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Rapport rédigé par le Centre Public Governance de GUBERNA , avec le soutien de: Gouvernance Publique Des défis essentiels en matière de bonne gouvernance dans les organisations publiques

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Rapport rédigé par le Centre Public Governance de GUBERNA , avec le soutien de:

Gouvernance Publique

Des défis essentiels en matière

de bonne gouvernance dans les

organisations publiques

1

Table des matières

Bref historique 2

Première question fondamentale : le rôle et la position des pouvoirs publics en tant qu’actionnaire 8

Un deuxième point de focalisation fondamental concerne le rôle et la position du conseil d’administration 22

Mais tout commence par un conseil d’administration professionnel 31

Un conseil d’administration composé de façon professionnelle ne garantit pas pour autant l’effectivité de celui-ci 42

La clé de voûte d’une bonne gouvernance est un management professionnel et responsabilisé 47

A titre de conclusion 56

2

Bref historique

“Gouvernance publique”, un terme encore méconnu peut-être mais la thématique, nullement. Dès

la fin des années nonante, l’Institut des Administrateurs1 attire l’attention sur la pertinence des

principes de bonne gouvernance pour les organisations publiques, par le biais de diverses journées

d’étude et de publications. Même si à l’époque, il existait déjà un intérêt pour la gouvernance dans

un contexte public, le moment n’était pas encore venu, semble-t-il, de rendre le débat totalement

ouvert.

Entretemps, sous la pression publique, l’intérêt pour la bonne gouvernance s’est

extraordinairement développé et s’est répandu telle une tâche d’huile dans différents secteurs et

types d’organisations. La nécessité (d’un code) de bonne gouvernance dans les organisations

publiques tient à l’intérêt sociétal prononcé de ces organisations (tant à titre d’instance offrant des

services d’intérêt général que concernant leur rôle au niveau notamment économique et sociétal) et

au fait qu’elles travaillent pour une (grande) part avec des fonds publics. Quand bien même le

1 Connu aujourd’hui sous le nom ‘GUBERNA’.

“Gouvernance publique”, un

terme encore méconnu peut-être

mais la thématique, nullement

3

secteur public diffère du privé, ces motifs indiquent qu’il est nécessaire d’avoir des

recommandations de gouvernance publique susceptibles de soutenir la comparaison avec les

principes applicables aux sociétés cotées. Il faudrait même plaider pour que ce soit les pouvoirs

publics qui donnent l’exemple à tous les autres acteurs (secteur privé, secteur non marchand, …).

L’essence même de la bonne gouvernance est identique, qu’il s’agisse de gouvernance d’entreprise

ou de gouvernance publique. Dans les deux cas, il s’agit fondamentalement de structures et de

processus susceptibles d’aider une organisation à réaliser ses objectifs. La bonne gouvernance a

pour vocation d’améliorer les structures de gestion et les processus décisionnels d’une organisation

et de les rendre plus transparents. Les ingrédients essentiels en sont administration, gestion,

responsabilisation, obligation de rendre compte, surveillance et contrôle, appuyés par l’attitude et

le comportement adéquats, la culture, l’éthique et le professionnalisme.

Nous tenons simultanément à faire une mise en garde et préciser que les recommandations à

appliquer pour la gouvernance publique ne peuvent être une pâle copie des recommandations et

des ‘best practices’ élaborées pour le secteur privé. Recourir à l’approche ‘one size fits all' présente

un danger. Il est souhaitable voire nécessaire de moduler ! D’où notre plaidoyer pour une

interprétation qui tienne suffisamment compte de la particularité du secteur public et des

L’essence même de la bonne

gouvernance est identique, qu’il

s’agisse de gouvernance

d’entreprise ou de gouvernance publique

Nous tenons simultanément à

faire une mise en garde et

préciser que les

recommandations à appliquer

pour la gouvernance publique ne

peuvent être une pâle copie des

recommandations et des ‘best

practices’ élaborées pour le

secteur privé

4

caractéristiques spécifiques des organisations publiques, et qui puisse en même temps reposer sur

une assise suffisamment large tant au sein des pouvoirs publics que des organisations publiques

concernées.

Les défis sont de taille pour élaborer de telles recommandations ciblées en matière de gouvernance

publique. Une analyse approfondie est dès lors nécessaire. C’est pourquoi GUBERNA a décidé en

2006 de créer, avec le soutien de Dexia et Deloitte, un Centre de Public Governance. Etant donné

l’étendue de la sphère d’influence des pouvoirs publics et l’hétérogénéité du groupe des

organisations publiques, il s’est révélé indispensable de limiter lors du lancement du Centre de

Public Governance le champ de recherche. La formulation de recommandations générales en

matière de bonne gouvernance au niveau des pouvoirs publics, dans le sens large du terme, a peu

de sens à notre avis étant donné que les modalités et structures, par lesquelles opère cette autorité,

sont tellement variées et complexes que ces recommandations générales se cantonneraient à

quelques principes globaux et universels. Il fallait en outre chercher un champ d’application où les

expertises de GUBERNA seraient les mieux mises à profit. Le choix s’est dès lors orienté sur les

organisations publiques travaillant avec un conseil d’administration.

Les défis sont de taille pour

élaborer de telles

recommandations ciblées en

matière de gouvernance publique

5

En quête de réflexions de gouvernance pour les organisations publiques travaillant avec un conseil

d’administration

Tout qui est actif dans le secteur public ou a effectué des recherches en la matière, aura compris

qu’il est question ici d’une grande diversité d’organisations, de statuts juridiques, de structures, de

législations et/ou dispositions décrétales. Rien que la mission de base, à savoir l’inventorisation

exacte de la ‘population étudiée’, n’était pas une sinécure. Celle-ci a été compliquée par l’absence de

fichier centralisé reprenant l’information sur les différentes organisations publiques. Le travail s’est

effectué exclusivement sur base de fichiers de données fragmentaires et se recoupant partiellement.

Il a été difficile de cerner de façon univoque le concept d’‘organisation publique’.

Conformément à la définition de l’OCDE de ‘state-owned enterprise’ (ci-après ‘SOE’), cette enquête

est axée sur les organisations dans lesquelles les pouvoirs publics ont une importance ‘certaine’.

Etant donné la complexité de la réalité belge, les organisations publiques visées sont du ressort

principalement du fédéral, du régional et du local. Le cas échéant, le panel a été complété

d’organisations dans lesquelles le niveau provincial et/ou communal est présent en qualité

d’actionnaire/donneur d’ordre. Etant donné la problématique de gouvernance très spécifique qui se

pose au niveau des intercommunales et des régies communales, ces organisations n’ont pas été

Il est question d’une grande

diversité d’organisations, de

statuts juridiques, de structures,

de législation et/ou de dispositions décrétales

6

retenues à ce stade de l’enquête. Leur importance nécessite dans une enquête de suivi, une

focalisation sur la bonne gouvernance dans ce type d’organisations.

Le programme de recommandations existantes en matière de gouvernance le plus pertinent pour la

présente enquête provient de l’OCDE2 (ci-après les ‘recommandations OCDE ou le code OCDE’).

Bien que le Code OCDE s’oriente principalement vers des entreprises publiques ayant un statut

juridique distinct et une activité commerciale, ces recommandations peuvent également être

pertinentes pour chaque organisation publique autonome dotée d’un conseil d’administration. Une

recherche préliminaire visant d’autres recommandations pertinentes de gouvernance publique au

niveau international et belge, n’a guère livré de résultats significatifs, ce qui démontre la nécessité

en Belgique de dessiner un cadre pertinent pour les pratiques de bonne gouvernance et leur

évaluation. Pour y arriver, l’enquête a procédé par différentes étapes. Dans un premier temps,

toutes les législations fédérales et dispositions décrétales utiles d’application pour ce type

d’organisations publiques ont fait l’objet d’une étude. Ensuite, les recommandations OCDE pour

une bonne gouvernance des organisations publiques ont été comparées aux recommandations

belges et internationales de gouvernance d’entreprise. Il en a résulté une série de principes de

gestion possibles pour les organisations publiques. Ces principes ont été soumis à un groupe élargi

d’experts et d’administrateurs publics. Par la suite, au cours de la période 2007-2008, une vaste

2 Guidelines on corporate governance for State-Owned Enterprises, OECD, 2005.

Ce qui démontre la nécessité en

Belgique de dessiner un cadre

pertinent pour les pratiques de

bonne gouvernance et leur

évaluation

Pour y arriver, l’enquête a

procédé par différentes étapes

Une recherche préliminaire

visant d’autres

recommandations pertinentes

de gouvernance publique au

niveau international et belge,

n’a guère livré de résultats

significatifs

7

enquête3 a été menée sur les pratiques de gouvernance au sein des organisations publiques

(travaillant avec un conseil d’administration).

Le présent rapport est une synthèse des résultats principaux de ces différentes étapes de l’enquête.

Sur base de cette vaste enquête et soutenus par la longue expérience en matière d’élaboration de

recommandations de gouvernance et de recherche en matière d’applications dans la pratique, nous

avons tenté de dresser un inventaire des défis cruciaux pour une bonne gouvernance dans les

organisations publiques. Ce document a pour objectif d’entamer la réflexion sur les choix

fondamentaux qui s’imposent pour aboutir à un programme pertinent de recommandations de

gouvernance pour organisations publiques autonomes. La balle est lancée dans le camp des

pouvoirs publics invités à se pencher sur ces choix importants pour donner une orientation au

cadre de gouvernance qui sera élaboré.

3 Au total, 452 organisations ont été invitées à participer à une enquête écrite. Après moult encouragements, 87

questionnaires utilisables ont finalement été réceptionnés. Cela équivaut à un taux de réponse de 19,25%, ce qui d’un

point de vue scientifique est un taux très satisfaisant. Cet échantillon ne peut toutefois pas être considéré comme

réellement représentatif car il y a certaines discordances, comme par exemple une relative surreprésentation

d’organisations publiques flamandes et des sociétés de logements sociaux. Les résultats de l’enquête, complétés par

l’apport et le feedback des experts et administrateurs publics, permettent toutefois d’en tirer d’intéressantes leçons.

Le présent rapport est une

synthèse des résultats

principaux de ces différentes

étapes de l’enquête

On a tenté de dresser un

inventaire des défis cruciaux

pour une bonne gouvernance

La balle est lancée dans le camp

des pouvoirs publics invités à se

pencher sur ces choix importants

pour donner une orientation au

cadre de gouvernance qui sera

élaboré

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Première question fondamentale : le rôle et la position des

pouvoirs publics en tant qu’actionnaire

C’est aux pouvoirs publics en qualité d’actionnaire de contrôle/donneur d’ordre4 qu’il revient de

jouer un rôle actif dans la finalisation d’un cadre adéquat ‘d’(auto)régulation’ en matière de bonne

gouvernance des organisations publiques. Dans le contexte sociétal actuel, les pouvoirs publics ne

peuvent pas se permettre d’imposer à diverses organisations des principes et une législation en

matière de bonne gouvernance tout en manquant eux-mêmes de respect à l’égard de principes

comparables. Bien qu’en Belgique, peu voire aucune recommandation adéquate de bonne

gouvernance publique n’a été élaborée, les recommandations de l’OCDE peuvent être considérées

comme indicatrices de tendances. C’est également la référence de base prioritaire sur laquelle se

greffe cette enquête. GUBERNA, le Centre Public Governance et ses partenaires sont prêts à lancer

des pistes de réflexion en la matière mais le choix final du cadre de gouvernance pour une

‘(auto)régulation’ ne peut être développé que par et avec les pouvoirs publics concernés. En

4 Les organisations publiques (travaillant avec un conseil d’administration) ne disposent pas toutes d’une structure actionnariale traditionnelle, dont le capital de l’organisation

est subdivisé en actions, comme c’est le cas dans les entreprises privées. Vu la non pertinence de certains des points objets de l’enquête, les organisations concernées n’ont pas

été reprises dans l’analyse pour ces points.

