Gestion de production industrielle dans un contexte de...

32
Gestion de production industrielle dans un contexte de maîtrise des flux : l’enjeu logistique. Abdelali Naciri UNIVERSITE HASSAN II – MOHAMMEDIA Faculté des Sciences Juridiques, Economiques et Sociales. Mohammedia Master : Management logistique appliqué Matière :Gestion de production et des stocks Premier Semestre Document sur le thème : Gestion de production industrielle dans un contexte de maîtrise des flux : L’enjeu logistique Professeur : Abdelali NACIRI BENSAGHIR 1

Transcript of Gestion de production industrielle dans un contexte de...

Page 1: Gestion de production industrielle dans un contexte de ...d1n7iqsz6ob2ad.cloudfront.net/document/pdf/5384a912e858f.pdfGestion de production industrielle dans un contexte de maîtrise

Gestion de production industrielle dans un contexte de maîtrise des flux : l’enjeu logistique. Abdelali Naciri

UNIVERSITE HASSAN II – MOHAMMEDIAFaculté des Sciences Juridiques, Economiques et

Sociales. Mohammedia

Master : Management logistique appliquéMatière :Gestion de production et des stocks

Premier Semestre

Document sur le thème :

Gestion de production industrielle dansun contexte de maîtrise des flux :

L’enjeu logistique

Professeur : Abdelali NACIRI BENSAGHIR

1

Page 2: Gestion de production industrielle dans un contexte de ...d1n7iqsz6ob2ad.cloudfront.net/document/pdf/5384a912e858f.pdfGestion de production industrielle dans un contexte de maîtrise

Gestion de production industrielle dans un contexte de maîtrise des flux : l’enjeu logistique. Abdelali Naciri

INTRODUCTION :

Gérer la production d’une façon rentable a toujours consisté à augmenter laproductivité des moyens engagés. Une telle stratégie se traduisait essentiellement par desdécisions spécifiques au niveau de la planification, de la mise en oeuvre et del’ordonnancement des opérations de transformation, ainsi qu’au niveau de l’organisation dutravail. En effet, l’anticipation de l’état de la demande sur la base des prévisions du servicecommercial et des historiques de ventes servaient de moyens d’appui à telles décisions.

Toutefois, le bouleversement des prévisions entraîné par la complexification desdonnées commerciales a remis en cause ce modèle d’anticipation. Il s’agit plutôt de concevoirun modèle d’adaptation de l’offre de l’entreprise à la demande du marché, en suivant en tempsréel les évolutions d’une telle demande.

Il en résulte une restructuration des activités de production. En effet, au niveau de laplanification, il ne s’agit plus d’établir a priori les plans de réalisation des opérations deproduction en déterminant les itinéraires que doit emprunter chaque flux de produits, mais dedéterminer la nature des flux et leurs délais de livraison, et de déléguer au processus deproduction l’organisation des opérations nécessaires. Ainsi le processus de production se voitconfié une plus grande autonomie, et doit, de ce fait, être capable de réaliser les objectifsarrêtés par la planification.

I . Contexte général de l'organisation de la production:

I.1. Le processus de planification de la production: Définie d'une façon schématique, la planification de la production vise la répartitiondes ressources de l'entreprise en fonction de ses objectifs, des contraintes existantes et de lademande prévue. Elle vise essentiellement à permettre à l'entreprise d'atteindre ses objectifs,de volume, de temps et de coûts, en déterminant selon un programme d'ensemble, les actionsà engager, les coûts de production, les performances à atteindre, ainsi que leurs dates definition.

D'une manière globale, le processus de planification comporte quatre fonctions,principales, distinctes et successives, auxquelles peuvent être rattachées d'autres fonctions quiaméliorent le fonctionnement du processus.- Le plan directeur:

En relation directe avec la politique générale de l'entreprise et le plan d'investissement,le plan directeur établit la liste des produits à manufacturer, la date de leur livraison et leursquantités respectives.

Pour se faire, le plan directeur détermine, en effet, l'ensemble des ressourcesnécessaires pour satisfaire à la demande. En ce sens, le processus de détermination desressources vise essentiellement à comparer si la capacité des ressources de production del'entreprise permette de réaliser les quantités demandées. Dans le cas où cette capacité,exprimée généralement en heures, s'avère insuffisante pour satisfaire à une demande trèsforte, l'entreprise peut prévoir un recours aux différents moyens d'adaptation de la capacité àla demande. Ils doivent, donc « effectuer des arbitrages entre la sous-traitance, les heuressupplémentaires ou l'embauchage d'un personnel occasionnel »1.

A ce niveau donc; la planification de la production se fait à un niveau global, se basantgénéralement sur les prévisions et négligeant tous les détails.- Le plan de production: la planification détaillée:

1 NOLLET.J - KELADA.J - DIORIO.O.M : « La gestion des opérations et de production », Editions Gaetean morin, 1996, p:30.

2

Page 3: Gestion de production industrielle dans un contexte de ...d1n7iqsz6ob2ad.cloudfront.net/document/pdf/5384a912e858f.pdfGestion de production industrielle dans un contexte de maîtrise

Gestion de production industrielle dans un contexte de maîtrise des flux : l’enjeu logistique. Abdelali Naciri

Conçu comme une désagrégation du plan directeur, le plan de production vise àdéterminer dans le temps les quantités à fabriquer ou à acheter.

A ce niveau, les prévisions se précisent, la planification se fait donc sur la base dedonnées concernant des commandes fermes. Il s'agit alors de spécifier, pour un horizon fixé,les quantités requises, en s'assurant de respecter la capacité disponible.

Contrairement au plan intégré, la planification détaillée permet d'élaborer un plandirecteur détaillé permettant de déterminer le nombre réel d'unités à fabriquer de chaqueproduit; pour chaque période de temps. En ce sens, « le plan directeur sert de guide au plan deproduction qui, lui, rend opérationnel le plan directeur »2.- La planification des besoins en matières:

Le plan de production permet de fixer les quantités de produits globalementréalisables, compte tenu de la demande et de la capacité. A cette étape, l'entreprise disposealors de programmes de production qu'elle doit mettre en application pour préparer des ordresde fabrication et d'approvisionnement précis. La réalisation des objectifs fixés par le plan deproduction, notamment la fabrication des quantités demandées, exige en effet des quantités dematières premières et de composants.

Se situant à l'interface entre la planification des opérations et la gestion des stocks, laplanification des besoins en matières permet de déterminer les quantités et les dates defabrication, d'assemblage et de commande des matières premières et des composants afin deproduire à temps les quantités prévues par le plan de production. Elle vise, en effet, àdéterminer:

- Quoi commander et quoi fabriquer?- Combien d'unités de chaque composant et quelle quantité de matières premières doit-on fabriquer et commander, compte tenu des niveaux de stocks?- Quand passer la commande et quand commencer la fabrication?3

Alors que le plan de production prend en compte un horizon de durée relativementlongue et s'intéresse à des familles de produits, la planification des besoins travaille sur unhorizon plus court et sur des produits parfaitement spécifiés. A cet horizon, on dispose decommandes fermes ou de prévisions précises en termes de quantités et de références àfabriquer.

La démarche de détermination des besoins en matières et en composants repose surtrois points. D'une part, la détermination d'une façon précise de la structure ou la compositiondes produits à fabriquer, autrement dit leurs nomenclatures4, ensuite la détermination desquantités de ces composants existants en stocks, et en fin la détermination des délais defabrication des produits, de leur assemblage et de la livraison des matières premières.- L'ordonnancement :

Représentant le niveau le plus détaillé du plan directeur, l'étape de l'ordonnancementconsiste en l'affectation et l'utilisation optimale des ressources humaines et matériellesnécessaires à la production des services ou biens requis pour qu'ils puissent être disponiblesen quantité désirée, au moment opportun et au moindre coût possible.

Le point de départ de l'opération de l'ordonnancement consiste à déterminer en premierlieu les gammes d'opérations. En effet; une gamme permet de décrire l'ensemble desopérations nécessaires pour fabriquer un produit. C'est ainsi que pour chaque opération il estnécessaire de connaître:

_ Le temps d'exécution machine,

2 NOLLET.J - KELADA.J - DIORIO.O.M : op.cit., p: 406.3 NOLLET.J - KELADA.J - DIORIO.O.M : op.cit., p: 501.4 La nomenclature est une disposition hiérarchisée de tous les articles fabriqués ou achetés rentrant dans la composition d'un produit.

3

Page 4: Gestion de production industrielle dans un contexte de ...d1n7iqsz6ob2ad.cloudfront.net/document/pdf/5384a912e858f.pdfGestion de production industrielle dans un contexte de maîtrise

Gestion de production industrielle dans un contexte de maîtrise des flux : l’enjeu logistique. Abdelali Naciri

_ le temps de main d'oeuvre de préparation, _ " " " " " " d'exécution,_ " " de transition d'une opération à l'autre,_ l'identification des postes de charge pour chaque opération,_ " " outils pour chaque opération5.

Une gamme d'opérations permet donc d'énumérer dans un ordre technique les phasesde travail nécessaires à la réalisation d'un produit, il s'agit donc du cheminement du travail.

Une fois déterminer les différentes gammes d'opérations, l'ordonnancement consisteen:

- L'affectation : elle consiste à distribuer les commandes à des postes de travail, à desservices ou à des travailleurs spécifiques, il s'agit de la planification à cour terme de lacapacité.

- Le jalonnement: il consiste à déterminer une séquence de production, donc detraitement des commandes, en établissant une chronologie des différentes commandes àexécuter. Pour se faire, on doit évidemment connaître les gammes et la durée des opérationspropres à chacune des commandes.

- La détermination du calendrier de fabrication: ce calendrier correspond à la dateprévue pour le lancement de chaque commande. Il est établi en fonction des gammes et de ladurée des opérations.

- Le lancement: consiste à débuter les opérations de fabrication relatives à unecommande.I.2. L’organisation des systèmes de production:

I.2.1.Les systèmes de production: éléments de définition:Nicholas Georgescu-Roegen montre que « tout système de production comporte deux

sortes de constituants: les fonds et les flux. Les fonds sont les éléments immuables etmaintenus comme tels du processus de production, ce sont essentiellement les hommes et lesmachines. Les flux sont au contraire les éléments qui disparaissent ou apparaissent au coursdu processus, ce sont les inputs, les en-cours et les outputs »6. En ce sens, le système deproduction peut être défini comme étant l'unité d'une politique de produits et d'un moded'agencement des fonds productifs. Il est fait, en effet, de produits ou services, à différentsstades de transformation, et de processus industriels, c’est à dire de méthodes et de moyens detransformation des produits.

En effet, c'est à travers l'établissement d'une certaine cohérence entre ces deuxconstituants que toute entreprise espère réaliser ses objectifs et faire ainsi face à son marché età ces concurrents. Cohérence interne exprimée par la recherche permanente de la réductionsimultanée de l'oisiveté des fonds et des flux. « Il est en effet facile de produire sans aucunstock d'en-cours en ne se préoccupant pas du tout du taux d'utilisation des fonds. De même, ilest simple d'utiliser totalement les fonds en négligeant complètement le volume des stocks.C'est donc la résolution conjointe de ces deux aspects du problème d'organisation qui estessentielle »7.

Au niveau externe, la mission fondamentale de tout système de production est depouvoir s'adapter en permanence à son environnement commercial. Son efficacité peut êtreévaluée à travers les possibilités qu'il offre en matière de réactivité face à un environnementcommercial caractérisé par ses évolutions rapides instituant une rude concurrence.

5 PONS.J - CHEVALIER.P: "La logistique intégrée".Editions Hermès. p: 169.6 HERAN.F [1987]: "La gestion de la production en mutation" in "La productique", sous la direction de COHENDET.P - LLERENA.P - PECQUET.P. Editions Economica, Paris, p:65.7 Ibid.

4

Page 5: Gestion de production industrielle dans un contexte de ...d1n7iqsz6ob2ad.cloudfront.net/document/pdf/5384a912e858f.pdfGestion de production industrielle dans un contexte de maîtrise

Gestion de production industrielle dans un contexte de maîtrise des flux : l’enjeu logistique. Abdelali Naciri

Le système de production se présente donc comme l'instrument de finalisation desobjectifs commerciaux. Sa dynamique tient dans le maintien de la cohérence entre lescaractéristiques des produits fabriqués et commercialisés et les caractéristiques du processusde production.

Une telle relation est représentée par le couple produit-processus, où chaque politiquede produits correspond à une organisation particulière du processus de production.

I.2.2.La structure des systèmes de production: la relation produit - processus8:

En général, c'est la politique du produit qui détermine la nature de la structure duprocessus de production. « Il est, en effet, de plus en plus évident qu'il y a une forteinterdépendance entre la nature des produits et la configuration des processus deproduction »9. Ainsi le flux de produits que l'entreprise entend maintenir vis-à-vis de sonmarché se traduit par un flux de fabrication pris en charge au sein du processus de production.

A ce niveau, deux types d'organisation du processus peuvent être distinguées:- une production sur stock de produits standards qui entraîne une spécialisation des

moyens de production et des tâches. Les opérations constituant le processus sont liées d'unefaçon irréversible, favorisant ainsi un degré de rigidité élevé du processus de production. Ladifficulté de modifier de l'agencement initial des combinaisons productives se traduit, auniveau de la planification de la production, par le lancement de séries de fabrication de tailleimportante.

