Gône et Mâchon Lyon

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Gône & Mâchon Gône & Mâchon MAKE LIFE TASTY Portfolio Il est arrivé ! Arrière-cuisine Les coulisses d’un bouchon 1 NOV.- DÉC. Patrick Buffet, dit « Minet », charcutier à la Maison Sibilia SPÉCIALITÉS LYONNAISES Tout n’est pas dans le cochon INTERVIEW Têtedoie vs. Viannay ENQUÊTE Du surgelé dans votre assiette IDÉES ! Lyon s’adapte

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Un magazine des étudiants de l'ISCPA Lyon (2012) de 32 pages sur Lyon, capitale de la gastronomie. mais pas seulement.... Découvrez toutes les enquêtes des journalistes de l'ISCPA sur l'alimentation.

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Gône&MâchonM A K E L I F E T A S T Y

PortfolioIl est arrivé !

Arrière-cuisineLes coulisses d’un bouchon

N°1 NOV.- DÉC.

Patrick Buffet, dit « Minet », charcutier à la Maison Sibilia

spécialités lyonnaises

Tout n’est pas dans lecochonINTERVIEW Têtedoie vs. Viannay

ENQUÊTE Du surgelé dans votre assiette

IDÉES !Lyon s’adapte

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47 rue Sergent Michel Berthet69 009 LyonTél.: 04 72 85 71 73Fax.: 04 72 85 71 99

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Directeur de la rédaction : Alexandre Buisine

Rédacteur en chef :Alexandre Bassette

Rédactrice en chef adjointe :Priscyllia Canabate

Rédacteurs en chef web :Flora ChaducEtienne Guinet

Maquettiste :Guillaume Bernillon

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Rédacteurs :Maxime AutechaudAlexandre BassetteGuillaume BernillonMorgane BulandPriscyllia CanabateFlora ChaducDamien CorneloupEtienne GuinetJulie MorisodEmilie Lamine

Remerciements : Chantal Guyot et Patricia Alexandre du magazine Gault&Millau pour leur aide précieuse

Maquette inspirée du bi-mensuel Gault&Millau

Gône&Mâchon

Alexandre BassetteRédacteur en chef

Ou i ,ma i s encore ?

Éditorial

La gastronomie à Lyon. Regards suspicieux autour de la table. La rédaction a les crocs de bonnes idées, mais c’est la panne. En délocalisant, on pourrait parler de trou normand. C’est juste

un trou noir intellectuel. La gastronomie à Lyon : oui, mais encore ? Les langues se délient. Le mot « bouchon » frémit timidement sur les lèvres. En guise d’amuse-bouche une promenade dans le Vieux-Lyon. Un détour par la rue des Marronniers. Troisième à droite jusqu’à la rue Mercière. Un arrière-goût de tourisme culinaire. Le museau de porc réveille les papilles. Le goût des quenelles traine sur le palais. Un coussin lyonnais sucre la langue pour terminer. Spécialités lyonnaises et autres clichés. Entrée, plat, dessert et sieste digestive conseillée. Oui, mais encore ? Paul Bocuse ! Chef parmi les chefs dans le petit monde de la gastronomie lyonnaise. Gastronomie lyonnaise ? Le sujet n’était-il pas la gastronomie à Lyon ? C’est une piste à suivre. La distinction entre gastronomie lyonnaise et gastronomie à Lyon pimente la discussion : c’est du lard ou du cochon ? Cherchons plus loin. Le Larousse donne cette définition de la gastronomie : « Connaissance de tout ce qui se rapporte à la cuisine, à l’ordonnancement des repas, à l’art de déguster et d’apprécier les mets. » Pour la partie « à Lyon », inutile de fouiller trop loin : il faut juste renouveler sa carte de transports en commun et jeter toutes les autres pour ne pas s’éloigner du centre-ville. Il n’y a plus qu’à ouvrir grand ses papilles et commencer un tour du monde des saveurs. Oui, mais encore ? La gastronomie à Lyon. Vaste sujet...

2 | G&M n°1 novembre-décembre 2012

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Sommaire n° 1

n°1 novembre-décembre 2012 G&M | 3

4 Portfolio

6 Amuse-boucheCité de la gastronomieLyon met les petits plats dans les grands

8 So HistoricLyon, capitale de la gastronomieFrise gastrologique

10 Chefs en vueInterview croiséeChristian Têtedoie - Mathieu Viannay

12 Enquête consoAmbiance glaciale dans les assiettes des consommateurs

14 HygièneContrôle qualité

15 So schoolInstitut Paul Bocuse : CV étoilé

16 DossierEntre identité et diversité culinaire

26 FocusLyon à l’heure des nouveaux concepts

27 Enquête tourismeUne savoureuse visite

29 So LyonLa guerre des bouchons

30 Arrière-cuisineUne nuit au « Musée »

32 Quiz

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Pour aller plus loin, rendez-vous

sur goneetmachon.wordpress.com

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4 | G&M n°1 novembre-décembre 2012

Portfolio Beaujolais Nouveau

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n°1 novembre-décembre 2012 G&M | 5

Terrasses improvisées. Charcuteries bien

disposées. Bouteilles débouchées. Pas

de doute, le Beaujolais Nouveau est

arrivé. « Venez le goûter ! ». « Approchez, approchez ! ». Les commerçants

haranguent la foule. Personne ne sait

vraiment où donner de la tête. Il y aurait

près de 2 500 variétés différentes à

déguster. Alors, il y a ceux qui refusent

poliment, ceux qui acceptent avec plaisir

et ceux, un peu hors sujet, qui préfèrent

des huîtres. « Il a un arrière-goût de banane ? », demande-t-on par habitude.

Plutôt pêche de vigne, selon les dires.

Surtout, il devient vite trop frais. Glacé,

même. Mais ça ne gâche pas la fête.

« L’important, dit-on, c’est de passer un bon moment. » Cette année, petite

production ; moitié moins importante que

l’an passé. Le sens du partage de certains

est si grand que lorsqu’ils apprennent la

nouvelle, ils préfèrent ne pas se resservir

et passer au vin chaud.

Par Alexandre Bassette

Beaujolais’ Day

PHOTOS MAXIME LELONG

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6 | G&M n°1 novembre-décembre 2012

La cité de la gastronomie est un

projet à l’initiative de l’Unesco,

qui a ajouté le « repas français »

à son patrimoine immatériel en 2010. La

compétition regroupait au départ six villes.

Lyon, Beaune, Tours, Dijon et Chevilly-

Larue/Rungis sont toujours en compétition.

La sixième, Versailles, a retiré sa candidature

mi-octobre, faute de financements. Elle

est supervisée par la Mission Française du

Patrimoine et des Cultures Alimentaires

(MFPCA), organisme qui a porté le dossier

de candidature du « repas français », et

par le ministère de la Culture. C’est l’une

des obligations de l’État français suite

à l’inscription au patrimoine immatériel

de l’Unesco. Concrètement, la cité de la

gastronomie consiste en la construction,

dans la ville victorieuse, d’un grand

complexe qui aura pour but de « mettre en

valeur le patrimoine alimentaire français ».

Il contiendra de nombreux restaurants,

des marchés, un centre de formation, ainsi

que d’autres établissements entièrement

consacrés à l’art culinaire. Toutes les villes

encore candidates ont été auditionnées

le 15 octobre dernier, au ministère de la

Culture. Elles ont présenté leur projet face à

un jury composé de sept administrateurs de

la MFPCA, dont son président, Jean-Robert

Pitte. Le ministère de la Culture précise

que plusieurs critères ont été examinés.

L’aspect culinaire a bien entendu été pris

en compte, les spécialités de chaque ville

et leur légitimité à concourir dans cette

compétition ayant été observées. La

localisation des villes est aussi un facteur

important. Ainsi, Tours et Chevilly-Larue,

situées à moins d’une heure de Paris, ainsi

que Lyon, de par sa position centrale,

possèdent un avantage. Le jury a également

tenu compte de la faisabilité économique

du projet. Toujours selon le ministère de

la Culture, les résultats définitifs devraient

être connus au mois de janvier prochain,

après un examen détaillé de toutes les

candidatures.

UN PARCOURS DIFFICILE Malgré sa réputation culinaire internationale,

Lyon n’est pas assurée de remporter la

compétition. De nombreuses difficultés

parsèment encore son parcours. En premier

lieu : le problème de financement. Gérard

Succès incertainConsidérée comme la capitale historique de la gastronomie française,

Lyon est en compétition avec quatre autres villes pour accueillir la cité

de la gastronomie. De nombreuses informations, parfois, contradictoires,

circulent sur sa candidature. Décryptage.

TEXTE DAMIEN CORNELOUP

Amuse-bouche

CITÉ DE LA GASTRONOMIE

L’Hôtel-Dieu doit accueillir la cité de la gastronomie en cas de victoire de Lyon.

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Page 7: Gône et Mâchon Lyon

Collomb, sénateur-maire socialiste de Lyon,

a déclaré en septembre : « Pas un seul

investisseur privé ne s’est déclaré intéressé

pour participer au projet. » Un projet qui

coûterait au minimum 18 millions d’euros,

selon la mairie. La candidature de Lyon

posait alors question et Gérard Collomb

a longtemps montré peu d’enthousiasme

vis-à-vis de cette compétition. Lors du

rassemblement de soutien au projet

lyonnais, le 5 octobre 2012, des figures de

l’opposition de droite sont même apparues

aux côtés des chefs des Toques Blanches.

Finalement, le maire de Lyon a trouvé un

accord de financement de dernière minute

avec le groupe de BTP Eiffage et s’est posé

en défenseur du projet avant l’audition du

15 octobre. Quinze jours plus tard, Gérard

Collomb dévoile le projet lyonnais : la cité

de la gastronomie sera aménagée à l’Hôtel-

Dieu, et fera partie du projet de rénovation

de cet hôpital historique de Lyon. Le maire

est désormais persuadé que la cité sera

lyonnaise et fait même du financement le

point fort du dossier : « Sans vouloir faire

de mauvaise publicité à certaines autres

villes en compétition, le projet lyonnais,

contrairement à celui d’autres candidats,

est d’ores et déjà financé et peut être mis

en œuvre à court terme. » Néanmoins, ce

projet semble passionner peu de monde

à Lyon. Un manque d’enthousiasme qui

s’expliquerait par le fait que la ville aurait

peu à gagner, mais beaucoup à perdre

financièrement. Déjà considérée par

défaut comme la capitale mondiale de la

gastronomie, elle ne pâtirait que peu de

l’absence de la cité de la gastronomie.

L’incidence sur le tourisme serait

négligeable, car la réputation culinaire de

Lyon ne changera pas, selon les détracteurs

du projet qui le jugent trop coûteux.

Plusieurs articles parus dans la presse

régionale de tout l’hexagone ne manquent

pas de faire des pronostics. Infos ou intox,

on observe que Lyon n’est jamais déclarée

vainqueur. Dijon et Tours seraient en tête,

suivies par Chevilly-Larue qui terminerait le

podium. Gazetteinfo, site d’information de

Côte d’Or, affirme même que la délégation

lyonnaise a fait preuve d’arrogance durant

son audition au ministère de la Culture,

une attitude qui aurait déplu au jury. Des

informations à prendre avec des pincettes,

certes, mais qui pourraient inquiéter la

candidature lyonnaise.

Malgré les obstacles, Lyon reste toutefois

en compétition pour accueillir la cité de la

gastronomie, qui deviendrait assurément

une concrétisation symbolique de la

n°1 novembre-décembre 2012 G&M | 7

LE PROJET LYONNAIS EN CHIFFRES :

18 MILLIONS D’EUROSCoût du projet de la cité de la gastronomie,

dont 15 millions pour l’installation dans

l’Hôtel-Dieu et sa rénovation, financés à

moitié par le groupe Eiffage.

