Goutte

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N° 225 Arthropathie micro-cristalline. - Diagnostiquer une arthropathie micro-cristalline - Argumenter l'attitude thérapeutique et planifier le suivi du patient Goutte/chondrocalcinose/rhumatisme à apatite La Goutte I - EPIDEMIOLOGIE L'incidence de la goutte varie suivant les régions : (0,3 % en Europe et jusqu'à 4 à 5 % aux U.S.A.), et les époques (la goutte était devenue très rare durant la seconde Guerre Mondiale). Ceci démontre l'importance du mode de vie (elle a augmenté au Japon après la Seconde Guerre Mondiale). De la même manière, la goutte est plus fréquente dans certaines catégories socioprofessionnelles (enquête française chez les chauffeurs de taxi parisiens). Elle constitue une maladie essentiellement MASCULINE (96%). Les gouttes féminines sont donc très rares et s'observent presque exclusivement après la ménopause. Cette différence s'explique par le fait que la tare innée de la goutte primitive conduit à l'hyperuricémie très tôt chez l'homme, après la puberté, et beaucoup plus tard chez la femme. Dans la population générale, la distribution des valeurs de l'uricémie est gaussienne avec une tendance à s'étaler dans la zone des hyperuricémies élevées. C'est ainsi que statistiquement, l'hyperuricémie d'une population masculine se situerait au-delà de 70 mg par litre et chez la population féminine au-delà de 60 mg. Mais il n'y a pas lieu, en pathologie, de définir différemment l'hyperuricémie de l'homme et de la femme, les deux sexes présentant le même risque de goutte au delà de 70 mg par litre. II - GENERALITES Définition : Conséquences tissulaires d'une hyperuricémie permanente avec deux localisations essentielles : 56

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N° 225

Arthropathie micro-cristalline. - Diagnostiquer une arthropathie micro-cristalline

- Argumenter l'attitude thérapeutique et planifier le suivi du patient

Goutte/chondrocalcinose/rhumatisme à apatite

La Goutte

I - EPIDEMIOLOGIE

L'incidence de la goutte varie suivant les régions : (0,3 % en Europe et jusqu'à 4 à 5 % aux U.S.A.), et les époques (la goutte était devenue très rare durant la seconde Guerre Mondiale). Ceci démontre l'importance du mode de vie (elle a augmenté au Japon après la Seconde Guerre Mondiale). De la même manière, la goutte est plus fréquente dans certaines catégories socioprofessionnelles (enquête française chez les chauffeurs de taxi parisiens).

Elle constitue une maladie essentiellement MASCULINE (96%). Les gouttes féminines sont donc très rares et s'observent presque exclusivement après la ménopause. Cette différence s'explique par le fait que la tare innée de la goutte primitive conduit à l'hyperuricémie très tôt chez l'homme, après la puberté, et beaucoup plus tard chez la femme.

Dans la population générale, la distribution des valeurs de l'uricémie est gaussienne avec une tendance à s'étaler dans la zone des hyperuricémies élevées. C'est ainsi que statistiquement, l'hyperuricémie d'une population masculine se situerait au-delà de 70 mg par litre et chez la population féminine au-delà de 60 mg. Mais il n'y a pas lieu, en pathologie, de définir différemment l'hyperuricémie de l'homme et de la femme, les deux sexes présentant le même risque de goutte au delà de 70 mg par litre.

II - GENERALITES

Définition : Conséquences tissulaires d'une hyperuricémie permanente avec deux localisations essentielles :

- articulaires (goutte articulaire)- rénales (néphropathie goutteuse)

Par ailleurs, l'hyperuricémie permanente peut être asymptomatique ou s'associer à la lithiase urique.

L'intérêt de la goutte réside :

1°) Dans sa fréquence.

2°) Dans ses formes cliniques : indépendamment des problèmes de diagnostic quelles peuvent poser, elles demandent surtout des traitements différents.

3°) Dans sa thérapeutique très efficace.

On peut dégager trois types de gouttes qui sont d'ailleurs autant de moments évolutifs :

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- la goutte aiguë à crises espacées : elle pose des problèmes de diagnostics différentiels parfois difficiles, et des problèmes thérapeutiques faciles à résoudre,

- la goutte sub-aiguë, à crises rapprochées : elle pose essentiellement des problèmes thérapeutiques,

- la goutte chronique, phase ultime de la maladie : elle pose des problèmes pronostiques et thérapeutiques.

Nous allons successivement envisager ces trois phases de la maladie et leurs problèmes respectifs. Nous terminerons sur le problème général des critères de diagnostic de la goutte, quelle que soit sa forme.

III- FORMES CLINIQUES

A - LA GOUTTE AIGUE A CRISES ESPACEES1°) Forme tyique

Pendant des années, la goutte ne se manifeste que par des crises :

- isolées avec périodes inter-crises de durée variable avec retour à la normale (absence de signes cliniques et radiologiques)

- intéressant surtout les articulations du pied (PODAGRE).

a) 4 caractères importants- le sexe : c'est surtout une maladie de l'homme,

- l'âge : maladie de l'âge moyen (30 à 50 ans).

- la localisation de l'atteinte (l'atteinte du gros orteil est évocatrice, habituelle, mais n'est pas indispensable au diagnostic).

- la sensibilité à la thérapeutique (Colchicine et anti-inflammatoires).

Mais le diagnostic reste à évoquer devant l'atteinte de toute autre partie du pied ou de la cheville :

- tarse au métatarse, - cheville, - tendon d'achille, - talalgie aiguë.

b)La crise de goutte à un début brusque le plus souvent nocturne, précédée au non de prodromes.

• La douleur, les signes fluxionnaires sont très marqués

- la douleur pseudo-fracturaire rend insupportable le simple contact des draps et rend l'examen de l'articulation atteinte difficile.

• Le gonflement est très marqué et peut déborder largement la région articulaire atteinte.

- la rougeur de la peau est intense, lie de vin parfois,- les veines sont dilatées.

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La goutte est le plus fluxionnaire des rhumatismes fluxionnaires. L'évolution de la crise suit un rythme circadien avec un maximum nocturne et une amélioration diurne.

Les signes généraux sont variables. Un mouvement fébrile avec hyperleucocytose sanguine n'est pas rare dans la crise de goutte ordinaire. La VSG est nettement accélérée.

c)Son évolution spontanée est courte de 4 à 15 jours: la douleur disparaît la première, puis le gonflement laisse derrière lui une desquamation assez caractéristique.

Telle est la crise de goutte typique, mais qui laisse place à des formes cliniques moins évocatrices.

2°) Formes atypiques :

- La goutte peut frapper les femmes (4 % des gouttes). - Atypie de symptomatologie :

- Gouttes asthéniques presque uniquement douloureuses.

- ou à l'opposé goutte pseudo-phlegmoneuse : les signes locaux sont intenses, l'œdème remonte sur la jambe. Il peut exister des zones de pseudo-fluctuation et des phlyctènes.

Dans ces gouttes pseudo-phlegmoneuses, la température est élevée jusqu'à 40° (on a remarqué que même dans les gouttes habituelles, il peut y avoir de la température). Ces formes appeleraient le bistouri ou, tout au moins, l'antibiothérapie dont nous dirons plus loin les effets déplorables.

c - Atypie de localisationLa goutte peut frapper en-dehors du pied :

. le genou : S'il existe une hydarthrose, ne pas omettre de rechercher la présence caractéristique des cristaux d'acide urique libres ou intra-leucocytaires.

. la main : La goutte y est souvent pseudo-phlegmoneuse.

. le coude : Elle réalise le classique et évocateur hygroma rétro-olécrânien, volumineux et rouge.

. l'épaule et la hanche ne sont pas des localisations de la goutte aiguë.

d - La goutte peut frapper en dehors des articulatlons : . phlébite goutteuse de PAGET (très discutée). Il s'agit en fait d'une "pseudo-phébite" par

hydarthrose du genou).

. conjonctivite et pharyngite goutteuse,

e- Des gouttes polyarticulaires fébriles de diagnostic difficile.

3°) Diagnostic différentiel

Cette rapide énumération permet de deviner tous les diagnostics différentiels posés par la primo-crise de goutte :

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1 - R.A.A., rhumatisme infectieux et arthrites réactives, s'il existe de la température.

2 - Début de P.R. ou de P.P.R. si la goutte est asthénique,

3 - Monoarthrite suppurée ou phlegmon d'un membre dans les formes pseudo-phlegmoneuses.

4- Crises pseudo-goutteuses des Spondylarthropathies, Rhumatisme Psoriasique notamment.

5 - La chondro-calcinose articulaire pouvant réaliser la pseudogoutte de MAC-CARTHY : comme la goutte, elle traduit la réaction synoviale hyper-inflammatoire à l'irruption intra-articulaire de cristaux, d'acide urique dans la goutte, de pyrophosphate de calcium dans la CCA.