- une production à la commande de produits différenciés favorise une plus grandevariabilité dans la constitution des moyens de production et donc une moindre spécialisationdes moyens de production et des tâches.

Ce sont donc « les caractéristiques des produits fabriqués qui dirigent et orientent lescaractéristiques du processus de production qui permettent en retour le développement de lacapacité concurrentielle de l'entreprise »10

Tableau :La relation entre la nature des produits et la structure des processus de production11.

8 Un processus est "l'ensemble d'activités reliées entre elles par des flux d'information significatifs, et qui se combinent pour fournir un produit matériel ou immatériel important et bien défini", définition de LORINO.P: "Le déploiment de la valeur par les processus", Revue Française de Gestion, Juin-Juillet-Août, 1995, p: 55.9 MARTINET.A.C [1983] : "Stratègie". Editions Vuibert Gestion, Paris, p: 122.10 PARAPONARIS.C: "Efficience logistique et organisation du travail: le rôle de la maîtrise des flux dans la mutation des systèmes de production", thèse de Doctorat Nouveau régime ès Sciences Economiques, Université d'Aix-Marseille, 1990, p:57.11TARRONDEAU.J.C. in PARAPONARIS.C. op. cit., p:57.

5

Page 6: Gestion de production industrielle dans un contexte de ...d1n7iqsz6ob2ad.cloudfront.net/document/pdf/5384a912e858f.pdfGestion de production industrielle dans un contexte de maîtrise

Gestion de production industrielle dans un contexte de maîtrise des flux : l’enjeu logistique. Abdelali Naciri

Caractéristiques des produitstransformés

Caractéristiques du processus de production

Degré de différenciation ou de standardisation des produits.

Variétés des produits. Intensités des relations clients-producteurs.

Production sur stock à la commande. Importance des lots. Degré de spécialisation des moyens de

production. Qualification de la main-d'oeuvre. Importance des investissements.

Etendu des tâches.Source: J.C.TARRONDEAU.

I.2.3.Les déterminants de la nature des flux de production:

I.2.3.1 Les éléments de la politique de gestion des flux:La prise en charge des flux de produits est influencée par un ensemble d'éléments, qui

déterminent la nature de la circulation des flux.En effet, trois principaux éléments peuvent être soulevés et qui concourent à la

détermination de la politique de gestion des flux de produits.a - Le mode de circulation des pièces:

Ce mode de circulation est défini en grande partie par la taille des séries de fabrication,représentée par les groupes homogènes de produits nécessitant des opérations identiques. Lataille des séries est fonction de l'écoulement potentiel des produits sur le marché et de lastabilité des combinaisons productives nécessaires à la rentabilité.

Le dimensionnement de la série de fabrication est donc indissociable de celui duprocessus de production.

b - Le processus de production:Il constitue la base matérielle de prise en charge du flux de produits et se trouve

constitué d'opérations de fabrication et de préparation (maintenance, réglage...). Chacuned'elles représente un temps d'exécution et une fonction précise par rapport au produit. Leuragencement, qui donne une structure au processus, est déterminé lorsque l'on prend en comptele degré de standardisation des machines. En effet, le fait qu'une opération soit réalisable surune seule machine, ou bien sur plusieurs, modifie considérablement les données del'agencement du processus.

Le degré de polyvalence des machines (capacité à mettre en oeuvre un certain nombred'opérations différentes) constitue alors un élément important dont il faut tenir compte dans ladéfinition du processus de production. Un degré élevé de polyvalence multiplie lespossibilités d'équilibrage du processus en décrivant plusieurs chemins critiques12 possibles,alors qu'une spécialisation étroite des machines réduit la gamme des possibilités decheminement des pièces.

c - Le temps de travail: A chaque machine ou opération est attribué un temps de travail afin d'effectuer ou de

suivre la transformation des produits. A ce niveau aussi, il convient de distinguer, en fonctiondu degré de spécialisation de la main-d'oeuvre, les possibilités d'acheminement des pièces ausein du processus qui prend dans ce cas la forme d'une division de travail.

La combinaison de ces trois éléments détermine le cycle de fabrication qui se présentecomme l'unité de trois temporalités:

- temps de circulation des pièces,

12 C'est l'itinéraire qui permet d'aller du début d'un projet à sa fin en mettant le temps maximal possible (cumul des temps opératoires des tâches rencontrées sur le chemin).

6

Page 7: Gestion de production industrielle dans un contexte de ...d1n7iqsz6ob2ad.cloudfront.net/document/pdf/5384a912e858f.pdfGestion de production industrielle dans un contexte de maîtrise

Gestion de production industrielle dans un contexte de maîtrise des flux : l’enjeu logistique. Abdelali Naciri

- " d'exécution des opérations,- " de travail.

La maîtrise donc du cycle de fabrication doit être réalisée par le biais de la maîtrise duflux de fabrication, à travers une coordination des différentes temporalités pour assurer unecontinuité du processus de production, continuité nécessaire à une prise en charge rentable desséries de produits.

L'ensemble de ces temporalités peut être ramené à deux catégories distinctes:- Les temps opératoires: ils correspondent aux temps de prise en charge des produits

en cours de transformation sur les postes de travail. Il s'agit essentiellement de la fabrication(transformation-usinage-montage).

- Les temps non opératoires: Ils désignent tous les moments où les pièces ne sont pastransformées sur les postes de travail, elles sont immobilisées ou bien circulent entre postes(réglage de machines, réparation, transfert et stockage des produits).

Pris ensemble, ces deux catégories définissent la durée de circulation des produits, eneffet, cette dernière se distribue en temps d'utilisation des machines et des postes de travail eten temps d'immobilisation non productive des produits. Cette immobilisation coûte à la foisen termes d'allongement du délai de fabrication et en termes de non utilisation des fondsproductifs.

Les éléments qui participent, donc, à la définition du flux de produits-mode decirculation des pièces, processus de production et temps de travail- permettent de faire ladistinction entre deux types d'organisations productives, qui donnent lieu à deux conceptionsdifférentes de la continuité du processus de production.

I.2.3.2. Les types d'organisation productives:a - La production sur stock:

Représentant le modèle dominant jusqu'à quelque temps (le modèle taylorien-fordiendominant jusqu'aux années 70), ce mode d'organisation est fondé sur le principe de continuitédes opérations de production, déterminée sur la base du taux d'engagement des moyens deproduction.

L'objectif d'une telle organisation est de réaliser des économies d’échelle en lançant lafabrication de lots de grande taille, selon le principe de la quantité économique de lancement13.Il s'agit donc, « d'un point de vue purement financier des opérations de production, qui nousrenseigne sur l'optimum souhaité tel que le prescrit le calcul économique »14.

A ce niveau, l'organisation du travail se fait sur la base de la division du processus deproduction en un ensemble d'opérations distinctes. L'optimisation de l'exploitation de chaqueopération permet de réduire le temps de transformation des pièces, qui permet donc uneaugmentation de la fréquence de production. De plus la stabilité des combinaisons productivespermet de produire des produits précis selon une fréquence de production déterminée a priorisans aucune relation avec le débit des ventes du moment.

Une telle division du processus de production s'est avérée une source de rigidité. Eneffet la continuité des opérations de production implique une planification de masse afin derentabiliser l'immobilisation des machines et la main-d'oeuvre allouée. Autrement dit, « lacontinuité des opérations productives, en favorisant la fabrication à grande échelle d'articles

13 La quantité économique de lancement correspond à la taille du lot lancé en fabrication qui minimise la fonction de coût, c'est à dire qui assure le compromis optimal entre les coûts de fabrication et les coûts de possession des stocks.14 BESSON.P, SAVY.M, VALERY.A, VELTZ.P [1988] : "Gestion de production et transport: vers une nouvelle économie de circulation". Editions Paradigme, Caen, p: 73.

7

Page 8: Gestion de production industrielle dans un contexte de ...d1n7iqsz6ob2ad.cloudfront.net/document/pdf/5384a912e858f.pdfGestion de production industrielle dans un contexte de maîtrise

Gestion de production industrielle dans un contexte de maîtrise des flux : l’enjeu logistique. Abdelali Naciri

standards, se révèle inopérante dès qu'il s'agit de moduler le temps d'utilisation des capacitésafin de différencier, au cours d'une même période, la fabrication »15.

Dans ce cas, l'objectif de s'adapter à la demande en quantité et en qualité estnégligeable. La production se fait par anticipation, et sur la base des prévisions faites sur l'étatfutur de la demande, c'est à dire sur des commandes escomptées. Cela provientessentiellement de la stabilité de l'environnement auquel font face les entreprises. En effet, « ilest évident que le degré d'incertitude de l'environnement affecte l'organisation du système deproduction. On note, d'une part une tendance à la flexibilisation à mesure que s'accroîtl'incertitude, et d'autre part une tendance à la régidification dans le cas où l'incertitude seréduit »16.

Aucune synchronisation n'est alors faite entre le rythme de distribution (fréquences devente) et le rythme de production (fréquences de fabrication), en effet, « flux de production etde distribution étant disjoints, le stock constitue l'instrument de régulation »17.

Dans ce type d'organisation productive, le temps de circulation des pièces n'est pasimportant, il s'agit plutôt de minimiser le temps de passage de chacune d'elles sur chacun despostes de travail.

b - La production à la commande:Les nouvelles tendances de l'environnement ont remis en cause l'organisation de la

production sur stock. En effet, « l'accroissement de la vitesse de renouvellement des produits,doublée de l'accroissement de la diversité des références d'un même produit, accroît fortementl'incertitude sur la demande, qui génère par la suite une crise des anticipations et suscite unestratégie de restructuration destinée à flexibiliser le système de production et à augmenter saréactivité. Ainsi, le stock ne peut plus jouer son rôle de régulateur des cycles de production etde distribution. Car, dans la nouvelle configuration des rapports producteurs-distributeurs, ilne s'agit plus seulement d'anticiper la demande pour alimenter des stocks prévisionnels deproduits finis qui seraient ensuite distribués au rythme de la demande effective. Mais, il s'agitd'ajuster le plus étroitement possible le cycle de production lui-même à l'instabilité de lademande »18. Elle s'est développée ainsi une production à la commande.

Dans ce sens, et à l'inverse du mode de production sur stock qui fonctionneindépendamment des évolutions du marché, la production à la commande ou en flux tenduspermet d'établir un lien étroit entre le processus de production et le marché. Autrement dit, cemode de production permet de calquer les fréquences de production (fonction de production)sur les fréquences de vente (fonction commerciale). En ce sens, la fréquence de productionn'est plus déterminée en fonction de la continuité des opérations de production, mais enfonction de la continuité de la transformation des produits.

Par conséquence, la rigidité du processus de production s'estompe devant une plusgrande souplesse du processus, ce dernier doit en effet, offrir plusieurs possibilités deconnexion opération/machine/opérateur, afin de maintenir une grande variété d'écoulementdes pièces.

Le principe est: « pour la fabrication de plusieurs références différentes, il s'agit demixer leur mise en route sur une même période. Il s'agit donc de doter les machines et lesopérateurs d'une certaine polyvalence afin qu'ils puissent exécuter plusieurs opérationsdifférentes. Cette polyvalence s'avère bénéfique dans le sens où elle permet de faciliterl’accessibilité des machines aux flux de produits, de manière à ce que le changement de

15PARAPONARIS.C: op. cit., p:99.16 BESSON.P. op. cit., p: 47.17 PACHE.G, PARAPONNARIS.C [1993 ]:"l'entreprise en réseau". Collection: Que sais-je?. p:36, 37.18BESSON.P: op. cit, p: 53.

8

Page 9: Gestion de production industrielle dans un contexte de ...d1n7iqsz6ob2ad.cloudfront.net/document/pdf/5384a912e858f.pdfGestion de production industrielle dans un contexte de maîtrise

Gestion de production industrielle dans un contexte de maîtrise des flux : l’enjeu logistique. Abdelali Naciri

procédés et/ou l'adaptation de l'opérateur à la situation se fassent dans des délais très brefspour ne pas entraver la continuité de transformation des produits »19.

L'objectif primordial est, en effet, de maîtriser le délai globale de production d'unensemble de produits différents. Dans ce cas, le temps de circulation des pièces est aussiimportant que le temps de fabrication unitaire.

L'avantage de l'adoption du mode de production en flux tendus réside dans la fiabilitédes délais de fabrication d'un ensemble de produits hétérogènes sur le plan de leurscaractéristiques physiques, mais soumis tous aux mêmes contraintes de délai. Pour satisfaire àcette contrainte de délai, il est nécessaire de procéder à un mixage des gammes opératoiresdes produits qui ont le même délai de livraison. De ce fait, les gammes ne doivent plus êtrefixées a priori par le bureau des méthodes, mais peuvent être modifiées en fonction descontraintes d'équilibrage du processus posées par les fluctuations de la demande. Des piècesdifférentes peuvent donc être acheminées vers différents postes de travail en vue d'uneopération similaire, ce qui nécessite bien évidemment un plus fort degré de polyvalence dechaque procédé de production. Une plus grande interchangeabilité doit être instaurée entre lesdifférentes phases du processus de production, en fonction du délai de mise à disposition desproduits demandés, qui doit être réduit au minimum.

En effet, la réduction du délai de fabrication ne passe plus, dans le cas d'uneproduction en flux tendus, par une réduction du temps d’exécution des opérations detransformation, mais à travers l'intégration de l'ensemble des étapes du processus deproduction dans une unité de gestion en temps réel des disponibilités de fabrication. « Lavitesse de fabrication tend même à s'estomper devant la prépondérance de la ponctualité et dela coordination entre les différentes phases du processus productif: conception des flux defabrication, préparation de la production, opérations de transformation, contrôle de laqualité20... ».

