Geometrie Projective

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1er semestre 2012/13 M1 U 11 : Abrégé de cours Groupes de transformations Les notes suivantes, disponibles à l’adresse http://www.iecn.u-nancy.fr/~bertram/, contiennent les définitions et les résultats principaux du cours. Elles ne remplacent ni un polycopié complet, ni le cours lui-même. Le sujet principal du cours est une introduction à la géométrie projective qui met en relief l’importance des groupes de symétrie. Il s’agit donc d’un cours de “géométrie avancée” : tandis que le cadre des cours de géomètrie de Licence était toujours la géométrie eucli- dienne et l’espace euclidien (i.e., R n , muni d’un produit scalaire), nous allons rencontrer dans ce cours une “géométrie non-euclidienne” : le concept d’espace change. L’espace projectif ne s’identifie pas à un espace R n , mais peut être construit à partir de R n de plusieurs façons, par exemple, en rajoutant à R n des “points à l’infini”. Les raisons pour un tel changement du concept d’espace apparaissent historiquement avec les débuts d’une étude approfondie des principes du dessin en perspective. En langage moderne : les perspectives, ou projections centrales, d’un plan E sur un autre E 0 , sont des applications obtenues en “projetant”, à partir d’un point de l’espace c (le centre de la projection), un point x de E sur le point d’intersection x 0 de la droite (cx) avec E 0 , si ce point est bien défini. On peut visualiser ce genre d’application en utilisant une source de lumière au centre c et en projetant des dessins d’un plan transparent E sur un autre plan transparent E 0 . Par exemple, un cercle sur E donne lieu à un cône de lumière, et ce cône de lumière intersecte un autre plan E 0 en une conique : ellipse, parabole ou hyperbole, selon la position de E 0 (si le centre c n’appartient pas à E 0 ). L’application E E 0 ainsi définie ne peut donc pas être une application affine, car une application affine ne peut pas envoyer un cercle sur une hyperbole. Ainsi on voit apparaître un nouveau type d’application, les applications projectives ou homographies, qui donne lieu à un groupe, le groupe projectif. L’étude de ce groupe, ou plutôt de son action, ainsi que de ses sous- groupes, est en grande partie équivalente à l’étude de la géométrie projective elle-même (c’est un point de vue expliqué pour la première fois par Felix Klein en 1872 dans son célèbre “programme d’Erlangen”). Les espaces projectifs réels et complexes, RP n et CP n , se trouvent au carrefour de la plupart des branches des mathématiques modernes ayant des liens avec la géométrie, et leur étude est indispensable pour toute poursuite d’études en mathématiques, mais aussi en vue d’une préparation approfondie à l’enseignement des mathématiques. Littérature. Il existe de nombreux ouvrages qui traitent de ces sujets. L’œuvre [Berger] Berger, M., “Géométrie” (plusieurs tômes), Nathan 1979 (traduction anglaise chez Springer, en 2 volumes) est une vraie mine d’or, avec de très nombreuses illustrations. Le niveau est assez élévé et le contenu encyclopédique – l’achat est un très bon investissement pour toute la vie. Une version plus facilement abordable est [Audin] Audin, M., “Géométrie”, Belin 1998. 1

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1er semestre 2012/13

M1 U 11 : Abrégé de cours

Groupes de transformations

Les notes suivantes, disponibles à l’adresse http://www.iecn.u-nancy.fr/~bertram/,contiennent les définitions et les résultats principaux du cours. Elles ne remplacent ni unpolycopié complet, ni le cours lui-même.

Le sujet principal du cours est une introduction à la géométrie projective qui met en reliefl’importance des groupes de symétrie. Il s’agit donc d’un cours de “géométrie avancée” :tandis que le cadre des cours de géomètrie de Licence était toujours la géométrie eucli-dienne et l’espace euclidien (i.e., Rn, muni d’un produit scalaire), nous allons rencontrerdans ce cours une “géométrie non-euclidienne” : le concept d’espace change. L’espaceprojectif ne s’identifie pas à un espace Rn, mais peut être construit à partir de Rn deplusieurs façons, par exemple, en rajoutant à Rn des “points à l’infini”.

Les raisons pour un tel changement du concept d’espace apparaissent historiquement avecles débuts d’une étude approfondie des principes du dessin en perspective. En langagemoderne : les perspectives, ou projections centrales, d’un plan E sur un autre E ′, sontdes applications obtenues en “projetant”, à partir d’un point de l’espace c (le centre de laprojection), un point x de E sur le point d’intersection x′ de la droite (cx) avec E ′, si cepoint est bien défini. On peut visualiser ce genre d’application en utilisant une source delumière au centre c et en projetant des dessins d’un plan transparent E sur un autre plantransparent E ′. Par exemple, un cercle sur E donne lieu à un cône de lumière, et ce cônede lumière intersecte un autre plan E ′ en une conique : ellipse, parabole ou hyperbole,selon la position de E ′ (si le centre c n’appartient pas à E ′). L’application E → E ′

ainsi définie ne peut donc pas être une application affine, car une application affine nepeut pas envoyer un cercle sur une hyperbole. Ainsi on voit apparaître un nouveau typed’application, les applications projectives ou homographies, qui donne lieu à un groupe,le groupe projectif. L’étude de ce groupe, ou plutôt de son action, ainsi que de ses sous-groupes, est en grande partie équivalente à l’étude de la géométrie projective elle-même(c’est un point de vue expliqué pour la première fois par Felix Klein en 1872 dans soncélèbre “programme d’Erlangen”). Les espaces projectifs réels et complexes, RPn et CPn,se trouvent au carrefour de la plupart des branches des mathématiques modernes ayantdes liens avec la géométrie, et leur étude est indispensable pour toute poursuite d’étudesen mathématiques, mais aussi en vue d’une préparation approfondie à l’enseignement desmathématiques.

Littérature. Il existe de nombreux ouvrages qui traitent de ces sujets. L’œuvre

[Berger] Berger, M., “Géométrie” (plusieurs tômes), Nathan 1979 (traduction anglaise chezSpringer, en 2 volumes)

est une vraie mine d’or, avec de très nombreuses illustrations. Le niveau est assez élévéet le contenu encyclopédique – l’achat est un très bon investissement pour toute la vie.Une version plus facilement abordable est

[Audin] Audin, M., “Géométrie”, Belin 1998.

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Un autre livre utile et utilisé dans la préparation de ce cours est

[Sidler] Sidler, J.-C., “Géométrie projective – cours et exercices et problèmes corrigés”,Dunod, 2000.

Nous recommandons également d’imprimer et de lire l’introduction et le chapitre 1 duprojet d’un livre de géométrie projective par Daniel Perrin, disponible à l’adresse

http://www.math.u-psud.fr/~perrin/Livre_de_geometrie_projective.html

On y trouve de nombreuses autres références bibliographiques (nous donnons quelques-unes au fur et à mesure du cours). Des origines historiques de la géométrie projective –la théorie ancienne grecque des coniques, le dessin en perspective de la Renaissance, lesdébuts de la géométrique algébrique, liée à des noms comme Appolonius, Pappus, Pascal,Desargues, Poncelet, Moebius, Klein et bien d’autres.... – y sont évoquées – voir aussi[Berger], ou, pour un premier survol,

http://en.wikipedia.org/wiki/Projective_geometryhttp://en.wikipedia.org/wiki/Perspective_(graphical)#Historyhttp://fr.wikipedia.org/wiki/Programme_d’Erlangen

Le premier chapitre du cours suivant fournit une introduction plus précise et plus math-ématique au sujet.

Chapitre 1 : Homographies, projections et perspectives

Dans ce chapitre introductoire, soit K = R, C ou un autre corps. Nous donnons une pre-mière approche à certaines applications définies sur Kn, d’abord sous un angle algébriqueet calculatoire, puis sous des points de vue géométriques.

A. Homographies.

1.1 Définition. Une homographie de Kn est une application f = fM de la forme suivante:on se donne une matrice de taille (n+ 1)× (n+ 1)

M =

(A bc d

),

où A est de taille n × n, b une matrice-colonne (taille n × 1), c une matrice-ligne (taille1× n) et d un scalaire (taille 1× 1), et pour x ∈ Kn (vecteur colonne) tel que cx+ d 6= 0on pose

f(x) := fM(x) :=1

cx+ d(Ax+ b) .

Noter que cx =∑

i cixi est bien un scalaire ; on multiplie donc un vecteur Ax+ b par unscalaire. Si n = 1 et K = R, ces applications sont connues depuis le cours d’analyse. Pourle cas général, nous présentons quelques faits de base sous forme d’exercice:

1.2 Exercice : composée d’homographies. Soit M et M ′ tels que detM 6= 0 etdetM ′ 6= 0. Calculer fM ◦ fM ′(x) et montrer que, si tous les termes sont définies,

(!) fM ◦ fM ′(x) = fMM ′(x) .

En déduire que fM est inversible d’inverse fM−1 , et que l’ensemble

Hn(K) := {fM | M ∈ GL(n+ 1;K)}

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forme un groupe, dit le groupe des homographies de Kn.

1.3 Exercice : Hn comme quotient du groupe linéaire. Montrer que fM = fN si lamatrice N est un multiple scalaire de la matrice M . Facultatif (pour le moment): essayerde prouver la réciproque.Conclure que l’application

φ : GL(n+ 1;K)→ Hn(K), M 7→ fM

est un homomorphisme surjectif de groupes qui a comme noyau K×1n+1 (multiples non-nulles de la matrice unité). Ainsi Hn est un groupe quotient du groupe linéaire :

Hn(K) ∼= GL(n+ 1;K)/(K×1n+1) .

1.4 Exercice : quelques sous-groupes de Hn.(a) Rappeler la définition du groupe affine de Kn et montrer que c’est un sous-groupe deHn. (Prendre c = 0, d = 1 et A une matrice inversible.)(b) Caractériser le groupe des translations de Kn en termes de la matrice M .(c) Montrer que l’ensemble {fM | A = 1n, d = 1, b = 0, c ∈M(1, n;K)} est un sous-groupede Hn(K), que ce sous-groupe est isomorphe à (Kn,+) et qu’il n’est pas inclus dans legroupe affine. Conclure que Hn(K) est strictement plus grand que le groupe affine.

1.5 Exercice : un peu d’analyse. Soit K = R. Montrer que, si c 6= 0 ou d 6= 0, ledomaine de définition de fM est un ouvert dense de Rn et que fM est continue et mêmede classe C∞. Montrer que l’ensemble des x ∈ Rn pour lesquels les deux membres de(!) sont définies, est un ensemble ouvert dense (et donc non-vide). Que peut-on dire siK = C ?

1.6 Problèmes. Le groupe des homographies comprend des symétries strictement plusgénérales que les applications affines. Quelles sont alors les propriétés géométriquespréservées par ce genre de symétries? Ces propriétés vont être plus générales, et doncplus fondamentales, que celles de la géométrie euclidienne usuelle.D’autre part, comment comprendre le fait que les homographies ne sont pas définies“partout” sur Kn: que se passe-t-il avec les x tels que cx + d = 0 ? Intuitivement, onaurait envie de dire que la valeur de f en de tels points est “infinie” – mais peut-on donnerun sens précis à cela ?Les deux questions sont liées entre elles: les applications en question proviennent dela géométrie des projections ou perspectives. Historiquement et mathématiquement, ondistingue deux types de projection, la projection parallèle, et la projection centrale.

B. La projection parallèle. On se place dans un espace affine V sur un corps K.

1.7 Définition. Soit E un hyperplan de V (i.e., dimE = dimV − 1) et D une droitesupplémentaire (i.e., qui intersecte D en un seul point). Pour tout x ∈ V , soit Dx

l’unique droite par x et parallèle à D. Elle a un unique point d’intersection avec E. Laprojection parallèle sur E le long D est l’application

PDE : V → E, x 7→ Dx ∩ E .

Si F est un autre sous-espace affine de V , la restriction à F ,

PDF,E : F → E, x 7→ Dx ∩ E,

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est la projection parallèle de F sur E le long D.

Exemple (important en dessin technique). Cas K = R, dimV = 3 : alors E est le“plan du dessin” ou “écran” et D un axe. On fait la projection, le long de cet axe, d’objetstridimensionnels sur le plan du dessin. Exemple: représenter de cette façon un cube, unemaison, un cercle, une voie de chemin de fer... cf. par exemple http://fr.wikipedia.org/wiki/Projection_affine. Inconvenient: les objets plus ou moins éloignés du plandu dessin apparaissent tous “en même grandeur” ; l’impression de profondeur manque :le dessin “manque de perspective spatiale”. Avantage: mathématiquement, la descriptionest très simple:

1.8 Lemme. La projection parallèle est une application affine ; si on choisit le pointO := D ∩E comme origine, elle est même linéaire, et si on choisit encore une base dansE et la complète par un élément de D, alors la projection est décrite par la matrice(

1n−1 00 0

).

Géométriquement, nous avons

1.9 Théorème. Toute application affine f (et donc toute projection parallèle) préserveles structures suivantes:

(1) une ligne droite est envoyée en une ligne droite ou en un point ;

(2) deux lignes droites parallèles sont envoyés en deux lignes droites parallèles ou en deuxpoints ;

(3) le rapport de trois points alignés est préservé : R(x, y, z) = R(f(x), f(y), f(z)).

Pour rappel:

1.10 Définition. Une application affine est une application de la forme f(x) = Ax + bavec b ∈ V et A linéaire (par rapport à une origine arbitraire de V ). Trois points x, y, z ∈V avec y 6= z sont alignés ssi il existe r ∈ K avec

x = (1− r)z + ry ;

alors r est uniquemenet déterminé par le triplet (x, y, z), dit le rapport de (x, y, z), notér = R(x, y, z).

Un autre rappel (?): toute application qui vérifie (1), (2), (3), est affine.

C. Perspective ou projection centrale. Gardons les notations V , K, etc.

1.11 Définition. Soit E un hyperplan de V et c un point de V , non sur E. Pour deuxpoints distincts x, y ∈ V , notons x ∨ y = {(1− r)x + ry | r ∈ K} la droite affine passantpar x et y. La projection centrale sur E de centre c est l’application

P cE : V 99K E, x 7→ (x ∨ c) ∩ E ,

où le symbôle 99K veut dire que l’application n’est pas définie pour tout x, mais seulementpour les x ∈ V tels que la droite x∨ c a effectivement un unique point d’intersection avecE (i.e., elle n’est pas parallèle à E). Si F est n’importe quel autre sous-espace affine deV , la restriction à F ,

P cF,E : F 99K E, x 7→ (x ∨ c) ∩ E,

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est la projection centrale de F sur E de centre c.

1.12 Exemples.(1) Le cas K = R, dimV = 2, dimE = dimF = 1 est le plus simple à dessiner : on parled’une perspective de la droite E sur la droite F , de centre c. Supposons que E et F nesoient pas parallèles. Alors P c

E,F est définie partout, sauf en un seul point (lequel ?), etson image est tout F , à l’exception d’un seul point. Ainsi P c

E,F est “presque” une bijection(avec “presque” inverse P c

F,E). Il est facile de voir que cette bijection ne préserve pas lerapport, ainsi elle ne provient pas d’une application affine !(2) Le cas K = R, dimV = 3, F = V est de plus grande importance pour le dessin : c’estla représentation de l’espace en perspective centrale (vraiment maîtrisée seulement depuisla renaissance). Prenons deux droites parallèles dans un plan P qui ne contient ni c, ni estparallèle à E. Chacune détermine avec c un plan, qui coupe E en une droite, son imagesous P c

E. Mais ces deux images se coupent en un point, ainsi elles ne sont pas parallèlesdans E (dessin en perspective d’une voie de chemin de fer: les deux rails, parallèles dansl’espace, semblent dans le dessin se rencontrer en un point à l’horizon). Exercice : fairedes dessins en perspective d’un cube ; d’une maison ; d’un cercle...

1.13 Exercice: représentation calculatoire. On veut décrire P cE,F , où E et F sont

deux hyperplans, par des formules analytiques. Sans restriction, on peut choisir O := ccomme origine dans V , alors il existe deux formes linéaires α, β : V → K tels que E ={x ∈ V | α(x) = 1} et F = {x ∈ V | β(x) = 1}.(1) Montrer que P c

E(x) est définie si α(x) 6= 0, et qu’alors P cE(x) = 1

α(x)x.

