Gerbert et la pédagogie des arts libéraux à la fin du dixième siècle

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Gerbert et la pkdagogie des arts libkaux 2 la fin du dixiitme sikle H&he Gasc The pedagogy of the liberal arts in France at the close of the tenth century is studied here on the basis of the testimony of the monk Richer about the teaching of his master Gerbert. The equipment and methods employed by Gerbert in his teaching of the trivium and quadrivium are analysed. The pe- dagogic innovations of this master are closely exa- mined, especially in astronomy with the construc- tion of uarious spheres, and in arithmetic with the use of the abacus and the introduction of characters made of horn. This approach to education, as conceived by Ger- bert when he was scholaster of the archbishopric of Rheims, permits us to conclude that he did not fail to associate teaching with research. La pedagogic des arts liberaux en France 2 1aJin du dixitme sikle est e’tudiee ci partir du tejnoignage du moine Richer sur l’enseignement que donnait son maitre Gerbert. Dans cet article, nous analy- sons les outils et les me’thodes qu’utilisait Gerbert dans son enseignement du trivium et du quadri- vium. Les innovations pedagogiques de ce maz^tre sont tout particulibrement examinees, essentielle- ment en astronomie auec la construction de differen- tes spheres, et en arithmetique avec l’utilisation de l’abaque et l’ introduction des caractkres en come. Cette approche de l’e’ducation, telle que la conce- vait Gerbert lorsqu’ il exergait les for&ions d’e’co- la^tre de l’arche&che’ de Reims, permet de constater que ce pedagogue n’a pas manque’ d’associer l’en- seignement et la recherche. Les outils Cducatifs du moyen 2ge ayant au- jourd’hui en grande partie disparu, le cher- cheur qui tente de les ttudier se heurte d’abord au probleme de l’acces B leur con- naissance. Et son travail est rendu d’autant plus difficile que parmi les pedagogues me- ditvaux, rares sont ceux qui ont pens& 2 nous laisser le temoignage de leurs metho- des, de leurs investigations et des questions qu’ ils se sont pokes au tours de leur en- seignement. C’est pourquoi il est bien sou- vent necessaire de recourir a des documents dont l’objectif premier n’est pas, justement, de ttmoigner sur l’ tducation mtditvale. Cette constatation, si elle est gtntrale, vaut bien evidemment pour Gerbert. Le moine Gerbert d’ ilurillac, plus connu sous le nom de Sylvestre II, pape de 999 B 1003, joua un role politique non negligeable aupres des empereurs germaniques.’ C’est cependant sa fonction d’eco12tre2 de l’arche- v&he de Reims3 qui contribua surtout B sa renommte. Un temoignage imane de l’un de ses &l&es, le moine Richer, auteur d’une Histoire de France (Latouche 1937) dans la- quelle quelques chapitres sont consacrts a l’enseignement du maitre. Les chapitres 46 2 65 de cet ouvrage traitent en effet de Ger- bert, les chapitres 46 B 60 etant plus parti- culierement consacris 5 son enseignement: _ chapitre 46: “Dans quel ordre les li- vres furent suivis par Gerbert dans son en- Journal of Medieval History 12( 1986) 111-121 0304.4181/86/$3.50 0 1986 Elsevier Science Publishers B.V. (North-Holland) 111

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Gerbert et la pkdagogie des arts libkaux 2 la fin du dixiitme sikle

H&he Gasc

The pedagogy of the liberal arts in France at the close of the tenth century is studied here on the basis of the testimony of the monk Richer about the teaching of his master Gerbert. The equipment and methods employed by Gerbert in his teaching of the trivium and quadrivium are analysed. The pe- dagogic innovations of this master are closely exa- mined, especially in astronomy with the construc- tion of uarious spheres, and in arithmetic with the use of the abacus and the introduction of characters made of horn.

This approach to education, as conceived by Ger- bert when he was scholaster of the archbishopric of Rheims, permits us to conclude that he did not fail to associate teaching with research.

La pedagogic des arts liberaux en France 2 1aJin du dixitme sikle est e’tudiee ci partir du tejnoignage du moine Richer sur l’enseignement que donnait son maitre Gerbert. Dans cet article, nous analy- sons les outils et les me’thodes qu’utilisait Gerbert dans son enseignement du trivium et du quadri- vium. Les innovations pedagogiques de ce maz^tre sont tout particulibrement examinees, essentielle- ment en astronomie auec la construction de differen- tes spheres, et en arithmetique avec l’utilisation de

l’abaque et l’introduction des caractkres en come. Cette approche de l’e’ducation, telle que la conce-

vait Gerbert lorsqu’il exergait les for&ions d’e’co- la^tre de l’arche&che’ de Reims, permet de constater que ce pedagogue n’a pas manque’ d’associer l’en- seignement et la recherche.

