Godin, B. (2000) Présentation. La science : nouvel environnement, nouvelles pratiques ?

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    Montral. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. ruditoffre des services d'dition numrique de documents

    scientifiques depuis 1998.

    Pour communiquer avec les responsables d'rudit : [email protected]

    Benoit Godin et Michel TrpanierSociologie et socits, vol. 32, n 1, 2000, p. 11-15.

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    DOI: 10.7202/001302ar

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    Prsentation : la science : nouvel environnement, nouvelles pratiques?

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    Le contexte conomique et politique de nos socits a beaucoup chang depuis

    vingt ans, et mme plus.En effet, les impratifs de la comptitivit conomique et

    de la mondialisation appellent une gestion plus serre des institutions et la prioritisation

    des activits.De mme, la redfinition du rle de ltat et les compressions budgtairesont affect et affectent toujours les institutions, au nombre desquelles les institutions

    universitaires. Ces dernires ont connu, par exemple, une diminution constante du

    financement public depuis plusieurs annes, faisant ainsi une place plus importante,relativement,au financement priv.Ces changements ne sont pas sans avoir des cons-

    quences sur la recherche universitaire.Pour ne prendre quun exemple parmi dautres,

    cest aujourdhui plus de 20 % de la recherche universitaire qui est finance par lentre-prise.

    Dans la foule de ces changements, plusieurs auteurs concluent que la recherche

    connat des transformations importantes qui modifient ses caractristiques fondamen-

    tales. En effet, sous limpulsion de divers facteurs conomiques, politiques et sociaux,la recherche libre serait une espce en voie de disparition qui ferait place une recherche

    plus pertinente prenant en considration les besoins des utilisateurs. Les transformations

    auxquelles on fait gnralement rfrence dans ces crits et qui affecteraient aujourdhui

    benoit godin

    inrs/ost

    3465, rue DurocherMontral (Qubec), Canada H2X 2C6Courriel: [email protected]

    michel trpanier

    inrs/cirst

    3465, rue DurocherMontral (Qubec), Canada H2X 2C6Courriel: [email protected]

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    PrsentationLa science:

    nouvel environnement,nouvelles pratiques?

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    les modes de production de la connaissance ont t bien rsumes dans The New

    Production of Knowledge (Gibbons et al., 1994) :

    tableau

    The New Production of Knowledge

    la production de connaissances se ferait dans un contexte transdisciplinaire, pluttque disciplinaire;

    la production de connaissances possderait un caractre htrogne en ce sens quellese droulerait dans divers lieux, souvent non acadmiques, et serait ralise par desgroupes et quipes de nature mobile et temporaire et disposant dexpriences detravail varies;

    les conditions de la production de connaissances seraient marques par une plusgrande responsabilit sociale parce que les chercheurs qui la produisentconserveraient des contacts troits avec les groupes sociaux ;

    enfin les connaissances ainsi produites ne seraient plus values uniquement parles pairs, mais divers intrts intellectuels, sociaux, conomiques et politiquesprendraient aussi part son valuation.

    Ces discours ont, avec une vitesse inoue, atteint la sphre gouvernementale au

    point que la plupart des politiques scientifiques des dernires annes sabreuvent au livrede Gibbons et al. Mais quen est-il exactement des changements annoncs? Un colloque

    tenu sur le sujet Paris en aot 1998 et organis par B. Godin et T. Shinn a permis

    dinitier un dbat sur la question. On peut rsumer trois les principales critiques qui

    furent adresses aux auteurs (Godin, 1998 ; Weingart, 1997 ; Shinn, 1999).Premirement, Gibbons et al. rcrivent lhistoire en leur faveur. Selon eux, les

    changements dans les modes de production des connaissances prendraient leur origine

    au sortir de la Deuxime Guerre mondiale alors que les diplms nouvellement formsessaiment dans divers secteurs de la socit plutt quils ne se destinent travailler

    luniversit. En fait, il serait surprenant que la recherche change prcisment cette

    mode 1

    1. Intrts acadmiques

    2. Contexte disciplinaire

    3. Homognit des lieux de pratique et des praticiens:

    organisation hirarchique et institutionnalise

    4. Autonomie relative:

    technicit

    5. valuation par les pairs

    mode 2

    1. Contexte dapplication

    2. Contexte transdisciplinaire

    3. Htrognit des lieux de pratique et des

    praticiens: organisation galitaire et transitoire

    4. Responsabilit sociale:

    rflexivit

    5. valuation selon des considrations varies

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    date alors que cest ce moment que les chercheurs se mettent disposer comme ils ne

    lont jamais fait auparavant de fonds rguliers destins financer leurs recherches.Avant 1945, les scientifiques devaient faire du dmarchage pour financer leurs recherche,

    cette activit les plaant plus prs que jamais du march, plus quaujourdhui o les

    pairs dcident des projets financer.

    Deuximement, la recherche a probablement toujours t, des degrs divers selonles poques et selon les disciplines, de mode 2. Les auteurs auraient confondu la

    rhtorique des scientifiques, qui elle a toujours t et demeure de mode 1, et leurs

    pratiques. Enfin, The New Production of Knowledge nest pas un livre savant, maisplutt un crit normatif qui prsente la connaissance comme certains voudraient bien

    quelle soit.

    Peu dauteurs ont essay de vrifier empiriquement la thse de Gibbons et al. Onne dispose en fait que de deux tudes bibliomtriques (Hicks et Katz, 1996 ; Godin

    et Gingras, 2000a), lune et lautre trs nuances. Le prsent numro est consacr

    apporter un clairage supplmentaire sur la question. cet effet, les auteurs explorent,

    dans une varit de contextes institutionnels, disciplinaires et historiques, le carac-tre rellement nouveau des changements actuels et leurs effets sur les pratiques

    des scientifiques.

