Grammaire Methodique Du Francais

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Grammaire methodique du francais

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  • SOMMAIRE

    Avant-propos XV Conventions et symboles XXI

    Introduction

    1. Une discipline et son objet 1 1.1. Les langues, instruments de communication 2 1.2. Les langues, systmes de signes 5 1.3. La dimension sociale des langues 10

    2. La grammaire dans tous ses tats 12 2.1. Il y a grammaire et grammaires 12 2.2. Grammaire et linguistique : les grammaires descriptives 13 2.3. Grammaires partielles et grammaires globales 14 2.4. Grammaires descriptives et grammaires prescriptives 14

    3. L'analyse grammaticale 16 3.1. La description de la comptence langagire 16 3-2. Les rgles grammaticales 17

    '3 .3 . Les donnes grammaticales 18 3.4. Acceptabilit et grammaticalit 19 3.5. Les domaines de la description grammaticale 20

    PREMIRE PARTIE LES F O R M E S D E L 'CRIT ET D E L 'ORAL

    P H O N T I Q U E ET O R T H O G R A P H E

    Chapitre I. C o d e oral / c o d e crit

    1. L'oral et l'crit 29 1.1. Aperu historique 29 1.2. La distinction oral / crit 30

    2. Analyses contrastives : franais crit / parl 31 2.1. Phonmes et graphmes 31 2.2. Correspondances morphologiques : les marques grammaticales 33 2.3. Correspondances lexicales : les mots 34 2.4. Analyse du discours oral 35

  • VI Grammaire mthodique du franais

    Chapitre II. Les sons du franais : phontique et phonologie

    1. De la phontique la phonologie 39 1.1. La phontique articulatoire 40 1.2. De la syllabe au phonme 40

    2. Les phonmes du franais 41 2.1. Description des phonmes 41 2.2. Systme des phonmes 47 2.3. Variation des phonmes 51

    3. La chane parle 53 3.1. La syllabe phonique 53 3.2. Les jointures 55 3.3. Le groupe accentuel 57 3.4. Le rythme 59 3.5. L'intonation 61 3.6. Le sens des sons 61

    Chapitre III. L'orthographe franaise

    1. Les deux principes de fonctionnement 63 2. Les units graphiques 65

    2.1. Graphmes et lettres 65 2.2. La syllabe graphique 66

    3. Le systme orthographique franais 67 3.1. Les phonogrammes / ' ' ' 3.2. Les morphogrammes 70 3.3. Les logogrammes 71 3.4. Lettres tymologiques et historiques 72 3.5. Conclusion 72

    4. Variations graphiques 73 4.1. Forme et taille des lettres; romains et italiques 73 4.2. Capitales, majuscules, minuscules 74 4.3. Les accents 75 4.4. Les autres signes auxiliaires 77

    5. Annexe : Les Rectifications de l'orthographe (1990) 80

    Chapitre IV. La ponctuation

    1. Dfinition 83 ' 2. Fonctions des signes de ponctuation 84

    2.1. Fonction prosodique 85 2.2. Fonction syntaxique 85 2.3. Fonction smantique 86

    3. Signes marquant des pauses 87 3.1. Point, point-virgule, virgule 87 3.2. Points de suspension 90

    4. Signes valeur smantique et nonciative 92 4.1. Les deux-points 92 4.2. Le point d'interrogation et le point d'exclamation 93

  • Sommaire V I I

    4.3. Les guillemets 94 4.4. Parenthses et crochets 95 4.5- Les barres obliques 96 4.6. Le tiret 97

    5. Autres signes de ponctuation 97 5.1. Le trait d'union _ 97 5.2. L'astrisque 98

    6. Signes typographiques 98 6.1. L'alina 98 6.2. Les variations typographiques 98

    DEUXIME PARTIE SYNTAXE D E LA PHRASE SIMPLE

    Chapitre V. Les structures de la phrase 1. La phrase, cadre de l'analyse syntaxique 103

    1.1. Dfinitions et critres d'identification 103 1.2. La phrase et ses lments 105 1.3. Les fonctions syntaxiques 106

    2. La structure syntaxique de la phrase simple 108 2.1. Un modle canonique : la phrase de base 108 2.2. La structure hirarchique de la phrase 109 2.3. Les classes syntaxiques 118

    3. L'interprtation des relations syntaxiques 123 3.1. La notion de valence et l'analyse actancielle 123 3.2. Relations syntaxiques et rles smantiques 124

    4. Les structures fondamentales de la phrase simple 127 4.1. La phrase minimale 127 4.2. La phrase tendue 128 4.3. La fonction sujet 129 4.4. Le groupe verbal 140 4.5. Les complments circonstanciels 140

    Chapitre VI. Le groupe nominal 1. Les structures du groupe nominal 147

    1.1. Caractrisation externe et interne 147 1.2. Du groupe nominal minimal au groupe nominal tendu 148 1.3. Interprtation smantique et usages communicatifs du groupe nominal . . 150 1.4. L'accord dans le groupe nominal 150

    2. Les dterminants 151 2.1. Formes et fonctions 152 2.2. Les dterminants dfinis 154 2.3. Les dterminants indfinis 159 2.4. Autres dterminants 162 2.5. L'absence de dterminant 163

  • VIII Grammaire mthodique du franais

    3. Le nom 167 3.1. Le nom, partie du discours 167 3.2. La catgorie des noms communs 168 3.3. La sous-catgorisation des noms communs 170 3.4. La morphologie des noms communs 172 3.5- Les noms propres 175

    4. Le groupe nominal tendu 179 4.1. Le nom et ses modificateurs 179 4.2. L'adjectif pithte 180 4.3. Les participes pithtes 185 4.4. Les noms pithtes 186 4.5. Le groupe prpositionnel complment du nom 187 4.6. Les modificateurs propositionnels 188 4.7. Les modificateurs en position dtache 190

    5. Les substituts du groupe nominal 192 5.1. La catgorie gnrale des pronoms 192 5.2. Les pronoms personnels 196 5.3. Les pronoms possessifs 204 5.4. Les pronoms dmonstratifs 205 5.5. Les pronoms interrogatifs 207 5.6. Les pronoms relatifs 208 5.7. Les pronoms indfinis 210 5.8. Genre, nombre et accord des pronoms 213

    Chapitre VII. Le groupe verbal

    1. La syntaxe du groupe verbal 215 1.1. Les structures du groupe verbal 215 1.2. Le verbe et ses complments 216 1.3. Les constructions des verbes 218

    1.3.1. Constructions transitives, intransitives et attributives 218 1.3.2. Les emplois absolus des verbes transitifs directs et indirects 219 1.3.3. L'objet interne 220

    1.4. Les diffrents types de complments 221 1.4.1. Verbes transitifs et emplois intransitifs 221 1.4.2. Le complment d'objet direct 221 1.4.3. Le complment d'objet indirect 222 1.4.4. Les verbes deux complments 225 1.4.5. Les verbes triple complmentation 227

    1.4.6. Les verbes retournement 227 1.4.7. Les constructions causatives 229 1.4.8. Les verbes supports 231

    1.5. Les constructions attributives 233 1.5.1. La fonction attribut 233 1.5.2. Les attributs du sujet 233 1.5.3. Les attributs du complment d'objet 239 1.5.4. L'accord dans le syntagme attributif 241

  • Sommaire K

    2. Le verbe 242 2.1. La catgorie du verbe 242

    2.1.1. Dfinition 242 2.1.2. Les catgories morphologiques associes au verbe 244

    2.2. Morphologie verbale : la conjugaison 245 te - 2.2.1. Radical verbal et dsinences 245

    2.2.2. Forme simples, composes et surcomposes 248 2.2.3. Les auxiliaires aspectuels et modaux 252

    2.2.4. Formes actives et passives 254 2.2.5. Verbes pronominaux et constructions pronominales 254 2.2.6. Classement des verbes Tableaux de conjugaison 263 2.2.7. Les verbes dfectifs 285

    2.3. Mode, temps et aspect 287 2.3.1. Les modes du verbe 287 2.3.2. Les temps du verbe 289 2.3.3. L'aspect verbal 291

    2.4. L'emploi des modes et des temps du verbe 297 2.4.1. L'indicatif 297

    2.4.1.1. Le prsent de l'indicatif 298 2.4.1.2. Le pass compos 301 2.4.1.3. Le pass simple 303 2.4.1.4. L'imparfait de l'indicatif 305 2.4.1.5. Le plus-que-parfait et le pass antrieur 310 2.4.1.6. Le futui simple 312 2.4.1.7. Le futur antrieur 315 2.4.1.8. Le conditionnel 315

    2.4.2. Le subjonctif . .`\ 320 2.4.3. L'impratif 330 2.4.4. L'infinitif . 333 2.4.5. Participe et grondif 339

    2.5. L'accord du verbe 345 2.5.1. L'accord des formes personnelles du verbe avec le sujet 345 2.5.2. L'accord du participe pass 348

    Chapitre VIII. L'adjectif et le groupe adjectival

    1. Adjectifs qualificatifs et adjectifs relationnels 355 2. Les classes morphosyntaxiques de l'adjectif 357

    2.1. Les adjectifs forme simple ou complexe 357 2.2. Les adjectifs par conversion 358

    3. Les variations en genre et en nombre des adjectifs 358 3.1. Les marques du genre 358 3.2. Les marques du nombre 360

    4. Les degrs de signification des adjectifs qualificatifs 361 4.1. Intensit et comparaison 361 4.2. Les degrs d'intensit 362 4.3. Les degrs de comparaison 364

  • X Grammaire mthodique du franais

    5- Le groupe adjectival 366 5.1. La modification par un adverbe 366 5.2. Les complments prpositionnels 367 5-3. Les complments propositionnels 367

    Chapitre IX. La prposition et le groupe prpositionnel

    1. Les classes morphologiques de prpositions 369 2. La syntaxe des prpositions : le groupe prpositionnel 370 3. La smantique des constructions prpositionnelles 371

    Chapitre X. L'adverbe 1. Une catgorie grammaticale htrogne 375

    * 2. Les constructions syntaxiques de l'adverbe 376 3. L'interprtation smantique des constructions adverbiales 377 4. La morphologie des adverbes 380

    4.1. Formes et formations de l'adverbe 380 4.2. Les adverbes suffixes en -ment 381 4.3. L'emploi adverb(i)al des adjectifs 382 4.4. L'adverbe et les autres catgories grammaticales 382

    5. Le groupe adverbial 383

    Chapitre XI. Les types de phrases

    1. Dfinition. Types obligatoires et types facultatifs 385 2. L'interrogation 391

    2.1. Dfinition 391 2.2. L'interrogation totale 392 2.3. L'interrogation partielle 394 2.4. L'interrogation alternative 399 2.5. Pragmatique de l'interrogation 399

    3. L'exclamation 401 3.1. Prsentation de l'exclamation 401 3.2. Les structures exclamatives 402

    4. L'injonction 407 4.1. Dfinition 407 4.2. Morphosyntaxe du type injonctif 408 4.3. Modulations de l'injonction 409

    5. La ngation 410 5.1. Porte de la ngation 411 5.2. Emploi des mots ngatifs 415 5.3. Ngation, quantification et modalisation 423 5.4. Ngation descriptive et ngation polmique 424

    6. L'emphase : dislocation et extraction 425 6.1. La dislocation de la phrase 426 6.2. L'extraction 430

  • Sommaire XI

    7. Le passif 433 7.1. Le passif, forme verbale et type de phrase 433 7.2. Les verbes passivables 435 7.3. Le complment d'agent 436 7.4. L'emploi du passif dans le discours 439 7.5. Autres formes du passif 442

