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République du Tchad Novembre 2016 GOUVERNANCE CARCERALE AU TCHAD REGARD DE LA LTDH

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République du Tchad

Novembre2016

GOUVERNANCECARCERALEAUTCHADREGARDDELALTDH

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TabledesmatièresAVANTPROPOS.......................................................................................................................................2

I.INTRODUCTION....................................................................................................................................4

II.OBJECTIFSETMETHODOLOGIE...........................................................................................................6

II.1.Objectifs.......................................................................................................................................6

II.2.Méthodologie...............................................................................................................................7

III.FONCTIONNEMENTDEL’APPAREILJUDICIAIRE.................................................................................7

IV.LECADRELEGALSURLESPRISONSETDROITSDESDETENUS............................................................8

IV.1.Auniveauinternational...............................................................................................................9

IV.2.Auniveaurégional....................................................................................................................11

IV.3.Auniveaunational....................................................................................................................11

V.RESPECTDESLOISETCONVENTIONSENVIGUEURAUTCHAD..........................................................12

V.1.Lapopulationcarcérale..............................................................................................................12

V.2.Lasous-alimentation..................................................................................................................15

V.3.Lesystèmedesantédéfaillant...................................................................................................16

V.4.Lavétustédeslocauxetlesmauvaisesconditionsd’hygiène....................................................17

V.5.Lepersonnelnonqualifiéetensous-effectif.............................................................................18

V.6.L’absencedepolitiquederééducationetderéinsertiondesdétenus......................................18

V.7.Lesdifficultésd’accèsparlesONGenmilieucarcéral...............................................................19

V.8.L’absenced’unsystèmed’aidejudicaire....................................................................................19

VI.QUELQUESCASDEVIOLATIONDEDROIT........................................................................................19

VII.CONCLUSIONETRECOMMANDATIONS..........................................................................................23

VII.1.Conclusion................................................................................................................................23

VII.2.Recommandations...................................................................................................................23

ANNEXES...............................................................................................................................................26

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AVANTPROPOS

La Ligue Tchadienne des Droits de l’Homme (LTDH), l’une des plus vieilles associations de défense des Droits de l’Homme a de tout temps et ce, depuis sa création, consentie des efforts pour être plus proche des personnes détenues et surtout rendre compte de leur situation réelle.

A travers les communiqués de presse et lettres de dénonciation, l’association tente avec les moyens de bord de sensibiliser et surtout de dénoncer les abus à l’effet d’attirer l’attention des pouvoirs publics et des partenaires sur les violations graves des droits des personnes accusées à tort ou à raison d’être en conflit avec la loi.

Notre ambition est de pouvoir visiter un jour, la tristement célèbre prison de Korotoro en plein désert de notre cher pays pour nous assurer des conditions de vie et vérifier la régularité des multiples transfèrements des prévenus, des accusés ou autres condamnés jugés les plus dangereux. Là-bas, en effet, sont internés les terroristes, les auteurs ou complices de l’extrémisme violent et tous les autres criminels de la république.

Le Tchad, notre pays, garantit à ceux-là, le respect de leurs droits ou refuse à ceux, qu’il considère de bandits de grand chemin, les droits qui leurs sont pourtant reconnus du fait de leur appartenance à la race humaine en dépit de leurs crimes ou délits supposés ou avérés.

En attendant d’aller plus loin pour fouiner, nous avons décidé de regarder tout à côté, chez les Boudouma, les Kanembou, les Arabe et Gourane des régions du bassin du Lac Tchad, une zone en partie sous état d’urgence. Nous apprenons malheureusement que les droits des détenus sont massivement violés par ceux qui ont la charge d’assurer la sécurité des personnes et de leurs biens.

Notre conviction profonde est qu’il ne suffit pas d’être prisonnier pour perdre ses droits. Malheureusement, nous avons découvert avec stupéfaction les nouvelles méthodes de torture, absolument barbares et avions constaté sur les corps, le marquage au fer incandescent. Certaines victimes n’ont évidemment pas supporté la torture dont ils ont systématiquement fait l’objet et passent de la vie au trépas. D’autres traumatisées ou handicapées à vie garderont sempiternellement les séquelles.

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La question qui se pose en pareille circonstance est celle de savoir, si nos dirigeants sont au courant des calvaires de leurs concitoyens et qui doit faire cesser ces graves violations.

Le zèle militant est probablement une infraction pénale qui serait sanctionné par le Nouveau Code Pénal, adopté par le parlement tchadien en cette fin d’année. Mais, l’honneur de notre pays et l’obligation du respect de la dignité humaine nous obligent à interpeler sans égard ceux qui ont le pouvoir de faire changer les choses pour la grandeur de notre patrie.

Je tiens à remercier l’équipe de volontaires et tous ceux qui ont contribué à la réussite de cette mission combien dangereuse.

N’Djaména, le 28 décembre 2016

Me Midaye Guerimbaye

Avocat au barreau du Tchad

Président de la LTDH

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I.INTRODUCTIONLe rapport de mission d’observation des centres de détention faitconcomitamment, le constat sur un panel, certes infime, mais fortrévélateur,despolitiquespénalesetpénitentiairesmisesenœuvreparlespouvoirspublicsetl’étatdeslieuxdesconditionsdedétentionsetdegardeà vue observées dans les maisons d’arrêt de Moussoro, Bol, Mao etMassakory dans le centre ouest du Tchad et de Koumra au sud. Certainspostes de polices et des brigades de gendarmerie des lieux cités ontégalement été visités par l’équipe de la Ligue Tchadienne des Droits del’Homme(LTDH).LaLTDH,danslecadredesesactivitésavisitéceslieuxdedétentiondu19au 21 septembre 2016, puis aumois de novembre 2016, pour s’enquérirdesréalitéscarcéralesdansnotrepays.Elleadépêchédesmissionsdanslescentresdedétentionetmaisonsd’arrêtrespectifs:Moussoro,Bol,Koumra,Mao etMassakory en vue de vérifier le respect des conventions relativesaux droits des personnes détenues, signées par le Tchad, maisparticulièrement,lerespectdelaloiinterneportantrégimededétention.Leconstatestpartoutlemême:

ü Non-respectducodedeprocédurepénale;ü Surpeuplementdelapopulationcarcérale;ü Non-respectdel’hygiène;ü Gardeàvueprolongée;ü Détentionarbitraireetillégale;ü Violencesetvoiesdefait;ü Sous-alimentationoumauvaisealimentation;ü Perte ou confiscation des dossiers de procédure, pour ne citer que ces cas de

violationdesdroitshumains.

