Grec Article Syntax e

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À PROPOS D’UN RÉCENT RECUEIL DE THÈMES GRECS : REMARQUES SUR LES PROPOSITIONS RELATIVES ET LE STYLE INDIRECT EN GREC ANCIEN. par David-Artur Daix, École Normale Supérieure (Paris) RÉSUMÉ : À propos du récent recueil de thèmes grecs de Romain Garnier et Lucien Pernée (Thèmes grecs, avec le concours de Jean-Victor Vernhes, Ophrys, Paris, 2004), le présent article s’attache à l’étude de deux questions épineuses quand on passe du français au grec : les propositions relatives et le style indirect. En effet, dans un cas comme dans l’autre, les deux langues ne fonctionnent pas selon les mêmes principes et de nombreuses difficultés surgissent, y compris à la lecture des meilleurs ouvrages, pour qui essaie d’y voir clair. Cette tentative de mise au point, qui intéressera tous ceux, étudiants ou enseignants, qui traduisent et composent du grec ancien, ne paraît donc pas inutile. ABSTRACT : Starting from the recent collection of Greek prose compositions written by Romain Garnier and Lucien Pernée (Thèmes grecs, with the participation of Jean-Victor Vernhes, Ophrys, Paris, 2004), this article deals with two difficult topics one must face when translating French into Greek : relative sentences and indirect quotations. In both cases, those two languages do not follow the same principles and many issues arise, even when referring to the best grammars, as one tries to clear them up. This attempt to clarify those questions should prove useful to those, students and teachers alike, who translate and compose ancient Greek.

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  • PROPOS DUN RCENT RECUEIL DE THMES GRECS : REMARQUES SUR LES PROPOSITIONS RELATIVES

    ET LE STYLE INDIRECT EN GREC ANCIEN. par David-Artur Daix, cole Normale Suprieure (Paris)

    RSUM : propos du rcent recueil de thmes grecs de Romain Garnier et Lucien Perne (Thmes grecs, avec le concours de Jean-Victor Vernhes, Ophrys, Paris, 2004), le prsent article sattache ltude de deux questions pineuses quand on passe du franais au grec : les propositions relatives et le style indirect. En effet, dans un cas comme dans lautre, les deux langues ne fonctionnent pas selon les mmes principes et de nombreuses difficults surgissent, y compris la lecture des meilleurs ouvrages, pour qui essaie dy voir clair. Cette tentative de mise au point, qui intressera tous ceux, tudiants ou enseignants, qui traduisent et composent du grec ancien, ne parat donc pas inutile.

    ABSTRACT : Starting from the recent collection of Greek prose compositions written by Romain Garnier and Lucien Perne (Thmes grecs, with the participation of Jean-Victor Vernhes, Ophrys, Paris, 2004), this article deals with two difficult topics one must face when translating French into Greek : relative sentences and indirect quotations. In both cases, those two languages do not follow the same principles and many issues arise, even when referring to the best grammars, as one tries to clear them up. This attempt to clarify those questions should prove useful to those, students and teachers alike, who translate and compose ancient Greek.

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    PROPOS DUN RCENT RECUEIL DE THMES GRECS1 : REMARQUES SUR LES PROPOSITIONS RELATIVES

    ET LE STYLE INDIRECT EN GREC ANCIEN. Les candidats aux Agrgations de Lettres Classiques ou de Grammaire disposent, pour se

    prparer lpreuve du thme grec, outre les outils dont ils ont lhabitude de se servir pour la version et qui restent la premire rfrence, de deux sortes douvrages : les manuels proprement dits, qui commencent par rappeler de faon synthtique les rgles propres lexercice avant de les mettre en pratique dans des exercices corrigs ; et, dautre part, les recueils de thmes, dans lesquels les textes originaux franais sont simplement accompagns de leur traduction en grec et de notes explicatives.

    Bien quintitul Manuel de thme grec, le livre de Jean Humbert2 ne propose que des exercices annots. En revanche, le recueil de 50 thmes grecs de Maurice Lacroix3 fait prcder les exercices corrigs et annots dune quarantaine de pages rcapitulant lments de morphologie et de syntaxe. Cest dj la mthode suivie par Marcel Bizos dans son Cours de thme grec4, o les cinquante thmes quil propose sont dabord prpars par des rvisions systmatiques, ce qui lui permet de naccompagner ses corrigs que de quelques commentaires lapidaires. Enfin, louvrage rcent et tout fait excellent dAnne Lebeau, Le thme grec du DEUG lAgrgation5, commence par analyser prcisment les rgles propres la pratique du thme grec, tant pour la morphologie que pour la syntaxe, et multiplie les exercices dapplication, avant doffrir une quinzaine dexemples de thmes littraires, dont les traductions, abondamment annotes, sappuient sans cesse sur les leons liminaires.

    Louvrage de Romain Garnier et Lucien Perne qui nous intresse aujourdhui, intitul simplement Thmes grecs, appartient la catgorie des recueils et ne propose que des exercices corrigs, sans synthse grammaticale. Toutefois, par labondance des notes qui accompagnent chaque thme, il se rapproche davantage du cours dAnne Lebeau que du manuel de Jean Humbert6.