(2) On veut comparer les projections centrales auw projections parallèles. Pour cela, soitD = Ku une droite, avec α(u) 6= 0 et β(u) 6= 0. Donner une formule pour les projectionsparallèles PD

E,F et PDF,E, et donner une formule pour les applications

PDE,F ◦ P c

F,E : F 99K F, P cF,E ◦ PD

E,F : E 99K E .

Montrer que, dans les deux cas, il s’agit d’homographies.

1.14 Théorème. Une projection centrale envoit des lignes droites en des lignes droitesou en un point, mais en général elle ne préserve ni parallélisme, ni rapports.

1.15 Résumé. La géométrie, dite “projective”, qui correspond aux propriétés préservéspar des projections centrales, est la géométrie d’incidence, i.e., une géométrie qui parle dedroites, plans, etc., et de leur propriétés d’intersection, mais non de longueurs, de mesuresd’angles, ou de rapports. La notion de parallélisme n’est pas adaptée à cette géométrie: ilsemble plutôt que deux droites s’intersectent toujours, soit en un point “ordinaire”, soit enun point “à l’horizon” ou “impropre”. On est donc amené à élargir l’espace affine usuel parun ensemble “de points impropres” ou “de points à l’infini”. Nous allons voir que l’espaceprojectif répond à ces exigences, et en rajoutant ces points à l’infini il fournit le domainenaturel de définition pour les homographies.

Chapitre 2 : La complétion projective d’un espace affine

Nous allons “compléter” un espace affine A en lui rajoutant un ensemble H∞(A) de “pointsimpropres” ou de “points à l’infini”, et expliquer que l’espace ainsi completé A := A ∪H∞(A) se prête mieux comme “univers” pour faire de la géométrie. Un “point à l’infini”

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représente une “direction” de A, qu’on peut voir comme une classe d’équivalence de droitesparallèles:

2.1. Définition. L’espace affine de dimension n sur K est A = Kn où l’on “oublie”l’origine. Pour o, p ∈ A, o 6= p, on note

Do,p := o ∨ p := {tp+ (1− t)o|t ∈ K}

la droite qui relie o et p, et soit

D := DA :={Do,p

∣∣∣ p, o ∈ A, p 6= o}

l’ensemble des droites affines dans A. Rappellons que deux droites D = Dx,y et D′ =Dx′y′ sont parallèles si leur vecteurs directeurs sont proportionnelles : il existe r ∈ K,r 6= 0, tel que

x′ − y′ = r(x− y).

2.2. Lemme. La relation de parallélité est une relation d’équivalence sur D.

2.3. Définition. La classe d’équivalence d’une droite D est notée [D] ; elle représente ladirection commune à toutes les droites parallèles àD. L’ensemble des classes d’équivalenceest appellé hyperplan à l’infini ou : ensemble infini de A et est noté

H∞(A) := {[D] | D ∈ D}.

L’espace affine completé ou : la complétion projective de A est

A := A∪̇H∞(A) .

2.4. Remarque importante. Si on fixe une origine O dans A, l’ensemble H∞(A)s’identifie avec l’ensemble des droites vectorielles passant par O. D’où la définition fon-damentale :

2.5. Définition. Soit V un espace vectoriel sur un corpsK. L’espace projectif de V , notéPV , est l’ensemble des sous-espaces vectoriels de V de dimension 1 (droites vectorielles) :

PV ={Kv

∣∣∣ v ∈ V \ {0}}où Kv := {tv| t ∈ K} = D0,v. Ainsi, si l’origine O est fixé, on a une bijection H∞(A) =P(A). (Remarque : la définition vaut aussi pour le cas où la dimension de V est infinie.Dans ce cours, nous supposons toujours que dimV est finie.)

2.6. Exemple : le cas n = 1. Dans ce cas, il n’existe qu’une seule direction, ainsiH∞(K) = P(K) est un seul point, qu’on note ∞, de sorte que la droite projective

K = K ∪ {∞}

s’obtient à partir de K un rajoutant un unique point à l’infini. (Attention : en analyse,donc pour K = R, on utilise souvent les symbôles +∞ et −∞. Il faut accepter qu’engéométrie ces deux “points” représentent la même direction ! Ainsi, on pourra dire que+∞ = −∞ ; on “identifie les deux bouts de la droite réelle” et on la referme ainsi sousforme d’un cercle : R ressemble donc à un cercle. Si K 6= R, cette image est fausse.)

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2.7. Exemple : le cas n = 2. On veut décrire les directions de K2. Pour le faire, fixonsl’origine O et la base e1, e2 habituelles. Alors on peut distinguer deux sortes de directions:(a) la direction donnée par une droite fixée, disons Ke1, i.e., [D] = [Ke1].(b) les autres directions : elles sont données par les droites supplémentaires à Ke1, doncpar Kx = K(x1, x2) avec x2 6= 0. Puisque x et rx = (x1

x2, 1) avec r = 1

x2donnent la même

direction, elles s’écrivent tous de la forme K(λ, 1) avec un unique λ ∈ K. On identifieK(λ, 1) avec λ, i.e., on identifie K avec l’ensemble des directions de type (b). Donc

H∞(K2) = P(K2) = K ∪ {[D]},

et ainsi le plan projectif K2 se décompose sous la forme

K2= K2 ∪H∞(K2) = K2 ∪K ∪ {[D]}.

2.8. Théorème. Soit A l’espace vectoriel Kn et V := Kn+1. Alors il existe une identifi-cation naturelle entre A et PV , ce qui s’écrit aussi

Kn = Kn ∪ P(Kn) = P(Kn+1).

Dans cette identification, la partie P(Kn) correspond aux directions dans l’hyperplanxn+1 = 0, et la partie Kn correspond aux directions supplémentaires de cet hyperplan(droites vectorielles Kx telles que xn+1 = 1). Plus précisément, l’application suivante estbijective : Φ : Kn → P(Kn+1) définie par

Φ((x1, . . . , xn)

)= K(x1, . . . , xn, 1) si (x1, . . . , xn) ∈ A,

Φ(K(x1, . . . , xn)

)= K(x1, . . . , xn, 0) si K(x1, . . . , xn) ∈ P(A).

Pour une ilustration, on dessinera Kn+1 avec les hyperplans affines, pour t ∈ K,

At := {x ∈ Kn+1 | xn+1 = t};

chacun d’eux est en bijection avec A via x 7→ (x1, . . . , xn). Dans l’écriture P(A ⊕ K) =A ∪ P(A), la partie A s’identifie maintenant avec A1 et la partie P(A) avec P(A0).

2.9. Corollaire. Par récurrence,

P(Kn+1) = Kn ∪Kn−1 ∪ . . . ∪K ∪ {∞} .

Exercice. Si K est un corps fini de cardinalité q, quelle est la cardinalité de P(Kn+1) ?

2.10. Définition. Soit E un sous-espace affine de l’espace affine A = Kn. L’ensembledes points à l’infini de E est l’ensemble des directions de E,

P(E) := {[D] | D ∈ DA, D ⊂ E},

et la complétion projective de E est E := E ∪ P(E) ⊂ A. Si dimE = 1, l’ensemble E estune droite de A, et si dimE = n−1, l’ensemble E est un hyperplan de A. Les hyperplansde cette forme sont dits propres, et il y a un hyperplan impropre, à savoir H∞(A).

2.11. Théorème. Soit A = Kn, D une droite affine et H un hyperplan affine de A.Alors seulement les deux cas suivants peuvent se produire dans A :

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(a) D ⊂ H ;

(b) |D ∩H| = 1.

Nous avons ainsi atteint un de nos buts : dans la complétion projective A, le casD∩H = ∅n’apparaît plus ! En effet, si D ∩ H = ∅ en géométrie affine, D et H s’intersectent aupoint impropre [D]. Si dimA = 2, la situation est particulièrement agréable :

2.12. Théorème. Soit P := K2 le plan projectif sur K et DP l’ensemble de ses droites(propres et impropres ; noter que H∞(K2) est l’unique droite impropre). Alors :

(P1) Deux droites distinctes déterminent un unique point d’intersection.

(P2) Deux points distincts déterminent une unique droite qui les relie.

(P3) Toute droite contient au moins 3 points.

(P4) Il existe au moins 3 points non-colinéaires.

La preuve consiste en une distinction de cas. On remarquera l’analogie formelle entre (P1)et (P2) : elles sont liées en interchangeant les termes “point” et “droite”, resp. “intersection”et “liaison”. Cette dualité est un trait profond de la géométrie projective. En géométrieaffine, cette dualité n’est pas visible, à cause du rôle “exceptionnel” des droites parallèles.

2.13. Exemple : Le plan de Fano. Le plus petit corps est K = F2 := Z/2Z. Le planprojectif K2 a 4 + 2 + 1 = 7 points. Dans K2, il y a 6 droites affines, dans DP il y adonc 6 droites propres et une droite impropre. Ainsi |P| = |DP |. Dessin schématique :cf. http://fr.wikipedia.org/wiki/Plan_de_Fano

Finalement, nous pouvons définir les projections centrales de façon satisfaisante. Pourfaire simple, nous ne considérons ici que le cas d’un plan projectif :

2.14. Définition. Soit P comme dans le théorème 2.12, c ∈ P et D ∈ DP telle quec /∈ D. Alors la projection centrale sur D et de centre c est l’application

P cD : P \ {c} → D, x 7→ (c ∨ x) ∩D,

où c∨x est l’unique droite qui relie c et x (propriété (P2)) ; l’intersection existe par (P1).

2.15. Théorème. Avec c,D comme ci-dessus, et si D′ est une autre droite qui necontient pas c, la perspective de D′ sur D et de centre c suivante est une bijection :

P cD′,D : D′ → D, x 7→ (c ∨ x) ∩D .

Chapitre 3 : L’espace projectif et ses sous-espaces

L’objet d’étude dans la suite est l’espace projectif A. Il serait trop fatiguant de l’écriretoujours sous la forme A = A ∪ H∞(A) et de procéder par des distinctions de cas. Laforme P(V ) avec V = Kn+1 (théorème 2.8) est beaucoup mieux adaptée pour comprendrela géométrie projective car elle la relie directement à l’algèbre linéaire de V . Ainsi nousallons re-développer la théorie en partant de cette définition. Dans toute la suite, V estun espace vectoriel sur K, de dimension finie n+ 1.

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3.1. Définition. Pour v ∈ V avec v 6= 0, on note [v] := Kv la droite vectorielle engendréepar v. Ainsi P(V ) = {[v] | v ∈ V, v 6= 0}. L’application

π : V \ {0} → PV, v 7→ [v]

s’appelle la projection canonique.

3.2. Lemme. Soient v, w ∈ V \{0}. On a π(v) = π(w) si et seulement s’il existe r ∈ K×tel que w = rv. La relation ∼ définie sur V \ {0} par : v ∼ w si “existe r ∈ K× tel quew = rv”, est une relation d’équivalence, et PV s’identifie canoniquement avec les classesd’équivalence de cette relation.

Exercice. Du lemme, déduire que, si |K| = q et n = dimPV , alors |PV | = qn+1−1q−1 .

Remarque. Uniquement dans le cas réel, si V = Rn+1, il existe un lien étroit entre lasphère Sn = {x ∈ Rn+1 | ‖x| = 1}, et l’espace projectif PV : à savoir, chaque classe [v]contient exactement deux représentants appartenant à la sphère Sn, de sorte qu’on peutidentifier PV aussi avec Sn/± 1. On reviendra plus tard sur cette remarque.

3.3. Définition. La dimension de PV est dimV − 1, de sorte que dimA = dimA. Pourl’espace projectif “standard” de dimension n, on utilise aussi les notations

KPn := PnK := P(Kn+1).

Un sous-espace projectif de dimension k dans PV est une partie de PV de la forme

[E] := π(E \ {0}) ={

[v] | v ∈ E \ {0}},

où E ⊂ V est un sous-espace vectoriel de dimension k + 1. Un sous-espace de dimen-sion 0 se confond avec un point de PV , un sous-espace de dimension 1 de PV est unedroite (projective), un sous-espace de dimension 2 de PV est un plan (projectif), etc. Unhyperplan (projectif) est un sous-espace projectif de dimension dimV − 1.

3.4. Lemme. Un sous-espace [E] de dimension k est lui-même un espace projectif dedimension k ; en effet, il se confond avec P(E).

3.5. Théorème. Soient A = [E] et B = [F ] deux sous-espaces projectifs de PV .

(i) L’intersection A ∩B est un sous-espace projectif. De plus, on a

A ∩B = [E ∩ F ].

(ii) Il existe un unique plus petit sous-espace projectif A ∨ B qui contient A et B. Deplus, on a

A ∨B = [E + F ].

(iii) Pour toute partie S ⊂ PV , l’intersection de tout les sous-espaces contenant S estun sous-espace, et c’est le plus petit sous-espace contenant S. On le note 〈S〉.

3.6. Lemme. Pour des sous-espaces A,B,C de PV , avec la notation A ∧B := A ∩B,

(i) A ∧B = B ∧ A, A ∨B = B ∨ A (commutativité) ;

(ii) A ∧ (B ∧ C) = (A ∧B) ∧ C, A ∨ (B ∨ C) = (A ∨B) ∨ C (associativité) ;

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Page 10: Geometrie Projective

(iii) A ∧ (A ∨B) = A = A ∨ (A ∧B) (loi d’absorption).

Exercice. Montrer que, pour 3 sous-espaces projectifs A,B,C :(M1) si A ⊂ B, alors A ∨ (C ∧B) = (A ∨ C) ∧B (mais si A 6⊂ B, cela devient faux),(M2) (A ∧B) ∨ (C ∧G) = ((A ∧B) ∨ C) ∧B.

3.7. Définition. L’ensemble, dit la Grassmannienne de PV et noté Gras(PV ), de tous lessous-espaces projectifs de PV , muni des opérations ∨ et ∧, est un treillis, i.e., il vérifie (i),(ii), (iii) ci-dessus. Ce treillis est modulaire, i.e., il vérifie la loi modulaire (M1) ci-dessus.Noter que, via [E] ↔ E, Gras(PV ) est en bijection avec l’ensemble Gras(V ) de tous lessous-espaces vectoriels de V , dit la Grassmanienne de V . Le sous-espace vectoriel {0} deV correspond alors au sous-espace vide de PV . Les operations +,∩ correspondent à ∨,∧.

3.8. Théorème. Pour des sous-espaces projectifs A = [E], B = [F ] de PV ,

dim(A ∧B) + dim(A ∨B) = dimA+ dimB .

Exercice. Redemontrer les théorèmes 2.11 et 2.12 en utilisant cette formule de dimension.

3.9. Corollaire. Soient A = [E], B = [F ] des sous-espaces projectifs de PV et dimA = iet dimB = j. Alors sont équivalents :

(i) A ∧B = ∅ et A ∨B = PV ;

(ii) E ∩ F = {0} et E + F = V , i.e., V = E ⊕ F ;

(iii) i+ j = n− 1 et A ∧B = ∅ ;

(iv) i+ j = n− 1 et A ∨B = PV .

3.10. Définition. Si A et B satisfont les conditions de 3.9, on écrit A>B.

3.11. Définition. Un repère projectif dans un espace projectif PV de dimension n estla donnée de n + 2 points p0, p1, . . . , pn+1 de PV tels que : il existe une base b1, . . . , bn+1

de V telle que

∀i = 1, . . . , n+ 1 : pi = [bi], p0 = [b1 + . . .+ bn+1] .

(Noter que les bi ne sont pas déterminés par cette condition, mais la condition sur p0assure que, si on les change par un facteur scalaire, ce facteur scalaire doit être communpour tout les bi.) Si V = Kn+1 et bi = ei la base canonique, le repère ainsi obtenu s’appellele repère canonique de KPn.Le point p0 semble jouer un rôle particulier dans cette définition. Mais le résultat suivantmontre que n’importe quelle permutation de ces n+ 2 points est également un repère :

3.12. Proposition. Pour n+ 2 points p0, p1, . . . , pn+1 de PV sont équivalents :

(1) p0, p1, . . . , pn+1 est un repère ;

(2) n+1 quelconques des points p0, p1, . . . , pn+1 engendrent PV , i.e., ils ne sont pas dansun hyperplan commun.

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Page 11: Geometrie Projective

3.13. Corollaire. Un triplet de points (a, b, c) dans KP1 est un repère projectif, si, etseulement si, ces points sont deux à deux distincts : a 6= b, b 6= c, a 6= c.