Le diagnostic ne pourra pas se poser sur la colchico-sensibilité commune aux deux maladies, mais sur :

- la recherche de cristaux dans les liquides articulaires,

- la découverte de calcifications cartilagineuses et fibrocartilagineuses de la CCA.

Goutte et CCA sont à l'origine du concept d'arthropathies microcristallines et sont parfois associées (8 %).

B - LA GOUTTE SUB-AIGUE A CRISES RAPPROCHEES

Il s'agit, en fait, d'une forme évolutive défavorable trait d'union entre la goutte aiguë à accès espacés et la goutte chronique.

Elle marque un véritable virage évolutif et se caractérise par : - des accès moins francs mais plus prolongés - le caractère bref puis incomplet des périodes d'intercrises - la répartition topographique plus étendue des crises

.les formes oligo et polyarticulaires sont ici plus fréquentes.

.le membre supérieur est aussi souvent touché que le membre inférieur et la goutte perd son nom de podagre,

.les premiers tophus apparaissent.

C'est la période de l'inquiétude et des erreurs thérapeutiques celle où les malades sont mis imprudemment à une corticothérapie discontinue, puis continue, où les antibiotiques sont utilisés couramment, car le caractère de ces crises est volontiers fébrile, où les urico-éliminateurs sont donnés sans contrôle et sans discernement. C'est la période des "gouttes aggravées par les thérapeutiques".

Le virage de la maladie goutteuse peut admettre des causes variées :

- génie évolutif propre d'une forme particulièrement sévère, à hérédité souvent lourdement chargée.

- rôle de maladies associées connues pour favoriser des gouttes dites secondaires.

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- mais, bien souvent aussi et surtout, des erreurs ou des négligences thérapeutiques comme nous venons de le dire.

Le traitement de la goutte sub-aiguë doit être, en fait, le même que celui de la goutte aiguë.

C - LA GOUTTE CHRONIOUE

1°) Destruction articulaire

Elle s'installe après plusieurs années d'évolution, en moyenne 9 ans.

- soit progressivement par l'infiltration uratique des tissus intra et péri-articulaires.

- soit après des phases bruyantes de goutte aiguë qui peuvent d'ailleurs continuer à émailler de crises aiguës le fond articulaire permanent qui caractérise cette phase tardive.

2°) Encombrement tophacé :

La goutte chronique est typique lorsqu'elle est tophacée. Le tophus est le dépôt permanent d'acide urique dans :

- les tissus articulaires et on assiste alors à la détérioration progressive des surfaces articulaires. Les articulations s'enraidissent et se déforment. La radiographie montre des lacunes tophiques

.minuscules érosions juxta-épiphysaires au début,

.puis images en hallbardes

.et au maximum gouttes ostéolytiques.

Les articulations du membre supérieur paient le plus lourd tribut à la goutte tophacée et la main est généralement la plus mutilée. Il est intéressant de noter que, si la goutte aiguë frappe d'abord et avant tout le pied, la goutte chronique frappe surtout et en définitive la main.

Mais les tophus peuvent être superficiels (cutanés). Ils peuvent alors s'ulcérer. L'ulcération tophique s'infecte rarement et cicatrise bien.

- tophus de l'oreille (hélix)- du coude, topholipome de la bourse séreuse rétro-olécrânienne,- tophus du canal carpien à l'origine de compression du nerf médian,

- etc... partout où la peau est au contact de l'os (rotule notamment).

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Goutte tophacée

Goutte   : géodes sur une articulation inter phalangienne proximale

3°) Enfin l'infiltration uratique peut être VISCERALE. On a observé des tophus jusque sur les valvules cardiaques. Mais l'infiltration la plus fréquente est celle du rein : néphrite interstitielle goutteuse en plein parenchyme, conduisant à l'insuffisance rénale chronique.

4°) Maladies associées :

a - Lithiase urique : Mille fois plus fréquente chez le goutteux que chez le sujet non goutteux, elle est observée chez 1/3 des goutteux. Elle n'est pas liée directement à l'hyperuricémie, mais à l'hyper-uraturie, non obligatoirement retrouvée chez le goutteux.

b - Diabète et hypertriglycéridémie : fréquence des syndromes bi et tri-métaboliques, sans liens directs entr'eux. Risque d'OSTEONECROSE chez le goutteux hypertriglycéridémique.

c - Obésité HTA et coronarite : Simples associations non obligatoires. L'hyperuricémie ne constitue pas un facteur de risque de coronarite.

d - Ainsi, seule la goutte articulaire et la néphropathie goutteuse interstitielle sont de même nature et peuvent bénéficier du traitement de la tare fondamentale qui les unit, l'HYPERURICEMIE.

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5°) Diagnostic différentiel : a) Maladie Rhumatoïde : formes pseudo-rhumatoïdes de la goutte polyarticulaire chronique

et aussi formes pseudo-goutteuses de P.R. nodulaire simulant une goutte tophacée. En fait erreurs grossières facilement réglées par un interrogatoire bien conduit et une biologie bien différente (en retenant que l'hyperuricémie est très exceptionnellement observée dans la P.R.)

b) la forme pseudo arthrosique où la déformation des articulations des doigts n'est pas sans rappeler les nodositées de Bouchard et d'Héberden. Même remarque pour le pied où le tarse goutteux est souvent "hérissé" d'ostéophytes. Ici encore, il convient de ne pas confondre la goutte qui cicatrise facilement ses lésions par des réactions arthrosiques et enthésiophytiques secondaires et l'arthrose vraie où la responsabilité d'un trouble du métabolisme de l'acide urique est absolument nulle.

c) Rhumatisme psoriasique qui, comme la goutte, touche les IPD.

d) Maladie des enchondromes multiples, surtout à la main (simule une goutte tophacée majeure).

IV - CRITERES DE DIAGNOSTIC DE LA GOUTTE

1°) Critères cliniques :

- l'hérédité (hyper-uricémie familiale, goutte) = 30% des cas.

- le sexe : masculin (la goutte féminine est rare : 4% des gouttes presque toujours après la ménapause).

- la lithiase uratique associée : 30 % des goutteux.

-la notion des circonstances déclenchantes :

* Communes : erreurs diététiques certes, mais aussi les agressions au sens large (stress) ;

. émotions, fatigue, surmenage,

. traumatismes et opérations (goutte en milieu chirurgical.) Crise articulaire habituellement retardée, du 4 ème au lO ème jour.

. médications :

Tableau I : gouttes secondaires médicamenteuses

Diurétiques (furosémide, thiazidiques, acétazolamide, acide étacrynique) pris :- en pré-ménopause : pour anorexie mentale, cure d’amaigrissement, glaucome- post-ménopause : pour hypertension artérielle, glaucome

Ciclosporine AEthambutolPyrazinamideSalicylés à faible dosesCytostatiques

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Norépinéphrine et angiotensineOméprazole

* Spéciales : gouttes secondaires à des maladies qui augmentent le capital urique et pour lesquelles on se demande si elles peuvent créer, à elles seules, un « terrain goutteux » et, par là, une goutte, ou si elles ne sont, en fait, que des facteurs aggravants chez des sujets déjà marqués génétiquement. :

- insuffisance rénale aiguë où chronique,

- hémopathies : anémies hémolytiques, leucoses myéloïdes, Maladie de Kahler, Maladie de Vaquez et polyglobulies secondaires.

- saturnisme (pratiquement inexistant de nos jours).

2°) Critères blologiques :

a) un signe essentiel : l'hyper-uricémie permanente

S'il existe des phases normo-uricémiques dans la goutte (en phase aiguë ou encore provoquées par certaines thérapeutiques), il n'existe pas de goutte sans hyper-uricéme. D'où la règle de vérifier plusieurs fois l'uricémie, en particulier loin d'une crise et sans médicament susceptible d'en modifier le taux. La seule méthode sûre de dosage est L'URICASE :

- limites supérieures de la normale : . 70 mg chez l'homme et chez la femme (voir épidémiologie)

b) outre l'hyperuricémie:

1 - Recherche des cristaux d'acide urique dans un épanchement articulaire. Ces cristaux d'urate monosodique monohydraté sont minces et effilés, dépassant généralement les limites des polynacléaires qu'ils semblent perforer, de forte biréfringence négative, solubles par l'uricase et n'ont de valeur diagnostique que lorsqu'ils sont intracellulaires (valeur diagnostique directe).

2 - Mise en évidence de l'acide urique dans les tissus. par prélèvement d'un matériel tophacé (réaction à la MUREXIDE, étude

cristallographique), . par biopsie tissulaire (fixation à l'alcool absolu pour ne pas dissoudre les cristaux) . synoviales, éventuellement ponction-biopsie rénale.

c) Examens urinaires :

1) certains ont une bonne valeur de présomption

. des pH urinaires acides (pH 5) . des cristaux uratiques et/ou oxaliques au super-culot.

