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Magine artistique Spectacle vivant / Audiovisuel / Art / Édition / Multimédia HORS-SÉRIE 2012 • www.art-pi.fr DES SOURDS TALENTEUX Presse, théâtre, peinture, sculpture... BANDES DESSINÉES À travers l'Histoire et la communauté Sourde UN PASSÉ RETROUVÉ Images inédites et chefs d'œuvres oubliés AGENDA À la rencontre de la culture Sourde GRATUIT Tricentenaire de la naissance de l'abbé HORS-SÉRIE de l'Epée 9 772118 594009

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Magaz ine artistique

Spectacle vivant / Audiovisuel / Art / Édition / MultimédiaHORS-SÉRIE 2012 • www.art-pi.fr

DES SOURDS TALENTEUXPresse, théâtre, peinture, sculpture...

BANDES DESSINÉESÀ travers l'Histoire et la communauté

Sourde

UN PASSÉ RETROUVÉ

Images inédites et chefs d'œuvres

oubliésAGENDAÀ la rencontre de la culture Sourde

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MAGAZINE ARTISTIQUESUR LES SOURDS ETLA LANGUE DES SIGNES

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Scénario : Sophie Laumondais, Noémie Churlet / Dessin : Alex Sambe

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Un grand merci à notre marraine Emmanuelle Laborit qui nous a soutenus depuis le début de la prépara-tion de ce hors-série.

Au moment où la décision a été prise en interne de prépa-rer un hors-série pour le tricentenaire de l’abbé de l’Épée, je n’avais pas d’enthousiasme particulier pour cet homme. Ce qui m’intéressait : profiter de cet anniversaire pour mettre en lumière les artistes sourds à partir de son époque. J’avoue qu’il m’agaçait un peu, on lui prête l’invention de la Langue des Signes ! C’était considérer les sourds sans intelligence, sans besoin de communication, cela en était vexant ! Lui attribuer la capacité de sauver les sourds de la miséricorde me semblait trop fort. Affirmer qu’il était le premier à ensei-gner aux sourds, c'était faux et cela me donnait envie de dire : « Calmos, ne lui donnons pas tout le mérite !». Après la préparation de ce hors-série, les lectures, découvertes, échanges, discussions, mon regard sur cet homme a changé radicalement.

Je discerne maintenant un homme ne demandant rien, donnant tout à une population mise de côté, en révolution-nant les mentalités. Son objectif, changer un préjugé tenace à cette époque. Oui, les sourds peuvent réfléchir, penser, apprendre, réaliser, contribuer, participer à la société. Lui seul a entrepris, avec une énergie considérable, de faire des sourds des Sourds, leur rendant leur citoyenneté en leur transmettant le savoir. Le premier à aller vers leur diffé-rence et à découvrir, là, leur richesse intellectuelle. Aux yeux du monde entier, il prouva que les sourds étaient humains. À partir de lui, des artistes, écrivains, poètes, journalistes, entrepreneurs sourds se révélèrent et c’était une première dans l’Histoire. Cela, je ne le saisissais pas du tout !

Il y avait bien sûr d’autres précepteurs pour sourds, mais il était le seul à avoir trouvé le jardin secret de la communauté des Silencieux, à faire ouvrir les yeux au monde sur cette dif-férence à respecter. Et cela, sans télé, ni radio, ni internet.

Directrice de publicationRédactrice en chefNoémie Churlet

Co-rédactrice en chefSophie Laumondais

Secrétaire de rédactionJeanne Bally

RédacteursArnaud BalardYves BernardVéronique BerthonneauFabrice BertinYann CantinAdrean Clark

C’est une énergie et un temps non négligeables. Une vraie évolution vers la notion d'humanité, qui se brisait avec le congrès de Milan en 1880. Dans tous les cas, il avait gagné : son enseignement et sa conviction s'étaient répandus dans le monde. Bien que l’Europe ait fermé l'accès au savoir et à l'éducation aux sourds pendant cent ans, nous avons pu nous réveiller grâce à un retour venant d’Amérique, Alfredo Corrado, vers 1976. Lui-même sourd, il a donné de son temps pour nous faire ressurgir de sous terre et nous remettre sur pied afin de briller en France. Cet homme, issu d’une éducation transmise, à l’origine, par l’abbé de l’Épée, a replanté la graine intellectuelle Sourde dans notre pays.

Sans l'incroyable conviction de l’abbé de l’Épée, nous n’au-rions pas connu d'expansion de notre culture, de notre iden-tité. Je comprends mieux l’énorme respect qu’avaient pour lui les artistes sourds de son époque (et encore aujourd’hui), et pourquoi chaque artiste consacrait au moins une de ses œuvres à l’abbé de l’Épée.Oui, cela aurait pu être une autre personne, mais ce fut bien lui, Charles-Michel de l’Espée.Je finis alors cet édito en disant : « Merci, Charles-Michel, vous avez vraiment été le point de départ de notre déve-loppement culturel, intellectuel et artistique. Ce que j’étais ingrate ! Pardonnez-moi et merci ! Bon anniversaire ! »

Et mes chers lecteurs, bonne lecture et retenez vos mâchoires !

P.S. : Seul petit regret, dommage que peu de dames sourdes aient eu leur place dans l’art à l’époque. Mais on se rattrape aujourd’hui!...

Noémie ChurletDirectrice de publication d'Art'Pi!

Edito

Yves DelaporteGeneviève PometSandrine RinchevalOlivier SchetritPauline Stroesser

Rédactrices AgendaSylvaine BeaughonCélia Giglio

Responsable équipe traduction français/anglais Sébastien Giozzet

Traducteurs français/anglaisIrène BartokMartin Dayan

Didier FloryPierre SchmittYaron Shavit

Directrice artistiqueJessica Boroy

MaquettistesJessica Boroy Sabine Salha

IllustrateursJean-Marie HallegotDaniel Le CoqAlice MessacElza MontlahucAlex Sambe

IconographesIvan VerbizhRichard Zampolini

Photographe, reproduction, retouchesRichard Zampolini

MaquilleuseEmmanuelle Rico-Chastel

WebmasterJax Prod Art

Assistant webmasterTuan Le Anh

Directrice de communicationSophie Laumondais

Assistants de communicationDavid De FilippoCéline Hayat Bufarull

Associationporteuse du projetArt’Sign254, rue Saint-Jacques75005 Pariswww.art-sign.orgN°SIRET : 4900848030025

ImpressionCPI Aubin Imprimeur

EDITO

Couverture : Elza Montlahucwww.elzazimut.blogspot.fr

Sourd est utilisé pour désigner la Culture Sourdesourd est utilisé pour la généralité, pour l'aspect médical

6 Art’Pi!

02Annonces Art'Pi !Abonnez-vous, publiez vos événements, diffusez vos publicités...

04QR, c'est quoi ?05Édito08 L'abbé de l'Épée : de la légende au mytheRien de plus étonnant que les fausses croyances qui entourent la vie de l’abbé de l’Épée !

10 Devenus des Hommes grâce aux signesMalgré les préjugés, certaines œuvres ont contribué à montrer comment les signes rendent leur humanité aux sourds.

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Signes de RueSi l’abbé de l’Épée n’avait pas existé, comment seraient la culture et l’art Sourds aujourd’hui ?

18 Jean le Sourd de Yann Cantin, Céline Rames et DanoUne bande dessinée qui met en avant la communauté des sourds durant le siècle des Lumières.

22 Peintres et sculpteurs : une gloire oubliéeDans le passé, les sourds ont rivalisé d’égal à égal avec de grands artistes entendants.

28Un sculpteur engagéClaude-André Deseine, artiste révolutionnaire.

30Le Musée universel des sourds-muetsIl fut un temps où de nombreux sourds produisaient des œuvres d'art, regroupées dans un lieu à la gloire du passé.

34Des célébrités influencées par des sourdsDes artistes célèbres ont construit leur carrière avec l'influence de sourds.

36GalerieLes représentations artistiques de l'abbé de l'Épée.

40La presse SilencieuseL'histoire de la presse Sourde.

44Strip46Le personnage sourd au théâtreTour à tour miraculé, ridiculisé ou valorisé, le personnage sourd apparaît sur scène depuis toujours.

52Quand les sourds font leur cinémaL’évolution du rôle des sourds dans l’industrie cinématographique, et la manière dont ils sont représentés, sont intimement liées à l’histoire de la culture Sourde.

Sommaire

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Art’Pi! 7

Charles-Michel de l'Espée naît le 24 novembre 1712 à Versailles. Après des études de droit, il s'oriente vers

l'église. Vers 1760, grâce à la rencontre de deux jumelles sourdes qui communiquent entre elles en Langue des Signes, il pense pouvoir instruire religieusement les sourds et leur apprendre à lire et à écrire. Il crée alors la première école gratuite permettant aux sourds de milieux défavorisés de rece-voir une instruction.

Plongeant dans l'inconnu, il met en place un langage de signes méthodiques spécia-lement conçu pour l’enseignement du fran-çais, à partir de certains gestes appris de ses élèves sourds et d’autres signes grammati-caux de son invention. Son enseignement n'est pas parfait mais il ouvre une voie, et son action se répercute au-delà des fron-tières (Europe, États-Unis, etc.).

56Le film L'abbé de l'Épée de Michel RouvièreZoom sur le premier film français réalisé par une équipe entièrement composée de sourds.

58BD 59AgendaLe calendrier des événements à ne pas manquer de septembre à décembre : une célébration de la culture Sourde !

60Spectacle vivantThéâtre, contes, ateliers, lectures, festivals...

61AudiovisuelCinéma, vidéo, art visuel...

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Art/CultureArchitecture, Histoire, arts plastiques... et les banquets du tricentenaire

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MultimédiaÀ découvrir sur la toile

64ÉditionBandes dessinées, journaux, romans, rencontres...

66RemerciementsLégendes photos (à gauche) 1 Paul Choppin avec ses amis à côté de la statue de l'abbé de l'Épée. © Amicale des anciens élèves de l'INJS de Paris.

2 Pièce de théâtre L’Abbé de l’Épée jouée par des sourds © Amicale des anciens élèves de l’INJS de Paris

3 Tournage du film L'abbé de l’Épée de Michel Rouvière. Guy Bouchauveau derrière la caméra. © Michel Rouvière

Il est le premier à baser son enseignement sur des gestes qui viennent des sourds eux-mêmes. En organisant des séances publics d'apprentissage, il montre au reste du monde que les sourds peuvent être ins-truits et considérés comme des Hommes, des citoyens, et que les signes peuvent être une langue. Il fait de l'instruction des sourds une vrai vocation, donnant tout ce qu'il a pour eux.

Le fait qu'il ait regroupé des élèves sourds a favorisé la communication entre eux, ce qui a permis le développement et le perfection-nement de la Langue des Signes Française (LSF).

L'abbé de l'Épée est mort le 23 décembre 1789, à Paris. En 1791, l'Assemblée Nationale l'a reconnu en décrétant que son nom serait inscrit comme bienfaiteur de l'humanité et que les sourds bénéficieraient des Droits de l'Homme.

Deux ans après sa mort, l'école qu'il a créée est prise en charge par l'État et devient une institution. Il s'agit aujourd'hui de l'Institut National des Jeunes Sourds, situé rue Saint-Jacques, à Paris.

L'abbé de l'ÉpéeQui est-ce ?

Émancipation des Sourds-Muets. Illustrateur sourd. Nom inconnu. © Archives de l'INJS

L’abbé de l’Épée instruisant les élèves © Archives de l’INJS

8 Art’Pi!

L'ABBÉ DE L'ÉPÉE : DE LA LÉGENDE AU MYTHE

jumelles sourdes-muettes. Cette belle histoire n’est rien d’autre qu’une suite de symboles : les ténèbres et les éléments naturels déchaînés symbolisent l’état de confusion dans lequel étaient plongés les sourds, tandis que la lumière entraperçue du logis où vivent les jumelles apporte la promesse d’un passage d’un état de sauvagerie à l’état de culture.

La construction d’un mythe

Ce récit fondateur présente toutes les caractéristiques d’un mythe d’origine, dont la fonction est de rassembler les membres d’une collectivité humaine autour des mêmes valeurs en leur révélant, de manière cohérente et convaincante, ce qu’ils sont et d’où ils viennent. De retour chez lui, l’abbé invente dans la nuit la Langue des Signes (ou, selon les versions, seulement l’alphabet manuel). Que ce récit se situe dans l’ordre du sacré, la preuve en est également apportée par le vocabulaire utilisé pour nommer le bon abbé. Ces appellations empruntent souvent à la sphère du religieux : "apôtre des sourds-muets", "Messie d’un peuple trop longtemps déchu", "nouveau Rédempteur", "ange descendu du ciel"…

Le personnage exceptionnel qu’a été l’abbé de l’Épée, sa rencontre quasi-miraculeuse avec les jumelles, la démonstration qu’il est possible de tout enseigner aux sourds avec des signes gestuels, la venue de l’empereur d’Autriche à l’école de la rue des Moulins, la mort de l’abbé qui aurait refusé de chauffer sa chambre pour économiser l’argent qu’il réservait tout entier à son œuvre : tout cela constitue les éléments d’une belle légende. En rassemblant pour la première fois au monde, dans un même lieu, une collectivité d’enfants sourds, l’abbé de l’Épée est bel et bien à l’origine de ce qui sera baptisé au XIXème siècle "la nation sourde-muette". Il ne manquait qu’une pièce au puzzle pour que l’histoire devienne mythe : que le "père spirituel des sourds-muets" ait inventé la Langue des Signes pour leur en faire don.

YVES DELAPORTE

Un récit fondateur

Rien de plus étonnant que les fausses croyances qui entourent la vie de l’abbé de l’Épée : on lui attribue couramment l’invention de la Langue

des Signes et de l’alphabet manuel. Observées chez des entendants, de telles erreurs s’expliquent assez bien : persuadés qu’une vraie langue ne saurait être que vocale, les entendants s’imaginent que la Langue des Signes n’est qu’un simple transcodage du français. Seul un entendant, pédagogue auprès d’enfants sourds, a donc pu l’inventer. Ce n’est qu’un cas particulier de l’ignorance générale qui a longtemps entouré les sourds. Mais lorsque les mêmes erreurs se rencontrent chez les sourds eux-mêmes, ce qui est fréquent, cela devient plus difficilement compréhensible. Il y a là une véritable énigme.

Pour résoudre cette énigme, il faut se reporter au récit de la rencontre avec les jumelles, récit qui a été fait des milliers de fois, notamment dans les banquets en hommage au "sublime instituteur des sourds-muets". Ce récit qui s’est transmis pendant plus de deux siècles situe la rencontre par une nuit d’orage, les éclairs illuminant le ciel par saccades. S’abritant sous une porte cochère, l’abbé aperçoit un logis éclairé où il court se réfugier avant de se trouver confronté à deux

PAGE DE DROITE Charles-Michel de l’Epée désigné pour délivrer les

sourds-muets. Gravure de Joseph Cochefer (1849-1923).

© Archives de l'INJS

Les élèves de l’institution de la rue Saint-Jacques

réunis autour de la statue de l’abbé de l’Épée. Gravure

d’Auguste Colas, sourd-muet, 1879. © Archives de l'INJS

Banquet de la Société centrale des sourds-muets,

pour l’anniversaire de la mort de l’abbé de l’Épée.

28 novembre 1886. Gravure d’Auguste Colas.

© Archives de l'INJS

mytheToute civilisation comporte ses rites, contes et légendes. Chez les entendants et dans la communauté Sourde, l'abbé de l'Épée est souvent représenté comme un sauveur guidé par les anges ou encensé par tous. Sa légende dépasse les frontières autant que les réalités. L’écrivain et ethnologue Yves Delaporte se penche sur une histoire devenue un mythe.

de la légendeL'

au

abbéde l'Épée:

Art’Pi! 9

10 Art’Pi!

Art’Pi! 11

C’est en 1760 que la situation changea. « Un seul homme se présenta, dont le regard puissant dit aux sourds-muets : Et vous aussi, vous serez hommes ! » (extrait de la pièce L’abbé de l’Épée de Bouilly, écrite en 1799). Avec l’arrivée de l’abbé de l’Épée, le regard sur les sourds évolua. En découvrant deux sœurs jumelles sourdes qui communiquaient entre elles par signes, il comprit toute l’injustice des préjugés envers les sourds et s’empressa de le faire savoir au monde. La décou-verte d’une langue qui leur est propre mit en lumière un fait : les sourds pensaient, communiquaient entre eux et pouvaient ainsi accéder au savoir si les signes étaient utilisés.

« La langue des signes libère les sourds, elle les rend citoyens participant à la marche du monde et agissant sur lui .» (Christian Cuxac)

Les créations montrant les sourds autrement qu’en tant qu’êtres inférieurs deviennent par la suite plus nombreuses. Deux œuvres, l’Éloge historique de Charles-Michel de l’Épée, fondateur de l’Institution des Sourds-Muets du français Auguste Bébian (1819), et le manga L’orchestre des doigts d'Osamu Yamamoto (1991), basé sur l’histoire du japonais Kiyoshi Takahashi, montrent à leur manière comment les signes ont rendu leur humanité aux sourds. Bébian et Takahashi sont deux professeurs entendants, défenseurs de la Langue des Signes, qui joueront un rôle important pour l’éman-cipation des sourds, avec des milliers de kilomètres et un siècle d’écart.

