Géopolitique du Développement Durable

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    LAfrique dans la geopolitique du developpement

    durable : entre pauvrete et mondialisation des

    preoccupations environnementales

    Moise Tsayem Demaze

    To cite this version:

    Moise Tsayem Demaze. LAfrique dans la geopolitique du developpement durable : entrepauvrete et mondialisation des preoccupations environnementales. Christian Bouquet. Lesgeographes et le developpement. Discours et actions, MSHA, Bordeaux, pp.185-210, 2010.

    HAL Id: halshs-00491240

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    L'Afrique dans la gopolitique du dveloppement durable

    Entre pauvrt et mondialisation des proccupations environnementales

    Mose Tsayem Demaze

    Matre de Confrences lUniversit du Maine, UMR CNRS 6590 ESO, quipe GREGUM

    Chercheur associ lIRD, US 140 ESPACE

    Avenue Olivier Messiaen, 72085 Le Mans Cedex 9

    Tl. 02.43.83.31.46, Fax 02 43 83 31 92

    [email protected]

    Rsum

    Alors que le dveloppement des pays dAfrique nest pas encore ralis comme le montrent de nombreux

    indicateurs, le dveloppement durable a pris une place considrable dans les ngociations et les politiques

    internationales. Ce dveloppement durable semble englober le dveloppement, car les textes fondateurs (le

    rapport Brundtland notamment) invitent accorder la priorit la satisfaction des besoins des plus dmunis.

    On a nanmoins limpression que la communaut internationale, sous linstigation des pays dvelopps, est

    davantage proccupe par les problmes environnementaux (lutte contre le changement climatique). Dans ce

    contexte, des pays dAfrique continuent dattirer lattention sur la ncessit dradiquer la pauvret.

    Paralllement, ces pays sinsrent dans la mondialisation des proccupations environnementales en ratifiant les

    conventions internationales, ce qui leur permet de participer aux initiatives mergeantes et dobtenir des

    subsides financiers. Les actions inities ici ou l rvlent cependant des malentendus et des amalgames entre

    dveloppement et dveloppement durable.

    Mots-cls :dveloppement, dveloppement durable, pauvret, environnement, mondialisation, Afrique.

    Abstract.African countries in the sustainable development geopolitical dynamics. Between poverty and

    globalization of the environmental concerns.

    Even if the development of African countries is not yet carried out as many indicators show it, sustainable

    development took a considerable place in the negotiations and in the international policies. This sustainable

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    development seems to include development, since founding texts (more especially the Brundtland report) invite

    to give priority to the satisfaction of poorest countries needs. Nevertheless, there is the impression that the

    international community is more worried by environmental problems (fight against climate change). In this

    context, African countries continue to draw attention to the need for the elimination of poverty. In parallel,

    these countries participate to the universalization of environmental concerns by ratifying international

    conventions, which enables them to take part in the emerging initiatives and to obtain financial subsidies.

    Actions initiated here or there however reveal misunderstandings and amalgams between development and

    sustainable development.

    Key words.Development, sustainable development, poverty, environment, globalization, Africa.

    Introduction

    La paternit du dveloppement est communment attribue lancien prsident des Etats-Unis, Harry

    S. Truman. Il en a esquiss les contours dans le point 4 de son discours dinvestiture le 20 janvier 1949,

    inaugurant ainsi lre du dveloppement (Rist, 2001). Il sagissait de mettre en uvre un programme

    comportant des initiatives pour sortir les pays sous-dvelopps de la pauvret et de la misre. LAfrique est

    devenue progressivement un terrain de prdilection pour limplmentation de ce projet au fur et mesure

    quil a t mis en uvre la suite de llaboration des politiques de dveloppement par les institutions de

    Bretton Woods (Banque Mondiale et Fonds Montaire International), les agences spcialises de lONU

    (Programme des Nations Unies pour le Dveloppement, Programme Alimentaire Mondial, Organisation

    Mondiale de la Sant, etc.) et la coopration bilatrale et multilatrale (lOCDE par exemple avec le

    Comit dAide au Dveloppement).

    Alors que ces politiques de dveloppement continuaient dtre mises en uvre avec des rsultats mitigs

    pour beaucoup de pays en Afrique sub-saharienne, le dveloppement durable a fait irruption en 1987

    avec le rapport Brundtland appelant la communaut internationale une nouvelle re de croissance

    vigoureuse et, en mme temps, socialement et environnementalement soutenable . Baptise Sommet de

    la Terre , la Confrence des Nations Unies sur lEnvironnement et le Dveloppement, tenue en 1992

    Rio de Janeiro au Brsil, a consacr le dveloppement durable comme leitmotiv plantaire en amenant la

    communaut internationale dune part prendre conscience de lampleur et de lenjeu des problmes

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    Banque Mondiale et le Fonds Montaire International, intgration du facteur humain ou social pour le

    Programme des Nations Unies pour le Dveloppement (PNUD). Nous avons choisi de faire appel au

    Revenu National Brut par habitant (RNB/hab) et lIndice de Dveloppement Humain (IDH) pour jeter

    un regard sur le dveloppement de lAfrique.

