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UNIVERSITE DE PARIS XIII (VILLETANEUSE) DIAME SIGNATE GRAMMAIRE FRANÇAISE LESSYSTEMESCORRELATWS DANS L'HISTOIRE DU FRANÇAIS JUSQU'AU DIX-SEPTIEME SIECLE TOME! * THESE PRESENTEE DEVANT L'UNIVERSITE DE PARIS xm EN VUE DE L'OBTENTION DU GRADE DE DOCfEUR D'ETAT ES-LETTRES DIRECfEUR DE RECHERCHE JACQUESCHAURAND PARIS, JUIN 1990

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TOME!
EN VUE DE L'OBTENTION DU GRADE DE DOCfEUR D'ETAT ES-LETTRES
DIRECfEUR DE RECHERCHE
Professeur Olivier SOUTET. Université de Dijon.
En ouvrant cette étude, je tiens particulièrement éI exprimer un hommage de respectueuse reconnaissance éI Monsieur le professeur Henri BONNARD, qui en juin 1982, m'en suggéra le sujet, et il Monsieur le professeur Jacques CHAURAND.
A tous les deux, je dédie ce modeste travail en témoignage de gratitude et de fidèle souvenir.
INTRODUCTION
"Pendant des siècles. les grammairiens ont incorporé la syntaxe à
l'étude des "parties du discours" ; l'existence de conjonctions comme
et, ou. ni et comme quand. comme. que. étayait la distinction entre
proposit ions coordonnées et proposit ions subordonnées. Ils ont donc
ignoré les faits de corrélation dans la mesure où leurs marques sont
intrapropositionnelles. La syntaxe suprasegmentale restait en grande
partie à faire".
Ainsi se termine l'article d'Henri Bonnard. De la corrélation. con­
tribution aux Mélanges offerts à Gérald Antoine sous le titre Au
bonheur des mots (Presses Universitaires de Nancy, 1984 ; pp. 51-59).
Dans l'optique traditionnelle ainsi définie. coordination et subordi­
nation étaient les deux rapports syntaxiques pouvant associer les
propositions entre elles dans le cadre de la phrase complexe.
Dans les deux cas, la marque était un élément interpropositionnel. la
"conjonction".
Ces vers de Ronsard (Les Amours, pièces ajou tées en 1533. XVIII.
5-6)
Et tout confus de soupirs je me pâme ...
contenaient deux propositions dont la seconde était coordonnée à la
première par la conjonction de coordination et.
Cet autre (Continuation des Amours, XXII, 7) :
Si tost que je l'apelle, elle ne me dédaigne.
contenai t deux propositions. dont la première était subordonnée à la
seconde par si tost que.
Les grammairiens du XXe siècle ont affiné l'analyse. et le consensus
est à peu près réalisé sur l'usage que nous allons décrire. et que
nous adopterons.
Le terme de "coordination". en vertu de son étymologie ("position sur
le même rang"). dénote le rapport d'égalité syntaxique de deux termes
ayant la même fonction dans la proposition ou dans la phrase.
Ces termes peuvent être des mots. comme les adjectifs froid. noir,
lent, tous trois épithètes de sang dans ce vers de Ronsard :
D'un sang froid, noir et lent, je sens glacer mon cueur.
(Second livre des Mélanges, V, 1)
Ils peuvent être des groupes de mots. et particulièrement des pro­
positions. comme dans les premiers vers cités plus haut.
La coordination est ainsi définie par la fonction. et non par la pré­
sence d'une conjonction. Les adjectifs froid et noir sont coordonnés
entre eux comme ils le sont à lent, sans qu'une conjonction soit né­
cessaire. On remarquera aussi la réciprocité du rapport qui les
associe.
- 2 -
Il en est de même pour deux propositions voisines indépendantes l'une
de l'autre. Dans les deux vers des Amours ciUs plus haut, la pre­
mière proposition (vers 5) est coordonnée à la seconde (vers 6) aussi
bien que la seconde à la première, et le rapport serait le même en
l'absence de conjonction, CODe dans ce vers des Amours (pièces du
Bocage, X, 5)
(Pièces du Bocage, X, 5)
Le terme de "subordination" dénote étyaologiquement une dépendance,
par définition unilatérale : la proposition subordonnée est glo­
balement dépendante d'un mot de la proposition qui la précède, ou la
suit, ou la contient.
Dans l'exemple de la CODtiDuatioD des Amours, Si tost que je
l'apelle, est complément de temps du verbe principal dédaigDe.
La relation syntaxique ainsi définie n'exige pas la présence d'une
conjonction (il n'yen a pas en tête des subordonnées d'interrogation
partielle, ni des participiales).
tionnels. Or, pour justifier l'appellation d'''analyse logique" donnée
à ce type d'examen, il faut faire intervenir des notions de logique
extragrammaticale qui transcendent les critères de "coordination" et
de "subordination", par exemple les notions de "comparaison", de
"cause", de "conséquence", de "but", de "concession", de "temps", de
- 3 -
"condition".
Ainsi, abstraction faite de tout cri tère grauatical, l'esprit peut
identifier une relation logique de cause • conséquence dans une
phrase composée de deux propositions indépendantes coordonnées :
(1) Il r~pond si vite, il se troJlpe souvent.
ou dans une phrase composée d'une principale et d'une subordonnée
(2) Il r~pond vite, de sorte qu'il se trompe souvent.
En (2), la relation logique est exprimée par le sémantisme de la con­
jonction de subordination de sorte que, qui associe • son signifié
grauatical un signifié lexical ; un grand nombre de conjonctions
composées nuancent ainsi de relation logique le rapport syntaxique
qu'elles expriment.
C'est encore le cas des conjonctions simples quand, comme et si, mais
avec polysémie (quand exprime le temps ou la concession, comme la
comparaison, la cause ou le temps, si la condition ou l'interrogation
indirecte) : enfin que, la plus abstraite peut exprimer selon l'en­
tourage toutes les nuances logiques. Toutes ces conjonctions ont du
moins une propriété commune: elles impliquent l'existence d'une pro­
position principale dont dépend la proposition qu'elles introduisent.
Dans l'exemple donné, on peut supprimer la subordonnée sans que la
principale (il répond vi te) devienne illicite : l'inverse n'est pas
vrai.
En (1), les deux propositions sont coordonnées ; la relation "cause­
conséquence" est marquée non par l'élément interpropositionnel que
- 4 -
serait une conjonction, mais par un élément intrapropositionnel,
l'adverbe si complément de quantité de l'adverbe vi te. Son emploi
fait attendre une conséquence, qu'exprime la seconde proposition (il
se trollpe souveDt) ; l'omission de celle-ci donnerait l'impression
d'un vide logique, alors que l'inverse n'est pas vrai.
Voici une troisième forme de la même information
(3) Il répoDd si vite, qu'il se trollpe souveDt.
La première proposition implique encore la seconde. Celle-ci, in­
troduite par la conjonction de subordination que, implique l'exis­
tence de la première. Cette iaplication réciproque définit le rapport
de "corrélation" ordinairement reconnu entre l'adverbe si et la con­
jonction que.
s'y substituer. Ailleurs, elle peut s'associer. la coordination,
comme dans les systèmes proportionnels.
(4) Plu il répoDd vite, plus il se trollpe souveDt.
Dans chacune de ces deux propositions, l'adverbe plus appelle son ho­
mologue (qui pourrait aussi être moiDs) ; il y a corrélation.
Les deux propositions sont formellement identiques; il n'est pas
possible de donner l'une pour un terme de l'autre; l'ensemble
exprime la coincidence entre deux variations dont la première peut
être conçue comme la cause et la seconde comme la conséquence par une
op6ration mentale implicite dans le texte.
/ - 5 -
Du point de vue grammatical, ce système ne diffère pas de celui que
représente une phrase coame :
(5) faat6t il accélère, taDt6t il raleDtit.
Ce type de phrase est traditionnellement classé sous le chef de la
coordination. Les deux phrases ressortissent également à la cor-
rélation, puisque les deux taDtôt s' impliquent réciproquement CODe
les deux plus de l'exemple précédent.
Cette théorie de la corrélation est donnée par Henri Bonnard avec des
exemples analogues, dans le Code du fraDçais couraDt, éditions
Kagnard, 1981, ~ 251. Dans son article des Kélanges cité plus haut,
l'auteur déclare avoir adopté, en élargissant quelque peu la notion,
la doctrine exposée par Kadame Suzanne Allaire dans sa thèse sur Le
modèle sYDtaxique des systèlles corrélatifs, étude eD fraDçais
aoderDe, soutenue en avril 1977 (mais publiée en 1982 par le service
de reproduction de Lille III).
1.2. LIKITITIOR DU CRlKP D'ETUDE
On peut accepter avec Henri Bonnard la conception large d'une cor­
rélation définie par l'impl;~ation réciproque de deux marques gram-
maticales. Selon cette vue, il y a corrélation entre si et que dans
l'exemple (3) du premier paragraphe, mais aussi entre les deux
emplois de la conjonction ou dans la phrase suivante, où deux noms
complément d'objet sont coordonnés dans une même proposition:
(6) J'euèDe ou Paul ou JeaD.
- 6 -
Dans un tel contexte, le premier ou peut être économisé, le second
suffisant à exprimer la relation de disjonction exclusive. La con­
currence des deux modes d'expression (ou••. ouI • •••• ou) a existé de
tout temps en français; et elle existe aussi, en français lit­
téraire, pour l'emploi de la conjonction et.
Bien que ces faits ressortissent à la corrélation largement entendue,
nous avons choisi de les exclure du champ de notre étude pour plu­
sieurs raisons :
fraDçais, éditions d'Artrey, 1958), où les faits sont décrits
du IXe au XXe siècle. Les corrélations de type et... et;
ou. •• ou; Di (De)... Di (De) occupent 400 pages du second
tome.