Dans les arts et les esprits, les sourds sont sou-vent assimilés à des monstres, des idiots, des êtres inférieurs. Plusieurs ouvrages témoignent

ainsi du sort qui leur est réservé. Pierre Desloges, sourd depuis l’âge de sept ans, raconte, dans une lettre écrite en 1780, qu’il est « forcé de lutter sans cesse contre la misère, l’opinion, le préjugé, les injures, les railleries les plus sanglantes des parents, d’amis, de voisins, de confrères... » qui le traitent « de bête, d’imbécile… ».

Dans le livre Surdité, surdi-mutité et mutisme dans le théâtre français de René Bernard (1941), la description n’est pas plus enviable : « Les sourds-muets végé-taient dans une situation pitoyable. Le vulgaire les fuyait, tenant leur rencontre pour un présage de mau-vais augure. Il jugeait leur présence fatale aux femmes enceintes, ou les accusait de porter malheur à leur entourage.»

Selon Joseph-Marie Gérando, dans L'éducation des sourds-muets de naissance (1827), l’abbé de l’Épée aurait ainsi assuré que « dans certains pays l'on fait mourir, à l'âge de trois ans au plus tard, les sourds-muets, parce qu'on les considère comme des monstres. » Ferdinand Berthier, à son tour, constatait dans son livre L'abbé de l'Épée, sa vie, son apostolat, ses travaux, sa lutte et ses succès (1852) : « Depuis des siècles, ces tristes victimes de la nature marâtre courbaient le front sous le joug d'un préjugé barbare. La foule indifférente regardait d'un œil de dédain cette caste de nouvelle espèce, comme elle les appelait, cir-culer au milieu d'elle. Ils languissaient, ces infortunés, dans l'ignorance et dans l'esclavage : ils attendaient un nouveau Messie qui vînt briser leurs fers. »

Devenus

DEVENUS DES HOMMES GRÂCE AUX SIGNES

La Langue des Signes est

ainsi l’élément clef qui

ouv rit les portes du monde

et de la connaissance aux

sourds, qui leur permit

d’être des Hommes parmi

les Hommes.

Le Comité National Français. Le premier groupe exprime le mot “humanité”, le second le mot “égalité”. © Archives de l'INJS

Illustration : Elza Montllahuc

des

Hommes grâce aux signes

LE SAVIEZ-VOUS ?Denis Diderot (1713-1784), écrivain et

philosophe français, est l’auteur d’une

Lettre sur les sourds et muets à l’usage de ceux qui entendent et

qui parlent (1751). Pour prouver que les signes permettent d’accéder à l’abstraction, il décrit une partie d’échecs au cours de laquelle un

spectateur sourd-muet le prévient qu’il ne peut

plus éviter le mat.

12 Art’Pi!

L’Éloge historique de Charles-Michel de l’Épée d’Auguste BébianL’auteurRoch-Ambroise Auguste Bébian (1789-1839), enten-dant d’origine guadeloupéenne, est un fervent défen-seur de la Langue des Signes. Filleul de l’abbé Sicard, directeur de l’Institut National des Sourds et Muets de Paris (INSM), iI côtoie les élèves sourds et apprend la Langue des Signes qu’ils utilisent entre eux. Enseignant à l’Institut et auteur de plusieurs essais, ses choix en faveur de la vraie Langue des Signes au lieu des signes méthodiques de l’abbé de l’Épée déplaisent, dans un contexte de montée de l’oralisme. Exclu en 1821, les élèves réclameront son retour, en vain.

L'œuvreL'Éloge de l'abbé de l'Épée est écrit et prononcé en 1819, pour le concours organisé par la Société royale aca-démique des sciences de Paris. Bébian remportera le concours avec son ouvrage jugé « aussi bien écrit que pensé ». Ce texte fait l’éloge de l’abbé de l’Épée mais également celui de la Langue des Signes "naturelle" et montre le point de vue de Bébian sur l’éducation des Sourds.

Le personnage principal L’abbé de l’Épée (1712-1789)

Comment les signes rendent leur humanité aux sourds ?Dans ce discours, Auguste Bébian montre de quelle manière les sourds étaient auparavant mis de côté, rejetés par leur famille, éloignés du savoir, de l’Histoire commune des Hommes. « Un préjugé aussi absurde qu’il est humiliant pour l’espèce humaine représentait le sourd-muet comme une sorte d’automate, sensible aux impressions physiques, mais dont aucune étin-celle de raison n’éclairait l’esprit, dont aucun senti-ment n’échauffait le cœur. Étranger au sein même de sa famille, cet enfant, délaissé du ciel et des hommes, était relégué, par l’amour-propre de ses parents, loin de la société, où il n’inspirait qu’une pitié humiliante ! »Grâce à l’abbé de l’Épée et à la Langue des Signes, les sourds ont gagné de la considération de la part de leurs semblables ainsi que leur place parmi les Hommes. « Mais depuis que les succès obtenus dans leur éducation ont prouvé qu’ils ne diffèrent des autres hommes que par les préjugés qu’ils n’ont point, et dont notre enfance est imbue, les parents n’ont plus rougi de leur avoir donné le jour, et les sourds-muets ont paru sans honte. » Ils retrouvent ainsi leur droit à la connaissance et à la dignité, jusqu’à retrouver égale-ment le droit à la vie : « ...et il semble que le nombre de ces infortunés se soit accru depuis que leur sort s’est amélioré. »

Pour Bébian, cette réussite et ce changement de regard sont l’œuvre indéniable de la Langue des Signes. « Si, à force de soins, de temps et de patience, quelques maîtres habiles se consacrant exclusivement à l’éducation d’un ou deux sourds-muets ont obtenu des résultats assez satisfaisants, mais toujours plus brillants que solides, ils en ont été exclusivement redevables à l’emploi, même irrégulier, qu’ils ont fait du langage des signes, seul moyen de communication qui existe, dans le principe, entre le maître et le sourd-muet. »

Roch-Ambroise Auguste Bébian peint par Marie Auguste Chassevent © Collection INJS de Paris

L’abbé de l’Épée instruisant ses élèves en présence de

Louis XVI par Gonzague Privat © Archives de l'INJS

ARRIÈRE-PLANPremière école des

sourds-muets, 1876 © Archives de l'INJS

DEVENUS DES HOMMES GRÂCE AUX SIGNES

Éloge historique de Charles-Michel de l’Épée de Bébian, vu par Geneviève Pomet et Fabrice BertinArrivé de Guadeloupe en 1802 à treize ans, entendant, filleul de Sicard, Bébian noue vite des liens forts avec les sourds. Imprégné et admiratif de la "mimique", son Éloge pourrait s’intituler aujourd’hui Éloge de la Langue des Signes - Pour une lecture critique de l’œuvre de l’abbé de l’Épée. Ainsi, l’Éloge va bien plus loin qu’un hommage rendu au "père des Sourds" : c’est, d’abord, un texte à la gloire de la vraie Langue des Signes, par opposition aux signes méthodiques de l’abbé de l’Épée. C’est également un texte à tiroirs contenant des thématiques totalement visionnaires, comme la place des enseignants sourds, le bienfait des signes sur les enfants entendants, la ques-tion des Langues des Signes comme langues humaines premières, ou d’une langue universelle.

Aborder tous ces thèmes, les démontrer et les faire com-prendre afin de les faire accepter… l’affaire est complexe, l’objectif ambitieux ! Le personnage de l’abbé de l’Épée est alors un prétexte formidable. Son grand mérite est d’avoir fait la preuve de l’éducabilité collective des sourds grâce à leur propre langue, et cela, Bébian le loue haut et fort ; mais il va être pour lui beaucoup plus fondamental de bien distinguer Langue des Signes et signes métho-diques. L'Éloge, tout en louant essentiellement le désin-téressement de l'abbé de l’Épée, va lui servir de terrain de preuves et de démonstration. Car en réalité, Bébian considère que de l’Épée est dans l’erreur pédagogique. Ce que confirmera Ferdinand Berthier dès qu’il se mettra à écrire…

Bébian rend très sincèrement hommage à l’abbé de l’Épée : « Quelle supériorité ne remarquerons-nous pas dans les procédés de l’abbé de l’Épée. » Mais ce qu’il

révère en l’abbé relève surtout des qualités morales, car, par ailleurs, pour Bébian, de l’Épée, non seulement n’est pas allé au bout de ses intuitions, mais s’est pédagogi-quement trompé dans son système de signes métho-diques. Bébian dit clairement, à plusieurs endroits, que ce système peut même être nuisible. Mais comment dire cela sans offenser la mémoire du grand précurseur ? Comment faire comprendre vraiment l’action de l'abbé de l'Épée, sans la minimiser ? Et surtout sans froisser, non seulement ceux qui l’admirent vraiment et qui sont nombreux, mais aussi les bailleurs de fonds de l’époque ? Bébian va donc écrire sur deux axes : un axe moral pour louer le désintéressement de l’abbé et sa modestie ; et un axe technique, montrant ce qu’il faudrait faire pour réussir l’instruction des sourds, car il connaît la Langue des Signes et les sourds et leurs besoins pédagogiques. Mais, en dehors du soutien des sourds, il est relativement isolé et doit gagner des partisans à sa cause, vaincre des hostilités…

Texte précurseur et très riche, L’Éloge historique de Charles-Michel de l’Épée mérite une étude approfon-die : gageons que les idées qui y sont développées ont joué un rôle essentiel dans l’entreprise d’émancipation des sourds, poursuivie ensuite par Berthier. Bébian a agi dans une attitude de profond respect, d’honnêteté morale, suffisamment rare, encore de nos jours, pour être soulignée.

FABRICE BERTINGENEVIÈVE POMETAssociation Bébian,

Un Autre Monde

14 Art’Pi!

L’orchestre des doigts d’Osamu Yamamoto

L’auteur Osamu YamamotoScénariste et dessinateur japo-nais, il utilise souvent dans ses œuvres les thèmes du han-dicap et de la musique. Avant L’orchestre des doigts, il sort en 1988 le manga Köshien loin-tain. Le récit est basé sur l’his-toire vraie de lycéens sourds qui créent un club de baseball et

souhaitent participer à un tournoi, malgré l’interdiction de la fédération de baseball. Cette œuvre a été adap-tée en film et en série télévisée. Yamamoto a appris la Langue des Signes Japonaise (JSL) pour dessiner au mieux ces deux mangas sur l’Histoire des sourds.

L'œuvreL’orchestre des doigts est un manga en quatre tomes, écrit en 1991, présentant la vie de Kiyoshi Takahashi. Ce manga s’inspire des livres autobiographiques de Yoriko Kawabuchi, fille adoptive de Takahashi, qui traitent directement de la communauté Sourde japonaise : Les os des doigts et La langue des signes est notre cœur. Avec force et émotion, le manga montre comment Takahashi a résisté, dans des conditions souvent très difficiles, pour que ses élèves puissent continuer à utiliser la Langue des Signes Japonaise, alors que les autres écoles du pays se convertissaient massivement à l’oralisme.

Le personnage principal Kiyoshi Takahashi (1890-1958)Takahashi devint le directeur de l’école des sourds à Ôsaka au début du XXème siècle. Il fut moqué, conspué, raillé par ses collègues : plus que tout, il voulait que ses élèves soient heureux ; pour cela, il défendait la Langue des Signes et une éducation adaptée à chaque enfant. Il participa à la création de la dactylologie japonaise uti-lisée de nos jours, créa la première chanson en Langue des Signes et perpétua au Japon les banquets organi-sés en hommage à l’abbé de l’Épée.

Comment les signes rendent leur humanité aux sourds ?Dans le premier tome, Takahashi fait la rencontre d’Issaku Toda, un petit garçon sourd de naissance, issu d’une famille entendante. Arrivé récemment à l’école des sourds et aveugles d’Ôsaka, le garçon est violent, agresse ses camarades, hurle et ne comprend pas ce qu’on lui dit. Il vole de la nourriture et ne reçoit en réponse que des coups de bâtons, de la violence et du rejet. Le manque de communication isole l’enfant. Livré à lui même, il est muré dans un monde de violence et d’incompréhension. Issaku Toda et Takahashi vont découvrir ensemble la Langue des Signes, la seule pas-serelle qui va leur permettre de se comprendre.

Une petite fi lle, Matsué, va montrer à Issaku que chaque chos e correspond à un signe, chaque chos e

peut être nommée, que lui-même à un nom.

Par le signe, par le visuel, il comprend le monde qui l’en-toure et peut enfin communiquer avec les autres. En accédant à la conscience de ce qui l’entoure, la Langue des Signes lui donne un nom et le rend citoyen parmi les Hommes.

L'orchestre des doigts, tome 1 à 4 d'Osamu Yamamoto © 2006 Éditions Milan

Portrait peint de Kiyoshi Takahashi © Photo de

Naomiki Satô

ARRIÈRE-PLANFleurs de cerisier du Japon

© Hiroyoshi Takeda

DEVENUS DES HOMMES GRÂCE AUX SIGNES

Comment avez-vous participé à l’adaptation française du manga L'orchestre des doigts ?Je suis venu en France il y a dix-sept ans pour faire des études de langue et de lin-guistique. Juste avant de partir du Japon, j'ai rencontré par hasard une interprète JSL/japonais. Après avoir passé un an en France, j'ai eu envie d'apprendre la LSF. Je me suis inscrit dans une association

et, en parallèle, j'ai suivi les cours de Christian Cuxac à Paris V. Un jour, au Japon, dans une librairie à côté de chez mes parents, je suis tombé sur L'orchestre des doigts, qui m'a littéralement bouleversé. Plusieurs années plus tard, je l’ai proposé à des éditeurs avec les-quels j’avais collaboré depuis quelques années. Ce sont les Éditions Milan, basées à Toulouse, qui ont accepté l'adaptation française, et l'aventure a commencé pour moi. J'ai voulu absolument apporter un regard "sourd" sur l'adaptation. J'ai rencontré, par l'intermédiaire d'un ami, un peu par hasard, Fabrice Bertin, spécialiste de l'éducation des enfants sourds. Il m'a aidé en supervisant l'adaptation du manga.

Connaissez-vous la communauté sourde au Japon ?Je ne la connais pas bien, ni la Langue des Signes Japonaise, pour la simple raison que j'ai découvert la Langue des Signes en France. Je la connais un peu grâce à mes amis japonais, sourds et entendants. J'ai l'impres-sion que les sourds français et les sourds japonais n'ont pas réagi de la même manière à l’interdiction de la Langue des Signes dans le milieu scolaire. Malgré l'interdiction,

les sourds français ont pu transmettre leur Langue des Signes à la génération suivante, mais au Japon, il y a des sourds qui ne savent pas signer, même s'ils ont étudié dans les écoles pour sourds. J'y vois un certain esprit de résistance à la française.

Quelle différence y a-t-ilentre la France et le Japon ?J'ai appris que le japonais signé est devenu un moyen de communication standardisé pour un certain nombre de malentendants et de personnes devenues sourdes. L'existence du japonais signé crée une confusion impor-tante au Japon. C'est souvent le japonais signé qui est enseigné en tant que Langue des Signes Japonaise. Il existe maintenant une école primaire et un collège pri-vés bilingues JSL/japonais écrit à Tokyo, mais dans les autres établissements spécialisés, la JSL n'a pas encore le statut de langue à part entière. Ce n'est déjà pas mal qu'aujourd'hui, les élèves sourds puissent signer dans ces établissements sans interdiction.

Que vous a apporté le fait de travailler sur ce manga ?Cela m'a permis d'approfondir mes connaissances sur la surdité et la Langue des Signes en général. Je suis sur-tout content d’avoir permis aux Français de connaître Monsieur Takahashi, qui admirait l'abbé de l'Épée et organisait tous les ans au Japon un banquet pour son anniversaire, alors que la méthode oraliste avait presque conquis le terrain. Maintenant, je suis en contact avec Madame Kawabuchi, et je sais qu’elle est également très contente que son père soit désormais connu en France, le pays de l'abbé de l'Épée.

Interview de Naomiki Satô, traducteur de L'orchestre des doigts

Des Hommes quoi qu'il arriveL’abbé de l’Épée a marqué les esprits à travers le monde en reconnaissant la Langue des Signes comme un moyen d'accès au savoir et à la citoyenneté. À par-tir de son premier pas, de nombreux autres ont suivi, tels ceux de Bébian ou de Takahashi qui, eux-mêmes, sont allés encore plus loin. Malgré leurs efforts, les préjugés et le dénigrement des minorités ont la peau dure, et de nombreuses œuvres montrent les sourds comme des infirmes, des handicapés, des êtres à répa-rer. Encore aujourd’hui, les mentalités doivent évoluer. Mais l’œuvre de l’abbé de l’Épée continue d’être célé-brée chaque année dans le monde, et quoi qu’il arrive, il ne sera plus possible de faire machine arrière. Ce qu’il a mis en lumière est gravé dans l’Histoire à jamais.

SOPHIE LAUMONDAIS

16 Art’Pi!

SIGNES DE RUE

Si l’abbé de l’Épée n’avait pas ex isté, comment seraient la culture et l’art Sourds aujourd’hui ?

Th omasPeut-être que la culture Sourde ne se serait pas développée autant. Ça aurait pu être pire, prendre peut-être cent ans, voire plus. L’abbé de l’Épée a donné la base aux sourds : l’éducation. Puis ils ont été très actifs dans le sport, et ensuite dans l’art et la culture. Qui sait comment ce serait aujourd’hui ?