    Comme le notent les auteurs en introduction, le thme est le chemin le plus court et surtout bien plus sr que celui de la version pour retenir les formes grammaticales et matriser les rgles de syntaxe ; et jajouterai, mme si cela fait partie de la morphologie, pour apprendre une fois pour toutes laccentuation grecque, essentielle une bonne connaissance de la langue. On ne peut donc que se fliciter de la parution dun ouvrage supplmentaire destin prparer les hellnistes cet exercice difficile, mais trs formateur.

    Encore faut-il prciser que le public vis doit dj avoir une certaine exprience du grec pour pouvoir tirer parti de cet outil. Les manuels consacrs aux grands dbutants, de plus en plus nombreux, leur proposent rgulirement des thmes dimitation. Mais lAgrgation de Lettres Classiques et celle de Grammaire, il est question de traductions littraires, dont la pratique est tout fait diffrente. Les auteurs nont pas voulu composer un recueil pour les seuls tudiants de Licence et dAgrgation, dsireux de sentraner ce difficile exercice . 1 propos de louvrage Thmes grecs de Romain Garnier et Lucien Perne, avec le concours de Jean-Victor Vernhes, Ophrys, Paris, 2004, 224 pages. 2 Jean Humbert, Manuel de thme grec, Klincksieck, Paris, 1955. 3 Maurice Lacroix, 50 thmes grecs, Belin, Paris, 1975. 4 Marcel Bizos, Cours de thme grec, Vuibert, Paris, 1944. 5 Anne Lebeau, Le thme grec du DEUG lAgrgation, Ellipses, Paris, 2000. 6 la dcharge des ouvrages plus anciens, qui peuvent paratre dune pratique austre aux tudiants, sans doute faut-il prciser quils ont t composs en un temps o lenseignement du grec tait bien plus rpandu quaujourdhui et les hellnistes gnralement plus aguerris, de sorte que des explications devenues ncessaires pouvaient alors passer pour superflues.

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    Ils sadressent aussi aux amoureux du grec, nombreux, hors du cursus universitaire des Lettres Classiques, qui, sans vouloir sexercer au thme de manire spcifique, souhaiteraient, pour une meilleure connaissance, comparer les modes dexpression du franais et du grec . Cependant, force est de constater que les textes retenus, tous tirs des annales des Agrgations de Lettres Classiques et de Grammaire de ces vingt dernires annes, intressent dabord les candidats qui prparent ces concours ainsi que leurs prparateurs.

    Chaque thme, nous apprennent les auteurs, est trait de manire autonome, sans rfrence dautres thmes ni renvois des grammaires ou des lexiques pour consultation , ce qui explique labondance des notes qui accompagnent chaque corrig, puisque toutes les explications utiles doivent sy trouver, indpendamment de ce qui peut dj avoir t dit ailleurs dans le recueil. Cette mthode est certes intressante pour autoriser une plus grande souplesse dutilisation , mais elle prsente le risque de priver le lecteur de comparaisons utiles entre les exercices. Heureusement, les auteurs y ont remdi en proposant trois index qui permettent de croiser les divers emplois des rgles de grammaire dabord, des mots grecs ensuite et dexpressions franaises difficiles enfin. Ce dernier outil en particulier, traitant de mots qui embarrassent souvent le traducteur, suffit lui seul justifier la consultation de cet ouvrage. En outre, il convient de souligner le souci constant dont font preuve les auteurs dans leurs commentaires de bien distinguer les usages du grec et du franais, pour faire sentir au lecteur comment lune et lautre langue empruntent des tours parfois trs diffrents pour produire un mme effet.

    Sil est une faiblesse que lon peut relever dans ce livre, elle concerne la prsentation et lusage des rgles grammaticales et stylistiques qui gouvernent la rdaction dun thme grec. Livrer, en quelques lignes de commentaire, lexplication claire et prcise de telles rgles nest pas ais. Tout particulirement sagissant du grec, langue souple et subtile sil en est. Il faut la fois invoquer les notions les plus pertinentes et trouver les mots justes pour les exprimer. Or, si les index permettent avantageusement de rapprocher les exemples et de comparer les solutions, labsence complte de renvois des grammaires ou des lexiques pour consultation suppose que les principes invoqus dans les notes qui accompagnent chaque corrig doivent tre ou bien dj connus du lecteur ou bien expliqus en dtail dans le commentaire. Surtout lorsque la rgle en thme exercice qui demeure, dans la perspective dune Agrgation, parfaitement artificiel diffre des emplois couramment observs dans les textes grecs eux-mmes ou restreint considrablement les noncs des grammaires traditionnelles. Tel tour, jug lgant dans une excellente copie o le jury ne souponnera pas une mconnaissance, voire une ignorance, de lusage le plus commun, peut se trouver sanctionn dans une composition mdiocre o il apparatra dplac. Il convient, dans ce cas, de marquer et dexpliciter ces carts, de faon mettre en garde le futur candidat. Lautonomie est ce prix. Or, sur ce point, il arrive au lecteur de rester sur sa faim.

    Afin dillustrer cette difficult, je vais marrter sur deux questions pineuses quand on passe du franais au grec les propositions relatives et le style indirect et mattacher au traitement qui leur est rserv dans ce recueil.

    LES PROPOSITIONS RELATIVES Commenons par les propositions relatives. Le texte de Marivaux, qui forme lexercice

    XXXIII, comporte la phrase suivante : Quelquun qui ressemblerait cet habile homme-l, nous dirions de lui que cest un fourbe.

