Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

284
GEODYBMMIQUE DE LA EN - NOUVELLE CALEDONIE -

Transcript of Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Page 1: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

GEODYBMMIQUE

DE LA

EN

- NOUVELLE CALEDONIE -

Page 2: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Pour tout renseignement, abrunmemw~t aux revu~a p&iodiquesj achat d’uuvragss et de cartes, ou demande de catalogue, s‘adresser BU :

Page 3: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

TRAVAUX ET DOCUMENTS DE L’ORSTOM No 152

GEODYNAMIQUE

DE LA SEDIMENTATION

ET DIAGENESE PRECOCE

EN DOMAINE ULTRABASIQUE

-NOUVELLE CALÉDONIE -

F. BALTZER

O.R.S.T.O.M. PARIS

1982

Page 4: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

A VANT - PROPOS

En me remémorant les étapes de ce travail, se recréent les visions, les‘ bruits et les parfums des lieux qu’il m’a été donné de pénétrer grâce à lui : savane, forêt, mangrove, fleuve, lagune et océan. De ces joies naît un sentiment de profonde reconnaissance pour ceux qui m’ont permis d’y accéder : pour ma famille, qui a su encourager un goût précoce pour les sciences expérimentales et pour tous les maîtres, qui, de l’école à l’université m’en ont donné les éléments. La beauté fasci- nante du raisonnement géologique transparaissait dans l’enseignement de A. Rivière, P. Pruvost, L. Barrabé, P. Routhier . . . L’art de voir sur le terrain m’a été appris par l’exemple de F. Ellenber- ger, A. Rivière et L.R. Lafond, en France et de J. Avias, G. Lucas et P. Routhier en Nouvelle Calédonie.

Ce sentiment de reconnaissance concerne spécialement Monsieur le Professeur A. RIVIERE. Dans les stages de terrain de mes débuts, à la lecture de ses travaux et dans les longs entretiens qu’il m’a accordés, j’ai toujours ressenti une recherche passionnée des lois de la nature tout à fait communicative et c’est surtout de m’avoir donné cette soif que je veux le remercier ici.

Monsieur le Professeur L.R. LAFOND a été un conseiller attentif, amical et généreux et je le remercie pour les innombrables discussions au cours desquelles il a livré sans compter ce qu’il savait pour m’aider à avancer.

Monsieur le Professeur J. LUCAS s’est intéressé de près à ce travail.‘Je lui fais part de ma gratitude pour ses encouragements, ses critiques constructives et ses conseils et pour avoir accepté la charge de Rapporteur.

Monsieur le Professeur H. FAURE a pu suivre la progression de cette étude dont une part importante a été exécutée dans le cadre de I’O.R.S.T.0.M. et je voudrais lui dire combien j’ai appré- cié son aide, qui s’est manifestée par exemple par l’envoi spontané de documents intéressant mon sujet.

Je remercie Monsieur le Professeur M. Steinberg de son intérêt pour ce travail, de ses conseils efficaces et de sa participation au Jury.

Je remercie Monsieur le Professeur Vigneaux pour avoir accepté de participer à ce jury et pour ses conseils.

Je dois mes missions en Nouvelle Calédonie à deux programmes de recherche, l’un promu par J. Avias sous l’égide de la Fondation Singer Polignac, l’autre par P. Routhier dans le cadre de I’0.R. S.T.O.M. et je leur exprime ma gratitude pour la chance qu’ils m’ont donnée de passer en tout cinq années dans ce pays passionnant. Les résultats de mon premier séjour ont fait l’objet d’une thèse de 3ème cycle (Baltzer, 1965, 1970). Le présent travail est le fruit de mes séjours O.R.S.T.O.M. et je suis très reconnaissant à Monsieur le Professeur G. Camus, Directeur Général, à Monsieur J. Séverac, Secrétaire Général et à Monsieur J. Gleizes, Secrétaire Général Adjoint, qui ont tout fait pour favo- riser son déroulement. A ce titre également, je remercie Monsieur J.P. Tonnier, Directeur du Centre

Page 5: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

II

de Nouméa et M. M. Desfossez, Ph. Launey, J. Delvigne et J.J. Trescases, successivement Secrétaires du Comité Technique de Géologie de l’O.R.S.T.0.M.

