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    Institut d'Economie IndustrielleUnive rsit des Sciences Sociales de Toulouse

    Confrence du 19 mars 1997

    Hayne LELAND

    GESTION DU RISQUE D'ENTREPRISE:PROMESSES ET EMBUCHES

    La dernire dcennie a vu se dvelopper une innovation financire quirivalise en importance et crase en amplitude n'importe quel sicle prcdent. Jeparle bien sr de la croissance explosive des marchs de produits drivs. Lavaleur sous-jacente ou notionnelle des contrats de produits drivs dpasse25000 milliards de dollars, environ la mme valeur que la production mondialeannuelle (GNP).

    Dans l'esprit du grand public, les produits drivs sont gnralementconsidrs comme le jouet spculatif de Wall Street et de la City, n'ayant pasgrand chose voir avec les entreprises produisant des biens et services dans lemonde. Mais les entreprises non financires usent (et parfois abusent) de cesinstruments de faon croissante. Mon propos aujourd'hui essaiera de montrercomment les entreprises peuvent utiliser efficacement les produits drivs pourgrer le risque.

    Tout d'abord, je vais vous prsenter rapidement les types de produitsdrivs aujourd'hui disponibles, et en quoi ils diffrent d'instruments financiersplus traditionnels. Puis, je traiterai des questions que les entreprises nonfinancires doivent rsoudre avant d'envisager l'utilisation de produits drivs.Enfin, je proposerai quelques conclusions sur les techniques de gestion durisque, et sur ce qu'il faut faire pour viter les dsastres tels queMetallgesellschaft, Orange County, Barings et beaucoup d'autres.

    I - Que sont les produits drivs ?

    Les produits drivs sont des instruments financiers dont les revenus sontbass sur les mouvements de prix d'indices financiers ou de titres sous-jacents,tels que les bons du Trsor, les actions, les taux de change, les taux d'intrt court ou long terme et les prix des matires premires. Les produits drivscomprennent des contrats terme (futures ou forwards), des options et desswaps bass sur ces indices. Plus rcemment, on a vu des produits drivs basssur des grands risques (contrats catastrophes), une diffrence entre deux tauxd'intrt (par exemple la diffrence entre le LIBOR et le taux des bons du Trsor),des moyennes de prix, des paniers d'actions internationales, et pratiquement toutindice imaginable.

    Beaucoup de ces instruments s'changent sur les marchs de futures etd'options. L'indice de valeurs S&P 500 est un exemple de contrat terme futures.

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    La valeur sous- jacente (ou notionnelle) des changes quotidiens des contratsfutures est de plus de 30 milliards de dollars, dpassant de 50% les 20 milliardsde dollars changs quotidiennement la bourse de New York. Le volume desEurodollars trois mois est d'environ 360 milliards de dollars par jour, et lavaleur notionnelle de tous les changes de produits drivs en 1995 a dpass9000 milliards de dollars.

    D'autres produits drivs sont changs sur les marchs de gr gr , surlesquels des vendeurs individuels (en particulier les banques) ont propos desproduits drivs crs sur mesure pour les besoins d'acheteurs individuels. Lavaleur notionnelle des produits drivs sur ces marchs de gr gr estd'environ 15000 milliards de dollars, dont la moiti environ est constitue deswaps sur les taux d'intrt.

    Qu'y a-t-il d'exceptionnel dans ces produits drivs, de diffrent par rapportaux instruments financiers traditionnels ? On peut noter au moins troisdiffrences importantes :

    1 ) Un important effet de levier, ou l'Efficacit du Capital

    Les revenus des produits drivs sont fonds sur les variations de valeursde l'indice sous-jacent ou des actions et ne reprsentent pas rellement un droitde proprit sur l'actif sous-jacent. Les produits drivs ont un cot initial peulev et des marges faibles, gnralement moins de 10% de la valeur de l'actif oude l'indice sous-jacent. Par exemple, un investisseur peut parvenir aux mmesgains ou pertes en possdant 100000 dollars d'actions qu'avec des contratsfutures ne demandant que 10000 dollars de mise de fonds initiale. Les produits

    drivs sont des instruments haut effet de levier, ne requrant qu'uninvestissement minimal.

