Géopolitique de la Méditerranée

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Bernard Kayser Géopolitique de la Méditerranée In: L'information géographique. Volume 65 n°4, 2001. pp. 289-303. Résumé La Méditerranée est un espace variable selon le point de vue qu'on adopte pour l'étudier. Mais c'est d'abord une mer, où, loin de n'offrir que des rivages réservés aux touristes, la navigation commerciale est intense. C'est une mer de passage, de transit, un couloir de flux économiques puissants dominés par les hydrocarbures. En en captant une partie, minoritaire, le littoral s'est industrialisé. Les populations, souvent migrantes, s'opposent de part et d'autre d'une fracture fondamentale : au Nord les riches à la croissance retenue et aux niveaux de vie élevée. Au Sud, une démographie longtemps galopante et une gestion malheureuse des ressources, maintiennent la plupart des pays dans la pauvreté et le sous-développement. La dépendance de la Méditerranée prise comme un ensemble interdit de stabiliser une situation conflictuelle marquée par des affrontements régionaux permanents. L'Europe, malgré la proximité géographique, intervient peu, mais les États-Unis sont présents partout. Abstract The Mediterranean is a variable space according to the point of view adopted to study it. It is first a sea where commercial navigation is intense and which does not just provide seaside resorts for tourists. It is a sea of passage, of transit a corridor where powerful flux are dominated by fuel. By capturing a small fraction of the traffic the coast has become industrialized. The populations, often migrant, oppose each other on both sides of a fondamental riff. In the North are the well endowed with sustained growth and elevated life styles. In the South galloping demographics and unfortunate management of resources maintain most countries in poverty- and under developmental. The dependency of the Mediterranean as a whole forbids stabilizing a conflicting situation marked by permanent regional confi-ontations. Although Europe is geographically dose by it intervenes little but the USA are present everywhere. Citer ce document / Cite this document : Kayser Bernard. Géopolitique de la Méditerranée. In: L'information géographique. Volume 65 n°4, 2001. pp. 289-303. http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ingeo_0020-0093_2001_num_65_4_2772

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Bernard Kayser

Géopolitique de la MéditerranéeIn: L'information géographique. Volume 65 n°4, 2001. pp. 289-303.

RésuméLa Méditerranée est un espace variable selon le point de vue qu'on adopte pour l'étudier. Mais c'est d'abord une mer, où, loin den'offrir que des rivages réservés aux touristes, la navigation commerciale est intense. C'est une mer de passage, de transit, uncouloir de flux économiques puissants dominés par les hydrocarbures. En en captant une partie, minoritaire, le littoral s'estindustrialisé. Les populations, souvent migrantes, s'opposent de part et d'autre d'une fracture fondamentale : au Nord les riches àla croissance retenue et aux niveaux de vie élevée. Au Sud, une démographie longtemps galopante et une gestion malheureusedes ressources, maintiennent la plupart des pays dans la pauvreté et le sous-développement. La dépendance de la Méditerranéeprise comme un ensemble interdit de stabiliser une situation conflictuelle marquée par des affrontements régionaux permanents.L'Europe, malgré la proximité géographique, intervient peu, mais les États-Unis sont présents partout.

AbstractThe Mediterranean is a variable space according to the point of view adopted to study it. It is first a sea where commercialnavigation is intense and which does not just provide seaside resorts for tourists. It is a sea of passage, of transit a corridor wherepowerful flux are dominated by fuel. By capturing a small fraction of the traffic the coast has become industrialized. Thepopulations, often migrant, oppose each other on both sides of a fondamental riff. In the North are the well endowed withsustained growth and elevated life styles. In the South galloping demographics and unfortunate management of resourcesmaintain most countries in poverty- and under developmental. The dependency of the Mediterranean as a whole forbidsstabilizing a conflicting situation marked by permanent regional confi-ontations. Although Europe is geographically dose by itintervenes little but the USA are present everywhere.

Citer ce document / Cite this document :

Kayser Bernard. Géopolitique de la Méditerranée. In: L'information géographique. Volume 65 n°4, 2001. pp. 289-303.

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ingeo_0020-0093_2001_num_65_4_2772

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RECHERCHES

Géopolitique

de la Méditerranée

Bernard Kayser t * Professeur émérite - Université de Toulouse 2

La Méditerranée est un espace variable selon le point de vue qu'on adopte pour l'étudier. Mais c'est d'abord une mer, où, loin de n'offrir que des rivages réservés aux touristes, la navigation commerciale est intense. C'est une mer de passage, de transit, un couloir de flux économiques puissants dominés par les hydrocarbures. En en captant une partie, minoritaire, le littoral s'est industrialisé. Les populations, souvent migrantes, s'opposent de part et d'autre d'une fracture fondamentale: au Nord les riches à la croissance retenue et aux niveaux de vie élevée. Au Sud, une démographie longtemps galopante et une gestion malheureuse des ressources, maintiennent la plupart des pays dans la pauvreté et le sous-développement. La dépendance de la Méditerranée prise comme un ensemble interdit de stabiliser une situation conflictuelle marquée par des affrontements régionaux permanents. L'Europe, malgré la proximité géographique, intervient peu, mais les États-Unis sont presents partout.

Et si Fernand Braudel, après Elisée Reclus, Jules Sion et André Siegfried, avec son envoûtante littérature, nous avait fait nous reconnaître dans une civilisation qui n'existe plus. . . Et si le grand historien, en popularisant dans les médias l'image d'une aire méditerranéenne homogène nous avait fait oublier les déchirements permanents qui la caractérisent... Et si ses certitudes avaient influencé à ce point le cercle des décideurs que ceux-ci auraient de la situation une vision grosse de. dommageables erreurs politiques ?

La Méditerranée carrefour, la Méditerranée contrastée et fragmentée, se présente

I he Mediterranean is a variable space according to the point of view adopted to study it. It is first a sea where commercial navigation is intense and which does not just provide seaside resorts for tourists. It is a sea of passage, of transit a corridor where powerful flux are dominated by fuel. By capturing a small fraction of the traffic the coast has become industrialized. The populations, often migrant, oppose each other on both sides of a fondamental riff. In the North are the well endowed with sustained growth and elevated life styles. In the South galloping demographics and unfortunate management of resources maintain most countries in poverty- and under developmental. The dependency of the Mediterranean as a whole forbids stabilizing a conflicting situation marked by permanent regional confi-ontations. Although Europe is geographically dose by it intervenes little but the USA are present everywhere.

à notre esprit comme une image cohérente, comme un système où tout se mélange et se recompose en une unité originale virtuelle. Mais comment nier que deux Méditerranée s'affrontent : la nôtre et celle d' autrui, celle des Nord et celle des Sud ?