    8. L'impersonnel. Verbes impersonnels et constructions impersonnelles 444 8.1. Verbes, constructions et pronom impersonnels 444 8.2. Verbes impersonnels et locutions impersonnelles 445 8.3. Les constructions impersonnelles 447 8.4. Usages, variations et tendances 450

    9. Phrases atypiques 453 9.1. Phrases prsentatif 453 9.2. Les phrases nominales. Les noncs un et deux termes 457 9.3. Insertion d'une phrase : incises et incidentes 460 9.4. Aux marges de la phrase 462

    TROISIME PARTIE SYNTAXE D E LA PHRASE C O M P L E X E

    Chapitre XII. La phrase c o m p l e x e : juxtapos i t ion , c o o r d i n a t i o n et s u b o r d i n a t i o n

    1. De la phrase simple la phrase complexe 469 2. Phrases et propositions 472 3. La subordination 472

    3.1. Les propositions subordonnes 472 3.2. Les marques de la subordination 474 3.3. Les quivalences catgorielles et fonctionnelles 475 3.4. Les conjonctions de subordination 477

    Chapitre XIII. Les relatives

    1. Propositions relatives et termes relatifs 479 2. Les relatives adjectives 480

    2.1. La relativisation du groupe nominal sujet : qui 480 2.2. La relativisation du groupe nominal complment direct : que 481 2.3. La relativisation d'un groupe prpositionnel 481 2.4. Les relatives du second degr 483 2.5. La smantique des relatives 483 2.6. Le mode dans les relatives 485

    3. Les relatives substantives 486 3.1. Les relatives indfinies 486 3.2. Les relatives priphrastiques 487

    4. Les relatives comme expressions circonstancielles 488

  • XII Grammaire mthodique du franais

    Chapitre XIV. Les compltives

    1. Compltives introduites par la conjonction que 491 1.1. Complments directs du verbe 491 1.2. Suites de formes impersonnelles 492 1.3. Sujets 493 1.4. Complments indirects introduits par ce que, de ce que 493 1.5. Complments de noms et d'adjectifs 494 1.6. Dtaches 495

    2. Constructions infnitives 495 2.1. Infinitif dont le sujet est identique celui du verbe principal 496 2.2. Infinitif dont le sujet est diffrent de celui du verbe principal 497 2.3. Infinitifs dpendant d'un tour impersonnel 498 2.4. Infinitifs sujets 498 2.5. Alternance entre constructions conjonctives et infnitives 498

    3. Constructions interrogatives 499 3.1. Interrogation totale 500 3.2. Interrogation partielle 500

    4. Constructions exclamatives 501

    Chapitre XV. Les circonstancielles

    0. La catgorie gnrale des subordonnes circonstancielles 503 0.1. identification des circonstancielles 503 0.2. Place des circonstancielles 504 0.3. Sens des circonstancielles 504 0.4. Circonstancielles elliptiques 505

    1. Circonstancielles dcrivant une situation 506 1.1. Circonstancielles introduites par une conjonction 506 1.2. Alternance avec les constructions infnitives et participiales 510

    2. Circonstancielles dcrivant une perspective 510 2.1. Par anticipation 511 2.2. Par limination 512

    3. Systmes corrlatifs 514 3.1. Systmes comparatifs 514 3.2. Systmes conscutifs 516 3.3. Variantes des circonstancielles de situation ou de perspective 517

    Chapitre XVI. Juxtaposition et coordination

    1. La juxtaposition 519 2. La coordination 521

    2.1. Les constructions coordonnes 521 2.2. La coordination de propositions et de phrases 522 2.3. La coordination de mots et de groupes de mots 524 2.4. Les termes coordonnants 525

  • Sommaire XIII

    CINQUIME PARTIE G R A M M A I R E ET C O M M U N I C A T I O N

    Chapitre XIX La rfrence

    1. Sens et rfrence 569 2. Expressions prdicatives et expressions rfrentielles 570 3. Typologie des expressions rfrentielles 571

    3.1. L'extension et le mode d'existence du rfrent 571 3.2. Le type grammatical de l'expression rfrentielle 572 3.3. La localisation du rfrent 572

    QUA TRIME PARTIE G R A M M A I R E ET LEXIQUE

    Chapitre XVII. M o r p h o l o g i e grammat ica le e t lexicale

    1. Les units de l'analyse morphologique : mots et morphmes 531 1.1. Le mot, unit grammaticale et lexicale 531 1.2. La structure morphologique des mots 533

    2. Morphologie grammaticale et morphologie lexicale 536 2.1. Morphmes grammaticaux et morphmes lexicaux 536 2.2. Affixes flexionnels et a f F i x e s drivationnels 537 2.3. Le phnomne de l'accord 538

    3. La morphologie lexicale 539 3.1. Morphologie et lexique 539 3.2. Mots complexes et mots construits 540 3.3. La drivation affixale 541 3.4. La conversion 546 3.5. La composition 547 3.6. Sigles et abrviations 551

    Chapitre XVIII. S m a n t i q u e lexicale et grammat ica le

    1. Les signes linguistiques 555 1.1. Signes, signifiants, signifis et rfrents 555 1.2. La nature des signes linguistiques: arbitraire et motivation 557

    2. Les relations de sens dans le lexique 558 2.1. La structuration smantique du lexique 558 2.2. Monosmie, polysmie et homonymie 558 2.3. La synonymie 560 2.4. L'hyponymie 561 2.5. L'antonymie 562

    3. La reprsentation smantique des noncs 562 3.1. Le sens phrastique 562 3.2. Du sens phrastique la signification nonciative 564 3.3. Une dfinition instructionnelle des formes signifiantes 564

  • XIV Grammaire mthodique du franais

    3.4. Les connaissances de l'interlocuteur 573 3.5. Le mode de donation du rfrent 573

    Chapitre XX. L'nonciation

    1. Le cadre nonciatif. Enonciation et nonc 575 2. Les indices de l'nonciation 577

    2.1. Les dictiques 577 2.2. Les modalits 579

    3. Les actes de langage 583 3 1 . Caractristiques d'un acte de langage 584 3.2. Les actes de langage directs 586 3.3. Les actes de langage indirects 588

    4. Attitude et perspective d'nonciation 590 4.1. Enonciation historique et enonciation de discours 590 4.2. Discours narratif et discours commentatif 595

    5. Le discours rapport 597 5.1. Le discours direct 597 5.2. Le discours indirect 598 5.3. Le style indirect libre 600

    Chapitre XXI. La structuration du texte

    1. La grammaire de texte 603 1.1. La cohrence du texte 603 1.2. Les rgles de cohrence du texte 604

    2. Thme et propos. La progression thmatique 604 2.1. Thme et propos 604 2.2. La progression thmatique 608

    3. L'anaphore 610 3.1. Dfinition 610 3.2. Les expressions anaphoriques 612

    4. Les connecteurs 616 4.1. Dfinition. Les rles des connecteurs 616 4.2. Classement des connecteurs 618

    Bibliographie 625

    Index 631

  • A V A N T - P R O P O S

    La Grammaire mthodique du franais est destine tous ceux que leurs travaux ou leurs activits amnent aborder le franais contemporain dans une optique rsolument linguistique : tudiants et enseignants de franais, de linguistique gnrale ou de langues trangres. Elle s'adresse aussi aux litt-raires un moment o la linguistique s'ouvre sur l'analyse du discours litt-raire et o ia pragmatique linguistique prend le relais de l'ancienne rhto-rique. Elle se propose enfin de rpondre aux demandes d'un plus vaste public en resituant les difficults pratiques du franais contemporain (accords de toute sorte, emplois des temps et des modes verbaux, constructions problma-tiques, etc.) dans le cadre d'une description mthodique.

    Qu'est-ce en effet qu'une grammaire sinon une grille de lecture qui, pro-jete sur les noncs de la langue, nous rvle comment ils sont, doivent ou devraient tre construits ? Cette grille peut tre fine ou grossire, gnrale ou partielle, bien ou mal adapte son usage. Tout dpend des objectifs du grammairien, de son outillage descriptif et, en dernier ressort, de la justesse de ses analyses. A cet gard, les rcents dveloppements des sciences du langage ont profondment modifi les donnes et les problmatiques qui caractri-saient le domaine grammatical traditionnel. Aussi les auteurs de cet ouvrage ont-ils d procder des choix qui leur ont t dicts par une certaine ide de ce que pouvait tre aujourd'hui une grammaire de la langue franaise.

    Une grammaire globale du franais contemporain

    O n a rsolument opt pour une grammaire au sens large du terme, qui prend en compte tous les aspects de la forme et de l'interprtation des non-cs. Les dimensions raisonnables d'un manuel de grammaire interdisant l'exhaustivit, la place centrale a t dvolue aux classes et aux catgories mor-pho-syntaxiques (parties du discours, groupes fonctionnels, schmas de phrases) qui constituent l'ossature de la langue. Non pas pour sacrifier la tradition ou quelque doctrine d'cole, mais parce que le discours grammati-cal est d'abord un discours sur la forme des expressions d'une langue. Cette considration justifie galement les chapitres consacrs l'oral et ses rap-

  • XVI Grammaire mthodique du franais

    ports avec l'crit : on y trouvera des dveloppements mthodiques sur ces lais-ss pour compte des grammaires que sont le systme phonologique, la proso-die et la ponctuation du franais, ainsi qu'une mise en perspective de son orthographe.

    Une place non ngligeable a t accorde l'interprtation smantique des formes grammaticales et la manire dont elles catgorisent la ralit : la smantique des dterminants et des temps verbaux, les rles associs aux structures actancielles des verbes et des adjectifs, les proprits nonciatives des types de phrases et des subordonnes ont donn lieu des dveloppements substantiels. Les trois chapitres de la dernire partie sont consacrs aux aspects plus typiquement communicatifs des mcanismes grammaticaux : expressions rfrentielles, marques de la subjectivit du locuteur et principes d'organisation textuelle. Dans tous ces domaines, on s'est donn pour rgle de privilgier l'archi-tecture proprement linguistique des noncs plutt que les conditions psy-chologiques et sociologiques de leur production - sauf lorsque ces dernires clai-rent de faon dterminante l'interprtation et l'usage des formes linguistiques.

    Un ouvrage consacr au franais d'aujourd'hui ne pouvait ignorer les pro-blmes de la norme. On a donc enregistr les variations les plus caractris-tiques du franais tel qu'il se parle et s'crit; rappel certaines prescriptions des grammaires normatives ; signal les principales tolrances grammati-cales tablies par l'arrt du 28-12-76 et les rcentes propositions de rectifica-tion de l'orthographe publies au J.O. du 06-12-90 ; et surtout tent de situer les usages concurrents selon les registres de langue et les clivages entre langue crite et langue parle.

    Une grammaire mthodique

    S'il est vrai que tout savoir prsuppose un examen critique de ses fonde-ments, les connaissances grammaticales ne peuvent avoir de validit qu' l'int-rieur de cadres thoriques bien dtermins. Ce qui suppose dans leur prsenta-tion un minimum d'analyse et de prises de positions explicites, mais ne signifie pas pour autant qu'il faille s'en tenir une seule approche thorique, encore moins s'enfermer dans l'orthodoxie troite d'une chapelle linguistique. En fait, la richesse et la complexit des donnes linguistiques sont telles qu'il n'est l'heure actuelle aucun point de vue exclusif capable de traiter globalement la diversit des phnomnes qui mritent de figurer dans une grammaire.