    Par consquent la plupart des produits drivs sont susceptibles, partird'engagements financiers initiaux peu levs, d'engendrer des gains importants,ou des pertes importantes. Les produits drivs sont aux actions ordinaires cequ'est une Ferrari par rapport une 2CV, ou, vus par la presse et lesgouvernements enclins rguler les marchs, ce qu'est une mitrailleuse Uzi parrapport un pistolet calibre 22.

    2 ) De faibles cots de transactions

    Les cots de transaction induits par la ngociation d'actifs drivs sontplus faibles que ceux induits par la ngociation d'une position de risquequivalente dans l'actif sous- jacent. Un contrat futures sur l'indice S&P 500,reprsentant l'quivalent d'environ 400000 dollars, requiert une commissiond'environ 25$ par transaction, soit moins de 1 point de base. La diffrence entreles prix acheteurs et vendeurs sur les produits drivs les plus courants (plainvanilla) est galement faible, bien que les instruments de gr gr soientbeaucoup moins liquides. (Il est alors important de toujours demander la cotationd'une fourchette achat-vente).

    Un fait galement important est qu'il est aussi facile et conomique deprendre une position dcouvert pour la plupart des produits drivs que de

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    prendre une position longue. Les positions dcouvert, qui ont tendance trecoteuses si on n'utilise que les actifs sous-jacents, sont essentielles pour secouvrir des risques sur les taux de change ou les cours des matires premires.

    3) Flexibilit dans la conception

    La faon dont les produits drivs dpendent des variations de l'indice oude l'action sous-jacents peut tre trs varie. La plus simple est un contrat terme, futures ou forward, dont les revenus sont proportionnels la variation deprix de la valeur sous-jacente.

    Les options sont un peu plus complexes ; les gains sont lis une valeurdtermine (le prix d'exercice) mais les pertes sont limites au cot d'origine del'option. Les options d'achat bnficient de l'augmentation des prix ; les optionsde vente bnficient des diminutions de prix. Il faut remarquer que le revenud'une option de vente fournit une assurance contre la baisse du prix de l'actif oude l'indice sous-jacents.

    Les swaps sont plus complexes ; ils promettent un flux de revenusdpendant de la variation des taux d'intrt (ou de tout autre indice) par rapport un taux fix ; il existe galement les swaptions, qui sont des options pouracheter (ou vendre) des swaps.

    Encore plus complexes sont les options asiatiques, dont les revenusdpendent de la moyenne des prix ou des taux au fil du temps, ou mme du carrou du cube des variations des actions sous-jacentes. Pour des raisons videntes,ces options sont appeles des produits drivs exotiques. Les structured notes

    sont des instruments obligataires dont les intrts dpendent des variations d'unindice sous-jacent, et imitent en cela les revenus des produits drivs.

    En fait, de nouveaux produits drivs peuvent tre conus, selonvirtuellement n'importe quelle fonction non linaire des variations de cours depresque tous les actifs ou indices sous-jacents.

    La russite de l'utilisation des produits drivs dpend de l'valuation quien est faite. Leur complexit a conduit accorder une grande importance l'analyse mathmatique et la modlisation informatique. En fait, on a pu direque l'valuation rigoureuse des produits drivs, dveloppe d'abord par Black etScholes, tait une condition ncessaire pour que ces marchs se dveloppent.Bien que les techniques d'valuation ne soient pas parfaites, elles sontsuffisamment bien dveloppes pour que l'on puisse, dans la plupart des cas,estimer avec une assez grande prcision une valeur juste.

    La croissance des march drivs n'a eu d'gale que celle de la demande demathmaticiens de la finance. Les salaires annuels des meilleurs ingnieursfinanciers de Wall Street dpassent 1 million de dollars.

    II - Les produits drivs amliorent-ils le bien-tre ?