En effet, si l’incarcération est le processus par lequel les individus sontretenusparunorganismecarcéraltelqu’unservicecorrectionneldansuneprison, une institution de santé mentale, un centre de détention pourmineursoutoutautreétablissementcarcéralvisantàisolerlesdétenusdela société, il est évident que l’isolement, c’est-à-dire, la privation deslibertésasesrègles.Lesétatsenélaborantcesrègless’engagentconséquemmentàenassurerlerespectpartous.C’estlelieuderelevericiquecertainscentresdedétentionsont par moment livrés aux fournisseurs qui imposent leurs loisenfournissant l’alimentation aux prisonniers au gré de leur sentiment.D’autrescentressontabandonnésauxmainsdesrégisseursdecirconstancequi imposent leurs lois sans le moindre contrôle de la hiérarchie. Unedernière catégoriede ces lieuxest assimilableau centrede formation oud’initiation au grand banditisme, quand on sait que les stupéfiants, sinon

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des produits psychotropes y sont vendus ou consommés en touteclandestinitéparlesdétenus.Lagardeàvue,étantunemesureprivativedelibertéquiintervientaucoursde l’enquêtepréliminairedansuneprocédurepénale, lesconditionsdesamise en œuvre, de la détention des personnes en conflit avec la loi, descompétencesdesautoritésenchargede l’interpellation,de l’exécutiondestermesdemandatsontdéterminésparlaloi.Endépitdelarèglementationenvigueur,laduréede48heuresprévueparlaloiestloind’êtrerespectéeparlesservicespénitenciers.Iln’estdoncpasexagéré de relever que certains prévenus sont gardés à vue pendantplusieurs années sans être fixés sur leur sort. C’est d’ailleurs en violationdes dispositions de l’article 221 al1 du code de Procédure Pénale quidisposeeneffetque:«unofficierdepolicenepeutretenirunepersonneà sa disposition pour les nécessités de l’enquête préliminaire pendantplus de quarante-huit heures.Passé ce délai, la personne doit être ourelâchéouconduiteauparquet».Acetégard,ilimportedesouligneravecforce que les commissariats de police et brigades de gendarmerie desrégions visitées s’emploient à maintenir et pérenniser cette situationillégale. Les exemples illustratifs de détention préventive illimitée sontlégions.Leplussouvent,c’estenmilieururalquel’autoritéenl’occurrencele sous-préfet ou autres agents de commandement en charge del’application de la loi versent dans l’irrespect des règles de la détentionpréventive. Plusieurs cas témoignent le non-respect des textes sur ladétention partout et plus particulièrement dans les sous-préfecturesrurales, lescommissariatsdepoliceetà l’agencenationaledesécurité.Enoutre, la vie en milieu carcéral est très souvent caractérisée par desconditions d’hygiène inadmissibles, des traitements inhumains etdégradantsauxquelssontexposéslesprévenusetlescondamnés.L’universcarcéral se caractérise de manière drastique par le manque criard desressourceshumainesetmatérielles.Silaprisonatoujoursconstituéunlieude sûreté avant d’être un dispositif de redressement, les gouvernementschargés de mettre en œuvre les politiques pénales ont manqué à leurdevoir.

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II.OBJECTIFSETMETHODOLOGIE

II.1.ObjectifsLes visitesdans les lieuxdedétentionont constitué l’unedes activitésdesurveillance du respect des Droits de l’Homme en République du Tchadmenée par La LTDH pour la contribution aux respects du standarduniverseldesdroitsdespersonnesdétenuesouenconflitaveclaloi.

Le but de la présentemission est de s’assurer, d’unepart, du respect desprocédures légales d’arrestation et de détention, et d’autre part, desconditions de détention des personnes privées de libertés conformémentauxnormesinternationales,régionalesetnationales.

Sansprésumerlaréalitéounondessituationsévoquéesconcernantlaconditioncarcérale,lavisiteavaitpourobjectifsde:

1- VérifieràlalumièredelaloietdestextesinternationauxrelatifsauxrespectsdesDroitsde l’Hommeengénéraletdespersonnesdétenuesenparticulier,l’applicationeffectivedesloisetconventionsquiprotègentlesdétenusplacésdanslesmaisonsd’arrêt,lesbrigadesdegendarmerieetlescommissariatsdepolice;

2- S’assurerdurespectdesnormesrégissantlesconditionsmatériellesminimadans lesquelles lespersonnesplacées endétentiondoivent être incarcéréeslesquelles conditions tiennent aux principes de base qui font obligation detraiterlesdétenusavecdignitéethumanité;

3- S’informer quant au respect du délai de garde à vue, de la détention enapplicationdesdécisionsdejusticerégulièreoffranttouteslesgarantiesdeladéfenseet d’un procès juste et équitable ou tout autres actes judiciairesréguliersprisparlesautoritéscompétentesenlamatière;

4- Examiner les conditions de travail et de fonctionnement de l’appareiljudiciaire;

5- Rassembler lesélémentsdepreuvespouruneactiondeplaidoyeren faveurdelapopulationcarcéraleenRépubliqueduTchad.

6- Faire des recommandations sur le fonctionnement et laréforme/réhabilitationdusystèmepénitentiaireetaussidecertainsaspectsdusystèmejudiciairequiysontliésnotammentenmatièredejusticepénale.

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II.2.MéthodologieLavisitedesprisonsconstitue l’unedesmissionsdecontrôledurespectdesDroitsdel’HommemenéesparlesorganismesdesDroitsdel’Hommedeparlemonde.Ainsidonc,les activités réalisées sur le terrain ont permis à la LTDH de présenter la réalitécarcérale en République du Tchad. La problématique sur les solutions envisageablespour remédier aux problèmes récurrents rencontrés dans les établissementspénitentiairesauTchadaamenélaLTDHàmettreenplaceuneméthodologiedecollectededonnées.

Cetteméthodologieportesurdeuxphases:

La première phase se singularise par l’examen des normes nationales, régionales etinternationalesenvigueurauTchaddansledomainedesDroitsdel’Hommeengénéral,surlesconditionsdedétentionetlesdroitsdesdétenusenparticulier.

Lasecondephaseconcerneletraitementdesdonnéesrecueillies.Lapopulationmèreestconstituée respectivement des détenus, prévenus, autorités administratives etjudiciaires. Plusieursoutilsdecollectesontmisenœuvreenfonctiondespopulationscibles.Ilestfaitappeldemanièrespécifiqueauxfichesd’écoutepourcequiconcernelesanciensdétenus.

LeszonesdecouverturedecetteconsultationsontcirconscritesauxrégionsdeBarhelGazel,Lac,Kanem,Hadjer-LamisetdemanièrenonformelleauMandouletauMoyen-chari.

Leprésentrapportneprésentepasuneconfigurationexhaustive(photographie)delapopulationcarcéraledupays,maisrendcomptedemanière irréfutabledesconditionsdanslesquellesviventlespersonnesprivéesdelibertédanslesjuridictionsvisitées.

Ilconvientderappelerquec’estuneétudedescriptive,analytiqueettransversale,c’est-à-direquelerapportdécrit,analysesurlabased’unéchantillonreprésentatif,l’universcarcéral tchadiensoussesaspects lesplusdramatiquessansque lecitoyen lambdanesoitému.

III.FONCTIONNEMENTDEL’APPAREILJUDICIAIRE

Le principe de la séparation des pouvoirs judiciaires et exécutifs est consacré par laconstitution en vigueur au Tchad. Cependant, il est à noter que dans l’exercice de samission,lajusticeestobligéedefaireappelauxreprésentantsdupouvoirexécutifpourl’exécutiondesdécisionsdejusticeoutoutsimplementpourprêtermainforte.

Malheureusement, leconstatrévèlel’immixtionsouventflagrantedel’exécutifdanslesaffaires judiciaires. Dans certaines localités, c’est souvent, l’autorité, elle-même, quiusantdesonpouvoir«régalien»faitentraveparsesprisesdepositionousonrefusde

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collaborer à l’exercice dupouvoir judiciaire.Outre les détenusde la justice, on relèvedans certains centres de détention que des prisonniers sont mis aux arrêts par lesautorités administratives ou des agents véreux de la police politique. D’autres sontgardés à la justice sans le moindre dossier de justice. C’est le privilège absolu del’arbitraireabsolu.