    Romain Garnier et Lucien Perne traduisent ce morceau de la sorte :

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    Avant de noter : Le participe substantiv quivaut une relative circonstancielle de condition loptatif (= si quelquun ressemblait), donc sans . Cest le contexte, avec le verbe principal , qui confre au participe seul sa valeur conditionnelle. En revanche, si le participe quivalait une relative dterminative au potentiel, il pourrait fort bien tre accompagn de .8

    Les remarques proposes dans ces lignes sont intressantes. Dabord, il faut effectivement retenir, pour la version comme pour le thme, que dans un systme hypothtique o la protase est un mode nominal (ici au participe : ), cest la forme personnelle utilise dans la principale qui permet de dterminer la nature de la condition (potentielle dans ce cas : )9. En outre, il faut bien distinguer entre un participe employ pour remplacer une protase (dans cet exemple au potentiel, il est mis pour et loptatif sans ) et un participe quivalant une apodose (comme tel, il saccompagnerait toujours de dans un systme potentiel). Malheureusement, les termes retenus dans cette note savrent maladroits et compliquent inutilement ces explications.

    Par exemple, commencer par crire : le participe substantiv quivaut une relative circonstancielle de condition loptatif ne peut que semer le trouble dans lesprit du lecteur. Car les grammaires, elles, rappellent bien quun participe substantiv quivaut en grec une relative dterminative10 : tout le contraire, donc, dune relative circonstancielle ! En principe, cest le participe appos, sans article, qui prend une valeur circonstancielle et qui, par l, peut remplacer une protase11. Lorigine de cette apparente confusion est facile comprendre. En ralit, un participe substantiv peut aussi bien rendre une relative dterminative quune relative ventuelle conditionnelle donc, circonstancielle et non dterminative 12 , ce qui, du reste, fait de ce tour un alli trs prcieux en thme. Ici, les auteurs semblent considrer que ce principe peut stendre toutes les relatives conditionnelles, et non seulement aux ventuelles, ce qui pose videmment problme, surtout en thme. Eux-mmes, du reste, semblent se contredire, quand, propos du thme XXVII cette fois13, ils opposent la signification et la traduction en grec dune relative circonstancielle loptatif marquant la rptition dans le pass dune relative dterminative quon pourrait remplacer par un participe substantiv . Mais en fait, comme nous venons de le rappeler, une relative ventuelle, elle aussi, peut se remplacer par un participe substantiv ; voire, si lon suit Romain Garnier et Lucien Perne propos du thme XXXIII, toutes les relatives conditionnelles ! Face la phrase de Marivaux, leur

    7 Thme XXXIII, phrase 4, p. 173. Notons quen thme, la formule retenue dans la principale suivi dun infinitif et dun attribut du sujet au sens davoir telle ou telle rputation est problmatique. Cet idiotisme est parfaitement classique et courant sil est compos laide dun adverbe (ou dun neutre adverbial ; tant tardif, on crira ici : ). Mais avec un attribut du sujet, il devient trs rare en prose. Et pour lusage de lattribut avec un infinitif, le Dictionnaire grec-franais dAnatole Bailly comporte la mention quelquefois (s.v. , p. 64), ce qui suffit, en principe, condamner le tour en thme. En outre, nous nest pas traduit : il faudrait ajouter pour tre complet. 8 Thme XXXIII, note 4, p. 175. 9 Le principe inverse vaut galement : dans un systme hypothtique o lapodose cette fois est un mode nominal, cest le mode personnel employ dans la protase qui permet de dterminer la nature de la condition. Par exemple, un infinitif ou un participe accompagns de peuvent reprsenter un potentiel ou un irrel, que dpartage la protase, loptatif dans le premier cas, lindicatif dans le second. 10 J. Allard et E. Feuilltre, Grammaire grecque, Hachette, Paris, 1972, 267, p. 201 ; Eloi Ragon, Grammaire grecque, refondue par Alphonse Dain, J. de Gigord, Paris, 1957, 365, p. 223. 11 J. Allard et E. Feuilltre, op. cit., 269.4, p. 203 ; Eloi Ragon, op. cit., 356, p. 217-8. 12 Une relative conditionnelle est lquivalent dune protase, tandis quune relative dterminative quivaut une apodose. 13 Thme XXVII, note 5, p. 139.

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    dmonstration aurait t bien plus nette sils avaient simplement employ un participe appos : .

    De mme, en crivant, la fin de leur note sur cet extrait, que si le participe quivalait une relative dterminative au potentiel, il pourrait fort bien tre accompagn de les auteurs suscitent nouveau la confusion. En effet, dans ce cas, lusage de ne saurait tre facultatif, ce que laisse entendre malheureusement le tour ambigu pourrait fort bien . Le participe qui quivaut une relative dterminative au potentiel doit absolument, autant que la relative elle-mme14, tre accompagn de , puisquil forme lapodose du systme hypothtique. Il sagit assurment dune simple maladresse dans lexpression. Mais en ces matires, chaque dtail compte.