    Cette question a t le sujet de nombreux dbats dans lesquels les prjugsprenaient souvent le pas sur l'analyse rationnelle. Ces instruments n'liminent

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    pas les risques du march, mais se contentent de les redistribuer. Certainscritiques ont qualifi les produits drivs de spculatifs et en un sens ils lesont ; pour chaque dollar gagn ou perdu par un acheteur de produits drivs,un dollar quivalent est perdu ou gagn par la partie qui se trouve de l'autre ctdu contrat.

    Cela ne signifie pas, cependant, que les produits drivs sont socialementinutiles. Faisons l'analogie avec l'assurance automobile. La plupart des gens sontd'accord pour penser qu'une telle assurance est souhaitable. Mais cela ne rduitpas le nombre d'accidents automobiles. Cela permet une meilleure rpartition durisque. En effet, nous groupons nos risques d'avoir un accident, et la loi desgrands nombres rend notre risque moyen pratiquement prvisible. Nous sommesd'accord pour payer ce risque moyen, plus quelques bnfices pour la compagnied'assurance, afin d'viter une perte occasionnelle importante. Tous lesconducteurs s'en portent mieux, mme s'il n'y a pas moins d'accidents (en fait, ilse peut qu'il y en ait plus). Je suppose que vous conduiriez tous moins si vous nepouviez pas vous assurer contre les accidents de la route.

    Les contrats de produits drivs ne constituent pas une mutualisation durisque, mais ils redistribuent le risque vers ceux qui sont le plus aptes lesupporter. Le spculateur est d'accord pour assumer un risque afin de gagner (enmoyenne) un revenu suffisamment lev. Le hedger (c'est--dire celui quis'assure) est d'accord pour vendre le risque, puisque le revenu prvu estcompens par la rduction du risque. Les deux parties acceptent de participer l'change car elles esprent en moyenne raliser des bnfices.

    En dpit de leur capacit amliorer l'allocation des risques, les produits

    drivs peuvent facilement tre mal utiliss. Les affaires de Metallgesellschaft,Barings et Procter and Gamble ont t relates largement par les journaux, et il yen aura srement d'autres dans l'avenir. Malgr ces problmes si largementdiffuss, les produits drivs continuent se dvelopper, et dans la majorit descas, tre bien utiliss.

    Une autre question est de savoir si le fort effet de levier des produits drivscre un danger pour le systme financier (c'est le problme du risque systmique).Les produits drivs sur les marchs de gr gr bass sur les monnaies ou lesswaps ont t une source essentielle de revenus pendant la dernire dcenniepour beaucoup des plus grandes entreprises financires. Ces bnficessubstantiels ont conduit les banques accrotre la taille de leur portefeuille deproduits drivs. Leur valeur notionnelle, approchant un total de plus de 12000milliards de dollars, est gale plusieurs fois le total des fonds propres del'ensemble des banques.

    En 1994 par exemple, Bankers Trust avait un portefeuille de produitsdrivs dont la valeur sous-jacente tait gale plus de 100 fois le capital de labanque. Une perte de 1% sur la valeur du portefeuille aurait conduit l'insolvabilit. Une faillite de la Bankers Trust pourrait dclencher la faillited'autres banques, avec le scnario catastrophe de l'effondrement complet du

    systme bancaire. Heureusement, mais cela n'est pas tonnant, Bankers Trustavait conscience de sa vulnrabilit potentielle et son portefeuille de produitsdrivs tait bien assur.

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    Les rgulateurs se sont rcemment penchs sur le problme du risquesystmique et ont mis en place en 1995 le Programme pour la surveillancevolontaire labor par le Derivatives Policy Group, constitu par le SEC et la CAD(Capital Adequacy Directive) de l'Union Europenne. Ces directives sur lapratique et les rserves devraient minimiser la probabilit d'un effondrement dusystme.

    III - Qui util ise les produits drivs ?

    Aux Etats-Unis, pratiquement 100% des grandes institutions financiresachtent et/ou vendent des produits drivs. Les risques montaires sontrgulirement assurs, de mme que les taux d'intrts fixes (ou flottants) et long terme (ou court terme).