    Conu et diffus dans le monde par la Banque Mondiale, le RNB, sensiblement gal au Produit National

    Brut (PNB), est gnralement prfr au Produit Intrieur Brut (PIB) du fait quon estime que le RNB ou

    le PNB mesurent mieux la richesse dun pays que le PIB. Le PIB correspond la richesse cre dans un

    pays par tous ceux qui y rsident, quils soient nationaux ou trangers, alors que le PNB dun pays quivaut

    la richesse cre pour ce pays par ses ressortissants, quils rsident dans le pays ou ltranger. Ainsi, le

    PNB dun pays est son PIB plus les revenus provenant de ltranger moins ceux qui sortent du pays. Le

    RNB est le PNB corrig de la valeur de la dprciation des biens ou des facteurs de production. La

    classification effectue par la Banque Mondiale distingue 3 catgories de pays suivant le RNB par habitant

    en 2005 (Banque Mondiale, 2007) : les pays revenus levs ( partir de 11 116 US $), les pays revenus

    moyens (entre 11 115 et 906 US $) et les pays revenus faibles (moins de 906 US $). La catgorie des pays

    revenus moyens comporte deux groupes : le groupe des pays revenus moyens hauts (entre 3 595 US $

    et 11 116 US $) et le groupe des pays revenus moyens bas (entre 3 594 US $ et 906 US $).

    LIDH a t labor en 1990 sous les auspices du PNUD. Il prend en compte 3 variables de base qui sont

    ensuite synthtiss : lesprance de vie la naissance associe laccs de la population aux soins,

    lalphabtisation des adultes associe au taux de scolarisation combin pour lenseignement primaire,

    secondaire et suprieur, et le PIB corrig de la parit des pouvoirs dachat en dollars US. LIDH est un

    indicateur composite exprim sur une chelle allant de 0 (pays dveloppement humain faible) 1 (pays

    dveloppement humain lev). Il caractrise le dveloppement vu comme la capacit de mener une vie

    longue et saine avec accs la connaissance et linformation en plus de disposer de revenus ou de

    richesse permettant un niveau dcent de vie. La classification du PNUD distingue aussi 3 catgories de

    pays suivant les valeurs de lIDH (PNUD, 2007) : les pays dveloppement humain lev (IDH gal ou

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    suprieur 0,800), les pays dveloppement humain mdian ou intermdiaire (IDH compris entre 0,500

    et 0,799) et les pays faible dveloppement humain (IDH infrieur 0,500).

    1. Ce quindiquent le RNB et lIDH : pauvret et faible dveloppement humain

    Daprs les donnes du rapport de 2007 de la Banque Mondiale, la moyenne mondiale du RNB est de

    7 439 US $ en 2006 (pour un ensemble de 135 pays inventoris). Pour les pays revenus faibles, la

    moyenne est de 650 US $ en 2006, alors quelle est de 3 051 US $ pour les pays revenus moyens et

    36 487 US $ pour les pays revenus levs.

    28 pays dAfrique figurent dans la catgorie des pays revenus faibles qui contient au total 42 pays (figure

    1). Avec 100 US $ par personne, le Burundi occupe la dernire place du classement, prcd par la

    Rpublique Dmocratique du Congo avec 130 US $ (figure 3). Avec 870 US $, la Cte dIvoire est le pays

    dAfrique le plus bien situ dans cette catgorie de pays revenus faibles.

    9 pays dAfrique font partie de la catgorie de pays revenus moyens (figure 1): Afrique du Sud dans le

    groupe de pays revenus moyens hauts, puis Namibie, Algrie, Tunisie, Angola, Maroc, Egypte,

    Cameroun et Congo dans le groupe de pays revenus moyens bas. Ces donnes montrent que ce sont

    surtout les pays dAfrique sub-saharienne qui disposent de faibles revenus, les pays dAfrique australe et

    dAfrique du Nord tant pour la plupart dans la catgorie des pays revenus moyens.

    Les classements effectus sur la base de lIDH offrent des rsultats assez proches de ceux obtenus sur la

    base du RNB. La moyenne mondiale de lIDH est de 0,743 en 2005 pour un total de 177 pays. Pour les

    pays dveloppement humain lev, la moyenne est de 0,897, alors quelle est de 0,698 pour les pays

    dveloppement humain moyen et 0,436 pour les pays dveloppement humain faible (PNUD, 2007). La

    catgorie des pays faible dveloppement humain (22 pays) est constitue uniquement de pays dAfrique

    (figures 2 et 4). On trouve une vingtaine de pays africains dans la catgorie des pays dveloppement

    humain moyen. Les Seychelles, la Libye et lIle Maurice sont dans la catgorie des pays dveloppement

    humain lev, avec un IDH de 0,843, 0,818 et 0,804 respectivement.

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    Figure 1. Rpartition des pays par Revenu National par Habitant (RNB) en 2006

    Source des donnes : Banque Mondiale, 2007

    Figure 2. Rpartition des pays par Indice de Dveloppement Humain (IDH) en 2005

    Source des donnes : PNUD, 2007

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    100

    0 200 400 600 800 1000

    Mongolia

    Cte d'Ivoire

    India

    Sudan

    Pakistan

    Papua New Guinea

    Yemen

    Senegal

    Mauritania

    Vietnam

    Nigeria

    Zambia

    Uzbekistan

    Kenya

    Benin

    Ghana

    Lao PDR

    Kyrgyz Republic

    Bangladesh

    Cambodia

    Chad

    Haiti

    Burkina Faso

    Mali

    Guinea

    Tajikistan

    Central African Republic

    Tanzania

    Togo

    Mozambique

    Zimbabwe

    Uganda

    Nepal

    Madagascar

    Niger

    Rwanda

    Sierra Leone

    Eritrea

    Ethiopia

    Malawi

    Congo, Dem. Rep.