Dans la pratique de l'analyse syntaxique, le recours à la
notion de corrélation ne s'impose qu'au niveau de l'analyse
qu'on appelle "logique" parce qu'elle fait état des relations
d'une logique extra-grammaticale exprimées d'une proposition
à l'autre: cause, comparaison, conséquence, but, temps, COD­
dition, concession (U se borne le répertoire communément
retenu pour les besoins de la pratique scolaire).
Ifadame Suzanne Allaire s'est placée à ce seul niveau parce que les
notions de subordination et de coordination n' y suU isent pas à
prendre en compte tous les facteurs du seDS exprimé ; au niveau de
- 7 -
l'analyse des mots, le problème ne se pose pas. Pour la même raison
pragaatique, nous avons limité aux corrélations in­
terpropositionnelles le chaap de notre étude.
Il est montré au premier paragraphe que des lIarques de corrélation
peuvent associer :
2° soit plusieurs propositions coordonnées entre elles.
1.2.1. Dans le premier cas, la lIarque de corrélation en proposition
subordonnée comporte toujours la conjonction ou le pronom relatif
dont l'emploi définissait la subordination dans la grammaire tra­
ditionnelle.
Suzanne Allaire a exclu implicitement les propositions relatives du
champ de son étude. Pourtant une corrélation existe, et n'est pas
mise en doute, entre un déllonstratif comme celui et un relatif comme
qui ; le premier appelle une détermination, le second implique (au
moins dans l'usage courant) un antécédent qui peut être celui:
(7) Cet e.ploy~ est c.lui 4 qui tu dois rendre tes livres.
Quelle relation logique est exprimée par cette corrélation ?
Un rapport constant d'identité (on dit aussi de substantialité ou en
termes de mathém.tiques d'égalité) existe entre la personne ou la
chose désignée par l'antécédent (ici celui) et celle désignée par le
relatif (ici qui). La préposition 4 ne dénote pas une relation entre
- 8 -
d'attribution) du pronoa relatif dan. la relative.
Il est coapréhensible que Suzanne Allaire ait choisi d'ignorer les
propositions relative.: la relation d'égalité n'est pas du ré­
pertoire standard des relations ordinaireaent aarquée. par les subor­
données (cause, coapardson, etc.) ; la corrélation cel ui. •• qui ne
pose d' ailleurs aucun autre problèae que celui de la variation en
genre et en noabre du pronoa déaonstratif et celui de la variation en
cas du relatif, auxquels de noabreuses études (thèses et autres) ont
été consacrées.
Hous aurions donc suivi, sur ce point aussi, l'exeaple de Suzanne
Allaire, si l'ancien français n'offrait aaint exeaple de propositions
relatives eaployées en corrélation avec les corrélatifs de la con­
jonction que, coame dans ces deux passages de la CbansoD de Roland :
Se Deus ço dUDet que jo de la repaire,
,]0 t'eD .uvra un si graDt COD traire
lï dur.rat a trestut tUD edage.
(289-291)
DuDt bieD purrez vos soldei ers luer.
(132-133)
L'ancien français connaissait égaleaent un eaploi conditionnel de qui
au sens de "si l'on" que le français aoderne conserve seuleaent dans
- 9 -
des locutions fossiles. Suzanne Allaire se devait de l'écarter, aais
une étude bis torique telle que la nôtre se doit de la prendre en
coapte.
Suzanne Allaire a donc liaité son enquête aux propositions subor-
données introduites par une conjonction siaple ou composée (locution
conjonctive), dans la aesure oà cette conjonction apparaissait en
corrélation avec un éléaent de la principale qui en était séparable.
Ainsi une phrase co..e la suivante :
(9) Je cOlJlJais Paul autet que tu cOlJlJais JealJ.
relève de la corrélation parce que l'élément autalJt y fonctionne
comae un adverbe (coapléaent de cOlJlJlIis) séparable de que
(10) Je cOlJlJais autet Paul que tu cOlJlJais JealJ.
Au contraire dans la pbrase suivante
(11) J'ai COlJlJU Paul avet que tu cOlJlJaisses JealJ.
l'éléaent avalJt, inséparable de que, est un co.posant de la locution
conjonctive livet que, et il n'y a pas corrélation.
Selon ce critère, les locutions conjonctives terminées par ce que
(co..e pacce que, jusqu'à ce que, elJ ce que, à ce que, de ce que••• ),
oà ce est aujourd'bui inséparable de que, ne ~~~èvent pas de la cor­ '1'
rélation, et c'est l juste titre que "Suzanne All~e les a ignorées. ; . r~ 1 • l ~_. ~
Nous ne pourrons en faire autant, puisqu~~:~ciep~françaisl'élément - -.
1 "'
ce, assUllant encore sa fonction pronoainale ot10inelle (= "cela"),
pouvait être détacbé de que, dont on le tiendra pour corrélatif :
Cac l'Or ce vos a Diex elJvoi~ elJtce lJOS, que vos pacfacoiz ce
- 10 -
(Queste, 11, 23-25)
Du aêae coup, nous prendrons en compte les emplois de ce ( ••• ) que
sans préposition, propres au plus ancien français.
1.2.2. Nous avons présenté au preaier paragraphe, en donnant pour
exemple la phrase (4), un type de corrélation affectant des pro­
positions coordonnées entre elles, et que peut résuaer le schème
Adverbe••• /adverbe ••• /(adverbe ••• etc).
Suzanne Allaire liaite ce type aux séries coaparatives de sens pro­
portionnel (plus/.oiDS •••plus/.oiDS ; autaDt ••• /autaDt) ; elle admet
aussi le type assis sur l'adjectif tel, de sens comparatif, aais
passe sous silence des phrases de aêae structure co..e la phrase (5)
oà la répétition ad libitua de taDt6t expriae une relation d'al­
ternance teaporelle étrangère au répertoire de l'analyse 10lJique tra­
ditionnelle.
Co..e elle, nous négligerons les adverbes de coordination bien connus
par d'autres études (tel l'ancien or, précurseur de taDt6t) et re­
tiendrons les systèmes comparatifs dont l'histoire est d'ailleurs ia­
briquée dans celle des systèmes comparatifs de la subordination.
1.2.3. Dans son article des Mélanges offerts à Gérald Antoine, cité
en tête de cette introduction, Henri Bonnard prend en compte, à juste
titre, dans l'inventaire des aarques de corrélation, les marques aor-
- 11 -
phologiques 4e te_ps, 4'aspect, 4e _ode, et les marques syntaxiques
de _odalité (article cité, page 55). Il sera nécessaire d'en tenir
compte dans l'étude 4es systèmes corrélatifs, par ezemple pour 4is­
tinguer porço .•. qU8 causal et porço•.. que final, et pour définir cer­
tains systé_es de "subordination inverse" (viendrait-il, que je ne
lui ouvrirais pas) ; mais nous écarterons l'étude systéaatique des
relations entre les te_ps et les aodes des verbes quand elles ne
lIettent pas en jeu l'emploi d'adverbes ou de conjonctions (coue
dans
(Il frappait, j'ai ouvert. Il est venu, j'avais fini de dé­
jeuner. Frappez, il ouvrira).
Ces faits relèvent de vastes dOllaines de la recherche linguistique
(emploi des tellps, e_ploi des 1I04es), sur lesquels nous ne pourrons
ouvrir que des fenêtres.
1.3. COIULlTIrS COIIPLDDTliUS ET COIULlTIrS UDOIDUTS.
On évitera bien des redites si l'on distingue au départ deux grandes
classes parmi les systè_es corrélatifs retenus pour notre étude.
1° Systè_es complémentaires.
Les bonnes nouvelles sont si rares que l'on hésite A y croire.
L'adverbe si, co_plément de l'adjectif rares dans la principale,
apporte l'idée de relation (cause-conséquence) ; la conjonction que
apporte seulement l'idée de subordination: les deux _ots corrélatifs
- 12 -
Dans de tels systèmes, l'ordre des propositions n'est pas inversible
(* que l'on bésite i y croire, les bonnes nouvelles sont si rares).
2° Systèmes redondants.
L'absence diminue les médiocres passions, et augmente les
grandes, c~e le vent éteint les bougies et allume le feu.
(Nazimes, 276)
1. conjonction co... marque • la fois la subordination des deux pro­
positions qui suivent aux deux principales qui précèdent, et la re­
lation (de comparaison) : elle n'a pas de corrélatif. Mais les termes
de la p6riode peuvent être inversés, et l'idée de comparaison peut
être reprise dans un adverbe comme ainsi marquant nettement le début
du groupe des deux principales coordonnées :
"Coue le vent éteint les bougies, et allume le feu, aiui
l'absence diainue les médiocres passions, et augmente les
grandes".
La conjonction co..e et l'adverbe ainlli constituent un système de
corrélatifs non plus complémentaires, mais redondants.
La corrélation co..e.•. ainsi est abondamment pratiquée par les ora­
teurs et par les poètes pour faciliter l'intelligence d'une longue
phrase :
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CGWlle on voit sur la branche au .ois de lIay la rose
iD sa belle jeunesse, en sa preaière fleur
Rendre le ciel jaloux de sa vive couleur,
Quand l'Aube de ses pleurs au poinct du jour l'arrose:
La grace dans .a fueille, et l'aaour se repose,
!abasmant les jardins et les arbres d'odeur:
liais batue ou de pluye, ou d'excessive ardeur,
Languissante elle .eurt fueille à fueille déclose :
Ainsi en ta premi~re et jeune nouveauté,
Quand la terre et le ciel honoraient ta beauté,
La Parque t'a tuée, et cendre tu reposes.
(Ronsard, Amours, sur la mort de lIarie, V.l-ll)
Les systèaes corrélatifs redondants ont été tacitement écartés par
Suzanne Allaire, pour deux raisons probables. D'abord pour la rareté,
en français moderne, de leur e.ploi qui relève d'une emphase rhé­
torique passée de mode. Kais peut-être aussi les a-t-elle jugés non
pertinents dans l'étude d'une véritable corrélation, en raison de
leur caractère gratuit.
s'il est vrai que la subordonnée initiale introduite par cOlllRle dans
l'exemple donné implique l'existence d'une proposition principale,
elle n'implique pas l'emploi de l'adverbe aiDsi, qui est un luxe du
registre oratoire ou poétique, et qui d'ailleurs peut apparaître sans
que la proposition précédente soit une subordonnée.