Qu'est-ce alors que « LA Méditerranée » ? Une mer, évidemment. Mais bien plus que cela. C'est une expression simplifiée pour désigner un « monde » : le monde méditerranéen. Un monde aux limites floues, aux définitions contradictoires et arbitraires. Et c'est aussi un mythe, ce qui complique tout. La culture, par la li

ttérature et les arts, en a restreint le

* Hommage de la revue à Bernard Kayser. En remettant cet article à la revue, en juillet 2001, l'auteur annonçait son intention de l'enrichir d'un croquis. Son décès, survenu quelques semaines plus tard, ne lui a pas laissé le temps de l'élaborer. La revue dédie ce numéro consacré à la Méditerranée à celui qui fut l'un de ses spécialistes.

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champ ; l'économie l'a élargi à une dimension universelle.

On ne peut sans doute pas s'en tenir à la Méditerranée de la biogéographie et des cartes postales, quoiqu'on soit là proche de la définition la plus rigoureuse. La carte montrant l'aire d'extension de l'olivier révèle la présence presque ininterrompue d'un milieu spécifique s 'enfonçant dans les terres à partir du littoral. Là s'imposent les paysages légendaires où dominent, à l'origine, l'olivier et son cortège de chênes verts, de lavandes et de multiples plantes endémiques. L'homme y a découpé l'espace entre Yager cultivé, le saltus des parcours et la silva, forêt climacique. On en trouve encore des traces. De même qu'on trouve encore les vestiges de l'Empire romain qui, aux premiers siècles de notre ère, avait bouclé le tour de la mare nostrum.

Cette étroite bande d'un type géographique « méditerranéen pur » est repérable malgré les atteintes de la civilisation contemporaine. Siegfried, dans sa « Vue générale » (1943), prétendait que les nuances y sont moins importantes que les ressemblances et y décrivait même une « race méditerranéenne » (!). Il est évident aujourd'hui que cet espace restreint et désarticulé ne peut suffire à combler le concept de Méditerranée. Les activités économiques, les migrations humaines, les villes et leurs hinterlands, les divisions politiques conflictuelles, obligent à prendre comme base d'analyse l'ensemble des pays méditerra-néens : ils sont 18, et ce qui leur est commun en tout cas, ce sont les intérêts qu'ils ont dans la mer qui baigne leurs côtes.

Mais cela ne règle pas la question. Méditerranéen, le Sahara de l'Algérie et de la Libye ? Méditerranéens, le Taurus et les Alpes ? Méditerranéens, Milan et la Lombardie, Paris, la région Nord-Pas- de-Calais ? Les analyses et les statistiques qui prennent en compte la population et l'économie des pays tout entiers

sont fallacieuses. Les analystes et les géographes en particulier devront adopter face à cet espace une géométrie variable et le considérer en définitive avant tout comme un objet géopolitique : un objet géopolitique lieu de contradictions, de conflits, de fractures qui empêchent de le considérer comme un ensemble aux caractères convergents ou comme un géosystème évident, tant il est, de plus, déterminé de l'extérieur.

Superbe et passionnant objet d'étude, donc, mais dont l'extrême complexité exige qu'on définisse à chaque étape de quelle « Méditerranée » il s'agit !

LA MER DE PASSAGE

La mer Méditerranée est tout sauf une mer calme et fermée. C'est une mer fragmentée en plusieurs bassins et agitée en surface par de puissants courants, quand ce n'est pas par des « coups de tabac ». C'est aussi une mer ouverte, dans la dépendance de l'océan. Sans la masse des eaux atlantiques qui s'y déversent au détroit de Gibraltar (12 km de large), la Méditerranée serait asséchée depuis

longtemps, du fait de l'importance de 1' evaporation (1 m par an). Les fleuves

et les pluies ne lui apportent que 900 km3 d'eau, tandis que l'océan lui en fournit 38000 km3.

Mesurée approximativement le long du 35° de latitude Nord, elle se développe sur 3 800 km.

Au plus large : 800 km entre le fond du golfe de Gênes et la Tunisie ; au plus étroit, 138 km entre la Sicile et la Tunisie. Là, un seuil sépare le bassin occidental du bassin oriental. La Méditerranée occidentale est un bassin d'effondrement, dont la tectonique est soulignée par un volcanisme actif (Vésuve, Etna, Stromboli). La Méditerranée orientale a une configuration plus complexe, les effondrements ayant individualisé des

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mers ayant leur dynamique propre : la mer Adriatique, la mer Egée.

Le courant, qui entre en surface par le détroit de Gibraltar provoque dans le bassin occidental un vaste mouvement giratoire. Il se poursuit dans le bassin oriental, accéléré par les détroits. Le courant rapide des Dardanelles s'écoule de la mer Noire vers le Sud. La houle est de peu d'amplitude, mais ses ondulations serrées, combinées avec des vagues courtes et creuses, créent les conditions d'un « gros temps » redouté. La marée, en revanche, est très faible : elle ne dépasse guère 20 à 30 cm en vive eau, sauf dans quelques configurations particulières (2 m dans le golfe de Gabès). Durant l'été, la mer est calme, mais la navigation y devient périlleuse dès l'équinoxe. De multiples naufrages en témoignent : les plongeurs découvrent au fond de l'eau les épaves de navires antiques encore chargés de statues de marbre et d'amphores d'huile et de vin.

La Méditerranée est chaude, salée, bleue. Sa position en latitude et son enfermement entre montagnes et déserts expliquent qu'en février, mois le plus froid, la température superficielle de l'eau s'élève à 12° sur les côtes provençales et 17° sur les côtes du Levant. En août, elle atteint généralement 22° sur le littoral français, 27° sur le littoral égyptien. La Méditerranée est salée, parce que l'apport des eaux océaniques ne compense pas complètement les pertes par evaporation : de 3,6 gr à 3,9 gr de sel par litre d'eau au fur et à mesure qu'on s'éloigne de Gibraltar. Enfin, la « Grande Bleue » n'a pas volé son nom : sa couleur reflète un azur souvent sans nuage dans une eau transparente et limpide. Mais l'eau limpide est une eau sans charge organique, peu plane- tonique : elle est pauvre. Pour 4 millions de tonnes de poissons consommées dans la région, à peine plus d'un million sont pêchées en Méditerranée.

Aux yeux des Anciens, la Méditerranée était une immensité. La navigation n'y a d'abord été qu'un cabotage et des siècles ont passé avant que de hardis navigateurs ne se risquent aux traversées. Et F espace-temps a muté. À la voile, et selon les caprices du vent, le voyage de Gibraltar à Istanbul pouvait prendre deux mois. Aujourd'hui, par n'importe quel temps, les traversées se font en quelques heures quand ce n'est pas, avec l'avion, en quelques dizaines de minutes. La Méditerranée est un lac... Mais presque, seulement: car c'est un lac que les navires empruntent bien plus comme une «route» que pour relier ses rivages entre eux.