2) D'autres n'ont d'intérêt que pour diriger les traitements. (pas de valeur diagnostique):

- uraturie des 24 heures normalement inférieure à 600 mg et supérieure à 400 mg

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- clairance de l'acide urique = de 8,5,à 12 ml/min.

- taux de réabsorption tubulaire de l'acide urique = près de 90 %.

d) Examens utiles, en complément du bilan purinique

- Etude de la fonction rênale : créatininémie, clairance (néphropathie goutteuse).

- Recherche systématique d'un syndrome bi ou tri-métabolique (glycémie, triglycéridemie).

V- PHYSIOPATHOLOGIE

A - METABOLISME PURINIQUEAl - Mécanismes de l'hyperuricémie

a) Apport excessif de purines par l'alimentation : insuffisant pour la créer, mais capable de la majorer. Les restrictions alimentaires sévères arrivent à la diminuer ou tout au moins à la rendre asymptomatique comme cela a été observé pendant la guerre de 1939-1945.

b) Défaut d'élimination rénale de l'A.U.

2 théories expliquent le passage de l'A.U. dans le néphron- Théorie à 3 composantes de GUTMLAN et YU

1- Filtration glomérulaire complète,2 -Réabsorption tubulaire proximale (tube contourné)

90 % de l'A.U. filtré,3 - Sécrétion tubulaire : portion droite du tube proximal et surtout portion S2.

- Théorie plus moderne à 4 composants : 1 2 et 3 - idem, mais avec site d'absorption tubulaire supplémentaire situé en aval du site de sécrétion, dans le segment distal du néphron et plus précisément dans le TUBE COLLECTEUR. Comme c'est le cas pour le sodium, il est possible que le tube collecteur module in fine l'homéostasie de l'A.U.

La modulation sécrétoire conduit à une URATURIE physiologique de 400 à 600 mg d'A.U. par 24 h. et une CLAIRANCE de 8,5 à 12 ml/mn.

- explication des gouttes secondaires aux néphropathies, mais aussi des gouttes primitives par défaut inné du transfert tubulaire des urates : (théorie rénale de GARROD).

- mode d'action des HYPO-URICEMIANTS URICO-ELIMINATEURS par diminution de la réabsorption tubulaire de l'A.U.

- classification des goutteux en normo-excréteurs, hypoexcréteurs et hyper-excréteurs. Le dosage de l'uraturie des 24 h. n'a aucune valeur diagnostique, mais est essentiel dans le choix d'un médicament hypouricémiant.

- la partie distale du néphron réunit les conditions pour la création d'une lithiase uratique

1°) concentration des urines (hormone anti-diurétique),2°) pH acide des goutteux),

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3°) surcharge en urates chez les hyper-excréteurs

c) Excès de purinosynthèse

1 - par l'encombrement du CYCLE LONG à partir de la dégradation des acides nucléiques cellulaires :

- hyperuricémie des hémopathies, des destructions cellulaires massives là l'origine des GOUTTES SECONDAIRES.

2 - par emballement inné du CYCLE COURT ou PURINOSYNTHESE de NOVO (++),

a - L'essentiel de la purinosynthése se fait à partir de composants simples : cycle des entorses, acide formique, acide asortique, glutamine, CO2 (d'où le terme "de novo').

b - La première partie du cycle court devient rapidement irréversible aprés action de l'enzyme AMIDO-TRANSFERASE dont l'activité va moduler cette première étape de la synthèse purinique qui aboutit aux RIBONUCLEOTIDES (acide guanilique, inosinique, adénylique).

Deux faits importants :

1) L'activité de l'amido-transférase est réglée par le taux de ribonucléotide par un feed-back ou rétrocontrôle négatif.

2) Les ribonucléotides sont à la convergence des cycles long et court et, comme nous allons le voir, de la remontée des bases puriques. Il y a là une véritable plaque tournante jouant un rôle régulateur essentiel du métabolisme de l'A.U. Après eux, la voie de synthèse est commune.

c - Voie commune des 2 cycles de la purinosynthèse :

Elle aboutit à l'élaboration de BASES PURIQUES (guanine, hypoxanthine-xanthine, adénine). La voie la plus importante est celle de l'hypoxanthine-xanthine qui, sous l'action de l'enzyme XANTHINE OXYDASE, aboutit à l'ACIDE URIQUE. La xanthine-oxydase exerce son activité presque uniquement dans le foie. Chez l'homme, la synthèse de l'A.U. apparaît essentiellement comme un processus hépatique.

. Chez l'homme, le chimpanzé, la race aviaire (oiseaux, poules;..) et le chien de Dalmatie, l'A.U. représente le terme de la purino-synthèse (ils sont dits URICOTELIOUES),

. Chez les autres espèces, 1'A.U. est transformé en ALLANTOINE par l'enzyme URATE-OXYDASE.

Dans cette dernière étape qui va des bases puriques, à l'A.U., existe un 2ème rétro-contrôle negatif assuré par l'enzyme, HYPO-XANTHINE-GUANINE-PHOSPHO-RIBOSYL-TRANSFERASE (H.G.P.R.T.) par le mécanisme de la REMONTEE DES PURINES, c'est-à-dire la réversion des bases puriques en ribonucléotides (qui règlent eux-mêmes, comme on l'a vu, l'activité de l'amido-transférase). Ainsi, le double rétro-contrôle négatif des 2 enzymes AT et HGPRT évite l'emballement de la purino-synthèse. Dans la goutte primitive, la régulation de la purino-synthèse de novo est incapable

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d'éviter une production excessive de l'A.U. (dans le syndrome de LESH-NYNAN goutte infantile associée à une encéphalopathie particulière, il y a carence enzymatique en HGPRT, liée à l'X).

En thérapeutique, l'utilisation de médicaments Hypo-uricémiants FRENATEURS de la SYNTHESE se fait surtout en diminuant l'activité de la xanthine-oxydase, ce qui, non-seulement diminue directement la production d'A.U., mais par la remontée des purines (HGPRT) et le rétro-contrôle négatif à partir des nucléotides (AT), freine aussi les premières étapes de la purinosynthèse.

A2 - Dégradation intestinale de l'A.U.

L'urate-oxydase provenant des germes intestinaux détruit en moyenne 200 mg par jour d'acide urique présent dans les sucs intestinaux.

A3 - Pool miscible de l'A.U.

L'uricémie ne représente qu'une partie de l'A.U. de l'organisme, substance diffusible que l'on retrouve dans tous les liquides extra-cellulaires (liquide interstitiel, sucs digestifs, épanchements pathologiques). La totalité représente ce que l'on nomme Pool miscible de l'ordre de 1 g.

Le turn-over du taux de renouvellement du pool miscible est normalement de 60 % (soit 600 mg par jour).

Dans la goutte, le pool miscible peut atteindre jusqu'à 12 g.

La partie périphérique des tophus est, comme le pool miscible, rapidement échangeable, ce qui explique qu'un traitement hypouricémiant prolongé et donné à dose efficace puisse faire diminuer puis disparaître les tophus, même très volumineux (+++).

B- MECANISMES DE LA CRISE DE GOUTTE

Quand on examine des liquides synoviaux prélevés en pleine crise de goutte, on constate des cristaux d'URATE MONOSODIQUE MONOHYDRATE libres et phagocytés par des POLYNUCLEAIRES.

La signature de la crise de goutte est la constatation de ces cristaux à l'intérieur des polynucléaires.

Cristaux et polynucléaires sont les deux acteurs du drame et, sans préjuger du primum movens de la crise, encore mystérieux, voyons ce qui se passe à l'intérieur de l'articulation.

a) les cristaux sont phagocytés par les polynucléaires et leur seule présence dans le milieu articulaire enclenche le cycle de L'INFLAMMATION.

b) l'activité leucocytaire intense :

- libère de l'acide lactique, d'où abaissement du pH synovial et apparition de nouveaux cristaux (loi de HENDERSON-HESSELBACH).

- libère, par destruction des leucocytes phagocyteurs, des enzymes lysosomiales, relançant le cycle de l'INFLAMMATION, ce qui mobilise d'autres leucocytes.

Ainsi, deux cycles d'entretien de la crise se trouvent entretenus :

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. l'un abaissant le pH et favorisant l'apparition de cristaux d'acide urique de plus en plus nombreux,

. l'autre entretenant une activité inflammatoire avec mobilisation de leucocytes de plus en plus nombreux.

Contrairement à ce qui se masse dans la P.R., ces circuits se désamorcent rapidement et la crise aiguë de goutte non compliquée guérit spontanément en 4 à 15 jours.

Quel est le primum movens de la crise ? On ne peut faire que des hypothèses :

- certains considèrent surtout la précipitation des cristaux :

(abaissement brutal du pH articulaire, (sursaturation des milieux interstitiels à l'occasion d'une poussée d'hyperuricémie).

preuve :l'injection intra-articulaire de solutions concentrées d'acide urique ou des cristaux amorphes n'entraîne pas de crise, alors que l'injection de cristaux d'urate monosodique mono-hydratés la déclenche constamment.