BrunoIl y aurait forcément eu d’autres personnes, mais plus tard. Peut-être 200, 250 ans après. On peut aussi supposer qu’il n'y aurait peut-être pas eu le Congrès de Milan. Comment savoir ? De toutes façons, les sourds n’auraient pas pu rester passifs aussi longtemps. Il se serait for-cément passé quelque chose.

AnnetteMême sans l’abbé de l'Épée, on n'aurait pas laissé tomber. Il y a d’autres sourds histo-riques qui sont plus militants, importants pour la communauté Sourde, comme Ferdinand Berthier, par exemple.

RachidIl est unique au monde, c’est le premier à avoir dit aux sourds de lire et écrire. Il leur a donné le sens du collectif aussi, avec la création des internats pour les sourds. Imagine, s’il n’avait pas rencontré les deux sœurs mais juste une seule fille sourde, comme l’abbé aurait-il pu voir les signes ?

BrigittePossible qu’aujourd’hui, il n’y ait rien. Comme il était le fils de l’architecte de Louis XVI, il avait de bonnes relations, et était déjà sensibilisé à l’art. Il a lui-même transmis l’art et la culture aux sourds par l’éducation.

NicolasIl ne faut pas mélanger la culture Sourde et l’abbé de l'Épée. La culture Sourde existait bien avant lui. Il n'a été qu'un révéla-teur parmi d'autres. ll a montré à sa manière qu'il existait une langue et l'a fait savoir auprès des entendants haut placés. Ç'aurait pu être lui, comme une autre personne.

FabienIl y en aurait eu d’autres ! sourds ou entendants. Par exemple, IVT a été créé par Alfredo Corrado, sourd américain. Il est possible que d’autres personnes aient pu créer des écoles pour les sourds même s’il n’y avait pas eu l’abbé de l’Épée.

AlbanDifficile d'imaginer sans lui. Je pense qu'on aurait quand même developpé la culture et l'art Sourds, mais autrement. Nos signes seraient peut-être différents et la France ne serait pas le premier pays à avoir eu la première école en Langue des Signes.

CATHERINE COINTE http://monde-catherinecointe.blogspot.com

SIGNES DE RUE / STRIP

18 Art’Pi!

Art’Pi! 19

Une histoire de sourds à travers l'Histoire

C’est une création inédite et originale que réalise ce trio d’auteurs en choisissant de s’orienter vers une bande dessinée historique à travers la vie des sourds. L’attention est focalisée sur les petites histoires et mœurs des sourds pour finalement raconter l'Histoire, la grande, celle de la Révolution française. Nous décou-vrons ainsi, avec satisfaction et surprise, la joyeuse vivacité des sourds et l’engouement autour de la Langue des Signes, malgré tous les obstacles et frus-trations de l’époque.

Céline, Dano et Yann ont voulu une BD vivante et humaine sur la communauté Sourde de Paris. Ils montrent que le XVIIIème siècle était réellement le siècle des Lumières pour la France et le Monde, mais aussi pour les sourds. Ce siècle, symbole de révolutions sociales et intellectuelles, encouragea l'émergence de la Langue des Signes jusqu’à la date fatidique qui marqua durablement la communauté Sourde. Mais ça, c’est une autre histoire. Dano, Yann et Céline se feront une joie de vous la raconter dans un prochain tome.

Un premier album sur les sourds au XVIIIème siècle

Les trois auteurs de cet album signent ici leur première réalisation dans le monde de la bande dessinée. Ils viennent chacun d’univers diffé-

rents mais sont indéniablement complémentaires. Yann, historien, fouille avec curiosité dans les archives pour connaître l’Histoire des sourds. Céline, metteuse en scène, imagine des histoires avec finesse. Et c’est avec brio que l’illustrateur Dano apporte une dimension visuelle aux livres.

Depuis 2007, ils unissent leurs talents pour créer un album mettant en relief les interactions entre l’abbé de l’Épée et la communauté Sourde parisienne du XVIIIème siècle. Le récit s’articule autour de la vie d’un jeune orphelin, ouvrier en ébénisterie, Jean le Sourd. Il sera à la fois témoin et acteur de l’Histoire avec un grand H, de l’Histoire des sourds et tout simplement maître de son destin. Au fil des pages, il lui arrivera ainsi de croi-ser des personnages célèbres comme l’abbé de l’Épée ou Pierre Desloges mais aussi une jeune et charmante institutrice sourde.

Couverture de Jean Le Sourd © Monica Companys

Jean le Sourd

JEAN LE SOURD DE YANN CANTIN, CÉLINE RAMES ET DANO

Enfin une bande dessinée qui met en avant la communauté des sourds durant le siècle des Lumières !

Croquis de Pierre Desloges, sourd, personnage réel,

avec Jean le Sourd, person-nage imaginaire.

PAGE DE GAUCHE Extrait de page de Jean Le Sourd © Monica Companys

de Yann Cantin, Céline Rames et Dano

20 Art’Pi!

Yann Cantin, spécialiste de l'Histoire des sourds, prépare une thèse sur les sourds-muets de la Belle Époque à l'EHESS (École des Hautes Études en Sciences Sociales) et est égale-ment boursier du CNRS.

Daniel Le Coq dit Dano, dessinateur. Il a travaillé

comme maquettiste et illustrateur pigiste pour

Le dernier des sourds avec Claire Garguier et Didier Flory, Picto Mag

avec Laurent Valo, La Montagne du Silence

et Les Signes Bleus.

Céline Rames, coordinatrice et responsable de projets culturels au sein de l’association Art’Sign depuis 2007. Metteuse en scène de formation, elle travaille sur des créations théâ-trales associant artistes sourds et entendants.

Les auteurs

La création de cet

album aura été une

belle aventure, longue

certes, mais belle !

Un travail d’équipe

très intéressant et

riche en échanges

historiques.

J’espère

qu’il y aura

une suite,

mais pas

tout de suite

;-)

Jean le SourdBD en couleurs, tirage limitéÉdition : Monica companysSoutien : Association Art’SignAuteurs : Dano, Yann Cantin et Céline RamesTout public, 21 x 28 cm84 pages (comprenant un cahier documentaire d’une dizaine de pages)Parution : septembre 2012Les dates de la tournée de dédicaces sont disponibles sur le site :www.art-sign.org

Version anglaise en étude, envoyez un mail sur le site www.monica-companys.com pour être informé lors de sa sortie.

ARNAUD BALARD & SOPHIE LAUMONDAIS

LE SAVIEZ-VOUS ?François Rabelais

(1494-1553), l’auteur de Gargantua et Pantagruel,

utilise à plusieurs reprises le personnage sourd et la Langue des Signes. D'après lui, les

sourds seraient doués de double vue et auraient le pouvoir de lire l'avenir.

JEAN LE SOURD DE YANN CANTIN, CÉLINE RAMES ET DANO

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22 Art’Pi!

les sourds s’intégraient dans la société, bien plus faci-lement que d’autres minorités (estropiés, aveugles...). Les conditions de vie étant très dures, la pauvreté très répandue, si un sourd était capable de faire un métier, il le faisait. Le travail étant essentiellement manuel, les compétences physiques primaient sur le reste.De nombreux sourds devenaient ainsi agriculteurs, bouchers, artisans mais aussi sculpteurs, graveurs, peintres. Leurs œuvres ne revendiquaient pas leur identité Sourde ni l’usage de la Langue des Signes, comme on peut le voir maintenant. Ils faisaient simple-ment des tableaux et sculptures typiques de l’époque, dans le même style que les entendants. Leur objectif était avant tout de montrer qu’ils étaient capables de faire des œuvres de qualité aussi bien, voire mieux, que n’importe qui. L’abbé de l’Épée, en offrant une éduca-tion gratuite aux sourds, leur permit de monter dans l’échelle sociale bien plus vite que les entendants.

Claude-André Deseine (1740-1823), ancien élève de l’abbé de l’Épée, est le premier artiste sourd dont on retrouve précisément la trace. Il s’est fait connaître par ses sculptures et par son orientation politique en faveur de la Révolution.

Le retard français

Il semblerait qu’à la Renaissance (période de réno-vation culturelle et artistique qui prit sa source en Italie au XVème siècle et se répandit dans toute

l'Europe au XVIème siècle), les artistes sourds français soient peu nombreux. Le style artistique rayonnant à cette époque vient des italiens. Des artistes sourds, tel Cristoforo De Predis, enlumineur milanais (vers 1440-vers 1486) et Bernadino di Betto, plus connu sous le nom de Pinturicchio (1454-1513) se font largement connaître. En Espagne, c'est l'art baroque qui s'exporte, avec notamment le sourd Juan Fernandez Navarette, surnommé el Mudo (1526-1579).

L'influence des artistes français est plus tardive. La France, sortant de la guerre de Cent Ans en 1453, pos-séde un art de style gothique démodé et ne découvrira la Renaissance italienne que dans les années 1470. Elle ne peut s’épanouir pour imposer son style que très peu de temps dans les années 1480-1550, avant de plonger dans les guerres de Religion (1562-1598). Les artistes français étant très peu connus, les artistes sourds le sont encore moins.

Ce n’est qu’au XVIIIème siècle, avec l’arrivée de l’abbé de l’Épée (1712-1789), que l’on retrouve des traces plus significatives d’artistes sourds français. À cette époque,

Peintres

Aujourd’hui en France, peu de sourds brillent dans le domaine des arts plastiques (peintures, sculptures, dessins...). Mais cela a-t-il toujours été le cas ? Qu’en était-il au temps de l’abbé de l’Épée ? Les recherches sur l’Histoire des sourds en France datant seulement de vingt-cinq ans, les informations ciblées sur les artistes sont encore très minces. L’historien Yann Cantin nous fait part de ses découvertes.

PEINTRES ET SCULPTEURS, UNE GLOIRE OUBLIÉE

Autoportrait de Pinturicchio (Bernadino di Betto)

Statue de l'abbé de l'Épée de Félix Martin dans la cour de l'INJS de Paris Dessin d'Auguste Colas© Archives de l'INJS

Les élèves sourds suivant le cours de l’abbé de l’Épée © Archives de l'INJS de Paris

PAGE DE DROITE Artistes sourds lors de

l’exposition des Artistes Silencieux en 1912 commé-

morant le bicentenaire de la naissance de l’abbé de

l’Épée. © Archives de l'Ami-cale des anciens élèves de

l'INJS de Paris

etsculpteurs, gloire

oubliée

une

Art’Pi! 23

24 Art’Pi!

Ils semblent avoir été influents à l’étranger, et sur-tout aux États-Unis. Les premiers peintres et sculp-teurs sourds américains qui se déplacèrent en France pour s’y former furent Douglas Tilden (1860-1935) et Granville Redmond (1871-1935). Ce dernier est l’un des plus connus. Il joua dans des films de Charlie Chaplin et lui enseigna l’ASL (la Langue des Signes Américaine).

L’âge d’or

À la Belle Époque, à partir des années 1830, le nombre d'artistes sourds se mul-tiplie. Le peintre Léopold Loustau (1815-1897), ancien élève de Saint-Jacques, et le sculpteur Gustave-Nicolas Hennequin (1834-1918), ancien élève de Nancy sont les premiers à participer au Salon des artistes, organisé chaque année. C’est dans ce Salon que se retrouvaient les plus grands artistes de France et du monde : Manet, Monet, Renoir, Degas, Rodin, Claudel, etc. À partir d’eux, deux générations d’artistes sourds vont se succéder jusqu’aux années 1930.

Les sourds ont rivalisé d’égal à égal avec de grands artistes dans ce Salon à l’en-trée très sélective. Celui qui y entrait était assuré d’avoir

une renommée nationale, l’État pouvait alors lui faire des commandes ou lui acheter des œuvres.

Paul Choppin (1856-1937) reçut une commande pour sa sculpture du docteur Broca (elle disparut pendant la Seconde Guerre Mondiale, fondue pour récupérer le bronze). Le peintre Armand Berton (1854-1927) était également l’un des plus réguliers du Salon et nombre de ses œuvres se trouvent dans des musées. Felix Martin, cousin par alliance de Gustave Hennequin, est l’un des sculpteurs les plus connus avec sa statue de l’abbé de l’Épée dans la cour d’honneur de l’INJS de Paris.

Ces artistes faisaient partie de l’élite des sourds et participaient aux banquets organisés en l’honneur de la naissance de l’abbé de l’Épée. Ces banquets étaient organisés pour étendre les réseaux sociaux des sourds en invitant des personnalités du monde entendant. Par la suite, ils servaient surtout à se regrouper entre sourds pour utiliser les signes et lutter contre la mon-tée de l’oralisme.

The Indian bear hunters de Douglas Tilden.

© Archives de l'INJS de Paris.

XIXe siècleXVIIIe siècleAbbé de l'Épée (1712-1789)

Révolution française (1789)

C

Léopold Loustau (1815-18

Gustave-Nic

Claude-André Deseine (1740-1823)

LE SAVIEZ-VOUS ?Pierre Pélissier (1814-1863) est le seul poète sourd ayant marqué

l'Histoire. Ses poèmes attirèrent l’attention

d’Alphonse de Lamartine (1790-1869) lui-même.

Surprise œuvre réalisée par un artiste sourd.

Nom inconnu. © Archives INJS de Paris.

Autoportrait de Léopold Loustau.© Archives de l’Amicale des anciens élèves de l’INJS de Paris

Les artistes sourds

de France des années

1870-1920 eurent

de nombreux élèves.

Art’Pi! 25

Couverture du catalogue du Salon international des artistes Silencieux. © Archives de l'Amicale des anciens élèves de l'INJS de Paris.

Paul Choppin et sa statue de l'abbé de l'Épée. © Archives de l'Amicale des anciens élèves de l'INJS de Paris.

XXe siècleeCongrès de Milan

(1880)Musée universel des sourds-muets(1892)

Disparition du Musée universel des sourds-muets(1968)

Salon des artistes Silencieux(1920)897)

colas Hennequin (1834-1918)

René Princeteau (1849-1914)

Armand Berton (1854-1927)

Paul Choppin (1856-1937)

Douglas Tilden (1860-1935)

La Belle Époque fut une période brillante artistique-ment, avec un grand nombre d’artistes sourds dans tous les domaines. Pour la France, une cinquantaine de noms seraient référencés. Fernand Hamar (1869-1943) et Paul Choppin représentent les derniers sculp-teurs sourds de la Belle Époque française.

Le déclin amorcé

La réforme éducative eut un grand impact en France, et dans les pays qui appliquèrent les recommandations de Milan de 1880. Délaissant l’éducation intellectuelle au profit de l’éducation orale, les institutions spécia-lisées ne permirent pas aux nouvelles générations de s’épanouir intellectuellement. Les artistes sourds devinrent ainsi de moins en moins nombreux au fil des années.

Fernand Hamar (1869-1943)

Belle Époque (1870-1914)

Les Anciens se décidèrent à fonder le Salon des Artistes Silencieux dans les années 1920 pour tenter d’intéres-ser les jeunes à l’art. Mais, après les années 1940, on ne voit plus guère d’artistes sourds dans le grand public. Il existe des dessinateurs, des peintres de loisir, mais plus rien au stade professionnel. Beaucoup d’œuvres dispa-rurent, furent abîmées ou refondues pour réutiliser les matériaux. Seulement certaines furent sauvées et res-taurées par le Musée universel des sourds-muets.

C’est seulement dans les années 1970-1980, après une parenthèse de quarante, cinquante ans, que les artistes sourds reviennent lentement en France. Mais arrive-ront-ils à surpasser ceux de la Belle Époque ? Il est trop tôt pour le savoir, seul l’avenir nous le dira.

YANN CANTIN & SOPHIE LAUMONDAIS

Exposition des artistes Silencieux, 1912 © Archives de l'INJS de Paris.

GALERIE

Les Artistes et le Comité d'organisation de l'Ex pos ition des Artistes sourds

1er rang : MM. Vivien (debout) / O. Chéron / A. Colas / F. Martin / V. Collignon / G. Hennequin / B. Thonon / A. Legrand2ème rang : MM. J. Ebstein / L. Lambert / Mlle J. Bomsel / M. J. Gras / Mlle J. Léothand / MM. Graff / R. Hirsh / Mme P. Choppin / MM. E. Monlin / F. Plessis / M. Colas3ème rang : MM. L. Morice / G. Picaud / Tournaude / Asser / Paul Choppin / F. Hamar / Y. Uffler

© Archives de l'Amicale des anciens élèves de l'INJS de Paris

26 Art’Pi!

Léon MoriceDans son atelier © Archives de l’Amicale des anciens élèves de l'INJS de Paris

Félix PlessisDans son atelier © ARSCA

Paul ChoppinAvec sa statue du Docteur Broca

© Archives de l'INJS de Paris

Art’Pi! 27

28 Art’Pi!

Buste de l’abbé de l’ÉpéeLe buste que Deseine a réalisé de l’abbé de l’Épée est célèbre car il est le seul à avoir été créé de son vivant. L’abbé avait toujours refusé que ses traits soient reproduits, ne voulant pas entrer dans la vanité. Le sculpteur l’offrira à l’Assemblée Nationale en 1791. © Archives de l’INJS

Portrait de Claude-André Deseine. Dessin à la sanguine par Louis-Pierre Deseine (1749-1822), son frère. © INJS de Paris.