À chaque instant, au moins 2000 bâtiments commerciaux de plus de cent tonneaux de jauge brute, dont 300 pétroliers, sont en circulation sur la Méditerranée. Le nombre annuel des traversées peut être estimé à plus de 200 000. C'est, après la Manche, le second trafic maritime le plus dense du monde. Aux abords des grands ports, des détroits et du canal de Suez, l'encombrement est visible; à Gibraltar les eaux territoriales se chevauchent et un accord international a dû réglementer l'usage des «rails». Mais le cabotage national, qui n'est pas négligeable et le cabotage international ne représentent en tout que 20 % du trafic. L'essentiel du trafic est donc transméditerranéen, soit qu'il fasse communiquer les ports avec le reste du monde, soit qu'il pratique cette mer comme une voie de passage, sans escale.

Le canal de Suez, pour sa part, a enregistré le passage de 300 millions de tonnes (1997). Son avantage en distance sur la route du Cap est évident : - 42 % de Bombay et - 24 % de Yokohama, jusqu'à Liverpool. Son élargissement à 23,5 mètres et surtout son approfondissement à 62 pieds lui permettent d'accepter le transit de navires de 150000 tonnes. Les travaux en cours autoriseront le passage des ULCC (over large crude carriers). L'oléoduc

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Suez-Méditerranée, le Sumed, du golfe de Suez au terminal d'Alexandrie, permet de délester les supertankers qui empruntent le canal. Mais ce n'est plus le pétrole qui fournit le gros du trafic. Au contraire, les porte-conteneurs assurent désormais l'essentiel du passage, rééquilibrant le trafic dans les deux sens.

Des tonnages considérables renforcent les courants transméditerranéens. Le minerai de fer et le coke métallurgique, aux origines lointaines, approvisionnent les complexes sidérurgiques «sur l'eau» construits à Fos ou à Tarente. En revanche, le transport des grains alimente de plus en plus un courant «Nord»-«Sud»: l'Algérie et l'Egypte en sont de gros importateurs.

La navigation de plaisance, quant à elle, joue désormais un rôle de premier plan tant au point de vue économique qu'au point de vue de la consommation d'espace littoral. La plus proche de la clientèle et bénéficiant de l'environnement le plus confortable, la côte européenne est la mieux équipée. L'Italie a ouvert 455 ports aux plaisanciers, dont certains sont intégrés à des marinas démesurées.

Les ports constituent une pièce maîtresse de l'économie méditerranéenne. Les sites naturels abondent, mais leur étroitesse a obligé bien souvent à s'en échapper ou à les artificialiser. À Tyr, puis à Alexandrie, les Anciens ont montré leur maîtrise pour la mise en place de digues de protection en lourds blocs taillés, tandis qu'à Carthage et à Ostie, ils ont creusé des bassins dans les nappes alluviales, puis ont réussi à colmater, par l'usage d'un pseudo-ciment hydraulique, les murs des quais.

À l'époque contemporaine, le pétrole domine l'activité portuaire méditerranéenne. Le bassin compte 58 ports pétroliers, 60 raffineries et une centaine de centrales thermiques à fuel.

Mais les grands ports d'aujourd'hui sont aussi des grandes villes. Marseille, avec ses annexes de Fos et de l'étang de Berre, est le troisième port d'Europe, surtout grâce à son activité pétrolière: les importations, le raffinage et l'expédition par l'oléoduc sud-européen. Les ports italiens sont eux aussi largement ouverts sur l'Atlantique et l' outre-Suez: deux ensembles dominants s'y partagent les débouchés et l'irrigation des régions industrielles et de l'Europe centrale. La Mare Ligure dispose d'un ensemble portuaire qui, avec Gênes, Savone, La Spe- zia et Livourne, a pu, en ménageant dans l' arrière-pays voies d'accès et platefor

mes, conquérir une vraie spécialisation dans le transport des conteneurs. UAlto Adriatico, avec Ravenne, Venise-Mar- ghera, Montefalcone et Trieste, répond, de son côté, aux besoins de la plaine du Pô. Vers la fin des années 90 a été mis en service en Calabre le port de Gioia Tauro. Construit ex nihilo à l'aide de capitaux génois, il a connu un succès rapide et considérable. Proche du détroit de Messine, disposant d'immenses plates-formes de stockage et équipé d'installations ultra-modernes, le port de Gioia Tauro est en mesure de bouleverser les équilibres régionaux.

Sur la rive sud, Arzew est un grand port d'exportation pétrolière et Alexandrie un grand port d'importation pour le ravitaillement de l'Egypte. Sur la côte égéenne de la Turquie, Izmit surtout, puis Izmir et Istanbul concentrent la plus grande part de l'activité.

Enfin, on compte en Grèce - un cas à part - 128 ports grands et petits, dont la plupart vivent de cabotage et de croisières. Mais la spécialité de la Grèce est ailleurs. Les grands armateurs de ce petit pays possèdent à eux tous, sous pavillon hellénique ou non, la seconde flotte marchande du monde et dominent le marché mondial du tramping.

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LE PARTAGE DE L'ESPACE

Les conventions internationales sont telles dans le domaine des souverainetés sur les espaces maritimes qu'appliquées à la Méditerranée, mer étroite, compartimentée et semi-fermée, elles sont nécessairement la source de conflits presque insolubles. La fixation des limites de juridiction et de droit maritime de chaque pays donne lieu à d'interminables affrontements. Il s'agit en particulier des problèmes d'eaux territoriales, de détroits, de plateau continental et de zones économiques exclusives.

En principe, la mesure de la limite extérieure de la mer territoriale est fixée à 12 milles marins et cette règle est appliquée en Méditerranée depuis la signature de la convention de Montego Bay (1982): elle prend pour principe l'établissement d'une ligne de base droite. Dans cette zone contiguë, l'État côtier dispose du droit de contrôle douanier, sanitaire, fiscal et d'immigration, et de pleine compétence pour la protection du patrimoine sous-marin. Il dispose de l'exploitation des ressources marines de toutes sortes. Le tiers de la surface maritime totale est ainsi sous la juridiction directe des États.

Le passage des Détroits est régi par la convention de Montreux (1936), d'après laquelle la Turquie, gardienne des Dardanelles, se doit d'interdire le passage de bateaux de guerre (les sous-marins soviétiques venaient de l'Atlantique).