En Nouvelle Calédonie, j’ai bénéficié de l’aide amicale de nombreuses personnes et en premier lieu de mes camarades de la section de Géologie : J. Canevet, J.H. Guillon, J. Launay, J.J. Trescases pour mon premier séjour, F. Dugas et J. Récy pour la mission complémentaire. Je les remercie pour tous les bons moments - scientifiques et autres - passés ensemble. De même, je remercie M. Schaup et Mme Matheron pour leur travail analytique de qualité dans un laboratoire sommaire inadapté au climat. Je veux mentionner aussi nos aides de laboratoire et compagnons de terrain : N. Faoutolo (avec qui on pouvait changer sans cric une roue de voiture), F. Gowe, L. Wagoria, S. Wahaga et J. Wangane.

Les chercheurs des autres disciplines du centre de Nouméa m’ont fait généreusement profiter de leur expérience et j’en sais gré à MM. Tercinier, Quantin et Latham, pédologues, ainsi qu’à MM. Schmid, Jaffré, Hoock et Veillon, botanistes, et à MM. Moniod et Mlatac, hydrologues. Jamais ce travail n’aurait pu devenir ce qu’il est sans leur appui. J’ai aussi beaucoup apprécié les tournées de terrain avec les Géologues et Archéologues indépendants de I’O.R.S.T.0.M. comme J.P. Carroué et J.J. Espirat, du B.R.G.M., L. Chevalier, du Musée de Nouméa, M. Flattot, géologue au Service de l’Agriculture, D. Frimigacci, professeur à Bourail pour faire un 3ème cycle d’Archéologie et H. Gonord, de l’université de Montpellier. J’ai beaucoup apprécié l’amicale collaboration de M.E. Durand: qui a effectué le levé de nivellement topographique dans les mangroves, avec les diffi- cultés que l’on imagine, en c(bouclant» au demi-centimètre. Je remercie également les responsables du Service Hydrographique de la Marine et du Service de la Météorologie pour les nombreux renseigne- ments inédits qu’ils ont bien voulu me communiquer et pour la documentation officielle qu’ils m’ont donnée.

Ce travail a largement profité aussi des missions que j’ai pu effectuer outre-mer en dehors de Nouvelle Calédonie. En Nouvelle Zélande, je suis redevable de discussions ou de tournées passionnan- tes à MM. V.J. Chapman, A.R. Lillie, J.A. Grant Mackie, RN. Brothers, d’Auckland, ainsi qu’à MM. Grant Taylor, Kear et Schofield, de Wellington. Aux îles Fidji, j’ai pu visiter les mangroves grâce à MM. K.A. Phillips et F.I. Coulson, du Geological Survey. Mes remerciements amicaux s’adressent en- fin aux organisateurs et aux collègues des missions auxquelles j’ai pu participer au Cameroun, MM. Boyé et Plaziat, en Iran et en Irak, MM. Purser et Plaziat et Mme Orszag.

A Orsay, j’ai recu les conseils amicaux et l’aide de mes collègues de l’Institut des Sciences de la Terre et je tiens à remercier A. Decarreau, A. Denis, A. Desprairies, J.P. Keller, A. Martin, P. Massart, P. Masson, F. Orszag, J.C. Plaziat, B.H. Purser, M. Rivière et de nombreux autres.

Certains aspects de cette recherche n’ont pu se développer que par la coopération de spécialis- tes et je suis très reconnaissant 6 Mme G. Delibrias pour les nombreuses datations au carbone 14 que je lui dois et dont l’importance est considérable dans mes résultats. Je remercie également M. F. Mélières qui a bien voulu doser le Quartz et I’Antigorite par diffraction X par la méthode de l’étalon interne avec le porte-échantillon tournant de sa conception. M. Jeanrot (B.R.G.M. Orléans), M. Philip- pon puis Mme Raguideau (Orsay) ont réalisé un grand nombre de clichés excellents au microscope électronique à balayage, dans des conditions généralement difficiles en raison du relief des échan- tillons. Monsieur le Professeur Fusey (Muséum National d’Histoire Naturelle) a bien voulu déterminer les Diatomées sur micrographies au M.E.B.

