Une Parole Circule

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Ces Morceaux d’Architecture, Planches, Tracés contenus dans ce numéro de Une Parole Circuleont été présentés et lus par les Membres, les Correspondant(e)s ou les Visiteuses, les Visiteurs

lors des Tenues des Justes et Parfaites Loges, Chambres et Ateliers libres ou de recherche.

Johann Wolfgang von Goethe est né le 28 août 1749 à Francfort. Il meurt à Weimar le 22 mars 1832 à l’âge de 82 ans. Son éducation humaniste et scientifique en outre rigoureuseconsiste en l’apprentissage de plusieurs langues dont, entre autres, le grec ancien, le latin, lefrançais, l’anglais, l’hébreux. Il étudie par la suite le droit à l’université de Leipzig de 1765à 1768 et à l’université de Strasbourg de 1770 à 1771.

GOETHELE SERPENT VERTCONTE ALCHIMIQUE

Johann Wolfgang von Goethe.

Franc Maçon, Goethe a été initié dans laLoge «Amalia zu den 3 Rosen» à Weimar en1780, ensuite il a été quelque temps membredes Illuminés de Bavière, une société secrèteallemande qui se réclamait de la philosophiedes Lumières et dont le but était le perfec -tion nement et le progrès de l’humanité dansla liberté, l’égalité et la fraternité, principale -ment en combattant l’obscurantisme religieuxdans une Bavière trèscatholique.

Le conte de Goethe«Die grüne Schlange»a paru en 1795 alorsqu’il était âgé de 46ans. Loin d’être unesimple histoire pourenfants, ce conterecèle une pluralité desens et de niveauxd’inter préta tion parmilesquels l’Alchimie etla Franc-Maçonnerieoccupent une placeimportante, quête del’origine, temps sacrédu rituel, chaîned’union, sacri fice,renaissance, re consti -tution du couplevénérable accomplis -sement du grandOeuvre sont quelque

uns des thèmes abordés. Si Goethe n’en a pasdonné les clefs, il a implicitement donnéraison à August von Gotha, prince de Saxe-Cobourg, qui y voyait une Apocalypse.

Le conte met en scène la rencontreimpossible de deux jeunes gens vivant ausein d’un monde divisé par un fleuve. Lajeune fille, atteinte d’un maléfice, ne peutêtre touchée par aucun être vivant sans

provoquer leur mort.Le jeune homme,désespéré, cherche àl’enlacer, et meurt. Ilfaudra la mobilisationde personnages trèsdivers pour ramenercelui-ci à la vie etpermettre son mariageavec la jeune fille: unserpent vert, deux feuxfollets, un passeur, unvieux sage et sonépouse. Ceux-ci vontréveiller quatre roisqui attendent leurheure de longue datedans un temple enfouiau coeur d’une mon -tagne. Les temps étantrévolus, le temple sortde terre, le jeunehomme est sacré roi, etle monde est réuni par

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151ère journée:

Le Serpent devenu phosphorescent,explore une crypte sacrée dont il avait deviné l’existence sous la montagne. Il y voit4 statues: un roi d’or, un roi d’argent, un roid’airain et un roi composite, mélange des 3 métaux mal fondus. (La Papesse,L’impé ratrice, L’empereur, Le Pape selon leséquivalences dans le Tarot).

Le roi d’or lui adresse une parolesibylline: «– D’où viens-tu ?– Des cavernes où l’or demeure, répondit

le Serpent – Qu’y a-t -il de plus beau que l’or ? dit

le roi – La lumière – Qu’y a-t-il de plus agréable que la

lumière ? – Le dialogue.»

Survient alors un Vieillard portant unelampe qui éclaire sans projeter d’ombre,l’Ermite (équivalence de la Lame N° VIIIIdu Tarot:

La lettre hébraïque TETH, de valeur 9,qui correspond à cette Lame, est l’initiale dumot «têt» qui signifie «serpent», mais danssa forme d’Ouroboros, comme le dessin de lalettre (voir figure ci-après).

Alors s’engagent des propos étranges. Leroi d’or dit au vieillard: «– Combien sais-tu de secrets ? – Trois – Quel est le plus important ? dit le roi

d’argent – Celui qui est manifeste – Veux tu le révéler ? demanda le roi

d’airain – Aussitôt que je saurai le 4e– Je sais le 4e dit le Serpent qui s’approcha

du vieillard et lui chuchota quelques motsà l’oreille

– Le moment est venu ! s’écria le Vieillardpuis il s’enfonça vers l’Occident et leSerpent vers l’Orient.»