Claude-André Deseine (1740-1823)

Né à Paris le mardi 12 avril 1740, Claude-André Deseine est l'aîné de huit enfants et le seul sourd dans une famille issue de menuisiers et

serruriers. À 22 ans, lorsque son grand-oncle meurt, il reçoit une rente annuelle à vie de cent livres, un mon-tant suffisant pour vivre convenablement. À la mort de son père, en 1777, ne sachant ni lire ni écrire (et non pas parce qu’il est sourd), la gestion de la succession est confiée à sa mère. Par la suite, il apprend un peu à lire et à écrire auprès de l’abbé de l’Épée, et signe ses œuvres de "Deseine, sourd et muet".

À 38 ans il entre, avec son frère Louis Pierre Deseine (1749-1822), sculpteur lui-aussi, à l’Académie royale de peinture et de sculpture (Institut d’État de 1648 à 1793, créé pour élever le statut des artistes et le distinguer de celui des artisans). Il devient l’un des élèves d’Au-gustin Pajou (1730-1809), l’un des plus fameux artistes de l’époque.

Lors d’un des nombreux concours artistiques orga-nisés par l’Académie royale, il est placé à la troisième place, une grande récompense qu’aucun sourd français n’avait reçue avant. Progressivement, la réputation du sculpteur se répand dans le milieu aristocratique et il reçoit plusieurs commandes.

UN SCULPTEUR ENGAGÉ

De 1789 à 1794, attaché à la cause révolutionnaire (au contraire de son frère, sculpteur du prince de Condé et fidèle à la dynastie des Bourbons), ses bustes et sculp-tures d’aristocrates laissent la place à ceux de révolu-tionnaires comme Mirabeau, Robespierre, l’épouse de Danton, etc.

Après la chute de Robespierre, Deseine, jugé trop proche des Montagnards (groupe politique dont Robespierre faisait partie, placé à gauche dans l’assemblée), voit ses commandes diminuer. À la mort de sa mère en 1795, son frère devient curateur, mais il semble, d’après les archives, que le frère soit peu ouvert aux demandes de son aîné. Ce qui expliquerait les aides financières qui lui sont régulièrement accordées par le gouvernement.

Claude-André Deseine meurt le 23 décembre 1823 au Petit Gentilly, dans une petite pension.

YANN CANTIN & SANDRINE RINCHEVAL

Un sculpteurengagé

Attaché à la cause révolutionnaire, ses bustes d'artisocrates laissent la place à ceux de Robespierre, Mirabeau...

Art’Pi! 29

Buste de Mirabeau, plâtre, réalisé en 1791, Musée des Beaux-Arts, RennesEn avril 1791, lors d’un concours lancé à la mémoire de Mirabeau, le buste de Claude-André Deseine, réalisé en plâtre à partir du masque mortuaire du défunt, remporte les suffrages. Ce buste est cité comme offrant « une ressemblance parfaite, l’expression et l’énergie » de ce célèbre orateur du peuple que fut Mirabeau.

Bustes de Maximilien Robespierre, terre cuite, réalisés en 1791 et 1792, Musée de la Révolution Française, Vizille et Conciergerie, ParisLe buste de Maximilien Robespierre est cité, aujourd’hui encore, comme l’un des rares portraits authentiques de l’Incorruptible (surnom donné à Robespierre en raison de son caractère intransigeant et vertueux). Ce buste frappe par son caractère psychologique : une vivacité du regard, une autorité naturelle et le sentiment volontaire de Robespierre sont parfaitement traduits par Deseine.

Buste mortuaire d’Antoinette-Gabrielle Danton, plâtre patiné

bronze, réalisé en 1793, Musée de Troyes

En 1793, Deseine réalise le portrait d’Antoinette-

Gabrielle Danton, l’épouse de Georges Danton, qui

meurt après la naissance de son quatrième enfant.

On raconte que, trois semaines après le décés

d'Antoinette-Gabrielle, le révolutionnaire est allé chercher Claude-

André à son atelier du Faubourg Saint Marceau

pour l’emmener au cimetière. En pleine nuit,

le cercueil de l’épouse est exhumé pour que le sculpteur fasse un masque mortuaire et

réalise le buste posthume d'Antoinette-Gabrielle. Cette scène est visible

dans le film Danton, avec Gérard Depardieu.

Exposition Claude-André Deseine et la Révolution Française, à la Conciergerie de Paris.Visites en LSF du 19 au 24 novembre. Visites en LSI sur demande. Contacter le CMN (Centre des Monuments Nationaux) : [email protected]

Visite à ne pas manquer

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Art’Pi! 31

Après la mort de l’abbé de l’Épée, son travail fut repris et les sourds continuèrent à s’instruire et à s’épanouir. Les meilleurs élèves de l’Institut

de Sourds-Muets de Paris (actuel Institut National de Jeunes Sourds, situé rue Saint Jacques) devenaient gra-veurs, ébénistes, photographes, peintres, sculpteurs. Les grandes académies d’art les recevaient auprès des plus grands maîtres. De nombreux sourds rempor-taient des prix lors de concours en France ou à l’étran-ger. Mais la période fut également riche en découvertes et en progrès pour d’autres domaines et les médecins et autres érudits ne tardèrent pas à s’intéresser de très près à la surdité. Un courant oraliste se développa petit à petit et finit par l’emporter en 1880, au Congrès de Milan, interdisant par la suite l’usage des signes. Les professeurs sourds furent renvoyés. L’instruction orientée dorénavant vers l’accession à la parole plutôt qu’au savoir, les résultats des élèves chutèrent. Les sourds de l’ancienne époque devenaient nostalgiques de leur passé glorieux. Eux qui, grâce à l’abbé de l’Épée et aux signes, avaient montré au monde leurs talents et leurs connaissances, devenaient avec l’oralisme des êtres différents qu’il fallait "réparer".

Un musée pour glorifier le passé

Le dimanche 29 novembre 1891, lors de la célébration du 179ème anniversaire de la naissance de l'abbé de l'Épée, le président honoraire de la journée, Théophile Denis, fonctionnaire au Ministère de l’Intérieur, décla-rait : « ...On s'étonnait de rencontrer comme par hasard un sourd-muet qui ne fut pas un parfait ignorant […] Aussi pour essayer de faire apprécier à sa juste valeur le monde des sourds-muets, je m'occupe à réunir dans un musée spécial tous les éléments susceptibles de vous faire bien connaître. »Dès 1875, Théophile Denis commençait déjà à consti-tuer une galerie à l'Institut National des Sourds-Muets de Paris en rassemblant quelques œuvres sur l'his-toire de l'établissement. Il voulait honorer la gran-deur philanthropique des donateurs, administrateurs, penseurs, philosophes, pédagogues et médecins qui, depuis l’Antiquité, avaient contribué à la reconnais-sance de l’éducabilité des sourds. Cette galerie ayant eu du succès, l'idée fut avancée de l'étendre au niveau mondial. C'est ainsi que l'on créa le Musée universel des sourds-muets.

Deux parties le composaient : une section historique regroupant toutes les œuvres en lien avec l'art d'ins-truire les sourds et une section artistique réunissant les œuvres des artistes sourds. On y trouvait des bustes, médaillons, photographies... des œuvres de Choppin, Colas, Deseine, Etienne de Fay... les tableaux Les der-niers moments de l'abbé de l'Épée de Peyson, Une leçon de l'abbé de l'Épée de Ginouvier, Carnot à Wattignies de Loustau et bien d'autres. Une vitrine du Musée présen-tait les prix remportés lors de concours en France ou à l’étranger. En 1896, 2 096 œuvres furent disposées dans une vaste salle située sous le théâtre actuel de l’Institut. L'élite de la société des sourds constituée des enseignants sourds d’autrefois, des artistes et artisans renommés, de journalistes sourds parfaitement bilin-gues contribuait à son enrichissement.

Le

" Les musées sont des

espaces où le temps se fi ge,

la mémoire s’éveille. "

LE MUSÉE UNIVERSEL DES SOURDS-MUETS

Il fut un temps où de nombreux artistes sourds produisaient des œuvres et remportaient des concours à l’égal des entendants. Saviez-vous qu’en 1892, pour immortaliser cette période, un Musée universel des sourds-muets voyait le jour à Paris ? C’est en 1970 qu’Yves Bernard, ancien professeur à l'INJS(*) de Paris, découvrit les vestiges de ce musée. Il nous en raconte ici l’histoire.

Portrait de Théophile Denis© Archives de l'INJS de Paris

Musée universel des sourds-muets à l'INJS de Paris© Archives de l'INJS de Paris

PAGE DE GAUCHEUne leçon de l’abbé de l’Épée, huile sur toile d’après une esquisse peinte de Frédéric Peyson, 1891. Par Nachor Ginouvier, sourd-muet © Collection de l'INJS de Paris

Musée universel des sourds-muets

32 Art’Pi!

Ce Musée devait, selon un écrivain l’ayant visité, « détruire l'ignorance et les préjugés des uns et rendre la place qui leur est due dans la société aux victimes de cette ignorance et de ces préjugés ». Mais au fil du temps, le Musée se détourna des vrais motifs huma-nistes qui désiraient donner une âme à une fraction méconnue de l’humanité. Le discours des fondateurs, dont celui de Théophile Denis, finit par se transformer, encourageant la méthode orale en France. Théophile Denis ira même jusqu’à inviter à l’Institut de Paris l’abbé Balestra, le défenseur le plus fanatique de l’oralisme.

Dans son livre Silent Poetry, Nicholas Mirzoeff n’hé-site pas à décrire le Musée comme la célébration d’une culture subalterne vouée à disparaître. À la fin du XIXème et au début du XXème siècle, une curiosité malsaine entoure le Musée, l’associant à l’étude d’une pathologie, comme une sorte de zoo humain, montrant l’écart d’êtres exotiques ou différents avec la civilisa-tion dite "normale".

À partir de 1912, l’État refusa d’employer toutes les personnes qu’il considérait comme "infirmes". Les meilleurs élèves des ateliers de typographie, d’impri-merie, de reliure et de gravure ne trouvèrent plus d’emplois pour consacrer leur succès. Les élèves furent restitués à leur famille après seulement sept années d’instruction hors des signes. C’était leur interdire, pour la grande majorité d’entre eux, toute vie intellectuelle, relationnelle et sociale.

Conservateur du Musée de père en fils

C’est en 1932 que mon père, René Bernard (1907-1985), entra à l’Institut. Il édita avec l’administration le cata-logue de la Bibliothèque, car rien de consistant n’existait alors avant 1940. Il ne reprit le poste de bibliothécaire qu’après sa retraite et jusqu’à son décès, de 1973 à 1985. Sa participation au Musée était typiquement culturelle car il était lui-même très versé dans les arts. Il était donc consulté pour l’histoire des œuvres, leurs légendes, et d’autres recherches.

Après 1968, le Musée disparut sous la multiplication des services, les œuvres furent entreposées et expo-sées aux risques : destruction, poussière, sécheresse et chaleur des caves surchauffées. Pour ma part, c’est en cherchant le portrait de Bébian, en pied, par Chassevent, que j’ai découvert, vers 1979, l’état d’aban-don du Musée dans les caves de l’INJS. J’ai donc alerté le directeur de l’époque Monsieur Dessaint qui aussitôt me mit en relation avec l’IFROA (l'Institut Français de Restauration des Œuvres d'Art). J’ai donc contribué au sauvetage des œuvres, à la documentation, pendant trois années, en plus de mon travail de professeur.

C’est la série des plaquettes en bronze de Félix Martin sur la vie de l'abbé de l'Épée qui m'a le plus marqué, en dehors du portrait de Bébian. Je me souviens également avoir transporté un portrait dont la couche picturale se présentait sous forme de "coquillettes". Je pensais que rien ne pourrait être fait pour restaurer le tableau cuit par la chaleur et la sécheresse des anciennes caves de l’INJS. L’IFROA me rappela quelques mois plus tard pour identifier les tableaux restaurés. Et l’un d’entre eux ne me revenait pas car je ne l’avais jamais vu. Je pensais qu’il s’agissait d’une erreur de leur part, et ils me répon-dirent que j’avais eu raison de leur transmettre une

Les derniers moments de l’abbé de l’Épée par Frédéric Peyson, sourd-muet, 1839 © Collection de l'INJS de Paris

DROITECouverture du catalogue

Le Musée des Sourds-Muets Galerie historique et

artistique de l’Institution Nationale des Sourds-

Muets de Paris. © Archives de l'INJS de Paris

Abbé Sicard

LE SAVIEZ-VOUS ?Dans l’œuvre Sicard au milieu d’un groupe d’élèves de Jérôme-Martin Langlois (1806), la phrase « Moyen de faire articuler des sons par le sentiment de la pression » est inscrite sur le tableau noir. Lors de la restauration du tableau, l’inscription précé-dente, une citation de Massieu : « La reconnaissance est la mémoire du cœur », volontairement cachée jusque-là, est réapparue.

LE MUSÉE UNIVERSEL DES SOURDS-MUETS

Art’Pi! 33

œuvre qui semblait perdue à jamais. C’était le portrait grillé par le temps qu’ils avaient retrempé dans un bain afin de redéposer sur la toile la peinture ré-humidifiée. Un miracle.

L’essentiel de mon travail consistait, en dehors de la remontée des caves qui était un vrai déménagement, à des heures de lectures et de recherches dans la biblio-thèque parisienne, principalement des journaux de sourds et des revues spécialisées d’avant 1947.

Après la rénovation de l’établissement, les œuvres furent replacées dans l’espace institutionnel : les salles de réunions, les lieux de passage reçurent les noms de grands pédagogues, salle Bébian, salle Ferdinand Berthier, où bustes et tableaux s’intégrèrent. Les élèves, les membres du personnel et tout visiteur accèdent librement à cette dimension patrimoniale, aux racines d’une histoire dont la bibliothèque recèle les secrets. Et ces œuvres revivent au gré des commémorations, retrouvant leur destination, la reconnaissance d’une différence qui est toujours plus respectée comme un héritage que nous partageons tous. De nombreuses œuvres restent cependant entreposées en quelque endroit de l’Institut, dans l’attente d’un prochain retour à la lumière.

YVES BERNARD & SOPHIE LAUMONDAIS

(*) Institut National des Jeunes Sourds à Paris, autrefois Institut National des Sourds-Muets, INS-M.

Musée universel des sourds-muets© Archives de l'Amicale des anciens élèves de l'INJS de Paris

Bas-reliefs en bronze de Charles Marie Félix Martin (1846-1916), illustrant la vie de l’abbé de l’Épée, 1909 © Collection de l'INJS de Paris

34 Art’Pi!

Charles Chaplin (1889-1977), ami et collègue de Granville Redmond (1871-1935)

Charlie Chaplin, acteur, réalisateur, producteur et scénariste britannique est considéré comme une icône du cinéma muet. Il est associé à son per-

sonnage populaire, "Charlot" (clochard raffiné portant un chapeau melon et une canne).À Los Angeles, Chaplin rencontre Granville Redmond, peintre sourd alors considéré comme l'un des meilleurs impressionnistes de la Californie. La guerre de 1914 ayant réduit ses commandes de tableaux, Redmond décide de tenter sa chance dans le cinéma. Chaplin devient son ami, lui dédiera un bâtiment dans ses stu-dios, collectionnera ses peintures, et le parrainera dans des rôles muets. Impressionné par ses compétences, il lui demandera de lui apprendre les signes et de lui don-ner des cours de pantomime. Chaplin utilise quelques signes comme "enfant" et "bébé" dans le film Une vie de chien.Chaplin est admiré pour l’incroyable expressivité de son visage et de ses gestes. Il est l'un des rares comédiens à jouer la bouche close, sans prononcer de mots. Le fait de côtoyer une personne s'expri-mant silencieusement au quo-tidien a certainement contribué au succès du plus célèbre des comédiens du cinéma muet.

Toulouse-Lautrec (1864-1901) élève de René Princeteau (1849-1914)

Henri de Toulouse-Lautrec, peintre et lithographe fran-çais, est célèbre pour ses vices et pour ses œuvres sur le Moulin Rouge et les cabarets parisiens. Peignant les perversités et les réalités de la vie, ses œuvres influen-ceront des artistes comme Matisse ou Picasso.

René Princeteau, peintre sourd, célèbre pour ses tableaux équestres, était l’ami et voisin du père de Henri de Toulouse-Lautrec. Lorsque Henri a sept ans, Princeteau lui donne ses premiers cours de dessin. Il remarque vite les talents de Lautrec et persuade sa famille de le laisser développer ses talents. À dix-sept ans, Lautrec viendra se former dans son atelier. L'élève rattrapera rapidement son maître jusqu'à réussir à reproduire magistralement l'une de ses œuvres. Dans une lettre aux parents de Lautrec, Princeteau s’enthou-siasme : « Le jeune Henri de Toulouse travaille dans mon atelier vaillamment et fait de miraculeux progrès avec moi, et m'imite comme un singe ».

Lautrec, atteint d’une malformation, admire ce grand peintre, élégant, qui surmonte sa surdité. Liés d’une grande amitié, ils continuent à se voir régulièrement jusqu'à la mort du prodige à trente-sept ans. Ce dernier a plus de 6 000 œuvres à son actif et n'aura cessé de considérer Princeteau comme son maître.

Des célébrités

DES CÉLÉBRITÉS INFLUENCÉES PAR LES SOURDS

Des artistes célèbres ont construit leur carrière avec des sourds dans leur entourage. Ceux-ci les ont aidés, formés, soutenus et certainement influencés d’une manière ou d’une autre. En voici quelques-uns.