Deprimeàbord, l’appareil judiciairedans lesrégionsduBarhelGazel,Lac,KanemetHadjer-Lamisfonctionnedansunenvironnementdesous-équipementquinepermetpasauxacteursdusystèmejudiciaired’êtreàlahauteurdeleurstâches.Cettesituationnepeutqueproduiredes impactsnégatifssur lagestiondesdétenusetdesprisonsainsiquesur lagestiondesaffairespénales.Les locauxet lespalaisde justicebâtispour laplupartdanslecadreduProjetdeRéformeetd’Appuià laJusticeauTchad,enabrégéPRAJUST,secaractérisentparlemanquecrueldemoyendetravail:unepaupérisationstructurelleaccrue.

LesprocureursdelaRépubliquesetsubstitutsenchargedelasurveillancedescentresdedétention,parfoissituésàdeskilomètresdespalaisdejusticeoudeleursrésidencesn’ontaucundemoyendedéplacement.Lesplusaudacieuxeffectuentlesdéplacementsàpiedsouàmotoprivée,d’autres jugeant lamissiondifficileoupérilleuseontbannideleurprogrammedetravaillavisitedeslieuxcarcéraux.

D’autrepart,certainscommandantsdebrigadeestimantàtortouàraisonn’avoirpasdecompte à rendre au Procureur de la République qui n’est pas toujours leur chefhiérarchique, s’emploient à faire leurs lois défiant ouvertement les magistrats sansmoyens administratifs de coercition. Par conséquent, la communication entre lesparquets et les différentes brigades de gendarmerie est teintée d’arrogance et dedéfiancepermanente.

Dans les juridictions visitées aucun des Procureurs de la République ne dispose devéhiculedefonctionpourassurerlasupervisiondesgeôles.

En somme, il est clair qu’en l’état actuel des choses, l’appareil judiciaire tchadienprisdans son ensemble n’est pas toujours enmesure de rapprocher les justiciables de lajustice en raison du déficit des moyens de travail et d’autres contingences liés aufonctionnementdéfectueuxdesservicespublicsdel’Étatetàlamauvaisegouvernance.

IV.LECADRELEGALSURLESPRISONSETDROITSDESDETENUS

Le cadre légal en matière des prisons et des conditions de détention concernel’ensembledesnormesouinstrumentsjuridiquesinternationauxdumentratifiésparleTchadetlalégislationnationaleenvigueur.

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IV.1.AuniveauinternationalLeTchadaratifiéunemyriadedetextesetaccordsinternationauxportantprotectionetpromotiondesDroitsdel’Hommetantsurleplaninternationalquerégionaletsedoit,àcetitre,deprendredesmesuresidoinespourenassurer lerespectetpromouvoirsonapplicabilité.EnassurantlaPrésidencedel’UnionAfricaineencetteannéedesDroitsdel’Homme, le Tchad doit en principe, montrer l’exemple en matière des Droits del’Homme.EntreautrestextesquilientleTchadnouspouvonsciter:

-LaDéclarationUniverselledesDroitsdel’Hommedu10décembre1948quiprévoiten son Article 9 que : "Nul ne peut être arbitrairement arrêté, détenu ni exilé".L’article10poursapartpréciseque:"Toutepersonneadroit,enpleineégalité,àceque sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunalindépendantetimpartial,quidécidera,soitdesesdroitsetobligations,soitdubien-fondéde touteaccusation enmatièrepénaledirigée contre elle".Enfin, l’article 11ajoute que : "Toute personne accusée d’un acte délictueux est présumée innocentejusqu’àcequesaculpabilitéaitétélégalementétablieaucoursd’unprocèspublicoùtouteslesgarantiesnécessairesàsadéfenseluiaurontétéassurées".

-LePacteInternationalRelatifauxDroitsCivilsetPolitiques

Adoptéetouvertàlasignature,àlaratificationetàl’adhésionparl’AssembléeGénéraledanssarésolution2200aliéna(XXI)du16décembre1966,lepacteprévoitàl’article9cequisuit:"Toutindividuadroitàlalibertéetàlasécuritédesapersonne".

Ledocumentindiqueeneffetque:

1.Nulnepeutfaire l’objetd’unearrestationoud’unedétentionarbitraire.Nulnepeutêtre privé de sa liberté, si ce n’est pour desmotifs, et conformément à la procédureprévueparlaloi.

2.Toutindividuarrêtéserainformé,aumomentdesonarrestation,desraisonsdecettearrestationet recevranotification,dans leplus courtdélai,de touteaccusationportéecontrelui.

3. Tout individu arrêté oudétenudu chef d’une infractionpénale sera traduit dans lepluscourtdélaidevantun jugeouuneautreautoritéhabilitéepar la loiàexercerdesfonctionsjudiciaires,etdevraêtrejugédansundélairaisonnableoulibéré.Ladétentiondepersonnesquiattendentdepasserenjugementnedoitpasêtrederègle,maislamiseenlibertépeutêtresubordonnéeàdesgarantiesassurantlacomparutiondel’intéresséàl’audience,àtouslesautresactesdelaprocédureet,lecaséchéant,pourl’exécutiondujugement.

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4. Quiconque se trouve privé de sa liberté par arrestation ou détention a le droitd’introduire un recours devant un tribunal afin que celui-ci statue sans délai sur lalégalitédesadétentionetordonnesalibérationsiladétentionestillégale.

5.Toutindividuvictimed’arrestationoudedétentionillégaleadroitàréparation.

L’article10complèteencesensqu’ilpréciseeneffetque:"1.Toutepersonneprivéedesalibertéest traitéeavechumanitéetdans lerespectde ladignité inhérenteà lapersonnehumaine".

«2. a) Les prévenus sont, sauf dans des circonstances exceptionnelles, séparés descondamnéset sont soumisàun régimedistinct, appropriéà leur conditiondepersonnesnoncondamnées;

b)Lesjeunesprévenussontséparésdesadultesetilestdécidédeleurcasaussirapidementquepossible.

3.Lerégimepénitentiairecomporteuntraitementdescondamnésdontlebutessentielestleur amendement et leur reclassement social. Les jeunes délinquants sont séparés desadultesetsoumisàunrégimeappropriéàleurâgeetàleurstatutlégal».

-Laconventioncontrelatortureetautrespeinestraitementscruels,inhumainsoudégradants

L'ayantratifiéeen2003,laRépubliqueduTchadfaitpartiedesÉtatsayantl’obligationderespecteretdefairerespectercetinstrumentquiprotègelesDroitsdel’Hommeengénéraletceuxdesdétenusenparticulier.L’article2decetteconventiondisposeque:«Tout État partie prend des mesures législatives, administratives, judiciaires et autresmesures efficaces pour empêcher que des actes de torture soient commis dans toutterritoire sous sa juridiction». Cette convention faitune interdiction strictede recoursaux pratiques ou traitements cruels, inhumains et dégradants. Malheureusement, lessévicescorporelssontsouventinfligésauxdétenussansdéfense.Ilamêmeétéconstatémortd’hommesuite aux tortures, notammentdans les locauxde l’ANSa Sarhdans laRégionduMoyenChari.

-Ensemblederèglesminimapourletraitementdesdétenus:

CesrèglesontétéadoptéesparlepremierCongrèsdesNationsUniespourlapréventiondu crime et le traitement des délinquants, tenu àGenève en 1955 et approuvé par leConseil Économique et Social dans ses résolutions 663C (XXIV) du 31 juillet 1957 et2076(LXII)du13mai1977.