2e nuit: La lampe du Vieillard à des propriétés

magiques. Sur le chemin elle change lespierres en or. Elle change aussi le bois enargent, les bêtes mortes en pierres précieuseset elle anéantit les métaux. Ces propriétés

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le sacrifice du serpent, qui se transforme enpont entre les deux rives.

SIX TABLEAUX: TROIS NUITS

DEUX JOURNÉESUNE AURORE

1ère nuit:La scène se passe au bord d’un grand

fleuve. Au milieu de la nuit un vieux passeurreçoit la visite de deux Feux follets (Le Mat,équivalence dans le Tarot) qui souhaitentpasser sur l’autre rive et payent en piècesd’or.

Le passeur effrayé ne peut accepter l’orcar dit-il: «si une pièce d’or était tombée dansl’eau, le fleuve, qui ne peut souffrir ce métal,se serait soulevé en vagues épouvan tables quiauraient englouti et la barque et moi».

Préférant être payé avec des fruits de laterre: 3 artichauts, 3 oignons, 3 choux. (troisfois trois !!!), il ramasse les pièces d’or et vales jeter dans une crevasse – la caverne (?) –où dort le beau Serpent Vert.

«Alors, à peine le Serpent eut-il avalé lespièces» nous révèle le conte, «qu’il sentitl’or fondre dans ses entrailles et se répandredans tout son corps et il s’aperçut qu’il étaitdevenu lumineux et transparent».

Il sort alors très vite de la crevasse etrattrape les Feux follets qui le gavent duprécieux métal. Se sentant redevable il leurpropose d’exaucer tous leurs souhaits. «Dis-nous où demeure la belle Fleur de Lys !»demandent les Feux follets qui souhaitent luirendre visite

Le Serpent ne peut rendre ce service carFleur de Lys habite sur l’autre rive, la rived’où ils viennent et qu’il est difficile detraverser le fleuve car il n’y a pas de pont etle passeur ne va que dans un sens. Il existetout de même deux possibilités pourtraverser:– à midi, sur le dos du Serpent, en pleine

lumière, c’est-à-dire dans la claireconscience de soi-même, le Serpent sefaisant pont, ou arc-en ciel.

– le soir, sur l’ombre du géant, symbole desméthodes utilisant les états de consciencemodifiée pour entrer dans l’autre moitiéde la vie

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s’opèrent uniquement s’il n’y a pas d’autrelumière.

S’il y a une autre lumière la lampe duvieil homme répand seulement une belleclarté qui réjouit les êtres vivants.

Rentré chez lui, le Vieux trouve safemme éplorée, les Feux follets lui ont renduvisite, ont léché tout l’or qui couvrait lesmurs et son chien est tombé raide mort aprèsavoir mangé des pièces d’or.

Malgré ce désastre la Vieille leur apromis de régler leur dette au passeur àraison de 3 artichauts, 3 oignons, 3 choux.

La lumière de la lampe du vieil hommetransforme le chien mort en onyx.

2e journée: A l’aube la Vieille se met en route pour

aller acquitter la dette des Feux follets. Elledécide aussi d’amener son chien mort chezFleur de Lys qui, grâce à ses pouvoirsmagiques, pourra le ranimer en le touchant.

En chemin le géant lui dérobe un chou,un oignon et un artichaut.

Lorsque la Vieille se présente au passeur,ce dernier refuse le compte imparfait; ilaccorde un délai de 24h à la Vieille femmepour qu’elle lui apporte les fruits manquant«ce qui me revient, je dois le laisser sans ytoucher pendant 9 heures et je ne dois rienaccepter sans en donner le tiers à la rivière».

La Vieille femme promet de revenir etpour sceller sa promesse, elle trempe sa maindans le fleuve, horreur ! Sa belle main siblanche devient noire et s’atrophie, lepouvoir maléfique du fleuve !

Une des représentations graphiques d’Ouroboros. La lettre TETH évoquant l’Ouroboros.

Le passeur vient d’amener un beau jeunehomme à l’aspect bien misérable et à la minesombre. Il porte un manteau de pourpre, unecuirasse mais pas de glaive, pas de couronne,pas de sceptre. La couleur de son manteau, lepourpre, était autrefois la couleur utiliséepour les vêtements et les tentures des princeset des rois, laisse cependant supposer qu’ils’agit d’un Prince qui de plus est follementamoureux de Fleur de Lys.

Il sait pourtant «que les yeux bleus de la belle Fleur de Lys enlèvent leurs forces à tous les êtres vivants et ceux quel’attouchement de sa main, ne tue pas sesentent réduits à l’état d’ombres.»