15 000 M²Surface de la potentielle cité de la

gastronomie, qui se situera dans la partie la

plus ancienne de l’hôpital et dont 1 500 m²

seront situés à l’extérieur, en jardin. La cité

se tiendra sur quatre niveaux.

64Nombre de chefs étoilés qui soutiennent le

projet lyonnais, emmenés par Paul Bocuse.

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réputation culinaire historique de la

ville. Sans oublier que la cité deviendra

également la représentation physique de

la qualité de la cuisine française auprès de

l’Unesco.

Page 8: Gône et Mâchon Lyon

8 | G&M n°1 novembre-décembre 2012

So HistoricAntiquité : Lugdunum (Lyon), de part sa position centrale détient le

monopole du commerce du vin. Les Romains, en s’y installant

amènent des spécialités de l’Empire. Le cuisinier Septimanus,

qui tenait une auberge à Lugdunum, s’est fait connaître par son

talent à cuisiner, notamment, le cochon.

XVIe siècle : Catherine de

Médicis fait venir des

cuisiniers florentins

pour améliorer la

cuisine française et

Lyon en bénéficie

beaucoup. Les

« abats » (tripes,

etc.) se banalisent

à Lyon pendant

cette époque de

la Renaissance.

L’humaniste Erasme

fait l’éloge de

la gastronomie

lyonnaise : «On n’est

pas mieux traité

chez soi qu’on ne

l’est à Lyon dans une

hôtellerie ».

1532 : François Rabelais, médecin à Lyon, publie

la première édition de « Gargantua »

dans cette ville. Les références culinaires

du célèbre texte sont fortement inspirées

de la cuisine lyonnaise. « Gargamelle

donna naissance à son fils Gargantua

après avoir mangé grand planté

de tripes. » Le texte a contribué à

populariser au niveau national la cuisine

lyonnaise.

1600 : Le mariage entre le Roi

Henri IV et l’Italienne Marie

de Médicis, célébré à

Lyon, contribue davantage

au mariage des saveurs

lyonnaises et italiennes.

1759 : Première mention d’une « mère » lyonnaise

avec la « Mère Guy ». Près d’un siècle plus

tard, sa petite-fille, qui gardera l’appellation

« Mère Guy », sera surnommée « la génie »

1783 : Le premier livre de recettes

de gastronomie lyonnaise

est publié : « La cuisinière

bourgeoise » d’Amable Leroy.

Fin du XVIIIe siècle : L’Italien Spreafico s’installe à

Lyon et y introduit les glaces, qui

deviendront l’une des spécialités

de la ville.

1801 : Joseph de Berchoux publie

un poème précurseur nommé

« Gastronomie ou l’homme des

champs à table », qui fait l’éloge

de l’art culinaire lyonnais. La

réputation de la gastronomie

lyonnaise s’en est trouvée

renforcée avec ce poème.

Début du XIXe siècle : Lyon devient une capitale

majeure de la production

de bière et de pâtes,

concurrençant les pâtes

italiennes.

1837 : Stendhal publie un

éloge de la cuisine

lyonnaise :

« Je ne connais

qu’une chose que

l’on fasse très bien

à Lyon, on y mange

admirablement, et,

selon moi, mieux

qu’à Paris. »

1926 : La première école de

cuisine de France est

créée à Lyon, par les chefs

Marius Vettard et Alain

Mennweg.

1933 : Eugénie Brazier et Fernand

Point obtiennent trois étoiles.

1934 : Le gastronome Maurice

Edmond Sailland, alias

Curnonsky, enchanté par

la cuisine des « mères » et

des bouchons, annonce

que « Lyon est la capitale

mondiale de la gastronomie ».

Une déclaration qui lance la

réputation culinaire de Lyon à

l’international.

Fin XIXe siècle : Les célèbres « mères »

(dont la fameuse Eugénie

Brazier), quittent leurs

foyers pour se mettre

à leur compte. Elles

deviendront un pilier de la

réputation mondiale de la

gastronomie lyonnaise.

Page 9: Gône et Mâchon Lyon

n°1 novembre-décembre 2012 G&M | 9

1997 : L’Association de défense des

bouchons lyonnais attribue

désormais un label nommé

« Authentique Bouchon Lyonnais »,

qui identifie les établissements les

plus anciens et les plus typiques.

2012 : Paul Bocuse, qui détient

plusieurs restaurants à Lyon,

opère toujours. De nouveaux

chefs-cuisiniers lyonnais

font vivre la gastronomie

lyonnaise, dont Christian

Têtedoie ou Mathieu

Viannay (héritier de la Mère

Brazier et élève de Paul

Bocuse).

Les années Bocuse

1965 : Paul Bocuse obtient trois

étoiles, qu’il possède

toujours aujourd’hui.

1987 :

Paul Bocuse crée le « Bocuse d’Or », concours mondial pour la cuisine, qui se tient à Lyon.

1989 :

Paul Bocuse est élu « Cuisinier du siècle» et « pape de la cuisine » par Gault et Millau.

1990 : Création de l’Ecole des

Arts Culinaires et de

l’hôtellerie ou Institut

Bocuse. Le Chef en est

président d’honneur.

De l’Antiquité à nos jours,

Lyon a été et reste une ville

majeure dans l’art culinaire.

Quels sont les évènements qui

ont fait la réputation de la ville ?

Comment a-t-elle obtenu son titre

de « capitale mondiale

de la gastronomie » ?

Élements de réponses.

TEXTE DAMIEN CORNELOUP

INFOGRAPHIE GUILLAUME BERNILLON

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Page 10: Gône et Mâchon Lyon

10 | G&M n°1 novembre-décembre 2012

Chefs en vue

Christian Têtedoie

«Il y a tellement d’offre que les gens sont de plus en plus

exigeants »Pourquoi la ville de Lyon est-elle

considérée comme capitale de la

gastronomie ?

Christian Têtedoie : Lyon a une histoire

tellement chargée que le statut de capitale

de la gastronomie s’impose naturellement.

Nous avons eu à travers les siècles, de

nombreuses personnes qui se sont chargées

justement de créer une cuisine particulière,

de goût et généreuse, à base de produits

simples. Ensuite, il y a un garde-manger

autour de la ville assez exceptionnel ! Où

que l’on se tourne, en Ardèche, dans l’Ain,

etc., il n’y a que des beaux produits.

Mathieu Viannay : On a de la chance

car Lyon se trouve dans un carrefour

géographique avec une multitude de

produits. On a une région très riche avec

beaucoup d’appellations contrôlées, que

ce soit pour les vins avec la Bourgogne, le

Beaujolais au nord, la vallée du Rhône au

sud, même les vins de Savoie à l’est. Pour

les produits, on peut trouver toutes sortes

de fromages, la volaille de Bresse dans

l’Ain, il y a les légumes et les fruits dans la

vallée du Rhône, l’Auvergne à côté. On a de

beaux produits et donc de bons restaurants.

Les gens ont toujours eu cette tradition de

la table et de se retrouver à table. On dit

d’ailleurs : « À Lyon, au travail on fait ce que

l’on peut mais à table on se force. » C’est

un peu ça.

Lyon se base sur la tradition de la

gastronomie française, pourtant, on

observe une montée des bistrots face

aux bouchons traditionnels. Comment

expliquez-vous cette évolution ?

C.T. : Forcément les cuisiniers sont très

attachés à surligner la sélection de leurs

clients. Aujourd’hui, on s’aperçoit que

les gens n’ont pas forcément toujours

les moyens d’aller dans les restaurants

gastronomiques alors beaucoup de chefs

ouvrent des bistrots, qui se situent entre le

bouchon et le restaurant gastronomique.

Ce sont des endroits avec d’autres types

de cuisine, des produits plus simples,

donc avec un goût et une matière moins

importants.

M.V. : L’un n’empêche pas l’autre, c’est

normal. Les gens ont besoin de diversité.

Il y a beaucoup de jeunes qui ont ouvert

de superbes bistrots. Enfin, « faire de la

bistronomie », ça ne veut rien dire. C’est

toujours de la cuisine. Ce sont des jeunes

qui ont travaillé dans de grandes maisons,

qui ont appris dans des restaurants étoilés

et qui font partager leur savoir souvent avec

un bon rapport qualité-prix.

Pour un chef qui vient s’installer à Lyon,

faut-il vraiment s’approprier les codes

des bouchons et des traditions de Lyon ?

C.T. : Ça me parait important. Le client

qui vient de l’international a quand même

envie de découvrir cette fameuse cuisine

lyonnaise et je crois que c’est le rôle d’un

chef d’auto-promouvoir son terroir.

M.V. : Pas du tout ! Je pense qu’il doit déjà

PROPOS RECUEILLIS PAR EMILIE LAMINE

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s’approprier lui-même et faire quelque

chose de cohérent dans sa cuisine, qui doit

être en adéquation avec son lieu, la salle

et l’ambiance. Quand je suis arrivé à Lyon,

je n’avais travaillé chez aucun chef et j’ai

toujours fait ce que j’avais envie de faire.

Il y a de la place pour tout : modernité et

tradition dans la modernité. L’important,

c’est de ne pas tricher avec les produits et

leur qualité.

Quel sera l’atout d’un nouveau chef,

non Lyonnais ? S’il doit garder ces

codes-là, que peut-il réinventer dans la

gastronomie lyonnaise ?

C.T. : Ce n’est pas gênant de garder ces

codes, la cuisine française est toujours en

mouvement et se reconstruit constamment.

On dit que les cuisiniers français sont

prétentieux, pour moi c’est une grosse

erreur. Ils ont toujours eu l’œil aguerri pour

L’un rêvait de devenir

cuisinier à onze ans, en

découvrant l’ouvrage

« La cuisine du marché »

de Paul Bocuse ; l’autre

a repris en 2008, l’un des

restaurants pilier de la

ville de Lyon, La mère

Brazier, dans le quartier

de la Croix Rousse. Les

deux chefs cuisiniers,

Christian Têtedoie et

Mathieu Viannay nous

parlent de l’évolution de

la gastronomie dans la

ville de Lyon.

Page 11: Gône et Mâchon Lyon

n°1 novembre-décembre 2012 G&M | 11

Mathieu Viannay « La gastronomie à Lyon,c’est la cuisine, ce n’est pas la cuisine lyonnaise »

prendre ce qu’il y avait de meilleur ailleurs

et la capacité de repuiser dans la tradition

pour mieux moderniser nos plats.

M.V. : Il pourra trouver des produits

merveilleux, donc faire une cuisine

merveilleuse, quel que soit son style de

cuisine. C’est vraiment la base.

Trouvez-vous que ce soit le cas à Lyon ?

Quels sont les exemples ?

C.T. : Oui, regardez le succès de Joseph

Viola qui est Meilleur Ouvrier de France.

Il a choisi de se mettre justement dans la

formule bistrot. Il fait une très jolie cuisine

et ça marche très bien.

M.V. : Il y a plein de jeunes comme au Jean

Moulin, sur les quais, ou le Palégrié. Ce sont

des bistrots qui ont ouvert il y a un an. Ces

jeunes ont créé de belles maisons et se sont

approprié leurs restaurants, souvent avec

des cartes très courtes. Ils sont très bons.

Aujourd’hui, y a-t-il une demande

différente des clients, dans le choix des

menus par exemple ?