Danssesobservationspréliminaires,cetinstrumentdebaseprécisecequisuit:

«1.Lesrèglessuivantesn'ontpaspourobjetdedécrireendétailunsystèmepénitentiairemodèle.Ellesnevisentqu'àétablir, ens'inspirantdesconceptionsgénéralementadmisesdenos joursetdesélémentsessentielsdes systèmescontemporains lesplusadéquats, les

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principes et les règles d'une bonne organisation pénitentiaire et de la pratique dutraitementdesdétenus.

2.Ilestévidentquetouteslesrèglesnepeuventpasêtreappliquéesentoutlieuetentouttemps, étant donné la grande partie des affaires sont gérée par des gendarmes, sous-préfetsetpréfetsillettrésouanalphabètesabribusjuridiques».

IV.2.AuniveaurégionalLa charte africaine desDroits de l’Homme et des peuples du 27 juin 1981, entrée envigueurle21octobre1986,estledocumentderéférence.Cedocumentcoercitifquifaitautorité dans la région Afrique dispose un certain nombre des droits en faveur de lapopulationcarcéralequ’aucund’Étatnesauraitvioler.

L’article 4 de la Charte indique en effet que: « la personne humaine est inviolable.Toutêtrehumainadroitaurespectdesavieetàl’intégritéphysiqueetmoraledesapersonne.Nulnepeutêtreprivéarbitrairementdecedroit.»

L’article5:«Toutindividuadroitaurespectdeladignitéinhérenteàlapersonnehumaine et à la reconnaissance de sa personnalité juridique. Toutes formesd’exploitation et d’avilissement de l’homme, notamment l’esclavage, la traite despersonnes, la torture physique ou morale, et les peines ou traitements cruels,inhumainsoudégradantssontinterdites.»

L’article6:«Toutindividuadroitàlasécuritédesapersonne.Nulnepeutêtreprivédesalibertésaufpourdesmotifsetdansdesconditionspréalablementdéterminéesparlaloi;enparticulier,nulnepeutêtrearrêtéoudétenuarbitrairement».

IV.3AuniveaunationalLa législation tchadiennen’est pas du reste. Les libertés et les droits sont garantis aucitoyenetprotégésparlaconstitution,maisaussi,pardesloisparticulières.

-Laconstitution

La constitution tchadienne adoptée par referendum du 31mars 1996 énonce en sonarticle 18 : « Nul ne peut être soumis ni à des sévices ou traitements dégradants ethumiliantsniàlatorture.»Al’article21,ilestprévueneffetque:«Lesarrestationsetdétentionsillégalesetarbitrairessontinterdites».L’Article25indique,poursapart,que:«lapeineestpersonnelle,nulnepeutêtrerenduresponsableetpoursuivipourunfaitnoncommisparlui.»

Lesdroitset libertésconstitutionnellementgarantis, sontdéfinisouprécisésà traversunarsenaljuridiqueallantducodepénalaucodedeprocédurepénalejusqu’auxtextes

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spécifiques régissant l’organisation et le fonctionnement des établissementspénitentiaires.

V.RESPECTDESLOISETCONVENTIONSENVIGUEURAUTCHAD

Les visites des lieux de détention ont pour but de vérifier le respect des normesrégissantlesconditionsdanslesquelleslespersonnesplacéesendétentiondoiventêtreincarcérées. Conditions qui reposent essentiellement sur un principe de base :«L’obligationdetraiterlesdétenusavecdignitéethumanité».

Ce principe oblige au respect des règles minimales en matière de séparation descatégories de détenus, de locaux de détention, d'hygiène, d'alimentation, de soinsmédicaux, d'information des détenus sur leurs droits, de discipline, de punitions, decontactetdecommunicationaveclemondeextérieur,etc.

La LTDH estime que les conditions de détention n'ont pas connu d'avancée majeuredanslesrégionsvisitées.Ilenrésultequel'objectifcardinaldeprotectiondelasociétéparlespouvoirspublicsrestedansnotrepays"uneutopie".

V.1LapopulationcarcéraleLapopulationcarcéraletotaleenregistréedansles4prisonss’élèveà709individus.

Tableaun°1:Distributiondesdétenusparprison

Juridiction Détentionpréventive Condamnation Total %

Bol 53 25 78 11,00Mao 35 30 65 9,17Massakory 20 60 80 11,28Moussoro 219 267 486 68,55Total 327 382 709 100%

La population carcérale est de 709 individus, ainsi répartis en fréquences relatives :46,12%détentionpréventiveet53,88%condamnation.

Ilconvientdesoulignerque68,58%decettepopulationsontlogésàlamaisond’arrêtdeMoussoro.Lasurpopulationcarcéraleestlaconséquenceimmédiatedestransfèrementsparfoisillégauxdesprévenusdontlesdossierssontencoursd’instructionàN’Djaména.Le transfertdesdétenus et lemanquede suividesdossiers rend impossible l’atteintedes objectifs assignés conformément aux normes et standards internationaux en lamatière.

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A titre d’exemple, la Maison d’arrêt de Moussoro, l’une des 4 plus grandes prisons,accueilledescondamnésetprévenusdetouslestribunauxdeGrandeInstancerelevantdu Parquet Général près la Cour d’Appel de de N’Djaména, notamment TGI Bol, MaoMassakory. Il en va de même pour certaines juridictions situées au-delà du ressortterritorialdelaCourd’AppeldeN’Djaménaqui,àtraversdescondamnations,renvoientlesdélinquantspourpurgerleurspeinesàMoussoro.

Ensomme,lesinformationsrecueilliesrévèlentqu’enfinjuillet2016,c’est-à-direavantla remisecollectivedespeines, laprisondeMoussorocomptait673détenusdont187ontbénéficiéderemisesdepeinecollectives.

Endatedu19septembre2016,ilnousaétédonnédedénombrer486détenusainsirépartis:267condamnésparmilesquels4mineurs,265prévenustransférésdeN’Djaménaentre2008et20015.

Mêmesilecodepénaletdeprocédurepénalenefixentpasundélaipourl’instruction,iln’estpasjuridiquementadmisdedétenirenpréventiveunedécennied’annéesenviron(cf.:tableaun°1).

Comptetenudemauvaiseconditionsdetravailnousn’avonspaseuaccèsàcertainessourcespourpouvoirétablirl’exactitudedelasituationdel’ensembledesdétenuspréventifs.Ilconvientdereleverquesur265détenuspréventivesnosavonsprocédéàlasourcealavérificationde150cassoit56,60%.

Tableaun°2:RépartitiondesdétenuspréventifsdelaMaisond’ArrêtdeMoussoroparannéedetransfèrement.

Année 1ercabinet 2èmecabinet 3èmecabinet 4èmecabinet 6èmecabinet Total

2008 2 - 6 - - 8

2009 4 6 1 1 - 12

2010 3 4 4 2 - 13

2011 10 23 9 5 - 47

2012 2 4 8 3 - 18

2013 - 3 4 10 1 18

2014 - 11 15 8 1 35

Total 21 51 47 29 2 150

150détenuspréventifsontétéenregistrésàMoussoro,toutcabinetconfondu.Cependant,ilfautnoterque53,33%decesprévenusproviennentdetransfèrement

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entre2008et2011.Les3èmeet4èmecabinetsdétiennentlerecorddedétention,soit65,33%.