    On ne s'tonnera donc pas que les concepts descriptifs de cet ouvrage s'inscrivent dans plus d'un cadre thorique. Sans renier les apports d'une longue tradition grammaticale, vritable rservoir de donnes, les auteurs se sont rsolument inspirs des acquis de la linguistique contemporaine et, l'occasion, de ses plus rcents dveloppements. L'clectisme mthodologique bien tempr qui anime cette grammaire trouvait ds lors ses limites naturel-lement fixes par un double principe : privilgier parmi les orientations tho-

  • Avant-propos XVII

    riques celles qui ont fait le plus progresser notre connaissance du langage en ouvrant des domaines auparavant insouponns et celles, souvent les mmes, qui permettent un traitement unifi du plus grand nombre de faits.

    On a toutefois suivi par principe la terminologie grammaticale officielle telle qu'elle a t fixe par la Nomenclature grammaticale pour l'enseignement du franais dans le second degr ' et les indications complmentaires fournies par les programmes d'enseignement du franais dans le second cycle de l'enseignement secondaire2. Cette nomenclature constitue le seul mtalangage effectivement commun au grand public, aux enseignants et aux chercheurs. Mais comme elle n'est pas exempte d'inconsquences, il a bien fallu changer quelques appellations et modifier les dfinitions de certaines catgories tradi-tionnelles afin de les rendre vraiment opratoires. On ne pouvait davantage faire l'conomie des concepts linguistiques les plus fondamentaux, ceux juste-ment qui dans un pass rcent ont profondment modifi notre faon de voir et de dcrire les langues.

    L'tiquetage est une ncessit de l'analyse grammaticale, qui identifie et clas-se. C'est dire qu'il demeure constamment subordonn au projet d'une descrip-tion raisonne de cet instrument de mise en forme du sens qu'est la langue. C'est dire aussi qu'une mise en perspective linguistique de la description s'impo-se. A cet effet, l'Introduction prsente sommairement les concepts linguistiques fondamentaux qui dlimitent et structurent le champ de l'analyse grammaticale. D'autres, plus spcifiques, seront prsents par la suite au fur et mesure des problmes particuliers abords. Ces connaissances constituent le bagage minimal de linguistique gnrale sans lequel il est aujourd'hui impossible de comprendre et de pratiquer une analyse grammaticale, encore plus de l'valuer.

    Une grammaire ouverte

    En grammaire comme ailleurs, les analyses ne sont jamais acheves ni les rponses dfinitives. Au contraire, l'histoire rcente de la linguistique montre que le savoir grammatical reste en perptuelle construction, sujet rvisions et toujours ouvert sur de nouveaux horizons. Ensuite, quelles que soient les dimensions d'une grammaire destine un large public, elles seront toujours trop troites pour une description globale. On a donc dlibrment ignor les dbats qui n'ont plus qu'un intrt historique et les controverses actuelles lorsqu'elles portent sur des points de dtail. En revanche, les grandes ques-tions qui traversent l'histoire de la grammaire franaise ont t revisites et traites la lumire de points de vue thoriques plus rcents.

    1. Bulletin officiel de l'Education natmrmle, n 3 0 d u 3 1 - 0 7 - 1 9 7 5 , n 3 8 d u 2 3 - 1 0 - 1 9 7 5 et n 4 7 d u 2 5 - 1 2 -1 9 7 5 . 2 . Bulletin officiel de l'Education nationale, n spc ia l 1 d u 0 5 - 0 2 - 1 9 8 7 e t s u p p l m e n t a u n 2 2 d u 0 9 - 0 6 - 1 9 8 8 .

  • XVIII Grammaire mthodique du franais

    Devant l'impossibilit d'entrer dans le dtail de toutes les questions, l'esprit de synthse imposait de privilgier les grandes rgularits structurales au dtriment de faits jugs mineurs ou hors systme. La dcision tait relative-ment facile lorsqu'il s'agissait de questions (comme le fminin des adjectifs ou les noms pluriel irrgulier) dont la rponse se trouve dans un dictionnaire des difficults de la langue franaise, voire dans un simple dictionnaire. Mais les tudes linguistiques se sont tellement diversifies et certaines ont atteint un tel point de technicit qu'il n'tait pas possible, mme sur les questions les plus fondamentales, de prsenter tous les points de vue. Aussi les auteurs se sont-ils donn pour rgle de fournir un choix d'indications bibliographiques aux lecteurs soucieux de complter et de diversifier leur information. Ces der-niers pourront ainsi dcouvrir d'autres analyses, en comparer les mrites res-pectifs et relire d'un oeil critique celles que dveloppe le prsent ouvrage.

    Les exemples ont une fonction essentiellement illustrative qui est directe-ment proportionnelle leur simplicit. Aussi beaucoup ont-ils t forgs pour les besoins de la cause, non par esprit de systme et encore moins au dtri-ment d'exemples attests (crits ou oraux, littraires et non littraires) prsen-tant les mmes avantages. La caution d'crivains reconnus s'imposait chaque fois qu'il s'agissait de caractriser comme tels des emplois littraires ou de dgager des rgularits dans divers domaines - qu'il s'agisse de la ponctuation ou de certains emplois du subjonctif - o, faute d'une codification explicite, les modles littraires font autorit. Selon un usage aujourd'hui bien tabli, des squences agrammaticales (prcdes d'un astrisque) ont t utilises comme contre-exemples lorsqu'elles contribuent de faon dcisive l'tablis-sement et la vrification d'une rgle. Enfin on eu a recours quelques exem-ples d'autres langues lorsque la comparaison clairait mieux qu'un long dis-cours la spcificit du franais.

    Une grammaire d'information et de formation

    Sauf exception, une grammaire ne se lit pas comme un roman, mais fait l'objet de consultations ponctuelles et pisodiques. Il importait donc de four-nir l'usager un accs direct et commode aux connaissances qui permettent aussi bien de vrifier un point de dtail que de rassembler le maximum d'informations sur un thme plus large : - Une table des matires dtaille schmatise la distribution de l'ensemble de la matire grammaticale dans les chapitres, sections et sous-sections. L'ordre gnral de l'exposition obit un triple principe : aller du simple au complexe, des formes leur(s) interprtation(s) et des rgularits intrinsques, indpendantes des condi-tions d'utilisation, celles qui ne s'expliquent qu' partir de ces conditions. - Un index regroupant le vocabulaire technique de la terminologie gramma-ticale facilitera l'orientation de l'usager et le guidera dans ses recherches th-matiques.

  • Avant-propos XIX

    - Pour remdier l'invitable dispersion de la matire, on a multipli les ren-vois dans le texte mme. En tablissant directement des relations transversales entre les sections et les chapitres, ils permettent au lecteur d'tendre de proche en proche son champ d'investigation.

    En dfinitive, cette grammaire se prte deux types de consultations. On y cherchera et souvent on y trouvera la rponse cls en main une ques-tion ou la solution d'une difficult. Mais c'est aussi une banque de donnes qui, l'instar des encyclopdies modernes, invite une dmarche interactive : par exemple, pour dlimiter des problmatiques, mobiliser rapidement une srie de connaissances autour d'une question, ou encore baliser les lignes directrices d'une analyse - bref, pour donner au lecteur les moyens de produi-re ses propres gnralisations.

    Les auteurs savent tout ce qu'ils doivent leurs devanciers et tous les chercheurs dont les travaux ont enrichi leur information, nourri leur rflexion et guid, voire redress leurs analyses. Ils remercient chaleureusement leurs collgues et les tudiants de l'Universit des Sciences Humaines de Strasbourg qui les ont aids de leurs remarques et de leurs suggestions, en particulier Georges Kleiber, Marc Hug et Franois Wioland. Ils expriment leur profonde gratitude Guy Serbat qui ne leur a mnag ni ses conseils ni ses encourage-ments et sans qui cette grammaire n'aurait pas vu le jour. Ils doivent la vigi-lance de plusieurs lecteurs et en particulier aux observations de Jean-Paul Colin la correction de maintes coquilles et inadvertances des premires di-tions.

  • CONVENTIONS ET SYMBOLES

    Conventions typographiques

    Les termes techniques sont imprims en caractres gras lors de leur pre-mire apparition.

    Les caractres italiques signalent toute donne linguistique (syllabe, mor-phme, syntagme, phrase, l'exception des transcriptions phontiques) men-tionne comme telle ou cite en exemple. Ex. : L'adjectif belle est pithte du nom marquise dans l'apostrophe belle marquise.

    Les renvois sont signals par l'indication entre parenthses et en caractres gras de la (sous-)section et ventuellement du chapitre.

    Beaucoup de sections ou sous-sections sont suivies d'indications biblio-graphiques se rapportant directement aux questions qui y sont traites. Pour viter les rptitions, les rfrences des ouvrages et articles cits en plusieurs endroits sont indiques sous forme abrge: initiale du prnom, nom de l'auteur, anne d'dition (et ventuellement pagination). Les rfrences int-grales figurent dans la bibliographie gnrale regroupe en fin d'ouvrage.

    Les exemples sont toujours en italiques. Lorsqu'ils s'intgrent dans un dveloppement, ils peuvent faire l'objet d'une numrotation continue qui ne s'tend jamais au-del d'une section. Sauf exception, les citations crites sont identifies par le nom de l'auteur, s'il s'agit d'une oeuvre littraire ou d'une publication scientifique; par le titre, la date et la page, pour les journaux, priodiques, etc. ; par la nature de leur support dans les autres cas. Les abr-viations LM, DNA et AAF dsignent respectivement Le Monde, les Dernires Nouvelles d'Alsace et l' Atlas Air France (magazine mensuel distribu bord des vols d'Air France).

    Abrviations et symboles

    Les auteurs n'ont pas cru devoir renoncer aux commodits d'un symbolis-me minimal alliant la concision la prcision. Certains systmes plus spci-fiques de notation et de reprsentation (rgles de rcritures, schmas arbores-cents et parenthtiques, etc.) sont prsents dans le corps de l'ouvrage. Les trois listes qui suivent regroupent les abrviations et les symboles les plus courants et

  • XXII Grammaire mthodique du franais

    les moins techniques. Ce sont aussi ceux qui apparaissent rgulirement dans cette grammaire et qu'il convient donc de prsenter d'emble au lecteur.

    Symboles reprsentant des groupes fonctionnels

    P = phrase. queV = subordonne compltive. Ex : On diraitqu'ilpleut. VI nf = goupe infinitif, c..d. infinitif accompagn de ses complments ventuels.

    Ex. : // veut changer de voiture - On a vainement tent Ae l'en empcher, il = squence quelconque de comptment(s) d'un verbe, d'un nom ou d'un

    adjectif. Ex : Pierre veut il Pierre veut une glace I que Paul paru Ipartir. GN > groupe nominal. Ex. : les chiens ne font pas diij-GV = groupe verbal. Ex. : Le verbe s'accorde avec son sujet. GP = groupe prpositionnel. Ex. : Les chemises de l'archiduchesse sont-elles sches ? GA groupe adjectival. Ex. : Jamais je n 'ai d couter si long discours. N. = groupe nominal dont le chiffre en indice indique l'ordre d'apparition dans la

    phrase de base : N o est le sujet, N, le premier complment, etc. Ex. : La justi-ce a confi la farde des enfants la mre = N * V * N , + i + N 2 -

    a.s. = attribut du sujet. Ex : Ce livre est ennuyeux. a.c.o. attribut du complment d'objet. Ex : // a trouv ce livre ennuyeux. c.o.d. complment d'objet direct. Ex : Soigne Ajnlk-c o . i . complment d'objet indirect. Ex : Occupe-toi d'Amlie.