Les extractions des eaux interstitielles, l’analyse de ces eaux et l’analyse chimique totale des sédiments sont dues à Mme Matheron (Centre O.R.S.T.O.M. de Nouméa). Les analyses totales sur fractions granulométriques sont dues à Mlle N. Moureau (Géochimie des roches sedimentaires, Orsay). Les analyses granulométriques ont été réalisees à Bondy pendant mon séjour à I’O.R.S.T.O.M., grâce à M. Parrot et Mme De Laune. Les analyses granulométriques ont ensuite été faites à Orsay, après

Page 6: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

III

mon retour à l’Université, par Mme Hayet et par M. M. Hayet. La cohérence des résultats d’un labo- ratoire à l’autre montre à la fois la qualité de ces analyses et la fiabilité de la méthode. Je suis très reconnaissant à toutes ces personnes pour leur patient travail analytique.

Pour l’illustration et la réalisation du manuscrit, je remercie de leur collaboration Mme Auber- tin, M. Denis, M. Didelot et M. Hayet (Université Paris Sud), ainsi que M. Hiernaux (S.S.C. de I’0.R. S.T.O.M.) pour sa préparation.

Enfin, je dédie ces lignes à Colette, Pascal et Christophe.

Page 7: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

1

INTRODUCTION

Les paysages de la Nouvelle Calédonie donnent une profonde originalité à cette île du Paci- fique sud-ouest, allongée comme un navire, cap au nord ouest. Les montagnes rouges des péridotites altérées surgissent du lagon fermé par sa barriére corallienne. Les formes du relief, aux pénéplaines soulevées et emboîtées, sont si caractéristiques que Davis (1925) déduisait d’une simple circumnavi- gation de l’île, une histoire physiographique toujours admise pour l’essentiel.

L’étendue des péridotites altérées, origine de la richesse en nickel de l’île et la présence d’un lagon fermé, susceptible de retenir la sédimentation terrigène avant sa dilution irrémédiable dans l’océan, confèrent un grand intérêt à l’étude du bilan altération - sédimentation (Routhier, 1953, 1969). L’O.R.S.T.0.M. a engagé en 1965, sous l’impulsion de P. Routhier, l’étude des péridotites, de leurs altérations, de leur érosion et de la sédimentation qui en résulte dans les plaines alluviales, sur les côtes et dans le lagon, avec ce bilan pour objectif. On trouvera ici le résultat de ces recherches dans le domaine de la sédim&ntation fluviatile et littorale.

L’examen des produits de départ, la description des mécanismes actuels d’altération, d’érosion et de sédimentation, l’évaluation de leurs effets et enfin, l’examen des sédiments eux-mêmes et leur évolution au cours du temps étaient les principaux thèmes d’étude. Les roches de départ font partie de massifs complexes dans lesquels les péridotites sont abondantes, mais toujours associées à des ro- ches moins basiques comme des gabbros, des diorites et même à de petits affleurements de granite (Guillon, 1973, 1975). Ces roches, depuis leur mise en place, ont été soumises à l’altération sous l’influence d’un climat qui est passé par des phases plus arides ou, au contraire plus humides que le climat tropical à saisons alternées qui règne actuellement. Les effets de cette altération ont été dé- crits par J.J. Trescases (1973, 1975).

Parmi les facteurs géodynamiques régissant la sédimentation, les variations du niveau marin rela- tif au cours du temps, compliquées de l’effet d’un soulèvement récent de l’île, ont ajouté leurs influ- ences à celles des facteurs habituels (climat, marées, etc.). J’ai abordé ce problème par l’étude de la stratigraphie fine du milieu côtier et par l’établissement d’un chronodiagramme des variations du ni- veau marin. Les tourbes de mangrove, dont j’ai examiné soigneusement la localisation bathymétrique actuelle, se sont révélé être un matériel de choix pour cette étude.

L’érosion, très active en période de cyclone, apporte au milieu fluvio-marin une charge sédimen- taire héritée des altérations des péridotites et donc très particulière par sa pauvreté en silice. Dans le domaine fluvio-marin, ces sédiments se déposent dans les marais de mangroves et de prés salés et se trouvent alors en contact soit avec de grandes quantités de matière organique dans des conditions d’humidification régulière, favorables aux proliférations bactériennes, soit avec des eaux interstitielles aux concentrations extrêmement variables.