    Benot Godin, Michel Trpanier et Mathieu Albert analysent les orientations et lesprogrammes des Conseils subventionnaires, ces organismes qui demeuraient jusqu r-

    cemment encore, le rouage principal du financement de la recherche universitaire. Ils

    montrent que si les discours de ces organismes salignent clairement sur le mode 2,il en va tout autrement de leurs activits et du financement qui demeure encore celui

    dfini comme le mode 1 par Gibbons et al. Si la recherche est en voie de changer, ce

    nest pas sous linfluence des Conseils, mais cest bien plutt en raison des programmesgouvernementaux de financement direct de la recherche.

    Terry Shinn observe, partir dune analyse des transformations et des ajustements

    des pratiques de chercheurs du cnrs aux noncs de politique scientifique de ltat

    franais, que les stratgies des chercheurs sont multiples et fortement diffrencis. Il enconclut quil est peu intressant de considrer la science comme un bloc monolithique.

    Plutt que de parler de Modes, Shinn propose la notion de rgimes de recherche

    qui cohabitent sur une base ingalitaire puisque, selon les conjonctures de la politiquescientifique, un rgime se trouve souvent plus avantag que les autres.

    En harmonie avec cette analyse, Mathieu Albert et Paul Bernard sattardent d-

    montrer,grce une analyse mene au sein de deux dpartements de sociologie duni-versits francophones qubcoises, que, dune part, les modes 1 et 2 cohabitent et

    se confrontent et que,dautre part, la majorit des professeurs ont des pratiques qui em-pruntent aux deux Modes; ce qui les place en quelque sorte entre le deux.

    Avec un regard plus historique, Pierrick Malissard montre que luniversitaire-entrepreneur nest pas une figure nouvelle, propre au mode 2, et quil existe ds le

    dbut du sicle au Canada. En effet, les laboratoires Connaugh lUniversit de Toronto

    sengagent ds 1914, aux cts et grce leurs activits de recherche, dans des activits

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    de production et de commercialisation de vaccins, srums et autres produits biologi-

    ques. Ils seront suivi, en 1938, par lInstitut de microbiologie et dhygine de lUniversitde Montral.

    Robert Dalp et Marie-Pierre Ippersiel explorent en dtails les effets des nouveaux

    programmes de soutien la recherche mis en place par le gouvernement du Canada au

    cours des annes 1980 et 1990 pour favoriser la mise en relation des chercheurs univer-sitaires avec lindustrie dans les secteurs des nouveaux matriaux et de loptique.Un peu

    la manire de Shinn et dAlbert et Bernard, ils observent que les pratiques relevant du

    mode 1 cohabitent avec celles du mode 2 et ce mme sil sagit dun contexte oles secondes, selon Gibbons et al., devraient tre fortement prdominantes.

    Pour terminer, deux textes dlaissent le terrain de ltude de cas pour privilgier un

    regard plus large sur les transformations qui affectent lactivit scientifique. Dabord,Loet Leydesdorf et Henry Etzkowitz prsentent une variante, trs populaire dans

    certains milieux acadmiques, de la thse de Gibbons et al. Le modle,quils appellent

    de la Triple hlice, cherche configurer les relations quentretiennent les trois principaux

    acteurs dun systme national dinnovation: les universits, les entreprises, et les gou-vernements.

    Nico Stehr, pour sa part, propose une rflexion sur la place et la dfinition du

    savoir et, plus spcifiquement de la science, dans les socits du savoir. Il insiste, entreautres, sur le fait que placer le savoir au centre de la socit et surtout au cur de lac-

    tivit conomique donne la science une position nvralgique qui a un effet direct sur

    lenvironnement gnral au sein duquel elle se fait. Dfini comme pouvoir daction, lesavoir scientifique est dans ce contexte lobjet de pressions nouvelles et plus fortes.

    la lumire des rflexions menes dans le prsent numro, force est de constater

    que si luniversit connat actuellement des changements, ceux-ci sont encore loin demodifier fondamentalement les pratiques de la recherche. En fait, on oppose peut-tre

    trop rapidement deux poques et deux types ou modes de recherche. Les transforma-

    tions actuelles dans le monde de la recherche nont pas pour effet de remplacer luni-

    versit telle quon la toujours connue, mais plutt dajouter une dimensionsupplmentaire ce quelle fait dj. Les chercheurs ne substituent pas une recherche

    plus applique une recherche fondamentale, mais font cohabiter les deux au sein de

    leurs activits (Godin et Gingras, 2000b).

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    bibliographie

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    of Knowledge: The Dynamics of Science and Research in Contemporary Societies, London, Sage.Godin,B. (1998), Writing Performative History: The New New Atlantis?, Social Studies of Science, vol. 28,

    no 3, p. 465-483.

    Godin, B. et Y. Gingras (2000a), The Place of Universities in the System of Knowledge Production,

    Research Policy, vol. 28, no 2, p. 273-278.

    Godin, B. et Y. Gingras (2000b), Impact of Collaborative Research on Academic Science, Science and

    Public Policy, vol. 27, no 1, p. 65-73.

    Shinn,T . (1999), Change or Mutation? Reflections on the Foundations of Contemporary Science, Social

    Science information, vol. 38, no 1, p. 149-176.

    Hicks, D. et S. Katz (1996), Where is Science Going?, Science, Technology & Human Values, vol. 21, no 4,

    p. 379-406.

    Weingart, P. (1997), From Finalization to Mode 2: Old Wine in New Bottles?, Social Science Information,

    vol. 34, no 4, p. 591-613.

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