    Symboles notant les parties du discours

    N nom (substantif) : arbre, vitesse Adj = adjectif : rapide, routinier Dt = dterminant : ce, mon, quelques Art article : le, un, du Pro pronom : nous, qui, personne Prp prposition : de, , avec V verbe : ternuer, chanter, Adv = adverbe : trs, vraiment V ant = forme du participe prsent d'un verbe : chantant Vpp = forme du participe pass d'un verbe : chant [....] = trait (positif ou ngatif) de sous-catgorisation. N [+ humain] indique que le

    rfrent de N appartient la classe des humains. Ex. : pilote [+ humain] ; avion [- humain].

    [ ] Les crochets droits signalent un regroupement syntaxique (p. ex. : la squen-ce j y [verbe - complment]), la coupure dans une citation tronque ou enca-

    drent une rfrence bibliographique.

    Autres symboles

    * : Les squences juges syntaxiquement et / ou smantiqucment inacceptables sont prcdes d'un astrisque. Ex. : * incourageux * Il va la ville - * Le pla-fond enraye les problmes friables.

  • entions et symboles XXIII

    Les squences difficilement acceptables ou dont l'acceptabilit est juge douteuse sont prcdes d'un point d'interrogation. Ex. : ? // a (t beaucoup parl pendant cette soire en contraste avec // a t beaucoup bu pendant cette soire. Le trait symbolise la position d'un lment dans un environnement syntaxique caractristique. Ex. : le schma C N [Dt + N + ] reprsente ta position d'un adjectif pithte (p. ex. blanc) postpos un nom l'intrieur d'un groupe nominal (p. ex. le lys). Les barres obliques sparent deux ou plusieurs termes qui appartiennent un mme paradigme (p. ex.: le/un/du/ce vin) ou, selon l'usage ordinaire et en concurrence avec vs, les lments d'un couple dichotomique (p. ex. : singulier / pluriel). Forme abrge de versus, qui indique l'opposition entre deux termes (p. ex. singulier v% pluriel). L'enchanement syntaxique (concatnation) de deux termes est reprsent soit par un tiret, soit par le signe +. Ex. : GN Dt + N ou bien GN Dt N se lit un groupe nominal se dcompose en un dterminant suivi d'un nom . La flche simple symbolise soit la recriture (dcomposition) d'une squence en ses constituants (p. ex. : GN Dt + N), soit la drivation d'une construction partir d'une autre. Ex. : Paul espre qu 'il russira Paul espre russir. La flche double reprsente une relation de correspondance entre deux ou plusieurs types de constructions (p. ex. entre les diffrents types d'une mme phrase). Ex. : Jean connat le chemin Jean connatil le chemin .'

  • Introduction

    1. UNE DISCIPLINE ET SON OBJET

    Les grammaires ont toujours t conues comme une activit rflexive sur le fonctionnement et sur l'usage des langues. Une activit rflexive au double sens du terme : d'une part, le discours grammatical ordinaire se caractrise par sa rflexivit, puisque le langage y est l'instrument de sa propre description ; d'autre part, les descriptions grammaticales procdent d'une rflexion mthodi-que sur l'architecture et le fonctionnement des langues.

    Chacun connat intuitivement sa langue et la pratique spontanment sans pour autant tre capable d'en produire une description raisonne. Or c'est pr-cisment cette familiarit qui, la faveur de l'ambigut de l'expression connatre une langue, nous cache souvent des donnes problmatiques et nous empche de poser les vraies questions. C'est un fait connu qu'un mme objet est susceptible de plus d'une description, surtout s'il est complexe. Tout dpend du point de vue auquel on se place, car c'est lui qui dtermine le choix des proprits dites pertinentes. Un poisson, par exemple, ne prsentera pas les mmes caractris-tiques saillantes pour un zoologiste, un cuisinier ou un pcheur. Et comme l'intrieur d'une mme discipline les perspectives voluent, se diversifient et par-fois se concurrencent, c'est de ces choix initiaux que dpendent, en grammaire comme ailleurs, les problmatiques, les mthodes d'analyse et l'valuation de leurs rsultats.

    Les langues sont des moyens de communication intersubjectifs et ce que l'on appelle le langage n'est autre que la facult, proprement humaine et lie des aptitudes cognitives biologiquement dtermines, d'apprendre et d'utiliser les systmes symboliques que sont les langues. L'usage actuel des deux termes, notamment sous l'influence de l'anglais (qui ne dispose que du seul terme lan-guage), est si flottant qu'on ne peut leur assigner que des dfinitions justifies par des choix thoriques. L'option proprement linguistique en la matire a t clairement formule par E. Benveniste [1966: 19] :

    Le langage, facult humaine, caractristique universelle et immuable de l'homme, est autre chose que les langues toujours particulires et variables, en lesquelles il se ralise. C'est des langues que s'occupe le linguiste, et la linguistique est d'abord la tho-rie des langues. Mais [...] les problmes infiniment divers des langues ont ceci de

  • 2 Grammaire mthodique du franais

    commun qu' un certain degr de gnralit ils mettent toujours en question le langage.

    En effet, dans la mesure o ils interfrent avec l'objet de leurs propres investi-gations, le langage et les langues intressent aussi les historiens, les sociologues, les ethnologues, les psychologues et les philosophes. Mais pour les linguistes, les langues en tant qu'outils de communication constituent un objet d'tude en soi : partir de l'observation de leurs usages et de leurs productions, ils se propo-sent de les dcrire comme des systmes symboliques et communicatifs que l'on peut caractriser par la nature de leurs lments et par les rgles qui en rgissent les combinaisons dans les noncs.

    Les linguistes francophones utilisent couramment, l'instar de Saussure et de la tra-dition post-saussurienne, le terme de langue pour opposer la langue comme institu-tion sociale et moyen de communication commun ses usagers au discours qui recouvre toutes les ralisations individuelles rsultant de l'utilisation de ce systme.

    Bibliographie. M. Arriv et alii, 1986, articles langage, langue et smiotique - E. Genouvrier, J. Peytard, 1970, p. 89-93 - E. H. Lenneberg, Biological Foundations of Language, N.-York, J . Wiley & Sons, 1967 - J.-C. Milner, 1989, p. 40-45.

    1.1. Les langues, instruments de communication

    S'inspirant d'un modle mathmatique de la tlcommunication, R. Jakob-son [ 1 9 6 3 : 213-214] dfinit l'acte de communication verbale partir de six facteurs constitutifs : - un destinateur (ou locuteur) et un destinataire (ou allocutaire) disposant d'un code commun et qui changent leurs rles en cas de dialogue, - un rfrent exprimer sous forme d'un message, - un contact qui assure la transmission du message.

    Le schma suivant reformule l'analyse jakobsonienne en l'adaptant aux spcificits de la communication langagire :

  • Introduction 3

    Dans ce schma, V symbolise le processus de la verbalisation (production d'un non-c), I celui de l'interprtation de l'nonc et D le rapport rfrentiel qui unit l'nonc ce qu'il dsigne et aux actes de langage qu'il sert accomplir. Les interlocuteurs utilisent le code commun qu'est la langue. Un contact, combinai-son d'un canal physique et d'une connexion psychologique, permet au locuteur d'adresser des nonces (messages) l'allocutaire. La situation de communication comprend, outre les lments prcdents, le cadre spatio-temporel de l'acte de com-munication, les individus, objets et lments qui le peuplent ainsi que les connaissan-ces supposes partages par les interlocuteurs. Ce qui est transmis, c'est un nonc : une forme linguistique signifiante dont l'inter-prtation requiert une double aptitude. L'allocutaire doit, bien sr, connatre le sens cod des formes linguistiques simples et complexes (mots, groupes de mots, phrases et types de phrases). Mais il lui faut aussi procder des calculs (ou infrences) partir de la signification proprement linguistique de l'nonc et des connaissances qu'il estimera pertinentes pour aboutir une interprtation plausible de cet nonc dans la situation o il lui a t adress (XVIII: 3). Par exemple, pour reconnatre le rf-rent particulier, suppos univoquement identifiable, de la description dfinie (VI : 2.2.1 ) la directrice dans Je le dirai la directrice et pour dterminer l'acte de langage accompli au moyen de cet nonc (Est-ce une promesse ? un dfi ? une menace ? ou un simple constat ?). La description de la communication verbale ordinaire ne peut donc se satisfaire d'un modle smantique d'encodage / dcodage fond sur une tho-rie classique du signe linguistique (XVIII: 1.1). Il faut lui adjoindre un modle de l'ac-tivit infrentielle qui simule les calculs interprtatifs du sujet parlant (voir p. ex. VI: 5.1.2 et XDt: 3) la manire de H. P. Grice [1975] et plus rcemment de D. Sperber et D. Wilson [1989] . Instrument privilgi de la communication humaine, une langue se prte

    de multiples usages. R. Jakobson [ 1963: 213-221] distingue six fonctions du lan-gage, axes chacune sur un lment de son schma de la communication. Trois de ces fonctions correspondent l'ide communment admise que les lan-gues servent d'abord parler de tous les aspects de la ralit : La fonction rfrentielle (galement dite cognitive ou dnotative) permet d'voquer tout ce qui forme le contexte de la communication entendu comme l'univers infini des rfrents rels, possibles ou imaginaires : tres, objets, propri-ts, vnements, etc. La fonction mtalinguistique permet au locuteur de faire de sa langue ou d'une autre langue l'objet de son discours. Il s'agit en fait d'une forme particu-lire de la fonction rfrentielle, puisqu'elle consiste se servir du langage pour discourir sur le langage (p. ex. pour demander ou donner des informations lin-guistiques, exposer une analyse grammaticale, etc.), voire sur son propre discours ou celui d'autrui.

    Les termes substantif, complment, masculin, proposition subordonne, etc., qui dsignent des catgories de la grammaire franaise sont des termes proprement mtalinguis-tiques. Il en va de mme de tout discours oral ou crit, scientifique ou didactique, sur une matire linguistique : les dictionnaires et les grammaires sont par dfinition des ouvrages mtalinguistiques. Enfin toute squence linguistique peut tre utilise de faon autonymique (XVIII *. 1.1) pour se dsigner elle-mme (Je est un pronom).

  • 4 Grammaire mthodique du franais

    La fonction EXPRESSIVE (ou motive) est un autre avatar de la fonction rfren-tielle, limite aux cas o le locuteur exprime directement son attitude l'gard du contenu de son discours. Elle fait principalement appel l'interjection, aux constructions exclamatives, divers soulignements accentuels et galement certaines modalisations affectives ou valuatives (XX:2.2).

    Les trois autres fonctions se ralisent chacune dans un type spcifique d'ac-tivit langagire intersubjective :

    ^ La FONCTION INJONCTIVE (ou CONATIVE) vise orienter le comportement du rcep-teur dans le sens indiqu par l'nonc, notamment au moyen de l'impratif et des tournures directives quivalentes (XI: 4 et XX: 3). C'est le Vous me U copierez cent fois adress un lve indisciplin, le Sortez de Roxane Bajazet, mais aussi les slogans politiques et publicitaires dont la vritable finalit se rsumerait dans les formules ouvertement incitatives : Elisez-moi / Achetez-moi .