    Dune faon gnrale, insister rgulirement, comme le font les auteurs, sur les diffrences entre relatives dterminatives et circonstancielles ne me parat pas trs prudent dans la perspective du thme grec. En effet, cette distinction, rapporte naturellement par les lecteurs ce quils connaissent en franais, risque dtre pour eux une source derreur. Maurice Grevisse propose la dfinition suivante dans Le bon usage :

    Les relatives dterminatives prcisent ou restreignent lantcdent en y ajoutant un lment indispensable au sens : on ne saurait les supprimer sans dtruire lconomie de la phrase. [] Les relatives explicatives ne servent jamais restreindre lantcdent ; elles ajoutent celui-ci quelque dtail, quelque explication non indispensable ; on pourrait les supprimer sans nuire essentiellement au sens de la phrase.15

    Pour le grec, la syntaxe dAllard et Feuilltre offre un nonc trs comparable : Une proposition relative est dterminative quand elle est indispensable au sens de la phrase. [] Une relative explicative ajoute une ide ou un fait qui nest pas ncessaire au sens de la phrase ; elle implique dordinaire une nuance de cause, de consquence, de but ou de condition.16

    La Grammaire grecque dEloi Ragon parle quant elle de relatives ordinaires et de relatives circonstancielles , mais dcrit la mme rpartition17. Le lecteur pourrait donc simaginer quen appliquant les principes du Bon usage loriginal franais et en transposant simplement relatives dterminatives et explicatives sous forme de relatives ordinaires et circonstancielles en grec, il aura bien traduit le texte. Mais il se tromperait18.

    Il suffit pour sen convaincre de considrer la premire citation, tire de Racine, que propose Maurice Grevisse pour illustrer les relatives dterminatives en franais19 :

    La foi qui nagit point, est-ce une foi sincre ? (Athalie, acte I, scne I)

    En grec, pour traduire la foi , on invoquera volontiers des hommes et leur pit. En outre, tant donn le ton sentencieux et la porte gnrale de cette question, on commencera assez

    14 Une relative dterminative loptatif sans (hors cas dattraction modale dans un discours indirect loptatif oblique) ne pourrait tre qu loptatif de souhait, puisquelle fait des modes et des temps les mmes emplois quune indpendante. 15 Maurice Grevisse, Le bon usage, 10e dition, Duculot, Paris, 1980, 2608. 16 J. Allard et E. Feuilltre, Grammaire grecque, Hachette, Paris, 1972, 260-1, p. 196. 17 Eloi Ragon, Grammaire grecque, refondue par Alphonse Dain, J. de Gigord, Paris, 1957. 18 Sil fallait encore une preuve que cette nomenclature nest pas satisfaisante, L. Schan et E. Delebecque dans leur Essai de stylistique grecque (Aix-en-Provence, 1961) nidentifient pas les relatives explicatives avec les relatives circonstancielles , comme le font les ouvrages que nous venons de citer, mais avec les relatives dterminatives : B[102].1, p. 181-2. 19 Maurice Grevisse, loc. cit.

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    naturellement par une relative lventuel prcisment : 20 . Si lon voulait insister davantage sur la ralit de lhypothse, on pourrait recourir la mme relative de gnralit lindicatif cette fois, en conservant la ngation : . Mais, dans les deux cas, ces propositions relatives sont lquivalent de protases. Elles sont conditionnelles et non dterminatives21. Il faudrait, pour obtenir une relative dterminative en grec, employer la fois un relatif simple au lieu de qui suppose, mme suivi dun indicatif, un antcdent indtermin , lindicatif au lieu du subjonctif avec et au lieu de . Et cette solution traduirait mal le tour franais, qui perdrait tout caractre de gnralit. Le pige est donc rel.

    La nature dterminative de la relative en franais ninterdit pas forcment lusage dune relative conditionnelle en grec22. Tout dpend non de la relative elle-mme, mais de son antcdent. Sil est dtermin, lventuel est exclu23 ; si lantcdent est indtermin, une relative conditionnelle simpose au contraire. Sans, du reste, que cette distinction soit toujours aise mettre en uvre au moment de traduire : dans la citation de Racine, larticle dfini seul (la foi), tant donn le contexte gnomique, ne suffit pas dterminer de faon certaine lantcdent. La question demeure donc difficile. Pour sen convaincre, il nest que de considrer les deux exemples de relatives dterminatives que propose Jolle Bertrand dans sa Nouvelle grammaire grecque au 17324. En effet, dans les phrases on regarde avec plaisir les femmes qui sont belles et on coute avec plaisir les orateurs qui parlent bien , les antcdents ne sont pas proprement dtermins : ce sont toutes les belles femmes et tous les bons orateurs, sans que lon dsigne des individus prcis. Le ton sentencieux, lemploi du pronom gnrique on gnralisent ces expressions, y compris les antcdents, qui sont en fait indfinis (nonobstant les articles qui les accompagnent). Comme tels, les relatives qui leur correspondent en grec ne sont pas dterminatives, mais conditionnelles, quand bien mme elles restent lindicatif. Elles sont lquivalent de protases : on regarde avec plaisir les femmes si elles sont belles (le mme tour insistant sur la rptition plus que sur la condition pourrait donner : on regarde avec plaisir les femmes quand elles sont belles ).

    En thme, afin dchapper cette difficult, le mieux est encore, comme je lai not plus haut, de se replier, quand cest possible, sur un participe substantiv qui, moins dtre pris dans un tour ngatif (lventuel imposerait au lieu de ), permet de contourner entirement cet cueil.

