte vrai d'une simple glycosurie alimentaire. Depuis que l'on fait mieux les tudes de nutrition, que l'on ne se contente plus de doser les dchets de l'organisme, mais qu'on se proccupe de les comparer aux recettes, on se convainc, n'en pouvoir douter, que la prtendue azolurie des diabtiques est la simple consquence d'une alimentation azote l'excs chez des sujets fort apptit, privs par

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    ordonnance mdicale de tous fculents. Non seulement les diabtiques en gnral n'ont pas besoin d'une ration azote excessive, mais beaucoup peuvent se contenter d'une ration infrieure la normale. Von NoordcQ a maintenu pendant des semaines des diabtiques un rgime de 50 60 grammes d'albumine vgtale par jour, et a obtenu, sous l'influence de ce rgime, avec une amlioration de la glycosurie, une augmentation du poids du corps et de la quantit d'albumine des tissus '.

    On peut objecter encore que les diabtiques poly-phagiques dont on tente de rduire la ration globale maigrissent peu prs constamment. Le fait est exact, je l'ai frquemment constat moi-mme ; mais cet amaigrissement est momentan, et ne dure que pendant les quelques semaines indispensables, pour que l'organisme, habitu un gaspillage d'aliments, s'accoutume sa nouvelle ration.

    1 Je fais remarquer qu'il s'agit d'albumine vgtale moins bien utilise que l'albumine animale, et que i>0 i 60 grammes de la premire correspondent tout au plus 4a-o5 grammes de la seconde.

    Cette remarque me conduit discuter un second prjug, c'est qti'un diabtique ne doit pas maigrir.

    Ici encore l'origine est facile tablir. Les premiers observateurs remarqurent vile qu'il existe deux formes de diabte, l'une avec conservation, et parfois augmentation de l'embonpoint, diabte gras, particulirement bnigne, l'autre avec amaigrissement, diabte maigre, rapidement mortelle. De cette

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    remarque rsulte l'impression assez juste que l'amaigrissement est chez un diabtique un signe de pronostic fcheux. Mais il n'est pas besoin d'insister beaucoup pour tablir qu'eu rduisant l'alimenta-lion d'un diabtique on ne transforme pas un diabte gras en diabte maigre.

    Bien au contraire, l'obsit chez le diabtique gras est une manifestation du mme trouble nutritif que la glycosurie. Sous la mme influence tiologique, le sujet a accumul une partie de ses aliments hydrocarbons sous forme de graisse dans ses tissus, et en a laiss perdre une partie sous forme de sucre avec son urine; suivant qu'il a volu vers l'obsit ou vers le diabte, il s'est dbarrass d'une manire ou de l'autre de son excs de recettes, et, quand nous chercherons le gurir, nous devrons nous attaquer la fois la polysarcie et a la glycosurie.

    Gomme conclusion, un diabtique arthritique peut maigrir sans plus d'inconvnient qu'un homme sain. Le rgime d'un diubtique gras doit le faire maigrir.

    De toutes ces considrations, rsulte pour moi la conception bien nette que l'article premier du rgime de la plupart des diabtiques doit tre la restriction de la ration globale, l'article second tant la restriction de la ration bydrocarbone. Je dois ici placer la rponse la premire des questions que me pose M. Barbier. Cette restriction doit-elle tre prescrite galemenl dans les cas de diabcle grave et dans les cas de diabte bnin?

    Contrairement ce que Ton pourrait penser a priori, c'est dans les cas de diable grave que la restriction de la ration globale se montre le plus immdiatement favorable.

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    C'est chez les sujets prsentant celte forme de diable, que l'on constate facilement une augmentation de la glycosurie la suite de l'ingestion d'un excs d'albumine, c'est parmi eux surtout que l'on rencontre ces cas curieux de glycosurie plus variable sous l'influence de l'alimentation albuminode, que sous l'influence de l'alimentation hydrocarbone.

    Chez les diabtiques lgers, appartenant au groupe des diabtiques gras ou arthritiques, il suffit, au contraire, de restreindre l'ingestion des hydrates de carbone pour faire disparatre la glycosurie, et l'alimentation albuminode mme excessive semble premire vue n'avoir aucune influence pour la faire rapparatre. C'est ce qu'objecta M. Marcel Labb, quand, avec G.-II. Lemoine, je dveloppai devant la Socit mdicale des hpitaux la ncessit de rduire la ration albuminode chez les diabtiques Cette objection me parat peu lgitime. Je lui opposai quelques exemples de diabtiques lgers chez lesquels l'influence de la ration albuminode se manifestait nettement ; je fais remarquer en outre que, dans presque toutes les maladies, c'est de l'tude des cas accentus que nous tirons la notion des prcautions d'hygine applicables aux cas bnins. Combien d'albuminuries ne sont modifiables immdiatement ni par l'alcool, ni par les substances riches en toxines, qui nous en prescrivons l'abstention, prcisment parce que nous en avons vu les inconvnients dans des cas plus favorables l'observation.

    Je rpondrai donc M. Barbier, que la restriction de la quantit des aliments donne dans les diabtes graves des rsultats plus immdiatement apprciables, elle permet une suppression moins stricte des hydrates de carbone, et est ainsi un des moyens les plus efficaces de lutter contre l'actonmie, souvent menaante, mais elle doit tre conseille mme aux diabtiques chez qui l'abstention des hydrocarbons suffit faire disparatre la glycosurie. Je ne suis mme pas sr qu'elle ne serait pas

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    recoinmandable dans les diabtes trs graves avec dnutrition trs rapide ; mais, dans ces cas, il est difficile de rsister la tentation de soutenir de toutes manires un organisme dfaillant, quelque inutile que soit l'ingestion d'aliments qui s'liminent entirement l'tat de sucre urinaire.

    Il s'agit d'ailleurs de s'entendre sur la signification que j'attribue au mot de restriction de l'alimentation.