    La FONCTION PHATIQUE, centre sur le contact entre les interlocuteurs, apparat dans les noncs (souvent des formules) sans vritable porte rfrentielle, mais destins tablir, maintenir, rompre ou rtablir le contact avec le rcepteur : Bonjour Au revoir - All ? Comment allez-vous ? - Il faut que je me sauve, etc. Dans son emploi rhtorique, cette fonction nous permet de parler de la pluie et du beau temps lorsque, n'ayant rien dire notre interlocuteur, nous nous sentons nanmoins tenus de meubler ce vide communicatif.

    La FONCTION POTIQUE, axe sur le message en tant que tel, transcende les catgories prcdentes. Elle se manifeste chaque fois que le locuteur travaille son discours en exploitant :

    les virtualits vocatrices des signifiants (onomatopes, allitrations, assonances, rimes et effets rythmiques, voir I : M ) ; la disposition des mots et groupes de mots (paralllismes, antithses, chiasmes, gradations, etc.) ; les affinits et les analogies entre signifis pour produire des figures de conte-nu (hyperboles, mtaphores, mtonymies, etc).

    Remarques. La subversion rfrentielle qui caractrise certaines formes de posie moderne reprsente un cas limite o la fonction potique occulte les autres fonctions. Cependant, si cette fonction se manifeste de faon privilgie dans le domaine de la posie, elle se rencontre aussi dans d'autres productions langagires chaque fois que le discours est surdtermin par des effets esthtiques. C'est ainsi qu'elle sert renforcer l'impact des fonctions incitative et affective dans les slogans publicitaires (L'eau, l'air, la vie - Perrier) et lectoraux (Giscard la barre - Mitterand Pr-sident, etc., sur le modle archtypique amricain : / like //ce).

    Les six fonctions distingues par Jakobson se manifestent rarement l'tat isol. L'ac-tivit langagire les combine et les hirarchise en des complexes que par commo-dit nous identifions souvent leur fonction dominante :

    "Dans l'nonc Vous ici?.'on reconnat la manifestation d'au moins trois des six fonc-tions : rfrentielle (il y a acte de rfrence la prsence de l'interlocuteur l'endroit de l'nonciation), expressive (le locuteur exprime sa surprise par le tour la fois interrogatif et exclamatif de son nonc) et potique (la cause de la surprise est en quelque sorte mime par la forme elliptique de l'nonc qui oppose antithti-quement la personne de l'interlocuteur (vous) et l'endroit o il se trouve (ici), le tout tant soulign par une allitration issue de la liaison). La fonction injonctive

  • Introduction 5

    pourrait mme venir se superposer aux prcdentes, si le locuteur nuanait le ton de la surprise dans le sens de l'indignation ou du reproche, pour inviter - indirec-tement (XX : 3.3) l'interlocuteur vider les lieux. La conjonction des six fonctions de Jakobson ne donne toutefois qu'une

    image partielle - et quelque peu disparate - de l'ventail des usages communica-tifs du langage. Plus rcemment on a choisi le terme d'acte de langage (XX: 3) pour dsigner les diffrents types d'actes accomplis par le truchement du langa-ge : ceux dits de rfrence quel que soit le type de ralit dsign (XJX: 3) ; ceux qui visent orienter la conduite d'autrui (ordonner, conseiller, suggrer, etc.) ; ceux par lesquels le locuteur s'engage accomplir une action future (promet-tre, jurer, etc.) ; ceux qui expriment le sentiment du locuteur l'gard de l'tat de choses qu'il voque (s'excuser, fliciter, blmer, dplorer, plaindre, etc.) ; ceux que le locuteur, s'il est revtu de l'autorit adquate, accomplit par le seul fait qu'il dit qu'il les accomplit : p. ex. Je dclare la sance ouverte Je baptise ce bateau Libert - Je vous dclare unis par les liens du mariage. La liste est loin d'tre close et plusieurs typologies ont t proposes pour classer les actes de lan-gage selon leurs vises communicatives (la nature de l'acte que le locuteur pr-tend accomplir) et les mcanismes, souvent complexes, censs expliquer l'inter-prtation des noncs qui les vhiculent.

    Bibliographie. E. Benveniste, 1966, p. 258-266 et 267-276 - C. Kerbrat-Orecchioni, 1980 - F. Recanati, 1979 et 1982, p. 267-276 - J . Searle, 1972.

    1.2. Les langues, systmes de signes

    1.2.1. La double articulation du langage humain

    Comme tout systme signifiant utilis des fins communicatives, les langues sont organises sur deux plans solidaires : celui des formes (ou signifiants) et celui des contenus (ou signifies). Elles relvent donc d'une thorie gnrale du signe transpose leurs units significatives de tout niveau (XVM: 1). Elles se distin-guent pourtant de la plupart des autres systmes par la proprit d'tre dou-blement articules. En effet, nos noncs sont des squences continues de sons ou de lettres qui s'analysent successivement en deux types d'units mini-males:

    A un premier niveau, ils sont forms d'units signifiantes minimales (c'est--dire qui ne se dcomposent plus en units signifiantes). Ainsi la suite phonique ou graphique Encore un demi, garon ! s'articule en quatre de ces units : encore, un, demi et garon. Ces units de premire articulation sont gnralement appeles morphmes (XVI: 1.2.1) pour les distinguer des mots (XVII: 1.1), qui sont souvent des morphmes (p. ex., l'adjectif juste), mais qui peuvent aussi tre for-ms de deux ou de plusieurs morphmes (p. ex., in-juste, in-juste -ment et anti-constitution(n) -elle -ment).

  • 6 Grammaire mthodique du franais

    A un second niveau, les morphmes s'articulent en segments distinctifs mini-maux appels phonmes (II: 2) ou graphmes (III: 2.1) selon leur mode de rali-sation (oral ou crit). Dpourvues en elles-mmes de signification, ces units de deuxime articulation ont pour unique fonction de distinguer entre elles les units signifiantes de premire articulation.

    Le mot garon (prononc [gans]), par exemple, est une combinaison particulire de cinq phonmes / graphmes qui, comme telle, distingue ce mot des autres mots fran-ais : elle s'oppose en tous points celle qui articule le mot tulipe, mais ne se distin-gue que par son avant-dernier lment, ([s]), de celle qui articule le mot gardon.

    Remarques. 1 . Le principe de la double articulation fait des langues humaines des systmes de communication qui allient richesse et conomie. En effet, partir d'un stock limit d'units de deuxime articulation (entre une vingtaine et une cinquantaine pour la plupart des langues), elles ont form des milliers d'units de premire articulation et en crent chaque jour d'autres pour rpondre de nouveaux besoins de dnomination. A leur tour, ces units signifiantes se combinent entre elles selon les rgles de la syntaxe pour former un nombre thoriquement infini d'noncs. 2. Contrairement aux critures alphabtiques dont les graphmes transcrivent plus ou moins fidle-ment les units de deuxime articulation, les critures idographiques associent directement aux units de premire (et unique) articulation des signes-mots globaux dont la structure est ind-pendante de leur articulation en phonmes ( I I I : 1).

    Bibliographie. A. Arnauld, C. Lancelot, 1660, p. 22 - A. Martinet, 1970, p. 13-15.

    1.2.2. Autres caractristiques des signes linguistiques

    Les signes linguistiques se ralisent sous une forme orale et sous une forme crite.

    Dans l'orthographe franaise actuelle (III), la correspondance entre les ralisations orales et crites est loin d'tre univoque. Mais le franais crit et le franais parl (I) ne se distinguent pas seulement par la matire phonique et graphique de leurs signi-fiants. Les deux systmes prsentent aussi de nombreuses distorsions dans l'cono-mie des marques morphologiques et dans les fonctionnements syntaxiques 0 = 2).

    Qu'il s'agisse de leur structure interne ou de leurs combinaisons, les signes linguistiques sont linaires. Cette servitude due au caractre d'abord oral du lan-gage (il est impossible d'mettre simultanment deux sons, deux syllabes, deux mots, etc.) se rpercute sur la transcription alphabtique dont les units (lettres et mots) se succdent sur la dimension de la ligne.

    Faisant en quelque sorte de ncessit vertu, le langage exploite doublement cette dimension unique. D'une part, les mmes phonmes (p. ex. [i], [p], [1]) combins diversement forment diffrents signes : p. ex. pli, lippe et pile. D'autre part, beau-

    coup de langues, dont le franais, investissent d'une fonction grammaticale la posi-tion respective des units significatives (mots et groupes de mots) dans la phrase. Toutefois, la succession linaire des catgories grammaticales se superposent les hirarchies de regroupements qui dterminent la structure proprement syntaxique des phrases (V : 2.2.1 et 2.2.2).

    Les signes linguistiques, mais aussi les parties constitutives de leurs signifiants (phonmes et syllabes) se comportent comme des units discrtes. Ce caractre

  • Introduction 7

    dfinit la faon dont ces segments s'opposent entre eux : directement et non pas graduellement par un passage insensible d'un mot ou d'un phonme l'autre.

    Mme mal articul, un son sera identifi un phonme dtermin (p. ex. / p / ou /b/) et non une unit intermdiaire situe entre les deux et qui tiendrait des deux dans des proportions variables (comme 1,86 qui est plus proche de 2 que de 1). D'o la possibilit de segmenter les noncs en units qui se suivent comme des quantits discrtes fonctionnant diffrents niveaux d'analyse : groupes de mots, mots, morphmes, syllabes et phonmes.

    Remarque. Pour segmenter les noncs, on utilise l'opration de commutation qui consiste substituer l'un l'autre des lments qui entrent dans les mmes constructions (phonmes, mor-phmes, mots et groupes de mots) ou qui figurent dans les mmes contextes phoniques (phonmes et syllabes). Par exemple dans la phrase II y a de la bire dans le frigo, le segment bire commute avec moutarde, crme, etc. et se distingue ainsi des mots prcdents et suivants qui commutent avec d'autres sries de mots ; et dans le mot 6/n? le segment init ial/b/qui commute avec/p//f/, etc., se distingue des phonmes suivants/ j / /c/e t/ r/ .

    1.2.3. Le systme de la langue

    A chaque moment de son existence une langue est forme d'un nombre thoriquement dterminable, mais pratiquement indtermin de signes stables dont les signifiants et les signifis sont rductibles des traits constants dans leurs emplois rcursifs. Ces lments entretiennent entre eux deux types de relations fondamentales [Saussure: 1916, p. 170-175] :

    les relations syntagmatiques qui s'observent entre les termes d'une mme construction ;

    les relations paradigmatiques qu'on peut tablir entre une unit et toutes celles qui pourraient la remplacer dans un environnement donn.

    Ainsi dans la phrase Les petits ruisseaux font les grandes rivires, les adjectifs petits et grandes sont en relation syntagmatique avec l'article dfini les qui les prcde et avec les substantifs ruisseaux ex. rivires qui les suivent. Dans la mme phrase, la forme les est en relation paradigmatique avec d'autres dterminants : des, ces, mes, quelques, plusieurs, etc. ; ruisseaux avec d'autres substantifs tels que torrents, orages, etc. ; font avec des verbes transitifs directs comme rencontrent, forment, etc. Des lments en relation paradigmatique sont mutuellement substituables dans un environnement donn, s'y excluent les uns les autres et forment ensemble un paradigme.

    Remarque. L'une des tches de la linguistique postsaussurienne a t de donner un contenu plus prcis aux notions gnrales de rapports syntagmatiques et paradigmatiques. Dans le cadre de l'analyse syntaxique des structures phrastiques (V : 2.2 et 2.3), elles ont t progressivement prci-ses par les notions plus opratoires de distribution, de syntagme, de structure hirarchique, de classe distributionnelle et de sous-catgorisation.