C’est aux pouvoirs publics en

qualité d’actionnaire de

contrôle/donneur d’ordre qu’il

revient de jouer un rôle actif

dans la finalisation d’un cadre

adéquat ‘d’(auto)régulation’ en

matière de bonne gouvernance

des organisations publiques

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première instance d’ailleurs, ce sont les ‘propriétaires/donneurs d’ordre’ eux-mêmes qui doivent

être convaincus de l’utilité d’une bonne gouvernance et de la nécessité d’un cadre de référence

détaillé. Un tel cadre de principes de base et de recommandations (une sorte de code) est un fil

rouge essentiel permettant de mettre au point dans la pratique des structures, processus et

procédures en matière de bonne gouvernance. Les pouvoirs publics doivent également, en tant

qu’actionnaire d’organisations publiques, accepter une méthodologie quant à l’obligation de rendre

compte et au monitoring. Sans quoi, les recommandations se transformeront en bonnes intentions

stériles parce que sur le terrain ne se manifesteront ni le soutien nécessaire ni l’attitude appropriée,

essentiels au respect des structures et procédures, autrement dit de l’esprit des recommandations.

L’autonomisation externe ou la décentralisation de tâches publiques implique que les pouvoirs

publics créent une entité juridique distincte, avec ses propres organes sociétaux auxquels est

attribuée une certaine autonomie. Ces organes se voient déléguer des compétences spécifiques des

pouvoirs publics en qualité de donneur d’ordre/propriétaire qui se limitent en principe à la

conduite du conseil d’administration, l’organe de gestion le plus élevé. Il s’agit aussi très clairement

de la recommandation qui ressort du code OCDE :

II.C. The State should let SOE boards exercise their responsibilities and respect their

independence.

L’autonomisation externe ou la

décentralisation de tâches

publiques implique que les

pouvoirs publics créent une

entité juridique distincte, avec

ses propres organes sociétaux

auxquels est attribuée une

certaine autonomie

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II.F.1. The State’s prime responsibilities include being represented at the general

shareholders’ meetings and voting the state shares.

• La délégation de pouvoirs par un actionnaire (en l’occurrence, les pouvoirs publics), qui

exerce le contrôle, implique que cet actionnaire (de contrôle) est censé manifester

suffisamment de respect à l’égard des organes créés et qu’il donne l’autonomie nécessaire

aux mandataires leur permettant d’accomplir comme il convient la mission qui leur a été

confiée. Ces défis lancés aux pouvoirs publics ne sont nullement différents de ceux qui se

présentent dans le secteur privé, à savoir dans des filiales et entreprises familiales où des

actionnaires de contrôle, forts, délèguent des compétences à des organes ‘officiels’ tels que le

conseil d’administration. L’enquête pratique révèle que les pouvoirs publics privilégient

généralement (> 88%) une position de contrôle, en optant soit pour la propriété à 100% soit

pour une position de contrôle juridique, dans le sens où ils disposent d’une participation

minimale de 50% (et détiennent donc une majorité de contrôle). Les recommandations de

l’OCDE préconisent également aux pouvoirs publics, en tant qu’actionnaire (de contrôle)

actif, d’adopter une attitude respectueuse à l’égard des organes de gestion classiques :

F. The state as an active owner should exercise its ownership rights according to the legal

structure of each company.

La délégation de pouvoirs par un

actionnaire (en l’occurrence, les

pouvoirs publics), qui exerce le

contrôle, implique que cet

actionnaire (de contrôle) est censé

manifester suffisamment de

respect à l’égard des organes

créés et qu’il donne l’autonomie

nécessaire aux mandataires leur

permettant d’accomplir comme il

convient la mission qui leur a été

confiée

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C’est pourquoi, il est recommandé aux pouvoirs publics de tracer un cadre précis expliquant

clairement leur rôle en qualité d’actionnaire et précisant les principes de base en matière de

bonne gouvernance qu’ils respectent :

II. The state should establish a clear and consistent ownership policy, ensuring that the

governance of state-owned enterprises is carried out in a transparent and accountable

manner, with the necessary degree of professionalism and effectiveness.

II.A. The government should develop and issue an ownership policy that defines the overall

objectives of state ownership, the state’s role in the corporate governance of State-owned

enterprises, and how it will implement its ownership policy.

Ce cadre global qui comprend la stratégie de propriétaire à l’égard des organisations permet

notamment de mieux cerner la raison pour laquelle l’organisation a été créée, les objectifs

fondamentaux de l’organisation et une vue d’ensemble des critères d’évaluation (à long terme)

pour l’organisation. En même temps, on peut, de cette manière, donner une aperçu des

principes de bonne gouvernance qui sont respectés par l’organisation publique. Cela

contribuera à la mise en œuvre de la gouvernance au sein de l’organisation de manière

transparente, professionnelle et efficace. Le contrat de gestion, conclu dans certaines

organisations publiques, peut être perçu comme une spécification de la stratégie de propriétaire

C’est pourquoi, il est

recommandé aux pouvoirs

publics de tracer un cadre précis

expliquant clairement leur rôle en

qualité d’actionnaire et précisant

les principes de base en matière

de bonne gouvernance qu’ils

respectent

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étant donné que celle-ci a en principe une portée plus limitée. En effet, ce contrat conclu

uniquement avec l’autorité de tutelle, a trait exclusivement à la ou aux mission(s) de service

public de l’organisation et est conclu pour un moyen terme (3 à 5 ans). Etant donné l’importance

d’une stratégie de propriétaire claire et consistante, il est souhaitable voire nécessaire de lancer

le débat sur son contenu concret, à plus forte raison dans les organisations publiques où en

marge des pouvoirs publics interviennent d’autres actionnaires et/ou dans celles où d’autres

services sont fournis en plus des missions d’intérêt général.

Il convient de se demander s’il ne serait pas souhaitable que les pouvoirs publics aussi adhèrent au

principe ‘appliquer ou expliquer’ dont toute l’Europe fait l’éloge, le fameux ‘comply or explain’.

Cela pourrait inciter toutes les organisations publiques à évaluer avec sérieux les principes de

bonne gouvernance qu’elles ne peuvent/veulent pas appliquer en invoquant clairement les motifs,

avec l’obligation de rendre compte et l’obligation de transparence. Le grand avantage de cet

exercice est l’obligation d’analyser en profondeur la façon dont les principes fondamentaux et les

recommandations en matière de bonne gouvernance sont appliqués dans la pratique.

Il convient de se demander s’il

ne serait pas souhaitable que les

pouvoirs publics aussi adhèrent

au principe ‘appliquer ou

expliquer’ dont toute l’Europe

fait l’éloge

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Il n’est pas toujours aisé de déterminer qui assume le rôle d’autorité/actionnaire, encore moins de

savoir qui représente ‘les pouvoirs publics’ et quels sont les objectifs finaux que ceux-ci souhaitent

voir réalisés.

• Il est logique que les objectifs visés par les différentes fractions politiques diffèrent

sensiblement l’un de l’autre et que la valse des ministres et des coalitions puisse générer des

différences significatives ‘d’objectifs’ et de ‘conduites’. C’est pourquoi le code OCDE plaide

pour une stratégie de propriétaire/actionnaire claire et consistante de la part des pouvoirs

publics (voir supra). C’est également un défi dans le secteur privé et les leçons que nous en

avons tirées sont que la volatilité dans la stratégie de propriétaire est un des facteurs

négatifs dans les organisations moins performantes, alors qu’une focalisation stable et à long

terme, comme c’est le cas dans les entreprises familiales, peut engendrer un avantage

différentiel. L’univocité et une certaine continuité dans la stratégie de propriétaire seront

essentielles à l’effectivité et à l’efficacité des organisations publiques.

• Les pouvoirs publics souhaiteront, en tant qu’actionnaire de contrôle, se voir impliqués

directement dans l’organisation publique. Il n’en va pas autrement dans le secteur privé

mais dans le secteur public, la situation est nettement plus complexe que dans les

entreprises privées. En effet, qui est l’autorité et qui peut/doit la représenter ? Est-ce le

Premier ministre ou le Ministre-Président en tant que chef du gouvernement, le Ministre du

Il n’est pas toujours aisé de

déterminer qui assume le rôle

d’autorité/actionnaire, encore

moins de savoir qui représente

‘les pouvoirs publics’ et quels

sont les objectifs finaux que

ceux-ci souhaitent voir réalisés

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budget, le ‘Ministre de tutelle’, ou est-ce le Parlement qui représente les pouvoirs publics ?

Ce manque de clarté est en contraste flagrant avec le secteur privé où même pour les

actionnaires/personnes morales, il faut toujours indiquer clairement qui en tant que

personne représente (les droits de) l’actionnaire.

• La même question se pose à l’égard du conseil d’administration. Comme dans toute

entreprise ‘contrôlée’, les pouvoirs publics souhaiteront également se faire représenter en

qualité d’actionnaire dans le conseil d’administration de l’organisation en question.

L’enquête pratique montre que les pouvoirs publics travaillent principalement par le biais

de ‘représentants’ choisis généralement par le pouvoir exécutif (partis gouvernementaux).

Parfois, la représentation est plus large et toutes les fractions parlementaires peuvent

déléguer des ‘représentants’ au conseil d’administration des organisations publiques. Il est

en outre souvent question d’un ou plusieurs observateur(s) (commissaire du gouvernement,

par ex.) qui, au nom de l’autorité de tutelle (il peut s’agir par ex. du ministre du budget ou

du ministre en charge de l’activité), siège(nt) dans les organes de gestion.

• Et enfin, on constate que les pouvoirs publics, comme tout actionnaire ‘de contrôle’, se

mettront fréquemment en contact avec l’organisation. Généralement, ce contact a lieu

directement entre le Ministre ou son cabinet et le niveau exécutif, à savoir le management

15

(par ex. le directeur général ou l’administrateur délégué). Parfois, le président du conseil

d’administration est également impliqué.

Identifier clairement qui au final représente les pouvoirs publics en tant qu’actionnaire/propriétaire

facilite le flux d’informations, l’obligation de rendre compte et la surveillance. Le code OCDE plaide

également pour une réflexion plus approfondie en la matière :

II.D. The exercise of ownership rights should be clearly identified within the state

administration. This may be facilitated by setting up a co-ordinating entity or, more

appropriately, by the centralization of the ownership function.