    Un dernier exemple, relev dans le second exercice du recueil, illustre bien les obscurits que peut introduire dans lanalyse la mention maladroite de la nature dterminative dune proposition relative pour expliquer tel ou tel tour. Le texte propos lAgrgation de Grammaire en 1987 tait tir du Discours sur lorigine de lingalit de Jean-Jacques Rousseau et comprenait cette phrase :

    Je regarde le sujet de ce Discours comme une des questions les plus intressantes que la philosophie puisse proposer

    20 Ou simplement . avec le relatif simple, tour plus courant dans les textes quand la relative est au subjonctif avec (alors que est plus courant quand la relative est lindicatif). Cela dit, en thme, . est probablement le choix le plus prudent. 21 Cf. par exemple J. Allard et E. Feuilltre, op. cit., 263.1 et 263.2, p. 197. 22 Jean Humbert, dans sa Syntaxe grecque (Klincksieck, 1960), offre un chapitre intressant et clairant sur les propositions relatives ( 388-402) et note ce cas prcis au 389. 23 En grec, les relatives dterminatives ou ordinaires , selon la nomenclature adopte, se caractrisent prcisment par un antcdent dtermin. Cf. Herbert Weir Smyth, Greek Grammar, Harvard University Press, 1920, 2553 : Ordinary Relative Clauses define more exactly a definite antecedent, and show the mood and the negative of simple sentences . 24 J. Bertrand, Nouvelle grammaire grecque, Ellipses, Paris, 2002, p. 185.

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    Voici ce que notent Romain Garnier et Lucien Perne son propos : Le subjonctif est obligatoire en franais aprs des superlatifs qui impliquent une ide dapprciation (les plus intressantes que la philosophie puisse proposer), alors que la relative dterminative, qui se construit la manire dune principale en grec, exclut totalement le subjonctif ventuel avec .25

    Malheureusement, au lieu de chasser le trouble loin de lesprit du lecteur, cette explication ly jette au contraire. Le subjonctif ventuel avec est effectivement exclu ici, mais pas seulement parce quil ne peut se trouver dans une proposition qui quivaut une indpendante26. Cette explication complique voire impertinente ici voile une ralit plus simple : il ny a aucun rapport entre une relative au subjonctif en franais et une relative au subjonctif en grec. Ce dernier, qui ignore tout, et pour cause, des emplois du subjonctif dans les propositions relatives en franais et fait de ce mode un tout autre usage27, voit simplement dans cette phrase de Rousseau un potentiel (cf. puisse : ce qui vaudrait tout autant si la relative franaise tait lindicatif et non au subjonctif), bien traduit, du reste, par les auteurs ( 28). Lexplication fournie en note ne suffit donc pas et labsence de renvois des ouvrages de rfrence ne permet pas au lecteur de bien saisir ce dont il est question.

    LE STYLE INDIRECT Pour conclure, laissant de ct les propositions relatives, je voudrais dire un mot de

    lpineuse question du discours indirect en grec telle que la traitent, au fil des exercices, Romain Garnier et Lucien Perne. En franais, je dis quil vient devient au pass je disais quil venait , limparfait du discours indirect reprsentant un prsent au style direct. Ce tour na pas dquivalent en grec, qui ignore la concordance des temps. On lit cependant, ds le premier thme du recueil, pour traduire le franais jentendis bien ce que tout cela voulait dire , la solution suivante : . La note 5, qui reprend cette phrase, prcise :

    Limparfait se maintient dans la compltive aprs le verbe de perception 29.

    Outre le fait que le choix dun imparfait plutt que dun aoriste dans la principale pour rendre un pass simple en franais aurait mrit un commentaire (les questions daspect embarrassent elles aussi beaucoup les candidats), maintenir ici un imparfait dans la compltive ce qui ressemble fort une concordance des temps, donc un contresens en thme demande une explication plus prcise sur le raisonnement que suivent les auteurs.

    Absente du premier exercice, cette explication nous est livre plus tard, loccasion du thme XXV :

    Contrairement ce qui se passe dans le style indirect, pour les verbes de connaissance et de perception, le temps du pass se maintient dans la compltive : (les actions sont contemporaines). Ex. : LYSIAS, XI, 2 : , je ne savais mme pas ce qutait loligarchie 30.

    25 Thme II, note 2, p. 16. 26 Pour rappel, lventuel en prose attique ne peut se trouver que dans une proposition subordonne, jamais dans une indpendante ou une principale (la proposition ventuelle peut tre elle-mme la principale dautres subordonnes, mais elle est au dpart une proposition dpendante). 27 Aprs tout, on pourrait avoir dans une relative dterminative un subjonctif dexhortation ou, prcd de , un subjonctif de dfense ; mais qui songerait y recourir ici pour conserver le mode du franais ? 28 Toujours dans la perspective dun thme dAgrgation, la place de nest pas normale ici. La formule . serait plus sage. Il convient, en thme, de rserver lanastrophe aux seuls tours o elle est de rgle (par exemple avec la prposition ou encore avec ). 29 Thme I, note 5, p. 10. 30 Thme XXV, note 3, p. 126.