Permettant au processus de production d'être à l’écoute des variations de la demande,la production à flux tendus se présente comme une solution aux problèmes issus de lacomplexification de l'environnement commercial, à ce titre elle doit mener à bien tous lesprojets définis par le marketing, en supportant toutes les variations du niveau de charge detravail.

II.1. Le pilotage et la mise en oeuvre de la production:

I.2.1. La maîtrise des flux de fabrication:La maîtrise des flux de fabrication constitue l'élément de base dans tout processus de

réduction du cycle de fabrication. Cette dernière passe par une prise en compte dans lesopérations de production aussi bien des temps opératoires que des temps non opératoires. Prisensemble, ces derniers déterminent en effet l'importance de la maîtrise du flux de fabricationet donc la durée de circulation, même s'ils n'interviennent pas de la même manière. Les tempsopératoires représentent une part très réduite du temps de circulation des produits et du tempsd'utilisation des machines, alors que les temps non opératoires déterminent de manière pluslarge le cycle de fabrication des pièces.

- Réduction des temps opératoires:Il s'agit de réduire le temps unitaire de transformation des produits par le biais de

l'augmentation de la taille du lot. Le temps de mise en route, de la machine et a fortiori letemps de non-opération ne sont pas considérés comme des paramètres de réduction du délaide production.

19 PARAPONARIS.C: op. cit., p: 100.20 PARAPONNARIS.C [1991]: "Quelles pratiques organisationnelles pour la gestion de production en flux tendus", in Economies et Sociétés, série Sciences de gestion, n° 17, p: 140.

9

Page 10: Gestion de production industrielle dans un contexte de ...d1n7iqsz6ob2ad.cloudfront.net/document/pdf/5384a912e858f.pdfGestion de production industrielle dans un contexte de maîtrise

Gestion de production industrielle dans un contexte de maîtrise des flux : l’enjeu logistique. Abdelali Naciri

- Réduction des temps non-opératoires:Il s'agit de réduire le temps de mise en route de la machine et, en considérant

l'ensemble du processus, de réduire les temps de transport, de circulation des en-cours,d'inspection...

En fait, ces deux stratégies reposent sur des conceptions différentes du processus deproduction. En effet, l'augmentation de la taille des lots tend à instaurer une spécialisation desprocédés de fabrication, à chaque machine est affecté un opérateur qui se charge d'uneopération particulière. Ce qui importe dans ce cas c'est le temps unitaire de passage des piècesdans chaque procédé, le temps opératoire se présente donc comme le paramètre essentiel de laperformance productive. Il est donc claire que l'inconvénient d'une telle démarche réside dansle fait que la négligence de l'importance des temps non-opératoires se solde par un gonflementdes temps de préparation des machines et donc par une augmentation des périodes d'attentedes pièces entre deux opérations.

A l'opposé, la performance productive, dans le deuxième cas, est fondée sur l'ajout dela maîtrise des temps de mise en opération à la réduction des temps opératoires. Elle n'est plusdonc évaluée en termes des seuls rendements des machines et des postes de travail, mais entermes aussi des conditions de circulation des produits au sein du processus, c'est à dire auniveau des délais de prise en charge de lots de pièces différents.

De plus, la maîtrise des temps de mise en opération développe une performance duprocessus de production dans sa globalité avec des impératifs de réduction des stocks d'en-cours et des temps de reconversion des procédés de fabrication.

Dans ce nouveau schéma, « les temps de mise en opération ne sont plus considérés, eneffet, comme des temps non productifs, mais ils représentent un moyen de mise encommunication des différentes étapes de la fabrication et donc un moyen de circulation del'information au sein du processus de production »21. L'exemple des stocks est à ce titre plussignifiant. « Constituant les seuls moments où les pièces ne subissent pas d'opérations detransformation, donc des lieux de comptage et de pilotage de la circulation physique des en-cours, les stocks permettent de transmettre les informations sur la localisation des pièces à unorganisme central de gestion, et en retour, ils représentent les points de réception desdirectives concernant le transport et la transformation des pièces. C'est donc à partir desstocks que s'effectue l'équilibrage du réseau de production: il s'agit de modifier, en fonctiondes aléas de la demande, le sens des déplacements de pièces à l’intérieur du réseau, demanière à obtenir leur plus grande continuité de circulation tout en garantissant un taux demarche optimum des procédés de production »22.

La distinction faite alors entre temps opératoires et temps non opératoires ne doit paslaisser penser à une dichotomie, mais il s'agit plutôt d'une complémentarité des deuxcatégories de prise en charge des flux de fabrication. Ainsi, « il n'existe pas à proprementparler de temps non productifs, les temps hors transformation physique sont en fait desmoments de mise en opération desfonds productifs. S'ils ne représentent pas vraiment des moments de création de valeur, ils yparticipent directement puisqu'ils sont des moments de transformation spatiale des produits etqu'à ce titre ils structurent le processus de production d'un bout à l'autre »23.

II.2.2. La mise en oeuvre des flux de produits:La réalisation d'un produit est rarement faite en une seule opération. Le principe même

de la production est de décomposer le travail en un ensemble d'opérations élémentaires. Il est

21 PARAPONNARIS.C: op. cit., p: 109.22 FIORE.C [1987]: "La productique: une gestion de production en temps réel", in COHENDET.P-LLERENA.P-PECQUET.P. op. cit., p: 115.23 PARAPONARIS.C: op. cit., p: 109.

10

Page 11: Gestion de production industrielle dans un contexte de ...d1n7iqsz6ob2ad.cloudfront.net/document/pdf/5384a912e858f.pdfGestion de production industrielle dans un contexte de maîtrise

Gestion de production industrielle dans un contexte de maîtrise des flux : l’enjeu logistique. Abdelali Naciri

évident donc que cette décomposition est avantageuse, notamment pour pouvoir spécialiserdes machines sur des tâches répétitives limitées.

En effet, la décomposition du produit en opérations distinctes exige, en général, unecoordination entre les différentes phases. Coordination nécessaire à la prise en charge des fluxde produits.

En général, le processus de décomposition et de coordination se fait selon deuxconceptions différentes. la première est représentée par une spécialisation des procédés defabrication, la deuxième consiste à introduire une interchangeabilité entre les procédés.

II.2.2.1. La spécialisation des moyens de production: une connexion rigide entre opérations et procédés.Une première façon de concevoir la décomposition du processus de production,

consiste en une division du travail en un ensemble de tâches hautement standardisées.Chacune de ces tâches représente une opération particulière auquelle est affecté un poste detravail déterminé, et éventuellement un opérateur. « Le processus de production se présentealors sous forme d'une succession d'étapes de transformation physique spécialisées, lesopérations de fabrication sont effectuées les unes à la suite des autres, sous forme d'un circuitde travail »24.

Economiquement, il s'agit de chercher des économies en travail en spécialisant lesmoyens de production. Cette spécialisation permet en effet de réduire les temps opératoires,ce qui fait diminuer les coûts par unité produite. En outre, une attention particulière estaccordée à la taille des séries de fabrication, il s'agit de produire en grande série (sérieséconomiques de lancement) sans se soucier des fréquences de ventes, donc aux objectifsdéfinis par le service marketing. A ce titre, l'environnement commercial est conçu commestable et certain.

Du point de vue technique, cette organisation du travail se traduit par une rigiditéélevée. L'élément essentiel est, dans ce cas, la réalisation d'une continuité des opérations quisont liées d'une manière séquentielle sans aucune possibilité de rétroaction, ni de couplageavec d'autres opérations que celles qui ont été programmées.

« Ce mode de coordination des tâches préside en fait à l'ensemble de l’activité del'entreprise, il assemble aussi bien les opérations que les fonctions. C'est ainsi que les activitésd'achat, de production et de vente sont conçues comme des circuits de travail indépendants lesuns des autres. Leur relation se réduit à une fourniture de marchandises selon un processuslinéaire. La planification des tâches s'effectue en effet pour chaque fonction sans possibilité deliaison transversale. Les flux d'information sont particuliers pour chaque processus de travail,ils concernent en fait les différentes couches de la hiérarchie d'une même profession etentretiennent de cette manière la rigidité de leur spécialité respective. L'accent mis sur laspécialisation étroite des fonctions et des individus conduit ces derniers à limiter leur attentionà leurs moyens propres »25.

De plus, l’exécution des tâches étant définie et le cadre d'intervention des opérateursest strictement délimité, il en résulte de telle structure des décalages qui peuvent survenirentre les objectifs définis au niveau de la planification et l’exécution des tâches. Ces décalagespeuvent entraîner dans une grande partie le non respect de tout ou partie des objectifs deproduction, se traduisant en effet, par des défauts ou des retards de fabrication qui pénalisentl'entreprise vis-à-vis de ses clients. Au risque donc d'aggraver ces écarts, la solution consiste àrenforcer les procédures de contrôle des actions. Une telle solution ne peut qu'entraîner lacréation d'emplois non directement productifs qui risquent d'entraver la rentabilité del'entreprise.

24 PARAPONARIS.C: op. cit.,p:150. 25 Ibid.

11

Page 12: Gestion de production industrielle dans un contexte de ...d1n7iqsz6ob2ad.cloudfront.net/document/pdf/5384a912e858f.pdfGestion de production industrielle dans un contexte de maîtrise

Gestion de production industrielle dans un contexte de maîtrise des flux : l’enjeu logistique. Abdelali Naciri

Au niveau de la prise de décision, il est à noter une concentration des pouvoirs ausommet de la hiérarchie et une marginalisation des opérateurs. Les décisions portant surl'amélioration du processus de production sont prises par des gens qui n'ont pas uneconnaissance directe, ni du terrain sur lequel doit s'exercer leur action ni des variables quipeuvent l'affecter. A défaut de cette connaissance directe, les responsables doivent se reposersur des informations qui leur sont données par des subordonnés qui ont intérêt à masquer lavérité. On peut dire donc que dans ce système d'organisation, le pouvoir de décision tend à seconcentrer aux endroits où l'on n'est pas en mesure de connaître efficacement les variables surlesquelles ces décisions vont porter. Ceux qui ont les informations nécessaires n'ont pas lepouvoir de décider, ceux qui ont le pouvoir de décider se voient refuser les informations dontils ont besoin.

L'inconvénient majeur d'une telle organisation du travail est son indépendance vis-à-vis de l'environnement commercial. La rigidité qui marque, dans ce cas, le processus deproduction, rend ce dernier incapable de s'adapter aux évolutions de la demande. L'intégrationdes données issues du marché dans le processus de planification et de mise en oeuvre de lafabrication s'avère non réalisable, sinon impossible. Dans telle situation le service marketingn'exerce plus une fonction de structuration et d'orientation de l'activité productive, mais restecantonné à une fonction d'écoulement des produits fabriqués.

II.2.2.2. L'interchangeabilité des moyens de production: déconnexion entre opérations et procédés.Face à la rigidité instaurée par l'organisation du travail sous forme de circuit, s'est

développé un mode d'organisation où la régulation du processus de production se fait sur labase des données réelles issues du marché. La connexion donc avec l'environnementcommercial est de plus en plus étroite, et se manifeste sous forme de la volonté de satisfaireune demande très diversifiée, dans un délai de livraison réduit au minimum.

Le principe de base est de rompre avec la spécialisation des moyens de production.L'organisation du travail n'est plus fondée sur la décomposition du processus de production entâches ou procédés dont les relations sont irréversibles, mais il s'agit plutôt d'instaurer uneflexibilité entre les procédés. En effet, « les flux de produits ne sont plus planifiés à l'avance etdoivent de ce fait suivre des itinéraires prédéterminés, mais répondent plus à une contrainted'équilibrage du processus de production selon la disponibilité des équipements. En ce sens,dés qu'une opération est terminée, il est possible alors de déclencher un acheminement de lapièce en transformation vers le procédé libre, il s'agit d'équilibrer en permanence le processusde production de telle manière qu'il n'y ait pas de temps mort dans la circulation des pièces »26.

Dans un schéma classique de planification de la production, les pièces possèdent apriori une suite ordonnée d'opérations. Il n'est donc pas possible de modifier leurs circuitsproductifs au cas où il y aurait apparition de goulets d'étranglement sur un tel ou tel poste detravail. Toutefois, le rétrécissement du cycle de fabrication pour honorer aux engagements auniveau des délais commerciaux, exige un renversement de cet état des choses. Les piècesdoivent pouvoir passer alternativement, sur chaque opération, d'un poste de travail à l'autre.Ainsi, une pièce qui devant passer originellement par un poste déterminé pour subir uneopération déterminée, pourrait, en cas de besoin d'équilibrage du processus, passer par unautre poste pour subir la même opération.

Cela revient donc à instaurer une certaine interchangeabilité (liberté d'attribution desopérations vis-à-vis des procédés) entre produits et procédés. L'élément de base de cette

26FIORE.C [1987] : "Une démarche nouvelle: la production en flux tendus", Revue française de gestion, Juin-Juillet-Août, p: 52.

12

Page 13: Gestion de production industrielle dans un contexte de ...d1n7iqsz6ob2ad.cloudfront.net/document/pdf/5384a912e858f.pdfGestion de production industrielle dans un contexte de maîtrise

Gestion de production industrielle dans un contexte de maîtrise des flux : l’enjeu logistique. Abdelali Naciri

interchangeabilité est la déconnexion entre opérations et procédés. Une opération ne peut plusêtre réalisée sur une seule machine par un seul opérateur27.