- d'autres considèrent surtout l'activité leucocytaire.

preuve : l'injection intra-articulaire de cristaux d'urate monosodique monohydraté ne déclenche plus de crise articulaire chez des animaux privés de polynucléaires.

Si on perfuse la patte avec du sang normal, contenant des polynucléaires, la crise se produit alors.

Signalons aussi que la colchicine agit essentiellement en inhibant l'activité leucocytaire.

Quelle que soit la théorie retenue, la crise de goutte représente le type même de l'ARTHRITE MICRO-CRISTALLINE retrouvée dans une autre maladie, la chondro-calcinose articulaire, où des crises "pseudo-goutteuse (MAC-CARTHY) sont induites par des cristaux de pyro-phosphate de calcium.

VI - TRAITEMENT DE LA GOUTTE

Il est double :

1°) Le traitement de la crise

Il ne se pose que lorsque le malade est en crise et peut être abandonné dès que la crise est terminée. C'est un traitement EPISODIQUE.

2°) Le traitement de fond :

Son but est de protéger le malade contre sa maladie et il ne doit être interrompu à aucun moment, que le malade traverse une crise ou qu'il soit dans une période de calme. C'est dire qu'il doit être proportionné à la gravité générale de la goutte et qu'il différera sensiblement dans la goutte chronique et dans la goutte simule,

I - TRAITEMENT DES CRISES DE GOUTTE

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a) Trois moyens simples, trop souvent négligés :

- le repos articulaire,

- le refroidissement de l'articulation enflammée. L'image du goutteux emmitouflant son pied dans un énorme pansement bourré de coton illustre un non-sens. La chaleur aggrave l'inflammation goutteuse, alors que le froid apaise les douleurs. On réalise le refroidissement articulaire avec une vessie de glace placée autour de l'articulation en prenant soin de protéger la peau avec une flanelle.

- l'alcalinisation, grâce à la prise de 3 g. de bicarbonate par jour (Vichy Célestin) ou de gluconate de potassium chez l'hypertendu.

b) La colchicine :

Traitement très ancien et quasi spécifique de la goutte (quelques succès dans la pseudo-goutte calcique, mais moins nets que dans la goutte vraie).

1 - Présentation : comprimés de 1 mg.

2 - Méthodes classiques :

En France, le Codex interdit de dépasser 4 mg par jour.

En principe, la dose efficace est celle qui provoque des troubles d'intolérance digestive :

- nausées - vomissements

- diarrhée.

Tout le monde est d'accord pour arrêter le traitement ou diminuer les doses dès qu'ils apparaissent.

Schéma traditionnel :

Le 1er jour, 4 mg en fractionnant les doses, c'est-à-dire 1 mg toutes les 2 heures ou 1/2 mg toutes les heures.

Puis baisser les doses : 3 mg fractionnés les 2ème et 3ème jours 2 mg par la suite.

3 - A l'heure actuelle, on utilise la Colchicine à la dose de 1 mg par jour, associée à une dose convenable d'AINS.

3°) Les anti-inflammatoires

A - On doit dire et redire que :

- la corticothérapie par voie générale,- l'A.C.T.H.,- la salicylothérapie (salicylate et aspirine)

ne doivent pas être utilisées dans le traitement de la goutte.

Cette contre-indication est :

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- absolue en ce qui concerne les salicylés (et l'aspirine)

- à faibles doses, inférieures à 2 g par jour, ils sont hyperuricémiants,

- à forte doses, supérieures à 2 g par jour, ils sont hypouricémiants.

La rémission de crises de goutte traînantes est obtenue en supprimant simplement l'aspirine du schéma thérapeutique.

- relative en ce qui concerne les corticoïdes :

1) Un traitement bref est éventuellement acceptable, mais :

- l'arrêt des corticoïdes provoque souvent un phénomène de rebond qui fait repartir la crise,

- de rebond en rebond, le malade arrive à la corticothérapie prolongée,

2) La corticothérapie prolongée est irrecevable dans la goutte chronique :

Les goutteux, plus que tous autres malades, deviennent très rapidement :

- aggravés, car les corticoïdes,hypouricémiants en dose d'attaque, créent une hyperuricémie en doses d'entretien. La corticothérapie favorise alors l'infiltration tophacée.

- cushingoïdes et déprimés surrénaliens,

- rapidement corticodépendants.

Les sevrages cortisoniques sont alors nécessaires avec toutes leurs conséquences.

3) La corticothérapie intra-articulaire :

reste un auxiliaire précieux et extraordinairement actif. Elle ne saurait se concevoir que sous forme d'une injection unique. L'hydarthrose aiguë du genou reste l'indication de choix.

B - Les anti-inflamatoires autres que les corticoïdes et les salicylés.

Sont actifs dans la crise aiguë de goutte.

Les deux anti-inflammatoires les plus utilisés sont :

- LA PHENYL-BUTAZONE : Il est prudent de ne pas dépasser 600 mg par 24 heures, mais une dose inférieure est généralement peu ou pas efficace.

Au dessus de 600 mg par jour, des accidents sont à craindre : hémorragies gastriques surtout. Rappelons que l'utilisation de la phénylbutazone est contre-indiquée chez les sujets porteurs d'antécédents ulcéreux ou d'ulcères de l'estomac et chez tous les patients en traitement prolongé.

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- L'INDOMETACINE : Des posologies élevées sont seules efficaces : 150 mg par jour est un minimum et on peut donner jusqu'à 200 mg La tolérance gastrique est meilleure qu'avec la Phényl-butazone.

- Les autres AINS sont également efficaces.

Quel que soit le produit utilisé :

. les posologies de départ doivent être fortes

. la précocité de la mise en œuvre du traitement est la condition essentielle de son efficacité. Les malades avisés savent reconnaître les prodromes de leur crise et se mettent immédiatement en traitement. Ils arrivent ainsi à réduire les signes inflammatoires et la durée de la crise n'ont à utiliser qu'un traitement très court. Parfois, une seule dose médicamenteuse suffit.

II - TRAITEMENT DE FOND :

1) Moyens :

Lorsqu'il est très ambitieux, il vise à corriger la dyspurinie et fait appel à des médicaments hypo-uricémiants.

Lorsqu'il vise moins haut, il se borne à apprendre au malade des règles hygiéno-diététiques et à essayer de prévenir les crises par la méthode dite prophylactique de TALBOTT, basée sur la colchicothérapie continue ou discontinue à faibles doses.

a) Règles hygiéno-diététiques :

Ce chapitre de bon sens est malheureusement sous-estimé du médecin et mal aimé du patient. Les contraintes ne sont pas exclusivement alimentaires comme on le pense trop communément. Elles essaient de déceler pour chaque malade les circonstances déclenchantes des crises, de lui en faire prendre conscience et de lui permettre de les éviter dans la mesure du possible.

On peut relever trois types de circonstances déclenchantes :

1) Alimentaires : les repas riches en purines (abats, crustacés, viandes jaunes), mais aussi parfois

- riches en acides oxaliques (légumes verts dégageant une odeur désagréable lors de leur cuisson, comme les asperges, les choux, les choux fleurs, etc ... ).

- les alcools (surtout vins généreux, comme le Bourgogne, le Porto et la bière).

- les aliments gras

2) Les agressions : au sens large du terme :

- physiques: froid, surmenage, traumatismes. Il faut faire une mention particulière des gouttes survenant "en milieu chirurgical" quelques jours après une intervention quelconque.

Prévention de la crise par une colchicothérapie à dose faible : 1 mg par jour.

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- psychiques: elles paraissent occuper une place de plus en plus grande.

3) Certaines thérapeutiques :

- Certains médicaments sont contraires à la goutte : . l'aspirine et les corticoïdes, nous l'avons dit,. les fortifiants et les vitamines du groupe B (B1, B6 et B 12. les hypotenseurs agissant comme salidiurétiques et tout particulièrement ceux du groupe

THIAZIDIQUE. . les antibiotiques.

- Certains traitements particuliers comme les transfusions et la radiothérapie.

- Les hypo-uricémiants. C'est un véritable paradoxe que des médications, si utiles dans le traitement de la dyspurinie, soient susceptibles d'aggraver une crise de goutte. C'est pourtant ce qui se passe et les plus fortes et les plus graves crises de goutte que nous avons pu observer étaient chez des sujets que l'on avait cru, à tort, améliorer pendant leur crise avec des hypouricémiants.

b) La méthode prophylactique de TALBOTT

Cet auteur a eu l'idée de prévenir les crises de goutte par la prise régulière de faibles doses de Colchicine 1/2 à 1 mg/jour.