Le plateau continental pose le problème le plus conflictuel. Il a été défini de façon très laxiste par la convention de Montego Bay: «le prolongement naturel du territoire terrestre jusqu'au rebord externe de la marge continentale ou jusqu'à 200 milles marins des lignes de base. . . de la mer territoriale». Or il n'y a en Méditerranée aucun plateau continental qui puisse prétendre à une étendue de 200 milles, la distance entre deux côtes opposées n'atteignant jamais 400 milles.

Il s'agit donc de régler le problème au cas par cas. Quelques accords bilatéraux ont été conclus, mais l'histoire récente est marquée par de graves différends: entre la Grèce et la Turquie, entre la Libye et la Tunisie.

À l'échelle locale, le paysage littoral mêle les différents genres. Dans l'imagerie médiatique, qui n'est pas trompeuse, il allie le rocher et la plage: la découverte d'un croissant de sable ou de galets au fond d'un golfe ou d'une crique ne peut surprendre. Mais est-il avéré que, comme l'affirment les experts, sur 46000 km de côtes, 15000 soient déjà irrémédiablement mités ou bétonnés ?

Les mesures qui sont prises, insuffisantes et surtout mal coordonnées malgré les conventions internationales, devraient pouvoir limiter les dégâts. Parmi celles-ci, celles qui ont comme objectif immédiat de préserver le milieu côtier naturel sont drastiques mais d'application délicate. Les parcs et les réserves se multiplient. En France, le conservatoire de l'espace littoral a fait l'acquisition de près de 15000 hectares. Certaines îles sont intégralement protégées, comme Formentera (Baléares), Gozo (Malte), Skiatos et Skopelos (Egée), Malina Losinj (Dalmatie) et le parc national de Port-Cros.

Les pessimistes considèrent que toutes ces mesures trouveront leurs limites dans une nouvelle menace qui pèserait sur le littoral: l'élévation du niveau de la mer, qui pourrait atteindre 20 cm d'ici l'an 2025 en fonction du réchauffement annoncé du climat dû à l'effet de serre. Combinée avec des affaissements géologiques constatés sur certains secteurs côtiers (50 cm par siècle mesurés sous le delta du Nil), cette élévation du niveau de la mer pourrait être dangereuse. Mais encore faut-il mesurer les risques de changement climatique à la lumière des oscillations périodiques qui caractérisent l'ère quaternaire.

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LA FRACTURE DÉMOGRAPHIQUE

Imaginer, avec les savants du xixe siècle, un «homme méditerranéen» contredit l'histoire et les observations. C'est seulement peut-être chez les Égyptiens, qui sont des oasiens, qu'on pourrait trouver l'archétype de la fixité et de la stabilité.

Les invasions, les guerres, les colonisations, les expulsions et les déportations, les purifications ethniques ont dès longtemps eu raison de l'improbable «race». De l'extérieur sont venues les conquêtes des nomades. À l'intérieur du bassin, les entrecroisements se sont inscrits dans les siècles. Les colonisations phénicienne, grecque et romaine ont laissé des traces; moins que l'expulsion des Juifs d'Espagne dont la plupart s'installent de l'autre côté de la mer, en terre musulmane, puis celle des moris- ques, ces andalous qui «rentrent» au Maghreb. Les colonisations française et italienne, plus près de nous, brouillent encore les fragiles équilibres avant que de nouvelles expulsions ne viennent à bout de leurs « pieds-noirs » Et les enchevêtrements, fruits des aléas de l'histoire, ne sont nulle part aussi dramatiquement vécus que dans les Balkans, où l'actualité du démembrement de la Yougoslavie en atteste les ravages : 31 % de Serbes, 17 % de Croates et 44 % de musulmans - des Slaves du Sud islamisés - en Bosnie-Herzégovine.

L'importance des migrations méditerranéennes est désormais telle au point de vue démographique, mais aussi social, culturel et politique, que celles-ci finissent, dans certaines régions, par dominer la dynamique des sociétés. Au Proche- Orient, dans des États aux frontières fragiles, la présence massive d'« étrangers» souligne les perturbations de la démographie. Il y aurait eu jusqu'à trois millions d'Égyptiens dans les autres pays arabes, 300000 Syriens dans les pays du Golfe. La population libyenne compte près d'un quart d'étrangers, près de la

moitié de la population active; celle d'Arabie Saoudite en compte une proportion sans doute plus grande mais jalousement tenue secrète. Et le Koweït contemporain n'est-il pas jugé avoir été «fait» par 400000 Palestiniens ?

La plupart des mouvements qui ont dessiné ce patchwork humain sont intra- méditerranéens. Mais les forces centrifuges ont pris le dessus (c'est, là aussi, la notion d'ensemble qui est contestée). Vers la Méditerranée, c'est Yalyah des Juifs d'Europe centrale et orientale, entre autres, qui permet de construire l'État d'Israël. Hors de la Méditerranée, l'émigration a proliféré. La diaspora des Palestiniens les a conduits non seulement dans les pays voisins, mais aussi à une dispersion des élites à travers le monde. La diaspora des Libanais est plus ancienne: entamée au milieu du XIXe siècle, elle a pris des proportions telles qu'avant même la dernière guerre civile il y avait plus de Libanais répartis dans 70 pays qu'au Liban lui-même (3 millions d'habitants). Les réseaux de cette diaspora alimentent des courants migratoires persistants et des flux financiers qui bénéficient souvent au pays d'origine.

Mais l'essentiel de l'émigration méditerranéenne est constitué par celle des travailleurs ayant quitté le «Sud» pour le «Nord» dans les années cinquante, soixante et soixante-dix. Deux millions de méridionaux italiens ont fourni la main-d'œuvre aux entreprises de la partie développée de leur pays, après que le mouvement d'installation d'abondantes familles italiennes dans l'Europe du Nord-Ouest se soit à peu près tari. De la même façon, les anato- liens, turcs de l'intérieur, affluent vers les côtes et vers Istanbul, tout en maintenant un fort courant vers l'Allemagne. La combinaison d'un exode rural toujours consistant et de l'émigration vers l'étranger caractérise encore la Grèce, dont plus d'un million de ressortissants

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sont installés hors du pays. Là, comme au Portugal - un Portugais sur dix est à l'étranger -, les fêtes du retour temporaire, aux congés du mois d'août, sont qualifiées de méditerranéennes. Si l'on ajoute à cela le million de Marocains et le million d'Algériens - 9 % de la population active du pays - qui vivent en Europe, on ne peut s'étonner du nombre total, généralement admis, des travailleurs méditerranéens expatriés: 15 millions au moins. (Il est juste d'ajouter ici que l'Italie et l'Espagne sont désormais devenus des pays d'immigration nette.)