Au niveau des moyens de production, cette déconnexion nécessite un accroissement dela polyvalence aussi bien des équipements que des opérateurs. Ainsi, sur le plan technique,cette situation se traduit par un accroissement de l'intérêt porté à la recherche de la flexibilitédes fonds productifs pour faire face à l’hétérogénéité des flux de produits. Et au niveau del'organisation du travail elle se traduit par une redéfinition du rôle des opérateurs dans leprocessus de production. Responsables des seuls temps opératoires dans le moded'organisation en circuit, les opérateurs se voient enrichis leurs tâches. Ils deviennent, en effet,responsables de l'ensemble du temps de circulation des produits, y compris aussi bien lestemps opératoires que les temps non-opératoires. Il en résulte d'une telle situation unedécentralisation des décisions d'ordonnancement des opérations de production.

a- La flexibilité des moyens de production28:Il est certain que l'une des réponses à la contrainte d'interchangeabilité entre produits

et procédés consiste à rendre les postes de travail plus polyvalents, autrement dit de les rendrecapables de traiter plusieurs opérations, et donc d’accroître leur flexibilité. Le recours se faitsouvent à des équipements capables d'intégrer les nouvelles informations issues del'environnement commercial. « L'introduction, à cet égard, des outils productiques sembleapporter une réponse adéquate, en permettant l'augmentation de l'automatisation des postes detravail »29.

Toutefois, la flexibilité recherchée, dans ce cas, ne se limite pas au seul recours auxautomates, mais la notion de flexibilité vise un champ plus large, « elle se présente, en effet,comme un processus complexe faisant appel à plusieurs dimensions de l'activitéproductive »30.

b - La redéfinition du rôle des opérateurs:Dans un mode d'organisation de type "réseau de travail", où la connexion entre

opérations et procédés n'est plus programmable d'avance, et où les flux de produits suiventdes itinéraires aléatoires, les opérateurs se voient confiés, à côté de leurs tâches de réalisationde la fabrication, un rôle de détermination des combinaisons optimales entre procédés. Ils'agit, en effet, dans un premier temps d'orienter la circulation des pièces en fonction de l'étatd'engagement des machines, puis de mettre en oeuvre l'opération adéquate sur les machineslibres.

Cette orientation suppose un savoir-faire particulier de l'opérateur puisqu'il doitconnaître d'une part les itinéraires possibles pour chaque pièce qu'il a en charge et qu'il doitêtre d'autre part en mesure d'ajuster un ensemble d'opérations diverses sur chaque machine.« La variété des itinéraires attribués aux produits suppose donc le développement d'unepolyvalence des opérateurs qui tend à briser l'unité du poste de travail. L'opérateur nedétermine plus prioritairement ses actions par rapport au rendement de la machine, mais enfonction de la continuité de la circulation des produits. Il n'est plus affecté à une opération etau suivi d'un produit, mais devient responsable de la ponctualité de la transformation d'unensemble de produits et de la mise en oeuvre d'opérations distinctes »31.

27 Ibid.28 La flexibilité des moyens de production sera traitée en détail dans le deuxième chapitre .29 BESSON..P-SAVY.M-VALERY.A-VELTZ.P: op. cit., p: 77.30 TARRONDEAU.J.C [1987]: "Les technologies flexibles de production", Harvard - L'expansion, Automne, p:32.31 PARAPONARIS.C: op. cit., p:121.

13

Page 14: Gestion de production industrielle dans un contexte de ...d1n7iqsz6ob2ad.cloudfront.net/document/pdf/5384a912e858f.pdfGestion de production industrielle dans un contexte de maîtrise

Gestion de production industrielle dans un contexte de maîtrise des flux : l’enjeu logistique. Abdelali Naciri

En ce sens, la coordination entre les différentes tâches du processus se fait à un niveausupérieur, grâce notamment à l'enrichissement du rôle des opérateurs. Ce nouveau rôle peut eneffet être résumé en32:

_ chaque opérateur n'est plus le spécialiste d'une seule opération mais de plusieurs,_ chaque opérateur connaît la quasi-totalité du cycle d'élaboration des produits,_ chacun est donc en mesure de prendre en charge un nouveau lot de pièces et de

l'attribuer, après concertation, aux machines non occupées ou sur le point d'être libérées.c- La décentralisation des décisions d'ordonnancement:A ce niveau, l'affectation des moyens de production ne se fait plus d'une façon rigide et

selon un schéma préétabli. A l'inverse, la nouvelle situation est caractérisée par la très grandemarge dont dispose les opérateurs dans le processus de prise de décision au sein del'organisation productive. Ces derniers se voient dotés d'une responsabilité élargie, ils nedisposent en effet que d'un délai déterminé de finition d'un lot de produits hétérogènes et leurrevient le devoir de déterminer les combinaisons optimales à établir entre les différentsprocédés selon les contraintes d'équilibrage de la charge entre les postes de travail. Lesopérateurs peuvent donc déterminer la possibilité d'accepter ou de refuser une pièce qui seprésente à l'entrée de leur poste de traitement, ils possèdent d'autre part la capacité d'orientercette pièce sur un autre poste. Pour se faire, ils ont à leur disposition un ensemble d'opérationsqui s'ajustent à un groupe de machines. A travers cette fonction d'agencement des opérationsau gré de nécessités, leur rôle consiste en définitive à établir en permanence un diagnostic del'immobilisation des pièces et de l'immobilisation des machines.

Par ailleurs, « les opérateurs, en vue d'une gestion des flux en temps réel, doiventdisposer des informations nécessaires à la détermination des itinéraires que peuvent emprunterles flux de produits, c'est ainsi qu'il faut instaurer un échange permanent d'information entreun niveau central de planification des flux qui fournit un programme de fabrication réalisableet un niveau de mise en oeuvre des flux qui décide de la structure à donner aux flux defabrication »33.

III : L’adaptation des systèmes de production : de l’ordonnancement par l’amont à l’ordonnancement par l’aval :

Le passage d'un mode de production sur stock à un mode de production à lacommande a entraînée, en particulier, le développement de nouvelles méthodesd'ordonnancement. Ainsi l'incapacité de la méthode d'ordonnancement de la production parl'amont à s'adapter continûment aux variations de la demande, a permis de renverser leraisonnement. Il ne s'agit plus, en effet, de pousser les flux de production par l'amont, mais deles tirer à partir des informations provenant de l'état de la demande. C'est donc l'aval quirégule le processus de production et non plus l'amont.

II.1. Les contraintes de l'adaptation: vers une régulation du système de production par l'aval:

"Coller à la demande" est devenue une nécessité pour les systèmes de production,pour faire face à l'instabilité qui caractérise de plus en plus l'environnement des entreprises. Ilen résulte ainsi, premièrement, une maîtrise des flux d'informations issus du marché, en cesens il faut disposer d'un système de gestion autorisant une "information de la production entemps réel"34. Deuxièmement, une maîtrise des flux physiques, autrement dit, une adaptation àla demande réelle en quantité, en qualité et en délai.

32 Ibid33 PARAPONARIS.C: op. cit.,p:293.34 FIORE .C .op.cit. p: 115.

14

Page 15: Gestion de production industrielle dans un contexte de ...d1n7iqsz6ob2ad.cloudfront.net/document/pdf/5384a912e858f.pdfGestion de production industrielle dans un contexte de maîtrise

Gestion de production industrielle dans un contexte de maîtrise des flux : l’enjeu logistique. Abdelali Naciri

Le blocage des modes de régulation par l'amont a été le résultat de leur rigidité. Partantdes prévisions sur la demande, ne tenant compte que de la productivité des moyens deproduction, ces modes de régulation permettaient la fabrication de produits ne correspondantpas à la demande réelle sur le marché. Ce décalage entre production et demande réelle semanifeste, d'un côté au niveau des quantités fabriquées , ces dernières obéissent plus auprincipe de série économique de lancement qu'aux possibilités d'écoulement des produits.D'un autre côté, au niveau du délai de mise à disposition des produits auprès des clients.

C'est en effet, pour faire face aux insuffisances de ces méthodes d’ordonnancement,que se sont développées des techniques qui permettent un déclenchement des opérations deproduction à partir des informations issues du marché. Ce sont essentiellement des techniquesqui favorisent une production en flux tendus. Le principe est, s’agissant d’une adaptation dusystème de production aux données du marché, il s'agit de réduire fortement la taille des lotsde manière à adapter les cycles de production aux délais de livraison des produits. Dans lecas le plus extrême, la production peut se faire par unité, ainsi aux séries économiques delancement, il faut substituer un principe d'alimentation à la pièce35.

III.2. Les méthodes de planification:

III.2.1. Le système M.R.P36: un système d'ordonnancement par l'amont:Développée dans les années 60 par J.ORLICKY, cette méthode de pilotage du système

de production part des prévisions de vente pour définir les quantités à fabriquer. Elle permetde planifier, à partir des commandes-clients, des études de marketing, un état des besoins encomposants nécessaires au programme de production et d’ordonnancer la fabrication endéfinissant des quantités économiques de commandes et de fabrication37.

La méthode M.R.P. a pour objectif principal la réduction du niveau des stocks le longdu cycle de fabrication, par le biais d'une détermination précise des besoins en matièrespremières et en composants.

III.2.1.1 - le principe du M.R.P et le calcul des besoins nets: La méthode M.R.P part des quantités fixées par le plan directeur, et après s'être assuréde la mise à jour des dates de fabrication, des nomenclatures et des niveaux des stocks, elleétablit un programme de calcul des quantités nécessaires en matières premières et composantspour la réalisation des quantités arrêtées par le plan directeur.

Le principe de calcul se présente sous forme de succession d'opérations d'éclatementdes nomenclatures, de regroupement de besoins de même pièces générés par des programmesde montage de produits différents, puis de décalage dans le temps pour tenir compte des délaisd'approvisionnement et de production.- Calcul des quantités: la première étape dans le processus de calcul des quantités consiste enune décomposition de la nomenclature de chaque produit en un ensemble de niveauxprésentant des stades de fabrication hiérarchisés. Le produit fini constitue le niveau supérieur,et les matières premières représentent le niveau élémentaire. En effet, les besoins bruts d'unniveau supérieur représentent, après soustraction des quantités en stock, les besoins nets de ceniveau. Ces derniers représentent, à leur tour, les besoins bruts du niveau juste inférieur.

Cette procédure de soustraction, à chaque niveau, des stocks éventuellementdisponibles (de produits finis, en-cours et composants) a pour effet de les résorber. Appliquéestrictement, elle conduit à supprimer tout stock entre les différents niveaux de lanomenclature.

35 FIORE.C : op. cit.,. p: 51.36 M.R.P: Material Requirement Planing (planification des besoins en matières), il s'agit de la M.R.P.1.37 PONS.J - CHEVALIER.P: op. cit., p: 170.

15

Page 16: Gestion de production industrielle dans un contexte de ...d1n7iqsz6ob2ad.cloudfront.net/document/pdf/5384a912e858f.pdfGestion de production industrielle dans un contexte de maîtrise

Gestion de production industrielle dans un contexte de maîtrise des flux : l’enjeu logistique. Abdelali Naciri

- Détermination de l’échéancier des ordres: elle consiste à décaler la demande nette dunombre de jours ou de semaines nécessaires pour l'assemblage en produits finis des sous-ensembles de niveau inférieur. En effet, le temps nécessaire pour élaborer un produit crée undécalage entre la date à laquelle on veut disposer des produits élaborés et la date à la quelle onlance la fabrication et donc à laquelle on a besoin des composants. Ce décalage est au moinségal au délai de réalisation de l'ordre de fabrication correspondant ou de livraison de lacommande du fournisseur38.

III.2.1.2. La mise en oeuvre de la M.R.P:a - La structuration des nomenclatures:La décomposition de la nomenclature d'un produit en différents niveaux détermine la

longueur de son cycle de fabrication. En effet, le cycle total de réalisation d'un produit fini estdéterminé par la somme des décalages entre chaque niveau de sa nomenclature. Plus lenombre de niveaux est important, plus le cycle total est long.

En général, la structuration des nomenclatures peut se faire selon deux moyens:i - identifier des sous-ensembles communs à plusieurs articles: cette

méthode a l'avantage de permettre de faire des lancements de fabrication groupés. Maisl'inconvénient est que la création de plusieurs niveaux qu'induit cette méthode peut être unecause d'allongement des cycles de fabrication.

ii - structurer la nomenclature selon les grandes stades du processus defabrication: contrairement à la première méthode, cette deuxième méthode a l'avantage decréer moins de niveaux dans les nomenclatures. Toutefois, le groupage des lancements defabrication de sous-ensembles ne peut plus être réalisé39.

b - La mise à jour du calcul des besoins:Le calcul des besoins est souvent influencé par les nouvelles données: nouvelles

commandes - clients, des commandes de matières premières sont livrées, des ordres defabrication sont lancés ou terminés. En effet, pour une grande précision du système de calcul,il faut veiller à actualiser en permanence les informations concernant les éléments entrantdans le calcul.

Toutefois, la question qui se pose par cette actualisation est, quand faut-il remettre àjour les calculs des besoins. Faut-il actualiser les éléments de calcul à chaque fois qu'il y a unchangement ou les modifier à intervalles réguliers?