    Je ne veux pas dire que l'alimentation du diabtique doit tre insuffisante. Je veux dire que chaque sujet doit tre tudi au point de vue de ses besoins alimentaires, et que doit lui tre prescrite la ration . minimum capable de le maintenir en quilibre. Il n'y a donc pas restriction dans le sens absolu du mot, mais il y a restriction relative ; car, sur dix diabtiques, que l'on tudiera dans le sens que j'indique, on en trouvera certainement huit qui s'alimentent au del de leurs besoins stricts.

    Du moment que la restriction est comprise comme un retour l'alimentation suffisante, on conoit, et je rpends ici la seconde question de M. Barbier, qu'elle n'entrane en gnral aucune ncessit de repos, et est compatible avec un exercice normal. Dans les cas de diabte grave seulement, elle peut imposer le sjour au lit.

    Il me semble que la rduction rgulire de l'alimentation son minimum indispensable constitue pour le diabtique une formule de. traitement dittique suprieure la privation brusque et complte de tous les aliments pendant trois jours intervalles plusou moins loigns, selon la formule de M. Guelpa.

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    Toutefois, je ne puis nier qu'un abaissement momentan de la ration au-dessous du strict ncessaire, et mme sa suppression complte ne puissent tre utiles pour triompher d'une glycosurie que le dosage de l'alimentation n'a pas suffi faire disparatre. J'ai pu constater ce point de vue le bon effet du jour de jene de Cantani, et celui moins radical, mais achet au prix d'une moindre privation, du Gemsetag. Mais ces procds me semblent devoir rester exceptionnels.

    Il ne me reste rpondre M. Barbier que sur un dernier point. Doit-on imposer un rgime rduit aux diabtiques tuberculeux? Il y a quelques annes une telle question ne se ft mme pas pose. La suralimentation semblait, dans le traitement de la tuberculose, un facteur si indispensable, qu'il s'est momentanment substitu tous les autres. On en est revenu, et on admet en gnral que, s'il est utile de bien nourrir les tuberculeux, il peut tre nuisible de les gaver. Gela est vrai surtout pour la tuberculose greffe sur souche arthritique, et j'ai rapport ici mme l'observation d'une jeune hpatique tuberculeuse, que j'ai gurie en substituant au rgime carn et surabondant, qu'elle subissait depuis plusieurs mois, un rgime d'arthritique moins abondant et moins albumineux. Sans apporter la mme rigueur la rduction de l'alimentation chez le diabtique devenu tuberculeux que chez un diabtique ordinaire, on pourra, sans imprudence, la tenter, car le meilleur service que l'on pourra rendre au malade, c'est de modifier son diabte, et de rendre ainsi le terrain moins favorable au dveloppement du bacille de Koch.

    Qu'il me soit permis ce sujet de faire remarquer que l'on se fait une ide trop simple de l'volution de la tuberculose chez le diabtique, en n'envisageant que les cas o celle-ci a constitu, par son volution rapide, l'accident terminal de la maladie. Chez certains diabtiques on constate des tuberculoses voluant avec la lenteur et l'innocuit relatives qu'elles affectent chez beaucoup

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    d'arthritiques non diabtiques, et, tandis que, dans le premier cas, celui qu'a envisag il. Barbier, le malade est plus tuberculeux que diabtique, dans le second, il reste plus diabtique que tuberculeux.

    M. Ciiassevant. Dans les discussions toujours renaissantes sur la cure du diabte, malgr les progrs de nos connaissances sur la physiologie de la nutrition et sur la pathognie des glycosuries, on confond encore trop souvent sous le vocable diabte le symptme glucosurie et le syndrome diabte.

    Il est cependant indispensable de faire une distinction entre les formes cliniques des glycosuries, car le pronostic et le traitement ne doit pas tre le mme.

    Faire de la prsence du glucose dans les urines l'unique base de son diagnostic, faire de sa diminution ou de sa disparition l'unique critrium de l'amlioration ou de la gurison, est une grave erreur.

    Avant d'tablir toute thrapeutique, il importe de faire un diagnostic exact de la cause de la glycosurie ; ce n'est pas par. un simple examen qualitatif des urines au lit du malade ou dans le cabinet mdical, que ce diagnostic peut s'tablir, pas mme par le seul dosage du glucose excrt.

    H importe de pratiquer un examen complet du bilan nutritif du malade.

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    La ralit de l'limination du glucose tablie, il faut tablir le moment o cette limination est maximum par l'examen des urines fractionnes, de chaque mission, au cours de vingt-quatre heures, et de situer ces maximums par rapport aux repas.

    On doit en outre dterminer avec exactitude qualitativement et quantilativement les autres lments rducteurs des urines : pentoses, acide [J-oxybutyrique, acide diactique, actone, acide homogenti-sique, etc.

    Il est aussi important de demander l'analyse chimique des renseignements prcis sur la nature et la qualit de l'excrtion azote et surtout sur la dsassimilation des principaux lments minraux : phosphore, chaux, magnsie, soufre, qu'il importe de caractriser et de doser non seulement dans les urines mais aussi daii3 les fces.

    C'est seulement aprs avoir, grce ces renseignements, pu classer la glucosurie observe, dans son cadre nosographique, que l'on peut tenter d'en combattre les effets parle traitement et le rgime.

    On ne risquera plus de renouveler les confusions entre les diabtes et les glycosuries alimentaires, dyspeptiques, arthritiques ou par intoxication.

    Je suis d'accord avec Linossier sur la ncessit de rduire la ration alimentaire du glycosurique, qui en gnral est beaucoup trop forte, mme lorsque le mdecin a dj rgl qualitativement son alimentation suivant un des rgimes classiques en vigueur, en raison de l'adage erron qui veut : qu'un diabtique ne doit pas maigrir.

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    Les glycosuriques arthritiques sont de gros mangeurs, des obses, dont le poids est trs suprieur celui qu'ils devraient normalement avoir; il faut donc les rationner de faon progressivement les ramener leur poids normal.

    Le rgime alimentaire doit tre calcul qualitativement et quantitativement suivant les rgles observes par les physiologistes, lorsqu'ils cherchent quilibrer les pertes azotes.