L’étude de ces phénomènes imposait des observations répétées qui devaient pouvoir être effeo tuées rapidement, dès le début des crues. En raison de ces contraintes, le bassin versant de la Dumbéa, avec son delta bien développé, son bassin versant essentiellement sur péridotites et sa proxi- mité de Nouméa est apparu comme le plus propice. De plus son étude hydrologique, exécutée avec

Page 8: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

2

un équipement complet par la section d’hydrologie de I’O.R.S.T.0.M. pour l’alimentation en eau de Nouméa, résolvait d’emblée ce qui aurait été un problème supplémentaire : la connaissance hydrolo- gique précise du bassin versant. Les travaux de notre équipe ont largement débordé ce cadre initial pour couvrir l’essentiel des massifs ultrabasiques de Nouvelle Calédonie. Pour l’étude de la sédimen- tation fluvio-marine quaternaire et actuelle et de la diagénèse consécutive, l’échelle de ce bassin ver- sant était compatible avec les observations tri% détaillées qui s’imposaient, C’est pourquoi le bassin versant de la Dumbéa a été plus particulièrement etudié (Fig. 1, 2 et 3).

ies*E 166*E 1670E

l OCEAN PACIFIQUE I

rail P

FIG. 1 :CARTE DE LOCALISATION DE L’EMBOUêHUFîE DE LA DUMBÉA EN NOUVELLE-CALÉDONIE

Page 9: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

3

FIG. 2 :CARTE D’A§BEMBLAGE DE LA PLAINE ALLUVIALE ET DU DELTA

Page 10: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

w

56’ I

FIG. 3 :CARTE D’l%HANTILLONNAGE DU DELTA DE LA DUMBÉA

Page 11: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Chapitre 1

Le milieu naturel

La Nouvelle Calédonie est une île allongée, d’axe Nord-Ouest Sud-Est, longue de 420 km, large de 45 km (63 au maximum), qui s’étend entre les 20ème et 23ème degrés de latitude sud et entre les 164ème et 167ème degrés de longitude est. Nous en examinerons successivement l’ossature géologique, le climat et l’hydrologie avant d’aborder le modèle de sédimentation et de diagenèse que nous avons étudié sur la côte ouest.

LE TERRAIN

HISTOIRE Gl?OLOGIQUE RÉSUMgE

PGRIODE PRÉ-OLIGOCENE

Le socle permo-jurassique est formé de tufs permiens couverts d’une série discordante à grau- wackes qui s’est déposée du Trias au Portlandien. Une phase orogénique (tcimmérienne)) (Guillon, 1975) affecte cet ensemble. A cette époque, se dessine suivant l’allongement de l’île, un accident tectonique majeur, la faille-flexure ouest-calédonienne, accident à l’ouest duquel s’individualise un sillon occidental. Dans ce sillon, le Crétacé supérieur transgressif se déposera en séries détritiques (conglomérats, grès puis pélites) à intercalations volcaniques acides et basiques. L’Eocène a été mar- qué par le dépôt en concordance d’une série phtanitique et calcaire, puis de flysch et d’une épaisse coulée sous-marine de basalte associée b des jaspes et argilites lie de vin.

Page 12: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

6 Frédéric BAL TZER

Ml§E EN PLACE DES PËRIDOTITES

A la fin de I’Éocène, les fortes poussées tangentielles de l’orogenèse alpine ont provoqué la for- mation d’écailles. La phase terminale de cette tectogenèse a vu la mise en place d’un grand feuillet ultrabasique a partir d’une zona de subduction située au Nord-Est de l’île (Guillon, 4975). Routhier (1953) a démontré l’âge oligocène de cet évenement par la présence de galets de péridotite très alté- rés dans le Miocène marin de Népoui. Du cap Goulvain (N.E. de Bourail) à Dumbea, le sillon ouest- calédonien, intensément plissé mais relativement peu faille, constitue une zone anticlinale rigide qui a réagi en bloc aux sollicitations tangentielles actives jusqu’a une époque récente. A l’inverse des for- mations sédimentaires, le feuillet de péridotites est seulement affecté de plissements à grand rayon de courbure, mais sa fracturation est intense. La direction principale est sensiblement parallèle à l’axe des plis et à l’allongement de l’île, mais il existe aussi des failles perpendiculaires (contrainte maximum) et des failles suivant les bissectrices de ces deux directions (stress maximum).