En effet, la périodicité de la mise à jour du calcul des besoins peut être différente selonque l'entreprise travaille sur stock ou sur commande. Pour une entreprise travaillant sur stocksur des produits relativement stables et disposant ainsi de longs cycles de fabrication, la miseà jour se fait généralement sur des périodes relativement longues. En revanche, pour uneentreprise travaillant sur commande et dont les mouvements de produits sont très nombreux etles cycles de fabrication sont très courts, une fréquence élevée de mise à jour est nécessaire.

Par ailleurs, la procédure de calcul des besoins devient très lourde quand l'entreprisegère un nombre élevé d'articles reliés entre eux par plusieurs liens de nomenclature. Le tempsde calcul des besoins devient très long, et il devient alors difficile d'effectuer ce calcul sur despériodes très proches.

Mais, en général , la mise à jour peut être effectuée de deux façons:i - planification partielle ou par écarts: dans ce cas, seuls les éléments

affectés par un changement d'information sont mis à jour et les modifications apportées lesont dés qu'un changement est connu.

3840 BAGLIN-BRUEL-GARREAU-GREIF: « Management industriel et logistique », Economica, p:201.3941 Ibid.

16

Page 17: Gestion de production industrielle dans un contexte de ...d1n7iqsz6ob2ad.cloudfront.net/document/pdf/5384a912e858f.pdfGestion de production industrielle dans un contexte de maîtrise

Gestion de production industrielle dans un contexte de maîtrise des flux : l’enjeu logistique. Abdelali Naciri

Pour le plan de production, les calculs ne sont faits que pour les différencespar rapport au plan précèdent. Il en résulte ainsi des ordres de fabrication pour le

complément par rapport à ce qui avait été prévu. ii - planification totale ou regénérative: dans ce cas, tous les éléments sont

modifiés selon une périodicité préétablie.Pour le plan de production, cette méthode consiste à annuler tous les ordres

qui ne sont pas encore lancés et à effectuer un nouveau calcul complet40.La détermination de la méthode de mise à jour nécessite alors un arbitrage important

à effectuer entre ce que exige et ce que donne chaque méthode. En effet, la planificationpartielle, contrairement à la planification totale fournit une information à jour, mais elle estcoûteuse.

c- La détermination de la taille des lots à produire ou acheter:La détermination de la taille des lots à produire ou à acheter constitue aussi un

problème important que celui de la fréquence de la mise à jour.Ainsi, le plan directeur de production spécifie le moment opportun de rendre

disponible une certaine quantité de matières premières ou de composants afin de satisfaire lademande des opérations de fabrication. A ce niveau, le problème est : doit - on passer unecommande pour une quantité égale au besoin de chacune des périodes de production, ouregrouper les commandes de plusieurs périodes? Un arbitrage doit donc être effectué entre lecoût de stockage et le coût de passation des commandes41.

d - Les stocks dans un système M.R.P:L'objectif fondamental du système M.R.P est d'absorber les stocks qui peuvent

exister à chaque niveau du processus de production. Ce système permet alors d'élaborer unprocessus de production sans stock.

Toutefois, l'existence de stocks de sécurité dans le processus s'avère souventnécessaire. La raison en est, une volonté de stabiliser et de sécuriser le système deproduction.

- Sécurité des quantités: la détermination des quantités nécessaires pour lafabrication des produits fixés par le plan de production ne tient pas compte des problèmes dequalité des matières premières et des composants, ou des variations des délais de leurlivraison. Il en résulte souvent des écarts entre les consommations théoriques déterminéespar le calcul des besoins, et les quantités réellement conformes à l'utilisation dans leprocessus de production. En effet, pour éviter toute rupture dans les quantités nécessaires, ildevient nécessaire de commander les matières premières et les composants en quantitésuffisante.

En outre, les imprécisions des prévisions et les variations de la demande peuventinciter à majorer les commandes ou à maintenir des stocks de sécurité de façon à avoir lapossibilité d'augmenter à court terme les quantités lancées et ainsi éviter les ruptures.

- L'introduction des décalages de sécurité: Généralement, le délai d'obtention desmatières premières et composants n'est pas respecté. En effet, certaines matières sontdifficiles ou longs à se procurer, encore les délais de transformation de certains composantsdépendent de plusieurs facteurs: gammes opératoires, temps de réglage des machines, lacharge de travail sur un poste... Comme ces temps d'attente varient dans le temps, laplanification de la production doit inclure dans les décalages une marge de sécurité pouréviter toute rupture dans la production d'un composant42. Il en résulte que les composants

4042 BAGLIN - BRUEL - GARREAU - GREIF. op.cit. 4143 Ibid.4244 NOLLET.J - KELADA.J - DIOROI.O.M. op.cit.

17

Page 18: Gestion de production industrielle dans un contexte de ...d1n7iqsz6ob2ad.cloudfront.net/document/pdf/5384a912e858f.pdfGestion de production industrielle dans un contexte de maîtrise

Gestion de production industrielle dans un contexte de maîtrise des flux : l’enjeu logistique. Abdelali Naciri

entrent en stocks avant la date du besoin réel, ils resteront donc en stock jusqu'à leurutilisation.

- Le lissage de la charge: Les ordres de fabrication engendrés par le calcul desbesoins entraînent souvent une surcharge sur certaines postes de travail et sur certainespériodes. Il en résulte un risque de non réalisation de certains ordres de fabrication dans lesdélais impartis. La solution consiste alors, soit à modifier la capacité de production par lerecours aux heures supplémentaires, soit à un lissage de la charge. Dans ce dernier cas, ontente d'avancer certains ordres, la charge d'une période diminuera et la charge de la périodeprécédente augmentera. Le résultat est qu'il y a création d'un stock puisque les produitsfabriqués en avance ne sont pas consommés immédiatement.

- Le groupage des ordres: Le groupage des ordres de lancement de fabrication oude commande permet souvent de disposer des quantités de matières premières ou decomposants avant leur utilisation.

III.2.1.3 - La portée du système M.R.P dans le processus de pilotage des flux:La mise en oeuvre du système M.R.P permet de simplifier et de rendre transparent le

processus de production. Il permet notamment de faciliter le lancement des commandesinternes et externes aux dates appropriées et pour les quantités requises. Toutefois, cettesimplicité est facilement remise en cause.

a - Le système M.R.P rend le processus de production plus transparent:Pour Claude FIORE, le développement du système M.R.P est venu pour faire face à

la dégradation de l'efficacité de l'appareil productif43. Son avantage est qu'il permet de rendreplus transparent le déroulement du processus de production, il permet notamment de suivreen temps réel les opérations de production44.

En effet, avec le M.R.P, il est facile de réajuster en permanence, en plus ou en moinsles stocks, en fonction des prévisions du plan de production et des délais de fabrication. Car,c'est à partir des stocks, considérés comme des points de comptage, qu'il est possible desuivre le déroulement des opérations.

Dans ce système, les stocks, interfaces entre deux opérations productives,représentent le support physique d'une logique du temps réel. Le support informationnel estreprésenté par la nomenclature des produits. En effet, chaque article ou pièce utilisée enfabrication est repérée par un code et chaque référence désigne une seule pièce. Cettecodification des en-cours permet, en fonction de l'état des commandes, de planifier lesressources en sous-ensembles et composants (à fabriquer et à acheter), étant donné les stocksde chaque élément. La circulation en temps réel des nomenclatures à travers les différentsservices de la production revient à décloisonner ces services entre eux et à rendre plustransparent le suivi du déroulement des opérations45.

b - Le système M.R.P est un système informatisé centré sur le seul segment de la production:Le système M.R.P présente des faiblesses face aux nouvelles contraintes de la

demande, telles que la diversification des produits et la réduction des cycles de fabrication. En effet, une stratégie d'adaptation suppose:- d'une part, au niveau de la diversification de la production, une réduction de la taille deslots, tandis que le système M.R.P procède par des regroupements des besoins engendrés parle carnet de commandes pour obtenir des séries économiques. Il en résulte, à côté de

4345 FIORE.C - COLIN.J [1985]: "Logique de chaîne et robotique: vers une logique du temps réel dans la production", CRET, Aix - Marseille, p: 70 44 FIORE.C: "La logistique en Europe". Editions: . p: 214.

45 FIORE.C - COLIN.J [1985]: op. cit., p: 71-72.

18

Page 19: Gestion de production industrielle dans un contexte de ...d1n7iqsz6ob2ad.cloudfront.net/document/pdf/5384a912e858f.pdfGestion de production industrielle dans un contexte de maîtrise

Gestion de production industrielle dans un contexte de maîtrise des flux : l’enjeu logistique. Abdelali Naciri

l'incapacité d'introduire les nouvelles variations de la demande, la création de stocks. Ainsi,le M.R.P crée le stock par le simple fait qu'il tente de prévoir le passage d'ordres defabrication à travers un modèle de fabrication qui est forcement rigide et ne correspond à laréalité46.- d'autre part, au niveau des cycles de fabrication, le M.R.P représente un outil de gestioninformatisé totalement centré sur la seule séquence de production, alors qu'une maîtrise ducycle de fabrication suppose un système de pilotage des flux qui couvre toute la chaîne decirculation des flux, des approvisionnements à la livraison chez le client. La concentrationdu système M.R.P sur la seule séquence de production fait que celui-ci néglige les interfacesavec les autres segments du système productif (approvisionnement et distribution physique).En outre, au sein même du segment de production, il découpe le processus de production enateliers spécialisés par technologies plutôt que par produits. De plus qu'il néglige certainesactivités non directement productives mais indispensables pour la performance du systèmede production. Ainsi, les outillages et équipements de manutention sont considérés commedes adjuvants et ne sont pas contrôlés dans leur disponibilité par le M.R.P au même titre queles matières. D'autres activités indirectes telles que l'entretient, la qualité sont considéréescomme importantes mais elles ne sont pas contrôlées47.

c- Extension et amélioration du système M.R.P: le M.R.P II, la planification des ressources de production.

Le système de planification des besoins en matières "M.R.P I" a été amélioré et adonné naissance au système de planification des ressources de production "M.R.P II". Ils'agit, en effet, d'un système de planification de l'ensemble des ressources nécessaires à laproduction.

Le système M.R.P II oeuvre dans un cadre plus globale. Il se veut alors un systèmede gestion global dans lequel le système M.R.P I n'est qu'un élément. Il permet notamment,l'intégration de l'ensemble des activités de planification des ressources liées directement ouindirectement à la fabrication des produits.

En effet, le M.R.P II intègre les activités des différents services:- service marketing, responsable du plan des ventes; - service de la gestion des matières, responsable du plan d’approvisionnement et des stocks;- service de l'ingénierie, responsable de la préparation des nomenclatures des produits;- service de planification et de contrôle des opérations;- service responsable de la réalisation, en usine, du plan de production;- service des finances et de la comptabilité, responsable de la comptabilité48.

III.2.2. Le système Kanban: un système d'autorégulation du système de production.

III.2.2.1. Le fonctionnement du système Kanban:a - Objectif du Kanban:

Le développement du Kanban a pour objectif de mettre en liaison les différentesphases du processus de production, et ainsi éviter tout dysfonctionnement.

En effet, et en général, les responsables des ateliers en amont, dans le but de réduireleurs coûts de fabrication, peuvent lancer la production de grandes séries pour augmenterleur rendement. Ils imposent par conséquent, aux unités en aval des excédents de pièces à un

46 CARILLON.J.P [1986] : "Le juste à temps dans la gestion des flux industriels" Editions Hommes et Techniques, p : 93.47 CARILLON.J.P : op cit, p: 91.48 NOLLET.J - KELADA.J - DIORIO.O.M.: op.cit., p: 522.

19

Page 20: Gestion de production industrielle dans un contexte de ...d1n7iqsz6ob2ad.cloudfront.net/document/pdf/5384a912e858f.pdfGestion de production industrielle dans un contexte de maîtrise

Gestion de production industrielle dans un contexte de maîtrise des flux : l’enjeu logistique. Abdelali Naciri

moment où ces derniers n'en ont pas besoin. Il en résulte, en effet, une accumulation desstocks d'en-cours entre les deux étapes du processus.

En ce sens, le Kanban tend à réduire voire supprimer l’existence d'en-cours dans leprocessus de production. Il impose, en effet, aux unités en amont de fabriquer juste laquantité demandée et nécessaire pour les unités en aval. Les pièces ou composants ne sontusinés que lorsqu'une demande effective se manifeste, et sont immédiatement transférés versleur assemblage en produits finis. b - Le contexte opérationnel du Kanban:

L'avantage du système Kanban est qu'il permet au processus de production de collerau réel. Ainsi, et contrairement au système M.R.P qui se voit inadapté à la régulation duprocessus de production à court terme, et qui fait en général recours à l'outil informatique(logiciels), le système Kanban permet une régulation à court terme, en se basant sur unsupport informationnel mécanique, représenté par le système des cartes qu'il met encirculation.

Le mot même de "Kanban" signifie étiquette, et fait allusion aux cartes quiaccompagnent le produit manufacturé. Il s'agit d'une carte portant le numéro de la pièce, laquantité de pièces, leur provenance et leur destination. Cette carte accompagne le produitdepuis sa conception jusqu'à l'expédition du produit fini. Il existe deux types de cartes:

- les cartes de production: qui servent à lancer les différentes opérations deproduction et qui suivent le produit en cours de transformation jusqu'à son aboutissement;

- les cartes de transfert: qui son utilisées pour la livraison des pièces pour les unitésen aval où la livraison doit s'effectuer juste à temps.