René Princeteau dans son atelier, peint par Toulouse-Lautrec

Photo d’Henri de Toulouse-Lautrec faite par son ami photographe Paul Sescau vers 1880-1890

HAUTExtrait du film You'd Be Surprised (1926)

Affiche du film Une vie de chien

infl uencéessourds par les

Art’Pi! 35

Leonardo Da Vinci (1452-1519)hébergé par Cristoforo De Predis (vers 1440-vers 1486)

Leonardo Da Vinci est un génie aux talents multiples (dessin, peinture, sculpture, architecture, urbanisme…) et un innovateur qui aura une très grande influence sur l’histoire de l’art. Cet homme à la curiosité infinie emploie de nouvelles techniques pour communiquer ses idées et s’inspire des gestes des sourds dans ses tableaux. Dans son Traité de la peinture, il fait l’éloge des signes permettant de « réintégrer la vie dans l'art pictural renaissant » et considère l'ouïe comme étant un sens inférieur à la vue. Il utilise la dactylologie dans ses tableaux, tels La cène ou Saint Jean Baptiste (l’in-dex levé formant le "D" signifiant "Dieu"). Ses œuvres deviennent ainsi "parlante".

L ’ e n g o u e m e n t de Da Vinci pour les sourds et les signes s’explique par le nombre de rencontres qu’il a pu faire. Le peintre sourd Bernardino Di Betto (Il Pintu-

ricchio), l'un des plus grands peintres de fresques de la Renaissance, est l’assistant de Le Pérugin (Il Peru-gino), un compagnon d’étude de Leonardo. Vers 1483, à Milan, Leonardo travaille et loge à l’atelier des frères De Predis où se trouve Cristoforo De Predis, miniatu-riste et enlumineur sourd. Leonardo Da Vinci admire la dextérité de Cristoforo mais travaille avec ses frères, Ambrogio et Evangelista De Predis, sur l’œuvre inti-tulée La vierge aux rochers. Leonardo est également proche de Giralmo Cardano qui déclarait, se basant sur le texte écrit par Rudolph Agricola De inventione d'Agri-cola dialectica, que les sourds pouvaient apprendre à lire et écrire sans apprendre à parler d'abord.

Toutes ses rencontres sont indéniablement une grande source d’inspiration pour Leonardo Da Vinci. Une rumeur prétend même que La Joconde, son tableau le plus célèbre, montre le visage d’une femme sourde. Au vu de la vie de l'artiste, ce ne serait pas impossible, mais malheureusement rien ne le prouve.

Lon Chaney (1883-1930), né de parents sourds

Lon Chaney (de son vrai nom Leonidas Frank Chaney), acteur et maquilleur du cinéma muet, célèbre pour ses talents de transformation et de maquillage, est sur-nommé "l'homme aux mille visages". Maître dans l'art de la pantomime, il va jusqu'à s’infliger des tortures lors de rôles d'infirmes pour rendre les expressions de ses personnages encore plus crédibles. Ses contorsions deviendront sa marque de fabrique.

Fils de parents sourds, il apprend la Langue des Signes et est sensibilisé à la communication des mains et du corps. Pour divertir sa famille, il joue des sketches en mimant ce qu’il a observé dans la rue. Il obtient son premier rôle à l’âge de dix-neuf ans et gravira rapide-ment les échelons. Il sait rendre ses personnages réa-listes en utilisant des gestes précis et en leur donnant de la profondeur.

À la fin de sa vie, un cancer de la gorge lui fait perdre l’usage de la parole. Il ne s’exprime plus qu’en Langue des Signes. Il meurt le 26 août 1930 à l’âge de qua-rante-sept ans. Le film L'homme aux mille visages retrace la vie et la carrière de cet acteur qui, par son jeu unique, a influencé des générations de comédiens jusqu’à nos jours.

SOPHIE LAUMONDAIS & PAULINE STROESSER

La Joconde de Leonardo Da Vinci© Musée du Louvre

Portrait de Lon Chaney, 1926

MILIEUMorte del Sole, della Luna e caduta delle stelle de Cristoforo De Predis© Torino, Biblioteca Reale

LE SAVIEZ-VOUS ?Joachim du Bellay

(1522-1560), poète de la Pléiade, est l’auteur

d’un Hymne à la surdité (1558) dédié à son ami Ronsard, atteint comme lui de surdité précoce

(Ronsard devint sourd à seize ans).

© BnF

L’abbé rayonnantArnaud Balard, artiste multidisciplinaire (France)

2012Digigraphie (300 ex.)

21 cm × 30 cmwww.facebook.com/Surdism

[email protected]

GALERIE

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Hommage

à l’abbé de l’ÉpéeStephane Delame, peintre (France)

2012Acrylique sur toile

60 cm x 60 cmma-galerie-virtuelle.over-blog.com

Abbé Charles Michel de l’ÉpéeNancy Rourke, peintre (USA)2011Huile sur toile12 cm x 17 cmwww.nancyrourke.com

Art’Pi! 37

PAGE DE DROITE

L'arbreGuy Bouchauveau, artiste (France)

CrayonFormat inconnu

La révolte après le congrès de MilanFrançoise Casas, artiste (France)

1988Toile sur plaque, peinture à l'huile

70 cm x 130 [email protected]

L'anatomie de motsRemus Illisie, artiste multidisciplinaire (Roumanie)2012Encre noire21 cm x 30 [email protected]

38 Art’Pi!

Art’Pi! 39Hors-série 2012 : Tricentenaire de la naissance de l'abbé de l'Épée • Art’Pi! • 39

40 Art’Pi!

La Belle Époque, âge d'or de la presse Sourde

La période la plus glorieuse de la presse Sourde se situe à la Belle Époque (grande période de pro-grès techniques, scientifiques et sociaux de 1870

à 1914). Son histoire est chaotique, à l’image de celle des associations Sourdes.La première mention de presse entièrement Sourde remonte à 1870, où la Société Universelle des Sourds-Muets, dirigée par Ferdinand Berthier, publiait les débats et les réflexions au sein de la Société. Ce jour-nal ne vécut que quelques mois à cause de la guerre franco-prussienne de 1870 et de la Commune de Paris en 1871 (insurrection de deux mois suite à la défaite de Paris dans la guerre franco-prussienne). Cette guerre stoppe ainsi l’émergence de la presse Sourde pendant plus de dix ans.

C’est seulement en 1883 que paraît enfin un journal engagé dans la lutte contre le Congrès de Milan : La Défense des sourds-muets, dirigé par Joseph Turcan. Pour des raisons financières, ce journal polémiste dis-paraît rapidement après deux années de publication.

Par la suite, de nombreux jour-naux éphémères sont parus : L’abbé de l’Épée (1888-1889), La Sincérité (avril-mai 1887), L’Écho de la Société d’appui fraternel(1889-1890), Les Annales fran-çaises des sourds-muets (un seul numéro connu en février 1898), Le Philantrope (1903-1904), La Silencieuse (1898), Lectures et revues (1899), La libre tribune silencieuse (1906-1907), La France des sourds-muets (1902-1907), L’entente cordiale des sourds-muets (1910) pour n’en citer que quelques-uns. On en dénombre une vingtaine dans la période de 1870 à 1920.

Polémique après le Congrès de Milan

Cette explosion de la presse Sourde s’explique par la volonté des associations locales d’avoir un organe d’in-formation. Mais pas seulement. C’est aussi un mouve-ment de réaction et d’opposition envers deux journaux influents : Le Journal des Sourds-Muets, et La Gazette des Sourds-Muets.

Ces deux journaux sont dirigés par Henri Gaillard (1866-1939), un homme vigoureusement engagé dans la question éducative Sourde, qui estime nécessaire le retour de l’enseignement de la Langue des Signes dans les écoles. Cependant, c’est un personnage très contesté, ses prises de position et son influence ont froissé quelques égos, en particulier celui de Joseph Chazal. Celui-ci est devenu son adversaire direct dans les années 1890-1910, avec Le Sourd-Muet Illustré, un journal critiquant ouvertement les actions de Gaillard (surnommé Grigrine à cause de son caractère rebelle et contestataire), l’accusant de fraudes, de manipulations.

La

LA PRESSE SILENCIEUSE

Portrait de Ferdinand Berthier© Archives de l'INJS de Paris

Le sourd-muet illustré, septembre 1897© Archives de l'INJS de Paris

PAGE DE DROITEAtelier de lithographie

à l'Institution royale des sourds-muets en 1840

© Archives de l'INJS de Paris

1 Portrait d'Henri Gaillard © Archives de l'Amicale des anciens élèves de l'INJS

2 La Défense des sourds-muets, 18863 Portrait de Jospeh Chazal

4 Journal des sourds-muets, 1895 © Archives de l'INJS de Paris

presseSilencieuse

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1 2

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Art’Pi! 41

42 Art’Pi!

La polémique repose en fait sur la volonté de faire restaurer ou non "l’ancienne méthode", c’est-à-dire de défendre ou non la Langue des Signes. Chazal, au contraire de Gaillard, considère que vouloir retourner à l’avant-Milan est illusoire. Il pense qu’il faut accepter le progrès et se tourner vers la méthode orale.Ces différents provoquent une multiplication du nombre de revues, les articles contiennent des textes virulents et des procès surviennent pour clore les querelles.

Le déclin de la presse Sourde

Dans les années 1920-1950, le nombre de journaux diminue et les publications deviennent de plus en plus locales ou associatives. Tous les journaux fondés à la Belle Époque disparaissent, étranglés financièrement, ou avec la mort de leur fondateur. Ainsi, la presse Sourde entre dans sa période de long déclin, devenant moins passionnée et plus consensuelle.La Gazette des Sourds-Muets reste à flot jusqu’en 1961, elle aura tenu presque soixante-dix ans. Ceci grâce à Eugène Rubens-Alcais (1884-1963) qui reprit le flambeau en 1931 en rachetant le journal à Gaillard. En 1961, la Confédération Nationale des Sourds de France

rebaptise La Gazette : La Voix du Sourd (1961-1993). Ce nom symbolique montre la nouvelle orientation du journal. Il deviendra ensuite Actua’Sourd, journal d’information de la FNSF qui n’est plus publié depuis presque dix ans.Dans les années 1970-1980, il n’existe plus, à part les papiers publiés par les associations, que L’Écho, créé en 1908 (aujourd’hui Écho magazine) et La voix du Sourd. Cependant, ces deux journaux publient des articles avec une vision médicalisée du sourd, ne défendant que l’éducation oraliste. Le Réveil Sourd(2) dans la presse aura lieu vingt ans après le début du mouvement.

De nos jours, la presse Sourde semble renaître, notam-ment grâce à Internet qui facilite les publications. Pour qu'elle soit vivante et pérenne, des auteurs sourds de l’envergure de Gaillard seront nécessaires.L’âge d’or de la presse Sourde a bien existé durant la Belle Époque. De brillants textes ont été écrits, de forts débats ont eu lieu, signes d’un bouillonnement intel-lectuel Sourd. Est-ce que cela va reprendre ? Espérons que oui !

YANN CANTIN

(1) Les sourds se définis-saient à l'époque comme les

"Silencieux". Ce terme était préféré puisqu'il incluait les CODAs qui pouvaient aussi

noétomalalier.

(2) Période où les sourds redécouvrent et défendent leur langue et leur culture, dans la vague de la redé-

couverte des minorités linguistiques et culturelles

consécutive à Mai 68.

DE GAUCHE À DROITE Echo de famille, 1935Actua'Sourd, 1995La voix du sourd, 1976

XIXe siècleXVIIIe siècleAbbé de l'Épée (1712-1789)

Libéralisation de la presse (1867)

1ère presse entièrement sourde (1870)

La Défense des

Qui est Henri Gaillard ?Henri Gaillard était l’un des plus vigoureux mili-tants sourds de France du XIXème siècle.

Ancien élève de l’Institut de Paris (INJS), il fai-sait partie de la Société des gens de lettres. On lui doit de nombreux écrits défendant la Langue des Signes, promouvant la culture Sourde, valorisant les écrivains et artistes sourds. Chose rare, il est le créateur du verbe "noétomalalier" (s'exprimer, montrer ses pen-sées par gestes, par la Langue des Signes), mot tombé dans l’oubli vers le XXème siècle et qui semble renaître de nos jours.

Le parcours de Gaillard est brillant, unique et passionné, pourtant vers la fin il se retrouve isolé, rejeté par les sourds pour avoir trop aimé la Langue des Signes, et par ses enfants pour avoir été trop fier d’être sourd.

Fait intéressant

Gaillard crée L’imprimerie des sourds-muets et publie de nombreux ouvrages venant d’auteurs grands publics, devenant ainsi financièrement viable.

Cet apport financier lui permet d’éditer Le journal du Sourd-Muet et ainsi de continuer à être publié en dépit d’un faible nombre de lec-teurs. Il peut même rémunérer les auteurs, et employer quelques sourds.

D’autre part, les relations de Gaillard l'aident à trouver des appuis permettant également à La Gazette d’exister : Francisque Sarcey (cri-tique dramatique et journaliste français), Paul Deschanel (homme de lettres et homme d’État français sous la IIIème République) ont écrit dans les colonnes de ces journaux.

La presse et la loiDeux actions législatives facilitèrent l’existence et la multiplication des journaux : la libéralisation de la presse en 1867 qui permit de créer une presse à moindre coût et la loi de la liberté de la presse de 1881 qui rendit la censure plus souple.

Photo de l’imprimerie d’ouvriers sourds-muets© ARSCA

XXe sièclee

Loi de la liberté de la

presse (1881)

s sourds-muets(1883)

Le Journal des Sourds-Muets(1895)

Le Sourd-Muet Illustré / La Gazette des Sourds-Muets(1890)

La Gazette : La Voix du Sourd(1961)

Actua'Sourd(1993)

L'Echo(1908)

Le Réveil Sourd de la presse(1990)

Eugène Rubens-Alcais (1884-1963)

Henri Gaillard (1866-1939)

Belle Époque (1870-1914)

LE SAVIEZ-VOUS ?L’écrivain Victor Hugo (1802-1885) devint sourd à la fi n de sa vie. Son célèbre personnage de Quasimodo

est un carillonneur sourd communi-quant en Langue des Signes. Victor Hugo dira : « Qu’importe la surdité de l’oreille, quand l’esprit entend ; la seule surdité, la surdité vraie, la surdité incurable, c’est celle de l’intelligence. » Cette phrase fi gu-

rera longtemps sous le bandeau de La Gazette des sourds-muets.

Art’Pi! 43

ADREAN CLARK www.adreanaline.com / www.aslwrite.com

En tant que sourde et artiste, je désire inté-grer ma langue maternelle, la Langue des Signes, dans mes œuvres. Représenter sur papier, et donc figer une langue basée sur le visuel et le mouvement est un vrai défi. Sur le papier, une forme écrite de l'ASL [Langue des Signes Américaine] fonctionne comme celle de l'anglais : des ellipses nous donnant suffisamment d'informations pour "reconstruire" l'intégralité du dialogue dans notre tête. Ce qui se fait avec l'ASL peut se faire avec la LSF. Si vous voulez en savoir plus, cherchez ma BD dans le prochain numéro.

Adrean Clark est auteure, illustratrice et dessinatrice de bandes dessinées.

STRIP

En 1792, à quarante-six ans, le peintre Francisco Goya (1746-1828) devient totale-

ment sourd. Il apprend la Langue des Signes et l’enseigne à ses amis. Cela va libérer

son imagination et son style se singularise. Ses œuvres deviennent les plus étranges, angoissantes et fascinantes de sa carrière. Il est le premier à réellement exprimer ses sentiments à travers l'art plutôt que par des

moyens religieux.

Alfred de Musset (1810-1857), poète, auteur dramatique et romancier français, est l’auteur de Pierre et Camille (1848). Cette nouvelle relate la rencontre amou-reuse de deux sourds au temps de l’abbé de l’Épée. Elle paraît quatre ans après le premier mariage entre sourds, à Paris.

Bruno Braquelhais (1823-1875) participa à la naissance de la photographie et fut

le précurseur du photo-journalisme. Il est connu pour ses nus fémi-nins, mais est surtout considéré

comme le photographe de la Commune, ayant pu s’aventurer

librement à travers les barri-cades parce qu’il était sourd.

Paul-François Choppin (1856-1937), devenu sourd à l’âge de deux ans, eut

plusieurs de ses œuvres en bronze exposées dans Paris : La laveuse dans le parc de Montsouris, Un vainqueur de la Bastille dans le square Parmentier et Le docteur Broca boulevard Saint-Germain. Elles furent détruites pendant la Seconde Guerre

Mondiale.

En 1852, Ferdinand Berthier, venu voir la pièce L’Abbé de l’Epée, critique la mimique et le style qu’il trouve « démodés », compte tenu de l’évolution linguistique de la langue.

En 1870, il donne des conseils pour réactualiser la pièce.

Frédéric Peyson (peintre sourd, 1807-1877) fut l’élève d’Ingrès, parmi les meilleurs. Le public et la critique d'art fi rent des éloges de son tableau Les derniers moments de l’abbé de l’Épée. Des sourds du monde entier signèrent une pétition pour que le Ministère de l’Intérieur achète cette

œuvre. L’État contacta Peyson mais celui-ci trouvant l'offre fi nancière dérisoire préféra en

faire don à l’Institut des Sourds de Paris.

LE SAVIEZ-VOUS ?