Tableaun°3:Distributiondesdétenusparnaturedeproblème

Natured’infraction 1ercabinet 2èmecabinet 3èmecabinet 4èmecabinet TotalAtteinteàladestructiondelanature

1 2 3

Assassinat 2 1 3 1 7Associationdesmalfaiteurs 9 11 18 6 44Attentatàlapudeur 1 1CBVHV 1 1CBVM 1 9 8 18Complotavortement 1 1Détournementmineur 1 1Fauxencontrefaçon 1 1Fauxetusagefaux 2 3 5Incendievolontaire 3 3Homicidevolontaire 1 1Meurtre 1 7 9Tentativedeviol 1 1Viol 4 10 7 4 25Vol 1 5 4 3 13Volaggravé 1 1 3PMI 1 4 5RAFAT 2 2Séquestration 1 1Tentatived’assassinat 1 1 2Homicidevolontaire 1 1ND 1 1 2

Total 22 50 47 29 150

Il sedégagedece tableauque29,33%dedétenussontaccuséspour«associationdesmalfaiteurs»,12%pour«viol»et16,67%pour«CBVM».

Alalecturedestableaux1et2,forceestdeconstaterlesélémentsdominantssuivants:

ü Détentionpréventiveàduréeindéterminée;ü Lenteurexcessivedanslagestiondesdossiersd’instruction;ü Manque de suivi des justiciables en conflit avec la loi par l’inspection et la direction

généraledesdroitsetdeladirectiond’accèsaudroit;ü Abandon ou désintéressement des détenus par les conseils ou les parents du fait de

l’éloignementoudedifficultésd’accès;ü Absencetotaled’unebasededonnéfiabledesdétenues.

Ilfautsouligner,parailleurs,quenombrededétenussontsanscontactavecl’extérieuretpassentroyalementdesannéesendétentionsansavoir lamoindrenouvellede leurfamille ni savoir avec exactitude l’état d’avancement de leur dossier. Mieux, le nonrapportdudétenuetl’universexogèneconstitueunedramaturgiesanspareil:

«En effet en plaçant des individus poursuivis ou condamnés dans des centres dedétention difficiles d’accès, l’État a délibérément choisi de violer les droitsélémentaires de ces derniers. L’absence de mécanisme de communication entre

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détenuset familles,détenusetavocatetparfoisavec le jugeenchargedudossier,pose de manière brutale la question du respect du principe de la présomptiond’innocenceetl’exigencedurespectdesdroitsdespersonnesdétenues».

V.2.Lasous-alimentationS’agissant de l’alimentation, il faut relever que des efforts sont consentis par lespouvoirspublicspourassurerauxdétenusdeMoussorounealimentationacceptable.Alafindechaquemois,unedotationenquantitésuffisantederiz,huileetsucrearriveetdes condiments sont aussi assurés. En revanche, la mission n’est pas en mesure decertifier la qualité de la nourriture servie, encore moins de sa quantité réellementprestéeàtempsetselonlesbesoinsdechaquedétenu.

Ilaétérelevéeneffetquelesprisonniersbénéficientdedeuxrepasparjour:haricotaupetitdéjeuné,pâtecommunémentappeléeboule,oulerizl’après-midi.

SilesdétenusdeMoussorobénéficientdecequ’ilconvientd’appelerfaveuralimentaire,d’autresprisonniers sont souvent soumis à rude épreuve et ne sont alimentésquedemanièretoutàfaitaléatoire,end’autrestermesàlamercidu«bondieu».LesMaisonsd’ArrêtdeMaoetBoldétiennent lapalmed’orenmatièredeprivationdenourriture.Pourdesmotifstoutàfaitmercantilistes:lesfournisseurs«patentés»refusentdelivrerlesvivresauxdétenusenraisondefacturesimpayéesdel’État.

A titre d’illustration, depuis septembre 2016, Souleymane Chow, fournisseur de laMaisond’ArrêtdeMaoattend lepaiementde ses factures. Somme réclaméeà l’État :15.286.700 CFApour les vivres effectivement livrés et1.300.000 frsCFAau titredefrais de réfection du vieux bâtiment servant de Maison d’Arrêt et le mur de clôtureécroulé pendant la saison pluvieuse.Les détenus souffrent de malnutrition et senourrissentgrâceàlabonnevolontéduProcureurdelaRépublique.

Les raisonsavancéespar les fournisseurs résultentd’uneéquation simpleet cynique:«l’État=mauvaispayeur!»Iln’honoreplussesfactures.

Alamaisond’arrêtdeBolendatedu4novembre2016,lefournisseuralivré3sacsdecéréale sur insistance du régisseur qui a fait preuve d’imagination sans communemesurepouréviterlepireauxprisonniers.L’Étatdoit,eneffet, aufournisseurBrahimMahamat la bagatelle somme de20.000.000 frs CFA correspondants aux différentesfacturesnonréglées(cf.tableaun°4).

Par ailleurs, une pratique devenue tradition institutionnelle attire indubitablementl’attention.Eneffet,danslescommissariatsdepolice,lesgendarmeriesetautreslieuxdedétention,cesontplutôtlesparentsquivolentausecoursdesprisonniersenfournissantauquotidienleurpitanceetceciàlahauteurdeboursesfamilialesoupouvoird’achat.Silasolidaritémécaniqueinterdétenusnejouepas,nombredeprisonnierspassentleclairdeleurjournéesansmettresousladentunecacahuète(madawa).Pluscyniqueencorelaremisedurepasparlesparentssemonnaie.Ilestimposéauparentporteurderepas

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deverserunesommed’argent,àcoursévidemmentvariable,pouravoiraccèsaudétenu.Forcesde l’ordre,gardiensdesprisonssontpassésmaîtresdansce trafic indigne.Unepratique quasi légalisée (systématisée au vu et au su de tout le monde) à la Maisond’ArrêtdeN’Djaménadanslamesureoùunpostedecontrôleestspécialementérigéparlesgardiensdeprisonprélevantsystématiquementunesommeforfaitairede500francsautitrede«droitdevisite».

Tableaun°4:DettesdesMaisonsd’ArrêtdeBoletdeMaoparannée(enfrsCFA)

Fournisseur Maisond’arrêt Année Cumuldesimpayés2007–2009 2014 2015 2016

SouleymaneChow Mao 3.373.000

2.759.800 1.379.400 7.774.500 15.286.700

BrahimMahamat Bol 2.500.000 5.600.500 3.221.000 9.271.500 20.593.000

Souleymanen susde la facturedesprovisions réclamed’autres factures relatives à laréfectiondutoitdelaMaisond’Arrêtécrouléenpleinesaisonpluvieusecombinéeàlaconstructiondumurservantdeclôtureégalementécoulédûàl’intempérie.

Quant au fournisseur deMassakory, au – delà de sa volonté de continuer d’offrir sesprestations, ses menaces deviennent plus en plus nettes, en termes de cessationd’activitéscontreproductives.

En laissant lesdétenus à lamerci des fournisseursdont la logiquen’est autreque lescalculsd’intérêt,l’Étatexposegratuitementlesvieshumainesetmarquelepeud’égardvis-à-vis des conventions librement ratifiées. La solvabilité de l’État étant garantie lesprétextes liés à la tension de la trésorerie ne peut tenir quand on sait que les régiesfinancièresdesrégionscitéessontpourlemoinsflorissantesenraisondel’intensitédeleursactivitésdouanièresrespectives.

V.3.LesystèmedesantédéfaillantEnmatière de santé, les normes sont loin d’être respectées. Il a été remarqué que lasanté des détenus est extrêmement déplorable liée aux manques de soins médicauxadéquats. Les détenus gravement malades devraient en principe bénéficier d’untransfert immédiat vers un centre hospitalier le plus proche. Dans la réalité, cetteréférencefaitl’objetsouventavecunretardpréjudiciable.