    Il ne faut pas exagrer la ration albuminode, car tout excs provoque souvent les crises graves et le coma. La ration doit tre calcule de faon ce que les albuminodes ingrs servent seulement la rfection de tissus et qu'aucune portion d'albumine circulante ne soit ddouble pour servir aux besoins dynamiques ou calorifiques. Il semble en effet que c'est au cours du cycle de la destruction des albuminodes destins rpondre aux besoins calorifiques ou nergtiques, supplant au dfaut des aliments ternaires, que se forment les produits toxiques qui mnent au coma final.

    Cette condition ne peut tre ralise que si dans la ration le mdecin s'efforce de maintenir le taux des albuminodes au niveau du minimum d'quilibre azot, qu'il dtermine en rduisant progressivement les quantits d'albumine de la ration et en surveillant la courbe de l'limination azote totale. Pour obtenir ce minimum, il est ncessaire de complter la ration par des aliments ternaires utilisables en proportion sufDsante pour apporter l'organisme le nombre des calories ncessaires. Il faut offrir au glycosurique le maximum d'hydrocarbons qu'il peut utiliser, valeur que l'on dtermine exprimentalement ; on doit complter le nombre des calories ncessaires avec les aliments gras.

    Mais en aucun cas il ne faut mettre le malade un rgime carn exclusif.

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    C'est pourquoi, d'accord avec Linossier sur la ncessit de la restriction alimentaire, je ne puis souscrire la mthode de M. Guelpa, qui, par ses jenes prolongs, met les malades en autophagie. Cette autophagie qui, chez les glucosuriques obses, peut n'avoir pas d'inconvnient immdiat, prsenterait au contraire les plus graves inconvnients chez les diabtiques vrais. Je remarque, du reste, que, d'aprs la lecture des observations des malades de M. Guelpa, il semble avoir eu affaire plutt des glycosuriques alimentaires, dyspeptiques et arthritiques qu' de vrais diabtiques.

    J'insiste sur la ncessit de surveiller le mtabolisme des lments minraux, qu'il importe de remplacer dans l'alimentation par des apports de ces lments sous forme assimilable, en quantit quivalente aux pertes.

    En rsum, le rgime des glycosuriques doit viser a rduire l'alimentation suivant le besoin rel du l'organisme ; i tablir l'quilibre azot minimum ; fournir l'organisme les calories ncessaires ses besoins calorifique et nergtique avec des aliments ternaires, comprenant le maximum des hydrocarbons assimilables par l'organisme malade en compltant la ration avec des grnisses; couvrir les perles minrales par l'apport de sels minraux assimilables. La pomme de terre est un des aliments ternaires le mieux support ; il est prcieux utiliser, car, comme l'a dmontr Rubner, c'est un aliment qui pargne l'albumine.

    En effet, un homme de 70 kilogrammes aliment de pommes de terre avec la ration normale de 2.600 calories ne dtruit que 27 grammes d'albumine, tandis qu'avec une quivalente ration de farine de bl, la destruction d'albumine s'lve 90 grammes.

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    Je n'insiste pas aujourd'hui sur les moyens d'tablir et de surveiller le rgime des glycosuriques ;j'apporterai dans une prochaine sance la mthode que j'emploie et les rsultats obtenus, ces travaux tant encore en cours.

    M. Guelpa. Dans la discussion de l'avant-dernire sance, j'ai dit que c'est une trs grande erreur de croire qu'on a faim pendant le jene, si on a le soin de se purger copieusement tous les jours. Cela rsulte nettement de la constatation que la faim disparait rgulirement aprs la premire purgation et plus encore aprs les suivantes.

    Ce fait, en contradiction avec nos connaissances scientifiques actuelles, parait trange. En effet, la physiologie nous a toujours enseign que la faim est l'ensemble des sensations qui avertissent l'homme et les animaux de la ncessit de rparer les perles de l'organisme et les poussent introduire dans le tube digestif les matriaux ncessaires cette rparation. Si cette dfinition tait exacte, la faim devrait augmenter aprs une purgation qui fait vacuer tout le contenu gastro-intestinal. Or, c'est prcisment le contraire qui se ralise. Il suffit de contrler le fait, ce qui n'est pas difficile, pour constater l'exactitude de ce que j'avance. Il me parait logique de dduire de cette constatatipn que les phnomnes qui constituent la faim, disparaissant aprs la purgation complte, sont incontestablement dtermins par les principes que la purgation a fait liminer. Donc, la faim n'est pas l'expression du besoin de rparer les perles de l'organisme, mais le cri de cet organisme gn par l'infection et l'intoxication qui sigent dans le systme digestif.

    Vous pourrez aisment m'objecterque celte interprtation de la faim est errone, comme le prouve le fait banal qu'elle disparait prcisment aprs l'ingestion des aliments. C'est absolument vrai ; mais

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    cela corrobore ma thse. Voil ce qui se passe trs probablement. Au moment de la faim, le systme digestif est diffremment impressionn par une quantit de dchois plus ou moins toxiques, mais en quanlil modre compatible uvcc le fonctionnement physiologique de l'organisme. La premire fonction de l'aliment arriv dans le tube digestif est certes d'absorber, de neutraliser les produits toxiques et de prparer ainsi la masse pour les vacuations prochaines. Jusqu' ce point, l'aliment agit dans le mme sens que la purge, mais de manire douce, agrable ; il dsintoxique suffisamment lacanalisation gastro-intestinale pour permettre la scrtion des sucs digestifs de raliser utilement la deuxime partie du rle des aliments, fournir aux tissus les lments rparateurs des cellules en destruction. Donc, l'aliment a deux fonctions remplir successivement bien dfinies. La premire, la plus pressante, qui est d'absorber l'excdent de poison du tube digestif et l'entraner en dehors : c'est elle qui assouvit ia faim ; l'autre, moins urgente, que, jusqu'aujourd'hui, on croyait unique, fournit les lments rparateurs.Cette conception nouvelle de la double fonction de l'aliment nous permet de comprendre combien est rellement rsistante la vitalit de l'organisme au point de vue de la simple usure de ses lments indispensables l'existence, tandis que celte mme rsistance se trouve trs rapidement et fatalement influence par les intoxications. D'o l'importance capitale de la dsintoxication prcoce et frquente, comparativement au besoin rel mais non immdiat de pourvoir au remplacement des lments en dchance.