    Un lment linguistique peut ainsi se dfinir diffrentiellement par ce qui le distingue des autres lments dans le(s) systme(s) o il figure. Ainsi, si l'on excepte les cas d'homonymie (XVIII : 2.2), les signes sont chacun pourvus d'un signifiant tel qu'il s'oppose ceux des autres signes, la diffrence pouvant se rduire la substitution d'un seul phonme (p. ex. lapin I rapin Isapin, mais

  • 8 Grammaire mthodique du franais

    aussi lapin Ilopin Ilupin, etc.). Du coup les signifiants apparaissent investis d'une fonction exclusivement distinive au plan paradigmatique (o les signes commutent) et contrastive sur l'axe syntagmatique (o ils appartiennent des paradigmes diffrents).

    Les signifis eux aussi se conditionnent et se dlimitent rciproquement. Si on ne considre que la complmentarit des mots dans la couverture d'un mme domaine notionnel, le signifi de rose semble effectivement se dfinir par tout ce qui l'oppose ses concurrents directs , que sont les signifis des autres noms de fleurs cohyponymes (XVIII : 2.4) tulipe, lys, violette, etc. Ce sont ces aspects diffrentiels et strictement ngatifs des signes que Saussure [1916: 158-69) appelle leur valeur.

    La valeur d'une forme linguistique s'identifie un rseau d'oppositions et de con-trastes interprter positivement pour dterminer l'appartenance catgorielle de cette forme et son (ou ses) contenu(s) smantique(s). Elle permet notamment de structu-rer les catgories lexicales et grammaticales en microsystmes (ou paradigmes) dont les lments s'opposent sur la base d'une proprit commune.

    Remarques. 1 . Des termes de deux langues auxquels nous attribuons en gros la mme significa-tion peuvent nanmoins avoir des valeurs trs diffrentes parce qu'ils ne se situent pas dans les mmes rseaux d'oppositions. Ainsi l'anglais utilise mutton (viande de mouton) et shep (mouton sur pied) l o le franais ne dispose que du seul terme mouton. Dans ces conditions, bien qu'on traduise sheep par mouton, la valeur du terme anglais est diffrente de celle de son quivalent franais dont le signifi n'est pas restreint par l'existence d'un terme spcifique dsignant la viande de mouton. 2. Les morphmes grammaticaux (XVI I : 2.1) dlimitent galement leurs signifis selon le principe du partage d'un mme champ notionnel en domaines complmentaires. En franais, o le pluriel englobe toutes les quantits suprieures l'unit, l'existence d'un duel exprimant la quantit deux (comme en grec ancien) modifierait le signifi du pluriel qui s'opposerait alors simultanment l'unit et la dualit.

    Bibliographie. G . Serbat, Saussure corrig par Benveniste, mais dans qut l sens > Raison prsente (numro spcial), 1982, p. 21-37.

    1.2.4. La perspective synchronique

    Chaque langue a une histoire dont on peut reconstituer les tapes en iden-tifiant les tendances, voire les lois qui expliquent ses modifications successives. Ces changements dans le temps affectent tous les domaines de la langue. Cepen-dant, depuis prs de trois sicles, l'volution de la langue franaise s'est consi-drablement ralentie sous l'influence stabilisatrice de rcrit imprim et de l'mer-gence d'une langue officielle strictement rgule. Aujourd'hui les secteurs les plus sensibles au changement sont ceux du lexique, o s'introduisent quotidienne-ment des nologismes et, bien qu' un moindre degr, celui de la prononcia-tion. Choisir de dcrire une langue un moment donn (actuel ou pass) de son existence, c'est adopter une perspective synchronique (rymologiquement : de coexistence une mme poque), la seule en vrit qui permette de l'apprhen-der comme un systme de communication rgi par des principes qui assurent son fonctionnement effectif. La mise en perspective diachronique (rymologi-quement : travers le temps) rvle les changements successifs qui se sont op-rs dans les diffrents domaines d'une langue ou d'un ensemble de langues.

  • Introduction 9

    Ainsi, pour l'historien des langues, les diffrentes langues romanes sont des langues-soeurs issues d'une mme langue-mre: les mots romans nuit (h.), notre (ital.), noche (esp.) et noite (port.), par exemple, proviennent de la mme forme nocte du latin vulgaire. Dans le domaine morphosyntaxique, la dclinaison latine a d'abord t ramene deux cas en ancien franais, puis a disparu (sauf dans certaines formes pronominales) en franais moderne. Cependant, l'opposition entre les perspectives synchronique et diachronique

    est loin d'tre irrductible. Rien n'interdit, en effet, d'largir les tudes diachroni- 4 ques la comparaison de systmes successifs dfinis synchroniquement. D'autre part, comme un tat de langue n'est pas toujours entirement ni immdiatement aboli par celui qui lui succde, il n'est pas rare que coexistent momentan-ment des formes appartenant deux systmes diachroniquement conscutifs.

    Actuellement beaucoup de Franais de moins de trente ans n'observent plus, contrairement leurs ans, l'opposition entre / o / de lundi et / c / de lin. Ce phnomne de gnrations est mme un trait caractristique du franais d'aujour-d'hui. Paralllement, on observe actuellement une nette tendance la rduction du groupe / l j / /j/dans milieu (prononc miyeu), million, millier, etc. et la chute (en syllabe finale) de / r / et de /1 / postconsonantiques dans cent mtres (prononc cent met), rend (re) la monnaie, un pauv (re) type, tre capab (le) de tout, etc. La nologie lexicale (XVI: 3) s'observe synchroniquement, mais obit au mca-nisme typiquement diachronique qu'est la cration d'une nouvelle forme lexicale complexe (bb-prouvette) ou emprunte (scanner). Dans toute langue subsistent des vestiges isols d'tats rvolus, sortes de buttes-tmoins linguistiques, qui se distinguent des autres formes linguistiques par leur caractre hors-systme. C'est le cas en franais moderne des formes dites irrgulires de certains pluriels de substantifs et d'un verbe comme aller, ou encore des lettres tymologiques (p. ex. g de doigt < digitum et pet s de temps < tempus) conserves par l'orthographe (III : 3.4). Le domaine syntaxique n'est pas exempt de survivances dont la structure relve d'tats de langue rvolus. Ainsi l'expression idiomatique son corps dfendant (littralement : en dfendant son corps; aujourd'hui : contrecur, regret) s'analyse comme un ancien grondif (introduit par et non par en) o le complment d'objet direct son corps tait rgulirement antpos la forme verbale.

    Bibliographie. E. Cenouvrier, J . Peytard,1970, p. 9-10 et 93-95 - A. Martinet, 1970, p. 28-31 - ). Lyons, 1970, p. 37-40 - S. Ul lmann, 1965, p. 38-41.

    1.2.5. La fonction smiotique des langues Pralablement tout emploi, les signes d'une langue forment des rseaux

    conceptuels dont l'originalit tient la spcificit des lments et aux rapports qu'ils entretiennent. Comme le remarque A. Martinet, chaque langue cor-respond une organisation particulire des donnes de l'exprience. Apprendre une autre langue, ce n'est pas mettre de nouvelles tiquettes sur des objets connus, mais s'habituer analyser autrement ce qui fait l'objet de la commu-nication [ 1 9 7 0 : 12 ] . Ces conditionnements faits de possibilits, de choix et de contraintes spcifiques confrent chaque langue son originalit - en un mot ce qu'on appelle son gnie .

  • 10 Grammaire mthodique du franais

    Un Franais distingue spontanment entre ce qu'il appelle fleuve, rivire, torrent, gave, ruisseau, ruisselet, ru, etc., parce que son lexique diffrencie assez finement les cours d'eau selon leur dimension, leur dbit, le profil de leur parcours et leur situation gographique. Cette catgorisation n'a pourtant rien d'universel et l'on peut imaginer des langues et il en existe qui analysent la mme matire notionnelle de manire plus sommaire. Inversement le franais traduit par le seul verbe sonneries trois verbes allemands klingeln, luten et schlagen qui identifient respectivement le son d'une son-nette, d'une cloche et d'une horloge. Un exemple souvent cit est celui du dcoupage du spectre lumineux. Dans un continuum o le franais distingue six couleurs de base, le chona (langue de Zambie) n'en reconnat que trois et le bassa (langue du Libria) deux. Le russe et le polonais, en revanche, scindent la zone du bleu franais en deux couleurs distinctes.

    Bibliographie. E. Benveniste, 1966, p. 25-30 et 56-74 ; 1974, p. 44-66 - H. A. Gleason, 1969, p. 9-10 -|. lyons, 1970, p. 45-47 - A. Martinet, 1970, p. 10-12 - G . Mounin, 1968, p. 81-89.

    1.3. La dimension sociale des langues

    Le caractre instrumental des langues est ce point indissociable de la vie en groupe que les prhistoriens lient la naissance du langage l'apparition simulta-ne, il y a deux millions d'annes chez Yhomo habilis, de l'instrument concret qu'est l'outil. Chacun, d'autre part, s'approprie sa langue comme une partie de son hritage socio-culturel. Comme, de surcrot, les systmes symboliques des langues sont partiellement immotivs (XVIII: 1.2), ils s'apprennent et se pratiquent au mme titre que les codes conventionnels qui rglent notre vie en socit.

    1.3.1. Les varits d'une langue

    Les langues contribuent assurer l'identit et l'unit l'intrieur des com-munauts humaines, mais aussi - car ce qui runit peut aussi exclure - la dif-frence et la sgrgation. Sensibles aux divers facteurs de diffrenciation qui tra-versent et travaillent le tissu social, elles refltent les clivages internes qui tiennent la localisation gographique et l'appartenance une classe sociale, un milieu culturel, un groupe professionnel ou une classe d'ge. En France, le fran-ais standard coexiste avec d'autres varits du franais pour former un grand polysystme que structurent des constantes et des variables; On distinguera gros traits :

    les varits rgionales : parlers et usages locaux du franais ; les varits situationnelles : langue soigne, courante, familire, etc. ; les varits techniques : langues de spcialits (juridique, mdicale, technologique, etc.); les varits sociales : parler populaire, argots, etc., et sans doute aussi franais standard ; les varits stylistiques : langue littraire, administrative, philosophique, mais aussi potique, archaque, etc.

  • Introduction 11

    L'idiolecte d'un locuteur, c'est--dire l'ensemble des usages linguistiques qui lui sont propres, se prsente gnralement comme la conjonction de plusieurs varits : p. ex., d'une varit rgionale et d'une varit sociale, toutes deux fixes, et de plusieurs varits situationnelles adaptes divers types d'changes verbaux.

    1.3.2. La norme

    L'une des questions centrales traites en sociolinguistique est justement celle de l'unicit de la norme (ou usage dominant) par rapport aux variations effec-tives que prsente toute langue. Le franais standard, par exemple, n'est qu'une varit parmi d'autres, mais qui, promue au rang de langue officielle, se trouve strictement norme et contrle institutionnellement. Ainsi entendue, la norme du franais telle qu'elle est fixe par l'Acadmie franaise, enseigne dans les coles et codifie dans les manuels didactiques (grammaires et dictionnaires) ne fait que privilgier l'usage d'une rgion (Paris) et des milieux cultivs en gnral. Corollairement, les usages qui s'cartent de cette norme ont souvent t dpr-cis, voire dcrts fautifs (cf. les jugements de valeur : mauvais franais , ne se dit pas , incorrect , etc.).