Exceptée, la Maison d’Arrêt de Moussoro, les autres centres ne disposent d’aucunestructure sanitaire idoine. Cette Maison d’Arrêt, abritant plus de 400 prisonniers,enregistreautitrederessourcehumaine:1seulIDE(InfirmierDiplôméd’État)assistéd’1 secouriste. La promiscuité de ces pensionnaires les expose aux potentialitésd’épidémiesoudepathologiesgraveset létales.Lesressourcesmatériellesnesontpasenreste.L’infirmerien’existequedenom.

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A laMaisond’ArrêtdeBoletdeMao, lescénarioestpire.L’onn’enregistremêmepasl’ombre d’un secouriste. Quand survient la maladie les victimes sont conduites àl’hôpital,àlaconditiondesefaireenregistrerplutôtunjourouvrable.

La situationestparticulièrementdifficilepourdesdétenusallogènesquinedisposentpasdeparents oud’amispouvant leur apporter assistance. Ladéfaillancede l’État enmatièredepriseenchargedecettecatégoriedesprisonniersestdespluscruelleencoreoulacunaires’agissantdesituationclinico-pathogène.

Lecontexteestloind’êtremeilleurenmatièredesantédanslesmilieuxcarcéraux:ü AbsencetotaledevisitesmédicalesdèsdeleuradmissionàlaMaisond’Arrêt.ü Absencedesuivimédicaldesdétenus.

En2015, 3décès survenus suite à lamaladie ont été observés à laMaisond’Arrêt deMoussoro.Lescausesdecesmortsnesontpasmentionnées.

V.4.Lavétustédeslocauxetlesmauvaisesconditionsd’hygièneLes normes internationales mettent l’accent sur les conditions à respecter en ce quiconcerne respectivement l’hébergement des détenus dans les locaux de détention etl’hygiène.

Ilfautsoulignerqu’endehorsdelaMaisond’ArrêtdeMoussoro,touteslesprisonssontenmauvaisétat.Certainesd’entreellessesont,dansunpassérécent,écrouléessouslepoidsdel’âge.Desbâtimentsconstruitspendantlapériodecolonialeoudansleannées60 servaientde campsdepassage.Transformés sommairement en lieuxdedétention,cesbâtiments,dignesde favélas,méritentd’êtreréfectionnés,aménagéspourrecevoirentoutedignitélespersonnespoursuiviespouratteinteàlaloi.

Conformémentàlanorme:«chaquemaisond’arrêtdoitcomprendre2quartiersdistinctssuivantlegenredeviedesprévenus».

LesMaisons d’Arrêt de Bol,Mao etMassakory sont des vieilles bâtisses enmatériauxlocaux et servant des bureaux administratifs datant d’avant 1970 aménagés pour lacirconstance: accueil des détenus. Aussi, en raison de leur vétusté, les conditionssécuritairescompromises,nonrempliesexacerbentoufavorisentlesrisquesd’évasions.

Pour rappel: 22 juin 2016 aux environs de 19 h45mn, une évasion spectaculairemassive des détenus de la Maison d’Arrêt de Bol s’est soldée par des conséquencesgraves.Letableauci-aprèsrendcompted’unbilanimportant.

Tableaun°5:ÉvasiondelaMaisond’ArrêtdeBolenjuin2016

Nature EffectifBlessés 6Morts 2Retrouvés 3Disparus 23

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Notonsquesuiteàcetteévasion, BrahimIbnBrahim,âgédeplus50ans,polygameetpère de plusieurs enfants est arrêté et détenu en lieu et place de son fils évadé,originairementcondamnépourcrime.Cettedétentionarbitraireaétédénoncéepar laLTDHetauxdernièresnouvellesnousapprenonslalibérationdeBrahimetce,après7moisdedétention.

Parailleurs,danslescommissariatsdepoliceetBrigadesdegendarmeriequi,detempsàautre,setransformentaussiàcertainesoccasionsenMaisonsd’Arrêt,lesgardésàvueet les détenus passent des nuits à même le sol insalubre avec des vêtements nonappropriésdansunenvironnementmalsain,infecte,exposésauxodeursnauséabondesd’ordures et d’urine depuis l’entrée des cours, faute d’installations sanitaires. Onobserve une illustration concrète du mépris de la dignité humaine et de la perte del’intimité.Cequipoussed’aucunsàsoutenirl’idéeselonlaquellelesêtreshumainssontmoinsbientraitésquelesanimauxdanscettecontréedupays.

Danslescentrescarcérauxauniveaudebrigade,l’omniprésencedelasaletéestvecteurde plusieurs maladies de la peau, de la prolifération du paludisme et des maladiescontagieusestellequelatuberculose. Ils’agiteneffetde latorturemoraleetphysiquedont le but ultime est d’amener au plus vite le détenu à consentir au paiement deslourdesamendesextralégal.

V.5.Lepersonnelnonqualifiéetensous-effectifLa question de qualification du personnel et le sous-effectif des agents del’administrationpénitentiairedans laMaisond’ArrêtdeMoussoro,MaoetBol seposeavecacuité.Cesproblèmessontsingulièrementimputablesausous–effectif,austatutdupersonneletaumanquedeformationadéquate.

Ilestàpréciserquedemanièregénérale,lesrégisseurssontdescorpsdelapoliceoudelagendarmerie. Illustronscesous–effectifnotoireparl’exempledelaMaisond’Arrêtde Moussoro qui est l’une des 4 plus grandes du pays. Elle compte 1 régisseur,commandant de police, assisté de: 2 adjoints gendarmes, 1 Maréchal de Logis et 1MarechaldeLogisChef.Lasécuritéestgéréepar1chefd’unitédesécuritéassistéde12éléments.

Demême,danslesautresmaisonsd’arrêt,ondénombre1seulspécialisteensociologie,psychologie et en psychiatrie. Elles contiennent plus les agents de force publique. Lemanquedematérieldetravailenestd’autantplusaiguquelesous–effectifestaccru.

V.6L’absencedepolitiquederééducationetderéinsertiondesdétenusLasituationdel’universcarcéralestpourlaLTDHunequestiond’intérêtgénéral.Iln’estpas de politique de réinsertion sociale, de l’éducation et de l'emploi. Cela signifie quesansuneréinsertionprofessionnelleréussie,cesdétenusconstituentundangerpourlasociété.

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Or, le ministère en charge de l’administration pénitentiaire doit être en mesured’apporteruneréponseadaptéeauxdemandesd’emploidesdétenus,enleurproposantparexemple,uneactivitéadaptéeàlaformationreçueenprison.

V.7Lesdifficultésd’accèsparlesONGenmilieucarcéralC’estauméprisdel’article9delaCharteAfricainedesDroitsdel’HommeetdesPeuplesquigarantitledroitàl’informationetl’accèsauxsourcesd’informationsquelesONGdedéfenses des droits et les conseils n’y s’intéressent. A part, la CICIR qui apporte desassistances aux détenus en produit d’entretien et d’hygiène, quelques nattes enplastique, aucune autre ONG humanitaire ne se manifeste. Nombre des détenus sontmême ignorés de leurs conseils. Par conséquent, il y a une absence totale pour lesdéfenseurs desDroits de l’Homme d’accéder aux centres carcéraux afin de s’enquériraveccertitudedelasituationdespersonnesprivéesdeliberté.

V.8L’absenced’unsystèmed’aidejudicaireAuseinduMinistèredelaJusticeetdesDroitsdel’Hommeexiste2directions:

ü LaDirectionGénéraleduDroitdel’Homme;ü Ladirectiond’accèsaudroit,l’assistancejudicairequiseraituninstrumentutile

auservicedesdétenusprésentantuneprécaritéextrême.Malheureusement,ces2directionssouffrentdemanquedeprestationauxdémunis.