    Les plus grandes banques d'affaires et banques commerciales aux Etats-Unis ont jou un rle pionnier dans le dveloppement des techniques de contrledu risque. Le systme de gestion du risque de Goldman Sachs a t dvelopp parFisher Black qui avait invent l'analyse thorique de l'valuation et de lacouverture des options avec un autre universitaire, Myron Scholes.

    Des systmes contrlant des dizaines de milliers de positions dans descentaines de marchs diffrents sont rgulirement utiliss par les plus grandesbanques. Ces banques ont ouvert la voie au concept de VAR (Value at Risk). Ceconcept permet de mesurer la perte possible sur une priode de X, avec uneprobabilit infrieure ou gale Y. Par exemple, la Capital Adequacy Directivedu comit de Ble a fix X=10 jours et Y=1%, et exige des rserves gales troisfois ce chiffre. Pendant ces cinq dernires annes, J.P. Morgan a dvelopp

    RiskMetrics, un cadre d'analyse statistique pour dterminer la VAR. Cetteapproche a t commercialise et adopte par la plus grande partie de lacommunaut bancaire internationale, y compris la majorit des grandes banquesfranaises.

    Mais mon propos aujourd'hui est de m'interroger sur la faon dont lesentreprises non financires peuvent utiliser ces nouveaux instruments financierspour grer efficacement le risque. Il s'agit peut-tre du plus important des outilsde gestion pour les entreprises lors de ces cinquante dernires annes.Actuellement, plus de 85% des entreprises classes dans Fortune 500 utilisentdes produits drivs, dont les swaps, les futures et forwards et les options. Laproportion d'entreprises dont les capitalisations boursires sont infrieures 50millions de dollars qui utilisent des produits drivs est beaucoup moinsimportante, environ 20%. Tandis que la plupart des entreprises utilisent desproduits drivs pour contrler le risque, plus d'un tiers d'entre elles disentqu'elles les utilisent de faon active afin de reflter leurs points de vue sur lestaux d'intrts et/ou les taux de change. Contrairement aux plus importantesinstitutions financires, pratiquement aucune entreprise non financire n'a destratgie d'ensemble pour la gestion et le contrle du risque.

    IV - Un cadre d'analyse pour la gest ion du risque

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    Qu'imposerait une telle stratgie d'ensemble de la gestion du risqued'entreprise ? Pour rpondre cette question, nous devons d'abord abordercertains problmes

    Quel est l'objectif de la gestion du risque d'entreprise ? Quels risques peuvent tre assurs, et lesquels ne doivent pas l'tre ? Quels instruments peuvent tre utiliss pour couvrir le risque ? Comment viter les dsastres ?

    Nous n'avons pas encore de rponses compltes ces questions, mais lathorie conomique et la pratique nous donnent quelques pistes.

    Il faut d'abord noter que les entreprises ont utilis des techniques ad hoc degestion du risque bien avant la croissance des marchs de produits drivs. Lesentreprises ayant des marchs importants l'tranger, telles que les entreprisesautomobiles japonaises, ont ouvert des usines dans les pays ou les zonesd'changes dans lesquels elles vendent. Les risques de mouvements dfavorablesde taux de change sont rduits puisque la mme monnaie est utilise pour lescots aussi bien que pour les ventes. De la mme faon, des emprunts peuventtre contracts dans le mme pays que celui o sont dtenus les actifs, couvrantainsi les risques du bilan.

    Les produits drivs peuvent apporter un contrle supplmentaire du risque,ou, dans de nombreux cas, peuvent proposer des solutions plus conomiques.Plutt que d'affronter les difficults de mise en place d'une usine dans un paystranger, par exemple, des instruments appropris peuvent convertir une usinevendant l'tranger en une usine trangre virtuelle, avec des cots transfrs

    d'une monnaie domestique une monnaie trangre par l'utilisation de produitsdrivs.

    1 ) Quel est l'objectif de la gestion du risque ?