    Il y a donc quivalence, au moins temporaire, entre l'action de la purge et l'action de l'aliment. L'une et l'autre jouent avant tout un rle de dfense de l'organisme; l'une et l'autreremdient, dans certaines limites, aux manifestations immdiates du commencement de l'intoxication; et, paradoxe apparent, l'une et l'autre en certaines circonstances peuvent se remplacer. Par exemple, lorsque la privation d'aliments dispose la maladie par stagnation et fermentation pathogne du contenu intestinal, non

  • 40

    vacu, la purgation se trouve tout indique pour parer aux dangers qui en rsulteraient. De mme, en certains cas, non frquents, il est vrai, lorsqu'on prouve des malaises par embarras intestinal, malaises qu'une vacuation ferait facilement disparatre, si on ne peut pas se purger au lieu de laisser f corpore ses fermentations intestinales augmenter leur toxicit, il est prfrable de faire un bon repas compos surtout d'aliments vgtaux bien cuits. Il engloberont, neutraliseront les intoxications et disposeront une plus prompte vacuation. Vous avez souvent la preuve de cette action de l'aliment dans la disparition rapide des phnomnes d'embarras gastrique aprs un bon repas, surtout quand il est suivi d'une prompte vacuation alvine.

    Cette affirmation provoquera de la surprise probablement et sera vivement conteste. Mais observez bien les faits et vous ne serez pas loigns de constater l'absolue exactitude de ce que j'affirme; vous vous convaincrez aussi de la double fonction de l'aliment et vous comprendrez les inconvnients incontestables que prsente une alimentation restreinte trop longtemps poursuivie sans dsinfection et sans repos de l'intestin.

    M'tant expliqu sur cette conception de la faim, j'arrive maintenant aux objections qui m'ont t faites la sance dernire par MM. Linossier et Chassevant. Je commence d'abord par constater notre accord sur les besoins alimentaires des diabtiques. C'est en effet un pernicieux prjug, de croire que les besoins alimentaires des diabtiques sont suprieurs ceux de l'homme sain. Ma communication est la condamnation justifie de cette ide. Mais o je ne suis plus d'accord avec M. Linossier, c'est lorsqu'il affirme que la rduction rgulire de l'alimentation est un traitement suprieur la privation brusque et complte, intervalles plus ou moins loignes, des aliments pendant trois jours, selon ma formule. Ma mthode ne prsente absolument aucun inconvnient: elle n'a jamais

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    occasionn d'accidents, quels qu'ils soient, elle est trs supportable avec un peu de bonne volont. L'immense avantage, qu'elle ne partage pas avec les autres cures, c'est que d'abord elle enraye immdiatement l'volution du processus morbide, puis l'teint en trs peu de temps. Avec quelle autre mlliode pouvez-vous en dire aulaut? Pourquoi donc ce moyen de combattre la maladie resterait-il exceptionnel? Franchement, je ne comprends plus. Il me parait que, qui potest majus, polesl minus.

    D'autre part, j'ai t trs heureux de voir que M. Linossier, avec son exprience consomme, est d'avis que, mme pour le diabtique tuberculeux, l'alimentation doit tre rduite. De l au procd du jene scientifique par intervalle, il n'y a plus qu'une question de degrs. Je ne crains pas de prdire M. Linossier qu'avec la simple rduction sans dsintoxication de l'intestin, il aura de frquents insuccs, qu'on attribuera toujours et uniquement son insuffisance de nutrition. Par la dsinfection bien faite et rpte de temps en temps, il mettra l'organisme en condition de lutter moins difficilement, et les rsultats seront certainement plus favorables.

    M. Chassevant nous a expos avec la plus grande rudition ses ides thoriques au sujet de la physiologie et la pathognie du diabte. Mais j'ai le regret de lui faire observer que toutes les conditions, qu'il juge comme indispensables avant de procder au traitement du diabte, sont rarement ralisables. Je pose, franchement, la question vous tous, mes chers collgues. Combien de vous ont t mme de raliserlesconditions de M. Chassevant, combien de vous auraient mme la possibilit scientifique et matrielle de les raliser? M. Chassevant oublie que, mme dans certaines cliniques des Facults, il est presque impossible de raliser tous ces desiderata. Qu'est-ce, alors, dans la pratique mdicale courante? Je suis loin de contester que, si j'avais des savants de la valeur de M. Chassevant pour m'cclairer dans mes applications thrapeutiques, je serais le premier

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    utiliser les rsultats de leurs analyses. Mais les savants de la valeur de M. Chassevant sont exceptionnels et ne sont pas la porte de tous les malades.

    Faudrait-il donc renoncer au traitement parce que toutes les conditions scientifiques ne seraient pas ralises? mme quand les faits dmontrent de la manire laplus vidente l'influence indiscutablement trs heureuse du traitement? Je ne le crois pas.

    Dans la discussion acadmique de M. Chassevant, je ne trouve rien au point de vue clinique qui puisse contredire srieusement mes ides et les faits que j'ai rapports.

    Je suis parfaitement d'accord avec lui lorsqu'il estime que le seul dosage du glucose excrt ne doit pas constituer l'unique critrium du diagnostic et du pronostic de la maladie. C'est pour cela que j'ai insist prcisment sur la modification si profonde et si heureuse de l'tat gnral, parallle l'amlioration de l'excrtion glycosurique.

    Pour ce qui est du danger de l'autophagie, qui, dans le jene scientifique, mnerait au coma, je lui ferai la mme rponse que j'ai faite M. Bardel au sujet du dacger de la vacuit de l'estomac. Ce n'est qu'une lgende, lgende incontestable, si on s le soin de prvenir les intoxications de provenance intestinale. Ma cinquime observation en est une dmonstration vidente. En effet, ma malade, qui jadis tait une diabtique grasse, avait profondment maigri les derniers temps. Elle pouvait donc bien tre classe dans les vrais diabtiques de M. Chassevant, chez qui, d'aprs lui, l'autophagie serait un grave danger.