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    Mais ici encore, plusieurs difficults surgissent. Dabord, le verbe , que les auteurs emploient dans leur traduction, nest ni un verbe de perception, ni un verbe de connaissance ; cest un verbe de sentiment. Tous ces verbes, il est vrai, appellent souvent le mme type de compltives. Ainsi, la construction la plus frquente reposent sur des participiales, qui offrent lavantage de contourner entirement la difficult prsente (un prsent et un imparfait se rendent tous deux par des participes prsents, un parfait et un plus-que-parfait par des participes parfaits). Mais, si lon a recours une compltive introduite par ou , une interrogative indirecte, voire, comme ici, une exclamative aprs un verbe marquant ltonnement, on ne peut chapper aux problmes que posent en grec le style indirect et labsence de concordance des temps.

    Contrairement ce que peuvent laisser penser ces deux notes de Romain Garnier et Lucien Perne que je viens de citer, il nest aucunement de rgle en grec, aprs des verbes de perception par lesprit ou par les sens ou des verbes de sentiment, de maintenir le temps du pass dans la compltive. La seule syntaxe qui prsente ce maintien comme un principe gnral est celle dAllard et Feuilltre31 et encore ne le fait-elle que pour les compltives par ou (et non les interrogatives indirectes ni les exclamatives32) aprs les seuls verbes signifiant savoir . Maurice Lacroix, lui, explique dans son manuel33 :

    La concordance des temps la franaise [] est possible avec les verbes signifiant savoir : , il savait que ctait vrai .

    Possible donc, mais aucunement obligatoire. De plus, il ne sagit pas vraiment de concordance des temps la franaise , ainsi que nous allons le voir.

    En ralit, comme le remarque Marcel Bizos dans sa Syntaxe grecque, les possibilits quoffrent ces compltives par ou aprs des verbes de perception sont bien plus nombreuses :

    Si le verbe principal est un temps secondaire, on emploie dordinaire loptatif oblique aprs ou . On peut aussi employer le mode et le temps du style direct, comme aprs des verbes signifiant dire ; limparfait pour le prsent du style direct, le plus-que-parfait pour le parfait, et linfinitif pour le futur.34

    Les deux premires constructions optatif oblique aprs un temps secondaire ou mode et temps du style direct sont exactement les mmes que celles qui sappliquent aux verbes de dclaration quand ils sont complts par ou 35. Qui plus est, ce sont les deux seules que retient le Cours de thme grec du mme auteur36, o il nest pas question, mme aprs savoir , dun imparfait pour un prsent du style direct. Ainsi, pour Marcel Bizos, en thme tout au moins, les rgles qui gouvernent le discours indirect ne souffrent aucune exception.

    Romain Garnier et Lucien Perne eux-mmes le savent bien, qui traduisent dans lexercice XXXI la phrase de Racine : les Athniens savaient apparemment ce qutait le sel attique par ce tour :

    .

    31 J. Allard et E. Feuilltre, op. cit., 248.1, p. 186. 32 Une interrogative indirecte conserve le mme temps et le mme mode (sauf passage facultatif loptatif oblique aprs une principale un temps secondaire) quune interrogative directe, ce que confirme la Grammaire grecque dAllard et Feuilltre : 251, p. 188. Une exclamative suit les mmes rgles : cf. Herbert Weir Smyth, op. cit., 2686. 33 Maurice Lacroix, op. cit. p. 28. 34 Marcel Bizos, Syntaxe grecque, Vuibert, Paris, p. 141, remarque 1. 35 Id., p. 129-30. 36 Marcel Bizos, Cours de thme grec cit, p. 45.

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    Formule quils font suivre de ce commentaire37 : Le temps de la proposition interrogative indirecte est le mme que celui du discours direct : (ou loptatif oblique ).

    Le verbe savoir , , est videmment un verbe de connaissance . Mais, dans cet exemple, limparfait franais qui est clairement un imparfait de concordance ne se maintient pas dans la compltive, o il ferait contresens38.

    Anne Lebeau, dans son manuel de thme, ne mentionne le cas particulier des verbes signifiant savoir quen passant, dans une note elle-mme confuse exception remarquable dans un ouvrage par ailleurs si clair , ce qui souligne bien les difficults et les doutes que suscite cette question :

    Avec un verbe savoir , il faut toujours se demander si limparfait est, ou non, en franais, un imparfait de concordance ; ce nest pas le cas ici : au moment o Dion est inform, Callipus piait en effet (cest bien un pass).39

    En effet, dans cette remarque, le dbut est de trop. Ce nest pas seulement avec un verbe savoir , mais avec tous les verbes qui introduisent un discours indirect, quil faut se demander si un imparfait, en franais, est un emploi de concordance ou bien un vritable pass. Un imparfait de concordance ne se maintiendra pas en thme grec, o il ferait contresens. Un vritable imparfait, lui, demeurera inchang40.