    Contrairement ce que l'on pense, l'objectif de la gestion du risque ne doitpas tre d'liminer tous les risques. Une entreprise qui ne court aucun risque nepeut pas offrir mieux que le revenu sans risque que les investisseurs peuventdj obtenir par des emprunts d'Etat. Une question plus stimulante est l'inverse de savoir pourquoi une entreprise devrait s'inquiter d'liminer unquelconque risque. Aprs tout, les porteurs d'actions peuvent diversifier leursportefeuilles travers les entreprises et peuvent viter des risques excessifs en seprotgeant personnellement. Dans un monde sans impts ni cots detransaction, le thorme de Modigliani-Miller nonce le principe de base suivant :la structure financire d'une entreprise n'a aucun impact sur sa valeur.

    Bien sr, dans le monde rel, les cots de transaction comptent,particulirement ceux qui concernent les cots de dtresse financire ou defaillite. Et les impts comptent galement, conduisant fortement utiliser la dette(dont les intrts sont fiscalement dductibles) plutt que les fonds propres. Lesentreprises supportent gnralement une pnalit de 2 10% quand une

    augmentation de capital doit tre faite. Cette divergence par rapport au mondepur de Modgliani-Miller est un des arguments qui conduit un certain degr degestion du risque.

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    Mais cela laisse ouvert le problme du choix des risques devant tre couverts,et avec quels instruments. Etudions maintenant ces questions.

    2) Quels risques doivent tre couverts ?

    Les conomistes s'accordent gnralement sur le fait qu'une entreprise doit

    couvrir les risques sur lesquels elle n'a ni contrle ni expertise. Les risques pourlesquels elle a un pouvoir de contrle et un certain niveau d'expertise doivent treconsidrs comme une source d'augmentation de la valeur pour l'actionnaire.

    Considrons, par exemple, une entreprise d'industrie ptrochimique quiexploite et fabrique des produits plastiques issus de produits ptroliers. Une telleentreprise fait face deux sortes de risques : le march du plastique, et le prix duptrole. Elle a de l'expertise et quelque moyen de contrle sur le premier, mais n'aaucun pouvoir de contrle et peut-tre une expertise limite sur le second. Il estalors clair que la gestion du risque consiste couvrir les risques sur le prix duptrole.

    Quels sont les avantages couvrir les risques sur le prix du ptrole ? Pour unniveau donn de production de produits plastiques, l'entreprise peut diminuerses risques de difficults de trsorerie et mme de faillite en couvrant le risquesur le prix du ptrole. Le cot de financement de la dette diminuera, et peutpermettre plus tard un levier financier plus lev accompagn d'avantagesfiscaux.

    La couverture du risque peut permettre non seulement une structurefinancire plus agressive, mais galement, en rduisant les fluctuations de

    trsorerie, un investissement plus important en recherche et en technologie,ralisant par l mme de futures conomies de cots. Les bnfices de la gestiondu risque ne proviennent pas seulement de la rduction du risque sur lesactivits courantes, mais galement des changements dans ces activits elles-mmes. Considrons nouveau l'analogie avec l'assurance : sans assuranceautomobile, nous conduirions probablement beaucoup moins que lorsqu'uneassurance est disponible. L'automobile peut tre utilise de faon plus efficacetant donn que la gestion du risque (l'assurance) est possible.

    Le risque sur le prix du ptrole courant doit-il totalement tre couvert ? Pasncessairement. Mettons que le prix du ptrole augmente. Les entreprisesrduiront alors leur consommation de ptrole, et les bnfices (ou la trsorerie)diminueront, mais de faon moins importante que l'augmentation du prix duptrole. Une couverture complte sur l'utilisation courante du ptrole serait troptendue. Si l'on inclut les revenus de l'assurance, l'entreprise aura en ralit plusde bnfices si le prix du ptrole augmente, et inversement, les bnfices serontmoindres si le prix du ptrole baisse. Cela sous-entend que l'entreprise qui secouvre compltement spcule en ralit sur le prix du ptrole. La couvertureoptimale devrait tre moindre et devrait couvrir les bnfices ou la trsorerie netsplutt que les cots courants.