Voici Midi, puisqu’il est l’heure, toustraversent le fleuve sur le dos du Serpent ets’acheminent vers le jardin de Fleur de Lys.

Cette dernière est en larmes, son serin,voulant échapper à un épervier, s’estprécipité sur elle. Erreur fatale, l’ayanttouchée, il git maintenant à ses pieds.

Bien qu’éplorée, Fleur de Lys accepte deranimer le chien. Elle chante un chantplaintif et nostalgique, accompagnée de sa harpe. Elle se fait le porte-parole de tous et exprime leur supplique: «pourquoi leTemple ne s’élève-t-il pas au bord du fleuve ? Pourquoi le pont n’est-il pasconstruit ?»

Le Serpent, touché par tant de tristesse,lui dit de garder espoir: «le Temple est bâti, ilest encore dans les profondeurs de la Terre.J’ai vu les rois et je leur ai parlé. J’aientendu cette grande parole retentir dans leTemple: «le temps est venu».»

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dernier revient à la vie tandis que le Serpentse décompose en milliers de gemmesétincelants que le Vieux et sa femme jettentdans le Fleuve.

La procession se reforme et pénètre dansle sanctuaire au centre de la montagne.Celui-ci entre en mouvement, passe sous leFleuve et sort de terre sur l’emplacement dela cabane du Passeur.

Aurore du 3e jour: le Temple s’est érigé de lui-même

Le roi composite s’effondre car les Feuxfollets en le léchant lui enlèvent son or.

Les 3 Rois (Sagesse – Apparence –Force) rendent au Prince les attributs dupouvoir (épée – sceptre – couronne dechêne). Le Prince se tourne vers le Vieilhomme: «tu as oublié la quatrièmepuissance dont l’empire sur le monde estplus ancien encore, la puissance del’Amour». Les joues de Fleur de Lys secouvrent du plus bel incarnat alors que le Vieux dit: «l’Amour ne règne pas, ilinstruit et cela vaut bien mieux.» Tous sont régénérés: la Vieille en se plongeantdans le Fleuve redevient jeune et belle, leVieux aussi, le Passeur apparaît tout de blanc vêtu.

Les pierres précieuses provenant duSerpent se sont assemblées dans l’eau duFleuve pour constituer les piles et les arches

Selon le Papyrus de Her-Uben A, l’Ouroborosencercle le jeune dieu solaire, XXIe dynastie.

Références: Piankoff 1957, fig. 3.

Superposition de symboles sur l’Ouroboros.

Lorsque le Prince approche et voit sabien aimée jouer avec le chien, il se jettedans ses bras, préférant la mort à l’état dedégradation qui lui est imposé.

La catastrophe serait irrémédiable sans le Serpent qui forme un cercle en se mordantla queue – Ouroboros – autour du Princeinanimé.

Tout serait perdu sans l’arrivée du Vieuxà la Lampe au moment où disparaît le dernierrayon du soleil.

3e nuit: Longue veillée tandis qu’une douce

lumière se répand et colore les joues pâles deFleur de Lys. Minuit arrive. Le Vieux prendla parole: «nous sommes réunis à l’heurepropice. Que chacun remplisse sa tâche; quechacun fasse son devoir et un bonheurgénéral absorbera les douleurs particulières,comme un malheur général dévore les joiesde chacun.»

On transporte le cadavre du Prince sur larive opposée, le Serpent s’étant offert commepont lumineux à la procession despersonnages, tous lumineux eux-mêmes,chacun à sa façon.

Que décide alors le Serpent pour que lePrince revienne à la vie: «j’ai décidé de mesacrifier avant qu’on me sacrifie.»

Fleur de Lys touche le Serpent de la maingauche et le Prince de la main droite. Ce

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d’un vaste pont qui établit une circulationanimée entre les deux rives naguère désertes.

Le Géant stupide menace cette harmoniemais il est métamorphosé en pierre d’unrouge éclatant sur la place entre le Pont et leTemple et son ombre indique les heures. Unedernière fois les Feux Follets versent unepluie d’or sur la foule venue admirer cesmerveilles.

La variété et la richesse des symbolesévoqués dans ce conte autorisent denombreuses interprétations et possibilités delecture. La succession des personnages et desévénements préparant une métamorphose,une transmutation finale, évoquent sansconteste, l’aspect alchimique de l’histoire.

ALCHIMIELe conte commence au bord du fleuve,

devant la cabane du passeur et il se termineaussi au bord du fleuve où un pont enfinapparait qui rétablit la circulation entre lesdeux rives et redonne vie au pays. Un templeen forme de rotonde prend la place de lacabane du passeur et la cabane elle-même esttransformée en un autel d’argent. Tous leséléments matériels, comme les hommes, sont transformés et s’élèvent par degrés aufur et à mesure des traversées du Fleuve etles voyages dans la crypte. Il existe troisphases dans ce processus: – L’enchantement.– La mise en route du processus de

désenchantement.– La transmutation.