- 14 -
On ne peut pas affirmer' priori qu'il en fû~de même en ancien fran­
çais, où l'emploi intensif de certains adverbes avant ou après cer­
taines conjonctions donne à penser qu'on est en présence de systèmes
corrélatifs analogues aux systèmes latins ut • •• i ta, cu•• •• tu.,
qua•••• ta., qualis••• talis, ubi ••• ibi, unde•.• inde, etc.
L'adverbe si n'est-il pas corrélatif de cu. par anaphore dans
cu. ad oret, si se drecet en estant,
seignat sun chef de la vertut poisant.
(Roland, 3110-11),
Un dart llo1u a pris a son arçon,
Envers Guillel.e le lança de randon,
Si bruit li cols ca.e uns alerions.
(Couronnement de Louis, 966-968) ?
L'existence d'une locution soudée sico. au XIe siècle semble attester
une prédilection pour l'association de ces deux mots en corrélation.
Les exemples donnés ci-dessus ne font état que de la conjonction
co.(e), mais des problèmes semblables sont posés pour toutes les con­
jonctions ayant un contenu logique, par exemple quant (temps, cause),
se (condition) et toutes les conjonctions composées de que. Seule la
conjonction simple que, sans contenu logique propre, est par nature
exclue des systèmes redondants.
- 15 -
Ces questions seront exaainées cas par cas principalement dans la IVe
partie, consacrée au schèae Conjonction (••• J/Adverbe.
- 16 -
Textes du XIèae siècle.
La vie de Saint Alexis (ai lieu du XIe siècle,
auteur inconnu), CFKA, éd F. Lecoy, Paris,
Champion, 1980, 50P.
être de Turold), éd. Gérard Koignet, Bordas,
Paris, 1985, 320P.
inconnu), CFKA, éd. Ernest Langlois, deuxièae
édition revue, Paris, Champion, 1984, 169P.
Le cbarroi de NiJles (1150-1160, auteur
inconnu), CFKA, éd. J.-L. Perrier, Paris, Chaa­
pion, 1982, 77P.
J. -J. SaIverda de Grave, TOKE 1, Paris, Chaa­
pion, 1973, 183P.
Karie de France), CFKA, éd. Jean Rychner,
Paris, Champion, 1978, 317P.
éd. Guy Raynaud De Lage, Paris, Champion, 1976,
246P.
édition revue par L.M.Defourques, Paris, Cham­
pion, 1982, 171P.
copie de Guiot, CFKA, éd. Alexandre Micha,
Paris, Champion, 1982, 256P.
de Troyes), d' après la copie de Guiot, CFKA,
éd. Mario Roques, Paris, Champion, 1983, 240P.
Le chevalier au lion (1180, de Chrétien de
Troyes), d'après la copie de Guiot, CFKA, éd.
Mario Roques, Paris, Champion, 1982, 266P.
- 18 -
Perceval
Renart
Troyes), d' après la copie de Guiot, CFlfA, éd.
Félix Lecoy, Tome l, Paris, Champion, 1981,
187P.
première branche, d'après le manuscrit de
Cangé, CFMA, éd. Mario Roques, Paris, Champion,
1978, 188P.
Paris, Champion, 1983, 136P.
inconnu), éd. Claude Régnier, sixième édition,
Paris, Klincksieck, 1983, 161P.
Textes du XIIIe siècle.
Bodel), TLF, éd. Albert Henry, Genève, Droz,
1981, 176P.
1199-1203 et Tome II : 1203-1207, de Geoffrey
de Villehardouin), CHFMA, éd. Edmond Faral,
Paris, Les Belles Lettres, 1973, 229 ET 370P.
Aucassin et Nicolette, chantefable (1ère moitié
du XIIIe s., auteur inconnu), CrMA, éd. Mario
Roques, deuxième édition, nouveau tirage revu
et complété, Paris, Champion, 1982, 105P.
- 19 -
siècle. auteur inconnu), CnlA, éd. Holger Pe­
tersen, Paris, Champion, 1928, 95P.
La Queste del Saint Graal (vers 1220, auteur
inconnu), CFKA, éd. Albert Pauphilet, 2e
tirage, Paris, Champion, 1980, 301P.
Courtois d'Arras (vers 1226, auteur inconnu),
CFKA, éd Edmond Faral, Paris, Champion, 1980,
34P.
Le Roman de la Rose ou de Guillaume de Dole
(vers 1228, de Jean Renart), CnIA, éd. Félix
Lecoy, Paris, Champion, 19i9~ 231P.. . \ ." , "
Les Trois Aveugles-clfi'~l'i;~e, Fabliau (XIIIe !
siècle de Courtebarbe), CfKA', éd. Georges Gou-
genheim, Paris, LAE, Champion, 1932, 34P.
Oeuvres complètes (1249-1285. de Rutebeuf), éd.
Edmond Faral et Julia Bastin, Tome 1, septième
tirage, et Tome II. quatrième tirage, Paris,
Picard, 1977, 582 et 349P.
L'Eglise, les Ordres Mendiants et l'U­
niversité.
Le Jeu de la Feuillée (vers 1276, d' Ad.. Le
Bossu), CnIA, éd. Ernest Langlois, deuxième
édition revue, Paris, Champion, 1976, 81P.
- 20 -
Rose
Vergi
Keun), Tome II, CfKA, éd. Félix Lecoy, Paris,
Champion, 1973, V. 8228-16698, 303P.
La Cbastelaine de Vergi (1271-1288, auteur
inconnu), CFKA, éd. Gaston Raynaud, quatrième
édition revue par Lucien Foulet, Paris, Cha.­
pion, 1979, 36P.
lippe de Rémi), CfKA, éd. Sylvie Lécuyer,
Paris, Champion, 1984, 204P.
ville), éd. Moêl L. Corbett, Maaman, Sher­
brooke, Quebec, Canada, 1977.
Textes du XIVe siècle.
des extraits de 8 oeuvres de Froissart, de 1327
• 1388), éd. Gaston Paris et A. Jeanroy, Paris,
Hachette, 1927, pp. 165 à 333.
Prologue.
Les perdrix d'Olivier de Kauni.
Bataille de Cocherel.
Sac de Li.oges.
Episode de la révolte de Vat Tyler en An­
gleterre.
- 21 -
Froissart, B.F.R, éd. Anthiae Fourrier, seconde
édition entièreaent revue, Paris, Klinctsiect, 1972, 206P.
KélusilJe (1392-1393, de Jean d'Arras), Pu­
blications de l'université de Dijon- Fascicule
V : publié pour la preaière fois d'après le aa­
nuscrit de la bibliothèque de l'Arsenal avec
les variantes des aanuscrits de la Bibliothèque
Nationale par Louu STOUFF : Dijon, I.pri_erie
Bernigaud et Privat, 1932, pp. 1 • 129.
Textes du De siècle.
CFKA, éd. 1. Droz, Paris, L.A.B. Chupion,
1950, 80P.
par Lucien Foulet, nouveau tirage suivi de
notes sur le texte par A. Lanly, Paris, Chu­
pion, 1982, 186P.
auteur inconnu), CFKA, éd. Richard T. Bolbroot,
Paris, Chupion, 1970, 132P.
To.e l, CHFKl, éd. Josepb C.l.ette et Cb.noine
G. Durville, Troisiè.e tir.ge, P.ris, Les
Belles Lettres, 1981, 257P.
Texte. du IYle siècle.
publié sur le texte définitif, éd. Pierre
lficbel, revue et corrigée, Le Livre de pocbe,
Paris LGF, 1972, 444P.
éd. lfarc Bensi.on et Jues L. Kartin, P.ds,
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Pour les sujets parlants, dès l'époque latine, l'insertion d'une pro­
position subordonnée sans le sché.a d'une proposition principale pré­
sente évide..ent des difficultés: c'est un élé.ent lourd qu'il y a
intérêt l représenter par un .ot court.
On dit très bien aujourd'hui
(1) SOn Icbec est une catastropbe.
(3) Je ne _ 'oppose pas A cette Hsure.
!ais co..ent faire si la fonction assuaée par le no. sujet son ~cbec
ou par le no. co.plé.ent indirect cette mesure doit être re.plie par
une longue proposition ? On peut utiliser un no. assez abstrait dont
le sens sera précisé par une proposition co.plétive en apposition in­
troduite par que.
(]) Le tait [que Paul ait rat~ les deux ezuens A la tois} est
une catastropbe.
(4) Je ne m'oppose pas A la d~cision [que tous les con­
trevenants se voient retirer leur per_is}.
Au lieu des no.s tait, d~cision, et autres, la langue peut affecter l
cette fonction de relais un prone. neutre : boc en bas latin, ço en
ancien français, aujourd'hui ce :
- 26 -
(5) C'est uDe catastropbe (que Paul ait rat4 les deux ezaaeDs A
la tois).
(6) .Je De a 'oppose pas A ce (que tous les cODtreveDaDts se
voieDt retirer leur perais).
Le rôle du relais ce .st clair: il offre la aêae couodité que l'.a-
ploi des pronoas personnels dans la phrase "disloquée"l puisqu'il
peraet de conserver • la phrase sa structure canonique sans y insérer
de force des éléaents indigestes qui feraient perdre de vue l' os-
sature d'enseable.
Or reveDdrai al pedre ed a la .edre
Ed a la spouse qui soule tut re.ese.
Quut il ço soureDt qued il toiz s'eD eret,
~o tut graDz duels qued il eD de.eDereDt.
(lJ.ws, 101-104)
Au vers 102, le aot qui est un pronoa relatif ayant pour antécédent
la spouse ; entre les signifiés de ces deux aots existe un rapport
d'4galit4 (non grauaticale, aais substantielle) défini dans l'in­
troduction f 1.2.1. Il n'y a pas corrélation car le noa la spouse
n'implique pas plus une proposition relative que les noas al pedre et
al .edre au vers précédent.