44 Art’Pi!

Art’Pi! 45

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Art’Pi! 47

De la moquerie à la considération

Les premières traces de personnages sourds dans le théâtre datent du Moyen-Âge. À cette époque, sur les parvis des églises, des comédiens enten-

dants jouent des scènes de la Bible pour enseigner la religion catholique. Les infirmes guérissent par miracle, des sourds se mettent à entendre, des aveugles se mettent à voir. En parallèle, en dehors du théâtre reli-gieux, le théâtre profane présente la surdité comme un élément comique. Les personnages simulent la sur-dité pour se sortir de l’embarras ou pour faire enrager les autres. Le vrai sourd, idiot de la pièce, enchaîne les malentendus ou est ridiculisé. Pendant des siècles, pour grand nombre d’auteurs, le sourd servira à créer des quiproquos, des situations comiques, des moque-ries. Il sera "le sourd" comme on pourrait dire "le bègue", "le muet", "le boiteux". Il faudra attendre un long moment avant d’assister à un spectacle proposant un vrai rôle pour un personnage sourd et il est encore plus rare d’en voir un qui ne soit pas joué par un entendant.

À partir du XVIIIème siècle, avec l’arrivée de l’abbé de l’Épée, le public, aussi bien sourd qu’entendant, devient friand de spectacles autour de la surdité. De plus en plus de pièces intègrent des personnages sourds dans l’histoire. Malheureusement, ces rôles sont générale-ment tous joués par des entendants. Les comédiens se rendent à l’Institut Royal des Sourds-Muets de Paris – devenu l'Institut National des Jeunes Sourds de Paris - pour essayer de coller au plus près à "l’expres-sion Sourde". Des sourds comme Massieu, Berthier ou Gaillard apportent leurs suggestions et se rendent dans les coulisses des spectacles pour conseiller sur place. De nombreuses pièces continuent à exploiter le burlesque de l’infirmité et à faire rire le public avec le personnage sourd ou malentendant. Un nouveau courant apparaît néanmoins, avec un angle différent sur la surdité, essayant d’être plus explicatif et dans la compréhension. L’abbé ayant rendu à la société des êtres auparavant exclus, de nombreux auteurs veulent honorer sa mémoire et son travail. Le sourd devient un personnage intelligent, réclamant justice, pouvant aimer ou être aimé.

Une pièce va réussir à marquer l’histoire du théâtre par son incroyable succès et par l’image positive qu’elle contribue à donner des sourds. L’Abbé de l’Épée, comé-die en cinq actes écrite par l’entendant Jean-Nicolas Bouilly en 1799, sera jouée pendant pratiquement cent ans.

L’Abbé de l’Épée, comédie en cinq actes de Jean-Nicolas Bouilly, 1799La pièce base son histoire sur l’affaire juri-dique s'étant déroulée de 1776 à 1792, couram-ment appelée "l’Affaire Solar". Bouilly en modifiera les noms et les faits. La pièce parle de Théodore, sourd-muet orphelin, recueilli et instruit par l’abbé de l’Épée. Découvrant qu’il est l’unique héri-tier du comte d'Harancour, aidé de l’abbé de l’Épée, Théodore fera tout pour retrouver son nom et ses biens. Bouilly prend des liber-tés avec la réalité et donne raison au jeune sourd. En fait, même si le doute persiste, le tribunal jugera en sa défaveur après plusieurs rebon-dissements. L’homme incriminé sera relaxé. Voyant la pièce, celui-ci se sentira offensé et essayera de faire interdire les représenta-tions. Malgré cela, la comédie a un immense succès et sera jouée dans de grandes salles françaises et européennes. Le rôle du jeune sourd sera généralement joué par de jeunes femmes entendantes. Certains sourds, tels Ballestrier ou Charles Sinobre, réussissent à jouer dans la pièce lors de représenta-tions en province. Cela restera mal-heureusement assez rare.

e l’Épée, comé-eJean-Nicolas

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modifiera les dore, sourd-bé de l’Épée.

Le théâtre s’intéresse aux sourds depuis très longtemps. Le personnage sourd est tour à tour miraculé, ridiculisé ou valorisé suivant l’évolution de la société. Parallèlement, le théâtre Sourd, dont le passé est plus difficile à observer, sort lentement de l’ombre jusqu’à éclater au grand jour.

Le

PAGE DE GAUCHEComédiens sourds inconnus © Amicale des anciens élèves de l’INJS de Paris

Buste de Jean-Nicolas Bouilly© Archives de l'INJS de Paris

Affiche de L'Abbé de

l'Épée, 1890© Archives de l'INJS de Paris

LE PERSONNAGE SOURD AU THÉÂTRE

personnage sourd

théâtreau

48 Art’Pi!

Le théâtre s’inspirant de l’actualité, chaque nouvelle affaire défrayant la chronique devient source d’ins-piration. Au fur et à mesure, il reflétera également les changements dans l’enseignement prodigué aux sourds à travers les siècles. Avec la montée de l’ora-lisme et l’arrivée du Congrès de Milan en 1880, les portraits flatteurs des sourds laissent la place à des visions d'infirmes.Les auteurs et comédiens sourds, restés assez discrets jusque-là, continuent à exister de manière plus confi-dentielle. Le théâtre Sourd évolue dans les écoles, les comités, aux congrès internationaux des sourds-muets ou dans des associations sportives devenues de plus en plus nombreuses. Ladite pièce L’Abbé de l’Épée, après son retrait des théâtres publics, est reprise par les Instituts de sourds et dans les associations.

La Langue des Signes étant

rejetée, la pantomime et

les spectacles de danse se

généralisent. Le mime devient une façon de contourner le rejet et de s'exprimer librement en public. Des artistes émergent pour dynamiser le théâtre Sourd : Ginette Baccon (dan-seuse) et les frères Albert et André Braün (auteurs et comédiens).

Les spectacles des frères André et Albert BraünDepuis la première moitié du XXème siècle, à l’ombre des différents Instituts de sourds, s’est développée la pantomime. André Braün, à l’Institut Baguer d’Asnières, écrit et joue, avec son frère Albert, des pièces de théâtre, des sketches pantomimiques, des comédies, mimes, drame : Le Rêve de Bébert, À la Caserne, Les Conséquences du Train Manqué, L’Innocent, Le Bossu ou Le Fils d’Alcoolique… L’un des frères fera plus tard des spectacles en solo, présentant essentiellement des histoires d’amour ou des sketches comiques (Le Chagrin d’Amour, Le Chewing-gum…).

Les deux personnages interprétés couramment par les deux frères Braün sont ceux de l’officier et du soldat. Lorsque l’officier (André Braün) donne un "coup de pied au cul" au soldat (Albert Braün), ce dernier ramasse avec une pelle du crottin de cheval, et le jette par derrière sur l’officier. Celui-ci reçoit sur le visage et l’uniforme du crottin que les spectateurs croient vrai et frais. Le crot-tin, bien imité, était fabriqué par les frères Braün, avec du pain d’épices, des grains d’avoine et de la paille !

Le Pauvre Pêcheur par des comédiens sourds inconnus© Amicale des anciens élèves de l'INJS de Paris

Pièce de pantomime comique d’Albert Braün À la Caserne à l’Institut Départemental des Sourds-Muets d’Asnières le 21 décembre 1929 © Archives Olivier Schetrit

Ginette Baccon sur la droite au devant de la scène© Archives de l'Amicale des anciens élèves de l'INJS de Paris

Pièce de théâtre sur l'abbé de l'Épée,1938

© Archives de l'Amicale des anciens élèves de

l'INJS de Paris

Art’Pi! 49

Le théâtre Sourd au grand jour

En 1976, après un siècle d’interdiction de la Langue des Signes, les sourds français, honteux de leur langue, se cachent pour l’utiliser. Jean Grémion, metteur en scène entendant, parti aux États-Unis à la recherche de nouveaux spectacles, rencontre l’artiste sourd américain Alfredo Corrado, alors assistant du marion-nettiste Robert Anton (entendant). Leur spectacle sera programmé durant un an à la Tour du Village du Château de Vincennes. Alfredo Corrado, découvrant « le manque de confiance des sourds français en leur langue », décidera de créer, avec Jean Grémion, un centre de recherche pour l'expression théâtrale de la culture Sourde. Bill Moody, comédien américain enten-dant et interprète professionnel en Langue des Signes Américaine (ASL) et Ralph Robbins, également comé-dien américain entendant, les rejoignent. Avec une vingtaine de jeunes adultes sourds français déjà sen-sibilisés au théâtre grâce au travail de Ginette Baccon, ils s’installent dans les salles du Château de Vincennes. International Visual Theatre, IVT, est né. Cent soixante ans après le départ de Laurent Clerc (sourd français qui exporta l’éducation de l’abbé de l’Épée aux États-Unis pour y créer la première école de sourds), Alfredo Corrado ramène la flamme de la culture Sourde en France.

Dès février 1977, Corrado fait un travail de recherche, à travers le théâtre, sur la réalité et l’originalité de la culture Sourde. Le premier spectacle d’IVT, en 1978, est joué complètement dans le silence et a pour titre [ ]. « Pour les comédiens sourds, ce titre signifie la com-munauté repliée sur elle-même en quête de sa propre identité, de sa culture, et des outils théâtraux pour l’exprimer. Ce spectacle, très visuel, est principalement destiné aux sourds. Le deuxième spectacle, en 1979, ] [, signifiera l’ouverture de la communauté vers les autres. Toujours un travail de recherche et toujours joué dans le silence complet, il sera plus ouvert au public enten-dant. »

En 1993, la pièce de théâtre américaine à succès Les Enfants du Silence sera adaptée et jouée pour la deu-xième fois en France. La comédienne Emmanuelle Laborit recevra le prix de la révélation théâtrale pour son rôle.

Les Enfants du Silence de Mark Medoff, 1993Une jeune femme sourde, Sarah, tombe amoureuse d'un professeur entendant, Jacques Leeds, et lui fait comprendre que son monde est loin de ce qu'il peut imaginer. Elle refuse de lire sur les lèvres des enten-dants pour préserver sa propre identité de Sourde.Les Enfants du Silence (Children of a Lesser God) est une pièce de théâtre américaine de Mark Medoff. Elle est adaptée en 1982 par Pierre Brouton, et jouée au Studio des Champs Élysées avec Chantal Liennel, Monica Companys (sourdes) et Jean Dalric (entendant). La pièce sera reprise en 1993 par Jean Dalric aidé de Levent Beskardès (sourd), et recevra deux Molières (meilleure adaptation, et révélation théâtrale pour la comédienne Emmanuelle Laborit).

Répétition du spectacle 1x80 d'IVT © Archives de Jean Grémion

Bill Moody Alfredo Corrado

Affiche de la pièce Les enfants du silence, 1993

LE SAVIEZ-VOUS ?Le Suédois Pär Aron Borg, après avoir vu le spectacle L’Abbé de l’Épée de Jean-Nicolas

Bouilly, décide de s’occu-per des sourds. En 1809, il réussit à convaincre le roi de Suède de créer une école pour Sourds.

50 Art’Pi!

Hanna de Levent Beskardès, 1994L’histoire raconte comment Hanna, jeune fille sourde, tente de fuir la stérilisation que la politique nazie impose aux "malades congénitaux". Cette fuite mènera la jeune sourde vers des lieux et des personnages aspirant comme elle au droit de vivre...La pièce est récompensée et acclamée par les sourds en France et aux États-Unis : meilleur metteur en scène à la cérémonie Sourde Mains d'Or en 1999 et meilleure pièce de théâtre Mains d'Or 2004.

XIXe siècleXVIIIe siècleAbbé de l'Épée (1712-1789)

Dernièrement, en juillet 2011, était présenté au Festival Clin d’Oeil un travail de recherche inédit ; un atelier de création s'appuyant sur la rencontre artistique entre trois théâtres européens travaillant en Langue des Signes : le Teater Manu en Norvège, le Tyst Teater en Suède et International Visual Theatre en France. Cette recherche autour de l’expression visuelle et des signes devra donner suite, si tout va bien, à une création théâ-trale visuelle et internationale en 2013.

C’est bien la preuve qu’aujourd’hui le théâtre Sourd français est sur la bonne voie pour trouver toute sa place dans le monde du spectacle. Il ne reste plus qu’à souhaiter voir enfin plus régulièrement des person-nages sourds réellement interprétés par des sourds dans les productions Entendantes.

OLIVIER SCHETRIT & SOPHIE LAUMONDAIS

Le Molière donné à une comédienne sourde va revi-gorer, encourager, dynamiser les sourds et l'art Sourd. Ignorant l'histoire de leur théâtre, les sourds français découvrent qu'ils peuvent faire du théâtre par eux-mêmes. Par la même occasion, une fenêtre s’ouvre pour permettre aux entendants de s’intéresser à nou-veau aux sourds et à la Langue des Signes. Le person-nage sourd, dans les spectacles Entendants comme dans les spectacles Sourds, devient plus profond, prend plus d'épaisseur et n'est plus systématiquement un prétexte à quiproquo.

Le Réveil Sourd engendre des créations de plus en plus riches et novatrices. Une création en inspirant d’autres, les spectacles se succèdent. Citons par exemple Hanna de Levent Beskardès (1993), Metroworld d’Antony Guyon (2010), Le Divan Violet de Mathias-Henri Glénard (2011) ou Héritages d’Emmanuelle Laborit et Estelle Savasta (2011)...

Atelier européen de créa-tion autour de l'expression visuelle et des signes au Festival Clin d'oeil, 2011© Archives IVT

Les comédiens d’Hanna © Archives Claire Garguier

Affaire Solar (1776-1792)

L'Abbé de l'Épée(1799)

Jean Massieu (1772-1846)

Laurent Clerc (1785-1869)

Ferdinand Berthier (1803-1886)

Art’Pi! 51

XXe sièclee

Son parcours

Ginette Baccon, née Schmitz en 1919 à Saint-Ouen, fait ses études à l’Institut Gustave Baguer d'Asnières-sur-Seine. Dès l’âge de douze ans, elle rêve de devenir comédienne, et en fait sa motivation principale. Elle aime énormément danser, sur scène, lors de sorties… Dès ses dix-huit ans, lorsqu’elle quitte l’Institut, des amis sourds, dont les deux frères Braün, lui proposent de jouer au théâtre à l’occasion de fêtes, ce qu’elle accepte avec plaisir.

C'est le début d’une succession ininterrompue de pièces de théâtre, puis de danse. Elle se sait belle, et en fait un atout pour enchaîner projets sur projets : spectacles pour des fon-dations, des comités (à l’époque, on nommait ainsi les associations) ou des Fédérations de sourds. Madame Bascoul, sourde, signera beaucoup de mises en scène dans lesquelles elle jouera avec Madame Pruvost, danseuse également sourde (Madame Pruvost est actuellement âgée de quatre-vingt douze ans et demi !). À maintes reprises, Ginette Baccon a également le plaisir de travailler avec Paul Durand, un artiste sourd qui réalise plusieurs décors pour ses pièces.

Tous ensemble, ils participent à un répertoire très varié de pièces, allant du mime burlesque aux représentations visuelles (transcriptions visuelles, adaptations de textes, tel Madame Butterfly), en passant par les sketches, les pantomimes…Ginette Baccon reste influencée par les conséquences du Congrès de Milan qui ont dévalorisé la Langue des Signes : gênée par la "visibilité" de la Langue des Signes en extérieur qui lui semble "hors normes", elle préfère parler de transcription visuelle et de "théâtre mimique". Le mime est pour elle un retour aux "normes", et cela la rassure. Fervente adepte du mime, qu’elle trouve très riche et esthétique, elle le défend de toutes ses forces.

Vers 1967, dans sa volonté de valoriser la communauté Sourde, et de prouver l’éga-lité de niveau par rapport aux entendants, Ginette Baccon décide de diriger une com-pagnie de danse folklorique pour sourds : elle a eu la fierté de pouvoir danser pour la première fois à la Salle des fêtes de l’Institut National des Jeunes Sourds de Paris.En 1970, la compagnie de danse folklorique de Ginette Baccon comprend une douzaine de danseurs sourds : Chantal Liennel, Joël Liennel, Victor Abbou, Jean-François Labes, Germaine Woringer, Yannick Bienfait, Brigitte et José Vazquez, Michel Octon…

Ginette Baccon dans Oh France, Mon Pays, 1944© Archives Olivier Schetrit

Certains d’entre eux se sont, par la suite, fait un nom en tant que comédiens sourds à IVT. La compagnie organise des tournées de plus en plus importantes dans toute la France et à travers l’Europe.Pendant ses cours, Ginette Baccon conçoit et dirige les chorégraphies pendant que Nelly, une danseuse entendante, danse avec les élèves sourds pour leur donner le rythme. La compagnie de danse folklorique existe pen-dant plus de dix ans.Ginette Baccon décède le 26 mars 2010 à l’âge de quatre-vingt onze ans.

Ses œuvres

• Madame Butterfly, joué et mis en scène par Ginette Baccon, avec Aline Bascoul, décors de Paul Durand.• Oh France, Mon Pays, solo dansant mimique de Ginette Baccon, 1944.• Spectacle dansant, 1935 : Ginette Baccon est déguisée en soldat. Le fond du décor est peint par Paul Durand.