  • 43

    Nous pouvons donc tre rassurs sur ce pri! imaginaire.

    Persuadons-nous que l'organisme dlivr des intoxications et des apports alimentaires par la voie digestive sait bien dtruire et comburer successivement et suffisamment ses lments les plus compromis etles moins indispensables la continuation de la vie. Les faits que je viens de citer le dmontrent de la manire la plus vidente.

    M. Barbier. En rsum, la discussion a port sur deux points :

    lEllc a tabli que les diabtiques n'ont pas besoin d'une alimentation excessive ;

    2 Elle a abord la question de la tuberculose compliquant le diabte. A cet gard, il serait peut-tre utile de prciser ce qu'on entend par rduction de la ration chez les tuberculeux diabtiques. Sans doute, il ne faut pas gaver les tuberculeux, mais il ne faut pas en dduire que l'alimentation de l'homme normal est suffisante pour eux. Chez les tuberculeux en pousse de tuberculose, les dchets urinaircs en ure et phosphates sont en gnral suprieurs d'un tiers celui des sujets normaux. C'est un fait que M. Boinot et moi avons constat d'une faon constante chez les enfants tuberculeux soumis un rgime identique. Leurs dpenses tant exagres, passagrement tout au moins, leur alimentation doit tre proportionnellement suprieure. A cet gard, faites par un autre procd que le mien, les recherches physiologiques de M. Laufer sur la ration alimentaire du tuberculeuxconcluent dans le mme sens.

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    Chez les diabtiques porteurs de lsions tuberculeuses en volution, il y a peut-tre une rserve faire quand on parle de restriction du rgime alimentaire. Quant l'volution de la tuberculose elle-mme, chez les diabtiques, il parat bien que dans certains cas elle n'est pas aussi svre qu.'on le dit gnralement.

    M. Linossier. Je ne voudrais pas qu'une phrase incidente, dans les quelques rflexions que j'ai exprimes devant la Socit l'occasion de la communication de M. Guelpa, ft inexactement interprte. Quand j'ai dit que l'on tait revenu de la suralimentation dans le traitement del tuberculose, je n'ai pas voulu prtendre que cette affection ft justiciable de l'alimentation restreinte, puisque j'ai ajout : On admet en gnral que, s'il est tililc de bien nourrir les tuberculeux, il peut tre nuisible de les gaver.

    II est certain qu'il y a quelques annes l'utilit du gavage chez les tuberculeux tait presque un dogme, et, pour beaucoup de mdecins, il n'avait pour limite que la rvolte des organes digestifs. C'est cet excs qui a disparu, et on semble tre revenu la formule plus rationnelle de nourrir les tuberculeux selon leurs besoins. Comme, chez ces malades, ainsi que l'a dmontr M. Albert Robin, les combustions sont plus actives que chez les sujets sains, la ration alimentaire devra tre souvent chez eux suprieure la ration moyenne; mais de l au gavage, il y a loin.

    Pour en revenir la tuberculose des diabtiques, je suis trs heureux de voir que M. Barbier, qui a une grande exprience de la tuberculose, admet, comme moi, la possibilit d'une volution torpide de cette affection chez certains diabtiques arthritiques. Si, le plus souvent, cette volution est exceptionnellement rapide et constitue la phase terminale du diabte, il faut savoir, pour viter de"

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    porter un pronostic impitoyable dans tous les cas, qu'il n'en est pas toujours ainsi. Je soigne actuellement un diabtique qui prsente, depuis plus de quinze ans, un foyer de tuberculose sous la clavicule gauche, sans que la lsion ait fait des progrs sensibles, et sans que l'tat gnral ait flchi plus qu'il ne l'aurait fait sou* l'influence du seul diabte.

    E. Desciumps, de Rennes. Je fais, depuis prs de quinze ans, la cure, par le rgime alimentaire, des maladies de la nutrition, en particulier du diabte arthritique ou fonctionnel, et je puis rapporter des observations dans lesquelles les rsultats sont aussi heureux que ceux oMenus par notre collgue M. Guclpa, et cela sans une dittique aussi svre.

    J'ajouterai que non seulement j'vite l'amaigrissement, mais encore que j'obtiens une augmentation de poids chez les amaigris.

    Ma cure est rpartie en trois priodes :

    Dans la premire, le malade est soumis au bouillon de lgumes confectionn avec des lgumes fculents, sucrs et mucilagineux, l'exclusion des farineux ; ony ajoute un tiers de lait. La ration par vingt-quatre heures est de troislitres aumoins, carjeconsidre ces trois litres comme le volume minimum de tout rgime alimentaire chez l'adulte.

    Dans la deuxime priode, j'ajoute au repas de

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    midi une ration de pommes de terre, et celui du soir un lgume vert et des fruits.

    Enfin, dans la troisime, je rduis de moiti la ration bouillon et lait, mais j'autorise les ptes alimentaires, les crales autres farineux.

    A la premire priode, je prescris une dose journalire de 10 grammes d'huile de ricin et souvent j'y ajoute de 5 8 grammes d'un mlange de sel de Seignette et de citrate de soude. Aux autres priodes, ces doses laxatives sont rduites de moiti.

    Tous les dix jours environ, l'intestin est vid au moyen d'une douche ascendante 45.

    Je citerai maintenant, comme exemple des rsultats obtenus, trois observations trs rsumes.

    Observation I. M. F..., 60 ans, instituteur, est amen ma clinique en fvrier 1005 en tat d'hmiplgie la suite d'une hmorragie crbrale. Il est diabtique depuis longtemps et son diabte me proccupe plus que sa paralysie laquelle je ne puis pas grand'chose.

    Il porte depuis six semaines la jambe droite une escarre qui s'accrot et prend un mauvais aspect.

    Soumis au rgime de la premire et de la deuxime priode, le sucre disparat compltement dans la premire quinzaine et, son grand tonnement, l'infirmire qui fait le pansement et connat par

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    exprience l'volution des plaies chez les diabtiques constate que l'escarre diminue et finit par disparatre.