    Burundi

    Figure 3. Les pays revenus faibles en 2006 (RNB 905 US $)

    Source des donnes : Banque Mondiale, 2007

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    0,37

    0,37

    0,34

    0 0,05 0,1 0,15 0,2 0,25 0,3 0,35 0,4 0,45 0,5

    Senegal

    Eritrea

    Nigeria

    Tanzania

    Guinea

    Rwanda

    Angola

    Benin

    Malawi

    Zambia

    Cte d'Ivoire

    Burundi

    Congo (Democratic Rep.)

    Ethiopia

    Chad

    Central African Republic

    Mozambique

    Mali

    Niger

    Guinea Bissau

    Burkina Faso

    Sierra Leone

    Figure 4. Les pays faible dveloppement humain en 2005 (IDH < 0,500)

    Source des donnes : PNUD, 2007

    Une tude rcente montre que le PNB moyen par habitant, pondr et corrig par la parit de pouvoirs

    dachat en dollars US 2000, a beaucoup fluctu entre 1975 et 2005 dans 44 pays dAfrique subsaharienne1

    (Saba Arbache et Page, 2007). Le graphique issu des donnes de cette tude offre un profil avec une forme

    en U entre 1992 et 1996, indiquant une forte baisse des revenus durant ces annes (figure 5). De manire

    gnrale, les revenus par habitants ont baiss continuellement dans ces pays partir de 1976, cette baisse

    ayant t particulirement significative au dbut de la dcennie 1990. Cette dcennie a t qualifie de

    1 Il sagit des pays suivants : Angola, Bnin, Botswana, Burkina Faso, Burundi, Cameroun, Cap Vert, Rpubliquecentrafricaine, Tchad, Comores, Rpublique Dmocratique du Congo, Rpublique du Congo, Cte dIvoire, GuineEquatoriale, Eritr, Ethiopie, Gabon, Gambie, Ghana, Guine, Guine Bissau, Kenya, Lesotho, Madagascar, Malawi,Mali, Mauritanie, Ile Maurice, Mozambique, Namibie, Niger, Nigeria, Rwanda, Sngal, Seychelles, Sierra Leone,

    Afrique du sud, Soudan, Swaziland, Tanzanie, Togo, Ouganda, Zambie, Zimbabwe

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    perdue (ou dcennie du K.O.) pour les conomies africaines (Brunel, 2004). La reprise conomique

    amorce la suite de cette crise na pas permis de retrouver le niveau du PNB par habitant de la moiti des

    annes 1970 (figure 5). De la sorte, plus de 40% de la population de lAfrique subsaharienne vit encore

    avec moins de 1 US $ par jour en 2007, ce qui correspond un tat de pauvret extrme (Banque

    Mondiale, 2008 ; Sirven, 2007). Les donnes du PNUD font tat dune relative augmentation de lIDH

    pour cette mme rgion dAfrique subsaharienne entre 1975 et 1985, suivie dune stagnation qui confirme

    le dcrochage de lAfrique subsaharienne en matire de dveloppement (figure 6). Ce dcrochage est

    survenu au moment o les autres rgions du monde enregistraient une hausse considrable de leur IDH.

    Ainsi, lAfrique apparat en marge ou en rserve du dveloppement, avec un retard qui sest accru

    depuis la fin des annes 1980.

    Figure 5. Evolution du PNB des pays dAfrique subsaharienne entre 1975 et 2005 (Arbache et Page,

    2007)

    Une rcente synthse rcapitule et explique les causes de la situation de lAfrique du point de vue du

    dveloppement (Brunel, 2004). Cette synthse rvle la complexit des facteurs de la crise africaine

    caractrise par la pauvret et le faible dveloppement humain. Elle prsente les causes imputables la

    traite ngrire et la colonisation, puis celles qui sont imputables la mondialisation (expansion du

    modle occidental, conomies exposes de plein fouet la concurrence internationale, privatisations,

    drgulation, forte vulnrabilit et dpendance par rapport aux marchs mondiaux, etc.) et enfin celles qui

    sont imputables aux Africains eux-mmes (conomies de rente, absence de secteur productif viable,

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    balances commerciales dficitaires, monnaies survalues, fort endettement, corruption et mauvaise

    gestion, etc.).

    Figure 6. Evolution de lIDH des pays dAfrique subsaharienne entre 1975 et 2003

    Source : Rapport du PNUD, 2005

    Cest surtout sur le plan conomique que le retard de lAfrique subsaharienne semble avoir t draconien

    ainsi que le suggre lvolution du PNB. De nombreuses tudes indiquent une amlioration sensible de la

    situation de lAfrique subsaharienne par exemple en ce qui concerne la baisse de la mortalit infantile, la

    hausse du taux de scolarisation et les progrs, certes relatifs, dans le domaine de la sant (PNUD, 2007).

    Entre 2005 et 2007, le taux de croissance conomique de lAfrique subsaharienne a t de 5% par an, ce

    qui a contribu rduire un peu le foss entre les tendances conomiques africaines et celles du reste du

    monde (Banque Mondiale, 2007). Une nouvelle dtrioration sest produite ces dernires annes en lien

    avec la crise financire et conomique mondiale. Des meutes contre la faim ont lieu dans plusieurs

    pays (par exemple au Cameroun, en Mauritanie, au Burkina Faso, Madagascar, en Cte dIvoire, etc.) en

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    en raison de laugmentation du cot de la vie (forte augmentation des prix des produits de consommation

    courante) et de la baisse du pouvoir dachat.