Pour le repère canonique de KP1, on utilise aussi la notation

∞ = [e1], 0 = [e2], 1 = [e1 + e2] .

Chapitre 4 : Le groupe projectif

Après avoir défini les “objets” de notre étude (les espaces projectifs PV ), nous devonsexpliquer la notion de “morphisme”, les “applications” ou “flèches” entre deux espacesprojectifs X = PV et X ′ = PV ′. C’est plus compliqué que dans le cas des structures vuesen Licence (groupes, anneaux, espaces métriques...) – en effet, il y a plusieurs réponsespossibles :– (a) géométrique : application préservant la structure géométrique (mais laquelle ?) ;– (b) calculatoire : application donnée par des “formules” ou “constructions” explicites.

4.1. Définition. Une collinéation entre deux espaces projectifs est une applicationf : PV → PV ′ telle que, si pi, i = 1, 2, 3 sont trois points alignés (i.e., se trouvant surune droite projective D = [E], E ⊂ V de dimension deux), alors f(pi), i = 1, 2, 3, sontégalement alignés.

Cette définition est de type (a) ; le problème est alors : comment décrire concrètementles collinéations par une formule ? – à noter aussi que, si dimPV = 1 = dimPV ′, cettecondition est vide : dans ce cas, n’importe quelle application sera une collinéation, lanotion est alors inutile. Pour ces raisons nous partons du point de vue (b) :

4.2. Définition. Une homographie, ou application projective F : PV → PV ′ est uneapplication telle qu’il existe une application linéaire et injective f : V → V ′ telle que,pour tout v ∈ V \ {0}, F ([v]) = [f(v)]. On note alors F = [f ], ou encore F = Pf .

C’est bien défini : d’abord, si v ∼ w, i.e., w = λv, on a bien f(v) = λf(w), doncf(v) ∼ f(w). Mais il faut aussi que f(v) 6= 0 si v 6= 0, et ceci peut être en défaut engénéral, mais c’est vrai si ker(f) = 0, i.e., f est injective.

4.3. Lemme. On a [g ◦ f ] = [g] ◦ [f ] et [idV ] = idPV , et les homographies de PV formentun groupe, dit le groupe projectif de V , noté

PGL(V ) = {[f ] | f ∈ GL(V )}.

L’applicationπ : GL(V )→ PGL(V ), g 7→ [g]

est un homomorphisme de groupes, surjectif par définition de PGL(V ).

Notation : on écrit aussi PGL(n,K) = PGL(Kn).

4.4. Lemme. On a [f ] = [g] ssi il existe λ ∈ K× tel que g = λf . Ainsi le noyau de πest le groupe K×id des multiples de l’identité de V . Par conséquent,

PGL(V ) ∼= GL(V )/(K×id) .

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Page 12: Geometrie Projective

4.5. Exercice. L’application SL(V )→ PGL(V ), g 7→ [g], est-elle surjective ? injective ?Rappel : SL(V ) = {g ∈ GL(V )| det(g) = 1}. Indication : regarder d’abord le cas K = C,puis K = R et distinguer les cas dimV paire, resp. impaire.

4.6. Exercice. Soit [g] ∈ PGL(V ) et v ∈ V \ {0}. Montrer que [v] est un point fixe de[g] ssi v est un vecteur propre de g. Si dimPV = 1 et K = R, montrer que [g] a, soit 0,1, 2 ou une infinité de points fixes et que, dans le dernier cas, [g] = id.

4.7. Lemme. Si [E] est un sous-espace projectif de dimension k et [g] ∈ PGL(V ), alors[g]([E]) = [g(E)] est un sous-espace projectif de même dimension k. En particulier, [g]est une collinéation.

Remarque. Toute homographie est donc une collinéation. Que dire de la réciproque ? Endimension 1, toute application est une collinéation, et la réciproque est alors fausse. Onverra plus tard, qu’en dimension n > 1, et pour K = R, la réponse est positive, mais pourK = C, elle ne l’est pas.

4.8. Théorème (“Premier théorème fondamental de la géométrie projective”).Le groupe projectif PGL(V ) agit simplement transitivement sur l’ensemble des repèresprojectifs, i.e.: soient (p0, . . . , pn+1) et (q0, . . . , qn+1) deux repères projectifs de PV ; alorsil existe un unique élément [g] ∈ PGL(V ) tel que [g](pi) = qi pour i = 0, . . . , n+ 1.

Ce théorème est une façon d’exprimer le fait que le groupe projectif est “gros” : il agitsimplement transitivement sur certaines n+ 2-uplets (les repères). En géométrie affine, legroupe affine agit simplement transitivement sur certaines n+1-uplets (les repères affines),et algèbre linéaire, le groupe linéaire agit simplement transitivement sur certaines n-uplets(les bases). Ainsi le groupe affine est “plus gros” que le groupe linéaire, et le groupeprojectif est “plus gros” que le groupe affine.Puisque tout singleton p, resp. tout couple (p, p′) de points distincts, peut être completéen un repère, il s’ensuit du théorème :

4.9. Corollaire. Avec les notations du théorème:

(1) Le groupe projectif PGL(n+ 1,K) agit transitivement sur KPn, i.e., pour toute paire(x, y) ∈ (KPn)2, il existe [g] ∈ PGL(n+ 1,K) tel que [g]([x]) = [y].

(2) Le groupe projectif agit transitivement sur l’ensemble des couples (x, y) ∈ (PV )2 telsque x 6= y.

(3) Soit PV une droite projective (n = dimV − 1 = 1). Alors le groupe projectif agitsimplement transitivement sur les triplets d’éléments deux à deux distincts de KP1 :si (a, b, c) et (a′, b′, c′) sont deux triplets d’éléments deux à deux distincts de KP1, ilexiste une unique application projective f = fabca′b′c′ ∈ PGL(2,K) telle que f(a) = a′,f(b) = b′, f(c) = c′.

4.10. Rappel. Si un groupe G agit transitivement sur un ensemble M , et si on notepar H := {g ∈ G | g.o = o} le groupe stabilisateur d’un point de base o ∈ M , alors Ms’identifie à l’espace homogène M = G/H.Exemple: G = GL(n+ 1,K) agit transitivement sur KPn. Le stabilisateur de o := e1 est

P ={(a b

0 c

) ∣∣ a ∈ K×, b ∈ Kn, c ∈ GL(n,K)},

et on peut identifier ainsi KPn avec l’espace homogène GL(n+ 1;K)/P .

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Page 13: Geometrie Projective

Lien avec les homographies du chapitre 1

Les homographies définies ci-dessus correspondent bien aux homographies de Kn de laforme “fraction rationnelle” définies au chapitre 1 : fixons une décomposition KPn =Kn ∪H∞ (Theorème 2.8) ; alors l’effet de [g] sur la partie affine Kn est précisément celuidonné par la formule rationnelle ; lorsque le dénominateur s’annule, cela signifie que lepoint x ∈ Kn est “envoyé à l’infini”, c-a-d, que son image est dans la partie H∞ :

4.11. Théorème. On a PGL(n + 1,K) = Hn(K). Plus précisément: soit f := [g] ∈PGL(n+ 1,K) et écrivons g ∈ GL(n+ 1,K) sous forme de matrice en blocs,

g =

(A Bγ d

), A ∈M(n, n;K), B ∈M(n, 1;K), γ ∈M(1, n;K), d ∈ K .

Soit z ∈ Kn, identifié avec [z1, . . . , zn, 1] ∈ KPn. Alors sont équivalents :

(1) l’image f(z) de z est “finie”, i.e., elle appartient encore à Kn,

(2) γ(z) + d 6= 0.

Alors l’effet de f sur z est donné par la formule

f(z) = (γ(z) + d)−1(Az +B

).

4.12. Exemples. Revoir l’exercice 1.4 : quels éléments de PGL(n+ 1,K) correspondentaux translations de Kn ? au groupe affine de Kn ? aux homothéties de Kn ?

Lien avec les projections et perspectives

Par un calcul en coordonnées, on peut montrer que les projections centrales sont donnéespar des formules de type “fraction rationnelle” comme ci-dessus (cf. exo. 1.13) ; on endéduit que ce sont des applications projectives. Voici une explication conceptuelle :

4.13. Définition. Soit PV un espace projectif, et A = [E] et B = [F ] deuxsous-espaces tels que A>B (i.e., V = E ⊕ F , cf. 3.10). L’application suivante, diteprojection centrale sur B, de centre A, est bien définie:

PAB : P(V ) \ A→ B, x 7→ (x ∨ A) ∧B

(en effet, pour un point x ∈ P(V ) \ A, le sous-espace x ∨ A est de dimension dimA + 1,donc (x ∨ A) ∧B est de dimension 0 (d’après le thm. 3.8), c’est donc un point).

4.14. Théorème. Avec les notations ci-dessus, soit g : V → V la projection linéaire deV sur F , de noyau E. Alors, pour tout x = [v] avec v /∈ E, on a

PAB ([v]) = [g(v)] .

Il s’ensuit que, si C = [H] est un autre sous-espace tel que A>C, la restriction de PAB

à C est une homographie bijective de C sur B, induite par l’application linéaire bijectiveH → F , v 7→ g(v).En particulier, pour dimPV = 2, dimA = 0, dimB = dimC = 1, une perspective d’unedroite C sur une autre droite B (cf. déf. 2.14 et thm. 2.15) est une homographie ; elle estdonc uniquement déterminée par son effet sur trois points deux à deux distincts.

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Page 14: Geometrie Projective

Chapitre 5 : Cartes et liaison affine-projective

Dans le chapitre 2, nous avons associé à chaque espace affine A un espace projectif A =A ∪ H∞(A) = P(A ⊕ K), muni d’un “hyperplan à l’infini” H∞(A). Nous allons montrerqu’il y a une réciproque de cette construction :

5.1. Théorème. Soit P = PV un espace projectif et H un hyperplan de P. AlorsUH := P \H porte une structure naturelle d’espace affine (dite une partie affine de P).

Autrement dit, si on enlève un hyperplan H d’un espace projectif P(V ), alors l’ensemblequi reste est un espace affine. En formalisant un peu, on dit qu’il existe une bijectionnaturelle entre (la catégorie des) espaces affines et (la catégorie des) espaces projectifsmunis d’un hyperplan distingué (“hyperplan à l’infini”). Cette correspondence bijective estparfois appelée la liaison affine-projective. Pour bien comprendre le lien entre géométrieprojective et géométrie affine, il est important de noter que tout choix d’hyperplan H dansun espace projectif P donne lieu à un espace affine P \H, dite “partie” ou “carte affine”de P. Ainsi, par un choix convenable d’hyperplan, tout point de P peut être vu commeun “point à l’infini” d’une partie affine convenable.

Il est intéressant de donner et de comparer plusieurs preuves du théorème. Une premièrepreuve part de la remarque suivante : soit H = [E] ; alors [v] /∈ [E] si, et seulement si,la droite Kv est un supplémentaire de E, ie., V = E ⊕ Kv, puis on applique le résultatplus général suivant :

5.2. Théorème. Soit E ⊂ V un sous-espace vectoriel quelconque. Alors l’ensemble

SE := {F sous-espace vectoriel de V | V = E ⊕ F}

des supplémentaires de E porte une structure naturelle d’espace affine, dont l’espace vec-toriel de translations associé est Hom(V/E,E).

Noter que l’espace SE n’a pas de point de base préféré ; ainsi c’est un des premiersexemples de “vrais espaces affines dans la nature mathématique”. La preuve de ce résultat(élémentaire, mais un peu abstraite) sera donnée ailleurs. Pour une autre preuve de 5.1,

5.3. Lemme. Rappelons que E ⊂ V est un hyperplan vectoriel ssi il existe une formelinéaire non-nulle α : V → K telle que E = ker(α). Alors α est déterminée par E à unfacteur non-nul près.

Soit donc H = ker(α). Alors

Aα = α−1(1) = {v ∈ V | α(v) = 1}

est un espace affine etAα → UH , x 7→ [x]

est une bijection, qu’on peut utiliser pour définir sur Uα une structure d’espace affine. Onmontre alors que cette structure ne change pas si on remplace α par un multiple de α.Ainsi UH porte une structure naturelle d’espace affine.

5.4. Cartes : parties affines déterminées par une base. Fixons une base b1, . . . , bn+1

de V . Elle donne lieu à n + 1 formes linéaires pri, les projections sur la i-e coordonnée,et cela donne lieu à n+ 1 parties affines: on appelle une carte canonique de PV la partie

Ui = {[n+1∑j=1

xjbj] ∈ P(V )|xi 6= 0},

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Page 15: Geometrie Projective

ou, plus précisément, les isomorphismes d’espaces affines φi : Kn → Ui donné par(x1 . . . xi−1 x̂i xi+1 . . . xn+1

)7→ [x1b1+. . .+xi−1bi−1+bi+xi+1bi+1+. . .+xn+1bn+1]

(où le signe ˆ au-dessus d’une lettre signifie que cette variable est à supprimer).L’application inverse supprime la variable i et divise les autres composantes par xi. Noterque PV = ∪n+1

i=1 Ui (car si x 6= 0, alors xi 6= 0 pour au moins un index i), et que les intersec-tions Uij = Ui∩Uj sont non-vides. Si i 6= j, nous avons la formule de changement de cartessuivante : φ−1j ◦ φi envoit

(x1 . . . xi−1 x̂i xi+1 . . . xn+1

)(avec xj 6= 0) sur(

x1xj

. . . x̂j . . . 1xj

. . . xn+1

xj

)(où 1

xjse trouve en i-ème position). Par exemple, si n = 1, il n’y a que deux cartes affines

canoniques, et les deux changements de cartes sont donnés par

K× → K, t 7→ 1

t.

Si n = 2, il y a trois cartes affines canoniques, avec changement de cartes typiques(x1 x2

)7→(x1x2

1x2

),

(x2 x3

)7→(

1x2

x3x2

).

5.5. Remarque. Les cartes Ui forment un recouvrement de X = PV . On montreraplus tard que (si K = R ou C) X les Ui sont en fait des ouverts par rapport à unetopologie naturelle de X : on parle alors d’un recouvrement ouvert. On constate que lesformules de changement de carte sont rationnelles, donc, si K = R ou C, les applicationsφij = φ−1j ◦ φi sont différentiables. On dira alors que les espaces projectifs X = KPnsont des variétés différentiables avec atlas (Ui, φi)i=1,...,n+1. On peut dire qu’une variétédifférentiable ressemble localement, mais pas globalement à un espace Rn. Dans cetteperspective, on s’intéresse à des “formules locales”, i.e., des formules qui décrivent desstructures localement, “dans une carte” – par exemple, le thm. 4.10 sur la description deshomographies dans une carte est un résultat de ce genre.

Pour terminer, revenons sur le rôle important des formes linéaires dans ce chapitre :

5.6. Définition. Soit P = PV un espace projectif. Son espace projectif dual est l’espaceprojectif P′ := P(V ∗), où V ∗ = HomK(V,K) est l’espace vectoriel dual de V (l’espace desformes linéaires sur V ). D’après le lemme 5.3, [α] 7→ [kerα] définit une bijection entreP′ et l’ensemble des hyperplans de P. Nous dirons qu’un couple ([v], [α]) ∈ P × P′ estincident si α(v) = 0 (autrement dit, si [v] appartient à l’hyperplan [kerα]). Rappelonsaussi que dimV = dimV ∗, donc dimP = dimP′.

Chapitre 6 : Quelques théorèmes classiques : Pappus, Desargues,...

Les résultats de ce chapitre sont des théorèmes d’incidence classiques, i.e., des théorèmestraitant de configurations de droites et de leurs intersections. En voici un :

6.1. Théorème de Pappus. Soient D et D′ deux droites distincts dans le plan pro-jectif KP2, et soient a, b, c ∈ D, a′, b′, c′ ∈ D′, deux à deux distincts. Alors les troispoints d’intersection u, v, w suivants sont alignés (et la droite contenant u, v, w est dite ladroite de Pappus) :

u := (b ∨ c′) ∧ (b′ ∨ c), v := (c ∨ a′) ∧ (c′ ∨ a), w := (a ∨ b′) ∧ (a′ ∨ b) .

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Page 16: Geometrie Projective

Et voici une autre façon d’énoncer ce théorème. Par définition, un triangle (resp. hexagon)est la donnée d’un triplet (resp. d’un 6-uplet) de points deux à deux distincts.