C.T. : C’est tellement en mouvement que

c’est difficile de le dire. Je suis installé

depuis bientôt trente ans et j’ai vu l’envie

des gens changer constamment. C’est à

nous de nous adapter très rapidement à ces

nouvelles tendances. Donc effectivement

cela peut se traduire par de nouveaux plats

et de nouvelles formules au menu.

M.V. : La demande va surtout vers des beaux

produits et évidemment un bon rapport

qualité-prix parce que l’on vit une période

assez compliquée économiquement. Les

gens ont toujours envie de découverte et en

même temps besoin de repères. On change

nos menus à chaque intersaison, en fonction

des périodes, des racines, des truffes, des

légumes de printemps, etc. Seuls quelques

plats restent.

En ce moment, que faut-il adapter le

plus ?

C.T. : On arrive à un moment où il y a

tellement d’offre que les gens sont de plus

en plus exigeants. La difficulté est de faire

des cartes qui soient attractives, aussi bien

au niveau des prix que dans la qualité de la

carte. Des plats qui soient à la fois dans la

tradition mais aussi dans la modernité.

M.V. : Je ne sais pas. L’important c’est le

travail, il n’y a que cela qui fasse réussir. Si un

jour vous vous levez en vous disant que c’est

gagné, c’est que ça commence à être perdu.

Est-ce plus difficile à Lyon ?

C.T. : Absolument. Lyon est une ville

traditionnellement réputée pour être

justement une cité expérimentale. Quand

une firme agro-alimentaire lance un nouveau

produit, elle le lance d’abord dans la région

parce que les clients sont exigeants. Si ça

passe à Lyon ça passera partout. Mais le

contraire peut aussi arriver.

M.V. : Oui, car il y a une clientèle de

connaisseurs donc ce n’est pas simple. Par

contre, je pense que si on réussit ici, on peut

réussir ailleurs.

La gastronomie à Lyon, ce n’est pas

seulement la gastronomie lyonnaise ?

C.T. : Alors là vous avez parlez d’un mot :

gastronomie... Il faut plutôt parler de

cuisine. La différence est importante parce

que la cuisine française est à mon avis une

des seules qui puisse se targuer d’être

gastronomique. Tant qu’on parle de cuisine,

qu’elle soit française ou pas, si elle est bien

faite, elle a sa place à Lyon.

M.V. : La gastronomie à Lyon, c’est toute la

cuisine, pas seulement la cuisine lyonnaise.

On peut faire de la cuisine contemporaine

ou autre. Mais on est proche de terroirs,

donc on utilise des produits de notre région.

Cela ne nous empêche pas de sortir du

registre traditionnel lyonnais.

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L’un rêvait de devenir

cuisinier à onze ans, en

découvrant l’ouvrage

« La cuisine du marché »

de Paul Bocuse ; l’autre

a repris en 2008, l’un des

restaurants pilier de la

ville de Lyon, La mère

Brazier, dans le quartier

de la Croix Rousse. Les

deux chefs cuisiniers,

Christian Têtedoie et

Mathieu Viannay nous

parlent de l’évolution de

la gastronomie dans la

ville de Lyon.

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12 | G&M n°1 novembre-décembre 2012

Enquête conso

Le surgelé refroidit les consommateursLivraisons et produits

surgelés, bons

ou mauvais.

Le milieu de la

restauration est

parfois loin de ce que

le consommateur

imagine, même si tout

le monde n’est pas à

mettre dans le

même sac.

P lus de 60 producteurs de fruits et

légumes sur 35 000 m2 de surface.

Il s’agit du second marché de gros

alimentaire de France : Lyon-Corbas.

Facile alors d’imaginer les chefs lyonnais

se ruer sur les étals, choisir avec soin fruits

et légumes avant de retourner en cuisine

mijoter un plat pour le service du midi. La

réalité est souvent toute autre. Six heures

du matin. Des camionnettes investissent

les rues lyonnaises. Les commis s’activent

déjà en cuisine. Pourtant, aucune

casserole n’est encore sur le feu. Les bras

disponibles s’activent pour décharger les

produits commandés.

Renseignements pris, à l’ère du « tout

plus rapide » de nombreux restaurateurs

préfèrent se faire livrer. La pratique est

très courante. Produits bruts ou élaborés,

les catalogues des fournisseurs sont

inépuisables. On trouve de tout. Les

raisons de cet engouement : facilité et

fiabilité dans l’approvisionnement et gain

de temps et d’argent. Parmi ces produits,

du frais, mais aussi du surgelé. Une

surprise pour bien des consommateurs.

Si certains restent indifférents, d’autres

se disent déçus. « Je vais au restaurant

pour manger des produits de qualité. »

Aurélien Gourrat, chef cuisinier du

restaurant Le Potiquet joue dans le camp

des produits frais : « Pour moi, c’est une

ligne de conduite. J’aurais du mal à avoir

des plats de qualité avec du surgelé. »

Aucun doute, le surgelé a mauvaise

image.

Mais pour un collaborateur de Davigel,

fournisseur de produits surgelés du

groupe Nestlé, qui a tenu à garder

l’anonymat : « C’est une question de

génération et d’habitudes, d’image,

mais pas de goût. » L’erreur reposerait

sur la distinction avec le congelé, une

méthode de conservation plus tardive qui

TEXTE PRISCYLLIA CANABATE

Le plus gros inconvénient avec les produits frais : leur conservation

RepèresUn produit « surgelé » doit respecter

quatre conditions :

> le refroidissement doit être précoce,

immédiatement après la fabrication d’un

plat cuisiné ou quelques heures après la

récolte d’un légume

> le refroidissement doit être rapide à très

basse température (-30 °C à -50°C)

> aucune transformation ultérieure n’est

autorisée sur un produit surgelé

> la température de conservation doit être

inférieure à – 18°C

La surgélation permet de garantir la

sécurité sanitaire, les valeurs nutritionnelles

et le goût des produits.

La congélation est simplement l’équivalent

domestique avec un refroidissement moins

rapide à une température moins froide.

Page 13: Gône et Mâchon Lyon

n°1 novembre-décembre 2012 G&M | 13

Le surgelé refroidit les consommateurs

ne garantit pas les bienfaits nutritionnels

et gustatifs du produit (lire Repères).

« Les surgelés peuvent être très bons.

Nous sélectionnons avec attention nos

fournisseurs. 60% des produits sont

d’origine France et chaque lot subit une

série d’analyse pour s’assurer de leur

qualité. Après, tout dépend comment ils

sont cuisinés. Pour le consommateur, il

vaut mieux un produit surgelé bien préparé

plutôt que des produits frais, congelés

par le restaurateur, qui risqueraient de

devenir secs, de perdre leur goût, voire

leurs valeurs nutritionnelles. » Quant à en

apprendre un peu plus sur l’étendue du

marché du surgelé à Lyon : impossible.

« On ne peut distinguer les restaurateurs

qui achètent du surgelé pour les repas

des employés ou juste pour quelques

ingrédients, de ceux qui basent leur

cuisine exclusivement sur ces produits »,

explique l’employé de Davigel.

Focus

Qui peut devenir maître-restaurateur ?

Tout restaurateur peut demander à

bénéficier du titre. Il doit simplement

être le dirigeant d’une entreprise de

restauration traditionnelle et répondre à de

nombreuses exigences et critères fixés par

le cahier des charges.

Les règles concernent la formation du

candidat, l’origine et la transformation

des produits utilisés, la décoration,

l’aménagement intérieur et extérieur du

restaurant ainsi que le respect des règles

d’hygiènes.

Ce cahier des charges impose une cuisine

« authentique » réalisée sur place avec

une majorité de produits frais (90%), ne

recourant pas à l’assemblage ou à des

plats déjà préparés.

L’ensemble de ces points sont vérifiés au

moyen d’un audit réalisé par un organisme

certificateur déclaré, indépendant de l’Etat,

comme des entreprises de restauration.

CONFUSION À LA CARTEAlors, comment savoir ce qui est servi

dans l’assiette ? Difficile de distinguer

un produit frais et préparé sur place,

d’un surgelé de qualité, brut ou élaboré.

Pour pallier au problème, l’État et les

représentations professionnelles créent

en 2007 le titre de Maître Restaurateur.

« C’est la garantie pour le client que

la cuisine est faite sur place, par un

professionnel », résume Patricia de

Figueirédo, de l’association française

des Maîtres Restaurateurs. Pour obtenir

le titre, les conditions sont nombreuses

(lire Focus). Parmi elles, l’établissement

s’engage à utiliser moins de 10% de

produits surgelés. « Cela nous permet

de nous différencier, explique Aurélien

Gourrat du Potiquet, de distinguer ceux

qui font la cuisine et les autres. » Un

autre restaurateur titré tempère : « C’est

surtout une manière d’être reconnu sans

adhérer à des associations telles que

les Toques Blanches ou les Gueules de

Lyon, avant de souffler que, le crédit

d’impôt qui accompagne le titre n’est pas

négligeable. » En effet, le restaurateur voit

le montant de ses impôts réduit à hauteur

de la moitié des dépenses nécessaires à

la mise en conformité, avec le cahier des

charges de Maître Restaurateur. Pourtant,

la mesure ne convainc pas tout le monde.

À Lyon, ils sont seulement 12 à porter

ce titre, mais bien plus à ne pas utiliser

exclusivement des produits surgelés.

Maître restaurateur. Maître rôtisseur.

Meilleur ouvrier de France. Etc. Au

milieu de toutes ces reconnaissances, le

consommateur est perdu. Pour clarifier la

situation et permettre une lecture claire

du type de produits utilisés, en 2011

le député UMP Fernard Siré propose

d’inscrire sur la carte si les plats proposés

sont préparés sur place et à base de

produits frais et bruts. Mais rien n’a

encore été fait. Reste à déterminer ce qui

est le plus important dans une sortie au

restaurant : ne manger que des produits

frais ou partager un bon moment.

Photo : Priscyllia Canabate

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Une fois préparé, difficile de distinguer le frais du surgelé

Page 14: Gône et Mâchon Lyon

Hygiène

14 | G&M n°1 novembre-décembre 2012

CHIFFRES-CLÉS

> 600 restaurants contrôlés

dans le Rhône en 2012

> 30 avertissements concernant

le nettoyage ou les travaux à effectuer

> 40 procès-verbaux suite

à des manquements en matière d’hygiène

> 2 fermetures provisoires,

avec obligation de remettre les locaux

en état avant réouverture

> 150 avertissements, suivis

d’un nouveau contrôle.

Un contrôleur peut arriver à

n’importe quel moment dans

les restaurants lyonnais, seul,

parfois accompagné. Il ne s’agit pas de

vérifier si le carrelage brille ou que les

clients sourient. Tout est passé au peigne

fin : locaux, détails de l’addition, hygiène

du personnel, températures de stockage,

denrées alimentaires et déchets.

De l’origine des viandes aux plans de travail

abimés par les casseroles, chaque détail

compte. Mais d’après Serge Capovilla,

inspecteur des fraudes au service protection

de la qualité de l’alimentation à la

distribution, à la Direction départementale

de la protection des populations (DDPP),

du Rhône : « Il y a peu de problèmes en

général. Les restaurants s’autocontrôlent et

justifient cela par une formation d’hygiène

alimentaire obligatoire depuis 2011. Donc

lorsque l’on passe, la plupart des choses

sont réglées. Il reste souvent des petites

broutilles. » Les restaurateurs peuvent

contacter des prestataires privés, afin

d’éviter tout problème, en attendant un

contrôle du bureau d’hygiène.

Sans surprise, le défaut de nettoyage est

le plus souvent relevé par les contrôleurs.