La règle est que tout conteneur / convoyeur plein de pièces doit être accompagnéd'une fiche Kanban; si une carte n'est pas affectée à un conteneur, cela signifie que celui-ci aquitté l'usine ou l'atelier pour être livré au client final ou à un autre atelier. On fait, parconséquent, remonter le Kanban en amont pour déclencher un nouvel ordre de fabrication49.

III.2.2.2. Conditions et implications du système Kanban:La diffusion du système Kanban au sein du système de production entraîne une

restructuration de ce dernier. Mettant en relation les différentes étapes du processus deproduction, le Kanban exige une synchronisation des rythmes des procédés de fabricationafin d'avoir un flux régulier de produits.

En effet, si un processus situé en aval produit de façon irrégulière, chaque procédé enamont doit avoir assez de capacité supplémentaire pour absorber ces fluctuations, ce quiexige un surcroît de ressources en hommes et en machines. D'autre part, si un processussitué en amont se trouve en sous-capacité, il faut produire à l'avance.

Le système kanban, au contraire, c'est un outil qui n'autorise que la production desbiens nécessaires, en temps voulu et dans la qualité requise, à un moment voulu, pour leprocessus en aval.

La restructuration du système de production doit donc, porter sur la réduction desgoulots d'étranglements qui peuvent entraver le bon fonctionnement du système. Il s'agit de :

a - la réduction des temps de reconversion des machines: Dans un système Kanban les unités en amont doivent être organisées de telle sorte qui ellespuissent exécuter un ordre de fabrication dans les meilleurs délais. Toutefois, l'un desobstacles à la réalisation de cet objectif est la durée de changement de séries de fabricationqui est en général longue.

En effet, pour remédier à une telle situation, il est nécessaire d'introduire un degré deflexibilité dans le processus. Deux moyens complémentaires peuvent être l'outil de cechangement:

49 PONS.J - CHEVALIER.P: op. cit., p: 174.

20

Page 21: Gestion de production industrielle dans un contexte de ...d1n7iqsz6ob2ad.cloudfront.net/document/pdf/5384a912e858f.pdfGestion de production industrielle dans un contexte de maîtrise

Gestion de production industrielle dans un contexte de maîtrise des flux : l’enjeu logistique. Abdelali Naciri

-l'utilisation des biens productiques qui se caractérisent par leur flexibilité;-l'adoption d'un autre mode d'organisation du travail consistant à distinguer parmi les

temps de reconversion ceux qu'il est possible d'effectuer en parallèle pendant lefonctionnement de la machine, c'est à dire en temps masqué (off line), et ceux quinécessitent obligatoirement l'arrêt de la machine (on line)50.

Dans le même sens, des systèmes de réglage rapide ont été développés dans lesgrandes entreprises, notamment japonaises, tel que le système SMED (Single MinuteExchange Die), favorisant une production en petits lots avec un temps minimum de passaged'une série à une autre, et donc une production à un coût minimum51.

b- La réduction des aléas:La tension des flux développée par le Kanban, en réduisant au minimum les stocks

intermédiaires, tend à fragiliser le fonctionnement du processus de production en multipliantles risques de rupture des flux. Pour assurer un fonctionnement sans risque d'échec du système Kanban, desaméliorations doivent être réalisées au niveau de la gestion des pannes et de la qualité:

- les pannes: dans une organisation de la production classique, où les vitesses deproduction de chaque procédé sont régulées par des stocks tampons, la question des pannesne se pose pas avec acuité: les stocks interprocédés amortissent et cachent tous lesdysfonctionnements. Toutefois, la réduction progressive des stocks intermédiaires limitecette marge de sécurité et interpelle l'organisation du travail de maintenance. Concrètementcela se traduit par la nécessité de développer la maintenance de premier niveau auprès desopérateurs. En effet, ces derniers doivent être qualifiés pour effectuer certains types dedépannage-maintenance sans l'intervention de spécialistes, ce qui peut aider à résorber ungrand nombre de pannes et défauts de fabrication.

- la qualité: la réduction des stocks nécessite une réduction voire suppression desdéfauts de qualité. En effet, si un procédé en amont fonctionne avec un taux de piècesdéfectueuses élevé, il faut produire une quantité supérieure à celle demandée réellement parle procédé aval, pour alimenter ce dernier sans rupture, ou créer un stock tampon pourremplacer à chaque fois les pièces qui font défaut. Dans les deux cas, il y a surstockage,situation non autorisée dans un système Kanban.

c - l'intégration des fournisseurs : Pour être efficace, le Kanban doit dépasser les frontières de l'unité de production et

intégrer dans un réseau de flux différentes unités de production. En ce sens, plusieursgrandes entreprises incitent leurs fournisseurs à adopter le Kanban et à procéder auxtransformations nécessaires de leur processus de fabrication.

Le Kanban devient donc un instrument d'intégration, la réduction voire lasuppression des stocks conduit à interconnecter les processus de fabrication d'unités deproduction spatialement dispersées. III.2.2.3. le système Kanban: un système de rationalisation du processus de production:

Outre son avantage de permettre une autorégulation du processus de production, leKanban s'avère économiquement efficace. Il permet en effet, une amélioration desopérations de gestion.

Les conditions d'application du système Kanban permet de dépasser le principe de lasérie économique de lancement qui dominait dans le domaine de la gestion industrielle detype taylorien.

50 BESSON.P [1987]: "Economie des innovations de gestion: le cas du Kanban", in "la productique: concepts, méthodes, mise en oeuvre" sous la direction de COHENDET.P - LLERENA.P. Editions Economica, Paris, p: 55.51 SHINGO.S : "La production sans stock", p:

21

Page 22: Gestion de production industrielle dans un contexte de ...d1n7iqsz6ob2ad.cloudfront.net/document/pdf/5384a912e858f.pdfGestion de production industrielle dans un contexte de maîtrise

Gestion de production industrielle dans un contexte de maîtrise des flux : l’enjeu logistique. Abdelali Naciri

Ce principe était principalement le résultat, d'une part de la nature des équipementsutilisés de type mécanique, où on constate une relation inversement proportionnelle entre laréduction des temps d’exécution et l'accroissement des temps de reconversion, d'autre partd'une recherche de maximisation de la productivité apparente de la main-d'oeuvre directe etdonc par une recherche quasi obsessionnelle de la réduction des temps d’exécution unitaire52.

Toutefois, les évolutions qu'a connu les systèmes de production avec l'adoption duprincipe du Kanban, notamment l'utilisation de technologies flexibles permettant ledépassement de la contradiction productivité-flexibilité et la réduction constante du volumede la main-d'oeuvre directe, ont permis le rejet du principe de série économique delancement au profit d'un principe de série unitaire. P.BESSON note que " le kanban, en tantqu'opération de gestion destinée à augmenter la vitesse de rotation du capital circulant, avocation à mener à bien le nouveau projet de rationalisation du système de production fortbien résumé par le mot d'ordre de stock-zéro, où la norme idéale est, temps de reconversionnul, taille du lot égale à l'unité et le stock est zéro"53.

IV. La flexibilisation des moyens de production : l’adaptation des fonds aux flux :Pour faire face à l’accroissement de l’incertitude qui caractérise désormais

l’environnement commercial, les systèmes de production se voient obligés d’accroître leurréactivité pour neutraliser les effets de cette incertitude.

C’est ainsi que depuis le milieu des années 70, les efforts ont été fait pour accroître laflexibilité des systèmes productifs. La flexibilité est devenue une ressource stratégique.

Au sein du processus de maîtrise de la circulation des flux physiques, la recherche dela flexibilité des moyens de production constitue une réponse aux exigences de la logistique.Elle permet notamment d’adapter les fonds aux flux. Deux niveaux de la flexibilité sonttraités dans ce chapitre. D’une part la flexibilité des moyens de production, à notre point devue c’est une flexibilité technique, et d’autre part une flexibilité de l’organisation de cesmoyens, qui constitue une flexibilité de gestion de la production.

IV. La flexibilisation des moyens de production: une réponse aux exigences de lalogistique :

IV.1.Le concept de flexibilité un concept multidimensionnel :

IV.1.1. La flexibilité d’un système de production : éléments de définition En réalité, la notion de flexibilité est une notion complexe, faisant appel à plusieurs

dimensions de l’activité productive.La flexibilité d’un système de production peut être définie de différentes manières. J.C.TARONDEAU note que les définitions de la flexibilité sont nombreuses et parfoiscontradictoires54.

De prime à bord, « une distinction est généralement faite entre flexibilité à court termequalifiée d’opérationnelle, elle porte, sur la capacité de diversifier les produits, les rythmes deleur modification, la rapidité de production et de distribution, les changements de volume, lesmodifications quantitatives et qualitatives de la main d’oeuvre; et une flexibilité à long termequalifiée de stratégique, portant sur les transformations des processus industriels, autrementdit, sur la capacité de la firme à modifier la configuration de son réseau d’unités industrielles,

52 BESSON.P : op. cit., p: 52.53 Ibid.54 TARONDEAU. J. C : « Stratégie industrielle », Vuibert, p:260, 1993.

22

Page 23: Gestion de production industrielle dans un contexte de ...d1n7iqsz6ob2ad.cloudfront.net/document/pdf/5384a912e858f.pdfGestion de production industrielle dans un contexte de maîtrise

Gestion de production industrielle dans un contexte de maîtrise des flux : l’enjeu logistique. Abdelali Naciri

à développer des relations de partenariat avec ses fournisseurs et à augmenter le niveau decompétence et la polyvalence de son personnel » 55.

En suite, cette distinction peut être faite entre « flexibilité externe, qui qualifie laposition de la firme vis-à-vis des informations en provenance de son environnement etflexibilité interne qui désigne le degré de contrôle de la firme sur ses structuresproductives »56.

D’une façon générale, la flexibilité peut être définie comme une capacité d’adaptationen fonction des besoins. Il s’agit de « l’aptitude d’un système de rester opérationnel dans dessituations changeantes, prévisibles ou non, sans pour autant qu’elles soient radicalementdifférentes des situations connues d’avance »57. Un système flexible peut, alors, « traiter unegrande diversité de produits, accorder rapidement et sans coûts excessifs des produitsnouveaux ou modifiés, augmenter ou réduire sa capacité sans créer de stocks ou de retards,ajuster ses compétences et modifier ses méthodes, et s’adapter à des variations non anticipéesdans les matières, énergies et informations reçues de l’extérieur »58.

Une telle adaptation peut être, en effet, réalisé de deux façons:- Une adaptation en volume: dans ce cas, la flexibilité se traduit par une capacitéd’accroissement des quantités fabriquées pour faire face à une hausse de la demande.Il s’agit d’une flexibilité statique, qui correspond à une capacité du système deproduction à faire face à des situations où la variabilité de l’environnement est connuea priori. Elle se caractérise essentiellement par la présence de surcapacités spécifiquesà chaque processus59.- Une adaptation des produits: caractérisée par la capacité d’introduire desmodifications ou des améliorations dans la conception ou la fabrication des produits. Ils’agit d’une flexibilité dynamique, qui désigne une capacité de réagir continûment auxvariations de l’environnement. Elle constitue, en effet, une réponse à des variationsqui ne peuvent être déterminées a priori. Elle permet notamment à l’entreprise depréserver le maximum de réponses possibles, et d’assurer une réaction dans lesmeilleurs délais, par rapport à la vitesse d’évolution des paramètres del’environnement60.C’est ce dernier type de flexibilité « dynamique » qui est de plus en plus recherché et

qui constitue une variable stratégique dans le nouveau contexte concurrentiel.

IV.1.2. La flexibilité des systèmes de production: une ressource stratégique.Les stratégies compétitives basées sur la production de masse caractérisaient

essentiellement l’état des entreprises qui opéraient dans un environnement stable. Lerenversement de cet état des choses, notamment par l’accroissement de l’incertitude(augmentation de la diversité des produits, la réduction de leur durée de vie, la fragmentationdes marchés, la sophistication des consommateurs ...) a entraîné une révision des stratégiesdes entreprises. C’est ainsi que depuis le milieu des années 70, la flexibilité est devenue uneressource stratégique face à l’incertitude.

La force de la flexibilité provient du fait qu’elle permet essentiellement une meilleureadéquation de l’offre de l’entreprise aux demandes du marché. En effet, « l’entreprise flexible

55 TARONDEAU. J. C: op.cit., p:261.56 COHENDET. P-LLERENA. P: « Flexibilité, information et décision ». Editions Economica, Paris 1989, p:11.57 BUCKI. J - PESQUEUX. Y : « De la flexibilité stratégique à la flexibilité dynamique ». Revue Française de Gestion. Sep-Oct. 1992, p:20.58TARONDEAU. J.C : op.cit., p:262.59COHENDET. P - LLERENA. P - PECQUET.P : « La productique: concepts, methods, mise en oeuvre ».Editions Economica 1987, p:3460 Ibid.

23

Page 24: Gestion de production industrielle dans un contexte de ...d1n7iqsz6ob2ad.cloudfront.net/document/pdf/5384a912e858f.pdfGestion de production industrielle dans un contexte de maîtrise

Gestion de production industrielle dans un contexte de maîtrise des flux : l’enjeu logistique. Abdelali Naciri

est capable de concevoir, produire et distribuer rapidement les produits et services exigés parle marché ou dont on prévoit le développement de la demande. Cela lui permet de proposer denouveaux produits avant les concurrents ou de répondre aux demandes en réalisant sur mesuredes produits adaptés »61.