1. loir code dl français courant, f4. lagaar4, Pari., 1911, f 242.
- 27 -
Si l'auteur avai t eaployé, au lieu du Dom spouse, le pronoa dé­
aonstratif celle qui appelle une déteraination, il y aurait entre
celle et qui un rapport de corrélation, aais d'un type que nous avons
choisi, .. l'exemple de aadaae Suzanne Allaire, d'écarter de notre
chaap d'étude sauf dans les cas particuliers oà le rapport d'égalité
pouvait, dans la vieille langue, se doubler d'une relation logique
telle que la conséquence.
Au vers 103, nous avons le aot qued qui n'est pas un pronoa relatif.
En effet, alors que qui assuaait au vers précédent une fonction pro­
positionnelle clairement identifiable (sujet de fut re.ese), qued est
ici "conjonction de subordination" ; il introduit non pas une pro­
position relative, aais une proposition coaplétive qui est glo­
baleaent en rapport d' égali té avec ço (on dit: "en apposition au
pronoa ço"). Nous attacherons une attention particulière au systèae
corrélatif ço (ce) •• '/que oà le pronoa neutre fonctionne cOlllle une
articulation dans la structure logique de la phrase. Ses noabreuses
variantes et leur histoire jusqu'au français aoderne feront le sujet
essentiel de cette preaière partie.
Le vers 10C resseable foraelleaent au vers 103 : le pronoa ço y est
en corrélation avec le aot qued (que) ; mais ici qued est compléaent
d'objet direct du verbe transitif en de.enerent, c'est un pronoa
relatif, qui prend d' ailleurs dans d'autres textes les foraes cui,
qui et ki, spécifiqueaent relatives :
- 28 -
(Bartsch, Altranz6sicbe ro.anzen und Pastourellen,
Brag von Karl Bartsch. - Leipzig, r.c.v, vogel, 1870).
C'est a vous a qui je vendi
siz aulnes de drap, .aistre Pierre !
(Patbelin, 12~66)
(Koliàre, le .~decin .algr~ lui, 1, 5)
ou la for.e dont :
Monsieur, ce n'est pas de cela dont il est question.
(Kolière, le .~decin malgré lui, 1, 5)
Ce systè.e corrélatif a pour fonction de .ettre en position de propos
(ou rbè.e, ou tocus, ou prédicat) un ter.e de la phrase autre que
l'attribut: le co.plé.ent d'objet direct dans l'exe.ple d'Alexis, et
dans l'exe.ple tiré du recueil de Bartsch, le complément d'at­
tribution dans l'exe.ple de Patbelin, le sujet même dans le premier
exe.ple de Kolière, le co.plé.ent d'objet indirect dans le second.
Cette locution qui n'apparait en français .oderne que sous les formes
c'est •• •qui, c'est ••• que, est appelée "eaphatique" ou mieux
"focalisante" par les linguistes d' aujourd ' hui. Nous l'avons écartée
de notre étude parce que son second éléaent ressortit au prono.
relatif plus qu'" la conjonction que, et que son histoire .. eUe
seule pourrait faire le sujet d'une thèse.
- 29 -
2.2. Le systèH ço (c.} •• • /que en ucien français.
Nous nous intéressons d'abord aux eaplois directs, c'est-A-dire sans
préposition, du systèae ço (ce} ••• /que où le pronoa neutre en
fon~ion de sujet, d'objet, d'attribut ou de régiae d'un verbe ia-
personnel annonce une proposition conjonctive introduite par que.
Ce systèae remonte sans doute au latin parlé où la construction
boc dico quod venit existait parallèlement A dico quod venit, va-
riante faailière de dico eua venisse. 1 Robert Lindsay Graeme Ritchie
(Recbercbes sur la syntaxe de la conjonction "que" dans l'ancien
français depuis les origines de la langue jusqu'au couenceaent du
XIIIe siècle, thèse pour le doctorat d'université, Honoré Champion
1907) signale la fréquence de ço (ce) ••. que en ancien français, et
classe les eaplois selon deux facteurs : la fonction de ço (ce) et le
sens du verbe recteur. Nous pouvons adopter son classement avec quel-
ques modifications :
ço peut alors dépendre
a) d'un verbe de perception (vedeir, oir, sentir), d'opinion ou de
connaissance (saveir), de déclaration (dire)
la proposition subordonnée est A l'indicatif
Quant il ço veit quel vuelent onorer.
(Aluis, 186)
en ce cas le verbe de
2. JKzsef BeraaD, &. fol•• tioD dD Illt~" lo"D dll cODjoDctioDI dl IDboldiD.tioD, Itadeaie 'erlag r
BerliD, 1963, pp.32 IS.
(Alexis, 340)
(RolaDd, 2259)
(RolaDd, 287)
(RolaDd, 705)
b) d'un verbe de volonté (voleir, lJaDder, 10er), de prière (prier,
deprier) , de peraission (doDer) en ce cas le verbe de la subor­
donnée est au subjonctif
Ço De vuel t il que sa lJedre le sacbet.
(Alexis,249)
Que recevez seiDte cbrestieDtet.
(EDeas, 4596-97)
(Alexi!l, 508)
(Alexis, 311 312)
(Alexis, 370)
(Auc., XXXVII, 14-15)
(Alexis, 460)
Que ço seit dit de nul bu.œe vivant,
Ne pur paien, que ja seie cornant !
(Roland, 1073-75)
souvent le verbe est estre, rapportant à ço un no. ou un adjectif at­
tribut :
(Alexis, 440)
(Alezis, 4045)
(Roland, 1774)
Le français moderne ne conserve que ce dernier emploi puisqu'il ne
tolère le pronom neutre ce que devant le verbe être.
C'est une cbance qu'il soit venu.
C'est .erveillewc qu'il soit venu.
2.3 Evolution du système.
Beaucoup de systèmes corrélatifs, et notaUlent tous ceux qui ont
associé la conjonction que au pronom ce précédé d'une préposition
(pour ce .. . que, parce ... que) , ont subi au cours des siècles une
graaaaticalisation accompagnée de resserrement des composants (pour
ce que, parce que).
Dans nos deux textes du XIe siècle, la vie de saint Alezis et la
Cbanson de Roland, le système ce ... que intercale toujours un ou plu­
sieurs aots (généralement le verbe de la proposition principale). La
juxtaposition de (i)ce et de que apparait cependant dans des textes
ul térieurs :
(Béroul, 984)
(Cb. Cb., 312-313)
Ce qu'il ert sages et cortois.
(Dole, 52-53)
Ce qu'a trabitor desloial
(Vergi, 185-187)
ça en arriere de fin cuer
ne ae lesse croire a nul fuer
de vous tel mesfet ne tel bonte
comae la ducboise ae conte.
(Vergi, 241-246)
Dans le dernier exe.ple cité, ce que per.et d'éviter la suite de con­
jonctions *que que inexistante en françah. Dans les trois autres
exe.ples cités, ce que introduit une proposition conjonctive sujet,
construction oà de plus en plus que récla.e un support, prin­
cipale.ent si la proposition sujet précède le verbe principal coue
dans les deux exe.ples suivants :
- 34 -
Nes ce que il se desguisa eD semblaDce de Douvel cbevalier .'eD
toli la droite cODDoissaDce.
(Nort Artu, 30, 38)
(Rut., AS 149-150)
Plus rare est l'eaploi de ce que en tête d'une complétive objet
"Ba las", tait il, "quel la teras ?
Ja mes joie De pes D'avras ;
l'aD dira ce que ge .'BD tui.
(EDeas, 5805-07)
Qui les pareDz D'eD aaereit.
(Béroul, 75-77)
(Béroul, 435)
Dans les exemples de Béroul cités, les éditeurs (Kuret-Desfourques)
ont intercalé une virgule entre ce et que pour montrer que selon eux,
ce que n'est pas un doublet facultatif de que, grauaticalisé, liaiS
un syntape libre qu'une traduction scrupuleuse ne pourrait rendre
que très lourdeaent :
- 35 -
[Il disait cela, que juais une épouse ne tiendrait son uri
pour cher si elle n'ai.ait ses parents].
[Je lui dis cela, qu'il s'en allAt].
Ces e.plois de ce après dire dans Eneas et chez Béroul, dérivent peut
être de son emploi fréquent devant les propos rapportés co..e au vers
339 de la Chanson de Roland:
Ça dist li reis : '~l Jbesu e al .ien 1"
[Le roi dit "Au nom de Jesus et au .ien 1"]
A l'inverse de ce qui s'est produit pour les systè.es corrélatif s
por ço ... que, par ça .•. que, etc. devenus par soudure les locutions
conjonctives pour ce que, parce que, la locution conjonctive ce que
n'a eu qu'une existence précaire en ancien français, pour disparaitre
totale.ent en moyen français. Cette conjonction, comme le système
ce .. •que qui lui a donné naissance, avait une concurrente très
sérieuse dès les plus anciens textes français dans la conjonction
sbple que. Dans La vie de saint Alexis, la conjonction que sans ça
se rencontre après les .êmes verbes (vedeir, saveir, prier, voleir)
et dans la .ê.e fonction sujet que le système ça ..• que
Quant veit li pedre que .ais n'avrat enfant.
(Alexi., 36)
(Al exill, 279)
(Ale1Cis, 269)
(AleJCis, 39)
(AleJCis, 65)
(Al eJCis, 485)
La coaparaison de ces deux vers de la Chanson de Roland
Ço sent Rollant que la aort li est prés. (2259)
Olivier sent que a aort est terut. (1952)
nous invite' penser que l'eaploi de ço est favorisé au vers 2259 par
le aètre du décasyllabe, qui exige quatre syllabes au preaier
héaistiche, alors qu'au vers 1952, les quatre syllabes sont foraées
par le sujet Olivier et le verbe sent.