6.1. Pappus, bis. Soit (a, b′, c, a′, b, c′) un hexagon dont les sommets se trouvent à tourde rôle sur deux droites distincts D et D′ et sont deux à deux distincts. Soient u, v, w lespoints d’intersection de cotés opposés de cet hexagone. Alors, u, v, w sont alignés.Faire un dessin ! Pour la preuve, il y a deux stratégies possibles, opposées en un certainsens :(A) Choisir de façon appropriée une “droite à l’infini” H = H∞, et se ramener ainsi à unénoncé et à une preuve “affines” dans l’espace affine KP2\H∞. Dans notre cas : on pourrachoisir la droite u ∨ v comme droite à l’infini H∞. Alors, dans l’espace affine KP2 \H∞,l’énoncé devient(P2) (Pappus affine) Soient (b∨ c′) ‖ (b′∨ c) et (c∨a′) ‖ (c′∨a) ; alors w appartient aussià H∞, i.e., (a ∨ b′) ‖ (a′ ∨ b).Or, ceci est le théorème classique de Pappus en géométrie affine (vu en Licence). Exercice:revoir sa preuve (elle repose sur le théorème de Thales)!

(B) Donner une preuve “intrensèquement projective”, ce qui redemontre en même temps,via (A), le théorème classique affine. Dans notre cas : on se sert du théorème 4.14 surles perspectives. On considère les trois perspectives fa : D′ → a′ ∨ b (de centre a) etfc : b∨ c′ → D′ (de centre c) et fv : b∨ c′ → a′ ∨ b (centre v). On montre que fa ◦ fc et fvont même effet sur trois points distincts ; d’après 4.14, il s’ensuit donc que fa ◦ fc = fv.On en déduit que fv(u) = fa ◦ fc(u) = fa(b

′) = w, donc w se trouve sur la droite u ∨ v.

6.2. Théorème de Brianchon. Soient d et d′ deux points distincts du plan projectifKP2 et soient A,B,C trois droites passant par d et A′, B′, C ′ trois droites passant par d′,deux à deux distincts. Alors les trois droites U, V,W suivants sont concourantes :

U := (B ∧ C ′) ∨ (B′ ∧ C), V = (C ∧ A′) ∨ (C ′ ∧ A), W := (A ∧ b′) ∨ (A′ ∧B) .

Comparons avec l’énoncé du théorème de Pappus : on obtient Brianchon si on remplacedans Pappus le terme “point” par “droite” et inversement, le signe ∨ par ∧ et des termes“passe par” par “se trouve sur”, etc. De cette façon, chaque théorème d’incidence admetun théorème dual ou théorème correlatif.

6.3. Méta-théorème : “Principe de dualité”. Un théorème d’incidence (T) estvalable pour tout espace projectif PV de dimension n sur K si, et seulement si, sonthéorème correlatif (T’) est valable pour tout espace projectif de dimension n sur K, où(T’) est l’énoncé obtenu en remplaçant dans (T) le terme “point” par “hyperplan”, “sous-espace projectif de dimension k” par “sous-espace projectif de dimension n − k − 1”, lesigne ∨ par ∧ et le signe ∧ par ∨.

Ce principe de dualité est propre à la géométrie projective et la distingue de la géométrieaffine ou euclidienne. La preuve consiste en l’observation que le théorème (T), énoncépour X = PV , peut être “lu” dans l’espace projectif dual X ′ = P(V ∗) : un hyperplandans PV est la même chose qu’un “point” dans PV ∗ (Définition 5.6), et un point de PVcorrespond à un hyperplan {[α] ∈ X ′ | α(v) = 0} de X ′. Plus précisément:

6.4. Lemme. Soit V un espace vectoriel de dimension m = n + 1 sur K. Pour unsous-espace vectoriel E ⊂ V soit

FE := {α ∈ V ∗ | ∀e ∈ E : α(e) = 0},

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Page 17: Geometrie Projective

et pour un sous-espace vectoriel F ⊂ V ∗ soit

EF := {v ∈ V | ∀α ∈ F : α(v) = 0} .

Alors E 7→ FE est une bijection de l’ensemble Grask(V ) des sous-espaces de dimension kde V (la Grassmannienne des k-espaces dans V ) sur l’ensemble Grasm−k(V

∗) des sous-espaces de dimension m − k de V ∗, avec application réciproque F 7→ EF . Ces bijectionssont des anti-isomorphismes de treillis, i.e., ils renversent les inclusions et échangent lesopérations ∧ (intersection) et ∨ (somme de sous-espaces) :

FE1 ∩ FE2 = FE1+E2 , FE1 + FE2 = FE1∩E2 .

Exercice : revoir la preuve de ce lemme (algèbre linéaire élémentaire) !

6.5. Théorème de la polaire, ou “Petit Pappus”. Soient A et B deux droitesdistincts dans le plan projectif KP2 et a, a′, a′′ ∈ A, b, b′, b′′ ∈ B deux à deux distincts telsque les droites a ∨ b, a′ ∨ b′ et a′′ ∨ b′′ soient concourantes en d. Alors les points o, u, vsuivants sont colinéaires :

o := A ∧B, u := (a ∨ b′) ∧ (b ∧ a′), v := (a′ ∨ b′′) ∧ (b′ ∨ a′′)

Il s’agit ici du cas particulier de la situation du théorème de Pappus où la droite de Pappuspasse par le point o = D ∩D′.

6.6. Théorème de Desargues. Soient (abc) et (a′b′c′) deux triangles dans le planprojectif KP2, ayant sommets et cotés distincts. Soient A = b∨ c, B = a∨ c, C = a∨ b lescotés de (abc) et A′ = b′ ∨ c′, B′ = a′ ∨ c′, C ′ = a′ ∨ b′ les cotés de (a′b′c′). Si les droitesa∨ a′ et b∨ b′ et c∨ c′ sont concourantes, alors les points A∧A′ et B ∧B′ et C ∧C ′ sontalignés (ils se trouvent sur une droite dite la droite de Desargues).

Concernant la preuve, les mêmes remarques comme pour la preuve du théorème de Pappuss’appliquent. Le théorème correlatif (D’) du théorème de Desargues (D) s’énonce : si lespoints A ∧ A′ et B ∧ B′ et C ∧ C ′ sont alignés, alors les droites a ∨ a′ et b ∨ b′ et c ∨ c′sont concourantes. Ainsi, (D’) est la réciproque logique de (D). Ainsi on peut énoncer lethéorème de Desargues en remplaçant le “si... alors...” par “...si et seulement si...”.

6.7. “Petit Desargues”. C’est le cas particulier où la droite de Desargues passe par lepoint o = (a ∨ b) ∧ (a′ ∨ b′). Faire un dessin affine de cette situation, d’abord en prenantla droite de Desargues comme droite à l’infini, puis en prenant une autre droite commedroite à l’infini !

6.8. Desargues dans l’espace de dimension 3 ou plus. Soient (abc) et (a′b′c′) deuxtriangles dans un espace projectif PV de dimension > 2, ayant sommets et cotés distincts,et non dans un même plan. Soient A = b ∨ c, B = a ∨ c, C = a ∨ b les cotés de (abc) etA′ = b′ ∨ c′, B′ = a′ ∨ c′, C ′ = a′ ∨ b′ les cotés de (a′b′c′). Si les droites a ∨ a′ et b ∨ b′ etc ∨ c′ sont concourantes en un point o, alors les points d’intersection A ∧A′ et B ∧B′ etC ∧ C ′ existent et sont alignés.

La preuve est plus simple que celle de 6.6 : les points d’intersection en question existentcar o, a, b, a′, b′, etc., sont coplanaires ; alors forcément ces points d’intersection se trouventsur l’intersection E ∩ E ′, si E est le plan contenant (abc) et E ′ celui contenant (a′b′c′).Ainsi E ∩ E ′ et non-vide, et comme E 6= E ′, l’intersection E ∩ E ′ est une droite, et c’estla droite de Desargues.

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Chapitre 7 : Remarques sur les “fondations de la géométrie”

Les théorèmes de Pappus et de Desargues jouent un rôle particulier pour les fondationsde la géométrie projective. Revenons au chapitre 2 :

7.1. Définition. Un plan projectif abstrait est un ensemble P (de “points”) et un en-semble D de parties de P (dites des “droites de P”) tels que les propriétés (P1) – (P4) duthéorème 2.12 sont vérifiées.

Le théorème 2.12 affirme ainsi que KP2 est un plan projectif abstrait. Est-ce que toutplan projectif abstrait est de cette forme, pour un certain corps K ? La réponse est “non”.On peut, par exemple, remplacer le corps K dans la définition d’un espace projectif KPnpar un anneau de division (= corps non-commutatif). L’exemple le plus important est lecorps non-commutatif des quaternions H. Mais les contre-exemples ne s’arrêtent pas là :il existe d’autres plans projectifs plus “exotiques”, comme le plan octonion OP2.Liée à cette question est une autre : on remarque que les énoncés des théorèmes d’incidence(Pappus, Desargues, etc.), ont un sens dans un plan projectif abstrait P ; est-ce qu’onpeut alors affirmer que ces énoncés sont toujours vrais dans P ? La réponse est “non” :par exemple, Pappus est en défaut dans le “plan quaternionien” HP2, et Desargues est endéfaut dans le “plan octonion” OP2. Plus précisément :

7.2. Théorème. Soit (P ,D) un plan projectif abstrait. Alors le théorème de Pappus estvrai dans P si, et seulement si, il existe un corps K tel que P est de la forme KP2. Lethéorème de Desargues est vrai dans P si, et seulement si, il existe un anneau de divisionD tel que P est de la forme DP2.

Ce résultat figure dans le texte “Grundlagen der Geometrie” (“Fondations de la géométrie”)de David Hilbert (1899), cf. http://fr.wikipedia.org/wiki/Axiomes_de_Hilbert.Pendant plus de deux mille ans, les “Éléments” d’Euclide servait comme base et modèle detout développement en géométrie. Au cours du 19e siècle, les mathématiciens se rendaientcompte que ce fondement était incomplet, donc à revoir. Le texte de Hilbert a répondu à cebesoin. Les axiomes les plus basiques que Hilbert propose sont des “axiomes d’incidence”,du type de ceux définissant un plan projectif abstrait (déf. 7.1). Pour prouver le théorème7.2, Hilbert construit géométriquement le corps gauche D à partir des axiomes d’incidence.L’associativité de la multiplication de D correspond alors au théorème de Desargues, etHilbert a montré qu’alors D est commutatif ssi Pappus est vérifié.En dimension > 2, la situation est plus simple – cela correspond au fait que notre preuvedu théorème de Desargues dans l’espace (Thm. 6.8) est plus simple que celle dans le plan(Thm. 6.6). Pour un espace projectif de dimension quelconque, se basant sur le texte deHilbert, Oswald Veblen a proposé les axiomes d’incidence suivant :

7.3. Définition. Un espace projectif abstrait est un ensemble P (de “points”) et unensemble D de parties de P (dites des “droites de P”) tels que

(1) deux points distincts a, b appartient à une unique droite a ∨ b ;

(2) si a, b, c, c sont des points 2 à 2 dictincts et si a∨ b et b∨ d s’intersectent en un point,alors a ∨ c et b ∨ d aussi s’intersectent en un point (“axiome de Veblen”) ;

(3) toute droite contient au moins 3 points ;

(4) il existe au moins 3 points non colinéaires.

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Page 19: Geometrie Projective

Un sous-espace projectif de P est une partie E de P telle que, si x, y ∈ E, alors tous lespoints de x ∨ y appartiennent aussi à E. La dimension de E est le plus grand nombre k(s’il existe) tel qu’il existe un drapeau maximal de longueur k, i.e., une chaîne d’inclusionsde sous-espaces projectifs

E1 ⊂ E2 ⊂ . . . ⊂ Ek ⊂ E

de sorte que chaque inclusion est stricte. (Exemple : “pt. ⊂ droite ⊂ E drapeau maximal”veut dire que E est un plan.)

7.4. Théorème. Le théorème de Desargues est vrai dans tout espace projectif abstrait dedimension n > 2. Il s’ensuit qu’un tel espace est toujours de la forme DPn, n > 2, avecun anneau de division D.

Il existe d’autres théorèmes de ce type qui relient des propréteés d’incidence à des struc-tures algébriques, dont, par exemple, des résultats de la mathématicienne Ruth Moufang,cf. http://fr.wikipedia.org/wiki/Ruth_Moufang. Le théorème 7.4 révèle un fait trèsprofond : des structures “exceptionnels” en géométrie se trouvent seulement en “bassedimension” (ici : des espaces projectifs autres que les DPn n’existe qu’en dimension 2).Voir [Berger] pour d’autres exemples de ce principe (polytopes), et le web pour des spécu-lations le relatant au fait que notre univers a 4 dimensions (ou 11, ou 27, selon d’autresauteurs...).

Le (deuxième) théorème fondamental de la géométrie projective

Rappelons (Lemme 5.6) que toute homographie est une collinéation. La réciproque n’estpas vraie : en dimension 1 elle est clairement fausse.

7.5. Théorème fondamental de la géométrie projective. Soit f : PV → PV unebijection d’un espace projectif de dimension plus grand que 1. Alors sont équivalents :

(1) f est une semi-homographie ;

(2) f est une collinéation.

7.6. Définition. Une application f : V → W entre K-espaces vectoriels est ditesemi-linéaire si elle est additive : f(u + v) = f(u) + f(v), et si, pour tout v ∈ V etr ∈ K, on a f(rv) = Φ(r)f(v), où Φ est un automorphisme du corps K. Toute bijectionsemi-linéaire f : V → W induit une application bien-définie [f ] : PV → PW , [v] 7→ [f(v)],dite une semi-homographie.

Exercice. Montrer que (1) ⇒ (2) : une semi-homographie est une collinéation (copier lesarguments utilisés pour une collinéation).La preuve de l’autre implication est plus longue et plus difficile. L’étape cruciale de lapreuve est celle qui fait le lien entre des constructions d’incidence et les lois de corps deK (addition, multiplication), de sorte que f préserve ces lois si f préserve les relationsd’incidence. Cette preuve fait intervenir des idées proches de celles utilisées dans lespreuves de 7.2 et 7.4, cf. [Berger].

Exercice, rappel ou remarque. Les corps Q et R n’ont qu’un seul automorphisme:l’identité. Le corps C a une infinité d’automorphismes, mais seulement deux d’entre euxsont continues : l’identité et la conjugaison complexe. Ainsi l’application CPn → CPn,[z] 7→ [z] est une semi-homographie, donc c’est une collinéation. Le corps Z/pZ admet unautomorphisme non-trivial : k 7→ kp. Remarque. La théorie de Galois met en relation lastructure des corps et leurs groupes d’automorphismes.

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Page 20: Geometrie Projective

Chapitre 8 : Le birapport sur la droite projective

La théorie de la droite projective se distingue nettement de la théorie en dimensionsupérieure : une raison en est qu’il n’y a pas de sous-espaces projectifs propres autresque les points eux-mêmes, ainsi on ne peut pas faire de “géomètrie d’incidence sur unedroite”, et il n’y a pas de définition raisonnable d’une “droite projective abstraite” !Ce défaut est contrebalancé par le fait que, sur les droites KP1, il existe un invariantnumérique utile et important, le birapport (ou rapport anharmonique, anglais : cross-ratio; cf. http://fr.wikipedia.org/wiki/Rapport_anharmonique pour un premier sur-vol). Notre point de départ est la remarque que un hyperplan dans KP1 est exactement lamême chose qu’un point dans KP1 ; autrement dit, l’espace X = KP1 est canoniquementla même chose que son espace projectif dual X ′. Sur le plan de l’algèbre linéaire, celase traduit par le fait qu’il y a une façon naturelle d’identifier un espace vectoriel V dedimension 2 avec son espace dual V ∗ :

8.1. Définition. Une forme symplectique sur un espace vectoriel V est une appli-cation bilinéaire et alternée ω : V × V → K (i.e., ω(v, v) = 0 pour tout v ∈ V ) qui estnon-dégénérée (i.e., si ω(v, w) = 0 pour tout w ∈ V , alors v = 0). Remarque : l’alternance(ω(v, v) = 0) implique que ω est antisymétrique : ω(u, v) = −ω(v, u).

8.2. Lemme. Soit dimV = 2 et b1, b2 une base de V . Alors il existe une unique formesymplectique ω : V × V → K telle que ω(b1, b2) = 1. Cette forme est donnée par

ω(x1b1 + x2b2, y1b1 + y2b2) = x1y2 − x2y1.