    Afin daccrotre le niveau de dveloppement des pays dAfrique, des Chefs dEtats du continent ont

    adopt en 2001 le NEPAD (Nouveau Partenariat pour le Dveloppement de lAfrique), avec 4 principaux

    objectifs : radiquer la pauvret, raliser la croissance et le dveloppement durables , insrer lAfrique

    dans la mondialisation de lconomie, renforcer les capacits et le rle des femmes dans le dveloppement.

    Ces objectifs reprennent en partie les 8 Objectifs du Millnaire pour le Dveloppement (OMD), adopts

    par lONU en 2000. Le premier est de rduire de moiti, lhorizon 2015, la proportion de personnes

    dont le revenu est infrieur un dollar US par jour et qui souffrent de faim car tant en situation

    dextrme pauvret. Avec le concours dexperts internationaux et nationaux appuys par des

    organismes internationaux (Banque Mondiale, FMI, U.E., OCDE, etc.), des pays dAfrique, comme le

    Cameroun par exemple, ont labor leurs Documents de Stratgie de Rduction de la Pauvret. Ces

    Documents de Stratgie sont largement inspirs par les objectifs du NEPAD et les OMD. Ils misent sur la

    relance de la croissance conomique pour rduire la pauvret. Il convient danalyser ces documents de

    manire critique en mettant en exergue les dterminants de la lutte contre la pauvret pour pouvoir valuer

    lefficacit des stratgies prconises.

    2. Une ralit relativiser : les indicateurs ne mesurent pas tout

    Les indicateurs conomiques donnent de lAfrique une image sombre et misrabiliste. Il convient de

    nuancer cette image dans la mesure o les indicateurs ne sont pas en mesure de saisir lexhaustivit et la

    complexit des situations des conomies africaines. Il peut exister un dcalage important entre lAfrique

    perue par les indicateurs et lAfrique vcue au quotidien (Courade, 2006). Beaucoup daspects du

    fonctionnement des conomies et des socits africaines semblent difficiles tre mesurs par les

    indicateurs et les outils conomtriques. Lorsquon sjourne rgulirement et longuement dans des pays

    dAfrique, on se rend compte de la ractivit des socits, constamment en mouvement, crant et

    innovant assez souvent pour sadapter et mieux supporter les crises, do une grande capacit de rsilience

    et de redmarrage post-traumatisme conomique, social ou politique (Brunel, 2004).

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    De nombreuses tudes (Latouche, 1998 ; Kengne Fodouop et Metton, 2000) ont relat des progrs socio-

    conomiques raliss essentiellement grce au secteur informel en Afrique (photos 1 et 2). On estime que

    les statistiques classiques ou officielles, et les indicateurs qui en dcoulent, napprhendent que 30% de la

    ralit conomique africaine, car le secteur informel peut reprsenter jusqu 70% des activits

    conomiques dans des pays dAfrique (Brunel, 2004).

    Le potentiel conomique et industriel de lAfrique nest pas souvent pris en compte par les indicateurs

    conomiques, or ce potentiel est constitu dimmenses ressources dont une judicieuse exploitation

    pourrait amliorer le tableau sombre qui mane des indicateurs de dveloppement. LAfrique contient

    30% des rserves minrales mondiales, 40% des rserves dor au monde, 23% des rserves duranium,

    20% des rserves de fer, 10% des rserves de ptrole (Brunel, 2004). Ces ressources, par contraste avec le

    dnuement financier de la population, ont amen dire que lAfrique est un continent riche peupl de

    pauvres .

    Photos 1 et 2. Activits informelles (commerce de dtail le long de laxe Yaound-Douala et dans

    la ville de Bafoussam au Cameroun)

    Clichs Tsayem, 2007

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    En marge de la mondialisation conomique et financire officielle (Bouquet, 2007 ; Roy, 2007), lAfrique

    sarrime nanmoins au reste du monde, par la multiplication et la rapide diffusion des cybercafs, des

    tlphones portables et de la tlvision. Le nombre dabonns ces outils de communication augmente

    sans cesse en Afrique, surtout dans des villes dont le nombre et la population saccroissent

    considrablement. Divers modes de rtributions permettent de pallier ou dattnuer les difficults lies la

    pauvret et au faible dveloppement humain des pays dAfrique : dons, aides, redistribution, solidarits

    individuelles ou communautaires, transferts dargent par les diasporas, etc.

    II. LAfrique arrime au dveloppement durable et la mondialisation environnementale

    La confrence des Nations unies, organise Rio de Janeiro en 1992 sur lEnvironnement et le

    Dveloppement, a soulign le caractre plantaire ou global des problmes denvironnement. Elle a servi

    de cadre llaboration et ladoption de la convention sur le changement climatique et de la convention

    sur la diversit biologique. Le protocole de Kyoto, adopt en 1997, complte la convention sur le

    changement climatique, tandis que le protocole de Carthagne, adopt Montral en 2000, complte la

    convention sur la diversit biologique. Nayant pas fait lobjet de consensus, la convention sur la

    scheresse et la dsertification, discute Rio, a finalement t adopte Paris en 1994. Ces conventions

    et protocoles mondialisent le dveloppement durable en montrant quil est largement sous-tendu par les

    proccupations environnementales.