NfiOTECTONICiUE

On a pu montrer que ces failles ont rejoué au plio-quaternaire tout autour de I’ile(Orloff et Gonord, 1968 ; Trescases, l969,a ; Gonord et Trescases, 1970 ; Coudray, Gonord et Saos, 1972). Le rejeu affecte souvent les failles de direction l30”E et la présence de failles intraformationnelles montre le caractère discontinu du mouvement (Orloff et Gonord, 1968). J’ai pu montrer (Baltzer, 1970) que la côte ouest de la Nouvelle Calédonie a subi un soulèvement récent, d’âge inférieur à 5000 ans, confirmé par Launay et Récy (1971, 1972) mais non reconnu par Coudray (4975) dont certaines datations vont pourtant dans ce sens (Coudray et Delibrias, 1972). Ces mouvements de la ligne de rivage pendant I’Holocène ont eu des conséquences importantes pour la mise en place des sédiments récents.

LES PERIDOTPTES DU GRAND MASSIF DU SUD ET LEURS ALTERATIONS

En raison du caractère orographique des précipitations sur la Nouvelle Calédonie, l’altération et l’érosion des péridotites, roches essentielles de l’ossature montagneuse de l’île, ont une influence pré- pondérante sur la sédimentation récente et actuelle au voisinage des côtes.

STRUCTURE ET MINÉRALOGIE DES PÉRIDOTITES (d’après Guillon, 1975)

Le grand massif de péridotites du sud repose sur les formations basaltiques et sédimen- taires du Crétace et de I’Éocène sans passage transitionnel ni métamorphisme. Un feuillet serpentineux localement silicifié («mur de quartz») le souligne. La masse principale est constituée de harzburgites. Elle est traversée par une masse discordante de dunite (discordance éruptive) associée à des gabbros noritiques. L’ensemble est lui-même injecté par des roches calco-alcalines qui traversent egalement les formations sédimentaires.

La masse karzburgikique principale est formée de péridot (80 %), d’orthopyroxène (20 %) avec un peu de spinelle chromifère et de sulfures cupro-nickélifères, Le péridot, très magnésien, con- tient plus de 90 % de forstéirite en petits cristaux subautomorphes. Les orthopyroxènes sont de gros cristaux automorphes à 92 % d’enstatite. Une rétrodiagenése des pyroxènes et surtout des olivines donne une antigorite qui sera soumise à l’altération supergene comme les mineraux primaires. Le

Page 13: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Le milieu naturel 7

spinelle chromifère, xénomorphe, contient 56 % de Cr203 et 12 à 18 % d’Al20S. Par ségrégation, il s’est accumulé en amas lenticulaires allongés suivant le rubanement.

Les dunites de l’unité discordante recoupent les harzburgites encaissantes suivant un contact transitionnel bien que disharmonique. Le passage de la dunite au gabbro se traduit par l’apparition de plagioclases, d’orthopyroxène et de clinopyroxène dans la dunite, puis par la disparition du péri- dot et du spinelle chromifére, relayés par la pentlandite et la magnétite. Le plagioclase calcique du gabbro contient 75 à 90 % d’anorthite.

Les roches calcoaicalines intrusives sont principalement des granodiorites à hornblende qui s’enrichissent en hornblende au contact des péridotites (diorite pegmatitique à hornblende).

ALTÉRATIONS DES PÉRIDOTITES (d’après Trescases, 1975)

Les produits d’altération et leur localisation

L’olivine est rapidement hydrolysée et le magnésium est lessivé par l’eau d’infiltration. II sub- siste un résidu amorphe, silice-ferrugineux, qui évolue ultérieurement en gœthite par lessivage de l’excès de silice. Dans les zones basses, la nontronite remplace le résidu silice-ferrugineux amorphe. Après altération du péridot, Porthopyroxène est épigénisé en talc, avec un peu de quartz. Le fer libéré par l’hydrolyse demeure sous forme de gœthite dans les plans de clivage. L’antigorite, respec- tée au début de l’altération, finit par s’altérer pendant les saisons humides en laissant un résidu fer- rugineux qui évolue en gœthite. La chromite (spinelle chromifère), très résistante à l’altération, ne subit qu’une simple corrosion.