    A cette conception rigide et mutilante d'un bon usage exclusif de tout autre - qui est encore celle de la plupart des grammaires prescriptives (2.4) - s'op-pose aujourd'hui celle, plus fonctionnelle, d'une norme variant selon les situa-tions de communication.

    Un mme locuteur ne s'exprime pas de la mme manire dans une conversation btons rompus avec un vieil ami et dans un discours officiel. Par exemple, les variantes :z. Ha demand aprs lui I b. lia demand de ses nouvelles er a. C'tait vache-ment chouette I b. Le spectacle tait d'une infinie beaut expriment le mme contenu rfrentiel, mais d'abord en franais familier, voire vulgaire (a.), puis en franais stan-dard et recherch (b.). Le verbe aimer prsente trois constructions infnitives: cou-rante (Il aime lire), soutenue / littraire (Ilaime lire) et compltement vieillie (// aime de lire).C'est un fait galement bien connu que le franais dit populaire n'opre pas toujours la distinction entre lui et y, mais utilise la forme pronominale indiffrencie / i / (J'y vais, mais aussi J'y ai dit de venir). Le lexique, enfin, fournit de nombreuses classes d'quivalences dont les termes ne se distinguent que par leur appartenance des varits de langue concurrentes : les locuteurs franais reconnaissent dans bouffer, boulotter, becqueter et grailler des variantes familires, voire populaires, du terme standard manger. Ds lors, qu'il s'agisse de la prononciation (accents rgionaux ou accents

    d'affectation tels l'accent faubourien et, l'oppos, celui de Marie-Chantal ), du lexique ou des constructions syntaxiques, le franais contemporain se dmultiplie en usages spcifiques dfinis par leur appartenance la gamme des registres de langue esquisse ci-dessus.

    Nous savons tous par exprience, et ne serait-ce que pour avoir un jour t identifis d'aprs notre accent peru comme rgional ou tranger, que les faons de parler individuelles sont souvent interprtes comme des indices de notre appartenance un milieu ou de notre origine gographique.

  • 12 Grammaire mthodique du franais

    Enfin, si parler une langue c'est en avoir intrioris la grammaire au sens lar-ge du terme (2.3) et avoir ainsi acquis une comptence langagire (3.1), force est de constater qu'un locuteur franais possde une gamme plus ou moins tendue de comptences sous-jacentes aux usages qu'il fait de sa langue maternelle. Les unes, que l'on peut qualifier d'activs, correspondent aux formes et aux registres de langue qu'il emploie spontanment ; les autres, dites passives, lui permettent d'identifier et d'interprter des tournures et des usages qu'il n'utilise pas sponta-nment.

    Bibliographie. P. Bourdieu, L'conomie des changes linguistiques, Langue franaise, 33, 1977, p. 17-34 - Cahiers de linguistique sociale, 1 1977 ; Langue franaise, 16, La norme, 1972 ; 54, Langue maternelle et communaut linguistique, 1982 - H. Frei, 1929 - F. Cadet, 1989 - E. Genou-vrier, Quel le langue parler l 'cole? Propos sur la norme du franais, Langue franaise, 13, 1972, p. 34-51 ; Natre en franais, Larousse, 1986 - W . Labov, Sociolinguistique, Ed. de Minuit, 1976 -B. Muller, Le franais d'aujourd'hui, Klincksieck, 1985, p. 35-52 et 134-295 - D. Leeman-Bouix, 1994.

    2. LA GRAMMAIRE DANS T O U S SES TATS

    2.1. Il y a grammaire et grammaires

    Une grammaire, c'est d'abord un livre, trait, manuel de grammaire (Petit Robert). Mais c'est aussi - au sens du terme tel qu'il est employ dans la para-phrase dfinitoire prcdente - une matire d'enseignement et une activit scolaire. Cette deuxime acception courante apparat dans les expressions fai-re de la grammaire, un cours de grammaire et tre bon Inul en grammaire o le terme renvoie la transposition didactique d'une discipline scientifique, la lin-guistique, parfois encore appele grammaire.

    Ce dernier usage renoue avec une tradition ancienne qui remonte la Grammaire gnrale et raisonne d'Arnauld et Lancelot [1660] et mme au-del, aux Summae Grammaticae du Moyen-Age et toutes les Artes Grammaticae de l'Antiquit. Elle se poursuit jusqu' l'avnement de la philologie historique la fin du XIX' sicle, pour renatre sous la forme plus moderne de la grammaire gnrale entendue comme la science gnrale du langage (2.2). Les terminologies linguistiques d'inspiration gnrativiste ajoutent encore la polysmie du mot en l'appliquant aussi bien l'or-ganisation implicite d'une langue qu' sa description sous la forme d'une construc-tion thorique.

    Bibliographie. J-L. Chiss, La grammaire entre thorie et pdagogie, Langue franaise, 4 1 , 1979, p. 49-59 - B. Combettes, J-P. Lagarde, Un nouvel esprit grammatical, Pratiques, 33, 1982, p. 13-25 -N. Flaux, La grammaire, PUF , 1993 ( Que sais-je ?) - F. Franois, L'enseignement et la diversit des grammaires, Hachette, 1974.

    On distinguera galement trois conceptions techniques concurrentes (mais non indpendantes) du terme grammaire:

  • Introduction 13

    Toute langue prsente un ensemble de rgularits qui prsident la construc-tion, l'usage et l'interprtation des noncs. Les locuteurs apprennent, puis appliquent ces principes d'organisation qui constituent la grammaire imma-nente la langue. Il s'agit donc de l'ensemble des proprits intrinsques d'une langue et que l'on appelle aussi son systme.

    Tout locuteur dispose d'une grammaire intriorise de sa langue, dont il n'a pas conscience, mais qui lui permet de produire et d'interprter des noncs et par rapport laquelle il juge intuitivement si un nonc est bien ou mal form.

    ^ La grammaire intriorise qui conditionne notre pratique langagire ne se dcrit clairement qu'au terme d'observations et d'analyses minutieuses, qui sous leur forme acheve et synthtique constituent une grammaire-description (ou grammaire-thorie). C'est cette activit rflexive que l'usage courant rserve le terme de grammaire. Faire de la grammaire franaise est une chose ; parler franais ou s'exprimer en franais en est une autre.

    Remarques. t. Systme immanent la langue ou ralit mentale source de nos ralisations lan-gagires, la grammaire correspond la notion statique de langue (1.1.), que les structuralistes oppo-sent au discours et celle, plus dynamique, de comptence, que les gnrativistes opposent la performance (3.1). 2. Contrairement une opinion encore fort rpandue ( Les patois n'ont pas de grammaire , Cet-te langue n'a pas de grammaire puisqu'elle ne s'crit pas ), il n'y a pas de langue sans grammaire, ce qui serait d'ailleurs une contradiction dans les termes : une telle langue (?) ne pourrait ni s'acqurir ni se transmettre (il n'y aurait rien acqurir ni transmettre) et ne se prterait, faute de rgularits, ni la confection ni l'interprtation d'noncs significatifs.

    Bibliographie. N. Chomsky, 1957, p. 15-19 - F. Dubois-Charlier, D. Leeman, 1975, p. 29-31 -N. Ruwet, 1967, p. 18 et 49-50.

    2.2. Grammaire et linguistique : les grammaires descriptives

    Comme discipline gnrale voue la description des langues, la grammaire - aujourd'hui synonyme de linguistique - se prsente comme un ensemble mix-te d'observations, de procdures de dcouvertes et de gnralisations. Selon leur objet spcifique, on distingue quatre branches ou types de grammaires :

    la g r a m m a i r e s y n c h r o n i q u e (ou desc r ip t ive ) q u i dc r i t u n ta t d o n n d ' u n e l angue , q u ' i l soi t c o n t e m p o r a i n o u anc ien (1.2.4) ; la g r a m m a i r e d i a c h r o n i q u e (ou h i s t o r i q u e ) q u i t u d i e les diffrentes tapes de l ' vo lu t ion d ' u n e l a n g u e et q u i , sous sa f o r m e idale , t u d i e les r a p p o r t s e n t r e ses ta ts successifs (1.2.4) ;

    la g r a m m a i r e c o m p a r e q u i c o n f r o n t e d e u x o u p lus ieurs l angues d a n s u n o u p lus ieurs d o m a i n e s p o u r tab l i r e n t r e elles des diffrences et des r e s semblances t y p o l o g i q u e s , voi re des p a r e n t s g n t i q u e s (p . ex. e n t r e les l angues r o m a n e s ) ;

    la g r a m m a i r e gn ra l e qu i , par t i r des d o n n e s fournies par les rrois autres types de g rammai res , se p ropose d e dgager les rgles gnrales qu i prs ident l ' conomie e t au f o n c t i o n n e m e n t d u l angage h u m a i n .

  • 14 Grammaire mthodique du franais

    Une grammaire descriptive est un modle thorique qui se propose de dcrire de faon explicite la grammaire-systme, par dfinition implicite, d'une langue. D'o l'adjonction frquente au mot grammaire de qualificatifs qui voquent les courants thoriques particuliers dont s'inspirent les descriptions grammati-cales : distributionnelle, fonctionnelle, structurale, transformationnelle, etc.

    Remarque. Au cours des quarante dernires annes, les connaissances empiriques sur le langage et sur les langues se sont accumules, alors que se dveloppaient et se complexifiaient les appareils descriptifs. A chaque stade de cette histoire correspondent des courants de pense, des thories et des coles : Cercle de Prague, distributionnalisme, fonctionnalisme, gnrativisme, linguistique de renonciation, pragmatique, linguistique cognitive, etc.

    Bibliographie. C. Fuchs, P. Le Goffic, Les linguistiques contemporaines. Repres thoriques, Hachette, 1992.

    2.3. Grammaires partielles et grammaires globales

    Les grammaires se distinguent galement par l'tendue du domaine qu'elles couvrent. Les grammaires scolaires et les grammaires dites traditionnelles se limitaient encore rcemment au couplage d'une morphologie (tude des mots, de leur structure interne et des variations de leur forme) et d'une syntaxe (tude des parties du discours et de leurs combinaisons dans les phrases).

    Les grammaires au sens troit sont parfois rduites, sur le modle des anciennes grammaires latines, une morphosyntaxe qui n'tudie que les variations formelles des mots conditionnes par des processus syntaxiques (flexions). Les diffrents modes de construction des mots (drivation et composition) relvent alors de l'tude du lexique. Quant l'absence d'une composante phontique / phonologique (3.5.1), elle s'explique par l'intrt longtemps port aux seuls aspects crits des langues.

    Les travaux des linguistes gnrativistes ont popularis une conception plus ambitieuse du domaine et des objectifs de la grammaire. Il s'agit de gram-maires au sens large ou grammaires globales dcrivant l'ensemble des principes d'organisation et de fonctionnement de la langue, c'est--dire le complexe d'aptitudes qu'un locuteur active inconsciemment lorsqu'il produit ou interprte des noncs. Ce qui inclut, outre une morphosyntaxe, un modle des connais-sances phonologiques, smantiques et mme pragmatiques des locuteurs - toutes connaissances dont la conjonction et l'interaction constituent la comptence langagire (3.1) des sujets parlants.

    Bibliographie. N. Chomsky, 1957, p. 15-19 ; 1966, p. 126-128.