Toute autre forme symplectique est un multiple de cette forme.

Ainsi ω est “unique à un scalaire non-nul près” ; on l’appelera la forme symplectiquecanonique sur V .

8.3. Corollaire. Soit ω une forme symplectique sur un espace vectoriel de dimension 2.Alors, pour tout g ∈ GL(V ) et pour tout u, v ∈ V ,

ω(gv, gu) = det(g) · ω(v, u) .

De plus, u et v sont linéairement indépendants ssi ω(u, v) 6= 0.

8.4. Corollaire. Soit dimV = 2. L’application

ι : PV → P(V ∗), [v] 7→ [ω(·, v)]

est bien définie et indépendant du choix de forme symplectique ω sur V .

Le corollaire décrit donc une identification canonique d’une droite projective avec son dual.Tout point p = [v] de la droite projective PV s’identifie avec l’hyperplan ι(p). Noter quep et ι(p) sont toujours incidents, ce qui correspond au fait que ω(v, v) = 0.

8.5. Définition du birapport. Soit dimV = 2 et ω une forme symplectique sur V , etsoient ([a], [b], [c], [d]) ∈ (PV )4, deux à deux distincts. Leur birapport est la quantité

BR([a], [b], [c], [d]) :=ω(c, a)

ω(c, b):ω(d, a)

ω(d, b)=ω(c, a)

ω(c, b)· ω(d, b)

ω(d, a)∈ K .

Ceci est bien défini : la quantité ne change pas si on remplace ω, resp. a, b, c ou d, pardes multiples ! Remarque : cette définition s’applique aussi à 4 points colinéaires dans

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Page 21: Geometrie Projective

un espace projectif de dimension supérieur – en effet les 4 vecteurs correspondants setrouvent dans un plan vectoriel, auquel la définition précédente s’applique. Par rapportà n’importe quelle base, on a la formule

BR([a], [b], [c], [d]) =c1a2 − a1c2c1b2 − b1c2

:d1a2 − a1d2d1b2 − b1d2

. (∗)

8.6 Lemme. Le birapport est un invariant du groupe projectif : pour tout g ∈ GL(V ),

BR([ga], [gb], [gc], [gd]) = BR([a], [b], [c], [d]) .

Le birapport peut être interprétée comme un rapport dans l’espace affine PV \ {[d]} :

8.7. Théorème. Choisissons un repère projectif 0 = [e2], ∞ = [e1], 1 = [e1 + e2] etécrivons a = a1e1 + a2e2, etc.

(1) Supposons que a, b, c, d sont finis (i.e., 6=∞) et normalisons a2 = 1 = b2 = c2 = d2.Alors on a la “formule dans la carte canonique”

BR([a], [b], [c], [d]) =c1 − a1c1 − b1

:d1 − a1d1 − b1

=(c1 − a1)× (d1 − b1)(c1 − b1)× (d1 − a1)

. (A)

(2) Si d = ∞ et a2 = 1 = b2 = c2, en utilisant le rapport dans l’espace affine, cf. déf.1.10,

BR([a], [b], [c], [∞]) = R(a1, b1, c1) =c1 − a1c1 − b1

(B)

(3) Finalement,

BR(∞, 0, 1, d) =d1d2. (C)

La formule (A) peut servir pour définir le birapport de 4 points sur une droite affine. Laformule (C) s’écrit, en identifiant x 6=∞ avec un élément de K, BR(∞, 0, 1, x) = x.Notation : dans la suite, nous travaillons souvent directement avec un point a ∈ KP1 aulieu d’écrire [a] ∈ KP1. Si besoin est, on peut toujours écrire a sous la forme [v], v ∈ V .

8.8. Théorème. Fixons un repère projectif, comme dans le théorème précédent, etidentifions PV \ {∞} avec K. Soit a, b, c ∈ PV , deux à deux distincts, et soit f = f∞01

abc

l’unique élément de PGL(2,K) tel que f(a) =∞, f(b) = 0, f(c) = 1 (cf. 4.9 (3) ). Alorson a

BR(a, b, c, d) = f∞01abc (d).

En effet, par rapport à l’inclusion K ⊂ KP1, on a, en utilisant (C) ci-dessus,

f(d) = BR(∞, 0, 1, f(d)) = BR(f(a), f(b), f(c), f(d)) = BR(a, b, c, d).

8.9. Remarque : birapport à valeurs dans la droite projective. Le théorèmedonne une autre définition possible du birapport (utilisée par beaucoup d’auteurs) : onfixe un repère, et pour a, b, c deux à deux distincts et d ∈ KP1 quelconque, on définit

BR(a, b, c, d) := f∞01abc (d) ∈ KP1.

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Page 22: Geometrie Projective

Comme le plongement de K dans KP1 dépend du repère, cette définition n’est plus in-dépendant du repère. Son avantage est qu’elle donne un sens au valeurs du birapportsuivantes :

BR(a, b, c, c) = 1, BR(a, b, c, b) = 0, BR(a, b, c, a) =∞.

8.10. Théorème. La réciproque du lemme 8.6 est vraie aussi : soit f : PV → PV unebijection qui préserve le birapport, alors f est une homographie.

Pour la preuve, on se ramène au cas f(∞) =∞ ; alors la restriction de f à la droite affineK = PV \ {∞} préserve les rapports. Il suffit alors de montrer que une application d’unedroite affine qui préserve les rapports est une application affine.

L’ordre des 4 points dans la définition du birapport est important. Rappelons que legroupe S4 de permutations de 4 lettres agit par permutation sur les 4 variables d’unquadruplet de points.

8.11. Théorème. Le birapport est invariant sous les permutations σ1 := (12)(34) etσ2 := (14)(23) :

BR(a, b, c, d) = BR(b, a, d, c) = BR(d, c, b, a) .

Il s’ensuit qu’il est invariant aussi sous σ3 = (13)(24), et donc sous le groupe de Klein{id, σ1, σ2, σ3}. Sous les permutations (12) et (23), le birapport se transforme selon

BR(b, a, c, d) =1

BR(a, b, c, d), BR(a, c, b, d) = 1− BR(a, b, c, d).

Les permutations données dans le théorème engendrent S4, et donc on connait maintenantle comportement du rapport sous toute permutation.

8.12. Exercice. À partir de λ = BR(a, b, c, d), on obtient par permutation les valeurs

λ, 1− λ, λ−1, (1− λ)−1, 1− λ−1, (1− λ−1)−1.

Montrer que ces six valeurs sont 2 à 2 différentes, sauf si l’un deux appartient à listesuivante : −1, 1, e

πi3 (ce dernier si, par exemple, K = C). Etudier les valeurs possibles du

birapport dans chacun des trois cas.

8.13. Définition. Si BR(a, b, c, d) = −1, on dit que les quatre points sont en divi-sion harmonique. Étant donné un triplet de points (a, b, c), l’unique point d tel queBR(a, b, c, d) = −1, s’appelle le conjugué de c par rapport à a et b.

8.14. Lemme. Prenons d comme point à l’infini. Alors BR(a, b, c, d) = −1 si etseulement si, dans la droite affine K = KP1 \ {d}, on a

c− a = b− c, ou encore : 2c− a = b,

ce qui veut dire que a et b sont symétriques par rapport au point c, ou encore (si car(K) 6=2): c = a+b

2est le milieu (barycentrique) de a et de b dans la droite affine KP1 \ {d} .

Si on choisit ∞ différent de d, on peut dire (pour K = R) que a, b, c, d ∈ K sont endivision harmonique ssi l’un des deux points c et d est à l’intérieur du segment [ab] etl’autre à l’extérieur, et de plus les rapports de longueur ca

cbet da

dbsont égaux. Exemple :

(0, 1n+1

, 1n, 1n+2

) sont en division harmonique.

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Page 23: Geometrie Projective

8.15. Définition. Soit KP2 le plan projectif sur K. Un quadrilatère complet est ladonnée de 4 droites dans KP2 telles que trois quelconques parmi elles ne soit pas con-currentes. Alors ces droites ont 6 points d’intersection, et parmi les droites reliant cespoints entre eux il y a exactement 3 “nouvelles” droites que l’on appelera les “diagonalesdu quadrilatère”. (Faire un dessin !)

8.16. Théorème. Soit D une diagonale d’un quadrilatère complet, par deux points,disons a et b, du quadrilatère. Soient i et j les points d’intersection de D avec les deuxautres diagonales. Alors j est le conjugué harmonique de i par rapport à a et b, i.e.:BR(a, b, i, j) = −1.

La preuve la plus simple consiste à choisir l’une des trois diagonales comme droite à l’infini.Les autres deux diagonales deviennent alors les diagonales d’un parallèlogramme affine.Or, en géométrie affine on montre facilement que les sommets d’un parallèlogramme sontsymétriques par rapport au point d’intersection des deux diagonales.

Chapitre 9 : Coniques et quadriques projectives

9.1. Introduction : exercice préliminaire. Soit C := {x ∈ R3| q(x) = 0}, avecq(x) = x21 + x22 − x23, le cône circulaire. Faire un dessin et montrer que l’intersection de Cavec un plan affine E de R3 peut être, selon la position de ce plan :0) un point ;1) une droite ;2) deux droites qui s’intersectent ;3) une ellipse ;4) une hyperbole ;5) une parabole.La figure d’intersection du cône C avec un plan affine E est dite une conique affine. Mon-trer que l’ensemble PC := [C] := {[x] ∈ P(R3) | q(x) = 0}, dite une conique projective,est bien défini, et que les figures 3) – 5) peuvent apparaitre comme intersection PC ∩ Ade PC avec une partie affine A de P(R3). Ainsi ellipses, hyperboles et paraboles sontdes images affines différentes d’une même conique projective, et ils ont donc des pro-priétés “projectives” en commun – propriétés étudiées depuis l’antiquité (Appolonius),puis de nouveau grâce au développement des idées générales de la géométrie projective(Pascal, Poncelet,...), voir, pour des remarques historiques, http://fr.wikipedia.org/wiki/Conique.

9.2. Rappel : formes quadratiques. Passons au cas d’un corps quelconque K (decaractéristique 6= 2). Rappelons qu’une forme quadratique sur un K-espace vectoriel Vest une application q : V → K de la forme q(x) = β(x, x) où

β : V × V → K

est une application bilinéaire symétrique. Le rang de q est le rang de l’application linéaire

β̂ : V → V ∗, v 7→ β(v, ·)

et le noyau de β (ou : de g est, par définition, le noyau de β̂ :

ker(q) := ker(β) := ker(β̂) = {v ∈ V | ∀w ∈ V : β(v, w) = 0}.

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Page 24: Geometrie Projective

Après choix d’une base, en identifiant V à Kn, on peut mettre q : Kn → K sous la forme

q(x) =n∑

i,j=1

aijxixj = xtAx

avec la matrice symétrique A = (aij) = (β(bi, bj)). La forme bilinéaire associée est alors

β(x, y) = xtAy.

Le rang de q est alors celui de la matrice A, et on dit que q et β sont non-dégénérées sile rang est maximal, i.e., si det(A) 6= 0. Un vecteur v ∈ V est dit isotrope si q(v) = 0 etv 6= 0. L’ensemble

C = {x ∈ Kn | q(x) = 0}

est homogène par rapport au scalaires dans le sens que x ∈ C ssi λx ∈ C pour λ ∈ K×.

Le choix d’une forme quadratique sur V a deux effets sur l’espace projectif P(V ) :A), elle définit une quadrique projective, etB), via β̂, elle définit une polarité :

9.3. Définition. Une quadrique projective est une partie [C] ⊂ P(V ) de la forme

[C] := {[x] ∈ P(V ) | q(x) = 0, x 6= 0},

où q : V → K est une forme quadratique non-nulle. Elle est dite propre si q est non-dégénérée. Si dimP(V ) = 2, on parle d’une conique. Une quadrique (conique) affineest un ensemble de la forme [C] ∩ A, où [C] est une quadrique (conique) projective etA = PV \H est une partie affine de PV (H un hyperplan). Si H = [kerα], cette imageaffine est donnée par

{x ∈ V | α(x) = 1, q(x) = 0}.

9.4. Exemple.(1) Ellipse, hyperbole et parabole sont des images affines provenant de la même coniqueprojective, selon le cas où la droite à l’infini H∞ est extérieure, sécante ou tangente de laconique (exercice 9.1).(2) Attention : une quadrique peut être vide ! Soit q(x) = x21 + x22 + x23. Si K = R, laconique [C] ⊂ RP2 est vide (car le seul vecteur isotrope est 0). Si K = C, la conique[C] ⊂ CP2 est non-vide : par exemple, [(0, i, 1)], [(0,−i, 1)] ∈ [C] (l’image affine pourx3 = 1 est {(x1, x2) ∈ C2 | x21 + x22 = −1}).

9.5. Définition. Soit x ∈ V tel que la forme linéaire β(x, ·) : V → K est non-nulle.Alors l’ensemble

x⊥ := ker(β(x, ·)) = {y ∈ V | β(x, y) = 0}

est un hyperplan de V (i.e., un élément de P(V )′), et l’hyperplan projectif

[x]⊥ := [x⊥] = [ker(β(x, ·))] ⊂ P(V )

s’appelle la polaire du pôle [x]. Noter qu’un point [x] ∈ P(V ) appartient à la quadriqueQ si et seulement si [x] est sur sa polaire [x⊥].

9.6. Lemme. Si q est non-dégénérée, alors l’application

[β̂] : P(V )→ P(V )′, [x] 7→ [x⊥]

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Page 25: Geometrie Projective

est une homographie bijective, dite une polarité.

9.7. Exemple.(a) Cas d’un produit scalaire sur V = Rn+1. La quadrique est vide, mais la polarité estbien définie. Pour n = 1: produit scalaire q(x) = x21 + x22, avec polarité:

RP1 → RP1, [(x1, x2)] 7→ [(−x2, x1)]

(b) Cas de la forme Lorentzienne sur Rn+1: q(x) =∑n

i=1 x2i − x2n+1. La quadrique [C] est

donnée par le cône circulaire. Pour n = 1, q(x) = x21−x22, la quadrique a exacement deuxpoints : [(1, 1)] et [(1,−1)], et la polarité est décrite par :

RP1 → RP1, [(x1, x2)] 7→ [(x2, x1)]

Passons au cas d’un corps général pour classifier les quadriques en dimesion un :

Le cas d’une droite projective (dimension 1)

9.8. Théorème (quadriques en dimension 1). Soit dimV = 2 et q : V → K uneforme quadratique. Alors précisément les 4 cas suivants peuvent se produire :

(0) rang nul : q = 0 ;

(1) rang un : il existe une base b1, b2 de V telle que q(x) = λ1x21 avec λ1 6= 0 ;

(2a) rang deux, anisotrope : q n’admet pas de vecteur isotrope ;

(2b) rang deux, isotrope : il existe une base b1, b2 de K2 par rapport à laquelle

q(x1b1 + x2b2) = 2x1x2, matrice p.r. à cette base :(

0 11 0

)(K2 muni d’une telle forme s’appelle un plan hyperbolique).

Pour la quadrique Q dans la droite projective P(V ), précisement les 4 cas suivants peuventse produire:

(0) rang nul : Q = PV ;

(1) rang un : Q contient un seul point ;

(2a) rang deux, anisotrope : Q = ∅ ;

(2b) rang deux, isotrope : Q contient deux points (à savoir, [b1] et [b2]).

Noter que sur C, le cas (2a) ne peut pas se produire. Géométriquement, le cas (2b) estle plus intéressant. Noter que, dans ce cas, par un chagement de base, on peut aussise ramener à la forme normale q(x) = x21 − x22 (matrice diagonale dia(1,−1)). Pour lapolarité, on a :

9.9. Proposition. Soit dimV = 2 et supposons Q est de type (2b) ci-dessus, et écrivonsQ = {a, b} avec a, b ∈ PV , a 6= b. Alors la polaire du point x ∈ PV s’identifie au pointy ∈ PV tel que le quadruplet (a, b, x, y) soit harmonique, i.e., BR(x, y, a, b) = −1.