Le modelé du relief commande le type d’altération

Le rôle essentiel dans la répartition des alterites est joué par le modelé : plateaux, versants, piémonts, bas-fonds intramontagneux. Les pentes faibles des plateaux, dans des conditions de bon drainage, font progresser le front d’altération plus vite que le front d’érosion. Le profil résultant, épais de plusieurs mètres, se compose de 4 niveaux : saprolithe (((roche pourrie») grossière au con- tact de la roche saine, puis saprolithe fine, terre rouge et cuirasse. La saprolithe grossière conserve l’aspect de la roche originelle. Les cristaux de péridot y sont remplacés par un gel silice-alumineux qui conserve leur forme originelle grâce à la survivance du maillage d’antigorite. Dans la saprolithe fine, ce maillage d’antigorite disparaît et il en résulte un tassement de la roche limité par la résis- tance propre de l’oxyde de fer. Ce stade marque l’achèvement du lessivage de la silice et du magné- sium et il ne reste que la phase résiduelle, dominée par l’hydroxyde de fer et dans laquelle augmentent les proportions de Al, CU, Mn et Ni. Les terres rouges contiennent des gravillons ferrugineux formés à la fois par le concrétionnement des hydroxydes dans les saprolithes fines et par le démantèlement d’an- ciennes cuirasses. Les terres rouges résultent en partie d’alluvionnements et de colluvionnements à une époque antérieure à leur soulévement tectonique.

Sur les versants, le profil ressemble beaucoup à la saprolithe grossière. Dans les bas de pente et sur les glacis, il rappelle le profil complet des plateaux. C’est seulement dans les bas-fonds maré- cageux qu’un nouveau type de profil apparaît parce que l’accumulation d’alluvions et de colluvions met ces éléments a des stades divers d’altération en contact avec des eaux riches en silice. Les miné- raux des péridotites se transforment : les pyroxènes évoluent en talc, les péridots et les antigorites en smectites. La silicification se poursuivant, des filonnets de quartz microcristallin apparaissent. La gœthite évolue de deux façons, évoluant soit vers un cuirassement, soit vers la formation d’hydroxy- des amorphes. Le cuirassement apparaît lorsqu’un soulèvement du bassin accroît l’érosion et le drai- nage de la nappe en profondeur, ce qui accroît l’aération. La gœthite évolue en hydroxydes amor-

Page 14: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

8 Frédéric BAL TZER

phes dans les milieux confinés des marais intramontagneux. Sa silicification ne donne pas une non- tronite franche, mais un produit mal cristallisé, la cryptonontronite (ou hisingerite). Parfois, I’abon- dance du magnésium conduit à une cryptosaponite.

L’érosion de ces altbrites est donc en mesure de mettre en mouvement une grande variété de produits à partir de roches mères elles-mêmes fort diversifiées. L’étude des sédiments nous permettra de retrouver les composés originels.

Conséquences morphologiques de l’altération des péridotites

Les péridotites, très solubles sous les climats tropicaux, peuvent prendre une morphologie de type karstique avec des écoulements souterrains provoquant des effondrements aboutissant en surface à des dépressions rappelant les dolines et les poljé des régions calcaires (Trescases, 1973, 1975). Les résidus ferrugineux s’accumulent par colluvionnement et sédimentation dans les dépressions intramon- tagneuses qui prennent une morphologie très plate de plaine marécageuse. Dominant ces marais, sub- sistent des chaînons de péridotite, relativement préservés de la dissolution par leur plus grande riches- se en serpentine. Ces chaînons ont une direction de 80-90” - 150-170” qui est conforme à la direc- tion de stress maximum.