Une identification plus univoque offre l’avantage de pouvoir endiguer dans une certaine mesure la

problématique de confusion avec d’autres fonctions/compétences et responsabilités des pouvoirs

publics.

• Les pouvoirs publics peuvent, en marge de leur rôle d’actionnaire, agir également en tant

que régulateur de marché, législateur, contrôleur,... Ces différentes casquettes sont souvent

associées à des objectifs et des responsabilités qui peuvent s’avérer conflictuels. Dès lors il

nous semble nécessaire de prêter une attention toute particulière à la diversité des fonctions

Une identification plus

univoque offre l’avantage de

pouvoir endiguer dans une

certaine mesure la

problématique de confusion avec

d’autres fonctions/compétences

et responsabilités des pouvoirs

publics

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des pouvoirs publics dans ce cadre d’action et surtout aux éventuels conflits d’intérêts qui

peuvent en résulter. L’OCDE donne à cet égard des lignes de conduite claires:

I.A. There should be a clear separation between the state’s ownership function and other state

functions that may influence the conditions for state-owned enterprises, particularly with regard

to market regulation.

Certains experts suggèrent de faire jouer, à cet égard, au commissaire du gouvernement un

rôle particulier. Dans le cadre de ses responsabilités globales sur le suivi du respect des

législations applicables, il pourrait recevoir la mission explicite de se consacrer tout

particulièrement à la gestion de conflits d’intérêts potentiels. Etant donné la ‘relation de

dépendance’ où se trouve le commissaire du gouvernement à l’égard des pouvoirs publics,

on peut vraiment se demander si le contrôle des intérêts conflictuels du chef de l’actionnaire

public ne devrait pas revêtir une teinte plus ‘indépendante’. Référons-nous à cet égard au

règlement des conflits d’intérêts inscrits dans le Code des Sociétés (art. 524), qui prévoit une

procédure détaillée pour les transactions entre sociétés cotées et leur actionnaire de contrôle.

Cette procédure forme d’ailleurs la base des requis légaux en matière d’administrateurs

indépendants dans les sociétés cotées.

Il nous semble nécessaire de

prêter une attention toute

particulière à la diversité des

fonctions des pouvoirs publics

dans ce cadre d’action et

surtout aux éventuels conflits

d’intérêts qui peuvent en

résulter

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• Il conviendrait également de se pencher sur l’impact éventuel du statut public sur la

concurrence (équitable) avec le secteur privé. C’est important dès le moment où

l’organisation publique concernée travaille dans le secteur des services d’intérêt général et

propose des services commerciaux, ce qui la met en concurrence directe avec le secteur

privé. Le risque de concurrence inéquitable est potentiellement d’autant plus dangereux

lorsque l’organisation publique est également impliquée dans les travaux préparatoires de

politique et en est informée de façon privilégiée5.

Lorsque les pouvoirs publics collaborent avec le secteur privé, il est important qu’en qualité

d’actionnaire de contrôle, ils manifestent suffisamment de respect à l’égard des intérêts et des droits

des autres actionnaires (minoritaires).

• Par analogie avec le secteur privé, les pouvoirs publics doivent être conscients des dangers

de l’abus de pouvoir par l’actionnaire de contrôle et de sa perception. L’autorité/actionnaire

a ici un rôle d’exemple. Les pouvoirs publics devraient pouvoir se soumettre à tout le moins

aux dispositions du code OCDE, et vu la collaboration avec le secteur privé dans ce cas-ci,

5 Nous pouvons faire référence à ce sujet à une enquête récente de Deloitte et GUBERNA qui a étudié cette problématique pour les intercommunales sur demande du

Département de l’Aménagement du Territoire, de la Politique du Logement et du Patrimoine immobilier des autorités flamandes.

Il conviendrait également de se

pencher sur l’impact éventuel du

statut public sur la concurrence

(équitable) avec le secteur privé

Lorsque les pouvoirs publics

collaborent avec le secteur privé,

il est important qu’en qualité

d’actionnaire de contrôle, ils

manifestent suffisamment de

respect à l’égard des intérêts et

des droits des autres

actionnaires (minoritaires)

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aux recommandations des codes de gouvernance et aux dispositions légales en matière de

protection des actionnaires minoritaires en entreprises cotées :

OCDE Code: III. The state and state-owned enterprises should recognise the rights of all

shareholders (…)

Code des Entreprises Cotées : 8.12. Dans les sociétés ayant un ou plusieurs actionnaire(s) de

contrôle, le conseil d’administration veille à ce que celui-ci (ceux-ci) use(nt) judicieusement

de sa (leur) position et qu’il(s) respecte(nt) les droits et les intérêts des actionnaires

minoritaires.

Le code OCDE plaide également dans cette optique pour un traitement égal de tous les

actionnaires.

OCDE Code: III. The state and state-owned enterprises (…) in accordance with the OECD

Principles of Corporate Governance ensure the equitable treatment of all shareholders (…)

III.A. The co-ordinating or ownership entity and SOE’s should ensure that all shareholders

are treated equitably.

Code Entreprises Cotées : 8.1. La société assure un traitement égal des actionnaires.

Etant donné que dans la pratique il existe des organisations publiques qui travaillent avec un

conseil d’administration mais n’organisent pas d’assemblée générale (20% de notre échantillon), il

convient de se pencher sur la prise de décisions telle qu’elle s’opère en pratique par les actionnaires,

19

le devoir de reporting des administrateurs et surtout sur la décharge formelle des administrateurs

pour ce type d’organisations. L’assemblée générale a, en principe, pour vocation de faire office de

forum décisionnel et de forum concernant le reporting formel par le conseil d’administration aux

actionnaires. Ces délibérations et rapports sont les fondements de la décharge du conseil pour la

politique que les administrateurs ont menée (cf. Responsabilité des administrateurs). Comme le

révèle notre enquête pratique, une telle décharge formelle des administrateurs est d’ailleurs un

point de focalisation pour la plupart des organisations publiques.

Plus généralement, nous pouvons formuler à l’égard des pouvoirs publics en tant

qu’actionnaire/propriétaire des défis et principes essentiels :

• Les pouvoirs publics ont le privilège, en qualité d’actionnaire de contrôle de l’organisation

publique, de fixer les prestations à accomplir et les objectifs à atteindre. Ils sont tenus à cet

égard de préciser clairement les lignes de conduite et critères auxquels seront confrontés les

décisions et les résultats. Dans notre société, le fil rouge pour l’évaluation des choix et

décisions de la direction n’est pas vraiment l’intérêt de l’‘actionnaire’ mais bien ‘l’intérêt de

l’organisation6’; l’interprétation en est très large, ce qui veut dire qu’il faut tenir compte des

intérêts pertinents des stakeholders.

6 L’intérêt de la société en entreprises privées.

A l’ égard des pouvoirs publics

en tant qu’actionnaire/

propriétaire des défis et

principes essentiels peuvent

être formulés

Les pouvoirs publics doivent

préciser clairement les lignes de

conduite et critères auxquels

seront confrontés les décisions

et les résultats

Dans les organisations

publiques sans assemblée

générale, il convient de se

pencher sur la décharge

formelle des administrateurs

20

• La transparence est aujourd’hui le mot magique pour inciter les entreprises à rendre

compte. C’est d’autant plus vrai dans le secteur public où ‘la transparence de la gestion’ a

généré des obligations extrêmes à ce sujet. Toute organisation publique doit dès lors

accorder une attention particulière à cette exigence de transparence et à l’obligation de

rendre compte publiquement, tant à l’égard des objectifs en matière de politique et de

moyens injectés que des choix consentis et des résultats obtenus (même dans le secteur

public, la quantification des performances est importante). Mais la transparence est une

arme à double tranchant. L’obligation de rendre compte publiquement et la transparence

sont essentielles dans un contexte public. D’autre part, les autres acteurs du ‘governance

tripod’ (à savoir les administrateurs et le management) doivent se rendre compte que les

pouvoirs publics en tant que pouvoir politique sont extrêmement sensibles à l’opinion

publique en général et à la perception des médias en particulier. Cette sensibilité est quelque

peu comparable à la pression des médias à laquelle sont confrontés les administrateurs et les

membres de la direction des entreprises cotées.

• Un aspect encore plus important est de déterminer explicitement et formellement qui est

responsable de quel volet du processus décisionnel et cela à tous les égards : tant pour ce

qui est de la compétence et du pouvoir décisionnel, que de l’obligation de rendre compte

sur les choix effectués, les décisions prises, autrement dit sur l’utilisation des compétences

Toute organisation publique

doit accorder une attention

particulière à cette exigence de

transparence et à l’obligation de rendre compte publiquement

Il faut déterminer explicitement

et formellement qui est

responsable de quel volet du

processus décisionnel

21

déléguées. Une organisation publique exige que soit fixé clairement de quelle manière, par

qui et à qui il convient de faire rapport et de rendre compte. Il est également nécessaire de

préciser la manière de rendre compte de la politique menée.

• Le plus grand défi se pose à l’égard du respect des structures de gouvernance et des

procédures mises en place. Nous devons garder à l’esprit que les pouvoirs publics, comme

tout actionnaire, raisonnent souvent en ‘termes de pouvoir’7, le respect des compétences

déléguées étant loin d’être une évidence. Comme il a déjà été indiqué, dans les (plus petites)

entreprises familiales et les filiales, les propriétaires/actionnaires ne s’en tiennent pas

toujours aux structures posées et procédures convenues. L’enquête pratique de gouvernance

dans les organisations publiques a clairement mis en évidence que le respect conséquent des

structures de gouvernance constitue un défi de taille pour les pouvoirs publics.

L’intervention directe et l’ingérence de la part de l’autorité/actionnaire s’avèrent une réalité,

tant à l’égard du conseil d’administration lui-même que des organes exécutifs gravitant

autour de ce même conseil.

7 Lors des débats sur la gouvernance publique (16.12.2008) il a été expliqué que ‘les cabinets cultivent une culture du pouvoir et n’hésitent pas à taper sur les doigts du

management et de la direction s’ils sont en désaccord avec certaines visions ou décisions’.

Le plus grand défi se pose à

l’égard des structures de

gouvernance et respect des

structures de gouvernance et des procédures mises en place

22

Un deuxième point de focalisation fondamental concerne le rôle et

la position du conseil d’administration

Si les pouvoirs publics veulent se conformer aux principes de base en matière de bonne

gouvernance, il faudra accorder la plus grande attention au rôle et à la position du conseil

d’administration. Il apparaît comme essentiel que les pouvoirs publics prennent explicitement

position quant au contenu qu’ils souhaitent donner à la position du conseil d’administration et

quant à la façon dont ils souhaitent organiser l’interaction entre le conseil d’administration et les

pouvoirs publics, d’une part, et le management d’autre part. L’enquête pratique et les multiples

discussions avec les experts ont démontré que de nombreuses questions se posent quant

l’interprétation de la bonne gouvernance dans les organisations publiques. Il ressort clairement que

les parties prenantes à la cause sont loin d’être toutes sur la même longueur d’onde.