En ce qui concerne les problèmes

d’aliments : « Les services d’hygiène

viennent plutôt après une plainte »,

constate le gérant du restaurant les Pavés

de Saint Jean. Pour lui, « ces contrôles ne

sont pas un problème. Au contraire ! Cela

nous permet de nous rendre compte si l’on

est aux normes et irréprochables face à nos

clients. ».

L’ÉTÉ, C’EST CHAUDC’est pendant la période estivale que

les casseroles tremblent le plus. Du fast-

food au bouchon, aucune exception

Bien manger, ce n’est pas suffisant. Les restaurateurs sont soumis à de

nombreuses obligations vérifiées par des contrôles fréquents.

TEXTE EMILIE LAMINE

n’est faite ! Les peines encourues passent

d’une amende de 1 500 € à une fermeture

temporaire. Une tromperie sur les produits

peut même aboutir à 37 500 euros

d’amende et à la prison avec sursis.

« Il semble, au vu des plaintes que nous

recevons, que les consommateurs sont de

plus en plus attentifs à la qualité », souligne

Hélène Brocheton de la DDPP. Un constat

confirmé par Anne Dupraz, de la CCI

formation : « Vu le nombre d’émissions

culinaires existantes, les consommateurs

sont plus sensibles aux problèmes

d’hygiène. » Pourtant, 150 plaintes ont été

enregistrées en 2011, contre environ 120

en 2012. Mais l’année n’est pas terminée et

ces chiffres ne prennent pas en compte les

signalements anonymes ou téléphoniques.

Conforme sous toutes les formes

Après chaque préparation : nettoyage du plan de travail

Pho

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Page 15: Gône et Mâchon Lyon

Uniformes blancs. Dos bien droits.

Ustensiles et plans de travail

impeccables. Des réponses qui

fusent : « Oui, chef. » Si cela ressemble

à la cuisine d’un grand restaurant en

plein service, il n’en est rien. Ici, à part le

professeur, ils sont tous élèves et sont là

pour apprendre.

Le bachelor Arts Culinaires de l’Institut

Paul Bocuse, IPB pour les intimes, accueille

chaque année 75 apprentis originaires du

monde entier. Ils viennent chercher ce qui

a fait la renommée du chef français aux

quatre coins de la planète : l’excellence et la

rigueur. Mais ce n’est pas tout.

« Le nom de Bocuse joue beaucoup sur

le CV, confie Hadrien Piscioneri, diplômé

l’an dernier, ça retient l’attention d’un

employeur. Ne pas l’avoir n’empêche pas

de trouver du travail, mais tout dépend de

ce que l’on veut. Si on vise l’excellence ou

la normalité », tranche-t-il. Car l’institut ne

raisonne pas que sur un nom célèbre. La

DRH d’un groupe hôtelier, auquel appartient

un restaurant étoilé de Lyon, confirme :

« C’est une bonne école ». Mieux que les

autres ? Catherine François, proviseur-

adjointe au lycée Hélène Boucher, qui

forme au CAP cuisine, conteste : « Les bases

sont les mêmes pour tout le monde. » Une

position qui ne convainc pas l’autre camp.

« C’est comme si l’on comparait un CAP et

un master en marketing, ironise Géraldine

Derycke de l’IPB, c’est le même domaine

mais ce n’est pas le même niveau. Chez

nous, les bases sont étudiées en version

accélérée pour laisser le temps d’aller plus

loin. Sans parler de l’enrichissement que

confèrent les rencontres avec de grands

professionnels. » Elle souffle le nom d’Alain

Cossec, Meilleur Ouvrier de France et star

de l’équipe enseignante.

Cours de cuisine traditionnelle et

gastronomique, travail de produits de

qualité, mise en pratique dans le restaurant

d’application et cours théoriques de

comptabilité, de gestion ou encore de

marketing. « La formation est très complète

et donne toutes les clés pour réussir

dans cette profession », résume Hadrien

Piscioneri. « Mais l’expérience prédomine,

renchérit-il, c’est un milieu où tout le monde

se connaît, où le recrutement passe par le

bouche-à-oreille. » Pour Géraldine Derycke :

« Le nom de Bocuse ne fait qu’ouvrir des

portes. On attend des diplômés d’être à la

hauteur, de faire leurs preuves. C’est presque

plus dur pour eux. La barre est placée très

haut. Ils doivent montrer leur volonté. »

Au final, un diplôme d’arts culinaires et

management de la restauration, un titre

de responsable en cuisine et restauration

gastronomique, tous deux griffés au nom du

chef lyonnais, sont délivrés par l’IPB. Sous

ces appellations pompeuses, un diplôme

auréolé de prestige pour lequel il faut

débourser plus de 30 000 € en trois ans ; loin

du classique CAP cuisine, gratuit ou financé

par l’alternance.

Entre volonté et ressources financières,

inscrire le nom de Bocuse sur son CV n’est

pas donné à tout le monde.

n°1 novembre-décembre 2012 G&M | 15

Inscrit en lettres capitales sur un CV, le nom de Paul Bocuse ouvre des

portes aux étudiants de l’Institut, qui se referment si l’on ne se montre pas

à la hauteur.

N’est pas Bocuse qui veut

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Les étudiants de l’Institut Paul Bocuse ont des étoiles plein les yeux

So school

TEXTE ALEXANDRE BASSETTE

Page 16: Gône et Mâchon Lyon

16 | G&M n°1 novembre-décembre 2012

Dossier

Lyon ne rime pas qu’avec bouchon

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Page 17: Gône et Mâchon Lyon

n°1 novembre-décembre 2012 G&M | 17

Dans le paysage lyonnais,

la gastronomie s’impose

depuis des siècles comme une

institution majeure.

Entre tradition et cuisines

du monde, la ville profite

à la fois d’une diversité

peu comparable, et d’un

attachement constant de sa

population à la culture

de la table.

TEXTE MORGANE BULAND & JULIE MORISOD

Ambiance typique, plats

typiques, déco typique :

le vrai bouchon lyonnais

Page 18: Gône et Mâchon Lyon

18 | G&M n°1 novembre-décembre 2012

Dossier

«Lyon, capitale mondiale de

la gastronomie ». Cette

affirmation, lâchée en 1934

par le célèbre critique gastronomique

Maurice Edmond Sailland alias Curnonsky,

reste aujourd’hui encore ancrée dans

l’image de la ville. Car Lyon et la cuisine,

c’est effectivement une histoire d’amour

qui dure, et ce, depuis plusieurs siècles.

D’abord du fait de sa très enviable position

géographique. Dotée d’une longue tradition

marchande, Lyon constituait autrefois le

principal lieu de commercialisation des

productions traditionnelles de la région.

« Ce sont ces produits qui ont permis à la

ville de développer une gastronomie »,

affirme François Mailhes, journaliste et

critique gastronomique à Tribune de Lyon.

Volaille de Bresse dans l’Ain, poissons et

grenouilles des Dombes et de la Saône,

vaches charolaises, fromages de Savoie.

Du côté des vignobles, même constat,

des côtes du Rhône au Beaujolais en

passant par le Mâcon et le Bourgogne.

Un apport varié et de qualité. Centre

de convergence des produits, Lyon se

situe également sur la route des grandes

tables : « Avec Bernard Loiseau à Saulieu,

Fernand Point à Vienne, Anne-Sophie Pic

à Valence, Lyon est devenue un centre

gastronomique, car les gens voyageaient et

s’y arrêtaient », explique François Mailhes.

Mais si aujourd’hui l’identité culinaire

lyonnaise reste incontestable, la ville est

désormais bien loin de se limiter à sa seule

gastronomie de terroir.

COUPS DE CŒUR EXOTIQUESCritique gastronomique et ancien patron du

Guide Michelin, Jean-François Mesplède

le souligne : « Il serait réducteur de

limiter la ville aux bouchons, de la même

manière qu’il serait réducteur de limiter la

Bretagne aux crêperies, et Strasbourg aux

Winstub. » Car à Lyon, il est bel et bien

possible de manger de tout. Toulousain

d’origine tombé amoureux de Lyon, Jean-

François Mesplède, qui a testé près de

300 restaurants cette année recense dans

la ville plusieurs bonnes adresses Cuisine

du Monde, essentiellement asiatiques. Il

choisit ainsi le vietnamien “Hong ha“ dans

le Vieux Lyon, les Japonais de “Chez Terra“

dans le 6e arrondissement, ou encore “Do

Mo“ quai Rambaud.

Mais le Proche-Orient n’est pas en

reste. François Mailhes par exemple ne

tarit pas d’éloges sur son repas chez

“Alyssaar“, un restaurant syrien situé dans

le 1er arrondissement. « C’est une cuisine

orientale méditerranéenne assez franche

sur les goûts, qui à un côté explosif. J’aime

beaucoup. »

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Les étals lyonnais regorgent de spécialités venues des quatre coins du monde

Page 19: Gône et Mâchon Lyon

À Lyon, certains établissements exotiques

sont même devenus des institutions. À

l’image de l’épicerie fine “Bahadourian“,

dont la famille arménienne du même nom

s’est installée en 1929 après avoir fui le

génocide. Située dans le quartier très

cosmopolite de la Guillotière, l’épicerie

recèle de nombreux trésors du Proche-

Orient et de la méditerranée. Preuve de

son intégration dans le patrimoine lyonnais,

Bahadourian possède également une

succursale aux Halles de Lyon.

LE PARADOXE ITALIENAu cœur de ces cuisines d’ailleurs, la

plus représentée reste sans doute l’Italie.

« 50% de la cuisine étrangère à Lyon est

italienne », selon Augusto Barro Santos, chef

du restaurant “Augusto“, situé rue Neuve.

D’origine brésilienne et formé à l’Institut

Paul Bocuse, il est passé par Troisgros ou

encore par la grande table italienne “Dal

Pescatore“ à Mantoue. Aujourd’hui, il met

un point d’honneur à fabriquer ses pâtes et

son pain lui-même.

Mais pour Augusto, quantité ne rime pas

avec qualité. « La plupart des établissements

italiens choisissent la facilité, en proposant

des plats préparés à l’avance » précise-t-il.

S’ajoutent à cela des pizzerias et diverses

enseignes de restauration rapide.

Pour l’heure, ils ne seraient donc que

quatre ou cinq à proposer une cuisine

italienne de gastronome. Un paradoxe.

« Lyon est attachée à l’Italie depuis le XVIe

siècle et il est assez étrange que sa bonne

cuisine ne soit pas plus présente à Lyon.

Même si cela commence à venir » indique

François Mailhes, qui apprécie toutefois

de dîner chez “Due by Maurizio“, dans le

9e arrondissement.

Jean-François Mesplède recommande quant

à lui “Domo de Jana“, une épicerie comptoir

sarde située dans le 7e arrondissement, où

l’on peut manger sur place et à des prix très

abordables. Originaire de la Sardaigne, le

gérant Laurent Uras commence d’ailleurs à

se faire un nom. « Au départ, ma clientèle

était composée des personnes du quartier,

et par la communauté sarde qui réside

autour de Lyon (3 000 foyers d’après lui

dans le Grand Lyon, ndlr). Mais de plus en

plus de Lyonnais d’autres quartiers viennent

par curiosité pour goûter, voire acheter ces

produits exotiques qu’ils ne peuvent trouver

ailleurs », se réjouit-il. “Domo de Jana“

est ainsi l’unique épicerie sarde de Lyon à

proposer des produits de la mer Appellation

d’Origine Contrôlée (AOC), des fromages

et autres charcuteries, tous droits importés

de l’île italienne. « Des restaurateurs

commencent à nous contacter », affirme le

gérant.