La flexibilité permet, en outre, le développement des économies de diversité« Economies of scope »62. A l’inverse alors des économies d’échelle qui sont réalisées par lasimple augmentation du nombre de produits identiques fabriqués par un équipement, « leséconomies de variété sont réalisées par la production d’un ensemble de produits différents,réalisée par un même équipement. Ces économies de variété supposent de faibles coûts depassage d’un produit à un autre. Dans ce cas, la taille des lots est faible, elle peut dans des caslimites être réduite à l’unité, et les flux de produits sont plus continus63.

Sur le plan financier, la flexibilité permet de diminuer le besoin en fonds de roulement,par le biais de la réduction du niveau des stocks des en-cours, des matières premières et desproduits finis »64.

IV.2. la prise en compte de l’information dans les systèmes de production.

IV.2.1. L’automatisation flexible des moyens de production:L’automatisation des moyens de production constitue sans doute, pour les industriels,

la solution la plus appropriée aux problèmes de resserrement des délais de livraison et dediversification. Gilbert SIMONDON note que « l’automatisation, et son utilisation sousforme d’organisation industrielle que l’on nomme automation, possède une significationéconomique ou sociale plus qu’une signification technique. Le véritable perfectionnement desmachines correspond non pas à l’accroissement de l’automatisme, mais au contraire au faitque le fonctionnement d’une machine recèle une certaine marge d’indétermination. C’estcette marge qui permet à la machine d’être sensible à une information extérieure... Lamachine qui est douée d’une haute technicité est une machine ouverte ».65

En effet, la production par anticipation devient de moins en moins sécurisante. « Letemps qui sépare la décision de production et celle relative à l’acte de vente est alorsdirectement influencé par l’incidence de l’incertitude liée aux caractéristiques des produits.Un produit risque en effet d’être fabriqué et, arrivé au terme de la transformation, de ne pluscorrespondre au besoin du moment »66. En ce sens, l’accent a été mis sur la réduction du tempsde fabrication de produits différents, notamment par l’adoption d’une politiqued’automatisation.

En réalité, l’automatisation des moyens de production ne constitue pas un phénomènenouveau. Elle date déjà des années 50 dans l’industrie occidentale67. Toutefois la rigidité qui aaccompagné son introduction dans les systèmes industriels a mis les industriels devant undilemme de productivité du système de production ou sa flexibilité. En effet, être flexiblesignifie de pouvoir fabriquer différents produits par l’utilisation des mêmes machines, ce quientraîne des changements fréquents des séries de fabrication entravant par là la continuité desopérations de fabrication, alors que la productivité exige le lancement de séries très

61TARONDEAU. J.C : op.cit., p:264.62 Il y a économies de diversité quand il est moins cher de produire divers produits ensemble que séparément avec un même équipement.63 TARONDEAU. J.C, op.cit., p:264.64 Ibid.65 SIMONDON.G: « Du monde d’existence des objets techniques ». in FIORE.C-COLIN.J [1985)], op.cit, p:103.66PECQUET.P: « Automatisation et flexibilité de production » in COHENDET.P-LLERENA.P - PECQUET.P, op.cit., p:87.67 FIORE. C. - COLIN. J. (1985)op.cit., p:101.

24

Page 25: Gestion de production industrielle dans un contexte de ...d1n7iqsz6ob2ad.cloudfront.net/document/pdf/5384a912e858f.pdfGestion de production industrielle dans un contexte de maîtrise

Gestion de production industrielle dans un contexte de maîtrise des flux : l’enjeu logistique. Abdelali Naciri

importantes. J.C. TARONDEAU note que « les technologies mises en oeuvre dans lesprocessus industriels au cours des soixantes-dix premières années de ce siècle ont privilégiéla recherche, ou de productivité, ou de flexibilité, mais n’ont guère permis d’atteindresimultanément ces deux objectifs. Les équipements fortement automatisés qui sont utilisésdans les « process» ou dans les systèmes de production de masse ont permis des gainsspectaculaires de productivité. Cependant, conçus pour et dédiés à des produits, voire desopérations, très exactement spécifiés, ils n’offrent que peu de possibilités d’adaptation àd’autres usages. Ils sont rigides. Inversement, les « ateliers » équipés de moyens à caractèreuniversel et de personnel polyvalent, offrant d’excellentes capacités d’adaptation, maiscelles-ci sont obtenus au prix de surcapacités coûteuses qui limitent leur productivité. Denouvelles technologies étaient indispensables pour modifier les conditions d’arbitrage entreproductivité et flexibilité: A l’automatisme rigide, il fallait, pour cela, substituerl’automatisme flexible »68.

Sortir de ce dilemme de flexibilité-productivité nécessite la recherche d’outilstechniques capables de répondre à une demande fractionnée (en quantité et dans le temps) etde garantir simultanément une continuité de marche de l’appareil productif.

C’est dans ce sens que se sont développées des techniques se caractérisant toutes parl’introduction de l’information dans les différentes fonctions des systèmes industriels.Techniques qualifiées par le mot : productique.

IV.2.2. Le développement des technologies flexibles:La prise en compte de l’information dans les systèmes de production est réalisée par le

biais, soit de l’électronique (robotique, machine-outil à commande numérique), soit del’informatique, autrement dit l’utilisation de l’ordinateur (CAO, FAO, GPAO, TGAO),baptisés par les technologies de l’information.

Le développement de ces technologies dites flexibles a été notamment favorisé par:- Le développement des sciences des automates qui permettent de doter une machine d’intelligence, c’est à dire des moyens de s’adapter à certaines perturbations de l’environnement ;- Les capacités de stockage, de traitement d’information et de décision rapide offertes par les ordinateurs ;-Les multiples perfectionnements dans les mécanismes de commande, de contrôle et de positionnement des machines, et dans les matériaux69.Débutant avec la machine à commande numérique dans les années 5070, ce

développement a abouti à l’installation des ateliers flexibles.En effet, les premières machines-outils à commande numérique étaient commandées

par une série d’instructions codées, organisées logiquement et stockées sur des bandesperforées, chaque machine disposait individuellement d’un organe de lecture de ces bandes etdes dispositifs de commande et de contrôle nécessaires à l’exécution des instructions reçues.L’inconvénient de ces machines était leur spécialisation pour des opérations définies, ainsileur capacité d’adaptation était limitée sinon inexistante.

C’est à la fin des années 60, que ce système va être perfectionné par l’introduction dela commande directe des machines par ordinateur, où chaque machine est pilotée par un mini-ordinateur (Computer Numerical Control). En même temps, apparaît la première générationdes systèmes de production intégrés (Direct Numerical Control) . Ces systèmes sont composésde plusieurs machines reliées à un ordinateur central qui assure le contrôle des opérations etfournit les informations nécessaires à la gestion de la production.

68 TARONDEAU. J.C: « Stratégie industrielle », Vuibert, p:266.69 TARONDEAU. J.C, op.cit., p:266.70TARONDEAU.J.C, op.cit., p:32.

25

Page 26: Gestion de production industrielle dans un contexte de ...d1n7iqsz6ob2ad.cloudfront.net/document/pdf/5384a912e858f.pdfGestion de production industrielle dans un contexte de maîtrise

Gestion de production industrielle dans un contexte de maîtrise des flux : l’enjeu logistique. Abdelali Naciri

Au début des années 70, apparaît une seconde génération appelée les systèmesflexibles de production (Flexible Manufacturing System). Ces systèmes flexibles s’appuientsur les capacités du contrôle numérique direct, et les possibilités de contrôle réel qui endécoulent, pour automatiser le transfert des produits entre les diverses machines composant lesystème71.

En général, l’utilisation des automatismes a touché la totalité des fonctions dessystèmes de production: conception, fabrication, logistique (transport et stockage, emballage,assemblage, pilotage, ...)

IV.2.3. L’impact des technologies flexibles sur les systèmesde production:

Ce sont donc les capacités d’adaptation qu’offrent ces technologies qui font leurengouement ces derniers décennies. Elles permettent en même temps l’amélioration del’automatisation et de la flexibilité car l’automatisation conduisait généralement à unerigidification des processus de production.

Au niveau des systèmes de production, J.C. TARONDEAU soulève, sur la base desrésultats d’une enquête réalisée auprès des entreprises françaises, que les effets destechnologies flexibles peuvent être constatés à trois niveaux:

- L’effet sur l’automatisation : les résultats obtenus montrent que la capacitéd’adaptation des entreprises a été amélioré avec l’automatisation. En effet, avantl’introduction des technologies flexibles, les entreprises ne disposaient d’aucune capacitéd’adaptation à des modifications, anticipées ou non, de l’environnement.

-- L’effet sur la flexibilité : les technologies flexibles ont la particularité d’être automatisées et flexibles. La mesure, ainsi, de la flexibilité a été faite sur trois

niveaux:- flexibilité en termes de produits : portant sur la variété actuelle et potentielle des produits réalisables par un équipement. Cette flexibilité a été améliorée après l’introduction de ces technologies.- flexibilité en termes de processus industriels : mesurée en termes de capacité - d’adaptation à des variations de volume, et en termes de polyvalence des moyens

et de possibilité de les substituer les uns aux autres. Ces deux niveaux de laflexibilité du processus se sont améliorés, mais à des degrés différents, avec unniveau supérieur pour le premier.

- flexibilité en termes d’inputs : mesurée par la capacité d’un équipement automatisé à tolérer des variations de qualité des matières premières transformées. Précisément, à ce niveau, les résultats tendent à soulever un accroissement de la rigidité.-- L’effet sur l’organisation du travail : le fait marquant à ce niveau, est la

diminution des formes d’organisation de type « taylorien » au profit de formes d’organisationplus décentralisées, où les exécutions sont plus autonomes et où l’encadrement remplitprincipalement des fonctions d’animation72.

Les effets des technologies flexibles peuvent être résumés dans le tableau suivant:L’avantage principal de l’introduction des technologies flexibles est d’accroître la

polyvalence des équipements. Condition nécessaire dans un contexte de production en fluxtendus de produits constamment renouvelables.

En effet, dans un contexte où l’ordonnancement de la fabrication des produits ne peutplus être effectué a priori, les interconnexions entre machines ne peuvent plus, alors, être

71TARONDEAU.J.C, op.cit., p:267-268.72 J.C.TARONDEAU (1987) : op.cit., p:273-274.

26

Page 27: Gestion de production industrielle dans un contexte de ...d1n7iqsz6ob2ad.cloudfront.net/document/pdf/5384a912e858f.pdfGestion de production industrielle dans un contexte de maîtrise

Gestion de production industrielle dans un contexte de maîtrise des flux : l’enjeu logistique. Abdelali Naciri

déterminées d’une façon rigide. Les pièces peuvent suivre des itinéraires différents selon l’étatd’engagement de chaque machine, par conséquent, les opérations que doivent subir ne doiventplus être effectuées par des machines spécialisées.

Il s’agit en fait, d’introduire une déconnexion entre le groupe d’opérations nécessairesà la fabrication des produits et le groupe de machines requises pour la mise en oeuvre de cesopérations. Ainsi, si une même pièce ne peut être transformée qu’au moyen d’une opérationprécise, une même opération peut, par contre, être réalisé sur plusieurs machines différentes.Il en résulte que, pour chaque pièce, il y a plusieurs itinéraires possibles, et en casd’engagement momentané d’un poste de travail, plusieurs solutions se présentent :

- la pièce peut être orientée vers un autre poste qui prend en charge l’opération qui n’a pas pu se réaliser sur le poste prévu par la programmation initiale ;- la pièce est orientée vers un autre poste pour y subir une opération différente, elle se présentera une nouvelle fois au poste précédent afin de subir l’opération de départ73.La maîtrise de la circulation des flux de produits est conditionnée alors par la

polyvalence des machines et par leur disponibilité. Il s’agit, en effet, de savoir si la pièce peutpasser par différentes machines pour subir une même opération, ce qui permet de réduire letemps d’immobilisation des pièces, et de savoir si la machine est occupée ou non et pourcombien de temps.

En ce sens, « la maîtrise du cycle de fabrication de chaque pièce se voit comme uneconséquence des condition de circulation entre les postes, elle repose sur les possibilités dubasculement des pièces d’un poste de travail à un autre. Cela suppose, alors, une connexion entemps réel entre les différentes machines afin d’orienter rapidement les pièces entransformation. Chaque machine doit, dans ce cas, être préparée pour accepter le plus grandnombre de références »74.

Dans ce schéma, la présence des machines non polyvalentes peut constituer unobstacle à l’accessibilité des flux, et donc freiner la libre circulation des pièces. Dans ce cas, sice type de machines spécialisées ne peut être remplacé par d’autres plus polyvalentes, unesolution consiste à programmer les machines non spécialisées en fonction de l’occupation decelles spécialisées.

IV.2. La logistique et l’organisation des moyens de production: L’implantation des cellules flexibles de fabrication:La flexibilité de l’appareil productif d’une entreprise ne peut être évaluée uniquement entermes du nombre d’automates utilisés dans le processus de production. Certes, leur existenceest nécessaire pour accroître la polyvalence des procédés, cependant, elle n’est pas suffisantepour générer une polyvalence du système dans son ensemble.

A ce niveau, l’organisation des moyens de production présente un autre aspect de laflexibilité. En effet, la manière dont sont agencés ces moyens détermine en grande partie lacapacité d’adaptation du système de production.