On peut y ajouter un traitement alcalinisant sous forme de 3 g de Bicarbonate de soude par jour soit en 3 prises de sachets de 1 g de Bicarbonate de Soude, soit grâce à l'absorption, dans la journée, d'une bouteille d'Eau de Vichy Célestins (= 3 g,25 de Bicarbonate de Soude) .

Cette alcalinisation par le Bicarbonate de Soude est contre-indiquée chez l'hypertendu et l'insuffisant rénal qui doivent, on le sait, avoir un régime pauvre en sodium. Dans ce cas, utiliser le gluconate de potassium 3 cuillérées à soupe par jour.

c) Les hypouricémiants :

ll existe, à l'heure actuelle, des médicaments capables de ramener l'uricémie à des chiffres normaux et même inférieurs à la normale.

Ce sont : - les urico-éliminateurs, - les frénateurs de la synthèse.

1°) Les urico-éliminateurs :

Etaient particulièrement efficaces dans les gouttes sévères et tophacées. Ils ne sont plus commercialisés depuis le retrait de la Benzbromarone (Désuric*).

2° ) Les frénateurs de la synthèse :

D'autres médicaments agissent sur la synthèse elle-même.

1 - ALLOPURINOL ( Zyloric )

Puissant inhibiteur de la xanthine-oxydase, il diminue directement la synthèse de l'A.U. à partir des bases puriques, et indirectement l'amidotransférase (inflation des bases puriques moins transformées en A.U.).

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L'action hvpouricémiante des frénateurs de la synthèse est moins puissante que celle de la Benzbromarone, mais ils ont l'avantage d'abaisser aussi l'uraturie et ainsi de protéger le rein des conséquences de la dyspurinie.

Non seulement une insuffisance rénale, une lithiase uratique ou une hyperuricémie ne les contre-indiquent pas, mais encore en constituent une excellente indication. Par contre, ils agissent plus lentement sur la disparition des tophus.

En résumé, on peut dire que les indications respectives ces urico-éliminateurs et des frénateurs de la synthèse sont les suivantes :

- Rein goutteux :

Goutte tophacée avec atteinte rénale ou hyperuraturie Frénateurs de la synthèse,

2) Indications et contre-indications des hypouricémiants

Donner un hypouricémiant expose à voir survenir des crises de goutte surtout pendant les deux premiers mois du traitement. Tout semble indiquer qu'une variation rapide de l'uricémie, soit dans le sens de l'hyperuricémie, soit dans celui de l'hypouricémie, soit un facteur déclenchant de crise.

1°) La première contre-indication est donc la crise de goutte. Elle sera aggravée sûrement par le traitement hypouricémiant.

2°) Les hvpouricémiants n'agissent que dans un temps bref.

Il faut proscrire :

- les traitements discontinus. A chaque arrêt du traitement et à chaque reprise, on met le malade en risque de crise.

3°) Précautions à prendre lorsque l'on donne un traitement hupouricémiant :

a) Avertir le malade qu'une ou plusieurs crises peuvent se produire en début de traitement quel que soit le médicament utilisé. Tenter de les prévenir ou de les minimiser grâce :

- à la méthode de TALBOTT : toujours et longtemps(Colchicne discontinue),

- à la prise régulière d'anti-inflammatoires (par exemple 150 mg par jour d'indométhacine) pendant un délai assez bref, allant de 8 jours à 2 mois selon les cas.

b) Avec les urico-éliminateurs (et après avoir recherché soigneusement une contre-indication rénale) prévenir le malade d'une possible crise de colique néphrétique. On la préviendra presque toujours en assurant :

- une diurèse alcaline abondante, notamment par la prise quotidienne d'une bouteille d'eau de Vichy Célestins. Ceci sera à maintenir de façon permanente, tant que durera le traitement urico-élimiteur,

En période estivale, compenser la déperdition hydrique plus importante en ajoutant une bouteille d'eau peu minéralisée (Evian ou Vittel). Éviter eau de Contrexeville (trop riche en calcium) .

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Apprendre au malade que la sueur n'élimine pas l'acide urique, ce qui représente la lourde tâche de détruire une croyance encore trop répandue, même chez les médecins, et contre-indiquer la pratique du Sauna.

3 ) Indications respectives des traitements de fond en fonction de la forme clinique de la goutte

1 - Goutte simple à accès espacés (moins de 2 crises de goutte/an) règles hygiéno-diététiques + alcalinisation.

2 - Goutte simple avec plus de 2 crises par an : règles hygiéno-diététiques+ méthode de TALBOTT et alcalinisation.

3 - Goutte sub-aiguë

Surtout pas de médicaments hypouricémiants, tant que le malade est en crise. Traiter la crise, ce qui revient le plus souvent à supprimer un certain nombre de médicaments aggravants (gouttes aggravées par les thérapeutiques), le plus souvent :

- un hypotenseur de type salidiurétique

- une antibiothérapie inutile et donnée parce que le caractère de la crise ce goutte inquiète ou fait penser à tort à un rhumatisme infectieux,

- un hypouricémiant,

- l'aspirine ou un corticoïde.

La crise terminée, laisser le malade sous traitement prophylactique de TALBOTT et faire le bilan des lésions.

. Si le malade ne garde aucune séquelle clinique ou radiologique des crises sévères qu'il vient de traverser, le maintenir seulement au traitement indiqué dans la goutte simple avec plus de 2 crises par an.

. Si le malade est déjà entré en phase de goutte chronique (tophus même minimes, raideurs et douleurs articulaires chroniques, présence de lacunes tophiques à la radiographie), choisir en fonction de l'état rénal et de l'uraturie des 24 heures, soit un frénateur de la synthèse, soit un urico-éliminateur.

Enfin, dans quelques cas de potentiel évolutif élevé (généralement parce que le malade ne se plie à aucune règle hvgiéno-diététique), le traitement hypouricémiant peut être utilisé dans le but d'assurer la prophylaxie des récidives. Nous sommes à la limite des "indications mondaines" de ce type de traitement.

4 - Goutte chronique :

Il faut entreprendre toujours un traitement hvpouricémiant.

VII - CHIRURGIE ET GOUTTE

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La goutte posait autrefois une indication chirurgicale la TOPHECTOMIE.

Celle-ci est devenue pratiquement inutile devant l'avènement d'hypouricémiants efficaces. Elle garde néanmoins quelques rares indications

- compression sévère du nerf médian par des tophus siégeant dans le canal carpien. Il faut libérer le nerf rapidement.

- persistance de tophus, fonctionnellement gênants, malgré le traitement hypouricémiant. Cette éventualité est, à vrai dire, bien rare avec les urico-éliminateurs, un peu plus fréquente avec les frénateurs de la synthèse.

L'hyperuricémie permanente augmente lentement et progressivement le pool miscible de l'acide urique et conduit l'homme à faire ses premières crises au seuil critique de la 3ème décennie. Dans la célèbre enquête épidémiologique conduite à FRAMINGHAM (Massachussetts, U.S.A.), l'incidence cumulée des crises de goutte atteignait un plateau vers l'âge de 58 ans.

Ceci revient à dire que la goutte est très rare avant 20 ans et que la primo crise de goutte est exceptionnelle après 60 ans. Néanmoins, seulement un hyperuricémique sur trois fera des crises de goutte.

Hérédité : La nature familiale de la goutte est reconnue depuis l'Antiquité, mais l'incidence familiale est diversement appréciée et varie entre 6 et 22 %.

En clinique, l'interrogatoire retrouve la notion de goutte familiale dans 30 % des cas. Il est probable qu'une hyperuricémie familiale (difficile à connaître en pratique courante) serait retrouvée plus souvent.

CHONDROCALCINOSE ARTICULAIRE

HISTORIQUE ET EPIDEMIOLOGIE

Historique

………………………………………………………La première observation associant une poussée de tuméfaction articulaire et des images de tonalité calcique du genou est rapportée par Werwath en 1928. La première série de chondrocalcinose articulaire (CCAD) familiale est décrite par Zitnan et Sitaj en 1957. L’identification des microcristaux de pyrophosphate de calcium dihydraté (PPCD) dans le liquide synovial, grâce à l’analyse microscopique en lumière polarisée, revient à McCarty en 1962. A la suite de ces descriptions initiales, de nombreuses formes cliniques et formes associées ont été rapportées, sans que les relations existant entre les dépôts de PPCD et les manifestations articulaires soient totalement élucidées.

Epidémiologie

La prévalence des calcifications radiologiques typiques de la CCAD augmente avec l’âge : rares avant 50 ans, elle concerneraient 10-15% des sujets âgés de 65 à 75 ans et plus de 30% des sujets de plus de 85 ans. Bien que la plupart des séries de la littérature rapportent une nette prépondérance féminine, le risque relatif de CCAD radiologique ajusté pour l’âge est peu augmenté chez la femme

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(RR 1,3). La CCAD est une affection ubiquitaire pour laquelle il ne semble pas exister de prédisposition raciale. Les formes familiales de CCAD et les formes associées de CCAD doivent toujours être recherchées, surtout en cas de maladie à début précoce (< 50 ans), floride et polyarticulaire. Les formes sporadiques semblent plus tardives et moins invalidantes.