Les outils Cducatifs du moyen 2ge ayant au- jourd’hui en grande partie disparu, le cher- cheur qui tente de les ttudier se heurte d’abord au probleme de l’acces B leur con- naissance. Et son travail est rendu d’autant plus difficile que parmi les pedagogues me- ditvaux, rares sont ceux qui ont pens& 2 nous laisser le temoignage de leurs metho- des, de leurs investigations et des questions qu’ils se sont pokes au tours de leur en- seignement. C’est pourquoi il est bien sou- vent necessaire de recourir a des documents dont l’objectif premier n’est pas, justement, de ttmoigner sur l’tducation mtditvale. Cette constatation, si elle est gtntrale, vaut bien evidemment pour Gerbert.

Le moine Gerbert d’ilurillac, plus connu sous le nom de Sylvestre II, pape de 999 B 1003, joua un role politique non negligeable aupres des empereurs germaniques.’ C’est cependant sa fonction d’eco12tre2 de l’arche- v&he de Reims3 qui contribua surtout B sa renommte. Un temoignage imane de l’un de ses &l&es, le moine Richer, auteur d’une Histoire de France (Latouche 1937) dans la- quelle quelques chapitres sont consacrts a l’enseignement du maitre. Les chapitres 46 2 65 de cet ouvrage traitent en effet de Ger- bert, les chapitres 46 B 60 etant plus parti- culierement consacris 5 son enseignement:

_ chapitre 46: “Dans quel ordre les li- vres furent suivis par Gerbert dans son en-

Journal of Medieval History 12( 1986) 111-121 0304.4181/86/$3.50 0 1986 Elsevier Science Publishers B.V. (North-Holland) 111

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seignement” (Quem ordinem librorum in docendo servauerit);

- chapitre 47: “Comment Gerbert prC- para les tleves a recevoir l’enseignement de la rhetorique” (Quid provehendis rhetoricis pro- viderit);

- chapitre 48: “Pourquoi Gerbert confia ses Cl&es a un sophiste” (Cur eis sophistam adhibuerit);

- chapitre 49: “Travail accompli par Gerbert en mathematiques” (Qui labor ei in mathematicis impensus sit);

- chapitre 50: “Construction d’une sphere pleine” (Sperae solidae compositio);

- chapitre 5 1: “De la signification des cercles intermediaires” (Intellectilium circulo- rum comprehensio) ;

- chapitre 52: “Construction d’une sphere ingtnieusement disposee pour faire connaitre les planetes” (Sfierae compositio pla- netis cognoscendis aptissima);

- chapitre 53: “Construction d’une au- tre sphere destinte a faire connaitre les Ctoi- les” (Aliae sperae compositio signis cognoscendis idonea) ;

- chapitre 54: “Confection d’un aba- que” (Confectio abaci);

- chapitre 55: “La renommee de Ger- bert se repand a travers les Gaules et l’Ita- lie” (Fama Gerberti per Gal&as et Italiam diyfu- sa);

- chapitres 56-57: “Le tableau de la philosophie de Gerbert, diformt par des gens malveillants, est critique par Otric” (Figura Gerberti philosophica per malivolos depra- uata, ab Otrico reprehenditur);

chapitre 58: “All - ocution de I’Auguste empereur Otton a l’assemblte des savants rtunis pour la critique du tableau de la phi- losophie” (Allocutio Augusti Ottonis in conuentu sapientium pro emendationeJigurae);

- chapitre 59: “Division de la philoso- phie thtorique en espkes” (Divisio theoricae philosophiae in species);

- chapitre 60: “Division de la philoso- phie” (Philosophiae divisio) .

On peut s’etonner de trouver des considera- tions d’ordre pedagogique dans un ouvrage visant a retracer l’histoire de la France. Mais la renommte de Gerbert ttait grande et l’historien Richer fut son tleve. Ces deux faits sont a l’origine d’un texte qui a ett bien souvent comment6 dans des ouvrages dont le but essentiel Ctait de mesurer l’etat des connaissances en 1’An Mille.4 Notre propos n’est pas de reprendre ces argu- ments, mais de contribuer, a la lumiere des outils et des methodes qu’utilisait Gerbert, a une meilleure connaissance des technolo- gies Cducatives a la fin du dixieme siecle.

Apres avoir acquis ce qu’il itait convenu de nommer les ‘rudiments’, c’est-a-dire la lecture, parfois l’tcriture (dont l’enseigne- ment etait distinct de celui de la lecture), le chant, le calcul et, bien tvidemment, le la- tin5 par l’etude des psaumes, l’elive s’ini- tiait aux sept arts libtraux: les arts du tri- vium (grammaire, dialectique, rhetorique) qui ont pour objet la maitrise de la langue latine, et ceux du quadriuium (arithmttique, geometric, astronomie, musique) qui s’ap- pliquent aux sciences. Ainsi que l’indique E. Lesne, “ces termes n’entrent dans le lan- gage courant qu’a partir du milieu du on- zieme siecle”.6 Mais si l’on n’employait pas, au temps de Gerbert, les termes trivium et quadrivium pour les designer, il n’en reste pas moins que les sept arts liberaux etaient alors enseignis aux jeunes clercs, et c’est sur leur enseignement par Gerbert que Richer tt- moigne dans quelques uns des chapitres de

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son Histoire de France, oti il insiste sur les innovations pedagogiques de celui qui fut son maitre.