Ainsi, l’agencement des moyens de production doit être conçu d’une manière quipermet à l’entreprise d’atteindre ses objectifs, notamment en termes de délai de fabrication.Ce dernier apparaît, dans une large mesure, comme une conséquence de l’organisation desmoyens de production. « Si les ressources sont organisées suivant le processus, avec leminimum d’interfaces entre les procédés, les flux circulent vite. Si, à l’inverse, les ressourcessont groupées par technologie, avec des interfaces entre ateliers, les flux circulent lentement etle délai s’allonge »75.

73 PARAPONARIS. C : op.cit. p:267.74 PARAPONARIS. C : op.cit. p:264.

75 BAGLUN - BRUEL - GARREAU – GREIF, op cit,p:34.

27

Page 28: Gestion de production industrielle dans un contexte de ...d1n7iqsz6ob2ad.cloudfront.net/document/pdf/5384a912e858f.pdfGestion de production industrielle dans un contexte de maîtrise

Gestion de production industrielle dans un contexte de maîtrise des flux : l’enjeu logistique. Abdelali Naciri

En général, cette organisation peut être faite selon deux options:- soit que ces ressources sont regroupées par technologie (sections homogènes), pour fabriquer un produit, il faut donc que celui-ci traverse plusieurs sections ou ateliers. Ce type d’organisation génère une implantation déterminée par le processus.- soit que les ressources sont regroupées selon l’enchaînement des opérations nécessaires pour la réalisation d’un produit. Il en résulte une implantation déterminée par le produit.

IV.2.1. L’implantation déterminée par le processus: La logique des ateliers spécialisés:

Dans ce type d’implantation, les machines sont regroupées par sections homogènesselon le processus, et les opérations sont organisées d’une façon séquentielle. Il en résulte, eneffet, « une discontinuité dans la circulation des flux, les lots de pièces circulent au gré del’avancement de l’usinage. Chaque section spécialisée possède sa main d’oeuvre spécialiséeselon la logique de son métier, son encadrement, ses stocks de pièces en attente d’être usinéesou transférées à l’étape suivante »76.

Dans ce cas, la productivité passe alors par la maximisation de l’exploitation dechaque segment du processus représenté par une section spécialisée. L’optimum global estsupposé être la somme des optimas locaux.

Certes, cette manière de concevoir l’affectation des ressources de production procurecertains avantages. Toutefois les inconvénients sont considérables dans un environnementinstable.

a- Les attributs de l’organisation fonctionnelle:Sur le plan technique, ce type d’organisation permet un partage d’outils de travail

entre plusieurs produits différents fabriqués tous en quantités limitées. L’investissement dansun équipement spécifique à chacun d’entre eux ne s’avère pas rentable77. De plus, cetteimplantation permet également une répartition de la charge du travail entre des machines demême type78.

En matière d’organisation du travail, elle permet de faciliter certaines tâchesconsidérées comme essentielles, notamment :

- elle permet une facilité de formation et de supervision des opérateurs. L’opérateur estalors affectée à une opération unique effectuée sur une machine déterminée et de façonrépétitive, ce qui favorise sa spécialisation. Par ailleurs, un seul contrôleur ou contre-maître peut superviser l’accomplissement des tâches dans une cellule, en n’ayantbesoin que d’un seul type de connaissances et d’aptitudes79.- la spécialisation de l’opérateur dans un type d’opérations effectué sur un type demachines favorise une familiarisation plus rapide avec la machine. Cela se traduit enparticulier au niveau des opérations de maintenance qui deviennent de plus en plusmaîtrisées.Ces points positifs que représentent ce type d’implantation peuvent être facilement

controversés par ses faiblesses dont le plus marquant est le cycle de production qui est pluslong.

b- Les limites de l’organisation fonctionnelle:L’organisation des moyens de production selon le type de technologie s’est avérée, en

général, une source de gaspillages nombreux, se traduisant tous par un délai de réponse pluslong.

76 COHENDET. P. - LLERENA. P. PECQUET.P : op.cit. p:16.77 BAGLUN - BRUEL - GARREAU - GREIFI : op.cit.78SHINGOS: « Production sans stock », les éditions d’organisation.79 KIYOSHI . SUZAKI : « Le nouveau défi industriel ». Inter Editions 1991, p:65.

28

Page 29: Gestion de production industrielle dans un contexte de ...d1n7iqsz6ob2ad.cloudfront.net/document/pdf/5384a912e858f.pdfGestion de production industrielle dans un contexte de maîtrise

Gestion de production industrielle dans un contexte de maîtrise des flux : l’enjeu logistique. Abdelali Naciri

En effet, « le décloisonnement entre les différentes étapes du processus de productionentraîne une discontinuité dans la circulation des flux de produits. Les postes de travail sontsouvent distants les uns des autres, la communication et la visibilité entre le personnel dedépartements différents en pâtissent. Dans ces conditions, les individus ont tendance à seconcentrer sur leur propre efficacité professionnelle. Chacun se soucie davantage desquantités qu’il est capable de produire plutôt que de ce qui est véritablement demandé par leposte de travail en aval »80.

Une telle situation entraîne en particulier:- une accumulation des stocks d’en-cours: la faible communication entre lesdifférentes étapes, entraîne une désynchronisation entre les rythmes des postes detravail. Cela se traduit essentiellement par l’attente que subit les en-cours en passantd’un poste à un autre; - un accroissement du nombre de manutentions nécessaires: cette forme est souventgénératrice d’un nombre élevé de manutentions inter-postes, cela fait augmenter lescoûts de transport et le temps nécessaire au déplacement des en-cours81.Les limites que représente l’organisation fonctionnelle ont comme conséquence

principale l’allongement du cycle de production et par la suite du délai de réponse del’entreprise face aux variations de la demande, situation intolérable dans un environnementcompétitif.

C’est particulièrement dans ce sens que les tendances actuelles en matièred’organisation industrielle tend à rejeter ce type d’implantation déterminée par le processus,en faveur d’un nouveau type d’implantation déterminée par le produit.

IV.2.2.L’implantation déterminée par le produit: L’organisation en ligne:Pour subvenir aux insuffisances que représentent une organisation fonctionnelle, la

conception d’une organisation efficace doit veiller à ce que les projets de circulation des fluxsoient traduits dans la réalité des ateliers de façon que les objectifs logistiques soienteffectivement atteints, et que les conditions de travail du personnel soient optimales.

L’obstacle de base que représente l’organisation fonctionnelle par rapport à lacirculation des flux, est le nombre important de manutentions engendrées par cetteorganisation. Dans ce sens, l’effort se focalise, à ce niveau, sur l’amélioration des moyens demanutentions en faisant recours à des techniques sophistiquées et coûteuses (Exemple: latransitique82). Or, l’effort doit être, au contraire, fait pour réduire le nombre de cesmanutentions, car un déplacement n’ajoute pas de valeur au produit. Ce qu’il faut donc, c’estde « s’efforcer continuellement de se rapprocher d’une implantation conforme à la séquencedes opérations auxquelles chaque produit fait appel. Si un déplacement reste inévitable, oncherche alors à le mécaniser, par exemple, par un convoyeur »83.

Définie de cette manière, la nouvelle organisation procède par un rapprochement despostes de travail qui interviennent successivement dans la fabrication d’un produit,notamment en les mettant sur une même ligne, ainsi, un produit peut être fabriqué entièrementpar une seule ligne. La distance que les matières doivent parcourir pour parvenir au stade finalse voit alors considérablement raccourcie.

80 KIYOSHI . SUZAKI : op.cit., p:63.81 BAGLUN - BRUEL - GARREAU - GREIF : op.cit.82 La transitique c’est l’ensemble des méthodes techniques et des opérations de transit généralement automatiques et contrôlées, intégrées à un processus architecturé et organisé de fabrication et de distribution afin d’assurer le cheminement rationnel des flux de produits, emballages, outillages, accessoires ... sur un site donnée.83 SHINGO. S. : op.cit. p:378.

29

Page 30: Gestion de production industrielle dans un contexte de ...d1n7iqsz6ob2ad.cloudfront.net/document/pdf/5384a912e858f.pdfGestion de production industrielle dans un contexte de maîtrise

Gestion de production industrielle dans un contexte de maîtrise des flux : l’enjeu logistique. Abdelali Naciri

IV.2.2.1.La mise en ligne de la fabrication:La mise en ligne des opérations de fabrication vise en premier lieu l’établissement de

liens étroits entre les opérations les unes aux autres par rapprochement spatio-temporel.Certes, il en résulte quelques difficultés, mais l’avantage qui en découle est important,

notamment en termes de réduction du cycle de fabrication.En effet, une telle organisation est essentiellement efficace dans un contexte marqué

par la fabrication de quantités importantes et une faible variété de produits. Outre, elle peutentraîner une sous-utilisation des capacités des machines, étant donné que celles-ci sontréparties dans différentes lignes selon les besoins des différentes familles de produits.

Un tel problème se pose particulièrement quand le traitement de produits de plusieursfamilles se fait par une seule machine sophistiquée et coûteuse, ce qui peut constituer unobstacle à l’adoption d’une implantation déterminée par le produit84. Il serait donc plusrentable, qu’au lieu d’utiliser une seule machine rapide et coûteuse pour différentes famillesde produits, d’acquérir des machines moins coûteuses, mais susceptibles d’être affectées à deslignes uniques.

Dans le même cadre, un regroupement des pièces de produits différents mais qui ontdes caractéristiques physiques homogènes, en familles pour être traitées sur une même ligne,constitue une solution au problème de la mise en ligne des équipements. Cela est désormaispermis avec le développement de la TGAO85, (Technologie de Groupe Assistée parOrdinateur). La TGAO permet notamment :

- la standardisation et la réduction du nombre de pièces, regroupées en familles sur la base de leurs caractéristiques physiques et de leurs procédés de fabrication ;- la standardisation et la réduction du nombre de gammes opératoires de fabrication, regroupées en gammes types sur la base des caractéristiques de leur déroulement ;- le regroupement des moyens de production en cellules de fabrication dédiées à des

familles de pièces86.

Par ailleurs, l’organisation en ligne permet de procurer des avantages qui constituentles éléments de base dans la nouvelle stratégie concurrentielle. A ce niveau, les flux sontcontinus, le niveau des en-cours est faible et le cycle de production est réduit.

En effet, en déterminant un chemin critique entre toutes les opérations, l’organisationen ligne permet de supprimer les attentes des en-cours et ainsi de réduire au minimum ladurée de fabrication.

Au niveau de l’organisation du travail, elle implique une polyvalence élevée desopérateurs. Ainsi, ces derniers peuvent être affectés à une ligne plurifonctionnelle plutôt qu’àune fonction particulière. « Ils deviennent en effet responsables de l’ensemble des opérationssituées sur une ligne et n’éprouvent alors aucun besoin de se spécialiser dans tel ou tel type detâches. Ils doivent donc apprendre à se servir de plusieurs machines relevant de techniquesdifférentes, ainsi leur champ de compétences se voit élargi »87.

En général, le travail sur une ligne s’effectue par groupe d’opérateurs dont le nombreest déterminé et qui s’échangent de fonctions. Il en résulte une plus grande coordination entreles différentes opérations constituant le processus.

84 SHINGO.S : op.cit., p:65.85 Le concept de Technologie de groupe consiste à regrouper des objets (pièces, dessins, gammes, outillages, postes de travail, compétences, ...) en familles homogènes pour concevoir et fabriquer des produits en tirant profit de leurs analogies.86COLIN. J. (1978): « La dynamique logistique: une opportunité pour le développement de la productique » in COHENDET-LLERENA. RECQUET.P, op.cit., p:104.87 SUZAKI. KIYOSHI: op.cit., p:65.

30

Page 31: Gestion de production industrielle dans un contexte de ...d1n7iqsz6ob2ad.cloudfront.net/document/pdf/5384a912e858f.pdfGestion de production industrielle dans un contexte de maîtrise

Gestion de production industrielle dans un contexte de maîtrise des flux : l’enjeu logistique. Abdelali Naciri

Une telle organisation du travail peut, toutefois, être remise en cause, notamment dansle cas des produits dont les opérations de fabrication ou de montage sont nombreuses. Dans cecas, « la disposition en ligne cloisonne les opérateurs sur des zones limitées sans qu’il leur soitpossible d’avoir une vision globale du processus »88.

C’est dans ce sens en particulier, qu’une mise en ligne sous forme d’un U est souventpréférée. Elle permet de faciliter l’implantation adjacente de postes spécialisés, et favorise ladistribution des approvisionnements de la chaîne.

IV.2.2.2.Le développement des lignes de fabrication en U :A mesure que se développe l’implantation déterminée par le produit et que les

opérateurs acquièrent la maîtrise de multiples procédés, la disposition des machines en uneforme de U devient souvent indispensable : elle donne, en effet, aux opérateurs la possibilitéde produire et de transférer les pièces une par une, en réduisant la distance et la durée desdéplacements effectués par les opérateurs. Ainsi, si les machines sont disposées en lignedroite, les opérateurs risquent de juger les déplacements d’une machine à une autre tropfatiguants et peuvent donc procéder par une fabrication par lots.

88 BAGLIN - BRUEL - GARREAU - GREIF : op.cit., p:

31

Page 32: Gestion de production industrielle dans un contexte de ...d1n7iqsz6ob2ad.cloudfront.net/document/pdf/5384a912e858f.pdfGestion de production industrielle dans un contexte de maîtrise

Gestion de production industrielle dans un contexte de maîtrise des flux : l’enjeu logistique. Abdelali Naciri

32