    Observation II. M" L..., 62 ans, pesait 30 ans 86 kilogrammes, quoique de taille moyenne. Elle est diabliquc depuis longtemps, mais depuis quatre ans son poids est graduellement tomb 02 kilogrammes. Son urine contient S!> gr. 00 de sucre par litre.

    Elle commence sou traitement le 22 juin 190S.

    Aprs avoir suivi les trois priodes du traitement, je la revois le 18 janvier 1906. Son bulletin d'analyse contient les chiffres suivants: Densit la": lOii ; sucre: 0. l'en-dant sa cure, son poids s'est lev 6"kB,2ii0.

    Observation III. Mmc L..., 78 ans, est l'une de mes malades depuis 1903. Aux diffrentes cures qu'elle lit dans mon tablissement je n'avais jamais pu.obtenir qu'elle suivit pendant un temps suffisant le rgime de la premire priode et je n'avais jamais vu tomber son sucre au-dessous de 4 grammes par litre.

    Au mois d'octobre dernier, l'occasion d'accidents bronchitiques, elle dut garder le lit et sa docilit devint plus grande. Aprs six semaines de rgime liquide aux cours desquelles le sucre avait disparu compltement, la malade [ui. avant de se mettre au lit, pesait 70 kilogrammes avait seulement perdu 400 grammes avec son rgime restreint.

    Je termine en appelant l'attention sur le rle des laxatifs et des soins intestinaux dans la cure du diabte. J'ai pu constater, par exemple, diffrentes reprises, que la cure de la ptse abdominale

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    s'accompagnait d'une diminution ou de la disparition du sucre avec un rgime dont l'action paraissait auparavant p.;a sensible.

    Dite absolue et alimentation restreinte dans le diabte.

    Par M. G. Bardet.

    En relisant les argumentations produites la suite de la trs remarquable communication de notre collgue Guelpa sur le traitement du diabte par la dite absolue d'une part, la purgation saline mthodique d'autre part, il m'a sembl que tous les orateurs, comme il arrive trop souvent, ont un peu perdu de vue le point de dpart de la discussion. Du reste, je n'ai de reproches faire personne, car, moi aussi, j'ai discut ct de la question. M. Guelpa, lui-mme, ne s'est pas tenu sur l'unique terrain du diabte, et n'a pas pu rsister au dsir de gnraliser et de parler des effets de la dite dans tous les tats chroniques.

    Je serai certainement le dernier discuter les arguments produits par Guelpa pour vanter les avantages de la dite, puisque depuis vingt ans je prche l'abstinence, et que j'ai t l'un des premiers

  • 49

    soutenir que tous les tats chroniques, sans aucune exception, reconnaissent pour cause un trouble de la fonction digestive. Mais, pour ne point compliquer une question dj trs complexe, je dsire me tenir uniquement sur le terrain o s'est plac Guelpa, c'est--dire sur la possibilit de gurir le diabte par la dite absolue, accompagne de purgations rgulires pendant toute la dure, suivie de la restriction alimentaire dans de certaines conditions.

    Le traitement de Guelpa est double, puisque la purgation saline vient s'ajouter la dite. Je sais que mon ami Burlureaux compte traiter la question au point de vue purgation, et comme je serai sans doute d'accord avec lui, j'effleurerai seulement le sujet, immdiatement, pour n'avoir pas y revenir. Je crois que, dans le traitement de Guelpa, l'administration de sels purgatifs a surtout pour effet d'inhiber la scrtion gastrique et de supprimer ainsi la sensation du besoin alimentaire. A mon avis, la dite pourra fort bien tre maintenue sans purgation et sans tat pnible, si l'on a le soin d'effectuer la saturation, chez les gastrosuchorriques, afin d'viter l'irritation de la muqueuse gastrique par les sucs digestifs inutiliss, et, ce propos, je dois dire que, si les faits apports par M. Guelpa m'ont paru trs intressants, la thorie qu'il a cru pouvoir en esquisser m'a paru inacceptable. Aucun fait connu ne me parait lui accorder le droit de donner de la faim l'trange interprtation qu'il nous a fournie la dernire sance. Me contentant de cette courte observation, je passe immdiatement la question principale, c'est--dire celle de la dite absolue.

    En entendant la communication de notre collgue, nous avons ragi de la faon la plus humaine, c'est--dire par la contradiction. Il en est toujours ainsi quand on nous apporte des faits nouveaux qui gnent les ides conventionnelles dont nous sommes imbus. Certes, je reconnais la grande bonne foi et l'honntet scientifique scrupuleuse de mon ami Guelpa, mais j'avoue humblement que mon

  • 50

    premier mouvement fut de m'tonner de la possibilit de faire disparatre le sucre, chez les diabtiques invtrs, par une mesure hyginique aussi simple que la suppression totale des aliments pendant trois jours et par quelques purgations; j'ai cru que les cas observs appartenaient des glycosuriqucs simplement alimentaires. C'est pourquoi, comme, presque tous les argumenlateurs, j'ai parl de la restriction alimentaire, comme d'une mesure suffisante.

    Eh bien! je reconnais que j'ai eu tort, et que les faits, vritablement extraordinaires, apports par Guelpa, bouleversent compltement les ides reues jusqu'ici pour expliquer la pathognie du diabte. Une fois de plus, des faits matriels viennent dmontrer que nous sommes des ignorants, et que nos doctrines ne tiennent pas debout. Pendant de longues sries d'annes, la mdecine continuera errer, et loin de nous est le temps o nous pourrons vraiment la considrer comme une science.

    Ma premire impression m'amena contredire Guelpa ; la seconde fut meilleure, je songeais le contrler. J'en parlai immdiatement notre collgue, le professeur Albert Robin, qui, lui aussi,avait t trs Trappe des faits produits par Guclpa, et le hasard nous permit de faire une exprience thrapeutique vraiment saisissante.