L’enseignement du trivium

Trois chapitres seulement sont consacrts par Richer a l’enseignement du trivium. Laissant de cot6 la grammaire (art du bien tcrire7), il n’aborde que la dialectique (art du raisonnement’) et la rhetorique (art du discoursg), dans un passage oti sont indi- quCs essentiellement les manuels scolaires utilists par le maitre.

La dialectique

Le titre du chapitre 46, “Dans quel ordre les livres furent suivis par Gerbert dans son enseignement”,” ivoque deja clairement la methode suivie. Gerbert “rendit lucide”” la dialectique par l’exposC12 de quatre textes faisant alors autorite, en respectant une pro- gression rigoureuse. l3 C’est par l’lsagoge, ou introduction, de Porphyre, d’apres les tra- ductions du grec en latin de Victorinus le Rhiteur et de Manlius,14 que Gerbert com- men$a l’etude de la dialectique. Ce sont en- suite les Categories d’Aristote que Gerbert explica a ses &l&es, puis le traitt De l’inter- prktation, et enfin les Topiques de Ciceron, tra- duites du grec en latin et commentees par Boke.15 Ces quatre livres constituent ce qu’on a appelt la logica vetus (Parias 1981:252 et Rich& 1979:261).

Gerbert ne fait done pas oeuvre de prt- curseur en ce domaine puisque ce furent les Irlandais, et principalement Jean Scot Eri- gene (neuvieme siecle), qui redonnerent une place de choix a la raison dans l’education. La logique aristotelicienne, qui a guide la

science dans l’antiquitt, a connu le mgme declin que Rome. Apres la chute de l’empire romain d’occident, seule la grammaire Ctait encore enseignee dans les rares foyers de culture qui subsistaient alors dans les monasteres europeens.

Cependant, si Gerbert reprend l’itude des textes habituellement utilises de son temps pour l’enseignement de la dialecti- que, le progres est net par rapport aux Cco- les carolingiennes. En outre, pour trouver un enseignement de la dialectique de la meme qualite que celui de Gerbert, il faut aller a l’ecole claustrale de Fleury-sur-Loire (aujourd’hui Saint-Benoit-sur-Loire) oti son contemporain Abbon (vers 945-1004) en- seigne aux jeunes clercs du monastere, outre la doctrine des Peres, la grammaire, la dia- lectique et l’arithmetique, ou a Chartres, oti un peu plus tard son Cl&e Fulbert (vers 960-1028) donne une impulsion vigoureuse a l’ecole cathedrale. Peut-ctre Gerbert avait-il une methode personnelle d’exposi- tion? Richer, qui se contente de souligner la clarte des le$ons de Gerbert, est malheureu- sement muet a ce sujet.

La rhe’torique

Plus que la rhetorique, ce sont les etudes preliminaires necessaires a son enseigne- ment que Richer expose au chapitre 47 inti- tuli “Comment Gerbert prepara les ileves a recevoir l’enseignement de la rhetori- que”.16 Comme le faisait deja Alcuin, pour son illustre disciple Charlemagne, dans son Dialogus de rhetorica virtutibus (MPL 101:919- 48), Gerbert devait enseigner a ses ileves les differentes parties de la rhetorique: inven- tio (invention), dispositio (ordre du discours), elocutio (expression), memoria (m&moire), pro-

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nuntiatio (declamation), et les cinq parties du discours: exordium (exorde), narratio (nar- ration), partitio (argumentation), reprehensio (refutation), conclusio (peroraison). Les onze ouvrages lus et comment& par Gerbert dans son approche de cet art sont tous de BoEce. 11 s’agit des quatre livres sur les dif- ferences topiques, des deux livres sur les syl- logismes categoriques, des trois livres sur les syllogismes hypothitiques, du livre uni- que consacrt aux definitions, et enfin de ce- lui consacrt aux divisions.” Cette initiation a la science de la rhttorique passe par une etude du philosophe BoEce, mais aussi des poetes classiques car, nous dit Richer, Ger- bert craignait qu’il fGt impossible a ses elk- ves “de s’elever a l’art oratoire sans la con- naissance de modes d’elocution qui ne peu- vent s’apprendre que chez les poetes”.” Gerbert jugea done utile de familiariser ses Cl&es avec les poetes Virgile, State et TC- rence, les satiriques Juvtnal, Perse et Ho- race et enfin l’historien Lucain. 19

F. Trystram (1982: 119) donne la liste im- pressionnante des ouvrages que possidait Gerbert a Reims:

Donat, Priscien, Martianus Capella, Virgile, State, Ttrence, Juvtnal, Horace, Perse, Ctsar, Salluste, Suetone, Marius Victorinus, Porphyre, Aristote, com- mente par Bake, Quintilien, Cictron, Stneque, Cor- nelius C&us (un trait6 de mtdecine), Tullius, Pline, Joseph 1’Espagnol (un trait6 sur la multiplication et la division des nombres), Manilius, Dtmosthtne (en traduction latine), Quintus Aurelius, sans compter les tcrivains ecclesiastiques, dont il posstdait bien sfir les oeuvres majeures, et de nombreux volumes de commentaires et de gloses.