    Car la rgle gnrale, qui sapplique dans tous les cas o lon a affaire un discours indirect, est bien que la concordance des temps nexiste pas en grec. Verbes de dclaration, dopinion41, de perception ou de sentiment y sont tous soumis. Lorsque, dans les textes, on rencontre aprs des verbes de connaissance des imparfaits ou des plus-que-parfaits qui semblent tre, comme en franais, des emplois de concordance, il sagit en ralit dexplications livres au temps du rcit. Autrement dit, dans de tels cas, le passage considr ne relve pas ou plus du discours indirect, mais nonce simplement un fait au pass42. Quand Antiphon crit (I, 8) : exemple dans lequel on aurait au style direct : ; et au style indirect : (ou ) , le maintien de limparfait dans la compltive en fait lquivalent dun rcit : . De mme, si nous reprenons la citation de Lysias (XI, 2) sur laquelle sappuient Romain Garnier et Lucien Perne dans la note quils consacrent la troisime phrase du thme XXV, le contexte montre bien que nous navons 37 Thme XXXI, note n 3, p. 162. 38 Limparfait dans la compltive signifierait que le sel attique appartient au pass dAthnes. Il serait dj employ dans le mme discours nonc au prsent : les Athniens savent ce qutait le sel attique . Alors que la phrase signifie en fait, une fois annuls les effets, en franais, de la concordance des temps : les Athniens savent ce quest le sel attique . 39 Anne Lebeau, op. cit., note 1, p. 113. 40 Par exemple, dans le thme XIII du recueil de Romain Garnier et Lucien Perne, on peut lire un passage au discours indirect (phrase et note 1, p. 61) o limparfait, qui serait dj employ au discours direct, se maintient, comme de juste, au discours indirect. 41 Les verbes dopinion ne nous intressent pas directement ici, puisquils nadmettent en grec que des compltives linfinitif. Mais il arrive souvent que ces compltives elles-mmes comprennent des subordonnes lindicatif, qui elles peuvent tre concernes. 42 On trouvera une trs bonne explication de ce phnomne, appuye sur de nombreux exemples, dans la Greek Grammar dHerbert Weir Smyth, op. cit., au 2624 pour les compltives par ou : When the present or perfect indicative would have stood in the direct discourse, a past tense of historical narration is often used as a statement of fact by the writer from his own point of view, though the rest of the sentence may be given in indirect discourse after a secondary tense from the point of view of the subject of the leading verb ; et au 2679 pour les interrogatives indirectes. Voir aussi William Watson Goodwin, Syntax of Moods and Tenses of the Greek Verb, Macmillan, 1889, 674, 691 et 701, qui conclut : Such clauses are simply not included in the indirect discourse .

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    pas affaire un discours indirect, mais une srie de faits que lorateur nonce au temps du rcit :

    , , , .

    Ainsi, de toute vidence, javais douze ans quand mon pre est mort, victime des Trente, de sorte que je ne savais pas mme ce qutait loligarchie, pas plus que je ntais capable de porter secours mon pre.

    Le ton dmonstratif, lenchanement des faits, la conscutive relle lindicatif constatant des vnements avrs, o lignorance de laccusateur est place sur le mme plan que son incapacit : tous ces lments sont la marque dune narration qui se veut la plus objective possible. Il nest pas question ici de rapporter des sentiments, mais bien de rciter des faits.

    Dans la phrase du thme XXV qui nous occupe43, Montaigne fait dire Alcibiade propos de Socrate : je remerquay premierement combien il montroit . Romain Garnier et Lucien Perne traduisent : ., considrant dune part que ce nest pas un discours indirect ( contrairement ce qui se passe dans le style indirect ), et prcisant dautre part, entre parenthses dans leur commentaire, que les actions sont contemporaines 44. Il est dsormais clair que cette explication ne suffit pas.

    Dabord, si lon avait lexpression je disais quil montrait , les actions seraient toujours contemporaines, sans remettre pour autant en cause le discours indirect aprs un verbe de dclaration. Ce nest donc probablement pas en ce sens que les auteurs entendent leur remarque ; mais ils ne donnent pas plus de dtails. Quant la conclusion, essentielle la dmonstration, quil ne sagit pas dun discours indirect, elle mrite au moins dtre discute. Si prime lide quAlcibiade livre dans cette phrase un simple fait au temps du rcit, alors limparfait dans la compltive pourrait bien faire sens. Mais attention ! Sagissant non de savoir , mais dun verbe de sentiment, et non dune compltive par ou , mais dune exclamative (qui se comporte comme une interrogative indirecte45), il est fort douteux que puisse sappliquer ici, en thme, la tolrance quautorise le renvoi larticle 248.1 trs discutable, au demeurant, dans ses termes gnraux de la Grammaire grecque dAllard et Feuilltre46. Au contraire, si lon conclut que lAlcmonide rapporte, au style indirect, ses penses du moment, alors les rgles habituelles du discours indirect simposeront et limparfait fera contresens.

    En fait, il semble que les auteurs songent ici une remarque de Louis Schan et douard Delebecque dans leur Essai de stylistique grecque47 :

    la diffrence de ce qui se passe dans le style indirect, le temps du pass se maintient dans les compltives, interrogatives indirectes ou non, dpendant dun verbe de perception (loptatif oblique

    43 Thme XXV, phrase 3, p. 125. 44 Thme XXV, note 3, p. 126. 45 Cf. Herbert Weir Smyth, op. cit., 2677 pour les interrogatives indirectes et 2686 pour les exclamatives. On peut avoir intrt, en thme, remplacer une compltive exclamative par une causale lindicatif afin dchapper aux piges du discours indirect (par exemple, on mettra ou mais non pour viter, en thme, tout risque de confusion avec une compltive prcisment : cf. Herbert Weir Smyth, op. cit., 2248 pour ). Sur les causales, cf. entre autres William Watson Goodwin, op. cit., 496 et 713. 46 Ce doute vaut aussi pour la difficult releve plus haut dans le premier thme du recueil. Pour rappel, Fontenelle, dans son Dialogue des morts, fait dire Gygs : jentendis bien ce que tout cela voulait dire ; ce que les auteurs traduisent : . Or si est bien un verbe de connaissance, il est complt par une interrogative indirecte et non par ou . Limparfait dans la compltive me semble donc faire ici contresens en thme. 47 L. Schan et E. Delebecque, op. cit. : B[69], remarque 2, p. 165.