Dans la Vie de saint Alexis, la conjonction que introductrice de
proposition coaplétive se rencontre 23 fois sans ço (36, 39, 60,~~,
127, 138, 185, 199, 269, 279, 297, 298, 309, 325, 329, 389, 390, 454,
485, 495, 505, 599, 622), le systèae corrélatif ço ••• que se
rencontre 17 fois (103, 186, 249, 311-312, 340, 343, 363, 370,
381-383, 440, 445, 460, 477, 508, 539, 549-50, 617) : la soudure ce
- 37 -
que ne se rencontre pas encore.
Dans la CbalJSOB de RolaDd, le nollbre de ço •• •que par rapport • que
seul di.inue considérable.ent 14 fois ço •• • que pour 96 fois que
introduisant une co.plétive ; ce que n'apparait pas.
Dans les textes des siècles suivants nous avons pratiqué des sondages
portant sur quelque 300 vers ou lignes de chaque oeuvre. Le tableau
suivant groupe les résultats :
XVesiècle 70 05 00
XVIe siècle 60 04 00
XVIIe siècle 16S 25 00
On peut esti.er que la disparition de ce que date de la période de
l'ancien français (fin XIIIe siècle).
L'échec de la locution soudée ce que est très coapréhensible : • la
différence des locutions co.posées coue l'Or ce que, SaDS ce que
(voir Ile partie), devalJt que, talJt que (voir IIIe partie), elle
n'ajoute aucune nuance fonctionnelle (coue une "circonstance" de
cause, de conséquence, de te.ps) • la conjonction que: le prono.
ço (ce) J assuae une fonction "directe" que la co.plétive introduite
par que est, coue on l'a vu plus haut. aussi bien capable de
- 38 -
re.plir. Dans ces conditions entre que et ce que, la langue pouvait
sacrifier la conjonction la plus lourde. Pour la co..odité .étrique,
les poétes ont pu en uintenir artificielleunt l'usage facultatif
quand la prose l'avait abandonnée.
Quant l ce .•. que dont il convient de noter la résistance, il se
rencontre encore l l'époque classique.
Deux raisons pourraient expliquer le uintien du sysUu corrélatif
ço •.• que :
1° Le "facteur Thumeysen", c'est-l-dire l la "loi rythaique"
exigeant en ancien français un .ot tonique l la pre.ière place de la
phrase, interdite en principe au verbe dans les phrases de type
déclaratif.
La dite loi explique l'e.ploi de ço dans les vers 249, 311, 340, 445
et 460 de la Yie de saint Aluis.
Ç'o ne vuelt il que sa .edre le sachet.
(Alezis, 249)
(Alezis, 460)
Ici, le .odèle corrélatif peut être une conséquence de cette règle
rythao-syutaxique i.posant un élé.ent tonique devant le verbe.
Mais il faut observer que, parallèle.ent l ço, d'autres .ots peuvent
satisfaire l la loi rythaique en occupant la place de tête : c'est le
cas de or aux vers 39 et 279, de ainz au vers 269, de .ielz au vers
- 39 -
485, de lui .u vers eç de la Yie de saint Alexis.
En fait, l'emploi fréquent du corrélatif ço devant les conjonctives
coaplétives, qui est frapp.nt .u XIe siècle, ira en diainu.nt au
cours des siècles, sans que 1. loi de Thurneysen .it cessé pour
.utant d'être respectée .u XIIe et .u XIIIe siècle.
2° La couodité qu'offre le sysUae ce .• •que pour intélJrer • la
phrase une coaplétive sujet. En effet, couencer une phrase p.r la
conjonction que n'. jaa.is été .dais en franç.is d.ns l'us.lJe
cour.nt: il est f.cile de pl.cer dev.nt le verbe un sujet
lJr....tic.l neutre sous 1. forae ce, qui sera repris p.r une
proposition coaplétive en apposition
(Eneas, 5850-51)
(B~roul, 1569-70)
l'an trespass~ que vos dellstes
revenir i aa daae ça,
tutost a aoi se correça
et aol t se tint a decelle
- 40 -
(YvaiD, 3"'5-60)
Et qUaDt li (;rieu vireDt ce, qui estoieDt avec lui, qu'il
torDeroi t vers ArJdreDople, si ce COlleDceD t a eabler de lui.
(Villeb., §424, 6-9)
Et quaDt ce viDt que le cODte d'Bu et cbaDcellier eureDt priDs
cODgi~ dudit cODte de Cbarroloys, qui estoit assez loiDg de SOD
p~re, il dit ,j l'evesque de NarboDDe, qu'il veit le derDier :
"RecouaDdez .oy très bUllblelleDt ,j la boDe grace du roy".
(CouYDes, 8, 8-12)
Que quaDd vous De seriez fille, DY soeur du roy,
Si vous jugeroit-oD estre ce que vous estes.
(Du Bellay, Regrets, CLXXV, 12-14)
C'est UD .etier que de faire UD livre, coue de faire UDe
peDdule.
Cette cou04ité explique le _aintien jusqu" nos jours de
constructions coue : C'est douage que, c'est UlJe cbaDce que••• ;
_ais dans cet exe_ple, ce a eu dès l'ancien français un sérieux
concurrent dans le prono_ il (voir 2.4).
2.4. Systèaes concurrents.
Les systè_es relevant du schè_e ce .•. que sont suje~ • des variations
affectant soit le pre_ier élé_ent, soit le second, soit les deux' la
fois.
ço (ce) •• .•. • ..•.. que
cest, cel quaDt taDt, itaDt se (qui) tel + DO. CO. le il cbose eD i aiDsi
2.4.1. leaplaçuts de ça (ce).
1- Cest et cel
au 'ele vivi et que De valle,
Gré t'eD savrai, ce sacbes bieD.
(Béroul, 1181-83)
qU'apris n'alasse isnele_ant :
(Ch. Ch., 232-235)
Tristan, n'avreie contre .ort.
(Béroul, 184-186)
Cest et cel ne sont en fait que des formes soeurs de ço(ce) en
corrélation avec la conjonction que introduisant une proposition
complétive.
B- Tant (itant)
La séquence tant ••• que peut apparaitre avec un sens voisin de
ce •• •que. le tait ••• que, où que est la conjonction introductrice
d'une coaplétive. Philippe Ménard3 signale ce sens de tant ••• que
Et de tut t'est bien avenu que tu verras par tens tes
co.paignons.
L'adverbe corrélatif tant au sens de "ceci", annonce la subordonnée
coaplétive introduite par que qui le suppose.
3. SIDt'l' d, ]"DCj'D fr'Df,j" SOIODI, pp. 199-200, ji216, lordea'l, 1976.
- 43 -
[Et tu as de la chance eD ceci que tu verras bient6t tes
coapagnons]
Graeae Ritchie ne signale pas cet eaploi de taDt ••• que dans son
inventaire des "autres corrélatifs"· ; il est cependant fréquent au
Koyen Age :
que quatre deDs tieDt li poulaiDs.
(Eracle, 1435-36)
Que ja reaDçOD D'aD praDdra
Del traitor, eiDz le paDdra,
Se preDdre De teDir le puet.
(Cligès, 1222-25)
(Cligès, 3165"-66)
2731 ; 2909) •
2197 2319 2438 2625 ;
•• "d,rd" .ur J, 'IDtu, d, J, CDDjDDCtiDD 'qu,' du. J'UcilD fru~li. d,pui. J" DrigiD" d, J, Jugu, jUlqu ',u CDUIDCIIlDt du 1111' .i~d" Paris, 1907, pp. 23-25.
- 44 -
(Cb. Cb., 21-23)
Et il respont : "tut li porroiz
dire, quant devant lui vanroi~
que li cbevaliers au ljon
vos dis que je avoie non.
(Yvain, 4283-86)
liais tut anquerre vos volroie,
ençois que je desar.ez soie,
que la reine et ses puceles
venissent oir ces noveles.
(voir aussi Perceval 4370-74 ; 4448-50)
Et tut vos retrait li livres que il ne furent que •XII. qui le
saire.enz jurerent de la partie des françois, ne plus n'en
poient avoir.
- 45 -
Le vos et je et ~os deuz fix
Serio~s 0 lui aes touz dix.
(St Eust., 462-464)
Et l'e~demai~ si ert la ~uit
De Pe~tecouste. Et taDt vous di
Que cbe jour, ai~s de aiedi,
Porrés veoir Jeba~ et Blo~de,
Qui sero~t li plus lié del mo~de.
(Jeb. et Bl., 5558-62)
Nul ~e a'i re~voie.
(Frois., Esp. ~., 3125-26)
Si fist u~ trettiet secret a Joffroy Teste Noire, qui se te~oit
e~ Liaousi~, et taDt que il deubt livrer le castiel de
Ve~tadour, e~si qu'il fist, pour six aille fra~s.
(Frois. Cbro~., 256, 10-13)
Mais tant peut aussi apporter une idée de restriction ("cela
seulement") qui n'est pas dans ce
Por rien ne vos an delaiez
et t4Dt si li redites or
qu'''au noauz" le retace ancor.
(Cb.Cb., 5840-42)
Ailleursj cOllllle dans la Vie de saint Eustacbe, itant que (462-464) et
tant que (1037-40) expriment une relation de pure égalité.
Emprès as boames a requis
Qui el borc ierent estais,
f4Dt qu'il tu (larde par quinze anz
De lor cortis et de lors cbanz.
(St Eust., 1037-40)
Les deux emplois de tant que (accolé) chez Froissart (Esp.aa.,
3125-26 ; chron., 256, 10-13) ont une valeur appa~ent équative.
A partir du XVe siècle, nous ne rencontrons plus dans notre corpus
cet emploi de tant •.. que au sens de ce ••. que. On peut admettre que
ce tour a disparu au cours du XIVe siècle. C'est pourquoi Christiane
Marchello-NiziaD n'en a pas fait mention aux XIVe-XVe siècles;
Martin et Vilmet' l'ignorent .. la même époque ; Georges Gougenheim'
5. listoit, d, 1. IlDgo, frlD~'is, .01 IIf, ,t IV,'üc1l1, Paria, Bord•• , 1979. 378P.