    Dans le service de la Clinique thrapeutique de Beaujon, se trouvait une femme atteinte, depuis plusieurs annes, d'un diabte grave. Elle liminait des quantits de sucre normes qui ont atteint 800 grammes par vingt-quatre heures. Elle venait d'tre soumise depuis quelques semaines au traitement ordinaire de M. Albert Robin, c'est--dire la mdication alternante, anlipyrine et arsenic, sans que la quantit de sucre ait pu tre abaisse au-dessous de 160 grammes. Aprs une srie de cette

  • 51

    mdication, la malade avait t mise au repos de tout traitement et suivait le rgime ordinaire des diabtiques du service :

    Viande 500 grammes.

    Pommes de terre 500

    Lgumes verts 500

    Au moment o allait commencer l'exprience, c'est--dire la dite absolue, la malade mettait par vingt-quatre heures 12 litres d'urine, et la dernire journe avait fourni une limination de 700 grammes de sucre. Le lendemain de ce jour, on mit la malade la dite absolue ; mais le professeur Albert Robin trouva inutile de donner la purgation conseille par M. Guelpa, pour empcher la malade de souffrir de la faim, car le sujet manquait d'appurgations rgulires pendant toute la dure, suivie de la restriction alimentaire dans de certaines conditions.

    Le traitement de Guelpa e3t double, puisque la purgation saline vient s'ajouter la dite. Je sais que mon ami Burlureaux compte traiter la question au point de vue purgation, et comme je serai sans

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    doute d'accord avec lui, j'effleurerai seulement le sujet, immdiatement, pour n'avoir pas y revenir. Je crois que, dans le traitement de Guelpa, l'administration de sels purgatifs a surtout pour effet d'inhiber la scrtion gastrique et de supprimer ainsi la sensation du besoin alimentaire. A mon avis, la dite pourra fort bien tre maintenue Bans purgation et sans tat pnible, si l'on a le soin d'effectuer la saturation, chez les gastrosuchorriques, afin d'viter l'irritation de la muqueuse gastrique par les sucs digestifs inutiliss, et, ce propos, je dois dire que, si les faits apports par M. Guelpa m'ont paru trs intressants, la thorie qu'il a cru pouvoir en esquisser m'a paru inacceptable. Aucun fait connu ne me parait lui accorder le droit de donner de la faim l'trange interprtation qu'il nous a fournie la dernire sance. Me contentant de cette courte observation, je passe immdiatement la question principale, c'est--dire celle de la dite absolue.

    En entendant la communication de notre collgue, nous avons ragi de la faon la plus humaine, c'est--dire par la contradiction. Il en est toujours ainsi quand on nous apporte des faits nouveaux qui gnent les ides conventionnelles dont nous sommes imbus. Certes, je reconnais la grande bonne foi et l'honntet scientifique scrupuleuse de mon ami Guelpa, mais j'avoue humblement que mon premier mouvement fut de m'tonner de la possibilit de faire disparatre le sucre, chez les diabtiques invt-irs, par une mesure hyginique aussi simple que la suppression totale des aliments pendant trois jours et par quelques purgations; j'ai cru que les cas observs appartenaient des glycosuriqucs simplement alimentaires. C'est pourquoi, comme, presque tous les argumenlateurs, j'ai parl de la restriction alimentaire, comme d'une mesure suffisante.

    Eh bien! je reconnais que j'ai eu tort, et que les faits, vritablement extraordinaires, apports par Guelpa, bouleversent compltement les ides reues jusqu'ici pour expliquer la palhognie du

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    diabte. Une fois de plus, des faits matriels viennent dmontrer que nous sommes des ignorants, et que nos doctrines ne tiennent pas debout. Pendant de longues sries d'annes, la mdecine continuera errer, et loin de nous est le temps o nous pourrons vraiment la considrer comme une science.

    Ma premire impression m'amena contredire Guelpa ; la seconde fut meilleure, je songeais le contrler. J'en parlai immdiatement notre collgue, le professeur Albert Robin, qui, lui aussi,avait t trs frapp des faits produits par Guclpa, et le hasard nous permit de faire une exprience thrapeutique vraiment saisissante.

    Dans le service de la Clinique thrapeutique de Beaujon, se trouvait une femme atteinte, depuis plusieurs annes, d'un diabte grave. Elle liminait des quantits de sucre normes qui ont atteint 800 grammes par vingt-quatre heures. Elle venait d'tre soumise depuis quelques semaines au traitement ordinaire de M. Albert Robin, c'est--dire la mdication alternante, anlipyrine et arsenic, sans que la quantit de sucre ait pu tre abaisse au-dessous de 160 grammes. Aprs une srie de cette mdication, la malade avait t mise au repos de tout traitement et suivait le rgime ordinaire des diabtiques du service :

    Viande 500 grammes.

    Pommes de terre 500

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    Lgumes verts 500

    Au moment o allait commencer l'exprience, c'est--dire la dite absolue, la malade mettait par vingt-quatre heures 12 litres d'urine, et la dernire journe avait fourni une limination de 760 grammes de sucre. Le lendemain de ce jour, on mit la malade la dite absolue ; mais le professeur Albert Robin trouva inutile de donner la purgation conseille par M. Guelpa, pour empcher la malade de souffrir de la faim, car le sujet manquait d'appetit, et n'avait point l'intestin encombr. Du reste, mme sans cette purgation, la malade supporta avec la plus grande facilit ces trois jours de dite absolue.

    Je ferai remarquer que cette malade reprsente par excellence le type du diabte grave, o rgime et traitement maintiennent quand mme un taux de sucre dans les urines. La maigreur pourrait tre plus grande, mais elle est dj trs accuse, et certainement la quantit de graisse existant entre les tissus musculaires et cellulaires doit tre trs faible.

    Au bout de vingt-quatre heures de dite, la quantit de sucre limine tombe de 760 grammes au chiffre de treize crammes, tandis que la polyurie passe de 12 litres 2 litres.

    Au bout de quarante-huit heures, le sucre a compltement disparu, et la quantit d'urine n'est plus que de 600 grammes. L'tat gnral est excellent.