LYON ET SES SPÉCIFICITÉSAu-delà des bouchons, c’est donc tout

un melting pot culinaire qui s’exerce à

Lyon, offrant ainsi un large panel aux

consommateurs. Pour Jean-François

Mesplède, c’est même cette diversité qui

contribue à « renforcer l’identité culinaire de

la ville, et la positionne comme une place

forte de la gastronomie ».

D’autant plus qu’à Lyon, la tradition n’est

pas en reste. Le succès touristique des

bouchons, une « cuisine de folklore »,

mais bonne selon François Mailhes, en est

l’exemple. « Il y a de tout à Lyon, mais la

ville a réussi à préserver ses restaurants

traditionnels, sa cuisine populaire à base

d’abats. » Ce qui n’est pas le cas partout :

« Il y a par exemple beaucoup moins de

friteries à Lille, alors qu’auparavant c’était

une institution. Finalement, peu de villes

ont gardé leurs restaurants de terroir »

assure François Mailhes.

Et loin de se limiter aux papilles, la diversité

de la cuisine à Lyon s’applique aussi au

porte-monnaie. « On peut satisfaire tous les

appétits, à tous les prix, ce qui est un cas

unique en France » indique Jean-François

Mesplède avant de poursuivre : « Il y a

évidemment beaucoup de restaurants de

qualité dans d’autres villes européennes,

italiennes en particulier ou nordique. Mais

ce n’est pas certain qu’il y ait cette même

diversité lyonnaise, avec ces bistrots de

quartier où l’on mange bien et à des prix

raisonnables, jusqu’au restaurant triplement

étoilé. Ailleurs, il y a peu d’intermédiaires ».

Stratégiquement concentrés dans le centre-

ville, la plupart des restaurants de Lyon sont

enfin facilement accessibles, aussi bien

pour les Lyonnais que pour les touristes.

En termes de gastronomie, l’atout de la

cité des Gônes réside également dans

sa clientèle. Comme le dit un vieil adage

lyonnais, « Au travail on fait ce qu’on peut,

mais, à table, on se force. » A Lyon, manger

fait partie intégrante des habitudes et des

coutumes. « Il y a des villes où les gens vont

plutôt au cinéma, ou au bistrot. Ici, ils

De la Mère Brazier àMathieu Viannay

Bien qu’aujourd’hui, on ne recense qu’une femme étoilée dans la région Rhône-Alpes,

la cuisine traditionnelle lyonnaise était dès le début du XVIIIe siècle une affaire de

femmes. Les Mères sont sans conteste à l’origine de la réputation gastronomique de

Lyon. Au départ cuisinières des grandes familles bourgeoises, la plupart décidèrent

par la suite d’ouvrir leurs propres établissements. Pour n’en citer qu’une : la Mère

Brazier, première femme à obtenir trois étoiles au Guide Michelin en 1933, avec son

restaurant éponyme de la rue Royale. Mathieu Viannay l’a repris en 2009 revisitant les

recettes phare de l’établissement devenu une institution. « La poularde demi-deuil res-

semble beaucoup à celle de la Mère Brazier quand on la présente en salle, mais on est

sur un autre type de cuisson, avec une sauce différente, des petits légumes croquants.

Même principe avec l’artichaut au foie gras ». Comme beaucoup de chefs de sa géné-

ration, Mathieu Viannay travaille autour du tandem tradition/innovation.

n°1 novembre-décembre 2012 G&M | 19

Page 20: Gône et Mâchon Lyon

20 | G&M n°1 novembre-décembre 2012

Dossiervont au restaurant. Les habitants conservent

une gastronomie parce qu’ils la pratiquent

et la fréquentent », affirme François

Mailhes. Un avis partagé par Jean-François

Mesplède : « Ces habitudes sont instaurées

depuis l’époque romaine, quand la ville

était une place forte du commerce. C’est la

seule ville que je connaisse où quand on est

à table, on continue de parler cuisine ». Les

tables lyonnaises font aussi bien souvent

office de lieux de négociations. « Dans

beaucoup de villes, on va au restaurant

pour sceller un contrat, alors qu’à Lyon, les

contrats se discutent à table », ajoute-t-il.

DES ATTACHES VARIÉESPourtant, comment affirmer que l’ensemble

des Lyonnais possède ces attaches

communes à la culture de la table, quand

on sait qu’ils sont loin de constituer une

clientèle homogène ?

Avec 30% des habitants dont l’âge est

compris entre 15 et 29 ans, et d’historiques

flux migratoires, Lyon est tout d’abord

une ville jeune, étudiante et cosmopolite.

La population lyonnaise compte en effet

11,4% d’immigrés, soit trois points de plus

que la moyenne nationale. Très dynamique,

la ville possède également un fort taux de

renouvellement. Ainsi, plus d’un tiers des

Lyonnais recensés en 2006 n’habitaient pas

Lyon auparavant. 38% de ces nouveaux

Lyonnais venaient même d’une autre région

de France. Mais pour François Mailhes, « à

partir du moment où l’offre est importante,

les gens qui viennent d’ailleurs adoptent

cette habitude lyonnaise du restaurant. Ici,

cette offre est telle qu’il est impossible de

passer à côté, bien plus qu’ailleurs. ».

Loin de se contenter de remplir les salles,

la population exerce même des influences

sur l’implantation des établissements. « S’il

commence à y avoir de vrais restaurants

japonais et plus seulement des bars à

sushis, c’est parce que des Japonais se sont

installés à Lyon. Ils constituent un petit fond

de clientèle qui leur permet de vivre, avant

qu’arrive la clientèle lyonnaise » explique

François Mailhes.

UNE VILLE DE CHOIX POUR LES JEUNES CHEFSGrâce à sa clientèle, la ville possède

également un réel pouvoir d’attractivité

auprès des jeunes chefs de tous horizons

qui décident de se lancer. Formés pour la

plupart dans des établissements étoilés,

nombreux sont ceux qui délaissent les tarifs

exorbitants de la capitale. « Les meilleurs

représentants de la gastronomie à Lyon,

qu’ils s’appellent Philippe Gauvreau, ou

encore Mathieu Viannay, n’en sont pas

originaires. La ville possède une attirance

unique pour ces cuisiniers qui veulent bien

faire leur métier », affirme Jean-François

Mesplède. Parmi eux, Tsuyoshi Arai, issu

de la réputée école de cuisine de Tokyo. Sa

passion le conduit rapidement à s’envoler

pour l’Hexagone. Il commence par ouvrir

un premier établissement, “Au 14 février“

dans la commune de Saint-Valentin. Puis,

« attiré par les grands chefs étoilés » comme

il l’explique, c’est tout naturellement

qu’il choisit Lyon en 2009 pour ouvrir son

deuxième restaurant du même nom, dans le

quartier Saint-Jean. Alliant cuisine française

et japonaise, il travaille les produits de la

région et les cuisine avec tout l’art et la

technique d’un chef japonais. Le succès est

d’ailleurs au rendez-vous, puisque les douze

couverts de sa minuscule salle de la rue

Dans son restaurant, le chef Tsuyoshi Arai mêle produit du terroir et art de la cuisine japonaise

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Une chose est sûre : la terre lyonnaise est fertile. De l’étoi-

lé à la restauration rapide, les établissements prennent

racines. Les chiffres le prouvent. Au delà de Lyon c’est

toute la région Rhône-Alpes qui accroît cette culture locale. En

l’espace de dix ans, le nombre de restaurants a augmenté de 23%,

soit un total de 17 594 restaurants en 2011. Une hausse due en

majeure partie à la restauration rapide. Une étude menée en 2010

par des étudiants de l’Université Lumière Lyon 2, en collaboration

avec la CCI, révèle que l’allongement de la distance travail-do-

micile a accentué le développement de la restauration rapide.

En toute logique, cette catégorie de restaurants a explosé dans

la région qui compte 5 119 établissements où l’on mange sur le

pouce (soit une augmentation de 137% entre 2000 et 2011). La

région lyonnaise demeure également une place forte de la gastro-

nomie par son nombre de restaurants étoilés : cinq « 3 étoiles »,

18 « 2 étoiles » et 50 « 1 étoile ». Un palmarès qui place la région

Rhône-Alpes en deuxième position derrière l’Ile de France. Un

classement presque anecdotique, car la région parisienne est deux

fois plus peuplée que son homologue rhônalpine.

Un succès qui reste à relativiser pour une capitale de la gastrono-

mie. En termes de services, la restauration représente seulement

3,2% du total rhônalpin. Une bouchée de pain. Concernant l’em-

ploi : en 2011, seuls 29 000 salariés sont recensés dans le secteur

de la restauration. En Île-de-France, ils sont 36 000. Une seconde

place habituelle pour la région.

Hypothèses, supputations et autres on-dit ne cessent de vouloir prouver

la domination gastronomique lyonnaise au niveau hexagonal.

Mais la région est-elle à l’image de sa capitale ?

TEXTE ÉTIENNE GUINET

Poids économique de la restauration rhônalpine

RHÔNE-ALPES : L’AGROALIMENTAIRE FAIT LA PART BELLE AUX PETITES ENTREPRISES

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Page 22: Gône et Mâchon Lyon

Dossier

22 | G&M n°1 novembre-décembre 2012

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Page 23: Gône et Mâchon Lyon

n°1 novembre-décembre 2012 G&M | 23

Mourguet affichent complet un mois et

demi à l’avance.

UNE ASSOCIATION DE GASTRONOMESSi aujourd’hui encore la gastronomie

continue de faire rayonner Lyon, c’est aussi

parce qu’elle est la seule ville qui a réussi

à fédérer des cuisiniers. L’association des

Toques Blanches lyonnaises, qui existe

depuis 1936 rassemble ainsi 90 chefs

dans la ville et 45 de plus en Rhône-Alpes.

« C’est un cas unique en France. Même à

Paris ils n’ont pas réussi à s’entendre. Cela

contribue à montrer que Lyon reste une

place forte sur le plan gastronomique »

précise François Mailhes. En s’appuyant sur

ses partenariats (l’association en compte

une trentaine), les Toques Blanches sont à

l’initiative de nombreuses manifestations à

Lyon et dans sa région, qui lui offrent une

certaine visibilité médiatique : évènements

culinaires, sportifs, culturels, etc. De quoi

convaincre les professionnels du secteur.

« Les Toques Blanches offrent aux chefs

un retour d’image, qui peut leur être

profitable », affirme Laurent Bouvier,

président de l’association. Cependant,

n’entre pas qui veut. L’adhésion reste

en effet soumise à certaines conditions :

être par exemple parrainé par au moins

deux membres. « Nous tentons de

verrouiller davantage cette année, suite

aux critiques que nous avons reçues, en

particulier concernant quelques-uns de

nos partenaires, ou sur le fait que certains

chefs des Toques Blanches retournaient

leurs vestes », explique Laurent Bouvier. Le

partenariat entre l’association et le groupe

d’agroalimentaire Brake France, avait

notamment suscité de vives réactions.

Aujourd’hui l’heure est d’ailleurs au démenti

pour les Toques Blanches. À l’occasion de

sa prochaine Assemblée Générale au mois

de janvier, l’association sortira une Charte

de qualité, modifiant les exigeances envers

les adhérents. « Cette charte intègre des

notions primordiales, comme la traçabilité

des produits, l’engagement du restaurateur

à promouvoir la qualité de la gastronomie

lyonnaise dans la région Rhône-Alpes et

éventuellement l’obtention du titre de

maître restaurateur. On affiche clairement

nos gages de qualité », détaille Laurent

Bouvier.

DES CONCEPTS INÉDITSSi les Toques Blanches font figure de pilier

au sein les associations de gastronomes

lyonnais, d’autres, moins médiatiques,

rassemblent également les cuisiniers.