6. Imll do frlD~Ii, do '01" Ig, ; 2-SIDtU' do .01" frlD~'is, Pari., 1980, 315P.
7. Slst~., gr....tie.l dl 1. 1.Dgo, fr'D~.is', Pari. d'lrtre!, 1938, 373P.
- 47 -
· v VII!- Yticfe .n'en parle pas au XVIe sIècle, non plus que Baase~~
c- rel
L'étude de tel peut être rattachée à celle de tant.-Z;l est l'élément
d'un système corrélatif tel ••. que de sens équatif.
Supposons que Villehardouin ait écrit
Et tu ce entr 'aus acordez que en Venise cuideient trover plus
grant plenté de vaisiax que a nul autre port.
On aurait entre ce et que lAI relation équative
["Et cela fut reconnu entre eux qu'ils pensaient trouver à
Venise une plus grande quantité de vaisseaux qu'en nul autre
port"].
Au lieu de ce texte, Villehardouin a écrit :
Et tu tels lor consaux entr'aus acordez que en Venise cuideient
trover plus grant plenté de vaisiax que a nul autre port.
(Villeh., §14, 2-4)
[Et telle fut l'opinion admise entre eux, que c'était à Venise
qu'ils espéraient trouver une plus grande quantité de vaisseaux
qu'en nul autre port].
La conjonction que introduit une proposition coaplétive expriaant le
contenu du aot consaus (consiliu., avis résultant du conseil).
1. tI'tu, frlDr,iI, du 1f11, lüd" Paris, Delagme, 7i1e 'ditiOD, cm. (tnductioD de •. Obert) .•u l'Ile siicle.
- 48 -
Et tu lor consaus entr'aus acordez que en Venise cuideient
trover plus grant plenté de vaisivc que a nul autre port.
Hais en eaployant tel, il insiste sur la relation d'équation, il
l'annonce co..e s'il usait des deux points (inconnus' cette date).
La relation expriaée par tel ••• que dans un pareil contexte n'est ni
consécutive, ni coaparative (tel serait alors suivi de co..e, ce qui
n'arrive pas) ; elle est donc équative CODe celle exprillée par
tant •• •que.
Dans cet emploi très fréquent chez Villehardouin, tel peut être
doublé d'un si qui expriae par redondance, en corrélation avec que/la
Ilêae idée d'égalité:
Nais la tins si tu telz que li peres assedra les convenances si
con li tils les avoit assedrees, par saireaenz et par chartres
pendanz bullees d'or.
(voir aussi Villeh. , f 14,2-4 : f 21, 4-5 : f 39,1
129, 5-6 ; ~ 147, 7 ; ~ 159, 1)
§42, 2 ; 9
d'autres auteurs.
Qui donne as suens itel victore
Et tel forcbe et tel poier,
~'encontre eulz ne puet feu arder.
(St Eust., 2021-24)
Car li !>este a tel .eeine que, se vos le poés prendre, vos
serés garis de vos .ebaig.
(Auc., XII, 36-37)
rel peut être associé • • aniére, à costéJ à endroi t, à guise:
Et fist sa devise en tel .aniere que il co.anda que Estenes ses
freres arlst son avoir.
(Villeh., f 46, 5-6)
(Rut., 0, 247-249)
Le bel aroi.
(Rut., AI, 107-109)
- 50 -
que ele .ieus le duc attise
a croire que .of,Û soit ide.
(Vergi. 573-575)
Joinville e.ploie tel •• •que équatif dans un sens voisin de ....nière.
façon" :
Et Dieu en let tel vengance que l ·ende.ain lu la grant bataille
du quares.e-prenaDt.
représentée par tel ••. qui dans le Ro.an de la Rose
Bien a tel laae deservi
qu'ele ait assez ennui et peine
qui d'un seul bo.e aaer se peine.
(Rose, 13134-136)
D- Le.
Il est souvent e.ployé dana les .ê.ea conditions que ce.
François le virent que ne valoies gaire.
(Cbarroi 166)
Selon Graea. litchi. • "le est surtout fréquent avec dire, conoi.tre,
cuidier et s' accou04e particulièreaent du subjonctif".
lA ae pria aolt et requi.t
Que je 1. 1. tei••e aeiJuz..
(Cligl., 6018-19)
j., ce croi, ne l'otroie.iez,
que Xex ae aen.st un .eul p.....
(Cb.Cb., 209-211)
Dans le preaier exeaple cité, le verbe pria de la proposition
principale couande le subjonctif teisse de la coaplétive.
1re.tote., • bien pres, le tont
que de lor tolie .'.ncusent
et ce qu'ele. voelent refusent.
(Yv.in, 1646-48)
qu'il n'.n peut e.tre .11••n.eable.
(Ro.e, 15945-946)
Le est ici régiae du verbe iapersonnel seable.
Ce systèae corrélatif le ••• que, très vivant en français aoderne, l'a
eaporté sur son concurrent ce ••• que. Du XIVe siècle au XVIIe siècle,
t. ~rlm litchi., DI. cit., pig. 2t.
- 52 -
D'or en avut congiét vous donne,
Nes je le voel et si l'ordonne
(Ju'encor vous revenés vers nous.
(Frois., Esp• ... , 3140-42)
(Ju'on doit a.er en lieu de bien.
(VilloD, Test., 588-589)
Qu'a ta naissance avecques toy naistra
Esprit docile et cueur sans tache ..ere.
(Xarot, Opusc.VI, 29-31)
Il faut le dire que ce crime n'est pas trop cOJUlun.
(Boss., L'honneur du monde, 3)
E- Il.
DaDs la tODctioD sujet, le prODom Deutre il coameDce • se rattacher
aux verbes uDipersoDDels, et aux expressioDs verbales toraés de
estre.
- 53 -
(Roland, 2349)
(Roland, 3913)
- Sire, dist li rois, trop en avf}s vos tait : il n'est aie
costu.e que nos entrocions li uns l'autre.
(Aue., XXXII, 14-15)
Ten pauc ; lieve sus un petit.
(Feuillée, 260-261)
- Sire, tet Kez li senechaux, se vos asseez ja au disner, il
a'est avis que vos entraindroiz la costume ceanz.
(C;>ueste, 5, 1-3)
qu'il ne l'ait por riens qu'il puist tere.
(Dole, 158-159)
(Rose, 8493-94)
soieDt de fiD or reluisaDt.
(Jeb. et Bl •• 252-253)
Dans trois cas (RolaDd. 3913 et 2349; Queste, 5. 1-3). le il
corrélatif se rattache aux expressions verbales formées du verbe
estre : - poet estre que
- il est droiz que
- il m'est avis que
Dans les autres cas. le pronom il est rattaché à des verbes
unipersonnels : cODvieDt, faudra, plest, samble.
Il seabloit que tote le campaigDe fust coverte de batailles.
(Villeb·,9179.1-2)
Il ••• que est incontestablement un concurrent sérieux de ce ••• que en
ancien français. En effet ce et il au sens de cela ont eu pendant
longtemps la même valeur d'emploi. Le corrélatif il .•. que. souvent
employé de nos jours l'a emporté sur ce ••• que. En moyen français. à
l'époque de la Renaissance et au cours de la période classique, le
tour était vivant :
Avoec les geDs, tels fois il D'est
AUCUD parler ou aUCUD compte
DODt il cODvieDt qu 'OD face compte
Et que SOD peDser OD delaie.
(Frois •• Esp. am•• 2457-61)
- 55 -
J'ay respondu pour toy co..e il me selJble que p~re doi t
respondre pour filz.
(Coamynes, 6, 23-25)
Donc pouroit il sembler que la loy de Nature, qui toutes choses
soulz le ciel oblige par le lien indissoluble, seroit plus
parfaicteaent es bestes mues que en vous autre••
(Quadr., Il, 29-32)
(Pathelin, 767-768)
De fouiller, pour leur faire guerre,
L'arcenal de leurs enneais.
Durant le jour son segret appetit.
(Rons., Amours, XXXV, 9-10)
(je faulx, car il a'est advis qu'il y en avoit deux)
(Rab., Pantagruel, 397, 2-3)
Car il ae semblait que ce fût un arrêt de mort qu'on vint de
- 56 -
pour la duchesse de \t.len tinois.
(La Fay•• Clèves, 35. 26-28)
F. Chose.
Et d'une cbose s'est molt merveilliez,
Que li Turs a tant duré el destrier.
(Cour., 1092-93)
liais d'une cbose tai t il 1101 t f1I!e lrgi~r~ ,~ h.~ ~~~.~d.~ 17f~ ....~IJ-lr·M-.rN-" .. '~ /he. ~l'f..X-cA'J,t,'VL
~, C-~/2--éJn-j~ Quant ce tu cbose que tu e~œengié
Ge ving encontre por querre le congié.
(Charroi, 220-221)
Il s'en ala es prez esbanoier.
(Charroi, 553-554)
- 57 -
Quant eles furent faites, si tu la cbose teae que on iroit en
Babilloine.
Sur le plan logique, ces complétives introduites par la conjonction
que se rapportent au substantif cbose. De ce point de vue, il y a
corrélation entre deux propositions, au regard du rapport
d'implication réciproque qu'entretiennent les deux termes chose et
que. L'exemple de Villebardouin ne comporte aucune ambiguïté (la
cbose fut gardée secrète qu'on irait à Babylone). Que remplit une
fonction de complémentation par rapport à cbose.
Cependant, sur un strict plan formel, ces constructions, tout comme
les tours du français moderne tel que le fait que, sont à la limite
de la corrélation.
Même si l'on admet que le conjonctif que implique l'existence d'une
proposition principale, on remarquera toutefois que le nom chose
n'appelle pas forcément une détermination. Donc dans ce dernier type
d'exemple, chose n'est pas corrélatif de que.
G. EH.
L'emploi de en comme corrélatif dans la proposition principale met en
évidence le lien grammatical existant entre le verbe de cette
proposition et la subordonnée.