    On peut aller plus loin si les dpenses de taux d'intrt sont corrles avec lesvariations du prix du ptrole. Si une augmentation du prix du ptrole conduit une augmentation des taux d'intrt et donc une perte de trsorerie, la

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    couverture adquate devra tre augmente pour tenir compte de ce risquesupplmentaire sur les bnfices. On peut rsumer en disant que le bnfice net -et non les charges ou les produits - doivent tre couverts contre les risques surles prix (y compris les taux d'intrt) sur lesquels l'entreprise n'a aucun pouvoirde contrle. Et l'interaction entre les risques du march auxquels l'entreprise doitfaire face doit tre accepte.

    3) Quels instruments doivent tre utiliss ?

    Les risques sur les prix peuvent tre couverts par les contrats futures ouforward ou par les options. Les premiers supprimeront les effets de mouvementsde prix, favorables ou dfavorables, en bloquant le prix au prix du jour. Lesoptions limineront uniquement les mouvements de prix dfavorables, mais ellessont plus chres. Que doit-on utiliser ?

    La rponse n'est pas immdiate. La situation de concurrence de l'entreprisepeut tre importante. Par exemple, admettons que vous bloquiez vos cots auniveau d'aujourd'hui l'aide de contrats futures. Supposons maintenant que lesprix changent de telle sorte que les cots baissent. Si d'autres entreprisesconcurrentes ne se sont pas couvertes, leurs bnfices plus importants peuventleur permettre de baisser leurs prix de vente, alors que vous ne le pouvez pas. Siles mouvements de prix, tant favorables que dfavorables, sont neutraliss,l'entreprise peut en souffrir. Il faut tenir compte de l'environnement deconcurrence de votre industrie, et galement de la faon dont les autresentreprises sont couvertes ou non, pour dterminer la meilleure stratgie.

    Le fait d'viter les catastrophes financires, une des raisons principales

    voques pour la gestion du risque, conduit penser que seules les variationsextrmes qui menacent la solvabilit de l'entreprise doivent tre couvertes. Celaplaide en faveur des options, et non des contrats futures, comme tantl'instrument prfr. C'est pourquoi les options peuvent tre utilises comme uneassurance.

    4) D'autres questions sur les problmes de couverture

    L'objectif de la gestion du risque pourrait tre d'augmenter la valeur del'entreprise en rduisant les risques sur la trsorerie sur lesquels l'entreprise n'ani expertise ni contrle. Mais quelques questions cls restent en suspens :

    i) Les bnfices courants seuls doivent-ils tre assurs, ou lesbnfices futurs esprs, c'est--dire la valeur de l'entreprise ?

    Si les bnfices futurs peuvent tre exactement lis aux mouvements de prixcourants, les thoriciens diront que les bnfices actuels aussi bien que futursdoivent tre couverts. Mais peut-on avec prcision prvoir les bnfices enfonction des prix dans l'avenir, tant donn l'volution de la technologie, desmarchs et de la structure de l'industrie ? Si des erreurs sont commises, despositions assures peuvent devenir des positions spculatives. Bien plus, les

    problmes de trsorerie que nous voquons plus loin peuvent devenir beaucoupplus importants si les positions retenues sont plus tendues. Cela suggre que lecontrle du risque soit concentr sur la priode courante, mme si l'on espre que

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    le degr de couverture sera assez flexible pour s'adapter au changement desconditions du march.

    ii ) Doit-on assurer les bnfices conomiques ou les bnficescomptables ?

    Malheureusement les bnfices comptables ne co ncident pas toujours avecles bnfices conomiques. Une couverture fournissant une relle rduction durisque peut en fait augmenter la volatilit des bnfices comptables del'entreprise.