Le soulèvement tectonique habituel en Nouvelle Calédonie porte progressivement en altitude ces plaines marécageuses qui sont alors soumises à l’incision fluviatile. II en résulte une aeration puis un cuirassement du matériel ferrugineux en une cuirasse plate à l’origine de la pénéplaine terminant le cycle morphologique 1 de Davis (1925). Le soulèvement n’ayant pas été régulier dans le temps, une seconde pénéplaine indurée s’est formée au cours d’un second cycle. Des éléments de la premiè- re pénéplaine-cuirasse forment des reliques dans la haute vallée de la Dumbéa, comme l’élément de plateau soulevé à 1000 m, de part et d’autre du Pic du Rocher. Le cycle 2 a laissé davantage de traces vers 700 à 800 m. II a conservé dans sa partie amont son aspect de remplissage de bas-fond intramontagneux, mais il a été fortement incisé en aval par suite d’une phase de soulèvement qui a abouti à la formation d’une troisième surface. Cette dernière surface est marquée par un remplissage sédimentaire à faible altitude, mais néanmoins surélevé par rapport aux zones actuelles de sédimenta- tion puisqu’il est entaillé par le cours des rivières.

LES FACTEURS ACTUELS DE LA DYNAMIQUE EXTERNE

LE CLIMAT

CARACTÈRE§ GÉNÉRAUX DU CLIMAT

Le climat de la Nouvelle Calédonie est un climat tropical à saisons alternées, caractérisé par une relative stabilité des températures et une extrême variabilité de la pluviométrie, notamment inter- annuelle. Au cours d’une année moyenne alternent deux saisons des pluies et deux saisons de moin- dre pluviosité :

1 - saison des pluies chaude : décembre à mars 2 - petite saison sèche : avril - mai 3 - saison des pluies fraîche : juin à août 4 - saison sèche : septembre à novembre.

Page 15: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Le milieu naturel 9

Le climogramme dressé à partir des moyennes de température et de pluviométrie de 40 années (Nouméa, Fig. 4) montre le caractère tropical franc de 6 mois de l’année, les autres mois étant in- termédiaires entre tropical et tempéré (juin - juillet), entre tropical, tempéré et aride (septembre, oc- tobre et novembre), un dernier mois étant tempéré (août). Ce climogramme peu contrasté est un effet de moyenne entre des. climogrammes annuels beaucoup moins nuancés.

Le climogramme d’un cycle annuel réel (mai 1962 - mai 1963, Fig. 5) met mieux en évidence la variabilité du climat. La variation des températures au cours de ce cycle annuel, de 20 à 27” (moyennes mensuelles) est très proche de la moyenne interannuelle. Les thermo-isoplèthes de Nou- méa pour le même cycle annuel (Fig. 6) montrent que l’amplitude des variations au cours d’une journée est du même ordre de grandeur que l’amplitude au cours d’une année, ce qui est typique des températures dans un climat tropical insulaire. Au contraire, la variation de la pluviométrie, de 15 à 240 mm par mois est très supérieure à la moyenne, Le schéma des saisons que l’on discerne sur le climogramme interannuel est ici complètement perturbé. Le maximum de pluviosité attendu en saison chaude est retardé en avril -mai où la température n’est plus que de 234 Le maximum de pluviosité de saison fraîche ne se manifeste qu’en juillet. La petite saison sèche de mai a évidemment disparu, remplacée par le maximum pluviométrique. La grande saison sèche présente cette année-là trois mois franchement arides : septembre, octobre et décembre. Le mois de novembre, traditionnel- lement le plus sec voit tomber 85 mm de pluie au cours de ce cycle annuel, soit des précipitations supérieures à celles de mars qui est, d’après les moyennes interannuelles, le mois le plus humide.

Le climat de la Nouvelle Calédonie présente donc des constantes qui apparaissent dans les moyennes interannuelles à long terme. Mais au cours d’une année donnée, une tempête peut influ- encer le bilan au point de placer un maximum sur un mois auquel la moyenne interannuelle place un minimum.

LE MÉCANISME DES VARIATIONS SAISONNIERES DU CLIMAT NEOCALÉDONIEN

Le climat de la Nouvelle Calédonie est caractérisé par une succession de saisons liées aux migra- tions de deux grands domaines barométriques, la ceinture anticyclonique subtropicale au sud et la zone des basses pressions intertropicales au nord. La ceinture anticyclonique subtropicale, située en moyenne vers le 30” parallèle sud est formée d’une série d’anticyclones migrateurs ((thorse latitudes))) séparés par des creux barométriques. Ces anticyclones sont l’origine du flux d’alizés soufflant du sud- est. La zone des basses pressions intertropicales, traversée par la ligne de convergence intertropicale ou front intertropical, se caractérise par sa faible pression atmosphérique, une forte humidité et des orages. En temps ordinaire, c’est une région de calmes (((pot au noir», ((doldrums») mais c’est fré- quemment l’origine des cyclones intertropicaux.