En .•• que peut s'employer en ancien français avec des "verbes
exprimant un mouvement de l' be" ; et en se place avant ou après la
conjonction que.
(AleJCis, 22)
Que il la' .ort a ici quise.
(Béroul, 1565-66)
Que je tote ne la respas.
(Cligès, 6227-28)
qu'après n'alasse isnelemant.
que je le garderai si bien.
(Yvain, 3793-94)
D'autres verbes n'exprimant pas un "mouvement de l'âme" rentrent dans
des constructions du même type :
Qant conter l 'ot, Deu en .ercie
Que plus n'i out fait 0 s'amie.
(B4roul, 383-384)
- 59 -
en eust il procbainement)
li baut baron li un as autres.
(Dole, 121-125)
Au delà du Koyen-Age, en est resté corrélatif de la conjonction que.
Je .'en tiens tort qu'il reviendra.
(Patbelin, 751)
Bien peu s'en tault que ne dye en mes vers
Propos de vous qui monstre le revers.
(Karot, Epistres, XXIII, 63-64)
Vous cbarmoit bien du moins autant que ma personne.
(Kolière, l'Et., III, 5, 1158)
B- Y.
l joue le même rôle que en quand la proposition subordonnée tait
fonction de datif.
Que cil sa tiance ne mante.
(Cligès, 3141-42)
Contrairement aux systèmes corrélatifs précédemment cités, i ••• que
n'apparait pas dans nos oeuvres des XVIe et XVIIe siècles. C'est un
- 60 -
Pour ce que point ne l'i veoie,
Vraiellent que songiét avoie.
(Frois., Esp. ail., 675-676)
ço (ce). En effet, ensi ••• que est un système
fonctionne exactement comme ço (ce) •.• que.
Et fust encore ensi que li Escot les vosissent a tendre, si se
lIetteroient il bien sour tel montagne ou sour tel pas qu'il ne
poroient a yaus combatre sans trop grant meschief.
(Frois., Chron., 208, 1-5)
Or avint ainsi que, d'adventure, Olivier de Nauny estoit sur la
porte de la ville, venu veoir cOllUlJent l'ost des Ang10is se
portoit.
(Frois., Esp. ail., 2686-87)
Que de riens je n'estoie engrans
- 61 -
(Frois •• Esp• •••• 1535-38)
2••• 2. Reaplaçants de que.
Graeme Ritchie dont la thèse porte sur la syntaxe de la conjonction
que ne mentionne pas les systèmes corrélatifs où que est remplacé par
un autre élément. Notre sujet n'impose pas la même restriction.
a) La conjonction quant s'emploie avec la même valeur que que dans le
système corrélatif ce (le, an, cbose) ••• quant.
Et d'altre part le tieng je a folage
Quant desor aei li donai avantage.
(Cour.. 927-928)
Quant desor mei li delivrai le don.
(Cour .• 964-965)
quant vos tant le m'avez celé.
(Yvain, 584-585)
quant el ne vient ne ne repeire.
(Yvain, 5890-91l
(Cb.Cb., 3134-35)
Certes quant lessié"rA'i avez.
quant proësce avez et beauté
et il n'a en vous lëauté !
(Vergi, 156-158)
Quant la 11er, qui est nete et pure,
SOllffroit son pecbié et s'ordure,
Et qu'enfers ne la sorbissoit.
(Rut., AS, 152-155)
A ce conseil n'estoient il lIies bien d'acort, car li aucun
voloient que on les allast requerre et cOllbatre, comment qu'il
fust, et que c'estoient grans blasmes pour yaus, quant tant y
mettoient.
- 63 -
la proposition
qu'il introduit est représentée par ce (le, an, cbose). Il y a
corrélation entre deux propositions qui portent chacune une marque
(ce ou le, an, cbose d'une part et quant d'autre part) impliquant la
présence de l'autre.
h) La conjonction se (de sens conditionnel'est un autre remplaçant de
que). Il se rencontre aussi en corrélation avec ce, dans un sens
équatif. Que l'on ait se ••• ce ou ce .•• se, le rapport est
identique
(Cour., 861)
(Cour., 1(10)
(Cour., 1087)
(Feuillée, 216-217)
(Feuillée, 225)
c'est le même mode d'agencement que nous avons dans le système
quin ••• ce :
(Cour., 94)
On doit cependant remarquer que la conjonction se n'est pas le simple
équivalent de que; elle comporte une idée de condition qui peut nous
interdire de voir dans la proposition une complétive pure. En dépit
de cette réserve, il nous faut reconna1tre qu'une proposition
introduite par la conjonction de condition se peut avoir le
comportement d'une complétive, comme dans ce vers 1204 du Cbarroi de
Nimes :
N'est pas merveille, vilains, se tu es ricbe.
Se a ici la valeur d'un que conjonctif qui pourrait être en
corrélation avec un pronom neutre il ou ce s'il était expriaé en tête
de la principale (il n'est pas (ce n'est pas) étonnant, vilain, que
tu sois riche].
Ailleurs on relève se avec un remplaçant de ce :
Et se il furent en doubte, il y ot bien raison.
(Frois., Cbron., 300, 10-11)
Quant le conte de Fois en vit la maniere, se il fut esbaby et
courroucbié il y ot bien cause.
(Frois., Chron., 326, 13-14)
vanz ou fins neaaz, ne me chaut-il !
(Yvain, 5758-59)
(Villon, Test., 1372-73)
M'eD devez vous tenir De vil De sot.
(Villon, Test., 1591-92)
Co.e eD alat eD Alsis la citet,
E ca. l'imageDe Deus tist por lui parler.
(Alexis, 381-383)
Vous amaiDe a Dostre doctriDe,
Prenez autel co. nous avons,
Que miex dire ne vous saVODS.
(Rut, AS, 637-640)
3.1. Généralités
Dans les systèmes comme pour ce ( ••• }que où le pronom ce est précédé
d'une préposition, celle-ci ajoute sa nuance relationnelle propre •
la relation d'égalité qu'exprime ce (••• }que (voir le Partie) :
Et por ce vos i ODt eslis que il seveDt que Dulles geDz D'ODt
si graDt paoir qui sor aer soieDt CODae vos et la vostre geDZ.
(Villeh., f 27, 8)
La préposition par exprimant ordinairement la cause, la subordonnée
conjonctive en corrélation avec ce exprime ici la cause du tait
exprimé dans la principale (vos i ODt eslis).
Dans d'autres contextes, par exprime le but, et la conjonctive en
corrélation avec por ce peut prendre cette valeur si son verbe est au
subjonctif :
De poreDt oDques aeDer a fiD.
(Queste, 11, 23-25)
Le rapprochement du complément (causal ou final) par ço (ce) et de la
conjonction que produit une séquence dont on peut se demander si elle
est déj' gruuaaticalisée avec la valeur d'une locution conjonctive,
ou si ses éléments sont encore conscie..ent analysés :
- 67 -
(Roland, 2102)
(Roland, 1004)
Le pronom ço (ce) a servi en français jusqu " l'époque classique •
constituer avec une préposition et la conjonction que beaucoup de
locutions conjonctives, le français répugnant • faire suivre
directement une préposition de la conjonction que. Ainsi des groupes
romans coue de quod, ad quod, in quod sont continués en français par
de ço que, a ço que, en ço que. Kais de telles séquences ne
recouvrent pas forcément des unités locutionnelles. Quels critères
permettent de penser qu'elles ne sont plus des syntagmes analysables
(coue
JJzsef
sont aujourd'hui du fait que, .. l'idée que, en cela que• •• 1 ?
Herman10 en propose quatre :
10 Fréquence et cont inui té de l'usage : por ço que, présent dés la
Chanson de Roland, se rencontre encore fréqueuent au XVIIe siècle
(sous la forme pour ce quel ; au contraire, JJzsef Herman doute de la
nature locutionnelle de la suite a ce que, relevée rarement et
fortement concurrencée dans ses valeurs finale et temporelle.
20 Stabilité ou instabilité de la forme : la permanence de la forme
por ce que en ancien français, la rareté de ses variantes (por 0 que,
10. /,1 forlltiol dll $l$t~JI rOlu du COl1jOI1CtiODl dl nbDrdil1ltiDl. ltadeaie -mllg- lerUI, 1963, pp. 245-247
- 68 -
por taDt que, par ce que, par que, par que) conduisent • y voir une
locution alors que "l'instabilité de la forae des locutions du type
«por/per + pronoa + que/cbe» en italien et en espagnol (••• ) aontre
claireaent que ces foraations n'étaient pas cristallisées, que leur
unité intérieure n'était pas acquise".
3° Dearé de cohésion interne de la locution : plus (••• ) /que n'est
pas une locution, aais taDt que au sens teaporel , dont les teraes
sont inséparables, en est une en ancien français, aêae si
taDt {• •• )/que se
Beraan estiae que la disjonction de par ço et que
(observée une seule fois dans RolaDd sur 5 eaplois) doit être tenue
pour une "taèse" de la locution d'origine latine. Le critère n'est
donc pas suffisant.
4° Rôle du corrélatif dans la principale: dans des phrases de
français aoderne comae :
Il se plaiDt de ce que tu fais du bruit.
les prépositions ; et de n'apportent pas un signifié relationnel
propre, elles sont !aposées par la syntaxe des verbes s'atteDdre et
se plaiDdre ; aucune valeur séaantique n'est co..une • ces eaplois et
• tels autres co..e :
ProiitoDs de ce qu'il D'est pas 1;.
- 69 -
Au contraire, la suite par ce que en français moderne exprime A elle
seule la cause. Les suites a ce que, de ce que ne sont pas de
véritables locutions dont le dictionnaire puisse donner le sens,
co..e il donne celui de parce que (cause). En ancien français (co..e
aujourd'bui) la préposition pour avait un sens beaucoup moins
dépendant du contexte que les prépositions a et de : elle exprimait
alors principalement la cause, d'oà le sens principal de la
conjonction por ce que (."parce que") valeur contextuellement
transformée en "but" si le mode subjonctif du verbe introduit,
laissait ignorer la réalisation du procès voulu.