Les victimes démunies sont incapables de bénéficier des services d’un avocatgratuitementetpassentplusdetempsenprisonsansqueleurcasnepuisseconnaîtredes avancées. Il n’existe pas de défenseurs judiciaires publics, de centres ou servicespourinformerlescitoyenssurleursdroitsetsurlesprocéduresjudiciairesoudesfondspoursoutenirlecoûtdesProcédures.

Lalecturedutableaumontredéjàunmanquedesuividesjusticiables1,2,3

VI.QUELQUESCASDEVIOLATIONDEDROITL’état d’urgence instauré par le gouvernement dans le cadre de la lutte contre leterrorismedanslebassindulacaétésaluéparlespopulationslocales.Lespopulationsont, par ailleurs, activement contribué à divers niveaux dans la lutte, car la paix et lasécurité ne sont pas seulement une mission des gouvernants, mais aussi de couchessociales.

Le 3ème trimestre de l’année 2016 a été marqué par un grand nombre d’actes deviolationetd’abusd’autoritésurl’ensembledelarégionduLac.Lesautoritésenchargede la sécurité sous prétexte d’appliquer les mesures de sécurité imposées par l’étatd’urgence ont fait preuve de brutalité à l’égard des populations qu’elles sont censéesprotégées.

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Ce sont des cas de traitements inhumains et dégradants interdits par les conventionsinternationalesetlesloisnationalesnotammentlaconstitutionqui,ensonpréambule,ditquetoutepersonneadroitàlavieetàl’intégritéphysiqueetmorale;elledoitêtretraitéeentoutecirconstanceavechumanité;enaucuncas,ellenepeutêtresoumiseàlatorture,àdespeinesoutraitementscruels,inhumainsetdégradants.

Lesentretiensquenousavonseusavecquelquesdétenusàlamaisond’arrêtsdeBoletchefsdecommunautémontrentquelesautoritéscivilesetmilitairesdérogentàlarègle.La mission n’a pas pu enregistrer tous les cas de violation de droits fondamentauxcommise par les forcesmaintien de la sécurité dans le cadre de la lutte contre BokoHaram,nil’ensembledescasd’abusd’autorité.

Quelques détenusde laMaisond’Arrêt deBol et 1 chef d’une communauté rencontrétémoignent.

UnchefduvillagedanslecantonBol,sous-préfectureruraledeBoldéclarequedanssonvillage,àl’initiativedesmilitairesbasésaupostedeCollomdansl’iledulacàleurtêteColonel Fatimé les ont soumises «à la torture, à des peines et traitements cruels,inhumainsetdégradants,souslachaleuravantdepayerdesamendespécuniairesetbiens.SousprétextedegarderdesbiensappartenantàceuxquisontpartisaurangdelasectedeBokoHaram»,lireletableauci-dessus.

Tableaun°6:Situationdeviolationdanslevillageparlesforcesdesécurité

N° Nometprénoms Bovinsrécupérés Espèces(frsCFA)

01 SouleymanAbdou 7bœufs 50.000

02 AssaneMalloumManni 2bœufs 40.000

03 MadouLeyda 2bœufs Amendenonversée

04 AbdouBacoumi 3vaches 40.000

05 MoussaSaleh 5bœufs Amendé

06 KindyAbdou 2bœufs

07 MoussaTaher 2bœufs

08 ElhadjiMadou 500.000

09 ElhadjiMalloumBomi 1bœuf 20.000

Total 24 650.000

A Ngouri, toutes les victimes rencontrées se plaignent du comportement des garde-corps du préfet: 2militaires appuyés par les propres cousins du préfet. Ces derniersintimidentet fontdesperquisitionsaudomicilesansmandat.LePréfetdans l’exercice

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deses fonctionsd’administrateurcivilnepeutseservirdesesparentscivilsarmésoudes militaires pour assurer sa protection. En principe, la protection des autoritésadministrativesest,selonlaloi,assuréeparlapolice,lagendarmerie,lagardenationaleetnomade.

Unevictimetémoignequ’aucourantdumoisoctobre2016,auxenvironsde20h30,lepréfet accompagné d’un de ses cousins informateurs tient au respect un citoyen qu’ilaccuse de posséder de la drogue. Alerté par les cris de détresse, tout le village s’estmobiliséautourdesonchefpourvolerausecoursdelapersonneagressée.Lesfouilleseffectuéessurleprétendupossesseurdedroguesesontavéréesinfructueuses.

Quelques semaines plus tard, il fut repris par le Commandant de la Brigade deRecherchedeNgouri,puisconduitchezlepréfetavantd’êtretransféréàlajusticeàBoloùilestplacéendétention.

Unesecondevictime,SieurAssaneMoussaHabitantducantonDjiddaracontequ’àsonabsence,leCommandantdelaBrigadedeRecherchedeNgouriaeffectuéunedescenteàsondomicilesousprétextederechercherde ladrogue.Aprèsunefouillesystématiquedesamaison,leCBRn’ayantrientrouvéd’interdit,aenlevélafemmed’Assanequiavaitpourtant3enfantsmineursàcharge.Leresponsablede lagendarmeriea,parailleurs,faitmainbassesurlamotoainsiqu’iladépossédél’épousedelasommede5.500frsCFAainsiqued’untéléphoneportable.Pourlibérerlafemme,unerançonde320.000frsCFAfutpayée.

Moussa a payé une importante somme d’argent contre sa libération qu’il n’obtiendrapas. Ses biens, entre autres, couvertures, tapis et téléphones, ont été saisis. Aprèstorture,Moussaaétéplacésous-maindejusticeetcroupiàlaprisondeBol.

Uneautrevictimes’appelleAhmatIssaMoussa.Éleveurnomadedesonétat,âgéde25ans,mariéetpère4enfants,ilaétéarrêtéauxenvironsde20heuresdanssonferrick,non loindeGuarangoudans lasous-préfectureruraledeBolpar6 jeunesàbordde3motos. Il est par la suite conduit au village Ngoumsal dans le canton djiddada sous-préfecturedeNgouri,oùlesattendaientl’InspecteurForestierdeNgourietleChefdelaBrigadeMobildeProtectiondel’environnementdelacirconscriptionKanem–Lac.

Ahmat IssaMoussa est accusé de détenir illégalement une arme de guerre et surtoutd’avoirblesséunegazellequisuccomba3joursdesuitedeblessures.

S’agissantdelatorture,lavictimerévèlequesesbourreauxontintroduitentrelacuisseet lemollet un petit verre duralex. Une corde est passée entre la cheville et la jamberepliéesurlacuisse.Enserrantlacorde,lavictimeressentunedouleuratroceetavoueou reconnait les choses qu’il n’a jamais commises. Après cette première scène, il futconduitenpleinebrousse,puisattachélesdeuxbrasàunarbrepoursubirdescoupsdecrosseetchicotependantplusieursheuresd’horloge.Abandonnéentrelavieetlamortaprèsdesévicescorporels,ilseraparlasuiteconduitaudistrictsanitairedeNgouri,àlacharge de sa famille, puis déposé à laMaison d’Arrêt de Bol. Vu l’état de sa santé, le

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régisseursetrouvedans l’impossibilitéde legarder, il futconfiéaureprésententde lacommunautéArabedeBathaàBolpourletraitement.