Parmi elles, les Gueules de Lyon, une

association « de copains » qui comprend

neuf chefs. Ensemble, ils pratiquent la

bistronomie, un terme issu de la contraction

de deux mots : bistrot et gastronomie. Le

concept, une ambiance et un décor moins

guindés que dans les établissements

gastronomiques, mais avec des produits

plus simples et dont la qualité se veut

équivalente dans l’assiette, et à des prix

surtout plus abordables. Les Gueules

Membre des Gueules de Lyon,

Thomas Ponson est propriétaire

de quatre établissements (“Restaurant,

Comptoir“, “Café“, “Cantinetta“) rue

Laurencin, dans le 2e arrondissement

de Lyon.

Pourquoi avoir choisi d’ouvrir quatre

établissements avec quatre concepts

différents dans la même rue ?

Cela s’est fait naturellement, ce n’était

pas prévu. J’ai ouvert le “Restaurant

Thomas“ il y a dix ans. A l’époque, j’étais

seul avec une serveuse. Cinq ans plus

tard, j’ai ouvert “Le Comptoir“, juste en

face. Beaucoup plus orienté sur les vins,

avec une nouvelle façon de cuisiner :

nous travaillons surtout le produit brut,

à la plancha. Ce concept répondait à de

réelles attentes de la clientèle.

Au Restaurant, nous faisons de la cuisine

traditionnelle dans un décor classique. Je

me rends compte que dans les grandes

villes, et notamment à Lyon, il y a des

gens qui voyagent beaucoup, et qui ont

envie de plus de modernité.

Que pensez-vous de l’offre à Lyon

concernant la cuisine du Monde ?

Il commence à y avoir un beau panel, mais

je pense qu’il y a encore du travail pour

arriver au niveau des grandes villes euro-

péennes. A Barcelone, Madrid ou en Italie

par exemple, tout bouge beaucoup, il y a

vraiment des concepts innovants.

À Lyon, on est encore un peu limité au

niveau des choix, mais aussi sur le plan

qualitatif. Cela arrive petit à petit, mais

là-dessus nous avons un peu de retard. Je

pense que cela est valable pour la plupart

des styles de restaurants. Au niveau des

cuisiniers en revanche, il y a de plus en plus

de jeunes chefs qui montent en puissance,

et je trouve que c’est une très bonne

chose.

Lyon peut-elle toujours être considérée

comme la capitale de la gastronomie ?

Cette affirmation est encore valable, mais il

ne faut pas trop se reposer sur ses lauriers,

et essayer d’être toujours innovant. Nous

ne sommes pas à la traine, mais il faut

savoir se remettre en question.

3 QUESTIONS À THOMAS PONSON

« Il faut savoir se remettre en question »

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Page 24: Gône et Mâchon Lyon

24 | G&M n°1 novembre-décembre 2012

Dossier

Le centre commercial Confluence, inauguré en avril dernier,

présente une vingtaine de points de vente de nourriture,

cafés, snacks et restaurants confondus. La plupart sont

rassemblés sur un étage à ciel ouvert. “Razowsky“, “Le Palais du

Fruit“, “Go Mex“, “Tapeo BCN“… Confluence fait la part belle

aux concepts parisiens, franchisés depuis peu, et à la cuisine du

monde. Au milieu de tout cela, une seule enseigne affiche un

menu lyonnais. Saucisson pistaché, rognons de veau, poire pochée

à la Beaujolaise se retrouvent ainsi sur la carte du “Zinc-Zinc“.

Dans ce tout nouveau quartier, modernité et diversité sont les

principaux mots d’ordre.

Un bémol cependant, et pas des moindres. A midi et demi, heure

du déjeuner, les restaurants sont presque vides. Dans ce centre qui

se veut une version chic de la Part Dieu, les seuls à faire le plein

sont les établissements de restauration rapide (“McDonald’s“,

“Subway“) et certaines chaines comme “Hippopotamus“. La très

en vogue cuisine asiatique, représentée ici par “Woko“ et “Sushi

Shop“, attire également les clients.

Mais pourquoi si peu de monde ailleurs ? Diego Garcia Victor, chef

cuisinier du “Zinc-Zinc“, ne cache pas sa déception : « Cela n’a

pas marché comme nous l’espérions. Nous avons une clientèle de

bureau le midi qui mange des steak-frites, et quelques familles le

soir... Ce n’est pas notre concept », déplore-t-il. Il faut dire que le

restaurant travaille avec 90 % de produits frais. Mais à quoi s’atten-

dait le chef d’origine mexicaine, passé par l’institut Paul Bocuse,

en s’installant dans un centre commercial ? En pleine mutation, le

quartier du Confluent reste encore peu peuplé, comme l’explique

François Mailhes : « Quand tout le Confluent sera plein, il y aura

une vraie population qui ira au restaurant. Pour l’heure, ce n’est

pas réalisable. Il y a une clientèle de bureau, point. » Ce dernier

insiste même : « L’offre au Confluent sur le plan gastronomique est

médiocre. C’est une logique industrielle comme à la Part Dieu ».

Du côté du “Palais du fruit“, le directeur Tristan Songy se montre

plus optimiste : « Dans quelque temps, je suis sûr que les gens

viendront pour manger un bout à Confluence. Il faut leur laisser le

temps de s’habituer », affirme-t-il. Après un démarrage en fanfare,

son restaurant subit désormais le calme de l’après-saison estivale.

Laurent Bouvier, qui dans le quartier aime manger au “Purple“,

reste « persuadé que Confluence va exploser d’ici cinq ans ».

Attendons de voir.

Confluence au ralentiPh

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Page 25: Gône et Mâchon Lyon

n°1 novembre-décembre 2012 G&M | 25

ÉVÉNEMENTSINCONTOURNABLES

SIRHA - SALON MONDIAL RESTAURATION & HÔTELLERIESeul salon du monde ouvert à tous les

types de restauration

Du 26 au 30 janvier 2013Réservé aux professionnels

Eurexpo

SALON DES VINS ET DE LA GASTRONOMIECours de cuisine proposés par l’Atelier

des Chefs

80 exposants

Tous les ans en octobre

Eurexpo

SALON MER & VIGNE ET GASTRONOMIEPremière édition en 1996.

Une soixantaine de producteurs,

éleveurs et viticulteurs proposent

des dégustations : vins, produits du

terroir, de la mer, fromage, charcuterie,

chocolat, foie gras

Tous les ans en octobre

L’Embarcadère

TROPHÉES DE LA GASTRONOMIE ET DES VINSOrganisée par le Progrès, en partenariat

avec les Toques Blanches

Tous les ans à l’automne

Palais de la Bourse

de Lyon sont également à l’origine d’un

concept inédit en France : celui des duels

culinaires. Ramené du Canada par l’un des

membres de l’association, Thomas Ponson

et adapté à la sauce « Gueules de Lyon »,

le principe est simple : le temps d’une

soirée, deux chefs s’affrontent autour de la

préparation de quatre plats (amuse bouche,

entrée, plat, dessert). Une condition

cependant : composer chaque plat à partir

de deux mots, choisis par chacun des

deux adversaires. Au fur et à mesure de la

dégustation, les clients votent pour le plat

qu’ils préfèrent.

Si au niveau national, Lyon parvient donc

à garder de façon légitime son titre de

capitale de la gastronomie, il est cependant

moins sûr que cela s’applique à plus grande

échelle. Même si elle constitue la deuxième

métropole française, Lyon reste bien loin

de certaines des villes les plus peuplées

de la planète, comme le précise François

Mailhes : « À New York, on trouve absolument

de tout. On peut très bien manger français,

américain, pakistanais. Toutes les cuisines

locales sont représentées, en raison du

fort communautarisme qui règne dans

cette ville ». Tokyo, où s’exprime tout l’art

de la cuisine japonaise, peut également se

présenter comme une concurrente sérieuse.

Pour Lyon, pas de quoi rougir toutefois. Car

même si elle fait figure de grain de sable

face à ces villes monde, elle continue

incontestablement de jouer dans la cour

des grands.

Le réseau des délices

C’est à l’initiative de la ville de Lyon

qu’est né en septembre 2007 le

Réseau Délices. Ses objectifs, encou-

rager les échanges entre cuisiniers,

et faire de la gastronomie un outil de

promotion pour les villes. Aujourd’hui,

le réseau regroupe une vingtaine de

villes du monde entier, d’Europe,

mais aussi des États-Unis, du Canada,

d’Asie, ou encore d’Amérique latine.

Chaque année, au moins trois évène-

ments sont organisés dans trois de ces

villes membres. L’occasion pour elles

de promouvoir leurs actions en matière

de gastronomie.

Les produits lyonnais servent d’inspiration à la création de plats originaux

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Page 26: Gône et Mâchon Lyon

26 | G&M n°1 novembre-décembre 2012

Focus

Grandes maisons,

grands chefs, bouchons.

Lyon possède son

identité culinaire.

Pourtant, certains

misent sur de nouveaux

concepts pour

pérenniser leur activité. TEXTE FLORA CHADUC

L’innovation débarque

Le restaurant de Lionel Fourcade ne

propose qu’un produit : l’huître de

Cancale. Mais ce n’est pas sa seule

particularité. “La cabane à huître du curé“

ouverte depuis le 30 octobre ne durera pas.

Restaurant éphémère, il fermera ses portes

fin janvier. Ce concept, le gérant se défend

de l’avoir inventé : « C’est une idée anglo-

saxonne. Il y a beaucoup de restaurants

éphémères, à New-York notamment. »

À Lyon, il s’agit pourtant d’une innovation,

bien que le gérant insiste pour ne pas la

considérer comme telle : « Les personnes

qui travaillent à la montagne ont des

restaurants éphémères sur une période

précise, de telle date à telle date. Ici, c’est

une grande ville et on ne vit pas au rythme

des saisons. C’est peut-être pour cela que

ça paraît novateur. Et justement, ça peut

permettre aussi de recaler la saisonnalité

des produits. Il y a des choses qui ont un

goût à un moment donné et différente à

une autre période. »

Les concepts novateurs, les idées

originales : ce sont les critères de sélection

du site My Little Lyon pour conseiller

les internautes. Laurence Guilloud, la

responsable, pense qu’il faut proposer des

choses originales pour réussir. « Lyon est

déjà dotée d’un réseau de restaurants très

dense. Pour sortir du lot et parvenir à se

faire une clientèle, c’est inévitable : il faut

innover. Je constate aussi que les gens sont

de plus en plus attentifs à la qualité. Revenir

à des produits et des plats simples, mais de

grande qualité est également l’une des clés

de la réussite en ce moment. » Pourtant, la

capitale des Gaules reste ancrée dans les

traditions et les restaurants à concept ne

sont pas légion : « Je rêve que Lyon soit

aussi dynamique que des villes comme

Bruxelles ou Berlin avec des restos hybrides,

très poussés en terme de décoration, qui

font à la fois boutique, librairie, etc. »

S’ADAPTER AUX NOUVELLES DEMANDESÀ Lyon, “Cook and Go“ a été un des

symboles de l’innovation. L’enseigne, qui

propose des cours de cuisine, se crée en

2006, et s’exporte à Paris, Grenoble, Lille,

Marseille, et maintenant Manhattan. Mais

après six ans d’expérience, tout a été

repensé pour satisfaire les demandes de

plus en plus pointues des clients. « Avant,

il y avait beaucoup de recettes proposées,

les clients s’y perdaient, explique Alexandre

Leclerc gérant de la boutique à Confluence.