    Lanalyse du contenu de ces conventions et protocole permet de se rendre compte de la faon dont les

    pays en dveloppement, et notamment ceux dAfrique, ont t associs au cadre devant rgir le traitement

    des problmes environnementaux internationaux. La synthse cartographique des ratifications permet de

    visualiser successivement les pays qui nont ratifi aucune des trois conventions ni aucun des deux

    protocoles, puis les pays qui ont ratifi seulement une convention ou un protocole, les pays qui en ont

    ratifi deux, trois, quatre et enfin lensemble des cinq textes (fig. 7). Cette synthse montre que les trois

    conventions et les deux protocoles, considrs collectivement, sont aujourdhui en vigueur dans 134 Etats.

    En dautres termes, parmi les pays membres du systme des Nations unies, 134 ont ratifi aussi bien les

    conventions sur le climat, sur la biodiversit, sur la scheresse et la dsertification, que les protocoles de

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    Kyoto et de Carthagne. 37 pays ont ratifi les 5 textes moins le protocole de Carthagne. 4 pays nont

    ratifi aucun de ces textes (cas de lIraq), tandis que 3 pays nont ratifi quun seul texte (cas de la Somalie

    qui na ratifi que la convention sur la scheresse et la dsertification). Un seul pays na ratifi que 2 des 5

    textes. Il sagit des Etats-Unis qui ont ratifi seulement la convention sur la scheresse et la dsertification

    et la convention sur le climat.

    Figure 7. Bilan des ratifications des principales conventions internationales sur lenvironnement

    Source des donnes : secrtariats des conventions internationales sur lenvironnement (www.unep.org)

    En ratifiant ces textes, des pays dAfrique ont pris en compte les proccupations environnementales

    plantaires en sarrimant cette sorte de mondialisation environnementale tout en ne faisant pas oublier la

    lutte contre la pauvret. Un bilan tabli en janvier 2008 montre que la quasi-totalit des pays dAfrique ont

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    ratifi ces conventions et protocoles (figure 7). La Somalie apparat comme le mauvais lve, car elle na

    ratifi quun des cinq textes (la convention sur la scheresse et la dsertification). La ratification de ces

    textes par les pays dAfrique a conduit ensuite llaboration des plans nationaux dactions (PAN) dans le

    domaine de lenvironnement. Ces plans, impliquant divers acteurs nationaux et internationaux, foisonnent

    actuellement en Afrique, comme les Profils Environnementaux des pays dAfrique qui sont labors

    souvent linitiative des organismes internationaux (U.E., Banque Mondiale, etc.).

    Les engagements et les niveaux de participation des pays dAfrique, et plus globalement des pays en

    dveloppement, apparaissent bien diffrencis dans chaque convention et protocole. Sagissant par

    exemple de la convention sur la diversit biologique, de nombreux articles appellent la prise en compte

    des besoins spcifiques des pays en dveloppement notamment en matires de financement de la

    conservation in situ et ex situ (articles 8-m et 9-e), de recherche scientifique et de formation sur la

    biodiversit (article 12), daccs la biotechnologie et son transfert (art. 16). Larticle 20 de la convention

    demande explicitement aux pays dvelopps de fournir des ressources financires nouvelles et

    additionnelles aux pays en dveloppement afin que ces derniers puissent sacquitter de leurs obligations en

    matire de conservation et dutilisation durable de la biodiversit. Lalina 4 de cet article 20 souligne que

    les pays en dveloppement ne pourront sacquitter effectivement des obligations qui leur incombent en

    vertu de la convention que dans la mesure o les pays dvelopps sacquitteront effectivement des

    obligations qui leur incombent en vertu de la convention sagissant des ressources financires et du

    transfert de technologie . En outre, cet alina 4 prcise que le dveloppement conomique et social ainsi

    que llimination de la pauvret sont les priorits premires et absolues des pays en dveloppement.

    La convention sur la scheresse et la dsertification affiche aussi ce souci daborder la fois les problmes

    de pauvret et les problmes denvironnement. Elle invite la communaut internationale intgrer les

    stratgies dlimination de la pauvret dans la lutte contre la dsertification et la scheresse et demande

    daccorder lattention aux pays en dveloppement touchs par la scheresse et la dsertification, avec une

    priorit pour lAfrique, continent le plus touch et ne bnficiant pas dune situation conomique

    favorable. La convention indique quil revient aux pays touchs daccorder la priorit voulue la lutte

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    contre la dsertification et lattnuation de la scheresse et dy consacrer des ressources suffisantes en

    rapport avec la situation et les moyens disponibles (article 5-a). Les pays dvelopps sont nouveau

    sollicits pour aider les pays en dveloppement touchs par ces flaux et pour fournir des ressources

    financires importantes et dautres formes dappui en matire de lutte contre la dsertification et la

    scheresse (article 6-b). On peut faire la mme rflexion la lecture de la convention sur le changement

    climatique ainsi que le protocole de Kyoto (Tsayem, 2009a).

    Sinscrivant dans la mouvance du dveloppement durable qui sest rpandu dans le monde en particulier

    depuis le sommet de Rio de Janeiro en 1992, les conventions internationales sur lenvironnement associent

    les pays dvelopps et les pays en dveloppement en faisant en sorte que les pays dvelopps assument

    leur responsabilit historique dans la dgradation de lenvironnement plantaire. Ainsi, les efforts les plus

    importants, tant sur le plan du financement de la lutte contre la dgradation de lenvironnement que sur le

    plan des mesures mettre en uvre en vue damliorer ltat de lenvironnement mondial, sont demands

    aux pays dvelopps. Les donnes relatives aux quantits de gaz effet, dont lvolution est prsente

    comme cause majeure de la principale proccupation environnementale mondiale (le rchauffement de la

    Terre), indexent en particulier les pays dvelopps. Alors que les missions de CO2par habitant sont de 4

    tonnes en moyenne mondiale, pour les pays revenus levs, la moyenne est de 12,8 tonnes par habitant.