‘figures de rhttorique’. Ce n’est qu’une fois cette preparation achevie qu’ils pourront valablement s’exercer a la controverse. Mais Gerbert cesse ici son enseignement pour confier ses Cl&es a un sophiste,” car il voulait, selon Richer, “qu’ils s’exprimas- sent avec un art tel qu’on put croire qu’ils parlaient sans le secours de l’art, ce qui est la suprZme perfection chez un orateur”.21 C’est done a un specialiste de la rhttorique - nous dirions mEme a un professionnel de cet art -, plus qu’a un enseignant, que Ger- bert jugea utile de recourir desormais.

La grammaire

11 semble curieux que Richer n’ait pas men- tionne dans son Histoire le premier des arts libtraux: la grammaire. Mais peut-?tre Ger- bert ne l’enseignait-il pas lorsqu’il etait son Cl&e? Nous pouvons toutefois juger de son importance lors du diff&-end qui opposa Gerbert a Otric au sujet de la classification de la philosophie, au tours d’une ‘joute scientifique’ organike par l’empereur Ot- ton II lui-meme, a Pavie, en 980. Le litige portait sur le tableau de la philosophie Cta- bli par Gerbert.** Outre qu’ici encore Ger- bert apparait comme un pedagogue, par son souci de clarte et de classification, il ressort de cette dispute que c’est bien sur la gram- maire que s’appuya alors l’kolatre de Reims pour etayer son argumentation. Car a la question “Quel est le plus comprthen- sif le raisonnable ou le morte1?“,23 Gerbert rtpond en se livrant a une veritable analyse

Cette enumeration rtvele le gout de Gerbert logique, dans un expose reproduit fiddle- pour les ouvrages profanes, dans lesquels il ment par Richer: incitait sans aucun doute ses eleves a exer- cer leur memoire et a puiser ce que nous avons coutume d’appeler aujourd’hui des

Le genre subalterne, qui est animal raisonnable, est attribut du sujet qui est animal raisonnable et mortel. Non pas que raisonnable pris isolement soit attribut

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de mortel pris aussi isoltment, ce n’est pas exact; mais raisonnable, lorsqu’il est joint B animal, est attribut de mortel, joint lui-meme k animal raisonnable.24

11 faut savoir que la grammaire est la base du commentaire de texte. Cette notion fon- damentale se trouve deja chez Aristote, dans un ouvrage figurant d’ailleurs au pro- gramme des tours de Gerbert, De l’interpre’- tation: “Le discours est un son vocal (posse- dant une signification conventionnelle) et dont chaque partie, prise stparement, prt- sente une signification comme enonciation” (Tricot 1984:83). Suivant ce principe toute lecture d’un texte suppose, au moyen age, une lecture grammaticale prealable de ce texte. Sans la connaissance de la fonction exacte d’un mot dans la phrase, il n’est pas de comprehension possible d’un texte pour l’homme medieval. C’est en effet la gram- maire qui permet la premiere approche des Anciens, elle encore qui rend cdmprthensi- ble le premier sens de la Bible. La maitrise des techniques du commentaire constitue done un enjeu social important. On peut alors se demander quel type d’instrumenta- tion intellectuelle nait de la frequentation des textes classiques et notamment d’Aris- tote. Le commentaire de ces textes consti- tue-t-i1 une ‘force formatrice d’habitudes (habit-forming-force)’ comme incite a la croire E. Panofsky? (1978:84). 11 semblerait que cette gymnastique de l’esprit que sup- pose le commentaire medieval soit une force formatrice d’habitudes mentales sans les- quelles il n’y a pas de progres intellectuel possible. Dans le cursus medieval, l’etude de la grammaire est en effet un prialable nicessaire ?I l’etude de la dialectique puis de la rhetorique et enlin de la thtologie. Nous ne pouvons que regretter que Richer ne nous ait pas transmis les methodes d’en-

seignement de la grammaire qu’utilisait Gerbert, miZme si nous pouvons penser que, tout comme ses contemporains, il s’ap- puyait sur les ouvrages de Donat et Pris- cien.

L’enseignement du quadrivium

Plus que l’enseignement du trivium, c’est l’enseignement des sciences du quadrivium qui a retenu l’attention de Richer. Six cha- pitres de son Histoire de France lui sont consa- cris (Latouche 1937:56-65). Ce ne sont plus ici les ouvrages servant de base a l’etude de ces sciences que nous rapporte Richer mais bien ce qui fit l’originalite de l’enseignement dispense par Gerbert: ses outils et ses mt- thodes.

L’arithmAique

C’est par l’arithmttique que Gerbert com- menca a initier ses tleves parce qu’elle est la premiere partie de la science mathemati- que. 25 Malheureusement, Richer ne nous en dit pas plus au sujet de cette discipline et nous ne pouvons que conjecturer que Ger- bert se servit des ecrits de Boece qui fai- saient alors autorite. En effet, comme le sou- ligne E. Lesne, “les trait&s de Bo&e sont a la base de l’enseignement de l’arithmetique, de la musique et de la gtometrie” ( 1940:6 12). 11 ne parait done pas hasardeux d’imaginer que Gerbert commenta a ses tleves le De arithmetica de Bogce (MPL 63:1079-168). Toutefois, c’est dans le pas- sage consacre a la gtometrie (Latouche 1937:62-5) que Richer dtcrit le materiel uti- lise par Gerbert.