• Un trait commun dans le débat mondial sur la gouvernance est la place proéminente

qu’occupe le conseil d’administration en tant que levier en matière de bonne gouvernance.

Les recommandations OCDE plaident explicitement pour une ‘valorisation’ du conseil

d’administration en tant ‘qu’organe de gestion’.

VI. The responsibilities of the Boards of State-Owned Enterprises:

Il apparaît comme essentiel que

les pouvoirs publics prennent

explicitement position quant au

contenu qu’ils souhaitent

donner à la position du conseil

d’administration et quant à la

façon dont ils souhaitent

organiser l’interaction entre le

conseil d’administration et les

pouvoirs publics, d’une part, et

le management d’autre part

Le conseil d’administration

occupe une place proéminente en

tant que levier en matière de

bonne gouvernance

23

The boards of state-owned enterprises should have the necessary authority, competencies and

objectivity to carry out their function of strategic guidance and monitoring of management.

Il est possible de tirer des enseignements des recommandations de gouvernance pour entreprises

cotées et non cotées et surtout des tentatives d’application de ces recommandations dans la

pratique. Les expériences de bonne gouvernance dans le secteur privé ont révélé que l’application

de ces ‘best practices’ est loin d’être évidente. Tout comme dans le secteur privé, vu la position des

pouvoirs publics en tant qu’actionnaire ‘de contrôle’, il importe de veiller sur le rôle et le

fonctionnement du conseil d’administration. Comme il a déjà été exposé lors du débat sur le rôle

des pouvoirs publics en tant qu’actionnaire, il convient de souligner combien il est essentiel que les

pouvoirs publics précisent s’ils souscrivent aux recommandations internationales et nationales en

matière de bonne gouvernance et dans quelle mesure ils sont disposés à laisser le conseil

d’administration jouer le rôle qui lui est attribué par la législation et par les codes en matière de

bonne gouvernance.

• Un conseil d’administration effectif n’est pas un fait acquis, étant donné qu’un conseil qui

fonctionne bien s’appuie sur un jeu interactif complexe de plusieurs facteurs. Le conseil

d’administration occupe, en théorie du moins, une position clé parmi les actionnaires d’une

Il convient de souligner combien

il est essentiel que les pouvoirs

publics sont disposés à laisser le

conseil d’administration jouer le

rôle qui lui est attribué par la

législation et par les codes en

matière de bonne gouvernance

24

part et le management d’autre part. Le rôle du conseil d’administration ne peut donc pas

être perçu séparément du rôle des autres organes de gouvernance. La relation avec le

management (la direction) et le(s) actionnaire(s) détermine le champ de manœuvre du

conseil d’administration, ce qui rend délicat le partage mutuel du pouvoir. Il est important

tout d’abord d’expliciter et de respecter le rôle de chaque organe. Le ‘principe de la cascade’

peut ici induire la tendance. Des compétences sont déléguées au départ de/des

actionnaire(s) au conseil d’administration qui à son tour délègue au management.

Inversement, chaque organe est tenu de rendre compte à l’échelon supérieur des

compétences qui lui ont été déléguées.

• Malgré l’importance de l’explicitation des rôles respectifs, la bonne gouvernance n’est

qu’effective que s’il y a une interaction effective et des apports mutuels entre les différents

niveaux de gouvernance reste centrale. Si les parties interagissent telle une ‘machine bien

huilée’, il en résulte un ensemble cohérent de ‘checks & balances’. S’il manque ne fut-ce

qu’un maillon, ou si un maillon est déficient, l’équilibre global peut s’en voir gravement

compromis. Comme précisé auparavant, c’est un immense défi que de positionner le conseil

d’administration comme organe ‘intermédiaire’ entre l’autorité/actionnaire et le

management et de respecter ce positionnement dans la pratique. Sans vouloir plaider pour

La relation avec le management

(la direction) et le(s)

actionnaire(s) détermine le

champ de manœuvre du conseil

d’administration, ce qui rend

délicat le partage mutuel du

pouvoir

C’est un immense défi de

positionner le conseil

d’administration comme organe

‘intermédiaire’ entre

l’autorité/actionnaire et le

management et de respecter ce

positionnement dans la pratique

25

l’élimination dans l’organisation de toute intervention directe provenant des pouvoirs

publics, il est recommandé d’encourager la focalisation sur l’information ou à tout le moins

sur l’implication du (président du) conseil d’administration. Il ne faut pas perdre de vue

qu’une délégation de compétences implique un abandon de la compétence décisionnelle et

qu’une telle délégation ne devient effective et féconde qu’associée à une relation de

confiance entre les organes concernés et une immense responsabilisation et volonté de

rendre compte.

• Une autre question qui mérite la plus grande attention est celle de la prolifération de divers

comités au sein et autour du conseil d’administration. Le chapitre consacré au ‘management

exécutif’ approfondira la position et le rôle du comité de direction qui représente parfois

dans le secteur public une sorte de ‘one-tier’8, un deuxième niveau de gestion. Il est question

de plusieurs comités au sein même du conseil d’administration dans la moitié environ des

organisations publiques sondées. Ces comités sont très nombreux et ne se limitent pas aux

seuls comités de gestion classiques tels que prescrits dans les codes de gouvernance.

8 Le conseil d’administration ‘one-tier’ constitue la règle dans les sociétés belges. Autrement dit, il n’y a qu’un seul niveau de gestion qui s’implique tant dans la

détermination de la stratégie que dans la surveillance et où il est question d’administrateurs tant exécutifs que non exécutifs. C’est en contradiction avec le modèle dit ‘two-

tier’ comportant un double conseil, d’une part un conseil de surveillance et d’autre part un conseil de gestion. Ces modèles duaux se retrouvent notamment aux Pays-Bas et en

Allemagne.

Une autre question qui

mérite la plus grande

attention est celle de la

profération de divers comités

au sein et autour du conseil

d’administration

26

Concernant ces comités classiques, les organisations publiques font, semble-t-il,

principalement appel à des comités d’audit. Les comités de rémunération et de nomination

occupent une place nettement moins prépondérante. Il y a par contre de nombreux autres

comités, comme les comités consultatifs, les comités stratégiques, les comités techniques, etc.

Il est frappant de constater que le feedback des comités de gestion au conseil

d’administration, condition essentielle d’une bonne gouvernance, est totalement inexistant

dans la majorité des organisations. Il convient ici aussi de plaider pour une approche plus

énergique.

Lorsque toute la clarté est faite sur le rôle spécifique du conseil d’administration, le détail des

tâches assignées à cet organe de gestion peut être précisé. L’enquête de GUBERNA dans les

entreprises privées, a établi que le contenu des tâches des organes de gestion est un des points

litigieux les plus importants, voire le plus important dans la pratique de la gouvernance. Les

compétences du conseil d’administration sont en effet liées à la structure de l’actionnariat, à la

phase de développement, à l’activité et l’environnement dans lequel opère l’organisation. A

mesure que se manifestent des modifications dans ces facteurs contextuels, le conseil

d’administration devra se pencher sur l’adéquation de ses propres tâches. Le principe ‘one size

does not fit all’ est également valable ici.

Lorsque toute la clarté est faite

sur la position spécifique du

conseil d’administration, le

détail des tâches assignées à cet

organe de gestion peut être

précisé

27

• Les recommandations générales de gouvernance de même que les recommandations de

l’OCDE soulignent que le conseil d’administration joue un double rôle, à savoir diriger, par

ex. en approuvant la stratégie et la politique globale, et exercer le contrôle sur la mise en

œuvre de la politique fixée :

VI.A. The boards of SOE's should be assigned a clear mandate and ultimate responsibility for the

company’s performance.

VI.B. SOE boards should carry out their functions of monitoring of management and strategic

guidance, subject to the objectives set by the government and the ownership entity;

V.B. SOE's should develop efficient internal audit procedures and establish an internal audit

function that is monitored by and reports directly to the board and to the audit committee or the

equivalent company organ.

• Même un contenu minimaliste du conseil d’administration9 implique toujours que le choix

de la stratégie et le contrôle sur l’entreprise sont des tâches ‘inaliénables’ d’un conseil

d’administration. L’enquête pratique le confirme en soulignant que le rôle stratégique et de

contrôle du conseil d’administration par les administrateurs publics est perçu comme le rôle

9 Voir à ce sujet la législation sur le comité de direction (de droit privé) dans la loi du 2 août 2002.

Le conseil d’administration joue

un double rôle, à savoir diriger

et exercer le contrôle sur la mise

en œuvre de la politique fixée

28

principal du conseil. Pourtant, la pratique de gestion dans les organisations publiques

semble s’en écarter largement. Une analyse de l’emploi du temps au sein des réunions du

conseil révèle que la moitié du temps pratiquement est consacrée aux tâches

‘opérationnelles’. C’est là une constatation étonnante puisque ces tâches sont en principe

déléguées au management/à la direction. Ce constat livre une première indication montrant

que la ligne de démarcation entre les tâches du conseil d’administration et celles de la

direction n’est pas toujours tracée clairement dans certaines organisations publiques.

S’ensuit le danger de voir le conseil d’administration agir en ‘zone d’ombre’ et intervenir de

façon ‘illégitime’ dans les questions opérationnelles qui sont en principe du ressort du

management. Cette situation peut être partiellement imputable à la fréquence des réunions

du conseil (en moyenne une par mois, sans parler des mois de vacances), fréquence qui doit

également inciter à la réflexion. Le nombre relativement élevé de ‘non-administrateurs’ et

managers qui assistent à la réunion du conseil peut en être une autre cause. Une autre

origine pourrait être une description équivoque et donc peu claire des tâches exactes qui

incombent au conseil d’administration et au management. L’analyse du management

établira également qu’une certaine confusion règne entre les tâches du conseil

d’administration et celles du management (cf. infra). Il convient de se demander si le conseil

d’administration s’occupe de ce qu’il faut.

Il ressort de l’enquête pratique

que la moitié du temps

pratiquement est consacrée

aux tâches ‘opérationnelles’

Ce constat livre une première

indication montrant que la ligne

de démarcation entre les tâches

du conseil d’administration et

celles de la direction n’est pas

toujours tracée clairement

Il convient de se demander si le

conseil d’administration

s’occupe de ce qu’il faut

29

• Quelle que soit l’importance que revêt ce double rôle du conseil d’administration dans sa

globalité, il est de plus en plus évident que le choix du bon leadership et le suivi permanent

du top management (donc autant la conduite que le contrôle) sont d’une très grande

importance. Déterminer qui et quel organe sont habilités à nommer et à fixer la

rémunération du top management est un point particulièrement délicat (voir aussi p. 29). Il

n’en va pas autrement dans les filiales et les entreprises familiales du secteur privé. Les

recommandations de l’OCDE sont très claires à ce sujet :

VI.B. SOE boards should carry out their functions of monitoring of management and

strategic guidance, subject to the objectives set by the government and the ownership entity.

They should have the power to appoint and remove the CEO.