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    demeurant toujours possible) : lauteur en effet exprime une simple constatation, et parle en son propre nom.

    Or, nouvelle preuve que la question qui nous intresse suscite la confusion, cette note, dans un ouvrage par ailleurs excellent, prsente deux dfauts. Dabord, elle dicte comme une rgle absolue ce qui nest en grec quune possibilit : limparfait ou le plus-que-parfait peut se maintenir dans les compltives dpendant dun verbe de perception (voire de sentiment) ; dans ce cas, effectivement, on na pas affaire un discours indirect, qui conserverait le prsent ou le parfait , mais au rcit de lauteur. Ensuite, en ajoutant entre parenthses que loptatif oblique demeure toujours possible, elle semble indiquer dune part que maintenir le temps du style direct est en revanche impossible, ce qui est faux48 ; et dautre part quun tel emploi de loptatif oblique nappartient pas au style indirect, linstar du maintien du temps du pass , ce qui est galement erron. Jai dj cit la Syntaxe grecque de Marcel Bizos sur ce point et ny reviens donc pas49. Face de telles difficults, le problme, mais la solution aussi, vient, comme dhabitude, de ce que lexercice du thme rclame lapplication draconienne de rgles qui, souvent, liminent sciemment toutes les subtilits de la langue grecque. La prudence doit donc tre de mise. Un candidat lAgrgation aura tout intrt, avant de traduire un texte, supprimer systmatiquement les effets de la concordance de temps en franais et partir du principe absolu quen grec ce phnomne nexiste pas.

    On voit bien ici quel point le choix des auteurs de ne pas citer les sources sur lesquelles se fondent leurs commentaires complique la tche du lecteur. Quand Romain Garnier et Lucien Perne abordent des questions aussi ardues, quand les choix quils retiennent dans leur traduction prsentent des difficults quune explication de quelques lignes ne permet pas de lever, ils devraient, dans les notes quils proposent, sinon expliciter tous les problmes qui sy trouvent associs la place leur manquerait vite, comme en tmoigne notre article , au moins renvoyer aux ouvrages de rfrence susceptibles dclairer le lecteur.

    Les plus classiques des auteurs grecs, on le sait, commettent parfois dans leurs compositions ce que les rgles artificielles du thme classent comme des fautes graves (songeons seulement Dmosthne et son got pour les asyndtes ou pour le parfait). Un thme, sil prend quelques liberts avec les principes qui le gouvernent, peut donc bien employer le meilleur grec, mais non le plus sr. Plus vivante et plus juste que les solutions toujours sages, mais parfois un peu plates, que suggre le strict respect des rgles de lexercice, une telle traduction donne assurment plus de plaisir son auteur, mais peut aussi lui coter des points. Les candidats lAgrgation ont dabord besoin quon leur rappelle les contraintes auxquelles ils doivent se soumettre et quon leur indique des moyens simples pour chapper aux piges les plus courants. Certes, il ne faut pas hsiter leur montrer ce que la langue autorise, une fois affranchie de ce carcan la plupart affronteront aussi une preuve de version grecque ; mais il faut dabord sassurer quils matrisent bien lessentiel.

    Ces quelques reproches ne doivent pas masquer les qualits de cet ouvrage, dont la consultation, en particulier grce aux trois index quil regroupe, sera dune grande utilit qui sintresse au thme grec. Je souhaite seulement engager le lecteur toujours se montrer circonspect et critique quand il doit faire face un exercice aussi difficile. Comme

    48 Voir par exemple Platon, Mnon, 84.a : , , il ne savait pas quel tait le ct dun espace de huit pieds carrs ; Dmosthne, Contre Timocrate, 36 : , , il savait en effet que les autres garanties quil avait institues pour leur dfense, il y avait bien des moyens de les luder ; Sur lambassade, 320 : , , ' [] , ' , il savait clairement, je crois, quil ne pouvait passer si vous veniez laide . 49 Marcel Bizos, op. cit., p. 141, remarque 1. Voir aussi Herbert Weir Smyth, op. cit., 2624.d, p 592 et Jean Carrire, Stylistique grecque, 99, note 1, p. 142.

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    lexpliquent Romain Garnier et Lucien Perne, leur recueil sadresse dabord lintelligence de qui veut apprendre observer, comparer, comprendre ; mais il demande tre complt par la pratique .

    David-Artur Daix cole Normale Suprieure (Paris)

    Rsum :Abstract : PROPOS DUN RCENT RECUEIL DE THMES GRECS : Remarques sur les propositions relatives et le style indirect en grec ancien.Les propositions relativesLe style indirect