PATHOGENIE

Les microcristaux de PPCD siègent principalement dans les cartilages articulaires et les fibrocartilages. A partir de ces sites privilégiés, ils peuvent être retrouvés dans le liquide articulaire et dans la membrane synoviale. Trois facteurs principaux semblent intervenir dans la pathogénie de ces dépôts de PPCD. Des altérations de la matrice du cartilage articulaire dues au vieillissement ou à des microtraumatismes répétés. Une élévation des taux de pyrophosphates au sein du cartilage articulaire, par hyperproduction avec augmentation de la perméabilité chondrocytaire et augmentation de l’activité de la nucléoside triphosphate pyrophosphohydrolase et par diminution du catabolisme avec diminution de l’activité de la phosphatase alcaline. Une hypercalcémie chronique élevant le produit pyrophosphato-calcique et diminuant l’activité de la phosphatase alcaline.Le déclenchement de la crise pseudo-goutteuse semble secondaire au passage des microcristaux de PPCD dans le liquide synovial. Ces microcristaux activent les synoviocytes qui libèrent des médiateurs de l’inflammation dans la cavité articulaire, tels que les cytokines pro-inflammatoires (IL-1, IL-6, TNF-) et les facteurs chimiotactiques. Ce phénomène conduit à l’activation des cellules endothéliales, avec attraction et activation massive des polynucléaires neutrophiles, caractérisant les arthropathies microcristallines aiguës.Le mécanisme des destructions articulaires au cours des arthropathies microcristallines chroniques est moins bien connu.

CIRCONSTANCES DIAGNOSTIQUES

Les travaux de McCarty ont permis de souligner le polymorphisme clinique de la CCAD.

Forme pseudo-goutteuse

Elle représente la forme la plus caractéristique de la CCAD. Elle concerne 25% des malades. Il s’agit classiquement d’une monoarthrite aiguë, pouvant concerner n’importe quelle articulation. Le genou est le plus souvent atteint, suivi par ordre de fréquence par le poignet, l’épaule, la cheville et le coude. Il n’existe le plus souvent aucun facteur déclenchant, bien qu’un facteur traumatique soit parfois retrouvé. Un état fébrile est fréquemment observé. La douleur et la tuméfaction apparaissent brutalement et sont responsables d’une impotence fonctionnelle majeure. Un syndrome inflammatoire biologique est habituel. L’étude du liquide synovial permet le diagnostic de certitude, bien que l’association de microcristaux de PPCD et d’urate monosodique soit possible au sein d’une même articulation. Ces épisodes de pseudo-goutte sont spontanément résolutifs en une à trois semaines. Ils peuvent plus rarement se présenter sous la forme d’une oligo- ou d’une polyarthrite d’évolution subaiguë.

Forme pseudo-arthrosique

Elle représente la forme la plus fréquente des formes symptomatiques de CCAD. Elle concerne 50% des malades. Elle se manifeste par une atteinte dégénérative d’une ou plusieurs articulations, évoluant sur un mode chronique. Les douleurs sont de type mécanique et siègent sur les sites habituels de l’arthrose : genoux, base des pouces, interphalangiennes distales, rachis lombaire et cervical. Elles peuvent concerner des sites inhabituels au cours de l’arthrose : métacarpophalangiennes, poignets, épaules et chevilles, dont l’atteinte fait rechercher de principe une arthropathie métabolique, type CCAD. Dans la moitié des cas, l’interrogatoire permet de

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retrouver des épisodes de pseudo-goutte dans les antécédents. Lorsqu’elle est possible, l’analyse du liquide synovial montre un liquide pauvre en cellules et en microcristaux de PPCD. Les radiographies montrent des signes dégénératifs d’allure banale. Le liséré calcique pouvant disparaître en cas d’arthropathie évoluée, il doit être recherché sur les autres sites articulaires.

Forme pseudo-rhumatoïde

Elle se présente sous le masque d’une polyarthrite chronique pouvant être destructrice. Elle concerne 5% des malades. Bien que les petites articulations des doigts puissent être concernées, elle siège préférentiellement sur les moyennes et les grosses articulations. Un syndrome inflammatoire biologique est habituel. La positivité de la recherche des facteurs rhumatoïdes augmente avec l’âge et ne permet pas de différencier les deux maladies, bien qu’elle représente un élément en faveur de la polyarthrite rhumatoïde. Le caractère fréquemment asymétrique de l’atteinte, la distribution irrégulière des destructions articulaires et les signes propres de la CCAD permettent habituellement de faire la part des choses. Néanmoins, la CCAD et la polyarthrite rhumatoïde sont fréquentes chez le sujet âgé et peuvent être associées, contrairement à la goutte et à la polyarthrite rhumatoïde qui semblent s’exclure mutuellement.

Forme pseudo-neurotrophique

Cette forme rare se caractérise par l’importance des destructions ostéo-articulaires. Elle est survient classiquement chez la femme âgée. Les douleurs articulaires sont intenses et s’accompagnent d’une impotence fonctionnelle majeure. Les grosses articulations sont le plus souvent concernées : les genoux et les épaules notamment, qui sont le siège d’épanchements permanents, souvent hémorragiques, au sein desquels sont observés les microcristaux de PPCD. La hanche peut être le siège d’une coxopathie destructrice rapide. Sur les radiographies, la disparition complète du cartilage articulaire, la destruction de l’os sous-chondral et les déformations, rendent souvent impossible la visualisation du liséré calcique, qui doit, là encore, être recherché sur les autres sites articulaires.

Autres formes cliniques

La CCAD peut concerner les différents segments rachidiens, avec des formes pseudo-méningées au rachis cervical, des formes pseudo-pottiques avec érosions des plateaux vertébraux, des compressions médullaires et/ou radiculaires et des scolioses évolutives de l’adulte.

La CCAD peut se présenter sous le masque d’une tendinite, notamment achilléenne, pouvant se compliquer d’une rupture tendineuse ou d’une ténosynovite, pouvant concerner les fléchisseurs des doigts et s’accompagner d’une compression tronculaire du nerf médian au canal carpien.

La CCAD peut enfin se présenter sous la forme d’une bursite rétro-olécranienne, pré- ou sous-rotulienne ou rétro-calcanéenne.

La CCAD peut être asymptomatique et, chez le sujet agé, la découverte de liserés de CAA sur des radiographies ne permet pas, à elle seule, d’affirmer que la CCA soit responsable des signes cliniques.

DIAGNOSTIC POSITIF

Le diagnostic positif de la CCAD repose sur la mise en évidence de microcristaux de PPCD dans l’articulation et/ou de calcifications radiologiques typiques des cartilages et/ou des fibrocartilages articulaires (Tableau I).

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Tableau I : critères diagnostiques de la chondrocalcinose articulaire

La CCAD est avérée pour le critère 1 ou les critères 2a et 2b réunis, probable pour les critères 2a ou 2b isolés, possible pour les critères 3a ou 3b isolés (critères proposés par McCarty).

Ponction articulaire : microcristaux de pyrophosphate de calcium hydraté

La mise en évidence de microcristaux de PPCD se fait sur l’analyse du liquide synovial au microscope polarisant. Leur identification dépend de l’expérience et du temps que l’examinateur apporte à leur recherche, qui doit constituer un des temps incontournables de l’analyse de tout liquide synovial, au même titre que les analyses cytologique et bactériologique . Les microcristaux de PPCD se présentent sous la forme de bâtonnets parallélépipédiques à bouts carrés, de 5 à 20 µ, intra- ou extra-cellulaires, responsables d’une faible biréfringence positive en lumière polarisante (figure 4). Ils sont dissous par l’EDTA calcique. Ils sont plus fréquents au cours des formes pseudo-goutteuses qu’au cours des formes pseudo-arthrosiques. Ils sont plus facilement isolés sur un liquide synovial récemment prélevé que sur un liquide synovial vieilli. Ils sont facilement différenciés des microcristaux d’urate monosodique sur des critères morphologiques, cristallographiques et biochimiques. L’absence de microcristaux de PPCD dans un liquide synovial n’exclut pas le diagnostic de CCAD.La mise en évidence de microcristaux de PPCD peut aussi se faire sur l’analyse histologique de la membrane synoviale ou sur l’examen anatomo-pathologique du cartilage articulaire au microscope polarisant. Le rendement de ces prélèvements est inférieur à celui de l’analyse du liquide synovial.