    L'aventure de Franklin Savings doit nous inciter la prudence. Cette caissed'pargne amricaine trs dynamique devint insolvable la fin des annes 1980.Franklin avait un portefeuille de prts long terme taux fixe. Elle s'taitassure contre la hausse des taux d'intrts en vendant des contrats futures debons du Trsor. Mais les taux d'intrt ont baiss. Le portefeuille de prts deFranklin augmenta en valeur, mais ses contrats futures en bons perdirent desmontants quivalents. Malheureusement, les comptables exigrent que les prtssoient valus leur valeur initiale , de telle faon que les plus- values sur lemarch n'ont pas t prises en compte. Par contre, les pertes sur les contratsfutures taient comptabilises, et Franklin Savings fut oblig de cesser sonactivit puisque sa valeur comptable tait tombe en dessous du minimum exig.La morale de cette histoire est que tout programme de couverture doit prendre encompte non seulement les effets conomiques mais aussi ses effets sur lesbnfices annoncs et sur les valeurs comptables.

    V - Evi ter les dsastres

    Les dsastres passs peuvent tre classs en trois catgories :

    le dfaut de comprhension des mcanismes des produits drivs (Les swaps detaux d'intrt fort effet de levier pour Procter et Gamble) les contrles insuffisants des activits des employs (positions spculatives dutout ou rien la Barings ou chez Orange County). L'incapacit d'valuer les consquences des couvertures sur la trsorerie(Metallgesellschaft).

    Procter et Gamble est un exemple d'acheteur na f coupl un vendeuragressif. P & G avait des anticipations sur l'volution des taux d'intrts et aachet des produits drivs trs complexes la Bankers Trust. Les conversationstlphoniques enregistres des responsables de la Bankers ont montr qu'ilsavaient trs peu de considration pour les connaissances de leurs clients, ettaient ravis de vendre des produits drivs un prix qui leur paraissaitavantageux. Les taux d'intrts ont volu l'inverse de ce que pensait P & G ; ilsont dcouvert que l'effet de levier avec des produits drivs exotiques tait bienplus important qu'ils ne l'avaient pens et qu'ils avaient perdu environ 100millions de dollars ; ils ont poursuivi Bankers Trust en Justice , et celle-ci a ds'incliner. Moralit : sachez ce que vous achetez, achetez des produits simples,

    obtenez des prix comptitifs. Autre moralit : peut-tre que les entreprises nedevraient pas spculer sur les taux d'intrt...

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    Orange County est un autre exemple de spculation incontrle. Le Trsorier, Robert Citron (un vrai lemon) a eu raison pendant trois ans enpariant que les taux d'intrt allaient chuter. Les gains de ses activits initiales(rachat de titres afin d'augmenter l'effet de levier) furent rpercuts comme unepartie de l'intrt pay court terme aux dposants municipaux par les comtsvoisins de la Californie. Ces dpts pouvaient tre retirs leur valeur faciale,

    comme dans un march montaire, sans se soucier de la valeur relle de l'actif Les dpts ont afflu et Citron s'est vant d'en connatre plus sur les tauxd'intrts que Goldman Sachs. Mais il s'agissait en fait de cavalerie ; de plus enplus de positions effet de levier pariant sur la baisse des taux d'intrt furentncessaires, et Citron s'est tourn vers des produits drivs pour atteindre ceniveau de levier. Les produits drivs, soit dit en passant, produisaientl'quivalent du revenu d'obligations sur 100 ans, bien qu'ils n'aient pas atteintcinq ans, ce qui tait l'exigence de dure rglementaire. Le Conseild'Administration d'Orange County n'tait pas trs subtil et n'a pas ralis lanature des positions spculatives de Citron.

    Finalement bien sr les taux d'intrt ont mont, les dposants ont tinforms des problmes financiers, il s'est produit une rue sur la banque, lesdposants se prcipitant pour rcuprer leur argent sa valeur totale. OrangeCounty fut contraint de dposer son bilan et les investisseurs ont beaucoupsouffert d'une perte de valeur importante. Citron fut licenci et le comt, malgrson manque vident de perspicacit, fit un procs Merrill Lynch. Ce qui estamusant, c'est que, si la rue ne s'tait pas produite, Citron serait probablementencore un hros, puisque les taux d'intrt ont beaucoup baiss.