Même si l’on peut parler de ‘progrès’ dans le rôle que le conseil d’administration (et

l’éventuel comité de nomination et rémunération) se voit attribué dans les organisations

publiques à ce niveau, les pouvoirs publics mettent le conseil carrément hors jeu dans

certaines organisations. Des principes s’imposent ici aussi aux actionnaires qui devront

finalement y souscrire pour se conformer aux exigences de clarté et de transparence, pré

requis minimaux d’une bonne gouvernance. Si les pouvoirs publics décident de ne pas

suivre les recommandations OCDE, à savoir la nomination et la révocation du management

Déterminer qui et quel organe

sont habilités à nommer et à

fixer la rémunération du top

management est un point particulièrement délicat

Des principes s’imposent ici

aussi aux actionnaires qui

devront finalement y souscrire

pour se conformer aux exigences

de clarté et de transparence, pré

requis minimaux d’une bonne

gouvernance

30

par le conseil d’administration, une obligation de rendre compte de façon transparente sur

les motifs de cette décision (dans l’esprit de l’approche ‘appliquer ou expliquer’) semble

devenir un élément essentiel de bonne gouvernance.

• Concernant le contenu de la tâche du conseil d’administration dans les organisations

publiques, l’enquête pratique établit que la préservation du respect des intérêts des parties

prenantes est le point de focalisation le moins important pour les administrateurs publics. A

une époque où entreprendre de façon socialement responsable est un souci croissant (tant

dans le secteur privé que public), c’est là une constatation singulière qui mérite réflexion.

Certaines tâches de contrôle également (tel que veiller au contrôle interne et à la gestion de

risque) méritent que l’on y prête une attention plus soutenue au sein des conseils de gestion

des organisations publiques.

Il ressort de l’enquête pratique

que la préservation du respect

des intérêts des parties

prenantes est le point de

focalisation le moins important

pour les administrateurs publics

Certaines tâches de contrôle

également méritent que l’on y

prête une attention plus

soutenue

31

Mais tout commence par un conseil d’administration

professionnel

Une bonne gouvernance ne peut être menée à bien que par un conseil d’administration

professionnel mais quels sont les critères d’une composition ‘optimale’ du conseil

d’administration ? Il y a bien sûr quelques principes généraux, tels que la taille optimale (pas trop

grand pour faciliter les débats et la prise de décisions et pas trop petit pour offrir suffisamment de

diversité et de compétences dans le conseil et veiller ainsi tant au renouvellement qu’à la

continuité), la diversité et complémentarité nécessaires (quant à la connaissance, expérience,

antécédents) et un niveau suffisant d’indépendance (en vue surtout du contrôle des éventuels

intérêts conflictuels).

• L’enquête pratique établit que les conseils d’administration des organisations publiques

sont nettement plus fournis que ceux du secteur privé. En outre, le taux de présence aux

réunions du conseil y est sensiblement plus élevé que le nombre d’administrateurs car y

assistent, aussi bien en provenance du management que des actionnaires, des

représentants/observateurs ‘sans droit de vote’ (par ex. le commissaire du gouvernement et

les personnes qui assistent ‘d’office’ aux réunions). Toutefois, la caractéristique la plus

Il n’est pas évident de définir les

critères d’une composition

‘optimale’ du conseil

d’administration

32

typique des conseils d’administration dans les organisations publiques est très certainement

le poids accordé à toutes sortes de représentations équilibrées. Tout d’abord, il y a une

tendance prédominante préconisant une représentation de tous les partis gouvernementaux

voire toutes les fractions politiques dans le conseil d’administration. Un certain nombre

d’équilibres linguistiques10 jouent en outre un rôle, du moins au niveau fédéral. Et enfin, la

diversité bénéficie dans le contexte public d’une attention particulière, surtout en matière de

représentation des femmes dans les conseils d’administration. La pratique est pourtant loin

d’appliquer la fameuse règle du 1/3 imposée aux organisations publiques dans certaines

législations et décrets. Les conseils d’administration analysés comptent en moyenne 25%

d’administratrices, alors que 6% n’ont pas de femme dans leur conseil d’administration.

Le grand défi consiste à harmoniser la composition du conseil d’administration aux particularités

relatives à la répartition des rôles et des tâches entre actionnaires, administrateurs et managers et

aux besoins de l’organisation en question. En fonction de la mission du conseil d’administration et

du contexte dans lequel le conseil d’administration est tenu d’effectuer cette mission, il conviendra

10 La loi de 1991 stipule (Art.16) que dans les entreprises publiques autonomes dont la mission de service public couvre l’ensemble du territoire du Royaume, le conseil

d’administration et le comité de direction comptent autant de francophones que de néerlandophones, excepté éventuellement le président du conseil d’administration ou

l’administrateur délégué.

Le grand défi consiste à

harmoniser la composition du

conseil d’administration aux

particularités relatives à la

répartition des rôles et des

tâches entre actionnaires,

administrateurs et managers et

aux besoins de l’organisation en

question

33

de rechercher l’équilibre optimal entre la composition d’une part et le rôle du conseil

d’administration d’autre part. Il convient en outre, lors de la composition du conseil

d’administration, de s’attacher non seulement aux nécessités du moment mais également aux défis

futurs auxquels pourraient se voir potentiellement confrontés l’organisation et le conseil

d’administration. Dans le secteur public, la composition du conseil d’administration s’apparente

nettement plus à un exercice d’équilibriste que dans le secteur privé. L’enquête pratique révèle en

outre que la composition du conseil d’administration des organisations publiques est un point qui

s’avère délicat.

• Dans la pratique, les conseils d’administration ont pour vocation, semble-t-il, de respecter

une certaine représentation démocratique (comme au parlement où toutes les fractions élues

sont représentées) ou alors leur composition est basée sur une représentation des partis de la

majorité. On peut s’en remettre à cet égard au code d’habitation wallon qui fait

explicitement référence à ces ‘nominations politiques’ :

Décret relatif à l’administrateur public (Art. 4. § 1er) : L'administrateur public est nommé ou

proposé par le Gouvernement en tenant compte, pour l'ensemble des administrateurs publics

de l'organisme, de la représentation proportionnelle des groupes politiques reconnus au sein

du Conseil régional wallon (…).

Il ressort de l’enquête pratique

que la composition du conseil

d’administration des

organisations publiques est un

point qui s’avère délicat

Le conseil d’administration a

comme vocation de respecter une

certaine représentation

démocratique

34

Cette pratique s’avère parfaitement défendable d’un point de vue politique et en vue

d’assurer une base solide auprès de l’actionnaire de contrôle. Il en va de même lorsque dans

le secteur privé, il est question d’entreprises avec actionnaires de contrôle (filiales et

entreprises familiales). Mais là aussi, du point de vue de la gouvernance, toutes sortes de

remèdes sont suggérés pour parvenir à un conseil d’administration susceptible d’opérer

conformément aux principes fondamentaux de bonne gouvernance. Il faut se concentrer sur

l’intérêt de l’entreprise et non sur les intérêts particuliers ainsi que sur les obligations en

matière d’indépendance (des comités au sein) du conseil d’administration, et sur les comités

ad hoc qui doivent surveiller les transactions entre l’entreprise et l’actionnaire de contrôle.

• Les codes de gouvernance partent du principe que tous les administrateurs, même ceux qui

sont présentés par l’actionnaire de contrôle, sont tenus de servir en priorité les intérêts de

l’organisation. Il est crucial d’expliciter le concept ‘d’intérêt de l’organisation’11 dans un

contexte public parce qu’il comporte un choix ‘politique’ clair (ce qui n’est pas toujours

évident) et parce qu’il faut accorder suffisamment d’importance à l’interaction entre l’intérêt

général et l’intérêt de l’organisation. Dans le secteur privé et conformément à la législation

sur les sociétés commerciales, les administrateurs ne doivent jamais perdre de vue ‘l’intérêt

11 Cf. l’obligation légale des administrateurs dans les sociétés privées de viser exclusivement l’intérêt de la société lors de la prise de décisions.

Les codes de gouvernance

partent du principe que tous les

administrateurs, même ceux qui

sont présentés par l’actionnaire

de contrôle, sont tenus de servir

en priorité les intérêts de

l’organisation

35

de la société’ lorsqu’ils sont confrontés à des questions de choix et à des décisions

importantes. Une organisation publique doit bien sûr laisser de l’espace aux considérations

‘d’intérêt général’ mais alors dans le cadre des missions spécifiques d’intérêt général

assignées à l’organisation.

• Tant la législation que les recommandations de gouvernance imposent explicitement à tous

les administrateurs, en tant que pairs et collègues, de prendre des décisions par consensus

soutenues au final par tous, chacun étant responsable collégialement et solidairement des

décisions prises. La question est de savoir dans quelle mesure un conseil d’administration

composé de façon parlementaire est compatible avec un conseil d’administration agissant de

façon collégiale.

• Plutôt que de plaider pour la suppression des nominations ‘politiques’ des administrateurs

publics, il est recommandé à toute autorité, lors de la création et formation d’une

organisation publique avec conseil d’administration, de s’attacher aux choix fondamentaux

en matière de composition et fonctionnement d’un tel organe de gestion. Même en cas de

nominations politiques, il faudrait engager une procédure de sélection professionnelle qui

accorde une importance suffisante à la professionnalité, à la complémentarité et à la

La question est de savoir dans

quelle mesure un conseil

d’administration composé de

façon parlementaire est

compatible avec un conseil

d’administration agissant de

façon collégiale

Même en cas de nominations

politiques, il faudrait engager

une procédure de sélection

professionnelle

36

diversité requises au sein du conseil d’administration (= profil de sélection général) de

même qu’à la connaissance spécifique, l’expérience et l’expertise dont est tenu de faire

preuve l’administrateur individuel (en tenant compte des requis en matière de diversité,

expertise et connaissance qui devraient être représentées dans le conseil d’administration

dans sa totalité = profil de sélection spécifique). Dans la pratique, il n’y a qu’une

organisation publique sur trois qui prête l’attention nécessaire à cet aspect. En outre, les

reconductions se font, semble-t-il, encore toujours de façon plutôt automatique dans la

majorité des conseils d’administration sans évaluation au terme d’un mandat de

l’adéquation entre l’administrateur et les besoins présents/futurs du conseil

d’administration. Dans ce processus d’évaluation, le conseil d’administration devrait lui-

même jouer un rôle important, quitte à ce que la décision finale sur la reconduction ou non

demeure la prérogative de l’actionnaire. Les pouvoirs publics de même que les candidats

administrateurs publics ont en outre tout intérêt, comme dans le secteur privé, à investir

davantage dans l’acquisition de la connaissance et du professionnalisme nécessaires afin de

se profiler en administrateur à part entière. Ainsi il est préférable de prévoir un programme

d’introduction adapté pour nouveaux administrateurs, sans expérience préalable comme

administrateur, afin de les informer sur les tâches et la responsabilité qu’ils ont en tant

37

qu’administrateur. Eu égard à la complexité croissante des tâches, le besoin d’une formation

continue est également souvent mis en avant.