Laversiondes faitsselon l’InspecteurForestierDépartementaldeWayibaséàNgouriest la suivante: l’inspecteur, a été alerté par les habitants du village Bottou dans lecanton djidda qui déclarent que 3 éleveurs nomades arabes ont tiré et blessé unegazelle, mais que ces derniers n’ont pas emporté l’animal blessé. C’est ainsi qu’il adépêchésesélémentsquiontpurattraperlesauteursdanslecantonNguarangouprèsde Bol. Selon l’inspecteur, les éleveurs sont armés d’une AKM et sont sur 3 chevaux.Interrogésurlestortures,ildisaitqu’ilreconnaitquelesélémentsdelabrigademobileontconduittardlanuitenbrousse,maisaucundesesélémentsn’aportéunseulcoup,s’ilesttorturésesontlesélémentsdelabrigademobilequiseraientresponsables.

Pourlui,ilreconnaitavoirproduitunrapportadresséaupréfetdeWai‘(Ngouri).

Enraisondutempsimparti,relativementcourt,lamissionatiréunéchantillondepénitencierssurlabased’unchoixraisonnépourl’entretien.

Endéfinitive,laLTDHattirel’attentionsurlesélémentsmajeurssuivants:

-Surlesarrestations :ellessontsouventarbitrairesetgénéralement lesdispositionsducodedeprocédurepénalenesontpasrespectées.Cequi justifie lecaractère illégaldes arrestations auxquelles se livrent les officiers de police judiciaire et les autoritésadministratives,ainsiquelerecourssystématiqueauxamendesarbitraires;

-Surledélaidedétentionpréventive:lesdélaisdegardeàvuede72heuresprévuspouruneenquêtepréliminairenesontpassouventrespectés.Lesindividuspassentdessemaines,voiredesmoisetsinonprèsdedixannéesengardeàvue.

-Surleslieuxdedétention:demanièreconstante,certainscommissariatsdepoliceetbrigadesdegendarmeriesonttransformésenmaisond’arrêt.Demême,certainscentresde détention de fortunes sont de véritables cadres de torture et de traitementinhumains,tenuspardesservicesquinesontnullementinvestisparlaloi,despouvoirsdegarderàvue.

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VII.CONCLUSIONETRECOMMANDATIONS

VII.1.ConclusionLe présent rapport présente le bilan d’une politique carcérale et administrativeinadéquate,voireinacceptable.LeconstatdresséparlaLTDHdansles4régionsfaitétatdeviolationsgravesdesdroitsfondamentaux,auregarddesobligationsincombantauxautoritéspubliquesdeprotégerlespersonnesdétenuesenparticulieretlescitoyensengénéralcontretouttraitementinhumainetdégradant,enapplicationdesrèglesdedroitinternational,régionaletmêmenationalapplicablesenlamatière.

Ledroità lavieet ledroitd’être traitéavechumanitéetdignité fontpartiedesdroitsinaliénablesquiméritentd’êtrerespectésentoutescirconstances.L’Étattchadien,pourseconformerauxengagements librementconsentisa tout intérêtà investirdavantagepourunemeilleurepolitiquedegestiondesprisons,demaintienl’ordrepublicetdelapromotiondel’hygièneenmilieucarcéral.

LestravauxdeconstructionetderéhabilitationdesprisonsdoiventêtreuneprioritéduMinistèrede la Justicepourgarantiruneréelleaméliorationdesconditionsmeilleuresdeviedespersonnesdétenuesdansunenvironnementsain.

L’État se doit de prendre des mesures pour assurer le respect des conditionsd’admission et de séjour enmilieu carcéral et d’élaborer des règles claires s’agissantnotammentdespersonnescompétentespourordonnerourecevoiren,milieufermé,despersonnesprétendumentenconflitavecleslois.

VII.2RecommandationsLaLigueTchadiennedesDroitsdel’Hommerelèvelesgravesviolationsdesdroitsdespersonnesdétenuesetrecommandeauregarddesloisettextesenvigueurcequisuit:

Auxpouvoirspublics:

• De prendre des mesures idoines afin de faire cesser les abus d’autorité, lestraitementsinhumainsetdégradants, lestorturesetautressévicescorporelsenmilieucarcéraletde traduire lesauteursdecesactesdevant les tribunauxafinqu’ilsrépondentdeleursactes;

• Deveiller au respectde la loi etdesnormes internationalesportantprotectiondes droits des personnes détenues et de bannir à jamais les pratiques peuorthodoxes de «détention préventive privée» commanditée par des personnesincompétentesounoninvestiesdespouvoirsd’ordonnerdedéteniroudegarderàvue;

• Detoutmettreenœuvrepourassurerlesuivirégulierdesdossiersdedétenusàtraverslesfichiersdecentralisationdesdossiersdesdétenusetveilleràassurer

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lecontactrégulierentreledétenuetsafamille,sonconseiletlesjugesenchargedudossieretce,danslerespectstrictdesdélaisprévusparlaloietlestextesenvigueur;

• Deveilleraurespectdesconditionsminimad’hygièneetdessécuritéspour lesdétenusetd’assurerunealimentation régulièreet saineà toutes lespersonnesincarcéréesetce,àlachargedel’État;

• D’élaborerune législationcohérentedéfinissant lesrèglesclairesenmatièrededétention et ce, à la lumière du standard international généralement admis etveiller à la formation et à la réinsertion sociale des détenus à travers unepolitiquecarcéralefondéesurledéveloppementhumain;

• Depérenniser la formation du personnel desMaisons d’Arrêt et lesmagistratssur les notions de Droits de l’Homme et mettre en place dans un délairaisonnable,unorgane indépendantcomposédesagentsde l’État,de la sociétécivileetdesavocats,chargédeveillerauxconditionsdedétentionetdeviedanslesprisons;

• D’affecter dans le cadre du budget de l’État, les moyens conséquents pour lefonctionnement de l’Administration Pénitentiaire et ce, en tenant compte duproratadelapopulationcarcéralesurtoutel’étendueduterritoirenationaletderevoir le mécanisme d’attribution des marchés aux fournisseurs des maisonsd’arrêt,enjugulantunesituationdemonopoleinstitutionnalisé.

Alasociétécivile

- D’appuyer les actions des pouvoirs publics en organisant des campagnes deformation et d’information à l’endroit du personnel de l’administrationpénitentiaire, et des détenus, particulièrement sur les questions de Droits del’Homme;

- De s’investir davantage en faveur des personnes détenues en accordant uneattentionparticulièreàlasituationdesdétenusàtraverslesvisitesrégulièresdescentres de détention et apportant, si nécessaire, une assistance judiciaire auxnécessiteux.

Alacommunautéinternationale

- D’appuyerleseffortsdelasociétécivileenmatièredeplaidoyeretdemonitoringsur lesviolationsdesDroitsde l’Hommeengénéralet lesdroitsdespersonnesdétenuesenparticulier;

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- D’encouragerlespouvoirspublicsàtoutmettreenœuvrepourassurerlerespectdes droits de la personne humaine tels que définis dans les conventions etaccords internationauxet rendrecompteaux instances internationalesde l’étatréeldel’applicationdesengagementsprisparl’Étattchadien.

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ANNEXES

Victimedelatorture:plaiesbéantes,chéloïdes,marquesdefouetsurledos,année2016.

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Victimedelatorturesousprétexted’avoirblesséunegazelle:Battu,enchaîné,ligoté,pendantplusieursjours.Diagnostic:risquedeparalysiedeses2bras,année2016.

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VictimedelatortureàBagasola,année2016:Coups,blessures,stigmatesconsécutifsaumarquageaufersurl’ensembleducorp

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