    Elle est de 3,5 pour les pays revenus moyens, 0,8 pour les pays revenus faibles et 0,7 pour les pays

    dAfrique subsaharienne (Banque Mondiale, 2007).

    Compte tenu de leur faible responsabilit dans les problmes environnementaux globaux, les pays en

    dveloppement, y compris ceux dAfrique, ont t arrims la mondialisation environnementale avec trs

    peu dengagements, dautant plus que cette mondialisation environnementale a merg au milieu des

    annes 1990, au moment o des pays dAfrique subsaharienne taient en rcession conomique (figure 5).

    La participation de ces pays a sans doute t rendue possible par le consensus gopolitique caractris par

    le fait que les conventions internationales sur lenvironnement intgrent la lutte contre la pauvret, faisant

    ainsi un compromis thorique entre actions pour le dveloppement et actions pour la conservation de

    lenvironnement.

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    III. Etre un pays pauvre et participer la prservation de lenvironnement mondialis :

    les initiatives mergeantes

    La conception et la diffusion du dveloppement durable dans le monde saccompagnent de la promotion

    de la gestion durable de lenvironnement. Cette expression apparat mme comme le mode opratoire

    du dveloppement durable. Il sagit de faire en sorte que lutilisation de lenvironnement et des ses

    ressources par les socits humaines ne dgrade pas cet environnement de manire irrversible afin que

    cet environnement et ses ressources perdurent. Avec larrimage des pays en dveloppement la

    mondialisation environnementale, des initiatives mergent ou re-mergent en vue de faire en sorte que le

    dveloppement soit ralis paralllement la protection de lenvironnement. Le Mcanisme pour un

    Dveloppement Propre (MDP), la Dforestation Evite (DE) et lcotourisme, figurent parmi ces

    initiatives.

    1. Le MDP

    Cest un dispositif du protocole de Kyoto qui associe les pays du Nord et les pays du Sud. Les pays riches

    du Nord, appels rduire leurs missions de gaz effet de serre, peuvent financer dans les pays pauvres

    du Sud des projets technologie peu productrice de ces gaz effet de serre. En retour, ces pays du Nord

    se voient attribuer des quotas dmission de gaz effet de serre correspondant au volume conomis au

    Sud par la technologie propre . Le MDP permet aux pays du Nord de remplir leurs engagements

    moindre cot en finanant des projets cologiquement propres dans les pays en dveloppement afin

    que ces derniers, en se dveloppant, mettent peu de gaz effet de serre. Les quantits de gaz effet de

    serre ainsi conomises sont attribues aux pays du Nord et peuvent faire lobjet dchanges, de transferts

    et de vente entre ces pays (Karsenty et Pirard, 2007 ; Tsayem, 2009b).

    Alors que ce mcanisme suscitait peu denthousiasme au dpart, il sest rapidement rpandu depuis 2005,

    suite la mise en place de fonds carbone notamment par la Banque Mondiale (Barral, 2006). La cration

    dun march carbone au sein de lUnion europenne en 2005 a aussi revigor ce dispositif. Les donnes du

    comit excutif du MDP (organisme ad hoc de la convention des Nations unies sur le changement

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    climatique), font tat de 1026 projets MDP valids et enregistrs au 23 avril 2008. 63% de ces projets sont

    situs en Asie et dans le Pacifique, 33% en Amrique latine et dans les Carabes, et 2% en Afrique

    (http://cdm.unfccc.int/Statistics/index.html). Ces projets reprsentent une conomie de 209 millions de

    tonnes dquivalent CO2 par an, soit un peu plus dun milliard de tonnes quivalent CO 2 dici 2012

    daprs les estimations valides par le comit excutif du MDP. Sur 25 projets en Afrique, 13 sont en

    Afrique du Sud et 4 au Maroc.

    Le MDP a suscit beaucoup de critiques quant son efficacit par rapport lobjectif global de rduction

    des missions mondiales de gaz effet de serre (Barral, 2006 ; Karsenty et Pirard, 2007). Au lieu de mettre

    en uvre des politiques nationales qui soient efficaces en termes de rduction de leurs missions, des pays

    du Nord, par les projets MDP, peuvent encourager des investissements faible cots dans les pays du Sud

    et obtenir en retour des crdits dmission quils vendront ensuite dans les marchs carbone avec des

    marges bnficiaires importantes. Par ailleurs, ce dispositif risque de dpendre des marchs carbones, de

    sorte quune fluctuation du prix de la tonne de carbone entrane une augmentation ou une baisse du

    nombre de projets MDP.