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La musique

Apres l’arithmetique, Gerbert initia ses ele- ves a une science alors ignoree dans les Gaules si l’on en croit Richer, et dont Ger- bert introduisit l’etude: la musique.26 Selon G. Beaujouan, “c’est (...) surtout la musi- que qui va prendre conscience de l’impor- tance des instruments pedagogiques et de leur utilite comme trait d’union entre le theoricien et le praticien (musicus et cantor) si etrangement eloignis l’un de l’autre dans 1’AntiquitC” (1972:640). En effet, plus qu’un enseignement thtorique, c’est un en- seignement pratique de la musique que donna Gerbert a ses ileves en utilisant le monocordez7: “il sut rendre tout B fait sensi- bles les differentes notes en les disposant sur le monocorde, en divisant leurs consonances et leurs symphonies en tons et demi-tons, en ditons et en dikes et en repartissant me- thodiquement les tons en sons”.28 C’est done grace a cet instrument, appele a deve- nir un outil pedagogique essentiel, que Ger- bert rendit la musique plus intelligible a ses Cl&es.

L’astronomie

Richer definit l’astronomie comme une science “presque inaccessible”.” Pour en fa- ciliter la demonstration, Gerbert eut recours a des instruments3’ qui forcent l’admiration de Richer dans son chapitre consacrt 5 la “construction d’une sphere pleine”.31 Le maitre figura la sphere du monde au moyen d’une sphere ronde en bois plein;32 Richer relate avec force details comment, apres l’avoir inclinee, Gerbert pourvut le pole su- perieur de la sphere des constellations sep- tentrionales et le pole inferieur des constel-

lations australes de man&e a permettre a ses &l&es d’acctder a la connaissance des astres. Mecanisme ingtnieux s’il en est, per- mettant, par une manipulation astucieuse, de mieux concevoir le lever et le coucher des astres. Cette demonstration theorique de ce que sont en rtalite les revolutions du globe terrestre, s’accompagne, chez Ger- bert, d’une observation directe du pheno- mene puisque “la nuit il s’appliquait a leur montrer les Ctoiles brillantes et leur faisait observer comment elles obliquent sur les differentes parties du monde, tant a leur le- ver qu’a leur coucher”.33

On peut voir dans cette dtmarche de Gerbert une tentative de faire participer ses Cl&es a son enseignement qui n’est pas sans rappeler les mtthodes de la ptdagogie active.

Dans le chapitre suivant, consacrt a la signification des cercles intermCdiaires,34 c’est-a-dire aux divisions des hemispheres, Gerbert semble plus soucieux de montrer que de dtmontrer, usant toujours de strata- gemes visant a rep&enter le monde. Prati- que plus que thtorique, l’enseignement de Gerbert est fondt sur une figuration, en rt- duction, du globe terrestre. Mieux que les autres maitres de son temps, il a su mettre a la port&e de ses Ctudiants les mysteres de la nature en les representant a leur Cchelle, et c’est ce qui fait son originalite, B laquelle Richer rend hommage dans son Histoire de France.

Outre les astres, Gerbert fut soucieux de faire connaitre a ses tleves les revolutions, les hauteurs et les distances respectives des planetes, par un mtcanisme tres inge- nieux.35 On peut se demander pourquoi Ri- cher n’a pas jugC utile de nous indiquer plus precistment le pro&de utilist pour ce faire

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par Gerbert. 36 11 est probable que pour l’au- teur de 1’Histoire de France qui avait suivi l’enseignement de Gerbert, ce procede ttait d’une evidence telle qu’il ne mtritait pas qu’on s’y arretgt.

Ce qu’il relate ensuite, c’est-a-dire la con- struction d’une autre sphere, ayant pour ob- jet la connaissance des ttoiles,37 n’est pas sans intiret. 11 s’agit ici de la confection d’une sphere armillaire38 destinee a repre- senter les constellations “au moyen d’un rt- seau de fils de fer et de cuivre”.3g Richer souligne que “cet appareil avait ceci de di- vin que mZme celui qui Ctait ignorant de la science pouvait, pour peu qu’on lui montrat une des constellations, reconnaitre toutes les autres sur la sphere sans le secours d’un maitre “.40 Et c’est ainsi, conclut Richer, que Gerbert enseigna l’astronomie a ses Cl&es, par l’action conjugute de la demonstration et de l’observation, mais egalement en met- tant a profit de reels talents de bricoleur!

Les textes de PtolCmCe, faisant autorite pour cette science, ayant tous et& traduits de l’arabe en latin au douzieme siecle en Espagne, en 1143 par Hermann le Dalmate en ce qui concerne le Planisphkre, ou en Ita- lie, vers 1160 par Gerard de CrCmone pour l’Almageste, on peut penser que Gerbert avait puise ses connaissances de l’astrono- mie directement a la source arabe lors de son sejour en Catalogne.