Maintenant, il y a le choix entre quatre

menus chaque mois, et le client réalise

entrée-plat-dessert de la formule qu’il

choisit. Les recettes sont par ailleurs plus

techniques, car les gens les trouvaient

trop simples. On a donc évolué et on s’est

adapté. »

L’innovation n’est pas réservée aux

nouveaux arrivants. La “maison Chorliet“,

traiteur à Lyon depuis 1913, a innové à

l’occasion de ses 100 ans en créant un resto-

boutique. L’idée : proposer des produits de

traiteur en portion individuelle à emporter

ou à déguster sur place. Derrière ce

concept se cache un constat récurrent : les

gens ont de moins en moins de temps pour

manger. Jérôme Bellet-Chorliet, gérant

du magasin, explique : « Pour pérenniser

l’entreprise, il faut s’adapter aux demandes

d’aujourd’hui. Le temps de repas des

Français se raccourcit, je pense que c’est

une orientation différente et adaptée.

Même si le Lyonnais a un peu de mal avec

le changement, on sent que le concept

plaît, que les gens adhèrent. On n’est pas

en décalage, on est adapté à l’époque. »

La maison Chorliet a pris un virage en créant son premier resto-boutique

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Page 27: Gône et Mâchon Lyon

n°1 novembre-décembre 2012 G&M | 27

Force est de constater que la

ville de Lyon est un paradis

pour les amateurs de bonne

bouffe. Selon Pierre Orsi,

chef étoilé lyonnais : « La culture de la

bonne chair remonte à bien avant Paul

Bocuse, avec toutes les Mères qui ont

grandement contribué à l’évolution de

cette gastronomie. » Les chefs lyonnais

se sont d’ailleurs toujours bien exportés

à travers le pays. Pour les plus connus,

la maison Troisgros à Roanne, Anne-

Sophie Pic à Valence ou Fernand Point

et sa Pyramide qui ont fait la renommée

de la ville de Vienne. Ces trois chefs sont

considérés comme les ambassadeurs de

la gastronomie en France. Désormais,

s’ils vivent dans l’ombre du maître Paul

Bocuse, ils n’en restent pas moins des

références dans le milieu.

Car il est aujourd’hui impossible de parler

de cuisine à Lyon sans évoquer Paul

Bocuse. Celui-ci conserve trois étoiles

au guide Michelin depuis 47 ans. Un

record ! Devenue une vraie marque, sa

notoriété est telle, qu’elle rejaillit sur la

ville. Preuve de l’influence lyonnaise dans

le domaine de la gastronomie, le SIRHA,

Salon Mondial Restauration et Hôtellerie,

prend place, tous les deux ans à Eurexpo,

en janvier (lire encadré).

L’AFFLUENCE NE CESSE D’AUGMENTEREn 2011, la ville de Lyon enregistrait

un demi-million de visiteurs, dont

54% d’étrangers. Dans le top cinq, on

dénombre une majorité d’Allemands,

Espagnols, Américains, Italiens et

Canadiens. Mais les Japonais prennent

une place de plus en plus importante.

La raison ? La notoriété de Bocuse,

encore et toujours, qui a récemment

ouvert plusieurs brasseries au Japon. « Il

n’est pas rare que les tours opérateurs

organisent des visites dans l’Hexagone et

prévoient deux ou trois jours pour visiter

Lyon et sa gastronomie », confie Philippe

Colombero, membre des disciples

d’Auguste Escoffier. Selon Blandine

Thenet, directrice de la promotion de

Lyon, il existe bien un tourisme culinaire

à Lyon. « Les principales activités sont les

repas dans les restaurants, les cours de

cuisine, les visites guidées des Halles de

Lyon, et les balades au marché. » Pour

ce faire, la ville participe à des salons,

organise des conférences de presse à

l’étranger, met en place des opérations

de street marketing en Europe, etc.

Mais si tourisme culinaire il y a, c’est en

grande partie grâce aux bouchons, que

les visiteurs demandent spontanément

La cuisine pour atoutPatrimoine mondial de l’Unesco depuis 1998,

Lyon est une destination touristique très

prisée. Histoire riche, géographie avantageuse,

large panel culturel, mais aussi gastronomie

authentique. Malgré tout, y existe-t-il un tourisme

culinaire ?TEXTE MAXIME AUTECHAUD

Les Bocuse d’Or : une aubaine

Tous les deux ans, la ville de Lyon

accueille le plus grand rassemblement

mondial dans le cadre de la

gastronomie : le SIRHA. En point

d’orgue depuis 1987 : le concours

des Bocuse d’Or, qui se tiendra les

29 et 30 janvier prochain. Le prix,

considéré comme le plus prestigieux

que puisse recevoir un chef, rassemble

24 participants venus des quatre coins

de la planète qui feront des pieds et

des mains pour obtenir le précieux

sésame. Un même menu, plus de cinq

heures de préparation devant une

enceinte d’environ 8 000 personnes…

Une foule hétéroclite qui comprend

les délégations de chaque pays.

Point culminant dans la sphère de la

gastronomie mondiale, ce concours

donne une visibilité certaine et permet

un rayonnement sur les cinq continents.

Même si les premières places sont

accaparées par l’Europe de l’Ouest et

les pays scandinaves, l’évènement n’en

reste pas moins une manière de faire

découvrir la ville au monde entier.

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La rue mercière, vitrine de la gastronomie à Lyon

Enquête Tourisme

Page 28: Gône et Mâchon Lyon

28 | G&M n°1 novembre-décembre 2012

« Une carte à jouer » En juin dernier, une petite révolution a

eu lieu dans le monde gastronomique

lyonnais : la possibilité de dîner tout en

visitant la ville. Avec le Trolley des Lumières,

Elisabeth Gardien et Romain Garnier

apportent un nouveau souffle au tourisme

culinaire de la ville. Rencontre avec la co-

gérante de ce concept unique en France.

Découvrir Lyon tout en dégustant

un repas composé de spécialités

de la ville. Telle est l’idée de

Romain Garnier à son retour d’Australie.

Après avoir découvert (et travaillé) dans

un tramway de Melbourne qui propose un

service de restauration à bord, il décide

d’adapter le concept à Lyon. Il s’associe

à Elizabeth Gardien pour se lancer dans

cette aventure, qui ne se construira pas

en un jour ! « Il nous a fallu plus d’une

année de démarches administratives pour

avoir l’autorisation de faire rouler cette

voiture restaurant », confie la co-gérante.

Il faut dire qu’aucune structure du genre

n’existait jusqu’à présent dans l’Hexagone.

Quant au choix de Lyon, il ne doit rien

au hasard : « Ce n’est pas tant que nous

sommes Lyonnais que parce que la ville

s’y prête, de par sa cuisine surprenante,

qu’on ne trouve qu’ici, confie Elisabeth

Gardien, avant d’avancer que, ce concept

pourrait permettre à l’Office de tourisme

de développer le tourisme gastronomique.

Depuis que nous sommes là, ils ont

remarqué qu’il y avait quelque chose à

faire sur ce point. » Il faut dire que l’offre

actuelle est limitée et la co-gérante du

Trolley, issue du milieu du tourisme, le

déplore : « Il y a de gros atouts culinaires à

Lyon. Mais ce ne sont pas que la quenelle

et le tablier de sapeur. C’est avant tout une

cuisine qui sait sublimer tous les produits

régionaux, et là-dessus il y a un gros travail

de communication à réaliser. »

En attendant de voir émerger de nouvelles

idées, comme des circuits gastronomiques

à travers les quartiers de Lyon, Elisabeth

Gardien est plutôt fière d’être à la tête d’un

concept devenu au fil des mois, une vitrine

touristique pour la ville.

TEXTE GUILLAUME BERNILLON

en se rendant à l’Office de tourisme.

Le bouchon a le vent en poupe. Une

affirmation confirmée par les principaux

intéressés. Pour Yves Rivoiron, gérant du

“Café des Fédérations“, l’affluence des

visiteurs étrangers ne cesse d’augmenter.

Et pour cause, l’authenticité de ces

tavernes lyonnaises éveille la curiosité

des médias étrangers. « L’an dernier, j’ai

reçu près de treize chaines de télévision

étrangères venues tourner un reportage

dans mon établissement. » La notoriété de

la cuisine lyonnaise au-delà des frontières

est au beau fixe.

Seule fausse note, l’absence d’aides de

la ville. Alors oui, il existe bel et bien

un tourisme culinaire à Lyon, mais il

reste sous-exploité. Malgré un énorme

potentiel, les institutions ne semblent pas

prendre la mesure du marché. Si bien que

certains doivent mettre la main à la pâte

pour combler ce manque…

INSOLITE CULINAIRE

Les food-truck s’installent Enfin non, un en particulier. Alors

qu’est-ce qu’un food truck ? Ce sont

ces camions garés sur les trottoirs

qui vous proposent de la nourriture à

emporter. Visible exclusivement dans

la capitale, il est désormais possible de

tenter l’expérience avec de goûteux

mets libanais proposés par l’Aklé.

Dégustez tous les délices de Beyrouth

sur les quais, ou en flânant rue de

la République… Si vous arrivez à le

trouver ! Ce restaurant nomade se gare

chaque jour sur un des marchés de la

ville. Pour le localiser, rendez-vous sur

notre site internet.

L’as des écaillersC’est au mois de janvier dernier que

le lyonnais Bruno Thevenin est devenu

vice-champion du monde des écaillers.

L’objectif de ce concours, réaliser et

présenter le plus beau plateau de fruits

de mer, pour une dizaine de personnes.

Les participants ont ainsi ouvert quatre

douzaines d’huîtres, préparé cinq

douzaines de coquillages et décortiqué

une trentaine de crevettes chacun.

Formé auprès des professionnels des

Halles, et passé par de grandes maisons

(le Bistrot de Lyon, la Coupole à Paris),

Bruno Thevenin possède un bar à fruits

de mer dans le centre de Tassin-la-Demi-

Lune.

Cuisine sexisteDiversité culinaire, peut-être, mais

pour ce qui est de la parité, la copie

est à revoir. Lyon ne compte aucune

femme chef. Même Anne-Sophie Pic,

qui s’est formée dans la capitale de la

gastronomie s’est ensuite envolée vers

de nouveaux horizons. C’est Paris qui,

en France, en accueille le plus grand

nombre. Rougui Dia, Hélène Darroze,

Ghislaine Arabian, et Adeline Grattard

comptent parmi elles.

A bord du Trolley des Lumières le long de la Saône

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Page 29: Gône et Mâchon Lyon

n°1 novembre-décembre 2012 G&M | 29

So Lyon

La Guerre des bouchons aura bien lieu

TEXTE JULIE MORISOD

Avec la multiplication

des appellations,

clients et restaurateurs

sont pris entre deux

feux : les bouchons

authentiques et les

officiels.

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Jusqu’à maintenant, seul Pierre Grison,

l’ancien critique gastronomique du

Progrès, avait fait des bouchons son

cheval de bataille. En créant en 1997 une

association de Défense des Bouchons

lyonnais, l’ex-journaliste placarde

l’appellation Authentique bouchon

lyonnais aux établissements dignes de ce

nom. Le but ? Distinguer les faux des vrais

bouchons. Selon lui, le restaurant typique

lyonnais doit proposer une cuisine

familiale et populaire à bases d’abats, de

cochonnailles et d’autres lyonnaiseries.

Les vins de la Région doivent être servis

en pot. S’ajoutent à ces critères : déco

typique, serviettes à carreaux voire

saucissons pendus. Sans oublier un patron

charismatique présent en salle.