    2. La Dforestation Evite

    Cest une initiative comparable au MDP (Karsenty et Pirard, 2007). Elle fait lobjet de discussions et de

    ngociations internationales dans le cadre de la convention sur le changement climatique. Il sagit dinciter

    les pays en dveloppement adopter des mesures pour rduire la dforestation et la dgradation des

    forts. Les pays qui y parviendront seront rcompenss soit par des crdits carbone, soit financirement

    dans le cadre dun fonds international cr cet effet. Ils pourront utiliser ces rcompenses financires

    pour des actions de dveloppement conomique et social. Les ngociations en cours, dont une tape

    importante a t franchie Bali en dcembre 2007, ont pour objectif dintgrer ce dispositif dans la

    deuxime phase dapplication du protocole de Kyoto prvue pour 2013-2018 (Kyoto II). Il faudra au

    pralable trouver un consensus international sur le prix des missions rduites du fait de la dforestation

    vite, de mme quil faudra sentendre sur la ralit de cette dforestation vite, ce qui pose la question

    des outils et des mthodes de mesure de la dforestation (Tsayem et Fosting, 2004). Il faudra par ailleurs

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    dmontrer que ce sont des politiques publiques incitatives qui ont conduit lvitement de la

    dforestation. De nombreux pays, dont ceux du bassin du Congo et ceux du bassin amazonien, intresss

    par cette initiative, ont exprim leurs points de vue et ont formul des propositions en vue de la rendre

    oprationnelle (UNFCCC, 2007). La Dforestation Evite suscite beaucoup de discussions et de

    controverses revlatrices des difficults majeures pour sa mise en uvre. La considrant comme une

    fausse bonne ide , Karsenty et Pirard (2007) montrent quelle consacre un caractre marchand la

    fort tropicale dans le cadre des ngociations en cours entre les pays dvelopps et les pays en

    dveloppement, de sorte que les services environnementaux mondiaux qui manent des forts tropicales

    seront commercialiss par tonne de CO2 conomiss suite un vitement rel ou suppos de la

    dforestation. Ainsi, le ministre de lenvironnement de la RDC a-t-il dclar en octobre 2007: nous

    acceptons de contribuer lquilibre du climat, mais nous exigeons 3 milliards de dollars pour tout ce que

    nos forts apportent comme bien pour rsorber le CO2 dgag par les pays industrialiss (cit par

    Karsenty et Pirard, 2007). En dpit des rserves et des critiques dont elle est lobjet, la REDD a t prise

    en compte dans l Accord de Copenhague qui a conclu en dcembre 2009 la confrence des Nations

    unies sur le changement climatique. Ce nouveau mcanisme est donc appel devenir fonctionnel. La

    Banque Mondiale (Banque Mondiale, 2009) et les Nations unies ont dj mis en place des projets pilotes

    en prlude la mise en uvre gnralise de la REDD.

    3. Lcotourisme

    Lcotourisme est de plus en plus prsent comme une activit qui permet de concilier la conservation de

    la nature et le dveloppement notamment en Afrique (Lapeyre et al., 2007). Cette conception de

    lcotourisme repose en grande partie sur le rejet progressif du tourisme de masse qui, dans bien de cas,

    provoque la dgradation de lenvironnement. Lcotourisme est une pratique touristique qui essaye de

    satisfaire les besoins de nature des touristes (en gnral les touristes occidentaux) tout en procurant des

    subsides conomiques pour les populations ou les pays visits et en veillant la non dgradation des sites.

    Les dfinitions prsentes et analyses par Andrianambinina et Froger (2006) suggrent en effet que

    lcotourisme est trs largement conu et prsent comme un outil de conservation de la nature et de

    dveloppement : prserver la nature et la culture, gnrer des retombes financires pour les localits et les

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    pays visits. Ces pays sont majoritairement situs en milieu intertropical o se trouve lessentiel de la

    biodiversit mondiale.

    En promouvant lcotourisme dans les pays en dveloppement, il est question damener cette activit

    gnrer des revenus substantiels qui pourront contribuer lamlioration du niveau de vie des populations,

    ce qui est cens limiter lexploitation des milieux par ces populations et permettre ainsi la prservation de

    lenvironnement, voire la restauration ou la rhabilitation des sites et habitats naturels dj dgrads. Il est

    ainsi demand lcotourisme de procurer des revenus directs et indirects aux populations locales par les

    visites de sites, la cration demplois pour les locaux, la plus value apporte lconomie locale, la vente de

    produits et lincitation la cration des emplois pour ces populations locales.

    LAfrique de lEst est une des principales destinations touristiques et cotouristiques. Le succs de cette

    destination rside dans la richesse de la rgion en faune sauvage et en paysages pittoresques vants et

    vendus par les dpliants touristiques. Plusieurs pays de la rgion comptent sur la nature pour renflouer

    leurs conomies nationales et pour se dvelopper, dans la mesure o cette nature gnre des devises

    considrables par le biais du tourisme et/ou de lcotourisme. Considre comme ressources pour le

    dveloppement, la nature est inscrite dans les politiques nationales de protection de lenvironnement

    essentiellement travers les rserves et les parcs. Au Kenya par exemple, le tourisme et/ou lcotourisme

    constituent la principale source de revenus pour lconomie nationale, ces revenus tant engendrs par la

    mise en tourisme ou en cotourisme des parcs et des rserves.

    Si le tourisme et/ou lcotourisme permettent dengranger des devises pour la conservation de la nature et

    pour le dveloppement, il est cependant indniable que ces activits peuvent aussi engendrer la

    dgradation des sites, ce qui, terme, compromet lintrt conomique et limportance cologique des sites

    frquents. Dans une tude sur ltat des aires protges en Afrique de lEst, Calas (2003) distingue

    plusieurs types de parcs et de rserves suivant les degrs de protection et de frquentation :

    Les parcs et les rserves de papier (paper park). Il sagit despaces prtendument protgs mais

    en ralit ces espaces se trouvent dans une situation de dshrence et de dgradation pour

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    plusieurs raisons : dclin administratif national, inscurit ambiante, braconnage, coupe illgale

    darbres, exploitation illgale et prdatrice. Cest le cas de certains parcs et rserves animalires de

    lEst de la Rpublique Dmocratique du Congo, du Nord de lOuganda et du Kenya. Ainsi, suite

    linscurit et au braconnage, de nombreux parcs et rserves sont dlaisss et ne font plus lobjet

    de visites touristiques et/ou cotouristiques. De ce fait, ces espaces ne sont plus efficacement

    protgs et ne contribuent plus de manire efficiente au dveloppement.