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Congrès de Milan(1880)

La compagnie de danse folkorique (1967)

Création d'IVT (1976)

Molière pour Emmanuelle Laborit (1993)

Le Divan Violet, Héritages, Atelier de création européen (2011)

[] d'IVT (1978)

][ d'IVT (1979)

Les Enfants du silence (1982)

Hanna (1993)

Metroworld(2010)

Henri Gaillard (1866-1939)

Ginette Baccon artiste et danseuse sourde, de l’Institut Baguer

52 Art’Pi!

Dans les films comme en société

Il faudra attendre j u s q u ’ e n 1 9 3 7 pour voir, pour la

première fois dans l'histoire du cinéma français, un comé-dien sourd à l’écran. Dans le film Chéri Bibi de Léon Mathot, Maurice Humbert joue un rôle majeur pour l’intrigue. Celui d’un prisonnier sourd dont la Langue des Signes va permettre de déjouer la surveil-

lance des matons et détourner l’interdiction de parole. Cependant, le plus souvent, les sourds sont représen-tés dans les films en ayant une identité de victime (personnage violé, orphelin) ou d'idiot du village (voire de sauvage ou d'assassin). C’est le personnage dont on se moque ou celui par lequel arrivent toutes les catastrophes.

L’instruction au cœur des intrigues

En 1962, aux États-Unis, Miracle en Alabama d’Arthur Penn raconte la vie d’Helen Keller, sourde et aveugle, qui obtint un diplôme universitaire. En 1970, en France, un film va présenter le travail d’éducateur sur un enfant ayant vécu seul dans la nature et que l’on croit sourd et muet. L’enfant sauvage de François Truffaut montre la douloureuse "oralisation" de Victor par le Docteur Itard, à l’Institut Saint-Jacques, en plein XIXème siècle. Ce qui apparaît comme un retard mental est présenté ici comme le produit de l'absence de contact avec les Hommes.

QuandComédien sourd ou comédien entendant ? Qui interprète les personnages de sourds dans les intrigues ? Quels sont les traits de caractère dominants de ces personnages ? L’évolution du rôle des sourds dans l’industrie cinémato-graphique, et la manière dont ils sont représentés, sont intimement liées à l’histoire de la culture Sourde.

QUAND LES SOURDS FONT LEUR CINÉMA

HAUTExtrait du film L'enfant sauvage

BASExtrait du film Miracle en Alabama

PAGE DE DROITEExtrait du film L'enfant du secret © France 2 / Laurent Denis

lessourdsfontleur cinéma

Art’Pi! 53

54 Art’Pi!

XVIIIe siècleAbbé de l'Épée (1712-1789)

Photo du tournage du film Jean de Florette © Archives de Chantal Liennel

BAS À GAUCHEExtrait du film Jean de Florette, 1985

Photo du tournage du film L'abbé de l'Épée © Archives de Guy Bouchauveau

Les sourds jouent leur propre rôle

Il faut attendre les années 80 pour que les rôles de sourds ne soient plus interprétés par les seuls enten-dants, toujours prêts à réaliser cette "performance", mais par des comédiens sourds qui se professionna-lisent. Il est vrai qu’entre temps la Langue des Signes est réhabilitée en France. Le personnage du sourd n’est plus montré comme un malade. Un véritable travail d’expression est engagé par les sourds eux-mêmes. Comédiens et réalisateurs sourds abordent les ques-tions de la blessure et des souffrances du passé, de leur relation avec les entendants, et de la place de la Langue des Signes dans la création.

L’abbé de l’Épée, réalisé entre 1982 et 1989 par Michel Rouvière, est le premier film français réalisé et joué exclusivement par des sourds. Il raconte la vie et l’ac-tion de l’abbé de l’Épée au XVIIIème siècle. En 1995, Ridicule de Patrice Leconte obtient quatre Césars. Trois sourds, Laurent Valo, Claire Guarguier et Bruno Zanardi, qui ont débuté à IVT (International Visual Theater), ne jouent pas les rôles principaux dans ce film historique, mais sont des figures positives qui font, là encore, réfé-rence à l’action de l’abbé de l’Épée.Les films avec des comédiens sourds jouant des rôles de personnages sourds vont se multiplier. Ce qui ne va pas empêcher de les présenter de manière caricaturale comme dans Jean de Florette de Claude Berri, où, en 1985, une comédienne sourde, Chantal Liennel, incarne une domestique revêche.

XIXe siècle

Il faut attendre les années 80 pour que

les rôles de sourds ne soient plus interprétés

par les seuls entendants

Extrait du film Ridicule, 1995

Art’Pi! 55

Photo de tournage du téléfilm L'enfant du secret, 2006© France 2 / Laurent Denis

Place aux jeunes

Les enfants sourds échappent le plus souvent à cette fatalité de se voir "voler" la vedette.En 2006, dans L’enfant du secret, téléfilm réalisé par Serge Meynard s’inspirant de l’affaire Solar, le comédien sourd Joshua Julvez joue le rôle de Joseph, abandonné par une riche famille, qui cherche avec l’abbé de l’Épée à retrouver sa véritable identité. Plusieurs comédiens sourds jouent les rôles des élèves de l’abbé de l’Épée. Avant de tourner, les comédiens reçoivent un DVD contenant le résumé du film et les dialogues en Langue des Signes. Sur le plateau, plusieurs professionnels et interprètes sont présents. Michel Aumont, qui incarne le personnage de l'abbé de l'Épée, a pris une trentaine de cours auprès d'un professeur sourd de Langue des Signes, Bachir Saïfi.

Guy Jouannet

Journaliste et éducateur spécialisé ayant travaillé à l'Institut National des Jeunes Sourds (INJS) de Paris, il est l’auteur du livre L'ÉCRAN SOURD. - Les représentations du sourd dans la création cinématographique et audiovisuelle. Il a écrit une version ré-actualisée de son ouvrage mais n'a pas trouvé d’éditeur.

Naissance du cinéma(1895)

Chéri Bibi(1937)

Miracle en Alabama(1962)

L'enfant sauvage(1970)

Jean de Florette

(1985)Ridicule(1995)

L'enfant du secret(2006)

L'abbé de l'Épée(1982-1989)

Cinéma muet(jusqu'en 1927)

Lon Chaney (1883-1930)

Charles Chaplin (1889-1977)

Granville Redmond (1871-1935)

XXe sièclee

Ces dernières années, des dizaines de productions ont mis en scène des sourds, et si les rôles ont évolué et ont gagné en profondeur, encore trop peu de per-sonnages sont incarnés par les sourds eux-mêmes. Aujourd’hui, la France compte pourtant plusieurs dizaines de comédiens sourds professionnels de tous âges. Mais très peu vivent de leur art, à la scène comme sur les écrans.

VÉRONIQUE BERTHONNEAU(avec pour référence L’écran sourd de Guy Jouannet)

LE SAVIEZ-VOUS ?Un documentaire sur l’œuvre de Ginette Baccon, réalisé par

Olivier Schetrit, a été présenté au 8ème

Festival du DHI - Deaf History International - organisé par l’Onta-rio Deaf Foundation, à Toronto, Canada, et a

remporté le Premier Prix du Film Documentaire.

56 Art’Pi!

Michel Rouvière est un passionné de cinéma. Il a déjà réalisé quelques films courts, par pur plaisir amateur, quand il découvre dans Le

Journal de Tintin (N°545, 2 avril 1959) une bande des-sinée racontant l'histoire de l'abbé de l'Épée. Lui-même se rappelle son émotion lorsqu'à l'âge de douze ans il est entré à Saint Jacques et a découvert la statue du prêtre dans l'enceinte de l'école.

" Tout peuple, culture, a

ses modèles, ses symboles.

L'abbé de l'Épée a été

représenté de nombreuses

fois dans des pièces de

théâtre mais j'avais

envie de l'immortaliser

en faisant un fi lm, pour

l'inscrire au mieux dans

l'Histoire ".

Le fi lm

LE FILM L'ABBÉ DE L'ÉPÉE DE MICHEL ROUVIÈRE

Premier film français réalisé par une équipe entièrement composée de personnes sourdes, L'abbé de l'Épée est encore aujourd'hui méconnu du public sourd et entendant.

Planche de L. & F. Funcken L'Abbé de l'Epée 1712-1789 extraite de Tintin, le journal des jeunes de 7 à 77 ans,

N°545, 2 avril 1959. © Le Lombard

Michelde Rouv ièreL'abbéde l'Épée

Art’Pi! 57

Décision prise, Michel Rouvière rassemble son équipe, investit de l'argent et des moyens. Le tournage débute en 1986 et dure presque trois ans. Tous les same-dis et dimanches, environ vingt-cinq personnes se retrouvent pour tourner... À l'Institut National des Jeunes Sourds de Paris, chez des amis, dans une mai-son prêtée, et même une église empruntée pour l'oc-casion ! Autogestion et débrouillardise sont les mots d'ordre de Michel. À cette époque, il n'y a pas de por-table, ni de minitel. Le cinéphile crapahute de droite à gauche pour donner les rendez-vous, chercher les cos-tumes à louer, les derniers matériels à récupérer...

L'intrépide réalisateur fait appel à Guy Bouchauveau pour le rôle de l'abbé de l'Épée, tant ses traits res-semblent aux illustrations, aux portraits faits du prêtre. Bonhomie et tranquillité paraissent sur le visage rond de Guy, à l'image de l'abbé.

Le film retrace une partie de la vie de l'abbé de l'Épée, de sa rencontre avec les deux jumelles sourdes jusqu'à sa mort. Il montre, à travers des moments clés, son com-bat pour faire ouvrir et maintenir une école publique pour les enfants sourds. Le film a connu plusieurs ver-sions, mais la dernière dure trente-cinq minutes.

Il est prévu de prolonger le tournage. Mais le décès brutal, suite à un accident, de André Denys, le camé-raman, l'interrompt. Par la suite, le film est projeté plu-sieurs fois en France mais aussi aux États-Unis et en Allemagne.

Bien que le film soit incomplet et parfois maladroit dans sa construction, il fait partie de l'Histoire Sourde. Il est le témoin de la vie d'un grand homme et de l'incroyable énergie et motivation d'une équipe de passionnés.

L'anecdote du tournagePendant la séquence de la mort de l'abbé de l'Épée, famille et amis sont rassemblés autour du lit. Guy Bouchauveau doit faire le mort. Tant et si bien qu'il s'endort durant toute la séquence.

PAULINE STROESSER

Photos de tournage© Archives de Guy Bouchauveau

58 Art’Pi!

BD

Illustration : Jean-Marie Hallegot / Couleurs : Daniel Le Coq

Art’Pi! 59

AgendaSpectacle vivantThéâtre, contes, ateliers, lectures, festivals...60

AudiovisuelCinéma, vidéo, art visuel...61

Art/CultureArchitecture, Histoire, arts plastiques... et les banquets du tricentenaire62

ÉditionBandes dessinées, journaux, romans, rencontres...64

MultimédiaÀ découvrir sur la toile65Ill

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Dos

, IVT

60 Art’Pi!

THÉÂTREQuatre lettres sur l'éducation des sourdsCette adaptation théâtrale d’extraits de l'œuvre de l'abbé de l'Épée est interprétée en LSF par le comédien Bachir Saïfi, accompa-gnée d'une lecture en français oral, et sera suivie d'un débat.

9 NOVEMBRE À 18H SALLE DES FÊTES, VERSAILLES (78)www.injs-paris.fr/documents-du-site/fichiers-a-telecharger/Tricentenaire-de-la-naissance-de-l.pdf

SPECTACLECompagnons de routeUn compagnon mystérieux, un aubergiste truculent, un roi désespéré, sa fille aussi belle qu’en-voutée… Karine Feuillebois incarne ces personnages en LSF, ses voix sont celles d’Alexandra Bilisko. Un mélange de talents et de cultures pour conter cette histoire peu connue d'Andersen.

8 DÉCEMBRE À 16H BIBLIOTHÈQUE CHAPTAL, PARIS (75)www.spectacle-des-fous.com

THÉÂTREAlaskaCe spectacle, traduit en Langue des Signes, fait fondre les frontières entre jeu, chant, porté acrobatique, marionnette, art plastique pour exprimer la complexité du monde et mettre en doute ce qui est appelé la réalité. D'autres repré-sentations traduites sont prévues ultérieurement.

2 ET 9 OCTOBRE THÉÂTRE VARIA, BRUXELLES (BELGIQUE)www.varia.be/fr/

Spectacle vivant

ATELIERChansigne Venez vous amuser autour de jeux rythmiques et de jeux de mains, et découvrez comment on peut adap-ter une chanson traditionnelle en Langue des Signes. Sur inscription.

20 OCTOBRE À 15H 1ER DÉCEMBRE À 15H 15 DÉCEMBRE À 15H BIBLIOTHÈQUE CHAPTAL, PARIS (75)http://bibliotheques.activites.paris.fr/liste/index/aid/34095/aname/Comment%20chante-t-on%20en%20langue%20des%20signes%20?%20:%20ateliers

LECTUREMa paroleCe spectacle de sensibilisation écrit par Jean-Yves Augros est né de la nécessité d’aborder les problèmes de communication rencontrés par les sourds. Il questionne les usages, les pratiques et les conduites entre des personnes aux modes d'échange différents.

15 NOVEMBRE À 19H BIBLIOTHÈQUE CHAPTAL, PARIS (75) 21 NOVEMBRE À 19H BPI DU CENTRE POMPIDOU, PARIS (75)

FESTIVALOrphéePour cette dixième édition, le festival de théâtre propose des spectacles touchants et plein d'hu-mour venus de France, d'Espagne, d'Allemagne, de Belgique et d'Écosse. Découvrez non seulement les dernières créations des compa-gnies qui ont fait la renommée du festival, mais aussi de nouveaux artistes aux accents originaux.

JUSQU'AU 20 OCTOBRE VERSAILLES (78)www.orpheefestival.com

CONTESHeure du conteLes bibliothécaires des Pôles Sourds des bibliothèques de la ville de Paris viennent raconter à la Bibliothèque Publique d'Information (BPI) des contes en français et en Langue des Signes Française.

10 NOVEMBRE À 16H ET 17H 17 NOVEMBRE À 16H ET 17H 24 NOVEMBRE À 16H ET 17H 1ER DÉCEMBRE À 16H ET 17H BPI DU CENTRE POMPIDOU, PARIS (75)www.bpi.fr

LECTUREFroid dans le dosUne création de Bachir Saïfi et Antoine de la Morinerie pour sourds et entendants, à partir de motifs tirés de contes où ogres et barbes bleues viennent s’entremêler aux souvenirs des fantômes du Grand-Guignol. Ce spectacle sera présenté à IVT (International Visual Theatre) du 3 au 23 décembre.

8 NOVEMBRE À 18H BPI DU CENTRE POMPIDOU, PARIS (75)www.bpi.fr

CONFÉRENCEInternational Visual TheatreEmmanuelle Laborit (directrice), Stéphane Judé (directeur adjoint) et Jean-Yves Augros (responsable de l'action culturelle et du public sourd) proposent une conférence sur le thème : " Découverte et pré-sentation d'IVT : un espace culturel d'échanges pour les sourds et les entendants ".

8 NOVEMBRE À 19H BPI DU CENTRE POMPIDOU, PARIS (75)www.bpi.fr

SPECTACLEUne Saison Rimbaud Olivier Schetrit et Olivier Quinzin vous font découvrir en voix et en signes le roman jeunesse d'Emmanuel Arnaud, dans une mise en scène d'Annie Mako : un jeune adolescent voit sa vie bouleversée par la découverte des Illuminations de Rimbaud.

28 NOVEMBRE À 17H BPI DU CENTRE POMPIDOU, PARIS (75)www.babdp.org/spip.php?article29

CONTESHeure du conte David avec ses mains, Anne Laurence et Fabio avec leurs voix racontent des histoires pour les tout-petits et pour les plus grands. Bilingue LSF/français oral.

10 OCTOBRE À 10H30 ET 11H 13 OCTOBRE À 11H ET 16H BIBLIOTHÈQUE CHAPTAL, PARIS (75)www.dailymotion.com/video/xsvlnn_10-et-13-octobre-2012-pa-ris-chaptal-75-heure-du-conte-bilingue_lifestyle

THÉÂTRECher Monsieur BerthierCette pièce de Didier Flory, d’après l’œuvre de Fabrice Bertin Ferdinand Berthier, ou le rêve d’une nation sourde, est jouée entièrement en Langue des Signes et interprétée en direct en voix-off.

20 OCTOBRE ASCSRR, ROUEN (76) 10 NOVEMBRE RÉGATES RÉMOISES, REIMS (51) 17 NOVEMBRE NANCY (54) 30 NOVEMBRE LIMOGES (87) 7 DÉCEMBRE THÉÂTRE DU TIROIR, LAVAL (53)

FESTIVAL EUROPÉENT H É Â T R E E T H A N D I C A P

www.yanous.com

EN PARTENARIAT AVEC :

THÉÂTRE MONTANSIER13, rue des Réservoirs / Loc 01 39 20 16 16www.orpheefestival.com

La Llama DobleDANSE CONTEMPORAINE / ESPAGNE

Exercices de styleTHÉÂTRE / FRANCE

Pantomime JomiPANTOMIME / ALLEMAGNE

Les ChaisesTHÉÂTRE / FRANCE

Marcel LoefflerAround Gus QuartetMUSIQUE / FRANCE

Né… 2 foisMIME / FRANCE

Snails & KetchupSPECTACLE VISUEL / ÉCOSSE

Le Cirque OuïlleCIRQUE / CABARET / HUMOUR / THÉÂTRE / BELGIQUE

Bien vu Miro !THÉÂTRE / HUMOUR / FRANCE

Personimages EXPOSITION

Acte 21 THÉÂTRE / FORMATION ET ÉDUCATION ARTISTIQUE

DU 28 SEPTEMBREAU 20 OCTOBRE 2012

PersonimagesDépasser son handicap par l’expression artistique

Art’Pi! 61

CINÉMALes jeunes sourds dans la société Une soirée de projections et de débats pour découvrir les regards singuliers de trois cinéastes sur la place de la jeunesse sourde dans notre société.