A ces quatre critères d'Berman, on peut en ajouter un
1 5° Reprise de la locution conjonctive par un corrélatif : Jozsef
Berman A la page 183 de son ouvrage déjA cité, appuie la nature
locutionnelle de la suite por que (mais non por tal que) en espagnol
sur le fait que la subordonnée ainsi introduite est souvent en
corrélation avec un compléllent de cause comme par ende, por aquello,
par tanto, por aqueso, por atal rrazon dans la principale. La
présence d'un tel corrélatif dans la principale est donc un argument
en faveur de l'unité locutionnelle d'une suite de mots subordonnante.
Le critère est positif, par exemple, dans les textes suivants:
Por ço que tud de regal lin
Pur ça entent a noble tin.
(vers de Brandans seetabrt cités par G. Ritcbie,
p. 69)
- 70 -
Et eD ce qu'il orent lessi~ a parler de ce, si regarderent par
les sieges de la Table Reonde et troverent en cbascun leu
escri t : CI DOIT SEOIR CIL.
CQueste, 4, 3-5)
Le complément pur ço et l'adverbe si, dans les propositions
principales de ces deux textes, ont pour fonction d' Y représenter
globalement, en lui donnant la valeur de "thème", le contenu des
subordonnées respectivement causale et temporelle qui précèdent. Par
U, elles enferment dans les limites de la subordonnée la fonction
des suites de mots pur ço que et en ce que, bpliquant leur nature
conjonctionnelle.
L'inventaire des suites de mots conformes au schème II, Préposition +
ce (.•. ) que, consistera en une liste de groupes le plus souvent
ternaires Ca ce que, de ce que, por ce que, etc.) presque toujours
accolés, qu'on pourrait tenir pour autant de locutions conjonctives
non analysées par les usagers, et de ce fait, étrangères " notre
sujet. Nous avons néanmoins jugé indispensable de les passer en
revue, pour plusieurs raisons
10 Tous ces groupes peuvent remonter" des systèmes corrélatifs nés"
une époque plus ou moins ancienne, française ou romane, souvent
incertaine.
20 Plusieurs ont conservé Cou acquis) en ancien français la faculté
de se scinder en un complément prépositionnel Ca ce, de ce, por ce
•.• ) fonctionnant dans la propos! tion principale, et 1& conjonction
- 71 -
que introduisant la subordonnée.
)0 Plusieurs ont conservé et jusqu'. nos jours des e.plois oà
l'analyse de leurs élé.ents accolés reste possible, coue il est
.ontré plus haut dans le cas de a ce que, de ce que; il s'agit bien
encore de systèmes corrélatifs.
Nous examinerons successivement
alphabétique des prépositions
les syntagmes présentant un verbe • la place de la
préposition.
3.2.1. a ço (ce) que.
A toute époque, la suite a ce que, toujours soudée, est disponible
comme systè.e corrélatif permettant d'articuler une proposition
complétive dans un contexte i.posant la préposition i. Le premier
exemple de cette valeur dans notre corpus est du XIIIe siècle
- 72 -
Si pristent ce.1L nuit conseil que il porroient fere; et a
l'ende.ain s'accorderent a ce qu'il se departiroient et si
tendroit cbascuns sa voie, l'or ce que a bonte lor seroit atorné
se il .loient tuit ensuble.
(Queste, 26, 7-10)
On rangera sous ce schème tous les syntagmes où la préposition A se
présente avec des sens qu'elle offre aussi bien devant un nom:
Nais ilz se confortoient .oult ad ce que ilz avoient seigneur
de si grant prouesce plain, et en estoient aucques rassouagiez.
Ainsi se cessa la douleur.
(Nélusine, 123, 16-18)
, Jozsef Berman reconnait cependant une locution conjonctive dans la
suite a ce que "dans les rares cas où elle apparait ( ... ) dans un
sens temporel, pour marquer la simultanéité"ll ; ce sens apparait au
XIIe siècle :
de tex cos ferir s'angoissierent
que andeus les lances froissierent.
(Yvain, 2252-54)
(Paul Imbsll signale qu'au vers 2252 le manuscrit A présente la
variante en ce que).
11. J~zsef Ber.an, OP. cit., P. 220
12. LII propolitioDl tllpoullll " IDci" frlD~,iI, publication de 11 facalU des lettres de l'uni,ersit' de Strasbour9, 1956.
- 7J -
Un emploi causal s'observe chez Villehardouin (Imbs le retrouve chez
Joinville) •
Or poez savoir, seignor, que, se Die;c ne a.ast ceste ost,
qu'ele ne peüst mie tenir ensemble, a ce que tant de gent li
queroient .al.
(Villeh.,~ 104; 1-3)
On fait encore état d'une conjonction a ce que de sens final apparue
au IVe siècle :
Et toutesvoies ne .ettez les .ains en oeuvre a ce que je soye
secourue par vostre travail.
(Quadr., 10, 22-24)
Je ordonne voz raisons estre escriptes a ce que chacun y
conçnoisse sa taulte par autrui.
(Quadr., 65, 13-15)
La reconnaissance d'une locution conjonctive dans ces trois valeurs
repose sur l'autonomie de ces emplois de a par rapport au contexte,
mais elle est infirmée par plusieurs considérations, principalement
- 74 -
l'extrê.e rareté de ces e.plois, la lIlul tiplici té des valeurs et la
possibilité de les rattacher à des valeurs connues de la préposition
à: telJps (cf. .. ce IJOlJeDt), but (cf. .. cette iDteDtioD) i dans
l'exemple de Villehardouin, a ce que est aussi bien temporel ("alors
que", tandis que") que causal. Ces emplois ont vite disparu, éliminés
par des conjonctions plus spécifiques.
3.2.2. apres ce que.
Après a eu, à toute époque, la particularité (partagée avec avaDt et
devaDt) d'être hybride: adverbe ou préposition. Il a donc pu donner
naissance à une conjonction du ressort de notre Ille Partie, après
que, construite coue puis que, et à une conjonction conforme au
schème II, apres ce que. La première apparait dans Ille et GaleroD
(1167) ; nous l'avons relevée chez Chrestien de Troyes:
GraDt piece après Illle il reviDt,
UD jor seUs aD la cbubre viDt
Celi qui D'iert pas s'aDelJie.
(Cligès, 5157-59, éd. de 1884)
La seconde a été relevée dans le ROlJaD de Troie (1160)
Apres iço qu'il lu bleciez,
BD lureDt Greu li sordeior
(20144-145)
- 75 -
(Becket, 186)
Nous l'avons retrouvé au XIIIe siècle:
Si est tout einsi avenu comme il le dist, car au cinquième jour
apres ce que vos fustes chevaliers venistes vos a cele abeie ou
Nasciens gist.
(Rut., L, 118-120)
reprise par si
L'abbé Geffroy de Saint-Urbain, aprés ce que je li oz faite sa
besoingne, si me rendi mal pour bien et appela contre moy.
(Joinville, 225, 31-33)
au X1V~ siècle (reprise par aprez ce )
Kais aprez ce que je l'auray acomp1i ainsi comme vous l'avez
requis, vous .'aurez en convenant, s'il vous p1aist, que aprez
ce, vous.e donrez un don.
(Ké1usine, 119, 4-5)
au XVe siècle
- 76 -
Hannibal, aprés ce que Cappue fut reduitte en sa subjection et
qu'il ot esté baultement receu et delicatement traictié, trouva
les cuers de ses cbevaliers cbangez et .atiz de leur premiere
vertu.
(Quadr., 15, 6-10)
Plus fréquente qu' apres que au XIIIe siècle, elle cédera au XIVe
siècle devant la formule simple • laquelle elle n'ajoutait rien, et
qui prit au XVe siècle, la place de puis que temporel.
Tous les critères de l'unité conjonctionnelle concourent • faire
penser qu' apres ce que, plus fortement analytique • sa naissance
qu'apres que, est devenu immédiatement une conjonction: son sens et
sa forme sont stables, ses éléments toujours soudés, et on le
rencontre en corrélation avec si ou repris par aprez ce.
3.2.3. avant ce que.
Comme apres, avant a toujours été, en français, hybride : adverbe ou
préposition. Il a donc pu donner naissance • deux locutions
synonymes, avant que et avant ce que; Mais la première apparait dans
le Roman de Troie de Benoit de Sainte-Maure cité par Imbs (p. 471) :
••• Andro.acba la vaillant
Trestost arut qu'il ne fist sei.
(701-704)
la seconde, seulement • la tin du XIIIe siècle {notamment chez
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Guillaume de Kachaut cité par I.bl p. 477) :
Et a Illon povoir: le tresor sera dette avut ce qu'il soi t nulle
nouvelle de vostre venue.
Motre corpus ne présente avant ce que qu'au XIVe siècle
Or vous dirai quel pourpos euc :
Avut ce que li envoiai,
En un penser je lII'avoiai
<Frois., Esp. am., 874-876)
Sire, dist Relllondin, grans mercis, et je croy que Bvut ce que
je Ille parte de vous, je teray tant que je seny certain pour
quel cause cilz inconveniens vint entre vostre trere et le
nepveu du roy.
<Mélusine, 53, 25-28)
C'était un doublet inutile, vite élimin~d'avant que et devant (ce)
que <cf. 3.2.5). Rien n'autorise à y voir autre chose qu'une
conjonction, née peut-être analogiquement sans l'intermédiaire d'un
système corrélatif.
3.2.4. de ce que.
A toute époque, la suite de ce que est disponible comme systè.e
corrélatif permettant d'articuler une proposition complétive dans un
contexte requérant la préposition de.
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Graeme Ritchie13 note que les verbes comme remembrer, se repentir, se
merveiller, se vanter, cunsentir, les adjectifs CODe sel1r, assel1r,
certein se sont d'abord construits directement avec que, puis,
surtout dans la seconde moitié du XIIe siècle, ont recouru a