    Les parcs trs intensment visits et parfois saturs. Il sagit despaces protgs dont la

    frquentation touristique et/ou cotouristique excessive gnre un impact environnemental

    nfaste. Cest le cas de la plupart des parcs du Centre et du Sud du Kenya et du Nord de la

    Tanzanie. Le dveloppement y est manifestement non durable puisque lexploitation et

    laccumulation de richesses menace la ressource ; ces espaces devraient tre interdits la

    frquentation touristique au moins pour quelques temps afin de laisser aux cosystmes ne serait-

    ce quune chance de rgnration ; ils devraient continuer tre protgs du braconnage et des

    essartages. Mais, pour les entreprises touristiques, au premier rang desquelles les entreprises

    indiennes qui supportent financirement les rgimes en place, le cot court terme dune telle

    mesure serait tel que cela est absolument inenvisageable ; exemple patent de mal-

    dveloppement .

    Les petits parcs animaliers peu connus et peu rentables. Il sagit de parcs situs sur des sites

    marginaux oublis par les grands circuits touristiques. Ils reposent sur une raret animalire

    inconnue du grand public et sont menacs la fois par leur petite taille (risque de passer du statut

    de parc celui de zoo) et par leur faible rentabilit conomique (trs peu de visiteurs et de revenus

    gnrs).

    Les parcs de nouveau en fonctionnement normal. Il sagit de ceux du Centre et du Sud de la

    Tanzanie et de lOuganda. Aprs une phase de lthargie conscutive linscurit et la faible

    rentabilit conomique, ces parcs sont nouveau dans une situation de fonctionnement normal.

    La normalisation de la scurit et de lconomie a permis la reconstitution de la faune qui avait t

    dvaste par les braconniers. Cest le cas des parcs du Queen Elisabeth ou des Chutes de

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    Kabalega o les lphants ont profit du rtablissement de la paix en Ouganda pour trouver

    refuge et se reproduire de manire satisfaisante (Calas, 2003).

    Lcotourisme va-t-il contribuer significativement au dveloppement de lAfrique tout en ne dtruisant pas

    lenvironnement ? On dispose dun recul qui montre malheureusement que la mise en tourisme ou en

    cotourisme sest souvent traduite par une surfrquentation des aires protges, victimes alors du succs

    de leurs potentialits naturelles et de la fascination quelles exercent sur les visiteurs venant essentiellement

    des pays dvelopps (Grenier, 2000 ; Rodary et al., 2003). Dans ces cas, une rgulation des flux simpose.

    Mais trs souvent, lappt du gain et la priorit accorde au dveloppement conomique ne conduisent pas

    les autorits concernes prendre les dcisions appropries.

    Conclusion

    Bien que proccupe par la lutte contre la pauvret et le sous-dveloppement, lAfrique ne sest pas

    dsintresse du dveloppement durable tel quil est mis en uvre dans le monde en particulier depuis la

    confrence de Rio en 1992. Lutilisation des indicateurs de la Banque Mondiale et du PNUD permet de

    brosser un tableau qui prsente ltat du dveloppement de lAfrique caractris par de faibles revenus par

    habitant et par un dveloppement humain faible. Il faut nanmoins relativiser ce diagnostic dans la mesure

    o une partie de la ralit conomique et sociale de lAfrique chappe aux indicateurs. Au-del des

    indicateurs, il apparat important de dcrypter la ralit des problmes de dveloppement des pays

    dAfrique, dautant plus que les proccupations environnementales mondiales sajoutent ces problmes

    de dveloppement. Tel quil a t dfini avec la prise en compte des dimensions conomiques, sociales et

    environnementales, le dveloppement durable aurait pu sonner le glas du dveloppement. Il nen est rien,

    puisque la recherche du dveloppement se poursuit et co-existe avec la recherche du dveloppement

    durable. Les Objectifs du Millnaire pour le Dveloppement (OMD), adopts par lONU en 2000,

    tmoignent de lacuit et de lactualit des problmes de dveloppement 50 ans aprs le discours de H.

    Truman. La relecture des textes fondateurs du dveloppement durable permet de relever les ambiguts et

    les malentendus thoriques et conceptuels entre dveloppement et dveloppement durable. Les actions de

    gestion durable de lenvironnement, inities pour raliser le dveloppement durable en associant dune

    part les pays dvelopps et les pays en dveloppement, et dautre part environnement et dveloppement,

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    suscitent un enthousiasme qui dissimule la complexit et la difficult quil y a trouver des solutions

    efficaces et conjointes aux problmes de dveloppement et de dgradation de lenvironnement. On

    pourrait caricaturer en disant que des pays dAfrique sont entrs dans le train du dveloppement durable

    sans que le problme de leur dveloppement soit rsolu. Ds lors, on assiste une sorte de balbutiement,

    de bricolage et de marchandage pour impliquer ces pays dans la mise en uvre des mesures censes

    permettre dattnuer ou de rgler les problmes environnementaux mondiaux.

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