La ligne de fracture la plus évidente divise la Méditerranée sur le plan de la démographie. Elle oppose un Nord, baptisé encore Arc latin, et un Sud généralement identifié par le sigle PSEM: pays du Sud et de l'Est méditerranéens. Parmi ces PSEM, le Sud est constitué par les pays arabes et l'on rassemble dans l'est l' ex- Yougoslavie, l'Albanie, la Turquie (66 millions) et Malte, Chypre, Israël. L'évolution des populations, en nombre d'habitants, est spectaculaire : de 1950 à 2000, alors que la population des régions méditerranéennes de l'arc latin n'a pas augmenté de 30 %, celle des PSEM a gagné plus de 150 %. Au total, pour une population méditerranéenne de 355 millions d'habitants, le « Nord », c'est-à- dire l'Arc latin, en compte 71 millions, soit 20 %. Dans les PSEM, le « Sud », le nord de l'Afrique, de l'Egypte au Maroc compte pour 50 %. Aujourd'hui, la croissance annuelle de la population des pays de l'Arc latin se situe entre 0 et 0,5%; celle de la plupart des PSEM entre 2,5 et 3 %.

La croissance démographique très rapide des PSEM est à juste titre considérée par la plupart des analystes comme au centre de la problématique méditerranéenne; son interaction avec l'économie, l'environnement, la politique, est évidente.

La Turquie est, avant même l'Egypte, le plus peuplé des PSEM. Bien que son taux de fécondité ait baissé, sous l'effet de la modernisation, de 6,4 en 1960 à 3,6 en 1990, la croissance annuelle de la population reste considérable. Un million d'habitants de plus chaque année; c'est juste le nombre d'emplois à créer, dans ce pays où 55 % de la population a moins de 25 ans.

L'évolution démographique du Maghreb concerne directement, à plus d'un titre, l'Europe - pas seulement méditerranéenne. On dit assez que cette évolution est explosive. En réalité, s'ils sont touchés - inégalement - par la «transition démographique», les pays du Maghreb sont surtout maintenant les héritiers d'une dynamique incontrôlée. Dans les trois pays, la diminution de la mortalité est heureusement responsable d'une élévation rapide de la croissance. La Tunisie, la première, instaure dès le début des années soixante un programme de planning familial qui limite aujourd'hui le taux de croissance autour de 2 % : la tradition citadine du pays, son encadrement administratif efficace et surtout l'acceptation par la société d'une amélioration du statut de la femme l'expliqueraient assez bien. Au Maroc, à peine plus tard, le programme de limitation des naissances est mis en place, mais les obstacles culturels en freinent l'efficacité (croissance à 3,1 %). Et c'est en Algérie, finalement, que le drame démographique est à son paroxysme; mais l'opinion européenne le tient, à tort, comme symbolique de la situation sud-méditerranéenne. Après l'indépendance, le taux de croissance fait un bond et la population double en vingt ans. L'idéologie tiersmon- diste, socialiste et nataliste du régime fait refuser jusqu'en 1983 le programme de planification des Nations Unies, qui réussira quand même par la suite à faire baisser le taux de fécondité de 8 à 5. Le résultat, c'est que 55 % de la population a moins de 20 ans. Dans les 20 ans qui viennent elle passera de 30 à 40 millions.

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Quelle solution, dès lors, aux problèmes de l'éducation et du chômage? Dans la tranche des 15-24 ans, assez complètement scolarisée, les deux tiers des jeunes gens sont sans emploi. Les taux généraux d'activité attestent à la fois l'impasse et la crise sociale: 42 % pour les hommes et autour de 5 % pour les femmes (25 % en Tunisie). Ne doit-on pas souligner, en contrepoint, qu'aujourd'hui, malgré la croissance économique de pays comme la Turquie, l'Egypte ou le Maroc, le PIB de l'Arc latin représente encore près de 85 % du PIB méditerranéen?

Cette évolution démographique, enfin, ne crée pas seulement une différenciation entre pays méditerranéens; elle s'applique aussi de façon sélective à l'espace, indépendamment des frontières. La Méditerranée est le lieu de processus accentués de littoralisation et d'urbanisation. Les prospectivistes annoncent que, d'ici 2025, plus de 40 % des méditerranéens se presseront sur le littoral et que le nombre des citadins doublera.

Tab. 1 : Population des pays méditerranéens, estimation année 2000 (milliers)

Régions méditerranéennes d'Espagne Régions méditerranéennes de France

Régions méditerranéennes d'Italie Albanie Bosnie-H.*

Chypre

Croatie Grèce Malte Slovénie* Yougoslavie*

dont Montenegro Israël Liban Palestine

Syrie Turquie Algérie Egypte

Libye Maroc Tunisie

23000 15000

33000 3300 4000 700

4200 10500 400 2000

10 60 600 6000 3200 3000

16000 65000 30000 66000 6000

28000 9000

* Ex- Yougoslavie : la Slovénie continentale a un accès très limité à la mer, la Yougoslavie n'y accède que par le Montenegro et la Bosnie, par les caprices de l'histoire, ne dispose que de quelques kilomètres de côtes, sans port.

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LES MENACES DE L'URBANISATION

Les sites, le passé millénaire et ses traces, les fonctions portuaires, certaines formes d'organisation de l'espace et d'urbanisme pourraient faire que les villes donnent à la Méditerranée cette unité qu'on cherche en vain. Mais cette apparente unité ne résiste pas aux bouleversements contemporains : la coupure Nord- Sud, ici encore, sépare les villes relativement maîtrisées et policées du Nord aux villes proliférantes et sauvages du Sud. D'un côté comme de l'autre, pourtant, l'urbanisation progresse à pas de géants, tant comme phénomène de concentration d'une population croissante que comme processus irrésistible d'expansion spatiale.

Quantitativement et qualitativement, l'urbanisation du bassin méditerranéen diffère s'il s'agit des pays occidentaux ou des pays du Sud et de l'Est. L'ensemble de la population urbaine des pays riverains s'élève en 2000 aux environs de 270 millions d'individus; c'est trois fois ce qu'elle était en 1950 (90 millions) ; elle serait de 400 millions en 2025. Dans les pays de la Méditerranée occidentale, la croissance de la population urbaine a été très rapide entre 1950 et 1970, résultant de la combinaison de l'exode rural et du mouvement naturel: les effectifs ont augmenté de 50 % pendant la période. Par la suite, cette croissance s'est nettement ralentie, surtout en Italie et en France. En revanche, la poussée de la population urbaine n'a pas cessé de s'accentuer dans les PSEM: elle a quadruplé entre 1950 et 1990, avec une accélération pouvant atteindre les 3 % par an. Aujourd'hui, dans l'ensemble des pays méditerranéens, plus de 60 % des habitants sont des citadins.