La gebme’trie

Le chapitre 54 concernant l’enseignement de la giomttrie, est consacrt A la confection d’un abaque.41 I1 aurait sembli plus logique de lier cet instrument a l’enseignement de l’arithmetique plutot qu’a celui de la gto- metric. En effet, Richer ne decrit pas ici l’abaque des gtom&res42 mais bien la table a calcul dont la vulgarisation est communt- ment attribute a Gerbert. 11 est interessant de remarquer que c’est a un fabriquant de boucliers qu’il confia la rialisation de cet outil pCdagogique.43 11 n’existait pas alors de fabriquant d’abaque specialist et ce n’est pas un hasard si Gerbert s’adressa B un ar- murier pour sa confection: les abaques, tout comme les boucliers, etaient realis& dans les m$mes materiaux et requeraient la meme technique: le travail du bois avec des incrustations de metal.

L’abaque est compost de colonnes verti- tales en haut desquelles sont indiques, en chiffres romains, les ordres d’unites selon la progression dicimale. Les colonnes sont re- groupees trois par trois par des arcs de cer- cle. De cette disposition vient peut-etre no- tre habitude d’ecrire les nombres en dispo- sant les chiffres trois par trois.

On peut rep&enter ainsi l’abaque de Gerbert:

XMM - C X F I 7

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SW cette planche “divisee sur la longueur en vingt-sept parties”, Richer nous dit que Gerbert “disposa neuf chiffres destines a ex- primer. tous les nombres”.44 Nous retien- drons done que Gerbert fit fabriquer, a par- tir des neuf chiffres transmis par les Ara- bes,45 mille caracteres en come nommes upi- ces.46 G. Mentndez Pidal signale d’ailleurs que Gerbert est l’auteur du premier trait6 sur l’abaque dans lequel est indiquee avec precision la methode de calcul et oti il est fait mention de l’usage de jetons compor- tant des chiffres ecrits (Menendez Pidal 1959: 187). Outre le gain de temps conside- rable que permettait ce dispositif” pour rC- soudre les operations les plus simples - ad- ditions et soustractions -, c’est en effet a Gerbert que, selon G. Beaujouan, il faut at- tribuer la diffusion des chiffres dits arabes en Occident (Beaujouan 1948).

Richer ne s’attarde pas sur la methode de calcul au moyen de l’abaque et se contente de conseiller a ceux de ses lecteurs qui sou- haiteraient mieux connaitre cette science, de se referer a l’ouvrage que Gerbert com- posa a ce sujet pour Constantin, tcolatre de Saint-Benoit-sur-Loire.48 En effet, dans sa correspondance adresste a Constantin vers 980 (Bubnov 1899:1-22), Gerbert explique de facon detaillee les regles de la multiplica- tion en examinant successivement le cas des unites par les unites, des unites par les di- zaines, des dizaines par les dizaines, des di- zaines par les centaines, etc., jusqu’aux mil- liers par les dizaines de milliers (Bubnov 1899:8-l l), puis celles de la division, en sui- vant la mime methode d’exposition. 49

Toutefois, si l’abaque est tres commode pour effectuer, avec des jetons, des addi- tions ou des soustractions, la multiplication et la division, bien qu’extremement facili-

tees si l’on consider-e la difficult6 que pou- vaient representer ces operations avec les chiffres romains, restent encore des sptcula- tions de savants.

Avec l’introduction du zero au douzieme siecle en Occident, les apices prenant valeur de position, la presence des colonnes sera rendue inutile et l’abacisme cedera la place a une nouvelle mtthode de calcul, beaucoup plus simple, l’algorisme.

Ce qu’a omis de mentionner l’auteur de 1’Histoire de France, sans doute parce qu’en tant qu’tleve de Gerbert il n’en a pas eu connaissance, c’est l’impact qu’ont pu exer- cer aupres des autres tcolatres ses contem- porains, les methodes de Gerbert. 11 semble que l’tcolatre de Reims fut un exemple pour certains d’entre eux5’ et que ses rialisations etaient tres recherchees puisque Gerbert confectionna une sphere a la demande du moine RCmi de Treves, en remerciement de la copie de l’rlchilk’ide de State qu’il lui avait envoyte.51 Et l’on sait tout le prix accord6 pendant le moyen age au livre manuscrit.

Une comparaison avec les technologies de l’iducation en terre d’Islam a la mime Cpoque permettrait, si elle ttait possible, de juger si Gerbert fut vtritablement un pre- curseur en la mat&-e ou s’il se contenta de copier les methodes d’enseignement des sciences du quadriuium qu’il a connues dans sa jeunesse en Catalogne, lors de son sejour a la tour de Borrel, comte de Barcelone.

On aurait souhaite un r&it plus detail16 et peut-6tre plus anecdotique. Cependant, mime si le plan suivi par Richer dans son tloge de l’enseignement de Gerbert ne nous semble pas toujours rigoureux ni complet, il ressort de ces quelques chapitres, consa- crts aux mtthodes du maitre, que celui-ci fut avant tout un pedagogue confirme, qui

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n’a pas manque d’associer l’enseignement et la recherche. Richer signale d’ailleurs que “le hombre de ses Cl&es augmentait tous les jours”52 et que “la renommte d’un si grand docteur ne se limitait pas seulement aux Gaules” mais atteignait aussi la Germa- nie,53 voire 1’Italie. Gerbert etait alors un maitre repute qui n’enseignait pas - ou n’enseignait plus - les rudiments mais se consacrait A I’education d’eleves d’un ni- veau deja suptrieur, que l’on pourrait com- parer a notre enseignement secondaire.