    2.4. Grammaires descriptives et grammaires prescriptives

    Une grammaire descriptive se propose de rendre compte des rgularits sous-jacentes au comportement langagier effectif des sujets parlants. Les seules donnes qu'elle peut valablement enregistrer sont celles qui se dgagent des

  • Introduction 15

    productions des locuteurs, ce qui revient adopter un point de vue strictement descriptif. Il appartient donc au linguiste non pas de trancher entre des formes et des usages concurrents (1.3.1), mais de les rapporter aux situations de communi-cation o il les rencontre habituellement ou aux groupes de locuteurs dont ils constituent l'usage ordinaire. Telle n'est ni l'attitude ni l'objet des grammaires dites normatives ou prescriptives, qui se proposent d'enseigner le bon usage de la langue et qui dictent cet effet des rgles privilgiant un usage particulier au dtriment d'un autre, fut-il le plus rpandu (1.3.2). En voici quelques exemples :

    U n e g r a m m a i r e scolaire d e V [A. S o u c h e , J. G r u n e w a l d : 1 9 6 6 ] c o n c l u t s a p r -s e n t a t i o n des s u b o r d o n n e s con jonc t ives c o m p l m e n t d ' ob j e t pa r l 'avert isse-m e n t : A t t e n t i o n ! La l o u r d e c o n s t u c t i o n ce que d o i t t re vi te c h a q u e fois qu ' i l est possible : Je consens qu 'une femme ait des clarts de tout (Mol i re ) . (et n o n : ce qu 'une femme...). Il faut d i r e : demander que, de faon que... .

    Les a u t e u r s d ' u n o u v r a g e g r a m m a t i c a l r cen t c i t en t alunir e t avnusir c o m m e exemples p o u r i l lustrer la f o r m a t i o n p a r a s y n t h t i q u e d e verbes d u d e u x i m e g r o u p e . M a i s l 'di teur (!) c o n d a m n e ces d e u x formes d a n s u n e n o t e en bas de p a g e : V e r b e s vi ter : o n prfrera atterrir sur la lune, atterrir sur Vnus.

    Ai l leurs se t r o u v e n t s t igmat i ss : aprs que suivi d u s u b j o n c t i f ; les c o n s t r u c t i o n s indirectes d u verbe p r o n o m i n a l se rappeler et d u verbe pallier; la r duc t ion d e la nga t ion s o n d e u x i m e l m e n t : Elle boit pas. elle fume pas, elle drague pas, mais elle cause ( t i t re de film) ; le n o n respect des rgles d ' a c c o r d d u pa r t i c ipe pass p r -cd de l 'auxil iaire avoir (VII : 2.5.2) ; la n o n - c o r f r e n c e e n t r e le sujet n o n expr im d u par t ic ipe pass appos et le sujet de la phrase rgissante : Sitt habills, elle envoie ses enfants l'cole - e t b ien d 'au t res cons t ruc t ions qu i son t a u j o u r d ' h u i l a r g e m e n t utilises, s u r t o u t d a n s le d i scours par l .

    Pourtant les usages proscrits ne constituent pas tous des fautes contre le systme immanent de la langue franaise, qui est en fait un polysystme adapt diffrents types de styles et de situations de communication. Au contraire, uti-lises bon escient, ce sont souvent des faons de parler tout fait normales, donc correctes, mais parfois encore condamnes au nom d'une chelle de valeurs implicitement idologique.

    S o u s sa f o r m e e x t r m e , le p a r t i pr is n o r m a t i f d b o u c h e sur le p u r i s m e , a t t i t u d e e s t h t i q u e v i san t figer la l a n g u e u n cerrain s t ade d e s o n v o l u t i o n cens repr -sen te r u n idal i n t a n g i b l e (p . ex. le franais des g r a n d s a u t e u r s classiques ). Les pur i s tes se r e c o n n a i s s e n t s o u v e n t leur g o t i m m o d r p o u r les bizarrer ies d e la l angue qu ' i l s co l l ec t ionnen t , cu l t ivent et d f enden t la m a n i r e des en tomolog i s t e s .

    Les vraies fautes contre la langue sont d'un tout autre ordre. Les unes sont des formes irrcuprables qui contreviennent aux rgles communes l'ensemble des sous-systmes d'une mme langue : *Je courirai - *Je lui ai crit afin que je l'aver-tisse - *Est Paul encore l?- "la romaine arme. Les autres ne concernent pas les formes proprement dites, mais le fait qu'elles soient employes mal propos (p. ex. un discours de rception l'Acadmie franaise truff d'expressions argo-tiques ou, inversement, des propos familiers maills d'imparfaits et de plus-que-parfaits du subjonctif). Les effets comiques provoqus par ce genre de discon-

  • 16 Grammaire mthodique du franais

    venances montrent clairement que le vritable bon usage consiste choisir celui des franais tels qu'on les parle qui correspond la situation de discours, au statut respectif des interlocuteurs et leurs intentions communicatives.

    Bibliographie. D. Leeman-Bouix, 1994 - F. Brunot, l pense et la langue, Prface, Masson, 3' di-tion, 1965 - F. Dubois-Charlier, D. Leeman, 1975, p . 28-29 - E. Genouvrier, ). Pevtard, 1970 p. 84-88 - t e franais dans le monde, 34, 1982 - 1 . Lyons, 1970, p. 35-36 - A. Martinet, 1970, p. 6-7 - J.-C. Milner, 1989, p. 76-77 - N. Ruwet, 1967, p. 63.

    3. L ' A N A L Y S E G R A M M A T I C A L E

    3.1. L a d e s c r i p t i o n de la c o m p t e n c e l a n g a g i r e

    La comptence, ou ensemble structur des connaissances et des aptitudes communes aux locuteurs d'une langue, est l'objet explicitement affich ou impli-citement assum des grammaires descriptives. Les reprsentations de ce savoir varient en fonction de l'extension que les thories linguistiques fixent leur objet (2.3) et des objectifs pratiques que s'assignent les grammaires. Dans son acception la plus commune, la comptence se manifeste travers deux aspects fondamentaux du comportement proprement linguistique des sujets parlants :

    La crativit dite gouverne par des rgles est le ressort essentiel de la dyna-mique langagire. Le cerveau humain n'est capable de stocker qu'une quantit finie de connaissances grammaticales. Pourtant, les sujets parlants sont capables tout moment de produire (et d'interprter) des phrases qu'ils n'ont jamais pronon-ces ni mme enrendues. Cette aptitude suppose que dans une langue donne un nombre thoriquement illimit de phrases puisse tre produit partir d'un nombre fini d'lments et de rgles permettant de les combiner. La connaissance tacite que le locuteur ordinaire a de l'conomie de sa langue lui permet de porter des jugements intuitifs sur la bonne formation des noncs ou des parties d'noncs, aussi bien sur leur forme que sur leurs proprits interprtatives : On ne dit pas des chevals. mais des chevaux - Dans la phrase Plusieurs candidats sont trs mptenti, plusieurs va avec candidats et trs avec comptents - Mon ami anglais dit toujours adresser que la u 'un alors qu 'ilfaut dire s'adresser quelqu un. etc.

    Qu'un locuteur mette de tels jugements ne signifie pas qu'il soit aussi capable de justifier ses apprciations, par exemple en les fondant sur des rgles explici-tement formulables (ce qui serait dj faire uvre de grammairien !). En tant qu'noncs mtalinguistiques spontans, ces jugements ne sont que des donnes d'un type particulier traiter comme telles, mais qui jouent un rle essentiel dans la reconstitution de la comptence des sujets parlants.

    Le terme de performance dsigne les rsultats de la mise en uvre effective de leur comptence par les locuteurs. Il s'agit non seulement des noncs mis et interprts dans des situations de communication concrtes, mais aussi des juge-ments ports sur la bonne formation des phrases et sur leurs proprits structura-

  • Introduction 17

    les et interprtatives. Tout produit discursif (par exemple la prsente phrase et celles qui la prcdent ou qui la suivent) constitue donc une performance. L'op-position comptence / performance se retrouve dans d'autres domaines du com-portement humain chaque fois qu'une aptitude (p. ex., tre capable de nager ou de calculer un pourcentage) est effectivement mise en oeuvre (p. ex., pour traver-ser la Manche la nage ou pour calculer la TVA sur le prix d'un article).

    Les erreurs systmatiques de performance dans les productions langagires sponta-nes s'interprtent comme autant d'indices d'une comptence dfaillante ou lacu-naire. Emises par un locuteur anglais, les phrases a.*/' connais lui b."` Jules Csar commandait la romaine arme - c.Il a rencontr le pre de moi - ."Je sais il vien-dra rvleraient a contrario quatre aspects de la comptence du locuteur ordinaire franais : l'antposition et la forme du pronom personnel complment du verbe dans la phrase assertive (a) ; la postposition de l'adjectif relationnel au substantif (b) ; la substitution du dterminant possessif mon au pronom personnel moi complment d'un nom prcd de l'article dfini (c) ; et le caractre obligatoire de la conjonction que en tte d'une subordonne compltive. Pourtant, mme chez des locuteurs matrisant trs bien la grammaire de leur

    langue, la performance n'est pas toujours le reflet fidle de la comptence. Elle reste, en effet, toujours tributaire de facteurs internes ou externes (tels que la fati-gue, les dfauts de mmoire, la distraction, l'motion, voire l'brit), gnra-lement indpendants de notre volont, mais susceptibles de gripper les mcanis-mes psychiques de la mise en uvre de notre comptence.

    Bgaiements, lapsus, dyslexies, plonasmes, constructions inacheves, ruptures de consrructions maillent sporadiquement notre discours, particulirement dans ses ralisations orales. Voici quatre exemples d'authentiques rats de la performance , les deux premiers entendus la radio, le troisime et le quatrime relevs respecti-vement dans une annonce publicitaire et dans une copie d'tudiant : Le sujet de l'mission de demain sera consacr [...] Ils n'ont d leur salut qu'en se jetant la mer Ce cintre lger en fil de fer souple [...] empche, particulirement pendant le schage, tout vtement pendu bien tir de ne pas se dformer, se froisser ou de glisser du cintre La qute de notre personnalit, si elle s'effectue effectivement dans le monde ext-rieur, celui-ci est cependant limit.

    3.2. Les rgles grammaticales

    L a personne qui a acquis la connaissance d'une langue a intrioris un sys-tme de rgles qui relie les sons et les significations d'une manire particulire. Le linguiste qui construit la grammaire d'une langue ne fait que proposer un syst-me sur ce langage intrioris [N. Chomsky: 1 9 7 0 , p. 2 6 ] . En d'autres termes, le linguiste s'emploie dcrire de faon explicite la grammaire implicite (2.1) intriorise par les usagers de la langue et sous-jacente leurs productions cri-tes et orales. Or, une telle description ne peut qu'tre hypothtique, bien que les ouvrages pratiques de ce nom ne se prsentent jamais comme tels. En effet, la grammaire intrieure des sujets parlants (leur comptence) est une ralit men-tale et, comme telle, reste inaccessible l'observation immdiate. Faute d'un

  • 18 Grammaire mthodique du franais

    accs direct aux systmes communicatifs que sont les langues, nous ne pouvons qu'observer leurs manifestations particulires et individuelles dans les actes de communication. L'unique solution consiste alors partir des rgularits dceles dans les noncs pour remonter au systme cach de rgles dont elles sont la mise en uvre et le rsultat. C'est d'ailleurs ce que fait inconsciemment l'enfant lorsqu' coup d'essais plus ou moins russis il reconstitue progressivement la grammaire de sa langue partir des noncs auxquels il est confront. C'est ce que fait sa faon, c'est--di