Radiographies standard : calcifications des cartilages et fibrocartilages

La mise en évidence de calcifications radiologiques typiques des cartilages articulaires et / ou des fibrocartilages est souvent fortuite, traduisant ainsi la grande fréquence des formes latentes de CCAD chez les sujets âgés. La recherche de telles calcifications doit systématiquement s’intégrer dans le cadre de la démarche diagnostique de toute mono-, oligo- ou polyarthropathie aiguë, subaiguë ou chronique. Les images radiologiques typiques siègent sur les cartilages articulaires, sous la forme d’un liséré dense, fin, régulier ou granuleux, bordant l’os sous-chondral. Les localisations les plus fréquentes sont les genoux (Figure 1), les épaules et les hanches . Les fibrocartilages sont aussi concernés, notamment les ménisques au genou (Figure 1), le ligament triangulaire au poignet (Figure 2), la symphyse pubienne et au rachis, les disques intervertébraux et la charnière cervico-occipitale (Figure 3). Les images radiologiques siègent habituellement sur plusieurs sites articulaires. Un site articulaire peut être symptomatique sans image radiologique typique et inversement. En cas de suspicion de CCAD, on réalise systématiquement des radiographies du bassin de face et des clichés comparatifs des deux genoux de face et de profil, des deux mains de face et éventuellement des deux épaules de face.

Critère 1 : Présence dans le liquide articulaire ou dans une pièce de biopsie articulaire de cristaux de PPCD identifiés en radiocristallographieCritère 2a : Cristaux monocliniques ou tricliniques non ou faiblement biréfringents en lumière polarisée.Critère 2b : Calcifications radiologiques typiquesCritère 3a : Arthrite aiguë d’une grosse articulation.Critère 3b : Arthrite chronique (genoux, hanches, poignets, coudes, épaules et métacarpophalangiennes), s’accompagnant de poussées aiguës.

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Chondrocalcinose du genou

Chondrocalcinose du poignet

DIAGNOSTIC ETIOLOGIQUE

Bien que la plupart des CCAD soient sporadiques, des formes familiales et des formes associées ont été décrites (Tableau II).`Tableau II : diagnostic étiologique de la chondrocalcinose articulaire

Formes sporadiques : les plus fréquentes

Formes familiales

Elles sont exceptionnelles. Elles ont initialement été rapportées par Zitnan et Sitaj en Tchécoslovaquie. Elles sont caractérisées par un début précoce, des calcifications diffuses et une

Formes familiales : exceptionnelles

Formes associées : raresHyperparathyroïdie primitive et hypercalcémie familiale bénigneHémochromatose génétiqueMaladie de Wilson OchronoseHypophosphatasie congénitaleHypomagnésémie du syndrome de Bartter et du syndrome de GitelmanFormes post-traumatiques ?

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évolution sévère avec des détériorations articulaires progressives. Il s’agit habituellement de maladies héréditaires autosomiques dominantes à pénétrance variable.

Formes associées

Elles sont rares, mais elles doivent être recherchées de principe, surtout en cas de CCAD à début précoce (< 50 ans), floride et polyarticulaire (Tableau III).

Tableau III : examens complémentaires utiles en cas de chondrocalcinose articulaire

Recherche de cristaux de PPCD dans le liquide synovialRadiographies des 2 genoux de face et de profilRadiographies des 2 mains de faceRadiographies du bassin de faceCalcémie, phosphorémie, phosphatases alcalines sériquesCalciurie, phosphaturie des 24 heuresFer sérique, coefficient de saturation de la transferrine, ferritinémie

L’association avec l’hyperparathyroïdie primitive est certaine. Cinq à 10% des patients atteints de CCAD ont une l’hyperparathyroïdie primitive et 15 à 30% des patients atteints d’hyperparathyroïdie primitive ont une CCAD. Le traitements chirurgical de l’hyperparathyroïdie primitive peut s’accompagner de crises pseudo-goutteuses en postopératoire et ne fait pas régresser les signes radiologiques de CCAD. Le rôle d’une hypercalcémie chronique peut être souligné dans la pathogénie de la CCAD, puisque la prévalence de cette maladie paraît aussi augmentée au cours de l’hypercalcémie familiale bénigne.

L’association avec l’hémochromatose génétique est certaine, puisque 20 à 40% des patients atteints de cette maladie ont une CCAD associée. Les manifestations ostéoarticulaires de la CCAD s’associent à celles de l’hémochromatose génétique. Là encore, le traitement de cette affection ne semble pas modifier le cours évolutif de la CCAD.

L’association avec la maladie de Wilson et l’ochronose est probable, sans que l’on puisse affirmer l’existence d’une liaison statistique en raison de la faible incidence de ces deux affections responsables, au même titre que l’hémochromatose génétique, d’arthropathies métaboliques.

L’association avec l’hypophosphatasie congénitale et l’hypomagnésémie des syndromes de Bartter et de Gitelman est elle aussi probable, sans que l’on puisse là encore l’affirmer.

Si les traumatismes semblent pouvoir déclencher une crise pseudo-goutteuse chez un patient atteint de CCAD, leur rôle éventuel dans la formation des dépôts de PPCD reste à préciser.

Enfin, il ne semble pas exister d’association avec l’hypothyroïdie, le diabète, l’acromégalie, la maladie de Paget, la polyarthrite rhumatoïde ou la goutte.

Formes sporadiques

Elles représentent plus de 80% des CCAD. Leur fréquence augmente avec l’âge. Elles semblent plus tardives et moins invalidantes que les formes familiales ou les formes associées.

DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL

Formes pseudo-goutteuses

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Une arthrite septique doit être éliminée devant un tableau de monoarthrite aiguë, avec altération de l’état général fébrile et syndrome inflammatoire biologique. La recherche et les prélèvements d’une porte d’entrée infectieuse et la ponction articulaire avec analyse cytologique, bactériologique et recherche de microcristaux doit être systématique. Des hémocultures seront réalisées au moindre doute.

Une crise de goutte doit bien sûr être évoquée devant un tel tableau, surtout en cas d’antécédents personnels ou familiaux de goutte ou de lithiases uratiques. La ponction articulaire avec analyse du liquide synovial et le dosage de l’uricémie au moment et surtout à distance de la crise permettent le plus souvent de faire la part des choses. La coexistence d’une goutte et d’une CCAD est cependant possible.

Un rhumatisme à apatite doit être évoqué, notamment en cas d’atteinte de l’épaule ou de la hanche. La localisation juxta-articulaire et l’aspect dense et arrondi des calcifications radiologiques permettent habituellement de différencier ces deux types de rhumatismes microcristallins.

Un rhumatisme inflammatoire chronique peut bien sûr débuter par une crise de monoarthrite aiguë. On recherchera systématiquement, à l’interrogatoire et à l’examen physique, des antécédents personnels ou familiaux, d’autres manifestations articulaires et surtout des manifestations extra-articulaires en faveur d’une spondylarthropathie inflammatoire, d’une polyarthrite rhumatoïde, d’une connectivite ou d’une vascularite.

Formes pseudo-rhumatoïdes

La topographie (moyennes et grosses articulations surtout) et la distribution (asymétrie fréquente) de l’atteinte articulaire, l’absence habituelle de facteurs rhumatoïdes et surtout d’anticorps anti-kératine et les calcifications radiologiques typiques des cartilages articulaires et / ou des fibrocartilages de la CCAD permettent habituellement de faire la part des choses. La coexistence d’une CCAD et d’une polyarthrite rhumatoïde est cependant possible, surtout chez les sujets âgés.

Formes pseudo-neurotrophiques

Si l’importance des destructions ostéo-articulaires peut faire discuter une neuro-arthropathie, l’intensité des douleurs et la normalité de l’examen neurologique (absence de signes en faveur d’une syringomyélie, d’un tabès ou d’une polyneuropathie) permettent d’éliminer ce type d’affections.

Formes avec atteintes rachidiennes

Les formes pseudo-méningées de CCAD doivent être connues. Elles associent de façon brutale une altération de l’état général fébrile, des cervicalgies intenses, une raideur méningée inconstante et un syndrome inflammatoire biologique marqué. Elles doivent faire éliminer de principe une méningite, une épidurite ou une spondylodiscite infectieuse. L’absence de porte d’entrée infectieuse, la négativité de l’enquête bactériologique, la mise en évidence de calcifications de la charnière cervico-occipitale au scanner et surtout l’évolution rapidement favorable sous traitement symptomatique par antalgiques, anti-inflammatoires stéroïdiens ou faibles doses de glucocorticoïdes sont autant d’arguments en faveur de ce diagnostic.

TRAITEMENT

Buts

80

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En l’absence de moyen thérapeutique permettant de freiner les dépôts articulaires de PPCD, le traitement de la CCAD est le plus souvent symptomatique.

Moyens

Traitement étiologique des formes associées.Le traitement d’une hyperparathyroïdie primitive fait appel à une cervicotomie exploratrice avec exérèse chirurgicale de la parathyroïde pathologique ou parathyroïdectomie totale ou sub-totale dans les autres cas. Le traitement d’une hémochromatose génétique avérée fait appel à des saignées itératives.