L’Enchantement Le lys désigne habituellement la pureté.

Il est d’essence divine. Représenté symbo -liquement sous une forme trilobée, le lysévoque le «ternaire», les vérités de la SainteTrinité. Il désigne la virginité de Marie lorsde l’Annonciation et symbolise égalementl’immortalité.

Dans ce conte, Fleur de Lys est victimed’un charme maléfique qui fait d’elle unesorte de vampire, ses yeux ôtent aux êtresleurs forces, sa main tue ce qu’elle touche.Elle vit comme en exil dans un parc stérile eten souffre.

Qui parviendra à rompre le sortilège et lasortir de son cruel isolement, un prince

charmant comme dans la Belle au boisdormant ? Non car son drame est celui d’unpays et de sa société.

Fleur de Lys est vêtue de blanc, syno -nyme de pureté, d’innocence. D’un côté elleest le lys de la lumière, de la perfection, del’autre elle est le principe féminin, symbolelunaire, qui doit s’unir à son opposémasculin, le Prince.

Son caractère lumineux expliquepourquoi tous les protagonistes du conte sedirigent vers elle. Force régénératrice etfuneste en même temps, sa libérationconsistera à ne plus être funeste pour lesvivants.

Le pays est coupé par un fleuve.L’absence de pont ralentit les échanges. Loind’être une bénédiction, ce fleuve est unemalédiction avec ses eaux tumultueuses quipeuvent être destructrices, à l’exemple de labelle main si blanche de la Vieille femme quidevient noire et s’atrophie.

Que peuvent bien symboliser ce fleuve,élément essentiel de l’histoire, et ses deuxrives immobiles ?

Le fleuve marque la frontière entre deuxmondes. Est-il la limite entre le domaine dela Réalité, les fruits de la terre, la Vieille et ledomaine de l’Idéal, Fleur de Lys dont lejardin est stérile parce que l’Idéal estinaccessible ou est-il l’obstacle qui séparedeux états: le monde phénoménal et l’étatinconditionné, le monde des sens et l’état denon-attachement ?

Entre un passé conservateur et un aveniren gestation ce fleuve, celui de la vie auquel

Regard d’un attachement divin avec l’Ouroboros.

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à la lampe. Tant que le moment de la trans -mu tation n’est pas arrivé, cet or peut agircomme un poison, tuant au lieu de vivifier.

Sur une rive, donc le passeur et ledomaine de Fleur de Lys. Sur l’autre rivec’est un monde à l’envers, le Vieux possèdeune Lampe dont la lumière est si pénétranteque les objets qu’elle éclaire ne peuventprojeter d’ombre. Seule la présence d’uneautre lumière lui permet de redonner desforces aux êtres vivants.

Fleur de Lys et la Lampe peuvent tour àtour anéantir et animer; il leur faudracollaborer pour que leurs pouvoirs positifs semanifestent et que leurs dons respectifs seneutralisent. Mais comment puisqu’ellessont sur des rives opposées ?

Le Temple qui devrait être l’âme et lecoeur du pays est enfoui au fond de la Terre.Il a perdu sa raison d’être, puisque, à part leSerpent, personne ne peut y pénétrer.

L’allusion est immédiate par les troisrois: Sagesse, Force et Beauté. Ces rois nerègnent pas, ils attendent les temps futurs.

Le 4e est fait du mauvais assemblage deséléments pris aux autres. Symbolisantl’opportuniste, il est destiné à s’écrouler sousl’action dissolvante du feu et de la lumière.

Seul le Serpent semble avoir été épargnépar le sortilège, il dort dans un trou. Il est le seul à pressentir les conditions du désenchantement. Toute initiative pré ma -turée est inutile, il faut attendre l’heurepropice. Seul le Maître sait que le momentest venu, car le Serpent se met en chemin,grâce ou à cause de l’or alors que le Princeerre d’une rive à l’autre, fantôme à larecherche de l’Idéal.

Mise en route du processus de désenchantement

La première impulsion du processus dedésenchantement est due à l’arrivée de FeuxFollets. Dans les textes alchimiques feu et orvont de pair, c’est le feu qui prépare lamateria prima dans l’athanor, la transforme,accélère son évolution vers l’immuablesymbolisé par l’or.