Dans ces quelques chapitres consacres a Gerbert, Richer apparait non seulement comme un historien de la France, mais aussi comme un historien de la pidagogie et un temoin de choix. Cependant, s’il, a jug& op- portun de faire figurer ses souvenirs d’ico- lier dans son Histoire de France, c’est sans doute davantage par d&sir de faire connaitre a la post&it6 les talents de son maitre en matiere de ptdagogie que par souci de ri- gueur historique. Ce faisant, il nous a trans- mis une approche de l’iducation telle que l’tcolatre de Reims pouvait la concevoir il y a mille ans. Et meme si ce ttmoignage reste fragmentaire, il constitue un document unique pour l’histoire de l’education en Oc- cident.

Notes * Ce travail fait partie d’une recherche plus vaste pour une these de Doctorat es-Lettres sur les outils ptdagogiques au moyen Lge. 1 Gerbert passe son enfance et sa jeunesse au mo- nastere de Saint-Gtraud d’Aurillac qu’il quitte en 967 avec la suite du comte Borrel pour se rendre en Cata- logne oti il devait completer son instruction, d’abord a l’tcole cathedrale de Vich, puis au monastere de Ripoll. Toujours dans la suite du comte Borrel, il quitte la Catalogne en 970 pour se rendre en Italie. En 972, Gerbert quitte Rome pour Reims. En 982, il retourne en Italie ou il est abbe du monastere de

Bobbio. En 984, il retourne a Reims dont il devient archevZque en 991. En 996, on le retrouve B la tour de l’empereur Otton III. En 998, il est a nouveau en Italie oti il exerce les fonctions d’archevique de Ra- venne. Enlin, de 999 a 1003, date de sa mort, Gerbert est pape sous le nom de Sylvestre II. 2 La regle de Saint-Chrodegang (712-766), Cvt- que de Metz, attachait a chaque chapitre une Ccole dont le chef, l’ecolitre (scholaster), enseignait les tlt- ments des lettres aux jeunes clercs. Cette fonction prit de l’ampleur avec le developpement des tcoles mo- nastiques et ipiscopales et l’ecolltre fut alors charge de la direction des tcoles du diocese, c’est-a-dire du recrutement des maitres et du programme educatif, ainsi que d’une part de l’enseignement. 3 Gerbert est tcolgtre de l’archevkhe de Reims de 972 B 982 et de 984 a 991. 4 Voir particulierement: Darlington 1947, Frova 1974, Lindgren 1976, Navari 1975, Nicolau y d’Olwer 1910, Silvestre 1949. 5 La connaissance du latin ttait d’autant plus in- dispensable a l’enseignement qu’il ttait la langue mZme de la science, le vthicule de toute culture sa- vante. 6 Lesne 1940:579. E. Lesne precise que le terme de quadriuium, applique aux quatre arts qui consti- tuent la Mathematics, apparait dans le De institutione arithmetica de Bake (MPL 63:1079-168), et “reparait avec l’expression nouvelle de trivium vers la fin du XIeme siecle, sous la plume de Wibert, biographe de Brunon de Toul” (MPL 143:469) (Lesne 1940:579). 7 Dans le chapitre 18 de son De clericorum institu- tione, Raban Maur definit ainsi la grammaire: Gram- matica est (...) recte scribendi (MPL 107:395). 8 Dans le chapitre 20 de son De clericorum institu- tione, Raban Maur delinit ainsi la dialectique: Dialec- tica est disciplina rationalis quaerendi (MPL 107:397). 9 Dans le chapitre 19 de son De clericorum institu- tione, Raban Maur definit ainsi la rhttorique: Rheto- rica est (...) bene dicendi scientia (MPL 107:396). 10 Quem ordinem librorum in docendo servaverit {patouche 1937:54-6).

Dilucidis sententiarum verbis enodavit (La- touche 1937:54). 12 Explanavit, (Latouche 1937:54).

Dialecticam ergo ordine librorum percurrens ;Latouche 1937:54).

Anicius Manlius Torquatus Severinus Boe- $ius, c’est-a-dire Bake (v.480-524).

Inprimis enim Porphirii Ysagogas, id est intro- ductiones secundum Victorini rhetoris translationem, inde etiam easdem secundum Manlius explanavit; ca-

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tegoriarum, id est praedicamentorum librum Aristo- telis consequenter enucleans. Peri ermenias vero, id est de interpretatione librum, cujus laboris sit aptissi- me monstravit; inde etiam topica, id est argumento- rum sedes, a Tullio de greco in latinum translata, et a Manlio consule sex commentariorum libris diluci- data, suis auditoribus intimavit (Latouche 1937:54- 6). 16 Quid provehendis rhetoricis providerit (La- touche 1937:56-7). 17 Necnon et quatuor de topicis differentiis libros, de sillogismis cathegoricis duos, de ypotheticis tres, diffmitionumque librum unum, divisionum aeque ;num utiliter legit et expressit (Latouche 1937:56).