Dans tous les codes nationaux et internationaux de bonne gouvernance, l’indépendance du conseil

d’administration est perçue comme la clé de la bonne gouvernance. Tant les recommandations de

gouvernance européennes que nationales partent du principe que l’indépendance du conseil

d’administration s’obtient moyennant un nombre suffisant d’administrateurs indépendants,

indépendants aussi bien des actionnaires (de contrôle) que du management. L’intérêt de

l’indépendance du conseil d’administration est également reconnu dans le code OCDE :

II. The State acting as an owner:

II.C. The State should let the SOE boards exercise their responsibilities and respect their

independence.

VI.C. The boards of SOEs should be composed so that they can exercise objective and independent

judgement. Good practice calls for the Chair to be separate from the CEO.

Nos entretiens avec des experts et des administrateurs publics de même que l’enquête pratique

révèlent que la définition de l’indépendance et l’utilité d’administrateurs indépendants sont

largement débattues et provoquent des réactions plutôt controversées. Certains affirment que l’on

ne peut jamais parler d’indépendance dans un contexte politique puisque les intervenants ont tous

Il ressort de l’enquête pratique

que la définition de

l’indépendance et l’utilité

d’administrateurs indépendants

sont largement débattues et

provoquent des réactions plutôt

controversées

38

une couleur ou du moins une préférence politique. D’autres sont persuadés qu’il doit quand même

pouvoir être possible d’identifier un groupe de personnes répondant dans ce contexte à un nombre

minimum de critères d’indépendance. L’enquête pratique qui analyse la position des

administrateurs indépendants au sein des organisations publiques en Belgique met en évidence de

façon incontestable ces visions différentes de l’indépendance. Dans plusieurs organisations, les

représentants d’actionnaires privés ont été étiquetés ‘indépendants’ parce qu’ils sont en principe

indépendants des pouvoirs publics en tant qu’actionnaire de contrôle. Une telle définition ne cadre

nullement avec les normes développées au niveau de l’Union Européenne (les administrateurs

indépendants ne peuvent avoir des liens ni avec l’actionnaire ni avec le management). Si l’on prend

cette définition plus étroite comme point de départ, il n’est question d’administrateurs

indépendants que dans une minorité des organisations publiques.

Les arguments classiques émanant du secteur privé et qui plaident en faveur des administrateurs

indépendants, s’appliquent parfaitement aux organisations publiques et justifient la présence

d’administrateurs indépendants. Le point de focalisation qui nous semble le plus intéressant est le

fait que les administrateurs indépendants sont perçus avant tout comme les gardiens de l’intérêt de

l’organisation et dès lors comme des ‘sparring partners’ pour tout dossier ou décision où il pourrait

être question d’intérêts conflictuels. Puisque ces intérêts conflictuels surviennent tant du chef de

39

l’actionnaire (entre l’actionnaire et l’entreprise ou entre actionnaires même) que du management

(par ex. rémunération du management), il convient de définir avec exactitude la notion

d’indépendance en fonction de ces deux parties. Viser un nombre minimum d’administrateurs

indépendants dans les organisations publiques nous semble un effort obligatoire ne fut-ce qu’à titre

de contrepoids pour les nominations politiques (qui existent d’après nous tant au niveau exécutif –

fonctions de direction- qu’au niveau de la gestion -conseil d’administration). D’intéressantes pistes

ont déjà été développées12 en la matière selon une sorte de système à deux échelons : les fractions

politiques (majoritaires) présentent leurs candidats aux mandats d’administrateurs et ces

‘administrateurs publics’ cooptent à leur tour plusieurs administrateurs ‘indépendants’. La

question qui peut être soulevé est dans quelle mesure ces administrateurs adopteront une attitude

indépendante envers les administrateurs publics qui les ont cooptés.

12 Il nous semble intéressant de citer deux exemples.

- Au niveau flamand, le Décret sur une meilleure politique administrative (Beter Bestuurlijk Beleid) stipule à l’Art. 18 § 2. que les membres du conseil d’administration

nommés par le gouvernement flamand (les administrateurs publics donc) peuvent coopter par consensus des administrateurs indépendants. Les administrateurs

indépendants, dont le nombre ne peut excéder le quart des membres du conseil d’administration ayant droit de vote, sont cooptés en raison de leur expertise utile à la

gestion de l’agence et en raison de leur indépendance à l’égard de la gestion journalière de l’agence autonomisée de façon externe et de droit public, la Communauté

flamande, la Région flamande et les autres personnes qui éventuellement participent ou sont représentées dans l’agence .

- Au niveau fédéral, nous pouvons mentionner les dispositions de gouvernance chez Belgacom, où les pouvoirs publics en tant qu’actionnaire de contrôle, peut nommer

50% des administrateurs, les 50% restants étant présentés par le conseil aux autres actionnaires qui prennent la décision finale en matière de nomination.

Viser un nombre minimum

d’administrateurs indépendants

dans les organisations publiques

nous semble un effort

obligatoire ne fut-ce qu’à titre

de contrepoids pour les

nominations politiques

D’intéressantes pistes ont déjà

été développées selon une sorte

de système à deux échelons

40

Enfin, il convient de s’attarder également à la rémunération des administrateurs. Tout comme dans

le secteur privé, la conviction grandit dans le secteur public, lentement mais sûrement, que le

recours à des administrateurs (professionnels) suppose que leur contribution soit largement

appréciée et leur donne droit à une rémunération en conséquence. Alors que l’on n’hésiterait pas un

seul instant à rémunérer des consultants externes selon les normes du marché, il faut toujours

rendre compte et justifier la raison pour laquelle il est important de rémunérer les administrateurs.

Libre bien entendu aux administrateurs et organisations, par conviction sociétale ou sociale ou pour

des raisons de moyens (par ex. dans le secteur non marchand) d’endosser un mandat

d’administrateur pro deo.

L’enquête pratique a démontré qu’il est question d’une rémunération pour administrateurs dans

environ 3 organisations publiques sur 4. Il s’agit généralement à cet égard d’une sorte de ‘jeton de

présence’ attribué en fonction de la présence effective aux réunions du conseil. Même si les

pratiques en la matière sont très diverses, on constate que le niveau des rémunérations est en

moyenne nettement inférieur à celui du secteur privé. Sans vouloir plaider pour un quelconque

niveau minimum concernant la rémunération, il est recommandé à notre avis d’entamer un débat

Enfin, il convient de s’attarder

également à la rémunération

des administrateurs

41

sur le sujet13. La transparence en matière de rémunération des administrateurs exige également une

réflexion complémentaire. Là où les pouvoirs publics veulent rendre obligatoire, par voie légale, la

publication des rémunérations des administrateurs dans les entreprises cotées, l’enquête a mis en

évidence qu’il est question d’une certaine transparence à ce niveau dans la moitié seulement des

organisations publiques étudiées. Les pouvoirs publics devraient faire office d’exemple vis-à-vis de

tous les autres acteurs.

13On peut faire référence à cet égard à l’initiative au niveau flamand dans le cadre de la Meilleure Politique Administrative (Beter Bestuurlijk Beleid).

42

Un conseil d’administration composé de façon professionnelle ne

garantit pas pour autant l’effectivité de celui-ci

Ce n’est pas parce que 11 excellents footballeurs sont alignés sur le terrain qu’ils formeront une

équipe gagnante. Il en va de même pour le conseil d’administration. C’est pourquoi, une

importance croissante est accordée aux conditions nécessaires pour que le conseil d’administration

puisse s’acquitter de façon effective et efficace de ses tâches et apporter une contribution précieuse

à la réalisation des objectifs de l’organisation. Essentiels à cet égard sont les critères tels que

l’organisation de la réunion du conseil, le développement d’une bonne culture de réunion, débat et

prise de décision, la stimulation de l’attitude et du comportement de gouvernance nécessaire chez

les administrateurs (tant pour les actionnaires que pour le management) et, last but not least, le

professionnalisme du président (en tant que coach du conseil d’administration).

• Dès qu’on dépasse un seuil critique concernant le nombre d’administrateurs, il devient

difficile de mener des débats actifs et de délibérer sur chacun des points importants de

l’ordre du jour. Il s’agit pourtant de conditions essentielles à une bonne prise de décision.

Vu la taille imposante des conseils d’administration dans les organisations publiques, il

Dès qu’on dépasse un seuil

critique concernant le nombre

d’administrateurs, il devient

difficile de mener des débats

actifs et de délibérer sur chacun

des points importants de l’ordre

du jour

43

s’agit là d’un point de focalisation pour les pouvoirs publics car en tant qu’actionnaire, ils

peuvent intervenir pour limiter le nombre maximum d’administrateurs.

• Plus l’ordre du jour du conseil d’administration est long, plus il est difficile de ménager

suffisamment de temps pour l’approfondissement des débats et la réflexion nécessaire

qu’exigent les propositions, choix et processus décisionnel. C’est pourquoi, il peut s’avérer

utile de considérer l’ordre du jour sous un regard critique. Ces points doivent-ils

nécessairement être abordés au conseil ? Il est important à cet égard de préciser qu’il faut

limiter au minimum le volet opérationnel pour se concentrer sur de véritables questions de

gestion. Les points à traiter peuvent encore être classés en fonction de leur impact et de leur

intérêt relatif. Plutôt que de reculer les débats difficiles en fin de réunion, les bonnes

pratiques semblent donner la priorité aux points essentiels et réserver pour la fin les points

moins importants, les points formels à ‘trancher sans discussion’.

• Pour permettre aux administrateurs de participer au débat de façon interactive et de

prendre des décisions fondées, il importe de compléter chacun des points importants de

l’ordre du jour d’une information pertinente. Les recommandations classiques en matière

d’information pertinente et ponctuelle s’appliquent ici. Dans un environnement public, la

Plus l’ordre du jour du conseil

d’administration est long, plus

il est difficile de ménager

suffisamment de temps pour

l’approfondissement des débats

et la réflexion nécessaire

qu’exigent les propositions,

choix et processus décisionnel

Pour permettre aux

administrateurs de participer au

débat de façon interactive et de

prendre des décisions fondées, il

importe de compléter chacun des

points importants de l’ordre du

jour d’une information

pertinente

Les recommandations classiques

en matière d’information

pertinente et ponctuelle

s’appliquent ici

44

question de la discrétion se pose également. Il convient d’une part d’étudier dans quelle

mesure le devoir de discrétion des administrateurs est conciliable avec le fait que les

administrateurs publics en tant que ‘représentants’ de l’actionnaire public devront souvent

dans la pratique se concerter au préalable avec leur ‘base’, d’autant plus s’il s’agit de points

sensibles ou importants. C’est en soi une pratique également en vigueur dans le secteur

privé lorsqu’il y a un actionnaire de contrôle (s’il ne siège pas lui-même dans le conseil

d’administration). Mais si cette concertation ne soulève dans le secteur privé peu voire

aucun problème en matière de discrétion, il en va autrement dans le secteur public, semble-

t-il. Certains invoquent le principe ‘de transparence de gestion’, qui est en contradiction

avec le devoir de discrétion des administrateurs. Dès que des problèmes se posent

concernant la discrétion de l’information de gestion, le management hésitera à fournir des

informations confidentielles détaillées au conseil d’administration. Le risque de tomber dans

un cercle vicieux est bien réel, qu’il s’agisse de l’information insuffisante communiquée aux

administrateurs ou de la méfiance réciproque concernant la transgression du devoir de

discrétion, notamment. La qualité des flux d’informations entre management et conseil

d’administration et le respect du devoir de discrétion nous semblent des points de

focalisation très importants en vue d’une bonne gouvernance.