Par leur agilité et leur instabilité ilss’opposent à la léthargie générale; ils sont laflamme à laquelle les autres vont pouvoirrallumer leurs feux.

l’individu doit s’adapter, symbolise l’exis -tence humaine avec la succession de désirs,de sentiments, d’intentions, et la variété deleurs détours.

Goethe voit le salut dans la constructiond’un pont qui relie les deux rives redonnantvie à la Tradition et l’orientant vers un aveniraux bases solides.

Le pouvoir maléfique du fleuve suggère-t-il qu’il est interdit d’approcher la Vérité ?

Le fleuve au début du conte n’est-il pasle chaos informe, la materia prima del’Oeuvre ? Il n’est pas question ici du fleuvedes morts et le passeur n’est pas Charon, le Nautonier des Enfers, personnagemythologique qui faisait traverser aux mortsl’Achéron, le fleuve des Enfers.

Dans les traités d’alchimie et lesgravures il y a présence du fleuve, de l’eautransformatrice qui régit l’Oeuvre. Le pontqui unit deux rives symbolise l’unité obtenueentre les principes opposés, le fleuve charriedes eaux noires, c’est la nuit; Noir, lapremière phase de l’Oeuvre !

Le Fleuve n’atteindra la perfection quelorsque ses rives auront été unies défini -tivement. Fleuve et passeur sont des signesd’une matière imparfaite à transmuter.

C’est parce qu’il n’est pas parfait que leFleuve ne supporte pas l’or, symbole del’achevé, du parfait, de pureté et de majesté.Il incarne le principe divin dans la matière.

Les Feux-follets sont en possession d’unmétal précieux, plus précisément, ils fontcorps avec celui-ci, comme s’ils étaientconstitués de ce métal solaire. L’or, dans latradition alchimique, est un métal encorrespondance avec le Soleil.

Ces Feux-follets viennent en quelquesorte de cet astre, ils en ont l’énergie tout enétant d’un caractère immature – commepeuvent l’être des adolescents – et sont peuconscients de la valeur de l’énergie qui les anime; ils se moquent du passeur, de ses peurs, de ses règles, et dilapidentjoyeusement leur or. C’est pourtant cet or làqui va permettre au Serpent vert de devenirlumineux, et qui va amorcer le processusascensionnel.

L’or que jettent les Feux follets est del’or vulgaire, différent de l’or de la sagessequi couvre les murs de la cabane du Vieux

Ignorant les lois du pays, ils sèment leuror vulgaire, mais une fois introduit dans lepays, celui-ci fait son chemin, ce qui suggèrel’idée d’un fluide passant de l’un à l’autre,comme une chaîne d’union.

Grâce à cet or le Serpent reçoit parl’intermédiaire du passeur l’énergie orémanant des Feux follets et connaît sapremière métamorphose: «il aurait entrepristout ce qu’on lui imposait pour l’amour del’or et dans l’espérance de la splendidelumière.»

La couleur du Serpent est de grandeimportance. Le vert est symboliquement lacouleur de l’instabilité représentant ce quibouge, ce qui change, ce qui varie.

Le vert a également un côté négatif, avecla représentation de démons, de dragons,d’esprits, de martiens ou des créaturesmaléfiques... Il est associé à certainessuperstitions négatives.

En alchimie, le vert est la couleur qui,dans l’athanor, ceinture la matière. C’est bienune couleur intermédiaire puisqu’elle sépareSolve de Coagula, que les alchimistesappellent le phénomène d´alternance.

Lors de tout travail d´Initiation, l´hommechemine dans sa conscience selon des hauts et des bas, Solve-Coagula: Dissout-Condense.

Le Serpent n’est jamais d’un vertuniforme, devenu lumineux il passe partoutes les nuances du vert jusqu’à devenirdiaphane. Dans son trou le Serpent estsymbo li quement noir, il est lové donc àl’horizontale en attendant le réveil.

L’or le rend lumineux et il se complaitdans son nouvel état qui l’amène à sedélover, se dresser suivant la verticale pourd’abord suivre les Feux follets et se nourrirencore d’or puis descendre dans la crypte,apporter la lumière dans l’obscurité de laterre. Il y trouve les quatre Rois qui lui fontsubir un rituel d’Initiation.

Il entrevoit l’Idéal, sa route estmaintenant tracé, il va oeuvrer pour rétablirle dialogue, le contact, unir les contraires,rassembler ce qui est épars.

Quand les deux visiteurs se séparent, leVieux se dirige vers l’Occident pour yrépandre la Lumière et le Serpent poursuitvers l’Est en quête de la Vraie Lumière.D’Initié il devient initiateur, c’est lui quiannonce à Fleur de Lys que le Temple existe.