Tab. 2 : Villes millionnaires du bassin méditerranéen

(en millions d'habitants, 2000)

Le Caire Istanbul

Alexandrie Alger Athènes Naples

Casablanca Rome Ankara Tel Aviv Damas Tripoli

Izmir Barcelone Tunis Beyrouth

Alep Valence Marseille

Rabat Belgrade

12

10 4 3,7 3,7 3,3

3,2 3

2,9 2,1 2 2

2 2 1,8 1,8 1,6 1,5 1,4

1,3 1,2

Les villes méditerranéennes sont, pour la plupart, à l'origine, des villes portuaires. Elles sont devenues des villes industrielles, transformant les produits d'importation ou fabriquant pour l'exportation, bientôt marquées par la domination pétrolière qui engendre raffineries et pétrochimie. Mais elles sont, peu à peu, avec le gonflement de leur population, devenues des organismes complexes, où l'industrie ne joue plus le rôle moteur que la fonction portuaire n'assume plus vraiment non plus.

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Les grands problèmes d'ordre général concernant l'urbanisation méditerranéenne s'appellent consommation d'espace - alors que l'espace disponible est chichement pourvu par la nature -, consommation d'eau - alors que les ressources locales s'avèrent insuffisantes en maints endroits - et pollution de l'air et de la mer. À cet égard, le Sud n'a que peu à envier au Nord, où ces problèmes, s'ils se posent en partie différemment au point de vue qualitatif, n'y ont pas moins d'acuité et d'actualité.

Rien d'étonnant, dans ces conditions, à ce que les auteurs du Plan bleu, adopté par le programme des Nations Unies pour l'environnement aient placé en tête des conditions de sauvegarde du littoral et de la mer la maîtrise de l'urbanisation.

LA FRACTURE ECONOMIQUE

La situation de la Méditerranée dans l'économie mondialisée est caractérisée à la fois par l'état de dépendance de la plupart des pays riverains et l'évidente fracture séparant les pauvres des riches. La réalité actuelle du sud et de l'est du bassin «relève d'une contradiction fondamentale entre, d'une part, une internationalisation des économies et son cortège de décisions prises ailleurs et, d'autre part, une marginalité croissante dans les flux économiques mondiaux, sans perspective claire de retournement de tendance. Dans un monde d'interdépendances, la Méditerranée souffre d'une dépendance à sens unique» (H. Regnault).

LES PNB : UN ABÎME

La Méditerranée riche, celle de l'Union européenne, pèse plus de 15 % dans le commerce mondial; la Méditerranée pauvre, celle des pays du sud et de l'est, moins de 3 %. Pour une population, rappelons-le, de 85 millions au Nord et 270 millions au Sud. En termes de Produit national brut par habitant, la

Méditerranée européenne pèse cinq fois plus que l'ensemble des PSEM.

L'échelle des PNB/hb donne un aperçu saisissant de l'hétérogénéité économique du bassin. En dollars de l'an 2000, le PNB par habitant se situe autour de 26000 en France et 21000 en Italie, de 15000 en Espagne et de 11000 en Grèce, en rapides progrès. Rien à voir avec les résultats des PSEM, à l'exception d'Israël (16000) : la Turquie est à 3100, l'Egypte à 1300, le Maroc à 1200... L'internationalisation de la Méditerranée est révélée par le mouvement des marchandises, des capitaux et des hommes. Pour ce qui est des marchandises, le commerce extérieur, généralement bénéficiaire au Nord, connaît dans les PSEM un déficit alarmant. L'Algérie et la Libye sont les seules à enregistrer un solde positif. Au contraire, l'Egypte importe, en valeur, trois fois plus qu'elle n'exporte. Les importations de la Turquie, d'Israël et de la Tunisie excèdent de 50 % leurs exportations. Les flux de capitaux favorisent aussi largement le Nord : aucune comparaison n'est possible entre les investissements étrangers dans les pays latins et dans les PSEM. Mais, même faibles, ces investissements dans les entreprises industrielles, bancaires et touristiques jouent un rôle important dans l'économie faible de ces pays: ils sont en tout cas partout accueillis avec enthousiasme. Le produit de l'émigration et du tourisme complètent le tableau de la large ouverture de la Méditerranée sur l'extérieur. Le rapatriement des fonds des travailleurs à l'étranger - que ce soit en Europe ou dans les pays arabes - représente une part appréciable des ressources en devises. En Tunisie, il est égal au cinquième des exportations, en Egypte il dépasse largement leur montant; en ex- Yougoslavie, le produit de l'émigration était égal à la moitié de celui des exportations. Enfin, l'impact du tourisme dans les comptes nationaux est loin d'être négligeable. Encore une

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fois, ce paramètre est surtout favorable aux quatre pays de l'Union européenne. Mais, dans les PSEM à fort déficit commercial, les recettes du tourisme parviennent à en combler une bonne partie : 60 à 70 % pour la Tunisie, le Maroc, Israël, la Turquie.

Les PSEM ne comptent que pour moins de 5 % dans l'ensemble des exportations de l'Union européenne et pour à peine 4 % dans l'ensemble des importations. Qui plus est, ces taux sont en recul. La «déméditerranéisation» du système d'échanges, consécutif en particulier à la décolonisation, a fait passer en trente ans l'implication du commerce français dans les PSEM de 20 à 5 %. La stabilisation récente de la part de l'Europe latine face aux PSEM n'est due qu'à la montée en puissance du commerce italien. Pour l'ensemble de l'Union européenne, les exportations dans les PSEM représentent 45 milliards d'euros, contre 33 milliards aux importations. Mais les pays de l'Union européenne constituent près de la moitié des débouchés des PSEM.

La dissymétrie est flagrante. Certains experts la considèrent comme non seulement injuste, mais dangereuse à terme. C'est pourquoi des dispositifs d'aide, soit multilatérale, soit bilatérale, sont mis en place. Mais force est bien de constater que cette aide est modeste. La Méditerranée est loin d'être une destination prioritaire de l'aide européenne. L'apport de celle-ci ne représente qu'un dixième de l'aide par habitant dans les PSEM, et n'entre que pour 1,3 % dans leur PIB.

La participation de l'Union européenne en tant que telle est donc faible, mais elle n'est pas nulle. Des accords de coopération, conclus par zones (Maghreb, Machrek) depuis une vingtaine d'années, sont réactivés et leurs dotations augmentées. Pourtant, la faiblesse persistante de cette aide reste à opposer à la

générosité des discours euro-méditerranéens. Elle est surtout à comparer avec l'ampleur des moyens qu'elle met en œuvre pour compenser les disparités régionales dans ses propres «Sud». L'intervention des divers fonds structurels communautaires, l'application supplémentaire des « Programmes intégrés méditerranéens» - les PIM - dans les pays européens mobilisent un montant de capitaux publics auprès desquels ceux consacrés aux PSEM font bien pâle figure.