Traitement symptomatique des formes sporadiques.Le traitement symptomatique des formes sporadiques de CCAD est le plus souvent médical. Il fait appel aux antalgiques de niveaux I et II de l’OMS, aux anti-inflammatoires non stéroïdiens et à la colchicine, voire à une corticothérapie générale à faible dose sur une courte période. Il nécessite parfois des gestes locaux : injections intra-articulaires de glucococorticoïdes, voire synoviorthèses isotopiques. Il est parfois chirurgical, faisant principalement appel à la chirurgie prothétique.

Indications

Formes associées. Le traitement chirurgical d’une hyperparathyroïdie symptomatique ou le traitement médical d’une hémochromatose génétique est toujours indiqué pour prévenir les autres complications de ces maladies.

Formes latentes. Elles ne nécessitent aucun traitement

Formes pseudo-goutteuses. Le traitement d’une crise de monoarthrite aiguë fait appel au repos articulaire, à la cryothérapie et aux anti-inflammatoires non stéroïdiens et / ou à la colchicine. Il faut rappeler ici le caractère délicat du maniement des anti-inflammatoires non stéroïdiens chez le sujet âgé (respect strict des contre-indications, dose minimale efficace, prévention systématique des lésions digestives, surveillance de la tolérance digestive, rénale et tensionnelle), qui leur fait parfois préférer une corticothérapie générale à faible dose (10 mg/j de prednisone), sur une courte période (10 à 15 jours). Les injections intra-articulaires de glucocorticoïdes sont rapidement indiquées, après avoir éliminé une arthrite septique.En cas de monoarthrite aiguë récidivante, la colchicine peut être proposée à la dose de 1 mg par jour en traitement au long cours, pour prévenir ou diminuer la fréquence des récidives. est souvent mieux supportée.

Formes pseudo-arthrosiques. Le traitements symptomatique des poussées articulaires fait appel au repos articulaire, avec mise en décharge des articulations portantes si nécessaire, aux antalgiques de niveaux I et II de l’OMS, voire aux anti-inflammatoires non stéroïdiens. Les injections intra-articulaires de corticostéroïdes peuvent apporter un bénéfice non négligeable à court terme. Les synoviorthèses radio-isotopiques peuvent être nécessaires, notamment en cas d’hydarthrose persistante ou d’hémarthrose récidivante, après échec d’au moins une injection intra-articulaire de glucocorticoïdes. Les mesures d’économie articulaire et la rééducation fonctionnelle sont toujours de mise. La chirurgie prothétique est indiquée dans les formes destructrices, avec handicap fonctionnel et résistance au traitement médical bien conduit.

Résultats

Le traitement étiologique des formes associées ne semble pas avoir d’influence sur l’évolution des manifestations articulaires ou juxta-articulaires de la CCAD constituée qui évolue pour son propre compte.

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Le traitement symptomatique des formes pseudo-goutteuses donne rapidement de bons résultats.Les résultats du traitement des formes pseudo-arthrosiques ne semble pas présenter de particularités par rapport au traitement des arthroses primitives.

LE RHUMATISME A APATITE

I – Introduction :

Apparente aux rhumatismes microcristallins, le rhumatisme à apatite est plutot une arthrite tendineuse péri articulaire. La description typique et la localisation la plus fréquente est la "péri arthrite calcifiante de l'épaule" qui nous servira ici de modèle descriptif. Mais de très nombreux autres localisations tendineuses sont possibles.

II – Généralités :

La présence d’une calcification dans un tendon de l’épaule, le plus souvent le sus-épineux près de son insertion trochitérienne, n’est plus considérée comme une forme particulière de la dégénérescence chronique de la coiffe, mais comme une localisation préférentielle d’une maladie plus générale, le rhumatisme à hydroxy-apatite. Elle mérite pleinement le nom de périarthrite ; elle ne retentira pas sur l’articulation gléno-humérale, mais essentiellement sur la bourse séreuse sous-deltoïdienne sous forme d’une périarthrite aiguë microcristalline.

A- Etiologie

La cause de cette affection est mystérieuse. Il s’agit peut-être d’une nécrose avasculaire proche de la zone d’insertion du tendon (zone critique de Codman, mal vascularisée), avec précipitation d’un dépôt calcique (habituellement de l’apatite).

La tendinopathie calcifiante s’observe un peu plus souvent chez la femme, entre 30 et 40 ans, plus tôt que la détérioration tendineuse commune.

B- Physiopathologie

La calcification est généralement superficielle, apparaissant comme une saillie blanchâtre, bien visible. Plus rarement, elle est cachée, intratendineuse.

La caractéristique essentielle de ces calcifications, longtemps compactes et asymptomatiques, est de se mobiliser parfois secondairement, créant une inflammation aiguë des bourses séreuses de voisinage. Elles disparaissent alors plus ou moins complètement au cours de cet épisode cliniquement bruyant de bursite microcristalline.

C- Etude clinique

- Formes radiocliniques

On peut décrire trois formes qui ne s’excluent pas :

- Formes asymptomatiques, de découverte radiologique. Il n'est pas rare de trouver plusieurs sites de calcifications chez un même individu, surtout autour des épaules et des hanches : maladie des calcifications multiples de Welfling.

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- Epaules douloureuses simples, lorsque la calcification gène le fonctionnement du tendon, C'est souvent le cas du sus-épineux dont la calcification, si elle est trop volumineuse, accroche le ligament acromio-coracoïdien

- Epaule hyperalgique aiguë, traduisant l'irruption de microcristaux calciques dans la bourse sous-deltoïdienne Le début des douleurs est brutal, le syndrome inflammatoire marqué, comme dans une crise de goutte :

. douleur très vive, entraînant l'insomnie, empêchant toute mobilisation de l'épaule,

. Il peut exister des signes inflammatoires locaux : tuméfaction antérieure, augmentation de la chaleur locale, parfois légère rougeur cutanée,

. l'existence de fièvre et d'une accélération de la vitesse de sédimentation globulaire définit des formes pseudo-septiques.

Calcifications radiographiques d’apatite au orteils (en haut) et à la main (en bas)

2 - Evolution

- En règle favorable, la surveillance radiologique montre nettement les modifications de la calcification qui devient plus floue, s'étale, se disperse dans la bourse sous-deltoïdienne puis disparaît en quelques semaines.

- Dans des cas moins favorables, la persistance de la calcification laisse peser le risque de récidives, parfois nombreuses et pouvant s'étaler sur plusieurs années.

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3 - Formes topographiques

La bilatéralité est habituelle, d'où l'intérêt de la radiographie comparative des deux épaules.

La rechute controlatérale est une éventualité fréquente dont il est bon de prévenir le patient.

Tous les tendons de l’épaule peuvent être le siège d’une ou plusieurs calcifications de taille variable. Si la calcification du sus-épineux est bien visible sur la radiographie de face de l’épaule, il n’en est pas de même dans d’autres localisations. Ces calcifications cachées seront dévoilées par des incidences radiologiques particulières.

4- Diagnostic

- Le diagnostic positif est en règle facile par la radiographie de l’épaule de face, à condition de dégager correctement l’espace sous-acromial. Les formes cachées nécessitent des incidences spéciales, de face en rotations variées et de profil. L’échographie est intéressante, mais rarement indispensable. L’arthrographie de l’épaule n’est pas utile au diagnostic, mais elle montrerait que, dans la majorité des cas, la coiffe est intacte.

- Quelques diagnostics différentiels se posent avec :

les rares calcifications de la dégénérescencetendineuse chronique, habituellement petites, de siège variable, et surtout stables. Dans quelques cas, un tendon dégénéré peut-être le siège d’un processus massif de calcification, suivant le trajet de tendon.

La forme hyperalgique peut faire évoquer :- une arthrite infectieuse,- une arthrite microcristalline. La goutte aiguë ne s’observe pas à l’épaule,

mais la chondrocalcinose peut créer une arthrite aiguë gléno-humérale. La ponction articulaire ramène un liquide inflammatoire contenant des cristaux de pyrophosphate de calcium, dissous par l’EDTA calcique. La radiographie de profil, mieux que la radiographie de face, montrera un liseré opaque dans le cartilage de la tête humérale et parfois aussi à la face postérieure du sus-épineux.

E- Traitement

- La forme hyperalgique est l’indication d’une injection intrabursale d’un dérivé cortisonique injectable, seule capable de calmer très rapidement l’inflammation micro-cristalline.

Le repos articulaire, l’application de glace et la prise d’un anti-inflammatoire sont à mettre en œuvre immédiatement, en attendant l’infiltration.

La physiothérapie sédative, les massages sont inutiles et même aggravants.

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- L’éradication de la calcification par des moyens médicaux (ponction à l’aiguille, trituration) ou chirurgicaux (ablation) et plus récemment par lithotrypsie a ses partisans, mais semble d’indications restreintes.

Les formes multiples et récidivantes sont de traitement décevant. La colchicothérapie continue, les diphosphonates ont été proposés sans résultats convaincants.

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