Tous deux (le Serpent et le Vieux à laLampe) savent qu’ils vont collaborer à unGrand Oeuvre collectif placé sous le signe dela Mort et de la Résurrection, idée chèreentre autres aux Francs-Maçons et auxAlchimistes.

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Le serpent est aussil’acteur principal du«Mythe des soeursWawilak et du SerpentYurlunggur1», unelégende arborigène quicontient de multiplessymboles, représentésici par l’artisteDaurangulili (1900-1976). Réalisation enécorce d’eucalyptus etpeinture (1963). Muséedu quai Branly, Paris. © Rmn-Grand Palais,Hervé Lewandowski, © Daurangulili.

Tout était figé, ni vie, ni mort. La mortredevenue active frappe par 3 fois: – L’or des Feux follets provoque la mort du

chien de la Vieille. Si la Lampe lemétamorphose en bel onyx pour lepréserver de la décomposition, seuleFleur de Lys est susceptible de lui rendrela vie.

– Le canari de Fleur de Lys trouve la mort àson contact, elle ne peut que le pleurer etattendre l’arrivée du Vieux à la Lampe.

– Le Prince se précipitant vers Fleur de Lys et il s’effondre mort lui aussi, une mortvolontaire qui signifie renoncement à soi.

Nuance par rapport à l’Alchimie où toutegénération procède de la putréfactioncomplète, ici il faut empêcher le temps et lesforces de l’ombre d’accomplir leur oeuvredestructive sur le corps du Prince et ducanari. Tant que le soleil brille à l’horizon, leSerpent y suffit, en se mordant la queue, ilforme autour du cadavre un cercle magiqueprotecteur que les démons ne peuventfranchir. Ce signe de l’Ouroboros attirel’attention sur l’unité et la régénération quise préparent.

En Alchimie, l’Ouroboros est un sceaupurificateur. Il symbolise en effet l’éternelleunité de toutes choses, incarnant le cycle dela vie et de la mort. On doit à Zosime dePanopolis2, un des premiers grands alchi -mistes gréco-égyptien la formule: « Un est leTout, par lui le Tout et vers lui le Tout, et sil’Un ne contient pas le Tout, le Tout n’estrien.» Un est l’Ouroboros, le serpent quimord sa queue, celui qui possède la teintureen violet, la teinture se produisant àl’intérieur, aussi appelée «ios» de l’or,dernière étape de la transmutation après lenoircissement, le blanchiment.

Dès que le soleil baisse, il faut que toutesles personnes présentes se rassemblentautour du corps, signe que tous oeuvrentdans l’union, la lumière se propage, le voilede Fleur de Lys commence à répandre unedouce lueur rouge (le rouge est une phase duGrand Oeuvre) et les frêles flammes desFeux follets commencent à s’opposer aurègne de l’ombre.

A minuit l’oeuvre de rénovation com -mence. Elle s’accomplit en plusieurs phases

symboliques, nouvelle traversée du fleuve lanuit sur le dos du Serpent lumineux.

Point culminant et ultime phase de lamétamorphose, comme Hiram le GrandMaître architecte, le Serpent se sacrifie pourque renaisse le Prince, placé dans un paniercomme dans le ventre maternel ou commedans l’athanor. Pendant que le Prince, àl’image d’une chrysalide, se dépouille de savieille enveloppe, le Serpent devenu unchapelet de pierres précieuses est déposé dansle même panier puis jeté dans le fleuve qui lereçoit sans révolte. Ces pierres précieusessont maintenant des matériaux constructifsqui reprennent vie au sein des eaux.

Renaissance ou Résurrection liée ausacrifice: Transmission, Régénération...

Transmutation généraleLe temps est venu pour la troisième fois,

la parole prophétique retentit alors que lejour se lève.

Une nouvelle procession se dirige vers laporte du Temple. Ce sont les Feux follets qui«consument de leurs flammes les plus aiguësla serrure et les verrous.» Le feu n’est-il pasla clef de l’Oeuvre ? Ils ont jeté l’or vulgaire,ils ont léché l’or de la sagesse de la cabanedu Vieux, ils permettent l’accès au Temple,ils sont à la fois spectateurs et acteurs de lamétamorphose, mais ils restent Feux follets,outils servant à transformer la matière,agents de purification, de sublimation de l’orcaché dans la matière.

Tous pénètrent dans le sanctuaire,VITRIOL, et tous accèdent à la renaissancespirituelle ou disparaissent à jamais commele roi composite qui symbolise l’impossibleréalisation de ceux qui, le moment venu, nesont pas préparés ou qui ont perdu leurspiritualité.