FORCE ET FAIBLESSES DE L'INDUSTRIE

Phénomène capital et pourtant souvent ignoré, la Méditerranée est devenue en l'espace de trente ans une des aires industrielles majeures du globe, alors qu'elle était restée, jusqu'au début des années soixante, à l'écart de l'économie industrielle moderne. Cela est dû à la découverte de ressources en hydrocarbures, à la modernisation et au bas prix des transports maritimes de pondéreux, à l'accumulation dans les ports et les villes proches du littoral d'une inépuisable réserve de main-d'œuvre et, peut-être surtout, à de puissants investissements répondant à une volonté politique. De 3 % de la production mondiale vers 1950, la production industrielle - hors produits énergétiques - de l'ensemble des pays méditerranéens est passée à un peu plus de 10 %. Entre 1960 et 1980, période du maximum de croissance, la croissance industrielle des pays méditerranéens du Nord s'est élevée annuellement à 5,7 % et celles des pays du Sud et de l'Est à 6,9 %. Depuis 1980, les courbes se sont infléchies dans le groupe du Nord, enregistrant un taux inférieur à 1 %, tandis qu'elles se maintenaient à peu près au Sud. Cependant - énergie toujours à part - l'industrie manufacturière des pays du Nord dominait l'ensemble d'une façon écrasante: l'Italie, la France et l'Espagne en assurent plus de 80 %.

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Évidemment, le tableau est sensiblement différent, comme toujours, si l'on s'en tient à l'analyse des seules régions méditerranéennes de ces pays. La part de la valeur ajoutée de l'industrie manufacturière dans la zone littorale (délimitée par le Plan bleu) est de 50 % en Italie, 32 % en Espagne, 6 % en France, contre 100 % en Grèce et 90 % en Egypte. Il n'en reste pas moins que la dissymétrie Nord-Sud demeure spectaculaire.

Les foyers industriels anciens, qui se sont transformés en se restructurant, sont évidemment situés au Nord. Il s'agit toujours d'industries diversifiées et souvent modernisées - agro-alimentaire, textile, machines, chimie, etc. - liées aux agglomérations urbano-portuaires.

L'originalité de l'industrie méditerranéenne, outre celle liée à l'économie des hydrocarbures, réside dans la ceinture des grands complexes d'industrie lourde. La plupart de ceux-ci on été créés au cours des années soixante, la crise consécutive au premier choc pétrolier ayant fait annuler certains projets (sidérurgies de Calabre, de l'Ouest algérien).

Ces complexes industriels sont pour la plupart littoraux, leur localisation étant liée à des installations portuaires, soit réaménagées, soit plus souvent créées de toutes pièces. La sidérurgie occupe une place essentielle dans ce dispositif, transformant les matières premières généralement importées. La ceinture est presque complète.

Les hydrocarbures, comme source d'énergie, puis comme matière première de l'industrie chimique, sont le facteur- clé du développement industriel de la Méditerranée. La production de pétrole et de gaz en Algérie, en Libye, en Egypte et en Syrie, pour importante qu'elle soit, est moins déterminante pour la dynamique économique que les courants d'échange qui mettent face à face le Nord consommateur et le Sud

teur: une partie importante du pétrole du Moyen-Orient, qui alimente l'Europe du Nord-Ouest et l'Amérique du Nord, emprunte les routes maritimes de la Méditerranée. Les raffineries ont d'abord été construites sur les rives Nord, mais le Sud s'est rapidement équipé et la capacité totale de raffinage des installations du littoral méditerranéen est de l'ordre de 280 millions de tonnes de pétrole brut pour 60 raffineries et 8 % de la capacité mondiale. Mais la valeur ajoutée n'est plus tellement là: elle est dans la pétrochimie, développée au Nord comme au Sud, dans de grands complexes liés aux centres de raffinage. Or le Sud tend à développer sa pétrochimie lourde, ce qui incite le Nord, pour se défendre contre la concurrence, à chercher à produire toujours plus dans le secteur de la chimie fine et sophistiquée.

Enfin, s'opposent aux complexes industriels lourds les industries de pointe qui se sont développées avec l'attrait des cadres pour les rivages méditerranéens. Il ne s'agit là que de cas isolés, mais qui sont significatifs en ce qu'ils peuvent d'une certaine façon préfigurer un avenir souhaitable. La technopole de Barcelone en est un exemple remarquable et Montpellier, après avoir hébergé IBM, se donne comme lieu d'accueil pour des activités de haut niveau scientifique et technique. Sophia- Antipolis, dans l'immédiat arrière-pays de la Côte d'Azur, est un business park sur le modèle californien. À proximité de six golfs, d'une quarantaine de courts de tennis, de la mer et des stations de skis à une heure de route, un millier d'entreprises et de laboratoires cohabitent et échangent sur ce parc de 2300 hectares, créé ex nihilo. L'agrément et l'intérêt du site font que les salariés, lorsque leur société se restructure et leur propose une mutation «dans le Nord», préfèrent rester sur place et fonder leur propre entreprise, bénéficiant aussi des conditions exceptionnelles des technologies de communication.

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BENEFICES DE L'INVASION TOURISTIQUE

Le tourisme méditerranéen n'est pas né d'hier. Le premier guide touristique de forme moderne, alliant les informations pratiques aux commentaires culturels, est paru en 1600, moins de deux ans après la mort de Philippe II : œuvre d'un habitant d'Anvers, il concerne l'Italie. Quelques décennies plus tard, la mode du « Grand Tour» - un voyage en Méditerranée - s'impose aux jeunes aristocrates anglais. «La grande raison de voyager, écrit le Dr Johnson au début du xvine siècle, c'est de voir les rives de la Méditerranée». Mais la ruée est bien plus tardive. Ce n'est qu'en 1931 qu'avec beaucoup d'hésitation les hôteliers de la Côte d'Azur rassemblés décident d'ouvrir leurs hôtels l'été. Et c'est F après-seconde guerre qui voit déferler la vague du tourisme de masse.

On avance généralement un nombre supérieur à 180 millions de touristes étrangers fréquentant, sur une année, les rivages méditerranéens. Ce nombre - la plus forte concentration mondiale - représente plus qu'un doublement depuis le début des années soixante. Il s'agit, fondamentalement, d'un tourisme balnéaire d'été, dont l'Espagne, l'Italie et la France sont les principaux bénéficiaires.