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    Gomme on le voit, et sans qu'il soit besoin de le commenter, le fait est vraiment surprenant et inattendu. Je n'aurais, pour mon compte, jamais cru que la suppression des aliments pt amener instantanment la suppression du sucre chez un pareil sujet. En nous montrant cela, il n'y a point le nier, Guelpa a fait quelque chose de trs nouveau et de trs remarquable, car nous allons voir que la discussion de ce fait permet de poser d'une faou trs nouvelle le problme rsoudre.

    Plusieurs des orateurs qui ont pris part cette discussion, moi-mme je crois, nous avons appel l'attention sur le danger prsent par la dite absolue. En effet, dite ne veut pas dire suppression relle des aliments uss, puisque, pour fournir l'entretien de la chaleur animale et produire l'nergie dpense par le mouvement, l'organisme est oblig de prendre sur sa propre substance. C'est pourquoi, en analysant l'exprience qu'il venait de faire, M. Albert Robin a dit de suite : C'est trs intressant, mais nous venons dfaire deux jours de rgime carn absolu, ce qui met notre malade dans des conditions d'intoxication dangereuse, et je craindrais l'apparition du coma diabtique chez certains malades.

    On rtablit donc l'alimentation par rgime lact le quatrime jour, et la malade refit immdiatement du sucre, raison de 80 grammes pour deux litres de lait absorbs. Elle ne supporta pas ce rgime pour raison gastrique, et on fut oblig de revenir au rgime antidiabtique, viande, pomme de terre et lgumes verts, ce qui fit monter le taux du sucre 120 grammes environ. Je n'insiste pas sur la suite, car cela m'est inutile pour les conclusions que je veux dire. Deux faits sont noter : d'abord la suppression totale du sucre par la dite, puis son retour, un taux relativement lev, aussitt que l'alimentation a t reprise. Enfin, noter galement l'ide trs logique que ce rgime autophagique de trois journes de dite peut produire des phnomnes d'intoxication.

  • 56

    La suppression totale du sucre nous dmontre que l'acte digestif lui seul doit tre considr comme la cause de la production du sucre. Ea effet, il n'y a pas le nier, puisqu'une malade qui rendait (luis ses urines l'norme quantit de 700 800 grammes de sucre rgulirement, et depuis 1res longtemps, a pu voir disparatre la fois le sucre et la polyurie, par la simple cessation de l'acte digestif. Le phnomne doit donc tre bien local, c'est--dire avoir pour point de dpart la muqueuse digestive, puisque le phnomne nutritif ncessaire pour faire la calo-rigense el la production de l'nergie musculaire n'a pas fourni de sucre. Voil certes un fait saisissant. La preuve se trouve obtenue quand on constate que le sucre revient aussitt qu'un acte digestif se produit. C'est l une notion pratique qui ne doit pas manquer d'exercer une influence considrable pour une orientation nouvelle de la thrapeutique du diabte. Du reste, les succs durables cits par Guelpa sont l pour dmontrer la ralit de ma dduction. A-t-on raison de craindre l'autophagisme dans la dite? Je ne le crois pas, et je vais vous le prouver. J'ai discut la question avec M. Albert Robin, et voici les rsultats numriques auxquels nous sommes arrivs.

    Reprenons l'observation de notre malade, et rappelons-nous son rgime la veille de son traitement.

    CURE DU DIABTE 55

  • 57

    Nous avons ditqu'elle prenait par jour 500 gramme des aliments suivants : viande, pomme de terre, lgumes verts. Voyons ce que cela reprsente au point de vue alimentaire :

    POIDS

    ALIMENTS

    ALBUMINE

    HYDRO-CARUONKS

    GRAISSES

    CALORIES FOURNIES

    85

    10 5

    0

    200 10

    80 10

    10

    1.000 930 150

    500 gr. 500 500

    Viande Pommesde terre. Lgumes verts .

    Total . . .

    100

    210

    100

    2.140

    Comme on le voit, le rgime est bien tabli pour fournir la malade les 2.100 calories qui sont considres comme ncessaires, et, dans ce rgime, l'albumine est reprsente par un pourcentage assez considrable, qui dpasse beaucoup les besoins. On peut mme dire que les 100 grammes d'albumine ingre tendent dj exagrer la production des matriaux extractifs considrs comme toxiques.

  • 58

    Ce rgime est considrablement insuffisant au point de vue de la dpense effectue. En effet, la malade, dans la journe qui prcda l'exprience, a perdu 760 grammes de sucre, ce qui quivaut tout prs de 3.200 calories ; nous lui en avons fourni 2.100, environ, il y a donc un dficit de 1.000 1.100. Mais, ce n'est pas tout; il faut ajouter ce dficit toute la quantit du glucose qui a t brl dans l'organisme par autophagie. Cette malade, quoique au repos, a fait de la chaleur, a dpens un peu de forces, et nous devons supposer que sa dpense totale, pour les besoins physiologiques, n'a pas t moindre de 1.600 calories. Par consquent, c'est, avec les 1.100 calories qui sont dj en dficit, une somme de 2.700 calories au minimum qui n'ont point t fournies par l'alimentation.

    Ce chiffre est reprsent par 600 6bO grammes de glucose qui ont d tre emprunts l'organisme. Par consquent, avant mme qu'on tablisse la dite, la malade faisait dj une autophagie considrable ; j'irai mme plus loin, quand on y regarde de prs, l'autophagie tait plus grande avant la dite.

    En effet, cette autophagie correspondait au moins 2.700 calories avant le traitement, puisqu'il fallait fabriquer la majeure partie du sucre rejet par les urines. Au contraire, ds que la dite a t institue, il n'y a plus eu qu' fournir les 1.600 calories ncessaires pour l'entretien physiologique. Donc, chiffres en main, notre malade avait moiti plus de chance de faire du coma diabtique pendant qu'on l'alimentait.

    Cette dduction, mon avis personnel, a une importance considrable, car elle nous fait voir que, chez les grands diabtiques, quand nous aurons craindre le coma, la dite, malgr l'autophagie qui

  • 59

    en est la suite, est le meilleur moyen de prvenir les accidents, puisqu'en ralit celte autophagie devient moins importante.

    Je tenais beaucoup apporter ces rflexions et a dmontrer, par leur moyen, la grande valeur