Pendant que le Temple se met en mouve -ment pour regagner la rive, les personnagessubissent les 4 épreuves. Après l’épreuve dela Terre que représente le déplacementsouterrain, vient celle de l’eau qui s’infiltrepar l’ouverture de la coupole au moment oùle Temple passe sous le fleuve; dansl’ascension du sanctuaire il faut sans doutevoir l’épreuve de l’air. Reste celle du feu(encore), sans être protégé par une autreflamme, le récipiendaire se trouve enfermé

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avec la Lampe quitransforme en argent lesplanches de la cabane etle passeur en homme vêtude blanc.

Grâce à ces épreuvesle Prince peut régner etles 3 Rois lui remettentles insignes du pouvoir(sceptre, épée, couronnede chêne). Ils lui trans -mettent les vertus qu’ilssymbolisent, comme indi -qués précédemment: Sagesse, Force etBeauté.

Goethe, par le mariage du roi et de lareine, tient à suggérer que l’Amour serait legarant de l’harmonie nouvelle. Lesépousailles sont annoncées par la présencede la couleur rouge, les joues de Fleur de Lysvirent à l’incarnat. Ce Rouge marque laphase finale de l’Oeuvre où tous atteindrontla perfection rêvée.

Fleur de Lys symbolisait déjà laperfection mais c’était une perfection froide,sèche, abstraite, en prenant des couleurs, elles’humanise et devient pierre féconde.

L’évolution de la Nature est parallèle àcelle des hommes, nous pouvons y voir uneallusion à la Table d’Emeraude «ce qui est en

bas est comme ce qui est en haut» etinversement.

Par la victoire de la Lumière sur lesTénèbres, le fleuve est redevenu bénéfique eta recouvré ses vertus purificatrices etrégénératrices, il est maintenant lié au blanc,la Vieille en s’y plongeant retrouve sa bellemain et l’éclat de sa jeunesse, elle découvrela vraie nature de son mari, lui aussiredevenu jeune, il est le Maître immortel quiressuscite dans l’adepte éclairé. Ce couple ason importance car il symbolise l’alliance dela Nature et de la Raison.

Les pierres précieuses, restes du Serpent,forment un nouveau pont qui permet à tousde circuler librement à toute heure du jour etde la nuit.

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15La Toyson d’or, de SalomonTrismosin, 1612. Sur cefrontispice on découvrel’énigmatique VITRIOL. Cette édition ainsi que lesparutions d’ouvrages surl’Alchimie ont fortementinfluencé Goethe dans sonoeuvre et plus particulière -ment sa source d’inspirationpour «Le Serpent vert».

Le corps transfiguré du Serpent forme un arc brillant, l’arc magnifique du pontreprésente l’alliance établie à cet instant,entre le ciel et la terre, comme l’arcd’alliance que Dieu fait voir à Noé après leDéluge.

Ce pont est le symbole de l’unité obtenueentre les principes opposés, il réunit eau-ciel,terre-ciel, par son intermédiaire on rebâti uncosmos. Unité que la perfection de la pierreau rouge représente mieux que tout, cettepierre rouge c’est le Géant transformé enpierre sur le parvis du Temple.

C’est maintenant du Temple que parti -ront les impulsions spirituelles, il est lesanctuaire comme centre de révélation, deperfectionnement spirituel, pont commeélément unificateur de deux mondes, leterrestre et le divin, le profane et le sacré. Il incombe aux Initiés de rapprocher leshommes, de faciliter les échanges enremédiant aux divisions et en dissipant lesmalentendus.

L’itinéraire du Serpent Vert, il porte enlui, la promesse d’un devenir humain. Unserpent vestige de nos origines n’habite-t-ilpas en nous ?

Dans la chaîne de l’évolution, l’hommeet le serpent se trouvent situés aux extrêmes.Existerait-il entre ces créatures comme unepasserelle permettant de franchir la barrièredu temps ?

Au départ le Serpent dort dans lesentrailles de la terre, puis au fil du récit nousle voyons s’éveiller, s’éclairer, révéler auVieux le quatrième secret, devenir pontlumineux puis se sacrifier pour le devenir del’Humanité. Sacrifice d’Amour effectué enpleine connaissance de la Résurrection ouRégénération qu’il annonce.

Ce conte dont les interprétations sontmultiples symbolise pour la majorité desFrancs-Maçons les mystères de l’Initiation.Le but de l’Initiation n’est-il pas de «délover»le serpent en sommeil et de l’ériger ?