15 NOVEMBRE À 20H CINÉMA L'ENTREPÔT, PARIS (75)www.ffsb.be/documents/Actualite/node4729_babdp.pdf

VIDÉOLes visiteurs Ce clip permet de ressentir l'atmos-phère des visites en français et en LSF organisées dans le cadre de l'événement MONUMENTA (Daniel Buren) à la Nef du Grand Palais : des moments magiques et fraternels autour d'une œuvre spectaculaire.www.babdp.org/spip.php?article198

DVDThe HeART of Deaf Culture : Literary & Artistic Expressions of DeafhoodCe coffret multimédia explore l’art visuel Sourd, l’ASL et la littérature anglaise, le théâtre et le cinéma Sourds à travers plus de 300 œuvres.https://www.ntid.rit.edu/ntidweb/products/?controller=product&path=23&product_id=33

VIDÉOChristine Sun KimSourde de naissance, cette artiste américaine explore ce qu'elle appelle la "physicalité du son". Elle réalise des expériences sur la matérialisation du son et de la vibration.

www.huffingtonpost.com/2012/09/10/christine-sun-kim-deaf-pe_n_1870489.html

CINÉMAFestival international du film lesbien et féministe de ParisSoixante-dix projections de films sous-titrés, des rencontres traduites, des expositions... réservées aux femmes !

DU 31 OCTOBRE AU 4 NOVEMBRE THÉÂTRE DE MÉNILMONTANT, PARIS (75)www.cineffable.fr/fr/edito.htm

CINÉMAFestival Européen du Film Court Cette année, la programmation du festival comprend deux séances traduites en Langue des Signes Française. Préparez-vous à faire le plein d’humour, les courts attaquent la ville de Brest !

DU 13 AU 18 NOVEMBRE BREST (29)www.filmcourt.fr

Audiovisuel

62 Art’Pi!

NANTERREFacultéConférence internationaleEn collaboration avec le GERS et l’INS-HEA, la FNSF propose trois jours de conférences autour de la culture Sourde (Histoire et culture, éducation, médecine et éthique, politique). De nombreux inter-venants prestigieux, français et étrangers, seront présents.

DU 21 AU 23 NOVEMBRE www.fnsf.org/300ans/2012-les-temps-forts/conference-internationale

PARISChapelle de l'INJSTricentenaire de la naissance de l'abbé de l'Épée Une exposition, La vie de l'abbé de l'Épée, et une frise chronologique sur l'Histoire des sourds en France (de la naissance de l'abbé de l'Épée à nos jours), en parallèle avec l'His-toire de France.

JUSQU'AU 21 DÉCEMBRE www.injs-paris.fr/3eme-cente-naire-de-labbe-de-lepee

PARISInstitut National des Jeunes SourdsPlaque commémorative du Tricentenaire Samedi matin à l'INJS sous la galerie : dévoilement d'une plaque commémorative des 300 ans de la naissance de l'abbé de l'Épée par l'Amicale des Anciens Élèves.

24 NOVEMBRE www.injs-paris.fr/documents-du-site/fichiers-a-telecharger/Tricentenaire-de-la-naissance-de-l.pdf

Art/Culture

PARISMusée des Arts ForainsBanquet AnniversaireLa FNSF propose une soirée exceptionnelle dans le Théâtre du Merveilleux, avec ses décors d‘époque et ses jeux centenaires. Des invités exceptionnels seront présents : animations cultu-relles, humour Sourd et d’autres surprises…

24 NOVEMBRE À 18H www.fnsf.org/300ans/2012-les-temps-forts/24-novembre-2012-lanniversaire-spectacle-et-banquet

PARISPanthéonVisite guidéeLe guide sourd Alexis Dussaix vous fait découvrir l'église Sainte-Geneviève, construite à partir de 1764, modèle d'architecture néoclassique. Transformé à la Révolution en temple républicain, ce lieu devient, dès 1791, la nécropole des grands hommes de la nation.

24 NOVEMBRE À 15H http://fr.sgb-fss.ch/images/sto-ries/pdf/Programme_Paris.pdf

REIMSCercle de l'abbé de l'ÉpéeArt et Talents SourdsOrganisée par l'association CinéSourds en collaboration avec l'Association des Sourds de Reims et de Champagne-Ardenne, cette exposition-vente met en avant des œuvres d'artistes sourds présents sur place (tableaux, sculptures, bijoux…).

VERNISSAGE 9 NOVEMBRE À PARTIR DE 16H EXPOSITION 10 NOVEMBRE www.asrca.fr

PARISBPIÀ pleines mains !La Bibliothèque Publique d'Infor-mation du Centre Pompidou, avec la FNSF et de nombreuses associations, accueille un dispositif consacré à la culture Sourde et à la Langue des Signes : exposition, débats, échanges, bibliothèque, contes, projections…

DU 5 NOVEMBRE AU 3 DÉCEMBRE www.fnsf.org/300answww.bpi.fr/fr/la_saison_cultu-relle/evenements/a_pleines_mains.html

GUADELOUPEMusée SchœlcherAccessibilitéCe musée, qui rend hommage à Victor Schœlcher et à son combat pour l’abolition de l’esclavage et la suppression des inégalités, propose tous les mois des visites en LSF.

Prochaines dates :Victor Schœlcher et l’abolition de l’esclavage 29 OCTOBRE Comment fonctionne un musée ? 26 NOVEMBRE Renseignements [email protected]

PARISCité des sciencesLéonard de Vinci, projets, dessins, machineÀ travers des manipulations interactives, entrez dans le monde riche et spectaculaire de Léonard de Vinci, et découvrez les qua-rante maquettes de ses machines réalisées à partir de ses célèbres carnets.

À PARTIR DU 23 OCTOBRE www.cite-sciences.fr/lsf/ala_cite/expositions/leonard-de-vinci/pres-entation-expo-leonard-vinci-lsf.php

SAINT-ROMAIN-EN-GALMusée Gallo RomainPeplumEn pénétrant dans les coulisses du peplum, l'exposition s'attache à en révéler les multiples sources d'inspiration et les différents composants. Décryptez un genre cinématographique qui garde depuis plus d'un siècle les faveurs du public. Parcours commenté de l'exposition en LSF.

10 NOVEMBRE À 15H 9 FÉVRIER À 15H www.musees-gallo-romains.com

AVIGNONMDPHDes mains qui signentCette exposition réalisée par Christian Rocher a pour objectif de faire découvrir la Langue des Signes Française. Au travers de l'art pho-tographique, il s'agit de découvrir une histoire de vie en quinze clichés de mains en mouvement, parler ainsi de la différence, des percep-tions, pour aller simplement à la rencontre de l'autre.

JUSQU'AU 5 OCTOBRE

LOUHANSMusée des SourdsÉvénementLe premier Musée des Sourds a ouvert ses portes au public le 12 septembre à Louhans (Saône-et-Loire). Installé dans l'ancien Hôtel-Dieu, il entre dans le cadre des célébrations du tricentenaire de la naissance de l'abbé de l'Épée, premier éducateur de jeunes sourds s'exprimant en signes.

www.unapeda.asso.fr/article.php3?id_article=1823

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A.B.

Art’Pi! 63

PARISPanthéonLe Panthéon des Grands HommesDécouvrir le monument et com-prendre pourquoi la communauté Sourde souhaite le transfert de la dépouille de l’abbé de l’Épée dans sa crypte.

VISITES EN LSF 19 NOVEMBRE À 10H30 21 NOVEMBRE À 10H30 23 NOVEMBRE À 10H30 24 NOVEMBRE À 15H VISITES EN LSI OU ASL 20 NOVEMBRE À 10H30 22 NOVEMBRE À 10H30 Réservations obligatoires : [email protected]

ROUENASCSRRAnniversairesEn cette année 2012, l'Associa-tion Socio-Culturelle des Sourds de Rouen et de sa Région fête le 90ème anniversaire de la fondation du foyer des sourds, ainsi que le 300ème anniversaire de l'abbé de l'Épée : conférence, exposition, spec-tacle, banquet sont au programme.

20 ET 21 OCTOBRE Renseignements et réservations : [email protected]

ARRASMusée des Beaux-ArtsRoulez Carrosses !La première exposition française consacrée aux véhicules hippo-mobiles, berlines, carrosses, etc. présente sur mille mètres carrés une scénographie chronologique innovante de tableaux, sculptures, traîneaux...

JUSQU'AU 10 NOVEMBRE 2013 www.versaillesarras.com/index.php/frwww.trefle.org

GRENOBLEVille de GrenobleSensibilisation à la culture Sourde Le Comité d'Organisation du tricen-tenaire de l'abbé de l'Épée organise de nombreuses manifestations : exposition, visite guidée du musée en LSF, conférence et soirée de gala avec spectacle, découverte et une initiation à la langue.

JUSQU'À NOVEMBRE grenoble300ans.canalblog.com

COUDEKERQUE-BRANCHEFoyer RaimuJournée des ScrapkitsVenez découvrir le scrapbooking pendant toute une journée, dans l'ambiance d'une réunion d'ami-tiés, afin de réaliser un album de Noël. Les foyers de Coudekerque-Branche organisent de multiples activités tout au long de l'année.

4 NOVEMBRE À PARTIR DE 9H30 Renseignements et réservations (avant le 15 octobre) : [email protected]

PARISÉglise Saint-RochSur les pas de l'abbé de l'ÉpéeVisite de l'église où repose l'abbé de l'Épée, et promenade dans le quartier jusqu'à la rue des Moulins où il habitait.

DU 19 AU 23 NOVEMBRE LSF À 16H, LSI ET ASL À 15H Réservations obligatoires : [email protected]://handicap.monuments-nationaux.fr/fr/Visiteurs_malen-tendants_et_sourds/

Art/Culture

64 Art’Pi!

JOURNALInstitut National de Jeunes SourdsUn numéro spécial (36 pages) du Journal de Saint-Jacques sera consacré au tricentenaire de la naissance de l’abbé de l’Épée. Sa sortie est prévue en novembre. Il sera diffusé sur le site de l'INJS.

www.injs-paris.fr

ATELIERApprendre à dessiner les mangasSinath, illustratrice, puise aux sources du manga et de la BD occidentale. Son site : http://sinath.ultra-book.comAtelier sur réservation. Présence d'interprètes LSF/français.

13 ET 27 OCTOBRE À 15H BIBLIOTHÈQUE CHAPTAL, PARIS (75)

ARCHIVESLes cent ans d'Écho MagazineÉcho Magazine, le journal des sourds d'abord connu sous le nom d'Écho de famille, a fêté ses cent ans en 2009. WebSourd vous propose un reportage exclusif sur son histoire et sa rédaction, en trois épisodes : évolution du journal et de l'équipe, richesse des archives, étapes de production d'un numéro.

www.websourd.org/spip.php?article60107

Edition

OUVRAGEL’Héritage de l’Abbé de l’ÉpéeLe CNFEDS (Centre National de Formation des Enseignants intervenants auprès des Déficients Sensoriels) publie son premier ouvrage à l’occasion du tricente-naire de la naissance de l’abbé de l’Épée.

www.cnfeds.univ-savoie.fr

RENCONTREJean le SourdVenez rencontrer les auteurs de la bande dessinée Jean le Sourd, éditée à l'occasion du tricentenaire de la naissance de l'abbé de l'Épée.

6 OCTOBRE À 16H BIBLIOTHÈQUE CHAPTAL, PARIS (75)http://bibliotheques.activites.paris.fr/liste/index/pmr/5/tri/age_min,age_max/ordre/DESC

ROMANAu péril de ma vie, restez prudentPhilippe Autrive est avocat, engagé depuis vingt ans dans la lutte pour la reconnaissance des droits des sourds. Il sort un roman policier qui traite de cette communauté.

http://philippe-autrive.publibook.com

DÉDICACEJean Le SourdDano, Yann Cantin et Céline Rames, les auteurs de la bande dessinée Jean le Sourd, seront en tournée de conférences et de séances de dédi-cace à partir du mois de septembre dans toute la France.

Retrouvez toutes les dates sur : www.art-sign.org

DES SERVICES ADAPTÉS ET INNOVANTSEntreprise d’utilité sociale,

Websourd développe

l’accessibilité des personnes

sourdes et malentendantes.

Priorité à l’épanouissement

de tous dans la société civile !

ElisionPour que personnes sourdes, malentendantes et

entendantes puissent échanger librement en LSF,

LPC ou par écrit.

elision-services.com

3DSignerPour diffuser vos messages grâce à un

personnage virtuel qui s’exprime dans une langue

des signes parfaite

3dsigner.fr

JobsourdPour diffuser vos offres d’emploi en langue des

signes (offre gratuite pour les entreprises bilingues)

jobsourd.fr

Plus d’infos sur notre action et nos solutions ?

websourd-entreprise.fr

[email protected]

Art’Pi! 65

LIVRE NUMÉRIQUEAnimaux en mouvementUn livre numérique pour enfants, à vivre avec le corps ! Suivez votre enfant dans la découverte des animaux du monde grâce à cet e-book innovant avec vidéos, mime, dessins, photos, texte et Langue des Signes. À partir de deux ans.

www.dailymotion.com/video/xt3a7w_teaser-animaux-en-mou-vement_animals

SITELeon LimArtiste sourd malaisien, Lim utilise une grande variété de médiums : peinture, installation, multimédia, lumière, photographie, impression, feu. À travers son œuvre, il partage son expérience de vie sans l'in-fluence des sons ou de la musique. Son travail explore les thèmes de la ségrégation, des barrières de communication, de l'identité et de la culture.

www.leonlimstudio.com

SITEDieter FrickePeintre sourd allemand, réaliste dans ses débuts, il se tourne ensuite vers l'art abstrait. Il crée aussi bien de façon consciente que spontanée. Il travaille toutes les matières et supports, déchets plastiques propres, acier, laiton, photographie, peinture... Sa recherche s'oriente autour des signes et du mouvement.

www.fricke-art.com

SITEInternational Archive of Deaf ArtistsCe site met en lumière les artistes sourds, décrit leur travail, afin de le mettre à la disposition des étu-diants, des autres artistes, et de toute personne intéressée par la culture Sourde. Différentes approches créatives, centrée sur la surdité, ou pas.

http://idea2.main.ad.rit.edu/pad-dhd/publicDA/main/iada/index.htm

Multimédia

66 Art’Pi!

Et merci à (par ordre alphabétique) :Katia AbbouVictor AbbouArnaud BalardChristelle BalardJeanne BallyRaymond BarberotNiels BarraudIrène BartokSylvaine BeaughonAndréa BenvenutoYves BernardVéronique Berthonneau

Fabrice BertinVincent BexigaXavier BoileauFabrice BonJessica BoroyMaryline BouchutJérôme BourgeoisYann CantinIgor CasasHélène ChamprouxNoémie ChurletSylvain ChurletAdrean ClarkPierre CosarIsabelle DavidMartin DayanDavid De Filippo

Une page spécialement dédiée aux personnes et aux partenaires sans qui ce hors-série n’aurait pu se faire, vu l’énormité de la tâche !

Merci à notre marraine Emmanuelle Laborit pour son soutien et son encouragement.

Remerciements

Merci à nos partenaires :• Yehoudart• IVT (International Visual Theatre)• FNSF (Fédération Nationale des Sourds de France)• INJS (Institut National de Jeunes Sourds)• Mairie de Paris• Région Île de France• CMN (Centre des Monuments Nationaux)• Langue Turquoise• Mobil Média Sign• AFILS (Association Française des Interprètes et traducteurs en Langue des Signes)• Interprètes Sourds• Fondation Orange• Amicale des anciens élèves de l'INJS• ASRCC (Association des Sourds de Reims et de Champagne-Ardenne)• Passerelles & Compétences• BPI (Bibliothèque Publique d'Information du Centre Pompidou)

Merci à tous d'avoir participé à la création de ce hors-série exceptionnel !

Magaz ine artistiqueHORS-SÉRIE

Yves DelaporteClémence DevienneMonsieur DutheilMadame EisemmanDidier FloryCorinne GacheClaire GarquierCélia GiglioSébastien GiozzetJean GremionChristine Guerret

Jean-Marie HallegotLaïla HassaniCéline Hayat BufarullCécile KhamlaFrançois KovactsIsabelle LapaluRonit Laquerriere-LevenPatrick LarwinAlain LaumondaisSophie LaumondaisTuan Le AnhDaniel Le CoqElisabeth Le QuillecEwen Le Quillec

Stéphane MangaudEliza Mac DonaldFlorence MédinaAlice MessacElza MontlahucBill MoodyAliza M'SikaMercedes Perez LopezGeneviève PometCéline RamesEmmanuelle Rico-ChastelEvelyne Rigot

Sandrine RinchevalSabine SahlaAlex SambeNaomiki SatôOlivier SchetritPierre SchmittYaron ShavitDominique SoucarrePauline StroesserYasuka TakedaBrigitte VasquèsJosé VasquèsIvan VerbizhRichard Zampolini

Merci également aux donatrices et aux donateurs. Et merci à tous ceux qui nous envoyé des courriels et des messages d'encouragements, des compliments, du soutien, des conseils.

Art’Pi! 67

Aidez-nous à transmettre la culture SourdeFaites des dons

Le magazine artistique des Sourds et de la Langue des Signes

www.art-pi.fr

Vos dons rendent

la culture Sourde

visible

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