Id sibi suspecturn erat quod sine locutionum modis qui in poetas discendi sunt, ad oratoriam artem ygnte perveniri non queat (Latouche 1937:56-7).

Poetas igitur adhibuit, quibus assuescendos ar- gtrabatur (Latouche 1937:56).

Qua instructis sophistam adhibuit (Latouche 1937:56).

21 Apud quem in controversiis exercerentur ac sic ex arte agerent ut praeter artem agere viderentur quod oratoris maximum videtur (Latouche 1937:56- 7). 22 Latouche 1937:66-7. 11 est fort dommage que Richer ne nous ait pas transmis ce tableau dans son Histoire de France. 23 Quid continentius sit, rationale an mortale (Latouche 1937:78-81). 24 Subalternum, quod est animal rationale, prae- dicatur de subjecto, quod est animal rationale mor- tale. Net dice quod rationale simplex praedicetur de simplici mortali; id enim non procedit; sed rationale, inquam, animali conjunctum praedicatur de mortali conjunct0 animali rationali (Latouche 1937:78-81). 25 Arithmeticam enim quae est matheseos prima, inprimis dispositis accomodavit (Latouche 1937:56-

!k Inde etiam musicam, multo ante Galliis igno- tam, notissimam effecit (Latouche 1937:58). 27 Dtcrit par Bake dans son De institutione musica, le monocorde est un instrument a une seule corde divisee a volonte par des chevalets mobiles. 11 servait a trouver les rapports des intervalles et les divisions $ canon harmonique (cf. Beaujouan 1972).

Cujus genera in monocordo disponens, eorum consonantias sive simphonias in tonis ac semitoniis, ditonis quoque ac diesibus distinguens, tonosque in sonis rationabiliter distribuens, in plenissimam noti- tiam redegit (Latouche 1937:58-g). 29

30 Cum pene intellectibilis (Latouche 1937:58-g). Instrumentis (Latouche 1937:58).

31 Sperae solidae compositio (Latouche 1937:58- 61). 32 Inprimis enim mundi speram ex solid0 ac ro- tundo ligno argumentatus, minoris similitudine majo- ;-m expressit (Latouche 1937:58).

Nam tempore nocturne ardentibus stellis ope- ram dabat, agebatque ut eas, in mundi regionibus diversis obliquatas, tam in ortu quam in occasu nota- ;mt (Latouche 1937:58-60).

Intellectilium circulorum comprehensio (La- touche 1937:60-l). 35 Artificio (...) Quorum absidas, et altitudines a sese etiam distantias, eflicacissime suis demonstravit (Latouche 1937:62-3). 36 Quod quemadmum fuerit, ob prolixitatem hit ponere commodum non est, ne minis a proposito dis- ;;dere videamur (Latouche 1937:62-3).

Aliae sperae compositio signis cognoscendis ifonea (Latouche 1937:62-3).

Speram circularem (Voir Latouche 1937:62). 39 Ferreis atque aereis filis signorum liguras (La- touche 1937:,62-3). 40 Illud quoque in hat divinum fuit quod, cum aliquis artem ignoraret, si unum ei Signum demon- stratum foret, absque magistro cetera per speram cog- psceret (Latouche 1937:62-3).

Confectio abaci (Latouche 1937:62-5). 42 P. Rich& (1981:239) signale que “pour la gto- metric, Gerber-t utilise la traduction d’Euclide et les manuscrits d’arpenteurs qu’il a trouves a Bobbio”, monastere dont il fut l’abbe en 982-983. 43

44 Opere scutarii effecit (Latouche 1937:62-5). Cujus longitudini, in XXVII partibus diduc-

tae, novem numero notas omnem numerum signifi- :mte disposuit (Latouche 1937:64-5).

Igin (I), Andras (2), Ormis (3), Arbas (4), Quimas (5), Caltis (6), Zenis (7), Temenias (8), Ce- ptis (9).

Sing. = apex. Ad quarum etiam similitudinem mille corneas effecit caracteres (Latouche 1937:64-5). 47 Ut prae nimia numerositat potuis intelligi suam verbis valerent ostendi (Latouche 1937:64-5).

Quorum scientiam qui ad plenum scire deside- rat, legat ejus librum quem scribit ad C. grammaticus

6: atouche 1937:64).

Bubnov 1899:12-22. Malheureusement, Ger- bert s’en tient a un expose thtorique et ne donne jamais d’exemple concret. 50 Voir l’enseignement de son Cl&e Fulbert B Chartres. 51 Par reconnaissance, nous avons entrepris de fa- briquer une sphere, ce qui est un travail tres diffrcile

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(Havet 1889:131). 52 Numerus disciplorum in dies accrescebat (La- touche 1937:64-5). 53 Nomen etiam tanti doctoris ferebatur non so- lum per Gallias sed etiam per Germaniae populos dilatabatur (Latouche 1937:64-5).

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