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Page 26: Geometrie Projective

Le cas des coniques (dimension 2)

9.10. Théorème (classification des coniques). Soit dimV = 3 et q : V → K uneforme quadratique. Alors précisément les cas suivants peuvent se produire:

(0) rang nul : q = 0 ;

(1) rang un : il existe une base b1, b2, b3 de V telle que q(x) = λ1x21 avec λ1 6= 0 ;

(2a) rang deux, anisotrope : V = P ⊕K avec P un plan anisotrope et K = ker(β) ;

(2b) rang deux, isotrope : V = H⊕K avec H un plan hyperbolique et K = ker(β) (alorsil existe une base b1, b2, b3 de V par rapport à laquelle q(x) = 2x1x2)

(3a) rang trois, anisotrope : q n’admet pas de vecteur isotrope

(3b) rang trois, isotrope : il existe une base b1, b2, b3 de V par rapport à laquelle

q(x) = λ(2x1x2 + x23); matrice p.r. à cette base :

0 λ 0λ 0 00 0 λ

(λ 6= 0).

Pour la conique correspondante, précisément les cas suivants se produisent :

(0) rang nul : Q = P(V ) ;

(1) rang un : Q est une droite projective (dite “double”) ;

(2a) rang deux, anisotrope : Q est un point ( = [ker β]) ;

(2b) rang deux, isotrope : Q est la réunion de deux droites (qui s’intersectent en [ker β]);

(3a) rang trois, anisotrope : Q = ∅ ;

(3b) rang trois, isotrope : Q ∼= {[x] ∈ KP2 | 2x1x2 + x23 = 0}

Le seul cas d’une conique propre et non-vide est donc (3b) ; pour cette raison on parlede “la” conique propre non-vide. Noter que, par un changment de base, on peut alorsmettre la matrice de β sous forme diagonale dia(−1, 1, 1), ce qui correspond au cas ducône circulaire si K = R ; dans ce cas, on retrouve donc les coniques classiques (exercice9.1). Nous allons étudier ce cas plus en détail dans le chapitre suivant.

Classification des quadriques en dimension quelconque

9.11. Pour un corps K quelconque, si dimV > 3, il n’existe plus de classification complètede formes quadratiques. (Cependant, pour K = C et K = R, une telle classification estrelativement simple : revoir les cours de Licence !) Cependant, une classification grossièreselon les principes du théorème précédent est toujours possible: on peut décomposer

V = A⊕H1 ⊕ . . .⊕Hk ⊕K,

avec K = ker(β), A un sous-espace anisotrope (i.e., q|A est une forme anisotrope) etH1, . . . , Hk des plans hyperboliques. Tout les problèmes mathématiques de classificationsse cachent maintenant dans la partie A. Si q est non-dégénérée (i.e., K = 0), on peutdonc gossièrement distinguer deux types:

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Page 27: Geometrie Projective

(a) A 6= 0 ;(b) A = 0, i.e., V = H1 ⊕H2 ⊕ . . . Hk (cas dit artinien).En genéral, le cas (a) est “sauvage” : une classification explicite est très difficile. (SiK = C, le cas (a) ne se produit pas ; pour K = R, dimA est lié à la signature de q.) Dansle cas (b), dimV = 2k est paire, et on peut regrouper les vecteurs de base telle que lamatrice de β soit(

0 1k1k 0

)ou bien, via un changement de base :

(1k 00 −1k

).

Le cas k = 1 est celui du théorème 9.8 ; le cas suivant est k = 2, donc dimV = 4 :(4a) V = A⊕H ;(4b) V = H1 ⊕H2.Pour un corps quelconque, le type (4a) peut donner lieu à beaucoup de sous-cas ; siK = R, (4a) donne lieu à un seul cas, le cas lorentzien : q(x) = x21 + x22 + x23 − x24.Pour x4 = 1, nous avons la sphère S2 comme image affine ; pour x1 = 1, nous trouvonsl’hyperboloïde à deux nappes comme image affine. Le cas artinien (4b) est très intéres-sant: par rapport à une base convenable, q(x) = x21 + x22 − x23 − x24 ; pour x4 = 1, sonimage affine est l’hyperboloïde à une nappe {x ∈ R3 | x21 + x22 − x23 = 1}. Devoir : faireun beau dessin...

Sécantes et tangentes

Soit D = [E] une droite de P(V ) et Q une quadrique. On veut décrire la position de Dpar rapport à Q. L’intersection D∩Q est une conique dans [E]. Le théorème 9.8 donne :

9.12. Proposition. Soit Q une quadrique projective dans un espace projectif PV et Dune droite de PV . Pour l’intersection D ∩ Q, précisément les cas suivants peuvent seproduire:

(0) rang nul : D ⊂ Q ;

(1) rang un : D ∩Q contient un seul point ;

(2a) rang deux, anisotrope : D ∩Q = ∅ ;

(2b) rang deux, isotrope : D ∩Q contient deux points.

9.13. Définition. Si Q ∩ D est de rang nul ou un (cas (0) ou (1)), D est dite unetangente de Q. Dans le cas (2b), D est dite une sécante de Q, et dans le cas (2a) unedroite extérieure.

9.14. Exemples.(1) Soit dimV = 3 et D = [E] avec dimE = 2, et considérons le cas de la conique proprenon-vide. Alors il n’existe aucun planE isotrope dans V (i.e, tel que β(E,E) = 0, carsinon, la matrice de β serait de rang 2 : contradiction). Ainsi, le cas (0) ne se produit paspour la conique propre. Toute tangente à la conique propre est donc de type (1), i.e., elletouche la conique en un seul point.(2) Soit dimV = 4, cas (4b) (cas artinien). Par rapport à une base convenable, q(x) =x1x2+x3x4. Si D = [E] avec E ⊂ K4 le plan de base e2, e3, alors E est un plan totalementisotrope, i.e., q(E) = 0, donc D ⊂ Q: on est dans le cas (0). Il existe donc des droites

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Page 28: Geometrie Projective

tangentes à Q complètement inclues dans Q (revoir la géométrie affine de l’hyperboloideà une nappe !).

9.15. Lemme. Soit Q une quadrique non-dégénérée de P(V ), soit p ∈ Q et TpQ := p⊥

son hyperplan polaire. Soit D ⊂ P(V ) une droite passant par p. Alors D est une tangentede Q si, et seulement si, D ⊂ p⊥. Ainsi TpQ, dit l’hyperplan tangent de Q au point p, estla réunion de toutes les droites tangentes à Q et passant par le point p.

Images affines d’une quadrique projective

9.16. Définition. Soit Q ⊂ P(V ) une quadrique propre et H = [E] ⊂ P(V ) unhyperplan, considéré comme “hyperplan à l’infini” de la partie affine A = P(V ) \ H.L’image affine QA := Q ∩ A de Q est dite

– complète ou elliptique si H est extérieur à Q dans le sens que Q ∩H = ∅ ;

– parabolique si H est tangent à Q dans le sens qu’il existe p ∈ Q tel que H = TpQ ;

– hyperbolique sinon.

9.17. Exercice. Montrer : avec les notations ci-dessus,

(1) l’image affine QA est parabolique ssi la restriction q|E est dégénérée ;

(2) l’image affine QA est elliptique ssi la restriction q|E est anisotrope ;

(3) l’image affine QA est hyperbolique ssi la restriction q|E est non-dégénérée et admetau moins un vecteur isotrope.

9.18. Exemples.(1) Pour K = R, la sphère est une image complète de la quadrique définie par la formeLorentzienne. Une autre image (hyperbolique) est L’hyperboloïde à deux nappes. PourK = C, il n’y a jamais d’image affine complète.(2) L’hyperboloïde à une nappe est une image hyperbolique de la quadrique artiniebbe Qdans RP3. Cette quadrique n’admet aucune image affine complète. Plus généralement: siE est un hyperplan non-dégénéré de V , on décompose V = E⊕E⊥, avec E⊥ de dimension1. En écrivant v = (x, t) ∈ E ⊕E⊥ et q(v) = q′(x) + at2, avec a 6= 0, puis en divisant para, l’image affine QA peut être mis sous la forme

QA∼= {z ∈ A | q′(z) = −1}.

Si l’équation q′(x) n’a pas de solution non-nulle dans E, l’image est complète.

9.19. Image affine parabolique d’une quadrique. Ce type d’image généralise laparabole (=graphe de l’application R→ R, t 7→ t2) : on vera que QA est le graphe d’uneapplication quadratique W → K, où W est de dimension dimV − 2.

Définition. Soit V = W × K avec dimW = n. Un paraboloïde affine dans V est unensemble de la forme suivante, où q′ : W → K est une forme quadratique :

{(y, t) | x ∈ V, t = q′(x)}

Autrement dit, c’est le graphe de l’application q′ : W → K.

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Page 29: Geometrie Projective

Soit Q = Qβ une quadrique propre non-vide, et fixons deux points p = [P ] et s = [S]dans Q, tels que p ∨ s soit une sécante (i.e., β(P, S) 6= 0 ; on peut alors normaliser P telque β(P, S) = 1). Soit F := KP ⊕KS le plan hyperbolique de base P, S ; on a alors unedécomposition

V = F ⊕ F⊥ = KP ⊕KS ⊕B, B := F⊥ = P⊥ ∩ S⊥.

Noter que S⊥ = KS ⊕ F⊥ et P⊥ = KP ⊕ F⊥.

9.20. Lemme. Soit H := TpQ et A := P(V ) \ H. Alors A est un espace affine quis’identifie à

{v ∈ V | β(v, P ) = 1} = {S + tP + b | t ∈ K, b ∈ B} ∼= B ×K.

Le point S + tP + b correspond au couple (b, t). L’image affine Q ∩A s’identifie alors augraphe

{(b,−1

2q(b)) | b ∈ B}

de l’application −12q : B → K.

Preuve. Soit α = β(P, ·), donc H = [kerα]. On identifie A avec {v ∈ V | α(v) = 1}.Tout élément v ∈ A s’écrit donc v = S + tP + b avec t ∈ K et b ∈ B. La condition0 = β(v, v) = β(S + tP + b, S + tP + b) équivaut alors à

t = −1

2β(b, b) = −1

2q(b),

ainsi l’image affine Q ∩ A ∼= {−12q(b)P + b | b ∈ B} de la quadrique s’identifie au graphe

de l’application −12q : B → K.

Remarque. Pour toute fonction f : M → N , l’application m 7→ (m, f(m)) établit unebijection entre M et le graphe de f . Ainsi, B → Q∩A, b 7→ (b,−1

2q(b)) est une bijection.

Exemple. La conique propre non vide. Comme dimB = 1, le graphe {(x, f(x)) | x ∈ B}d’une fonction f : B → K est en bijection avec K via x 7→ (x, f(x)). De plus, dans ce casQ ∩ TpQ est le point p, de sorte que Q ∼= {p} ∪ K. Noter que cette décomposition de Qressemble à celle de KP1 ∼= K ∪ {∞}. Nous allons voir dans le chapitre suivant que cetteidentification de la conique Q avec la droite projective KP1 est naturel dans plusieursregards.

9.21. Remarque : comparaison des points de vue projectifs et affines. Engéométrie affine, on définit une quadrique affine comme partie d’un espace affine A dela forme {x ∈ A | f(x) = 0}, où f : A → K est une fonction quadratique, i.e., f(x) =q(x) + a(x) + c, avec q : A→ K une forme quadratique, a : A→ K une forme linéaire et cune constante. Nous avons vu que toute image affine d’une quadrique projective est unequadrique affine. La réciproque est vraie aussi (cf. TD) : si on fixe une origine dans A eton pose V := A⊕K, montrer qu’alors la fonction

F : V → K, F (x, t) := t2f(t−1x)

est homogène quadrique ; comme F (x, 1) = f(x), l’image affine t = 1 de la quadrique{[v] | F (v) = 0}, où v = (x, t), redonne la quadrique du départ.

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Page 30: Geometrie Projective

Chapitre 10 : Projection stéréographique et applications

10.1. Exercice : la projection stéréographique classique. Cette application sert àidentifier la sphère Sn à la réunion de Rn avec un unique point ; elle joue un rôle importanten géométrie, en topologie et (si n = 2) en cartographie (cf. [Berger] !). L’exercice suivantest au niveau de cours de Licence : soit Sn = {x ∈ Rn+1| 〈x, x〉 = 1} la sphère unité del’espace euclidien Rn+1 muni de son produit scalaire standard 〈u, v〉 =

∑i uivi. Le point

N = en+1 (dernier vecteur de la base canonique) est appelé le pôle nord de Sn, et le pointS = −N le pôle sud. Dans la suite, la lettre P désignera indifféremment le point N ou lepoint S. On note UP := Sn \ P et P⊥ = {x ∈ Rn+1| 〈x, P 〉 = 0} = {x ∈ Rn+1|xn+1 = 0}l’hyperplan orthogonal à P que l’on identifiera avec Rn en identifiant y = (y1, . . . , yn) ∈ Rn

avec (y1, . . . , yn, 0) ∈ Rn+1.

• Pour tout point x ∈ Sn, x 6= P , montrer que la droite x∨P admet un unique pointd’intersection avec P⊥, qu’on note ΦP (x), et qu’il est donné par la formule

ΦP (x) =1

1− 〈x, P 〉

(x− 〈x, P 〉P

).

• La projection stéréographique (du pôle P sur P⊥) est définie par

ΦP : UP → P⊥, x 7→ ΦP (x).

Montrer que l’application ΦP est bijective et calculer l’application réciproque.

• Montrer que ΦP est un homéomorphisme (i.e., continu dans les deux sens).

• Soit n = 1. Faire un dessin du plan R2 avec S1, N , S, P⊥, y = ΦS(x) et z = ΦN(x)(pour un choix générique de x ∈ S1). Par un argument de géométrie élémentaire(observer que les triangles Sy0 et N0z sont semblables), montrer que

ΦN(Φ−1S (y)) =y

||y||2.

Montrer que cette formule est valable aussi dans le cas de n général (on pourra faireun calcul direct, ou invoquer le cas n = 1 par un argument géométrique).

• Montrer que l’application

h : P⊥ \ {0} → P⊥ \ {0}, y 7→ ΦN(Φ−1S (y))

est un difféomorphisme de classe C∞ et calculer sa différentielle Dh(y).

10.2. La projection stéréographique : définition projective. Nous allonsgénéraliser la construction classique en remplaçant la sphère Sn par une quadrique pro-jective Q et R par un corps K. La définition reste presque inchangée, le seul change-ment important étant qu’il ne faut pas seulement enlever le pôle P , mais tout l’ensembleQ ∩ TPQ, pour que le projection Φ(x) soit définie pour un x ∈ Q. (Rappel : pour uneconique, Q∩TPQ est toujours réduit à un point, mais pour un hyperboloïde à une nappe,cet ensemble est bien plus grand : il contient deux droites.)

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Page 31: Geometrie Projective

Proposition. Soit Q une quadriqe projective et p ∈ Q. Soit A := P(V ) \ TpQ etQA := Q ∩ A. Soit F un hyperplan de P(V ) tel que p /∈ F , et FA = F ∩ A (hyperplanaffine de A). Alors la projection stéréographique depuis p

Φp := ΦpQ,F : QA → FA, x 7→ (x ∨ p) ∧ F

est bien définie et bijective, d’application réciproque FA → QA, y 7→ (y ∨ p) ∧QA.

10.3. Remarque : dépendance de F . La dépendance du choix de l’hyperplan F estinessentielle, dans le sens suivant : si on choisit un autre hyperplan F ′ différent de TpQ,alors la nouvelle projection stéréographique est obtenue en composant l’ancienne par unehomographie (projection centrale de F sur F ′ ; cela découle directement de la définition):

ΦpQ,F ′ = P p

F ′,F ◦ ΦpQ,F .

Plus important est d’étudier la dépendance du pôle de projection : par la réciproqued’une projection stéréographique depuis un point s, on va d’un hyperplan F sur Q, puison reprojette depuis un autre point n sur le même hyperplan. La composée Φn ◦ (Φs)−1

n’est pas définie pour tous les points de F , mais elle le sera pour “presque tout point”de F . Cela ressemble beaucoup à la situation de “changement de carte” décrite dans lechapitre 5 : en effet, le projections stéréographiques peuvent servir pour définir un atlassur Q (cf. la remarque 5.5). La description deviendra plus simple si nous fixons le choixde F tel que, dans l’image affine parabolique, la projection stéréographique sera décritepar la projection naturelle (x, f(x)) 7→ x d’un graphe {(x, f(x)) | x ∈M} sur M :

10.4. Théorème. Soit n, s ∈ Q deux points tel que n∨s soit une sécante de Q, et soit Fun hyperplan de PV tel que TnQ∩TsQ = F ∩TnQ = F ∩TsQ. (Un tel hyperplan est obtenupar le choix d’un point ` ∈ n∨s différent de n et de s et en posant F := (TnQ∩TsQ)∨ `.)Soit A l’espace affine P(V ) \ TnQ. L’hyperplan affine E := FA = F ∩ A, s’identifie alorsavec B = S⊥ ∩N⊥ (cf. 9.19 et 9.20). L’application

Φn,s : E 99K E, x 7→ P sQ,F (P n

Q,F )−1(x)

est alors donnée par la formule B 99K B, b 7→ γ′ bβ(b,b)

, définie si β(b, b) 6= 0, et où γ′ ∈ K×est une constante dépendante du choix de `.