Avec plus de 6 millions de lits d'hôtel et au moins autant en para-hôtellerie, la Méditerranée possède le quart de la capacité mondiale d'hébergement touristique. Plus des 4/5e sont situés dans le Nord-Ouest du bassin. C'est là, en effet, que les flux en provenance de l'Europe industrielle se dirigent en bénéficiant d'un système efficace et rapide de communication et de transport. L'Allemagne, qui est désormais le premier marché mondial de consommation touristique, fournit les plus gros contingents, avec plus de 10 millions vers l'Italie, plus de 7 millions vers l'Espagne, plus d'un million vers la Grèce. L'Angleterre et la

France ont une prédilection pour l'Espagne. La Scandinavie, le Bénélux, la Suisse, répartissent des flux croissants entre des destinations plus diverses.

Pour une bonne part, les problèmes liés à la consommation d'espace et d'eau dont il a déjà été question sont dus à la fréquentation touristique : problèmes qui, à cause du caractère saisonnier de celle-ci, impliquent un surdimensionne- ment coûteux des infrastructures et des réseaux. La pollution générée par le tourisme s'ajoute à la pollution d'origine urbaine et industrielle pour créer des situations difficilement maîtrisables.

L'économie touristique coûte cher. L'État et les collectivités locales assument une partie de ces coûts. Ils interviennent aussi par des investissements publics considérables dont la rentabilité n'est pas évidente, si la nécessité l'est. En revanche, les investissements privés, bénéficiant des équipements publics, sont, eux, productifs si l'on en croit leur importance et leur origine. De plus en plus, les grandes opérations immobilières, incluant ports de plaisance, terrains de golf, établissements commerciaux, campings et villages de vacances, attirent les capitaux de promoteurs et de firmes financières multinationales. Le tourisme méditerranéen continue à intéresser les capitaux arabes, anglais, japonais, entre autres.

La place du tourisme dans l'économie méditerranéenne est difficilement mesurable. Les statistiques dont on dispose pour préciser son poids dans le PNB se situent au niveau national ou régional et englobent donc des quantités qui n'ont rien à voir avec le domaine méditerranéen. On sait que les recettes du tourisme international sont passées de 1 à 40 milliards de dollars entre 1950 et 1995 dans l'ensemble des pays appartenant à l'aire méditerranéenne, mais on ignore quelle part représentent les recettes obtenues sur le littoral. Le tourisme

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dispute-t-il la première place, en termes de produit, à l'agriculture et à l'industrie? Malgré les apparences, ce n'est même pas certain.

QUI COMMANDE EN MÉDITERRANÉE ?

Au cours de la seconde moitié du xxe siècle, la Méditerranée subit la plus grave fracture de son histoire. Cette fracture oppose définitivement le «Sud» au «Nord», celui-ci finissant par se prolonger en fait jusqu'à la Grèce et à la Turquie. Et cette fracture transversale secoue le «Sud» et le fragmente à la façon d'un bouleversement géologique.

La colonisation avait brièvement, à l'échelle de l'histoire, assuré une paix relative pendant la première moitié du siècle: c'était une paix de conquête, d'empire, de soumission. La décolonisation ne pouvait être que conflictuelle, mais le contexte d'affrontements extérieurs à la zone lui imposa un déroulement dramatique. La déstructuration inévitable crée des réflexes de repli, d'isolement, de nationalisme: elle engendre l'instabilité.

Trois facteurs majeurs expliquent les conditions originelles de cette évolution géopolitique: l'intérêt de la nouvelle puissance soviétique pour une région proche de ses frontières, la gigantesque confrontation Est-Ouest sur le plan mondial, l'importance économique et stratégique des gisements pétroliers accessibles par la Méditerranée.

C'est dans ces conditions que, brutalement, le Sud se sépare du Nord. Au Nord, la structuration est à l'ordre du jour. L'instauration d'un Marché commun, puis d'une communauté économique, donnent naissance au concept d'une Europe méditerranéenne solidement amarrée au reste du continent. L'adhésion progressive de la Grèce, de l'Espagne et du Portugal concrétise l'ensemble

soudé par son adhésion au libéralisme. Au Sud, la plupart des États ne parviennent ni à obtenir à l'intérieur une stabilité politique garante de la croissance économique, ni à réaliser à l'extérieur les accords mettant en œuvre une synergie dynamique. Les nouveaux États indépendants, sous l'influence soviétique et marxiste, se rallient à un système étatique qui rompt avec les traditions commerciales de la région et fait pencher à l'est leur dissymétrie structurelle. Les tentatives d'union sous la bannière du tiers-mondisme échouent les unes après les autres: l'éphémère République arabe unie, l'accord libyo-tunisien, etc. Même l'OPEP qui avait par le front uni des pays arabes provoqué le premier choc pétrolier finit par voler en éclats lorsque son monopole est contesté par la découverte de nouveaux gisements. Les leaderships assurés par l'Egypte nassé- rienne et l'Algérie de Boumedienne n'ont aussi qu'un temps. Et, finalement, les conflits entre États (Algérie-Maroc) montrent à quel point l'affirmation de la souveraineté et le nationalisme prennent le pas sur toute volonté de coopération internationale.

La résistance et l'expansion d'Israël ne réussissent même pas à souder les pays «frères» pour aider la Palestine frustrée de son entité nationale. La guerre civile au Liban mettant fin à la séculaire et symbolique cohabitation religieuse et culturelle n'est interrompue que par l'occupation syrienne. La guerre du Golfe souligne la profondeur des antagonismes, la solidarité inter-arabe avec l'Irak attaquée n'étant proclamée que dans certains discours. Le processus de paix au Moyen-Orient, enfin, approfondit les divisions et abolit la fiction de la solidarité.

Sur cette scène où, de toute évidence, chaque État se détermine en fonction de ce qu'il considère être de son intérêt immédiat, le discours unificateur de l'Europe a bien peu de chances de se

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faire entendre. Encore est-il, d'ailleurs, d'une modestie qui trahit l'orientation à l'est du continent des préoccupations, des moyens et des espérances. La «Conférence sur la sécurité et la coopération en Méditerranée» a pour objectif ambitieux de dégager les voies d'un règlement global des problèmes méditerranéens: on comprend qu'elle soit en sommeil.

Au discours des bonnes volontés d'ailleurs sur la coopération et l'unité nécessaires, répond la résistance de populations opprimées et tentées par l'intégrisme islamique. Aux efforts des intellectuels et des artistes pour créer ou recréer une «méditerranéité» qui soit un enjeu d'identité collective répond une violence leur donnant le choix entre la prison, la mort ou l'exil.

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