Seulement voilà. Depuis cet été, la

Commission touristique de la CCI de Lyon,

représentée par l’ancien président des

Toques Blanches, Christophe Marguin,

et Only Lyon tourisme, entrent dans la

bataille et lancent un label bouchon

lyonnais. Il devait être décerné le 30

novembre à 17 restaurants. Une façon

d’officialiser le terme qui, jusqu’à présent,

n’était qu’une appellation.

La fronde peut commencer. En réaction,

Pierre Grison qui avait arrêté ses actions

en 2002, sort aujourd’hui un nouveau

Guide des bouchons fait à la va-vite.

Il comporte pas moins de 40 adresses. « Pas

sûr que tous soient recommandables »,

assure un autre critique gastronomique,

Jean-François Mesplède, qui ne recense

que sept bouchons dans son guide Lyon

Restaurants. Pour contrer l’action de la

CCI de Lyon, Pierre Grison argue de son

ancienneté. Il a prévenu le membre des

Toques Blanches. Sans réponse.

Que ce soit chez Pierre Grison, ou

Christophe Marguin, on retrouve

des critères semblables : qualité des

produits, ambiance conviviale, etc.

Mais le problème vient avant tout de

la définition à la base très confuse

du bouchon. Pour François Mailhes,

journaliste critique gastronomique à

Tribune de Lyon : « Le bouchon lyonnais

est un postulat un peu faux au départ. On

a mis en musée certaines recettes, mais

avant on faisait toutes sortes de plats

dans les bouchons. » Édicter une charte

sérieuse : « Un argument touristique »,

selon lui. Carrément « une fumisterie »

pour Yves Rivoiron, gérant du “Café des

Fédérations“.

Par ailleurs, les associations fonctionnent

différemment. Tandis que chez Pierre

Grison on est copain, il faut débourser une

somme avoisinant les 700 euros pour un

kit de promotion, sans compter l’adhésion

annuelle avant d’espérer recevoir le

label officiel. L’initiative de la CCI est

aujourd’hui loin de faire l’unanimité.

Yves Rivoiron s’étonne encore de voir

les Toques Blanches « s’accaparer les

bouchons. » Le patron de l’établissement

historique voit l’orage gronder : « Ils sont

en train de monter deux clans, ça va être

la guerre des bouchons, moi je ne veux

participer à aucun conflit donc je n’adhère

a rien du tout. » D’autres restaurateurs se

sentent contraints d’adhérer à l’initiative

de la commission, de peur que leur

établissement soit relégué au rang de

cuisine lyonnaise dans le prochain guide

de l’Office de tourisme. Enfin, sachant

que tous n’adhèreront pas, un bouchon

non labélisé ne sera pas synonyme

de bouchon à éviter. À l’image d’Yves

Rivoiron, qui affirme « ne pas avoir besoin

d’un label pour attirer la clientèle. »

L’ambiance convivale des bouchons cache une «bataille» de renomée

Page 30: Gône et Mâchon Lyon

30 | G&M n°1 novembre-décembre 2012

Arrière - cuisine

La cuisine perso

de Luc MinaireAux commandes depuis neuf ans du bouchon

“le Musée“, Luc Minaire. Boulanger de métier, il

anime la maison, entre service et histoire.

À chaque fin de repas, les convives sont invités

à finir leur verre dans la traboule abritant

l’établissement. Au menu : anecdotes et

calembours à propos de la cité des gones, clin

d’oeil paradoxal pour ce patron stéphanois.

TEXTE ETIENNE GUINET

Noyé entre la galerie de

l’imprimerie et l’église Saint

Nizier, le Musée ne paie

pas de mine. Ce restaurant,

certifié Bouchon lyonnais, ne ressemble

pourtant à aucun autre.

UN REPAS POUR LES GASTROLÂTRESParti du Forez à 14 ans, Luc Minaire

bourlingue à travers la France et ses pays

limitrophes. Haute-Savoie, Belgique,

Suisse… Et se pose entre Rhône et Saône.

Après dix ans à la tête d’une boulangerie

à Saint Cyr au Mont d’Or, il achète un

restaurant : “Le Musée“. Un établissement

vieux de 300 ans. L’intérieur s’est imprégné

du parfum d’antan. Fresque monastique,

banquettes de moleskine, nappes à

carreaux, disposition familiale des tables ;

comme une invitation à connaître son

voisin et se sentir chez soi. À la manière de

l’Académie Gourmande, et des Amicales

de gueule, des associations qui, jadis

proposaient à une gent masculine, dans

des arrière-salles, de conserver le caractère

d’intimité pour célébrer le culte du bien-

manger. « Le plus beau compliment c’est

quand les gens me disent, qu’ils se sentent

comme à la maison », précise Luc Minaire.

“Au Musée“, pas de politique, pas de grands

discours, ni aucune prétention à montrer de

l’esprit. Ce n’est pas le genre de la maison.

L’unique affaire est de bien dîner. « Un jour,

des généraux de la grande muette ont

mangé avec des gens d’extrême-gauche,

en buvant des canons toute la soirée. Mon

restaurant se rapproche du bistrot du village

où tout le monde venait se rencontrer, où la

prostituée mangeait avec le juge. »

UNE CUISINE LYONNAISE FRANÇAISEDécoration et ambiance mises de côté, il

faut maintenant choisir quoi manger. Pour

les passionnés de lecture, mieux vaut ne pas

attendre la carte. Les mets sont annoncés à

l’oral avec une pincée d’humour, pour rendre

le choix plus corsé, mais plus alléchant.

Andouillette, tripes, rognons, joue de porc,

mais aussi canard et escargots. “Le Musée“

est un bouchon lyonnais, mais il en faut

pour toutes les régions. Rien ne sert de

se cantonner à la cuisine lyonnaise. « Il y a

quelques jours, on a préparé de la cervelle

d’agneau au beurre, citron et câpres, dite

à la grenobloise. Pourquoi grenobloise ?

Car du temps où l’Isère était navigable, la

marchandise de poisson était parfumée au

citron et aux câpres pour dissimuler l’odeur

d’ammoniac. Dans un bouchon, on s’imagine

Le restaurant est situé à côté du musée de l’imprimerie

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Page 31: Gône et Mâchon Lyon

n°1 novembre-décembre 2012 G&M | 31

La cuisine perso

de Luc Minaire

ne manger que des tripes, mais à l’origine

il y avait deux sortes de restaurants: les

tripiers et les bouchons. Dans les bouchons

la cuisine était très variée. »

À l’image d’un véritable musée, tout est

source de respect et de découverte avec les

invités. Luc Minaire confie que bon nombre

d’étrangers sont venus s’asseoir à ses tables.

Une occasion pour découvrir, à chaque fois,

le vrai visage de la cuisine française. « Les

étrangers qui viennent manger en France

imaginent qu’il y a des codes. À cause,

notamment, du cinéma américain qui prône

la bonne cuillère, la bonne fourchette.

Et quand je viens les voir en parlant un anglais

un peu bizarre, leur demandant comment ils

vont, ils prennent conscience du contact.

On pousse la table pour être à côté du voisin

à coups de fessier et au final ils boivent leur

verre de gnôle tous ensemble. »

CLOU DU SPECTACLEAttendu comme la surprise du chef, Luc

Minaire propose à ses convives un cours

d’histoire en plein coeur de la traboule

du musée de l’Imprimerie. Un monologue

peaufiné au fil des années. Pourtant, celui

qui s’improvise guide vit chaque visite de

façon unique. « Je partage ce moment

différemment avec chaque personne.

Certains vont rire, d’autres seulement

écouter. »

Éplucher les pommes de terre, sortir les

poubelles, faire la plonge, le service,

c’est un patron touche-à-tout vivant

cette leçon d’histoire comme le moment

qu’il affectionne le plus dans son métier.

« J’arrive même à rire de mes propres

blagues », s’amuse-t-il.

Venus pour la première fois déguster les

recettes du chef de cuisine Loïc, formé

à l’Oustau de Baumanière, Nicolas et sa

compagne ne tarissent pas d’éloge sur le

festin, moins sur la visite, « nous sommes

venus sur les conseils d’un ami. J’avais

entendu parler de la traboule. Le tout

est enrichissant, mais c’est compliqué de

suivre le flot de paroles du guide. » Luc

Minaire se défend toujours avec humour :

« C’est l’accent du restaurateur fatigué ».

Avec 80 couverts par jour en moyenne,

“Le Musée“ ne manque pas de visites.

Au fil des ans Luc Minaire a eu la possibilité

d’agrandir son restaurant. Mais la peur de

perdre l’atmosphère cosy et familiale qui

fait le succès de ce bouchon, était trop

grande. L’important demeurait de garder

une extrême attention aux plats. Car l’art

culinaire à Lyon est encore loin d’être

un art mineur. N’est-ce pas monsieur

Minaire ?

Luc Minaire entouré de l’équipe du Musée

Pho

to :

Eti

enne

Gui

net

Page 32: Gône et Mâchon Lyon

Réponses

A 46 cl.

B 51 cl.

C 55 cl.

Jeu quiz

1

QU’EST-CE QU’ACHÈTENT ASTERIX ET OBÉLIX À LUGDUNUM DANS « LE TOUR DE GAULE » ?A Une tarte à la praline

et des papillottes

B De la cervelle de canut

et des cardons

C Du saucisson et des quenelles

COMBIEN DE RESTAURANTS GRAND LYONNAIS POSSÈDENT 2 ÉTOILES OU PLUS ?

A 3

B 4

C 5 4

9

LEQUEL DE CES GUIDES GASTRONOMIQUES N’EXISTE PAS ? :

A Le bottin gourmand

B Les tables de France

C Le guide Hubert

5

VOUS TERMINEZ LA LECTURE DE GÔNE & MÂCHON. LE GÔNE EST LE MOT POUR QUALIFIER UN ENFANT À LYON, MAIS QU’EST-CE QU’UN MÂCHON ?A Un repas traditionnel matinal

B Une spécialité à base de fromage blanc

C Une brioche parfumée

à la fleur d’oranger

A PARTIR DE QUELLE DATE LE BEAUJOLAIS NOUVEAU EST-IL MIS EN VENTE DANS LE MONDE ENTIER ?

A Le dernier jeudi d’octobre

B Le troisième jeudi de novembre

C Le premier jeudi de décembre 6

3

SELON UN SONDAGE TNS SOFRÈS PUBLIÉ EN OCTOBRE 2011, QUEL EST LE PLAT PRÉFÉRÉ DES FRANÇAIS ?

A Le magret de canard

B Les moules-frites

C Le couscous

8

LA TOQUE EST UN ACCESSOIRE INDISPENSABLE DE TOUT GRAND CHEF CUISINIER. MAIS QUE SONT LES « TOQUES » À LYON ?A Un carré de pâte d’amande fourré

d’une ganache de chocolat parfumé au curaçao.

B Une ganache d’orange et de Grand Marnier

enrobée de pâte d’amande

C Un pain au lait parfumé à l’anis et aux raisins de Corinthe

LE POT LYONNAIS EST UNE BOUTEILLE AVEC UN CUL TRÈS ÉPAIS.QUELLE EST SA CONTENANCE ?

7

2

LE TABLIER DE SAPEUR EST UN PLAT CÉLÈBRE POUR SON NOM. MAIS DE QUOI EST-IL COMPOSÉ ?A Tripes marinées dans du vin, puis

panées et frites

B Tranche de foie cuite puis mouillée

au vin et vinaigre

C Poulet flambé au cognac et vin blanc

1 C

2 B

3 A

4 B

5 A

6 A

7 A

8 B

9 B

32 | G&M n°1 novembre-décembre 2012

CONCOCTÉ PAR GUILLAUME BERNILLON ET ETIENNE GUINET

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