Dans un environnement public,

la question de la discrétion se

pose également

45

• Il convient également d’attirer largement l’attention sur la culture de la réunion et du débat.

Un collège de gestion ne sera pleinement valorisé qu’à partir du moment où il y a

suffisamment d’espace pour les différentes opinions et pour le débat. Cela suppose que le

président veille à un débat ouvert et à l’apport de critiques constructives. Dans la pratique,

les conseils d’administration semblent effectivement accorder l’importance qui convient à la

discussion et au débat.

• Il convient d’accorder une plus grande importance à la méthodologie du processus

décisionnel. Un bon président de conseil d’administration a pour mission d’instaurer un

débat en profondeur ouvert aux opinions et points de vue divers, d’en faire la synthèse et

surtout de parvenir à une prise de décision claire. En partant du principe que le conseil

d’administration est un collège et vu la responsabilité solidaire des administrateurs, le

consensus qui permet à chacun au final de se ranger derrière le choix ou la décision, est

d’une importance cruciale et toujours préférable comme mécanisme décisionnel. Dans un

‘modèle de gestion parlementaire’, prendre des décisions sur base du consensus est un

véritable exercice d’équilibriste. Dans un cadre qui privilégie les coalitions comme c’est le

cas dans le contexte belge, trouver une assise aux visions divergentes est souvent une affaire

de ‘wheeling and dealing’. Et la pratique le démontre. L’enquête pratique met en évidence

Il convient également d’attirer

largement l’attention sur la

culture de la réunion et du débat

Il convient d’accorder une plus

grande importance à la

méthodologie du processus

décisionnel

46

que c’est rarement par consensus et concertation que les décisions sont prises mais

essentiellement par vote (81%).

• Toutes ces considérations permettent de souligner l’importance cruciale du rôle du

président quant à l’effectivité du conseil d’administration puisqu’il est responsable du bon

fonctionnement du conseil14. C’est pourquoi tous les codes de gouvernance accordent une

attention toute particulière à cet aspect, afin que dans le cadre du choix d’un président et

lors de l’évaluation périodique du fonctionnement du conseil d’administration, il y ait une

réflexion approfondie sur le profil adéquat. Les administrateurs publics sont également

conscients des missions complexes et du rôle important que joue le président du conseil

d’administration. Ils perçoivent le président avant tout comme l’élément charnière entre le

management, le conseil d’administration et les actionnaires et comme l’animateur des

débats pendant la réunion du conseil. Des doutes surgissent quant au sérieux du travail

effectué dans la pratique lors de la nomination d’un président. Voilà un point qui mérite

aussi que l’on s’y attarde davantage.

14 Le président peut être assisté dans ces tâches par un secrétaire-général et son équipe (si présent).

Le rôle du président est crucial

quant à l’effectivité du conseil

d’administration

47

La clé de voûte d’une bonne gouvernance est un management

professionnel et responsabilisé

Tous les défis qui ont été formulés en vue d’un bon fonctionnement du conseil d’administration

sont également valables pour le niveau exécutif. La définition univoque des tâches et

responsabilités respectives des deux organes nous semble tout à fait essentielle pour qu’il soit

question de bonne gouvernance dans les organisations publiques. Ce n’est pas parce que des

principes sont fixés par écrit (par ex. le décret de fondation, les statuts et/ou le contrat de gestion)

qu’ils sont suffisamment explicites pour permettre une délimitation claire des tâches. En outre,

aussi détaillés que soient les principes écrits, ils ne sont qu’une référence pour l’évaluation

périodique de leur application effective dans la pratique. Les procédures ou documents, tels que le

contrat de gestion, ne peuvent pas non plus être considérés comme ‘un simple bout de papier’ mais

comme un engagement que les parties prenantes sont tenues de respecter. Il importe de souligner

que la chaîne de la gouvernance puise sa force de son maillon le plus faible !

Nous avons pu déduire de notre enquête pratique que les défis sont de taille et qu’il convient

d’envisager de façon critique l’interaction et les échanges entre le conseil d’administration et le

management. Ce n’est pas une sinécure car du fait des nombreux statuts de droit public et des

La définition univoque des

tâches et responsabilités

respectives des deux organes

nous semble tout à fait

essentielle pour qu’il soit

question de bonne gouvernance

dans les organisations

publiques

Il convient d’envisager de façon

critique l’interaction et les

échanges entre le conseil

d’administration et le management

48

structures sui generis dans le secteur public, un amalgame hétérogène de structures mixtes a surgi

dans la pratique entre les organes de gestion et l’exécutif. Le grand défi est de parvenir à faire une

distinction plus claire entre les organes responsables de la gestion et ceux qui sont chargés de la

mise en œuvre de la politique et du volet opérationnel. L’enquête à propos de la composition du

conseil d’administration a établi qu’en général, il n’y a pas d’administrateurs exécutifs et le

management qui y assiste siège à titre de membre sans droit de vote. En déduire qu’il y a scission

complète entre la gestion et le management est prématuré toutefois. Il est souvent question en effet

d’un ‘niveau intermédiaire’ complémentaire entre conseil d’administration et management,

souvent désigné sous le terme de comité de direction (dans 70% des organisations publiques

étudiées). Si dans le secteur privé, un comité de direction est composé exclusivement de managers,

ce n’est nullement la règle dans le secteur public. Ce niveau intermédiaire existe souvent dans les

organisations publiques; c’est une sorte de ‘one-tier board’ comportant aussi bien des

administrateurs non-exécutifs que du management exécutif. Ce comité est souvent dirigé (dans 60%

des cas environ) par le président du conseil d’administration. Ce type d’organe intermédiaire

assume des tâches qui incombent plutôt au conseil d’administration alors que les véritables conseils

de gestion consacrent beaucoup de temps au volet opérationnel. Sous le niveau du comité de

direction, il y a généralement un directeur général ou un administrateur journalier. La

responsabilité finale de cette personne est la direction de l’organisation bien entendu, la prise en

Ceci ne sera pas une sinécure du

fait qu’un amalgame hétérogène

de structures mixtes a surgi dans

la pratique entre les organes de gestion et l’exécutif

Le grand défi est de parvenir à

faire une distinction plus claire

entre les organes responsables

de la gestion et ceux qui sont

chargés de la mise en œuvre de

la politique et du volet

opérationnel

49

charge de la gestion journalière et des tâches opérationnelles. Les références à ce sujet sont plutôt

maigres dans les recommandations OCDE, ce qui nous oblige à nous en remettre à la législation

belge et aux codes de gouvernance pour entreprises privées. La loi belge en matière de réforme de

certaines entreprises publiques économiques (loi du 21 mars 1991) définit les tâches du comité de

direction comme suit :

Art. 19. Le comité de direction est chargé de la gestion journalière et de la représentation en ce qui

concerne cette gestion, de même que de l'exécution des décisions du conseil d'administration et de la

négociation du contrat de gestion.

Pour avoir un meilleur aperçu de la mission assignée au management exécutif, nous renvoyons au

code belge de gouvernance d’entreprise pour entreprises cotées (ligne de conduite 6.4 à 6.6):

6.5. Le management exécutif

- est chargé de la conduite de la société ;

- met en place des contrôles internes (systèmes d'identification, d'évaluation, de gestion et de suivi

des risques

- financiers et autres) sans préjudice du rôle de suivi du conseil d'administration ;

- est responsable de la préparation exhaustive, ponctuelle, fiable et exacte des états financiers

conformément

- aux normes comptables et aux politiques de la société ;

50

- soumet au conseil d'administration une évaluation objective et compréhensible de la situation

financière de la société ;

- fournit en temps utile au conseil d'administration toutes les informations nécessaires à

l'exécution de ses obligations ;

- rend compte au conseil d'administration de l'exercice de ses responsabilités.

6.6. Des procédures claires existent pour les points suivants :

- propositions par le management exécutif de décisions à prendre par le conseil d'administration ;

- prise de décisions par le management exécutif ;

- rapport au conseil d'administration sur les décisions clés prises par le management exécutif.

En marge d’une délimitation claire du rôle et de la position du (top) management, il doit y avoir

une bonne interaction entre le (top) management et le conseil d’administration et un respect de la

part des actionnaires et des administrateurs vis-à-vis de la position du management. Ce sont là les

éléments essentiels d’organisations bien gérées. Dans un contexte public, l’interaction entre le

management et le conseil d’administration requiert une attention toute particulière car il est

(souvent) question de nomination politique des administrateurs et top managers. Dans un tel cadre,

51

stimuler une relation de confiance entre le management et le conseil d’administration est un fameux

défi.

L’interaction entre le management et les pouvoirs publics en tant qu’actionnaire exige également

une attention particulière. Tout comme dans le code belge de gouvernance d’entreprise pour

sociétés cotées, le code OCDE plaide explicitement pour que les pouvoirs publics en tant

‘qu’actionnaire de contrôle’ se tiennent à l’écart des tâches de nature opérationnelle et exécutive et

qu’ils accordent au management l’autonomie nécessaire pour atteindre les objectifs fixés :

II.B. The government should not be involved in the day-to-day management of SOE’s and allow them

full operational autonomy to achieve their defined objectives.

Corollairement, il importe d’accorder une attention plus soutenue au devoir de rapport et à

l’obligation de rendre compte du management. Etant donné que les pouvoirs publics n’opèrent pas

(toujours) par l’intermédiaire du conseil d’administration, il existe en pratique pour le management

une obligation tant directe qu’indirecte de rendre compte à l’égard de l’actionnaire public. Il arrive

souvent que cette obligation de rendre compte se concrétise sans aucune concertation avec le

conseil d’administration ou même que le conseil n’en soit nullement informé. Cela ne cadre

sûrement pas avec la philosophie de base du conseil à titre d’organe ‘intermédiaire’ entre les

L’interaction entre le

management et les pouvoirs

publics exige également une

attention particulière

Corollairement, il importe

d’accorder une attention plus

soutenue au devoir de rapport et

à l’obligation de rendre compte

du management

52

actionnaires et le management ainsi que le principe de cascade en matière de délégation des

compétences et l’obligation de rendre compte qui en découle. Le management d’organisations

publiques se voit d’ailleurs confronté à une série assez complexe d’obligations de rendre compte.

Dans un contexte public, tout une série d’institutions sont susceptibles d’obliger l’organisation à

rendre compte. Pensons à cet égard non seulement à l’obligation de rendre compte et au contrôle

de la part des pouvoirs publics mais également au rôle de surveillance du commissaire du

gouvernement, du Parlement, de la Cour des Comptes, des comités d’audit au niveau des autorités

respectives, de l’Inspection des Finances, réviseurs externes, etc. Il serait peut-être utile

d’harmoniser, dans le cadre d’une gestion transparente, toutes les tendances en matière

d’obligation de rendre compte afin d’en avoir une vue d’ensemble globale.