Preuve. Faire un dessin de la situation géométrique (tel que l’intersection TnQ ∩ TsQapparaît dans le dessin comme un point ; ce point représente en réalité un sous-espaceprojectif de dimension n − 2 !) On utilise les notations de 9.19 et 9.20, avec n = [N ] aulieu de p = [P ] : V = KN ⊕ KS ⊕ B, et soit ` = [L] avec L = S + γN (où γ ∈ K×) etF = [E]. Alors

E ∩ S⊥ = E ∩N⊥ = S⊥ ∩N⊥ = B,

et grâce à ces choix, l’hyperplan affine FA est parallèle à TsQ dans l’espace affine A ∼=B ×K. Dans l’identification A ∼= B ×K,– le point s = [S + 0 + 0] correspond à (0, 0) ;– l’espace tangent TsQ correspond à B × 0 ;– l’espace affine FA correspond aux couples (b, γ) avec b ∈ B ;– la droite s ∨ n correspond à 0×K (dont n est le point à l’infini) ;– la quadrique affine QA correspond aux couples (b,−1

2q(b), b ∈ B ;

– la projection stéréographique depuis n est la projection (b,−12q(b)) 7→ (b, γ) ;

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Page 32: Geometrie Projective

– la projection stéréographique depuis s est décrite par (b,−12q(b)) 7→ r(b,−1

2q(b)), où

r · (−12q(b)) = γ. En mettant tout cela ensemble, on obtient la formule de l’énoncé : Soit

x = (b, γ) ∈ FA ; alors (Φn)−1(b, γ) = (b,−12q(b)) et

Φs(Φn)−1(b, γ) = Φs(b,−1

2q(b)) =

(−γ b

2q(b), γ).

10.5. Définition. Soit W un espace vectoriel muni d’une forme quadratique non-nulleq : W → K. L’inversion définie par ces données est alors l’application définie par

i := iq : U := {x ∈ W | q(x) 6= 0} → W, x 7→ 1

q(x)x.

Noter que l’ensemble des points fixes est {x | q(x) = 1} et que i ◦ i = idW . Exemples:W = R et q(x) = x2 : alors i(x) = 1

x(points fixes : ±1)

W = R et q(x) = kx2 : alors i(x) = 1kx

(si k = −1 : pas de points fixes !)W = R2 et q(x) = x21 + x22 : alors i(x) = x

x11+x22, dite l’inversion par rapport au cercle.

Cette application a des propriétés géométriques très intéressantes (exercice) : montrerqu’elle transforme une droite ne passant pas par 0 en un cercle passant par 0 et un cerclene passant pas par 0 en un cercle ne passant pas par 0 ; ce n’est donc pas une homographie!W = Rn+1 et q(x) = 〈x, x〉 le produit scalaire usuel : inversion par rapport à Sn.Le cas dimW = 1 est en effet le seul cas où l’inversion est une homographie ! D’où le rôleparticulier de ce cas : dans la suite, supposons que Q soit une conique propre non-vide.

10.6. Projection stéréographique pour une conique. Rappelons (exemple 9.14 (1))que, pour la conique Q, une tangente au point n touche Q au seul point n (le “cas (0)” nese produit pas), ainsi la projection Φn met en bijection Q \ {a} et une droite affine FA.On peut donc la “compléter” en décrétant que le point a devra correspondre au point àl’infini ∞ = F ∩ TaQ de cette droite affine. Ainsi on a complété Φn en une applicationdéfinie partout

Φn = ΦnQ,F : Q→ F, x 7→ Φn(x) =∞ si x = n, Φn(x) = (x ∨ n) ∩ F sinon.

Le lecteur complètera cette définition par un dessin :

10.7. Théorème (Birapport sur la conique). Soit dimP(V ) = 2 et Q une coniquepropre non-vide. Fixons deux points s, n ∈ Q, s 6= n et une droite F qui ne contient ni s,

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Page 33: Geometrie Projective

ni n. Alors s ∨ n est une sécante, et l’application

Φn,s : F → F, x 7→ Φs(Φn)−1(x)

est une homographie. Soit (a, b, c, d) ∈ Q4, deux à deux distincts. Alors la quantité

BR(a, b, c, d) := BR(Φn(a),Φn(b),Φn(c),Φn(d)

)est indépendante du choix du point n ∈ Q; on l’appelle le birapport du quadruplet(a, b, c, d) ∈ Q4.

En effet, si on fait la définition du birapport en projetant depuis s, les 4 images seront liéesà celles de la projection depuis n par une homographie, et ont donc le même birapport.(Compléter le dessin ci-dessus en y indiquant ces points !)

10.8. Théorème (Hexagramme Mysticum de Pascal). Soient a, b′, c, a′, b, c′ lessommets d’un hexagone inscrit dans une conique propre non-vide Q. Alors les pointsd’intersection des cotés opposés sont alignés, i.e., les points suivants sont alignés :

u := (bc′) ∩ (cb′), v := (ac′) ∩ (ba′), w := (ab′) ∩ (ba′) .

Faire ici un dessin du cas K = R, avec image affine de Q une ellipse, et a, b, c, c′, b′, a′sur Q pris dans cet ordre en parcourant l’ellipse au sens de l’aiguille, et l’hexagon étantdonné par des segments successifs a′bc′ab′ca′. On marquera les points x := (bc′)∩ (ca′) ety := (ac′) ∩ (ba′).

Montrer que u, v, w sont alignés revient à montrer que pv(u) = w, pour la perspectivecentrale pv : (bc′) → (ba′). Comme pv envoit b 7→ b et c′ 7→ y, et x 7→ a′, l’affirmationpv(u) = w revient à montrer que,

BR(b, c′, x, u) = BR(b, y, a′, w) .

La preuve vient alors du fait que, par projection stéréographique depuis a, respectivementdepuis c, ces birapports sont tous les deux égaux à BR(b, c′, a′, b′), pris sur la conique Q.

Pour énoncer le théorème dual de celui de Pascal, il faut observer que, sous la dualitéentre P(V ) et P(V )′, les points d’une quadrique projective correspondent aux hyperplanstangents de cette quadrique.

10.9. Théorème (Brianchon). Les diagonales joignant les sommets opposés d’unhexagone circonscrit à une conique sont concourantes.

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Page 34: Geometrie Projective

Chapitre 11 : Topologie de RPn et de CPn

Les espaces projectifs RPn et CPn (et, par ailleurs, aussi HPn ainsi que le “plan octonion”)portent une topologie naturelle : on peut donc parler d’applications continues dans cecontexte, et des propriétés comme la compacité et la connexité sont définies. Le butde ce chapitre est de définir cette topologie naturelle et de démontrer quelques résultatsfondamentaux : les espaces projectifs réels et complexes sont compacts et connexes, etd’étudier des propriétés de la projection des sphères sur ces espaces. Nous supposonsconnue (→ cours “Analyse Complexe”) les notions suivantes :

– espace topologique, topologie séparée (Hausdorff),– parties ouvertes, fermées,– topologie induite (sur une partie d’un espace topologique),– applications continues entre espaces topologiques, homéomorphismes,– connexité et connexité par arcs,– compacité.

11.1. Rappel-exercice. Les espaces vectoriels V = Kn avec K = R ou C portent unetopologie naturelle, qui peut être définie par une norme (quelconque : équivalence desnormes !) sur V : cette topologie est celle associée à la métrique d(x, y) = ‖x− y‖.Propriétés géométriques (l’équivalence des normes est toujours la clef) :(0) Cn est homéomorphe à R2n ;(1) si E ⊂ V est un sous-espace vectoriel ou affine, alors la topologie naturelle de Ecoincide avec sa topologique induite par celle de V ;(2) soit α : V → K une forme linéaire et E = {x ∈ V | α(x) = 1} un hyperplan de V etU ⊂ E une partie. On définit le cône solide de base U par

CU := {v := ru | u ∈ U, r ∈ K×} ⊂ V.

Alors sont équivalents (faire un dessin, en prenant K = R et n = 3) :(i) U est ouvert dans E ;(ii) CU est ouvert dans V .(Puisque U = CU ∩ E, l’implication (ii) ⇒ (i) est triviale ; pour la réciproque, on peut,grâce à l’équivalence des normes, se ramener au cas particulier d’un “vrai” cône solide,i.e., E = {x ∈ Rn | 〈x, v〉 = 1} pour un vecteur normé v, et U = {x ∈ E | ‖x − v‖ < ε}un disque de rayon ε > 0 dans E. Il s’agit alors de montrer que le cône solide CU estouvert.)

11.2. Définition. Soit K = R ou C et V = Kn+1, muni de sa topologie naturelle. Soitπ : V \{0} → P(V ) la projection canonique. Alors on munit P(V ) de sa topologie quotientpar rapport à cette projection.(Rappel : Soit Y un espace topologique et p : Y → X une application surjective. Latopologie quotient sur X est alors définie par : on dira que U ⊂ X est ouvert si l’imageréciproque p−1(U) est un ouvert de Y . Il s’agit là en effet d’une topologie car l’opération“image réciproque” est compatible avec les opérations ensemblistes ∪i∈I et ∩i∈I .)Exemple. Soit E = ker(α) un hyperplan de V . Alors V \ E = α−1(K×) est ouvert etdonc la partie affine A := P(V ) \ [E] est ouverte dans P(V ).

11.3. Lemme. La projectijon canonique π : Kn+1 \ {0} → KPn est continue et ouverte(i.e., l’image directe d’un ouvert est un ouvert).

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Page 35: Geometrie Projective

En effet, la continuité découle directement de la définition de la topologie quotient, et lefait que π est ouverte du fait que, pour tout ensemble U ′ ⊂ V ,

π−1(π(U ′)) =⋃r∈K×

rU ′,

et que U ′ est ouvert ssi rU ′ l’est. – Est-ce que la topologie de P(V ) est séparée ? Faire undessin de la situation géométrique pour se convaincre que cette question est non-triviale!

11.4. Théorème. Soit A = P(V ) \ H une partie affine de P(V ). Alors la toplogienaturelle de A (en tant qu’espace affine de dimension n) coincide avec la topologie induitede A (en tant que partie de P(V )). Il s’ensuit que P(V ) est séparé (Hausdorff) et connexepar arcs.

Pour la preuve, soit H = ker(α) ; puis appliquer le rappel 11.1, (i) ⇔ (ii), en identifiantA et E = {x ∈ V | α(x) = 1} : pour U ⊂ A sont équivalents :– U est ouvert dans A muni de sa topologie d’espace affine ;– U est ouvert dans E muni de sa topologie de sous-espace affine ;– CU est ouvert dans V ; or, CU = π−1(U), donc ceci équivaut à– π−1(U) est ouvert dans V , donc U est ouvert dans P(V ).Les dernières affirmations découlent alors du fait que, pour deux points x, y ∈ P(V ), ilexiste toujours une partie affine A tel que x, y ∈ A.Exercice : montrer que V \ {0} est connexe par arcs, sauf au cas où K = R et dimV = 1.En déduire une autre preuve du fait que P(V ) est connexe par arcs.

Remarque. Le théorème dit que les applications “cartes” φi : Kn → Ui, pour i =1, , . . . , n + 1, définies dans la remarque 5.4, sont des homéomorphismes. De plus, leschangements de cartes φ−1j φi, sont continues, même différentiables (remarque 5.5), etnous avons ainsi maintenant démontré que les espaces RPn et CPn sont des variétésdifférentiables (au sens explique dans la remarque 5.5).

11.5. Théorème. L’espace topologique P(V ) est compact. Plus précisément, la partie

SV := {x ∈ V = Kn+1 | 〈x, x〉 = 1}

est compacte, et la restriction π′ := π|SV : SV → P(V ) est continue et surjective.

Remarque. Si K = Q, on peut toujours définir une topologie sur P(V ) selon le schémaprécédent. Mais π′ ne sera plus surjectif, et P(V ) ne sera plus compact.

11.6. Théorème. Soit Q ⊂ P(V ) une quadrique projective. Alors Q est fermé dansP(V ), donc c’est une partie compacte. Il en est de même pour toute partie de la forme{[x] ∈ P(V )| q(x) = 0} avec q : V → K une application polynomiale homogène de degréd ∈ N.

Pour d = 1, cela montre que tout sous-espace projectif est compact. – Pour une étudeplus détaillée de la topologie de P(V ), il faut, à partir d’ici, distinguer :

11.7. Le cas réel. Dans ce cas, SV = Sn est la n-sphère. L’application π′ : Sn → RPnest 2:1 (tout élément de [v] ∈ P(V ) a exactement 2 images réciproques).

11.8. Le cas complexe. Comme Cn+1 ∼= R2n+2 en tant qu’espace métrique, SVs’identifie à la sphère S2n+1. L’ensemble des images réciproques sous π′ d’un point x ∈ CPnest alors en bijection avec le cercle S1.

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Les calculs dans les deux cas sont similaires, mais l’interprétation est différente : dans lecas réel, l’application π′ : Sn → RPn est un revêtement d’ordre 2, ie.: tout point x ∈ RPnadmet un voisinage ouvert Ux tel que π−1(Ux) soit homéomorphe à la réunion disjointede deux copies de Ux. En effet, fixons x ∈ V avec ‖x‖ = 1 et posons

Ux := {[y] ∈ RPn | 〈x, y〉 6= 0}.

Alors π−1(U) = U+∪̇U− avec

U+ := {y ∈ Sn | 〈x, y〉 > 0}, U− := {y ∈ Sn | 〈x, y〉 < 0}.

La restriction π|U± : U± → Ux est alors une bijection continue dans les deux sens. Dansle cas complexe, π′ : S2n+1 → CPn est une fibration de fibre type S1 : l’image réciproquede Ux est un produit direct U1 × S1 ; localement, il s’agit d’un espace produit, mas pasglobalement.

Cas de petites dimensions (cf. TD). L’espace RP1 est homéomorpe au cercle S1, etl’espace CP1 est homéomorphe (via une projection stéréographique) à S2. L’applicationπ′ donne la célèbre fibration de Hopf

S1 → S3 → CP1 = S2.

n = 2 : on ne peut pas visualiser RP2 comme une partie de R3. Une autre façon de“visualiser” est de réaliser RP2 comme un ruban de Moebius sur le bord duquel on colleun disque – cf. illustrations dans [Berger], ou voir sur google images.

Remarque. On peut se demander pourquoi nous n’avons pas défini la topologie desespaces RPn et CPn par une métrique : existe-t-il une métrique sur ces espaces telle quela topologie métrique coincide avec celle définie ci-dessus ? La réponse est “oui, mais...”:la définition (et surtout la preuve de l’inégalité triangulaire) d’une telle métrique n’estpas chose triviale. Exercice : essayer pour le cas de RP1 (la distance entre [x] et [y] devaitcorrespondre à l’angle entre les droites Rx et Ry, mais attention, quand l’angle est π,cette distance devra être zéro; puis attaquer le cas de RP2...).

Chapitre 12 : Étude du groupe projectif

Soit G l’un des groupes GL(V ), PGL(V ), SL(V ) ou PSL(V ), où V est un espace vectorielde dimension n+ 1 sur un corps K. L’étude systématique d’un tel groupe commence parles questions suivantes :

12.1. Questions. (1) Ce groupe, admet-il des sous-groupes distingués ? En particuler :

(a) quel est son centre Z(G) = {g ∈ G | ∀h ∈ G : gh = hg} ?

(b) quel est son groupe dérivé D(G) ? Rappel : dans un groupe G, on définit lecommutateur de g, h ∈ G par

[g, h] := ghg−1h−1.

Noter que [g, h] = e ssi g et h commutent. On note [G,G] = {[g, h] | g, h ∈ G}l’ensemble des commutateurs et D(G) := 〈[G,G]〉 le groupe dérivé (groupe engendrépar [G,G] ; c’est un sous-groupe distingué).