    Moralit : une municipalit qui spcule est encore pire qu'une entreprise

    qui spcule. Deuxime moralit : les produits drivs peuvent tre un instrumentefficace pour viter les rglementations.L'histoire de Metallgesellschaft est particulirement instructive. Metallgesellschafta vendu une quantit importante de ptrole terme un prix qui paraissaitfavorable. L'objectif invoqu pour cette opration n'tait pas de spculer, maisplutt d'aider la clientle.Pour se couvrir contre l'augmentation des prix, Metallgesellschaft prit despositions importantes sur des contrats futures de ptrole court-terme. Les prixdu ptrole ont baiss, ce qui signifiait que la valeur de la position de vente terme augmentait. Cependant, les pertes engendres par la couverture courtterme exigeaient un paiement de plus de 1 milliard de dollars, alors que lebnfice cr par leur position terme ne serait ralis que dans les annes venir. L'assurance, en rduisant le risque sur le long terme, avait de faondramatique dstabilis les rsultats sur le revenu court terme et la trsorerie.Incapables de faire face cette situation, ils abandonnrent la couverture longterme, laissant leur position compltement dcouverte. Il existe aujourd'huiencore un dbat pour savoir si la couverture avait t correctement conue, maisil parat vident que le problme le plus important fut celui des difficultsimprvues de trsorerie.

    Moralit : n'oubliez pas que mme une couverture parfaite peut engendrer

    des difficults temporaires de trsorerie et de revenu.

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    Des solutions ces trois types de problmes doivent tre proposes par unsystme de gestion du risque correctement conu. Un tel systme exigera uneexpertise interne sur les produits drivs, et ne devra pas attendre que cetteexpertise soit apporte par le vendeur du produit. Un tel systme devra galementsurveiller les positions risque pour tre sr qu'aucune spculation indsirablene se produise. Et les systmes de rmunrations pour les employs ne doivent

    pas rcompenser les bnfices spculatifs alors que l'objectif est l'assurance durisque.

    Un modle de trsorerie de l'entreprise dans sa totalit, tablissant unerelation entre d'une part la trsorerie et d'autre part les prix du march et lestaux d'intrt est un ingrdient cl de la gestion optimale du risque. Combin des scnarios d'volution des prix, ou une modlisation statistique des risquesde variations de prix (tel que RiskMetrics), le modle conomique peut dterminerun Profit at Risk, l'quivalent en termes de trsorerie de la Value at Risk. Lacouverture peut alors tre conue pour ramener les risques aux niveaux adquatspour viter les difficults financires.

    VI - Conclusions

    1) Les nouveaux instruments financiers donnent aux entreprises lapossibilit de grer les risques. Leurs cots de transaction faibles et leurfort effet de levier en font un outil puissant, mais augmentent galementla possibilit d'en abuser.

    2) La gestion du risque ne doit pas chercher liminer tous les risques,mais uniquement ceux pour lesquels l'entreprise n'a ni expertise

    particulire ni moyen de contrle. Inversement, les positions actives ouspculatives ne devraient tre prises que si l'entreprise a fait preuve deson expertise.

    3) La gestion du risque produit de la valeur ajoute en aidant viter ladtresse financire. Cela demande une vision globale de la trsorerie etdes bnfices de l'entreprise, et non seulement des risques du marchindividuel en lui-mme.

    4) Les bnfices de la gestion du risque ne sont pas simplement de rduirele risque, mais peuvent permettre une plus grande efficacit desinvestissements, du levier financier et de la gestion de la fiscalit.

    5) Ngliger de prendre en compte les consquences comptables et detrsorerie des produits drivs peut conduire de grandes difficults,mme si l'assurance est fonde sur le plan conomique.

    6) La fonction de gestion du risque doit se situer un niveau de dcisionlev dans l'entreprise, et ne peut pas tre exerce de faon efficace auniveau d'une division ou d'un march.