N’est-il pas d’arracher l’individu àl’horizontalité par une sorte d’illuminationpour le mener sur la voie ascensionnelle, del’ombre à la lumière ? ▲▲

Bibliographie: Le Serpent vert, traduction, présentation etcommentaires de Jean-Patrick Dubrun, EditionsMaison de Vie, Paris, 2010.Le Serpent vert, Paperback, Editions Eole, 1992.Le Serpent Vert, conte symbolique traduit et com -menté par Oswald Wirth, Editions Dervy, Paris,1987, 2008.Etude sur le symbolisme du serpent par PierreCornuez, 2006.Le Serpent vert, conte philosophique etsymbolique, Editions Lulu.com, 2012.www.fr.wikipedia.org.

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1) Le mythe raconte comment les soeurs Wawilakont entrepris un grand voyage. En Australie, ildébuta en Terre d’Arnhem méridionale et setermina près de Milingimbi. A cet endroit, ellesperdirent un peu de sang placentaire qui tombadans le trou d’eau près duquel elles s’étaientarrêtées. Elles étaient enceintes suite à des amoursincestueuses. Le sang réveilla le grand SerpentYurlunggur qui sortit du trou et les avala et lesrecracha car elles appartenaient au même clanque lui. Le Serpent arc-en-ciel provoqua alors lapluie et elles dansèrent afin d’arrêter ce déluge...2) Zosime de Panopolis: gnostique né à Panopolis(aujourd’hui Akhmim), dans le sud de l’Égypte(Haute-Égypte) au IIIe siècle, est le plus ancienauteur connu ayant traité d’Alchimie. Il vivait àAlexandrie vers 300. Il serait l’auteur de textescomme Mémoires authentiques ou Écrit authen-tique sur l’art sacré et divin de la fabrication del’or connus que par des citations d’auteurs grecsultérieurs ou des traductions en arabe et ensyriaque.

L'Ouroboros en Alchimie symbolisait l'unité du cosmos et le cycle du temps au tout début est aussiune fin. Les quatre pattes du serpent symbolisent lesquatre éléments, le feu, la terre, l'air et l'eau. Lestrois «oreilles» sur sa tête, les vapeurs de soufre, demercure et d'orpiment (sulfure jaune d'arsenic).

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Les 11 et 12 octobre 2014 a eu lieu ce 3e rendez-vous entre le public et les auteurs, éditeurs etconférenciers autant en philosophie, ésotérisme etsur la Franc-Maçonnerie. Le cycle de conférences etrencontres ont eu comme thèmes principaux: – Saint Jacques de Compostelle, – Nobles jeux del’arc et loge maçonnique dans la France deslumières, – L’anti-maçonnisme actuel, – Le MontSaint-Michel, le voyage intérieur, – Fleurs de laBible et leurs histoires, – Atlantide, une civilisationsous la glace, – Les couleurs de la franc-maçonnerie, – Les premières franches-maçonnes,ou le combat des femmes pour la lumière, – Auxsources de la tradition, – Philosophie et musique:les chemins vers la fraternité. La grande «soirée dela fraternité» a été un moment très attendu avec laconférence-projection: Khéops, les architecteségyptiens dévoilés par Marco Virginio Fiorini,architecte-ingénieur de métier. ▲▲

IIIe Salon du livre maçonnique et philosophique

De nombreux visiteurs ont été très attentifs auxpublications des sujets traités par la Loge derecherche Sub Rosa. Photo © Sub Rosa, 2014.L’inauguration du Salon en présence de Monsieurle Député et Président de la Communautéd’Agglomération du Pays de Lérins, BernardBrochand. Photo © Sub Rosa, 2014.

LE CLIN D’OEIL...Les Clavicules de la Sapience*, jeu de clés de la sagesse, extrait:

*Claude Le Moal, édition collection encres libres ISBN 2-35168-017-0.

Toi qui, pour les nécessités de tonincarnation, as besoin de religiosité (nepas confondre avec le mystique,spirituel, métaphysique ou ésotérisme),enivre-toi tout ton saoul comme uneabeille butinant sa fleur, rapporte à taruche (église) les fruits de tes récoltes,fais ton miel de tes fleurs de rhétorique,

sois épanoui d’être ce qui correspond àta nature profonde, mais ne demandepas au faucon (l’Horus) de partager tespréoccupations, désirs ou aspirations.Rappelle-toi de cette vieille histoire de lagrenouille et du boeuf... La conclusion aété dramatique pour la pauvre petiteconnerie de batracien: PAF !!!!!!! (sic).

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SUB ROSA Association Culturelle: secrétariat – 146, rue de Genève – 1226 Genève.www.sub-rosa.ch – Contact par courriel: info@sub-rosa.ch ou uneparolecircule@sub-rosa.ch

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