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(c) le groupe, est-il simple ? Rappel : un groupe G est dit simple s’il n’admet aucunsous-groupe distingué à part {e} et G.

(2) Peut-on trouver un ensemble générateur “sympathique” S de G (pas trop grand, etvérifiant des relations pas trop compliquées entre les éléments de S) ?

(3) Y a-t-il “d’autres réalisations ou représentations de G”, ou encore : quels sont les liensde G avec d’autres groupes connus ? quels sont les actions possibles de G ?

La réponse aux questions du (1) sera facilitée par une étude préalable de la question (2):pour G = GL(V ), il existe en effet des ensembles générateurs bien sympathiques.

12.2. Définition. Soit g ∈ GL(V ), g 6= idV , fixant un hyperplan point par point : ilexiste un hyperplan E = ker(α) de V tel que g(v) = v pour tout v ∈ E. L’applicationh := g − idV est donc de rang 1 et son noyau est E. La droite vectorielle D := h(V ) =im(g − idV ) s’appelle la droite de g. Noter : comme h est de rang 1 il existe un vecteura 6= 0 tel qu’on peut écrire h(x) = α(x)a. Nous dirons que

(D) g est une dilatation si g est diagonalisable (i.e., admet une base de vecteurs propres);

(T) g est une transvection si g n’est pas diagonalisable.

12.3. Théorème. Soit E ⊂ V un hyperplan (dimE = n, dimV = n+ 1) et g ∈ GL(V )tel que g fixe E point par point, mais g 6= idV . Alors sont équivalents

(1) g est une dilatation ;

(2) λ := det g 6= 1 ;

(3) la droite de g n’est pas incluse dans E : im(g − id) 6⊂ E ;

(4) il existe une base de V par rapport à laquelle g est représentée par la matrice

Dλ :=

(1n 00 λ

).

12.4 Théorème. Avec les notations du théorème précédent, sont équivalents

(1) g est une transvection ;

(2) λ := det g = 1 ;

(3) la droite de g est incluse dans E : im(g − id) ⊂ E ;

(4) il existe a ∈ E, a 6= 0, tel que h(x) = α(x)a, ou bien : g(x) = x+ α(x)a ;

(5) il existe une base de V par rapport à laquelle g est représentée par la matrice

F :=

1n

0...01

0 · · · 0 1

.

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Page 38: Geometrie Projective

12.5. Définition. Si g est comme dans le théorème 12.4, nous écrivons

g(x) = Tα,a(x) = x+ α(x)a,

et nous dirons que g est une transvection d’hyperplan E = ker(α) et de droite D :=im(g − id) = Ka. Noter que D ⊂ E.Interprétation projective des transvections et dilatations. Si α(x) = 1, alors Tα,a(x) =x + a. Ainsi une transvection agit par translation (par a) dans la partie affine A =P(V ) \ [kerα]. De même, une dilatation agit par homothétie sur A (de centre [D], et derapport λ−1). Noter que l’hyperplan projectif H := [E] est fixé point par point par cesapplications. Les transvections sont celles parmi elles qui n’ont pas de point fixe dans A,et le dilatations celles qui en ont.

12.6. Corollaire.

(i) Deux transvections quelconques sont conjuguées dans GL(V ).

(ii) Deux dilatations sont conjuguées dans GL(V ) ssi elles ont même déterminant.

12.7. Exercice. Est-ce que deux transvections quelconques T, T ′ sont toujours con-juguées dans SL(V ), i.e., existe-t-il h avec deth = 1 et T ′ = hTh−1 ? (Indication :distinguer les cas dimV > 2, dimV = 2 et dimV = 1. Voir Daniel Perrin, “Coursd’Algèbre”, pour plus d’informations.)

12.8. Remarque. Par des calculs directs, pour a, b ∈ ker(α), a′ ∈ ker(α′), a ∈ ker(β),(a) Tα,a ◦ Tα,b(x) = Tα,a+b(x), ainsi Tα := {Tα,a | a ∈ ker(α)} est un groupe ;

Tα,a ◦ Tβ,a(x) = Tα+β,a(x), ainsi Ta := {Tα,a | α ∈ V ∗, α(a) = 0} est un groupe ;(b) Tα,a = Tα′,a′ ssi ∃λ ∈ K× : a′ = λa, α = λα′ ;(c) pour tout h ∈ GL(V ), on a h ◦ Tα,a ◦ h−1 = Tα◦h−1,h(a).

12.9. Théorème.

(i) Le centre Z(GL(V )) de GL(V ) est le groupe K×idV .

(ii) Le centre de SL(V ) est le groupe {λ id|λdimV = 1}.

Preuve. Si h commute avec tout g ∈ SL(V ), on a aura en particulier pout tout a et α

Tα◦h−1,h(a) = h ◦ Tα,a ◦ h−1 = Tα,a,

donc h(a) est un multiple de a et donc [h] = id ; le lemme 4.4 implique alors que h ∈ K×id.Corollaire : PGL(V ) = G/Z(G) pour G = GL(V ) et PSL(V ) = G/Z(G) pour G = SL(V ).

12.10. Théorème. Soit G := 〈Tα,a | α ∈ V ∗, a ∈ V : α(a) = 0〉 le sous-groupe de SL(V )engendré par les transvections.

(i) G = SL(V ), ie., le groupe SL(V ) est engendré par les transvections.

(ii) Le groupe GL(V ) est engendré par les transvections et les dilatations.

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Preuve. Noter d’abord que (i) ⇒ (ii) : si g ∈ GL(V ), il suffit d’appliquer (i) à g′ :=(Dλ)

−1g avec λ := det g et Dλ une dilatation de rapport λ. Pour prouver (i), l’inclusionG ⊂ SL(V ) est claire. Pour démontrer l’autre inclusion, on procède par récurrence surdimV . Le cas dimV = 1 est trivial. Soit dimV = n + 1. Si g ∈ SL(V ) est tel qu’ilexiste un vecteur a 6= 0 avec g(a) = a et un hyperplan E tel que V = E ⊕ Ka etg(E) = E, on peut appliquer l’hypothèse de récurrence à g|E et conclure que g ∈ G. Pourg quelconque, on se ramène à ce cas particulier: fixons n’importe quels v ∈ V et α ∈ V ∗tels que α(v) = 1, on a donc une décomposition V = ker(α) ⊕ Ka. Posons w := g(v)et β := α ◦ g−1. Le lemme suivant montrera qu’il existe g′ ∈ G ayant le même effet:g′(v) = w et β = α ◦ (g′)−1. Alors h := g−1g′ remplit les conditions du cas particulier, eton pourra conclure que g = g′h−1 appartient à G.

12.11. Lemme. L’action de G sur l’ensemble

M := {(v, α) ∈ V × V ∗|α(v) = 1},

donée par g.(v, α) = (gv, α ◦ g−1), est transitive.Preuve du lemme. Soient (v, α), (w, β) ∈ M . Alors il existe γ : V → K linéaire tel queγ(v) = γ(w) = 1, et alors Tγ,v−w(w) = w + γ(w)(v − w) = w + v − w = v. Quitte àremplacer w, on peut donc supposer que v = w. Alors on a

α(Tv,α−β)−1(x) = α(Tv,β−α(x)) = α(x+ β(x)v − α(x)v) = α(x) + β(x)− α(x) = β(x)

et Tv,α−β(v) = v − v + v = v, donc Tv,α−β.(v, α) = (v, β), d’où la transitivité.Exercice. Ecrire une rotation du plan Rφ sous forme de comosée de deux transvections.Remarque. En élaborant cette preuve, on montre plus précisément que g ∈ SL(V ) peutêtre écrit comme un produit d’au plus n = dimV transvections, sauf si g est une homoth-étie, auquel cas il en faut n+ 1 (cf. Perrin “Cours d’algèbre”).

12.12. Théorème. Supposons que la caractéristique de K est différente de 2. Alors(i) le groupe dérivé de GL(n,K) est donné par D(GL(n,K)) = SL(n,K) ;(ii) si dimV > 2, alors D(SL(n,K)) = SL(n,K).

Preuve. (i) L’inclusion “⊂” est une conséquence du fait que det[g, h] = 1, pour toutg, h ∈ GL(V ). Prouvons l’autre inclusion : si T = Tα,a est une transvection, alorsT 2 = Tα,2a en est une aussi (c’est ici que la condition car(K) 6= 2 est utilisée !). Si c’estle cas, d’après 12.6, T 2 et T sont conjugués dans GL(V ): il exste h ∈ GL(V ) tel queT 2 = hTh−1, donc T = hTh−1T−1 = [h, T ], donc toute transvection est un commutateur.Comme les transvections engendrent SL(V ), les commutateurs engendrent SL(V ), d’où(i). Pour (ii), utiliser l’exercice 12.7. (On peut affiner ce résultat : il reste vrai dans tousles cas sauf dimV = 2 et K = Z/2Z ou K = Z/3Z ; cf. D. Perrin “Cours d’algèbre”.)

12.13. Théorème. Supposons que la caractéristique de K est différente de 2 et quedimV > 2. Alors le groupe PSL(V ) est simple. (Pour le cas dimV = 2 : voir Perrin“Cours d’algèbre” pour des énoncés précis.)

La méthode suivante de démontrer ce résultat est due à Iwasawa.

(1) Lemme. L’action du groupe G = PSL(V ) sur X = P(V ) est doublement transitive,i.e., pour tous les couples (x, x′), (y, y′) ∈ X2 tels que x 6= x′ et y 6= y′, il existe g ∈ Gtel que g.x = y et g.x′ = y′. (Cf. Corollaire 4.9, (2) : il faut se convaincre qu’on peut ychoisir g de déterminant 1).

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(2) Soit G un groupe quelconque opérant sur un ensemble X, soit o ∈ X et H = {g ∈ G |g.o = O} le stabilisateur de o. Alors :

(a) L’action G×X → X est doublement transitive ssi [elle est transitive sur X et l’actionde H est transitive sur X \ {o}]. Supposons-le dans la suite.

(b) Si g /∈ H, alorsG = H∪̇HgH. (En effet, soit p = gH 6= o = eH. AlorsX = {o}∪̇H.p,donc G/H = eH∪̇H.gH et G = H∪̇HgH.)

(c) Le stabilisateur H est un sous-groupe maximal de G (i.e., maximal parmi les sous-groupes propres de G ; en effet, si H ⊂ H ′ ⊂ G est une inclusion de sous-groupeset g ∈ H ′, g /∈ H, alors HgH ⊂ H ′ donc H ′ = G d’après (b)).

(d) Soit N un sous-groupe distingué de G. Alors NH := {nh | n ∈ N, h ∈ H} estun sous-groupe de G. Il contient H, donc, soit NH = H, soit NH = G. Dansle deuxième cas, toute classe gH est de la forme nH avec n ∈ N , donc N opèretransitivement sur X. Dans le premier cas, n.gH = gg−1ngH = gn′H = gH pourtout g ∈ G, i.e., N agit trivialement sur X.

(e) Supposons qu’on a, pour tout x ∈ X, un sous-groupe Tx de G tel que:

i) Tx est commutatif,

ii) Tgx = gTxg−1,

iii) les sous-groupes (Tx)x∈X engendrent G.

Soit N un sous-groupe distingué de G qui n’opère pas trivialement sur X. AlorsNTo est un sous-groupe de G ; il contient nTon−1 = Tn.o pour tout n ∈ N ; commeN agit transitivement d’après (d), il contient tout les Tx, et donc il contient G carles Tx engendrent G. Ainsi G = NTo. Soit g = nt et h = ms ∈ G, avec n,m ∈ N ,t, s ∈ To. Alors (en utilisant, pour la seconde égalité, que To est commutatif)

[g, h] = ntmst−1n−1s−1m−1 = n(tmt−1)(sn−1s−1)m−1 ∈ N .

Ainsi N contient le groupe des commutateurs D(G).

(3) On applique (e) à la situation suivante : G = PSL(V ) et X = P(V ) ; soit x = [a] ∈ X;si α, β sont des formes linéaires telles que α(a) = β(a) = 0, on a Tα,a ◦Tβ,a = Tα+β,a, donc

Tx := {Tα,a | α ∈ V ∗, α(a) = 0}

est une famille de groupes vérifiant i), ii), iii). Conclusion : soit N un sous-groupedistingué de PSL(V ) ; alors soit N opère trivialement sur X (dans ce cas N est le groupetrivial car seule l’identité de PSL(V ) agit trivialement sur P(V )) ; sinon, par (e), Ncontient le groupe dérivé D(G) qui est P(SL(V ) (d’après le théorème 12.12), donc Ncontient PSL(V ), donc N = PSL(V ).

Quelques remarques pour conclure

Après l’étude du groupe projectif, l’étude des groupes orthogonaux serait la suite logiquedu cours : pour un espace projectif P(V ) muni d’une quadrique projective Q = Qβ, les

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groupes orthogonaux jouent à peu près le même rôle que les groupes GL(V ) et PGL(V )dans le chapitre précédent. Leur étude est un peu plus délicate que celle menée au chapitreprécédent ; là aussi, voir le livre “Cours d’algèbre” de Daniel Perrin. Rappelons seulement:

Lemme. Pour toute forme bilinéaire β : V × V → K,

O(β) := {g ∈ GL(V ) | ∀v, w ∈ W : β(gv, gw) = β(v, w)}

est un sous-groupe de GL(V ), dit le groupe orthogonal de β. Ce groupe agit naturellementsur la quadrique projective Q = Qβ par

O(β)×Q→ Q, (g, [v]) 7→ [g(v)].

Définition. On note SO(β) := O(β) ∩ SL(V ). Le groupe orthogonal projectif estPO(β) := {[g] | g ∈ O(β)} ⊂ PGL(V ). Rappelons aussi l’écriture matricielle : si V = Kn

et β(x, y) = xtBy avec B ∈Mn(K), alors

O(β) ={A ∈ GL(n,K) | AtBA = B

}.

Si B = 1n, i.e., β(x, y) = xty, on note O(n,K), parfois dit “le” groupe orthogonal.

Pour étudier les questions 12.1 pour le groupe orthogonal, on commence par établir quel’action de O(β) sur Q est transitive, puis on s’intéresse à des générateurs qui sont dessymétries orthogonales. La condition AtBA = B ci-dessus donne det(A) = ±1, ce quiimplique que le centre de O(β) est toujours un groupe fini. La preuve de la simplicité dePSO(β) est techniquement un peu plus difficile que celle pour PSL(V ).

Le cas des corps finis

C’est un cas particulier intéressant : on peut alors utiliser des arguments “de comptage”.SoitK = Fq un corps de cardinalité q. Alors q est de la forme q = pk, p premier. Rappelonsqu’alors |KPn| = 1 + q + . . .+ qn = 1−qn

1−q =: N . Le groupe PGL(n+ 1;K) peut alors êtrevu comme un sous-groupe du groupe de permutations SN . Si q et n sont petits, il peut yêtre des cas où ces groupes sont égaux.

Exercice. Les cardinaux des groupes linéaires sur Fq sont:|GL(n,Fq)| = (qn − 1)(qn − 2) · · · (qn − qn−1)|SL(n,Fq)| = (qn − 1)(qn − 2) · · · (qn − qn−1)qn−1|PGL(n,Fq)| = |SL(n,Fq)||PSL(n,Fq)| = |SL(n,Fq)|/d, avec d = PGCD(n, q − 1).

Exercice. On a les isomorphismes suivants :GL(2,F2) = SL(2,F2) = PSL(2,F2) ∼= S3

PGL(2,F3) ∼= S4 ; P(SL(2,F3) ∼= A4

PGL(2,F4) ∼= PSL(2,F4) ∼= A5 ;PGL(2,F5) ∼= S5 ; PSL(2,F5) ∼= A5.

Exercice. Lesquels parmi les groupes ci-dessus sont simples ?

On est loin de “connaître explicitement” tous les groupes simples ; mais, après un trèslong travail, les mathématiciens ont pu classifier tous les groupes finis simples : cf. http://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_groupes_finis_simples. Pour les groupes infi-nis, les mieux étudiés sont des groupes de type “groupe matriciel”, dont les “groupes clas-siques” GL(V ), O(β), cf. http://fr.wikipedia.org/wiki/Groupe_classique, ou plusgénéralement, les groupes de Lie, cf. http://fr.wikipedia.org/wiki/Groupe_de_Lie.

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