Bien que les codes de gouvernance ne prescrivent aucune ligne de conduite à ce sujet, une attention

toute particulière est accordée à la politique de rémunération des (top) managers ces dernières

années, à son application ainsi qu’à sa légitimité vis-à-vis de l’opinion publique et sa transparence

(voir aussi p. 16). Il s’avère également utile pour le secteur public de prêter suffisamment attention

à certaines questions pertinentes en la matière, à savoir :

• Faut-il envisager une rémunération variable pour le top management, et si oui, sur quels

critères (de performance) convient-il de se baser ? Pour ce qui est de la rémunération du

Ces dernières années une

attention toute particulière est

accordée à la politique de

rémunération des (top)managers

Faut-il envisager une

rémunération variable pour le

top management, et si oui, sur

quels critères (de performance) convient-il de se baser?

53

management exécutif d’organisations publiques, la rémunération variable est nettement

moins courante, contrairement au secteur privé. Seules 13% des organisations publiques

appliquent le principe de la rémunération variable pour le top management et celle-ci est

relativement peu élevée par rapport à la rémunération fixe (en moyenne moins de 20% avec

des pointes de 50%). C’est partiellement logique car dans les entreprises cotées surtout, il est

nécessaire de faire fluctuer une part importante de la rémunération en fonction de

l’évolution de la valeur actionnariale. Cette technique s’avère nécessaire car dans ce type

d’entreprises, l’actionnaire est souvent très éloigné du management et une rémunération

variable est un moyen pour discipliner le management et l’inciter à tenir suffisamment

compte des intérêts des actionnaires. Malgré la critique sociétale croissante à l’égard de cette

rémunération variable, celle-ci reste tout à fait justifiée d’un point de vue économique. Cela

tient principalement au fait qu’un bon système de rémunération permet d’offrir un

supplément de rémunération en cas de prestations convaincantes (et dès lors de les

stimuler). De tels stimuli peuvent se concentrer principalement sur des objectifs spécifiques

jugés importants par le propriétaire. Il convient de souligner que ce genre de système de

rémunération variable ciblé suppose une approche intuitu personae.

54

• Quel rôle joue le conseil d’administration (et éventuellement le comité de rémunération)

dans le développement de la politique de rémunération du top management et dans la mise

en œuvre de cette politique ? La gouvernance souhaite voir l’attention se concentrer sur le

cycle traditionnel ‘nomination – évaluation – rémunération’ et sur les tâches respectives des

organes du ‘governance tripod’ à cet égard. Le principe de base veut que la nomination du

top management fasse partie des tâches du conseil d’administration. Même dans un modèle

comportant la délégation la plus extrême des pouvoirs du conseil d’administration envers le

management exécutif, ce cycle reste sous la direction du conseil d’administration. C’est au

CEO à formuler des propositions sur la composition et la rémunération de ‘son team’ de top

managers au conseil. Ce dernier peut se faire assister par le comité de nomination et de

rémunération. Pour la nomination des autres membres du management (niveau N-2), le

conseil d’administration n’est pas impliqué ; c’est là avant tout une responsabilité du top

management. De là jaillit pour ainsi dire une cascade de nominations dont les répercussions

se font également sentir dans l’évaluation et la rémunération des différents niveaux de

management.

Plus la rémunération variable est importante, plus le rôle du conseil d’administration l’est

aussi (et du comité de rémunération). Les administrateurs jouent un rôle important dans

l’approbation des ICP (Indicateurs Clés de Performance) et des critères (de performance)

Quel rôle joue le conseil

d’administration (et

éventuellement le comité de

rémunération) dans le

développement de la politique

de rémunération du top

management et dans la mise en

œuvre de cette politique?

55

pertinents et dans la fixation de la rémunération variable à verser (sur base d’un contrôle

approfondi de la performance réalisée).

• Quels éléments de la politique de rémunération doivent être soumis à l’approbation des

actionnaires ? Pour les entreprises cotées, il existe au niveau mondial une multitude de

recommandations et même des projets de législations qui souhaitent (re)donner aux

actionnaires plus de droits à ce niveau. C’est surtout la politique de rémunération et l’octroi

d’une rémunération variable (par le biais notamment de paquets d’options ou d’actions) qui

devraient requérir l’accord préalable (de l’assemblée) des actionnaires. Contrairement au

secteur privé, les pouvoirs publics ont joué de tout temps un rôle important dans la fixation

de la rémunération du/des manager(s) (supérieur(s)) dans les organisations publiques.

• Comment instaurer une transparence et une justification vis-à-vis de l’opinion publique à

propos de cette politique et de sa mise en œuvre ? Comme il en a déjà largement été

question dans le débat sur la transparence en matière de rémunération des administrateurs,

les pouvoirs publics doivent se rendre compte qu’ils ne peuvent se dérober à la demande

générale d’une plus grande transparence en matière de rémunération du top management.

Quels éléments de la politique

de rémunération doivent être

soumis à l’approbation des

actionnaires ?

Comment instaurer une

transparence et une justification

vis-à-vis de l’opinion publique à

propos de cette politique et de sa mise en œuvre ?

56

A titre de conclusion

Il importe de souligner pour terminer que ces recommandations exigent un travail sur mesure et

une dynamique. Il est important dès lors de plaider pour que les étapes suivantes, essentielles,

soient prises en considération :

• Il convient de développer un cadre global de bonne gouvernance dans les organisations

publiques, autrement dit un code de gouvernance publique pour organisations publiques

(organisations travaillant avec un conseil d’administration). Les choix finaux qu’implique ce

type de code doivent être opérés par les pouvoirs publics et les acteurs concernés des

organisations publiques. GUBERNA a fait un premier pas par le biais de ce rapport et

souhaite se profiler en plate-forme de réflexion en la matière; mais le choix (de la

concordance) d’une autorégulation ou d’une régulation revient intégralement aux pouvoirs

publics. C’est de cette façon exclusivement qu’il peut être question d’un code effectif car

sans assentiment des ‘acteurs clés’, les recommandations se limitent souvent à un tissu de

bonnes intentions.

Il convient de développer un

cadre global de bonne

gouvernance dans les

organisations publiques

Les choix finaux qu’implique ce

type de code doivent être opérés

par les pouvoirs publics et les

acteurs concernés des organisations publiques

57

• Si les pouvoirs publics optent pour une autorégulation, les recommandations de

gouvernance peuvent contribuer efficacement à la réalisation effective des objectifs de

l’organisation mais il faut pour cela suffisamment de flexibilité. Nous serions partisans dès

lors de l’élaboration d’un cadre qui permettrait une application sur mesure dans chaque

organisation. Ce cadre doit pouvoir faire office de base de référence et il convient de

(pouvoir) justifier en détail tous les ‘écarts’. D’où la proposition d’instaurer, comme dans les

entreprises cotées, une obligation du principe ‘appliquer ou expliquer’ (‘comply or explain’).

En d’autres mots, libre à toute organisation d’évaluer le bien fondé du cadre et de son

applicabilité pour elle-même. Cette flexibilité implique de rendre compte dans la

transparence de la manière et de la mesure avec laquelle un contenu sera ou non conféré à

ce cadre global en matière de recommandations de gouvernance publique. Pour ce qui est

des composants observables au niveau public, cela peut se faire par le biais de la

transparence publique (via, par ex., une charte sur le site web ou via un chapitre dédié à la

gouvernance dans le rapport annuel si ces supports existent). Pour ce qui est des aspects de

fonctionnement plus qualitatifs (la culture de gouvernance adéquate, l’attitude, le respect

des structures et procédures, les processus exacts), les administrateurs publics sont tenus de

prendre leurs responsabilités et cela par le biais d’une évaluation périodique critique des

pratiques de gouvernance.

Nous serions partisans dès lors

de l’élaboration d’un cadre qui

permettrait une application sur

mesure dans chaque organisation

Cette flexibilité implique de

rendre compte dans la

transparence de la manière et de

la mesure avec laquelle un

contenu sera ou non conféré à ce

cadre global en matière de

recommandations de

gouvernance publique

D’où la proposition d’instaurer

l’obligation du principe

‘appliquer ou expliquer’

(‘comply or explain’)

58

• Dans ce contexte, nous plaidons pour un screening et une évaluation périodiques du respect

de ces recommandations de gouvernance. Ce type d’évaluation doit être effectué au moins

au niveau de chaque organisation, par ex. sous la conduite du président du conseil

d’administration. Les pouvoirs publics devraient également envisager, sur base régulière

comme c’est le cas dans le secteur privé, une étude de monitoring évaluant la pertinence et

le respect des recommandations de gouvernance. A l’heure actuelle, il n’y a aucune forme

de macro-monitoring. Même une évaluation au niveau de l’organisation publique est encore

lettre morte dans le secteur public, à quelques exceptions près. La pratique dans les

entreprises cotées a démontré que la situation peut changer rapidement, moyennant la

sensibilisation nécessaire. Mais attention, investir dans une évaluation n’a de sens que si elle

est faite de façon professionnelle (une simple conversation ou un brainstorming à la fin

d’une réunion de gestion ne constitue pas un exercice d’évaluation !) et si les responsables

en tirent les leçons et agissent en conséquence.

• Une fois les choix d’un modèle de gouvernance opérés, les pouvoirs publics sont tenus en

principe, comme tout actionnaire de contrôle, au respect de ces structures et des règles du

jeu établies. Cela suppose un grand effort politique car les partis politiques raisonnent en

Dans ce contexte, nous plaidons

pour un screening et une

évaluation périodiques du

respect de ces recommandations de gouvernance

Une fois les choix d’un modèle

de gouvernance opérés, les

pouvoirs publics sont tenus en

principe, comme tout

actionnaire de contrôle, au

respect de ces structures et des

règles du jeu établies

Cela suppose un grand effort

politique

59

termes de pouvoir, une délégation de compétences étant synonyme de délégation de

pouvoir. D’où le plaidoyer en faveur d’une obligation du chef des pouvoirs publics de

rendre compte publiquement et de façon transparente, selon le principe ‘appliquer ou

expliquer’, conformément au code OCDE.

Comme il a été souligné dans l’introduction, la balle est (à nouveau) dans le camp des pouvoirs

publics. GUBERNA et ses 1.500 membres demande aux pouvoirs publics d’envisager sérieusement

le principe de bonne gouvernance dans les organisations publiques. Ce rapport a mis en évidence

que des choix importants s’imposent, afin d’établir un programme pertinent de recommandations

pour les organisations publiques. Cet exercice doit s’accompagner d’une recherche de la

méthodologie adéquate concernant la transparence et l’obligation de rendre compte. GUBERNA

souhaite, en tant que centre de connaissance de la bonne gouvernance, apporter sa contribution et

encadrer la réflexion à entamer à ce sujet. Nous espérons que ce rapport soit un premier pas dans

cette direction .

GUBERNA et ses 1.500 membres

demande aux pouvoirs publics

d’envisager sérieusement le

principe de bonne gouvernance

dans les organisations publiques.