La zone des basses pressions intertropicales se déplace au cours de l’année en suivant avec re- tard le mouvement en déclinaison du soleil. Elle se trouve en juillet vers le 20” parallèle nord, pénè- tre dans l’hémisphère sud vers octobre pour atteindre en février les parages du 20” parallèle sud et la Nouvelle Calédonie. La ceinture anticyclonique subtropicale subit un déplacement parallèle et ces mouvements déterminent la suite des saisons.

C’est en décembre, janvier, février et mars que la ligne intertropicale de convergence se rappro- che le plus de la Nouvelle Calédonie et détermine un temps chaud et humide avec une nébulosité très forte. C’est l’époque où des dépressions tropicales prennent naissance sur la ligne de convergence. Certaines se résorbent, mais d’autres se détachent du ((marais équatorial)) pour se diriger, lentement d’abord puis plus rapidement, vers les hautes latitudes tout en devenant plus actives. Six à huit dé- pressions touchent la Nouvelle Calédonie chaque année dont une faible proportion évolue en cyclones tropicaux.

Page 16: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Fr&%ric BAL TZER

mm I I mi

FIG. 4 : CLIMOGRAMME DE NOUMÉA F MOIS FROID ET HUMIDE 0 MOIS TEMPÉRÉ T PdOlS TROPICAL A MOIS ARIDE

MOYENNES MENSUELLES DE 40 ANNEES

0 0 40 ,a 20 16 30

FIG. 5 : CLIMOGRAMME DE NOUMEA CYCLE ANNUEL MAI 1962 -MAI 1963

m-

zz- / 20" /

24 I , I I I I 0 1 I I I 1 Mois MSJASON ‘~13 F M A M

1962 11963

FIG. 6 : THERMOISOPLETHES DE NOUMÉA, CYCLE ANNUEL MAI 196%MAI 1963

Page 17: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Le milieu naturel 11

En avril et mai, la ligne intertropicale de convergence remonte vers l’équateur et son action est de plus en plus atténuée. La ceinture anticyclonique intertropicale n’atteint pas encore la Nouvelle Caledonie et l’alizé de sud-est est presque permanent, La pluviosité et la température ont diminué.

En juin, juillet et août, la ligne intertropicale de convergence est dans l’hémisphère nord et les anticyclones migrateurs subtropicaux atteignent la Nouvelle Calédonie. Les creux barométriques sépa- rant les anticyclones font périodiquement ressentir leurs effets sous forme de dépressions associées à des fronts froids se déplaçant d’est en ouest. C’est la petite saison des pluies ou saison fraîche.

En septembre, octobre et novembre apparaît comme en avril -mai une saison de transition au cours de laquelle la ligne intertropicale de convergence revient dans l’hémisphère sud et les anticyclo- nes subtropicaux reviennent au sud de la Nouvelle Calédonie. Le temps est modérément chaud et gé- néralement sec. L’alizé souffle régulièrement.

Les mécanismes à l’origine de la succession des saisons sont en accord avec la répartition moy- enne des climats, mois par mois, indiquée par le climogramme établi par la méthode de Péguy (19611, sur les moyennes interannuelles fondées sur 40 années d’observations. Ce climogramme interannuel ramassé suggère un climat peu contrasté, en opposition avec le climat réellement observé pendant un cycle annuel, très contrasté au contraire. Ces contrastes, liés aux variations de la pluviométrie, doi- vent être considérés comme une donnée du climat, Ils sont la conséquence des mêmes phénomènes astronomiques que la succession idéale des saisons.

Le caractère aléatoire des précipitations vient des discontinuités de la ligne intertropicale de convergence aussi bien que de la discontinuité de la répartition des anticyclonessur la ceinture anti- cyclonique subtropicale. La zone intertropicale de convergence étant discontinue et son activité étant variable suivant les années, la période où elle influence la Nouvelle Calédonie peut être plus ou moins longue et plus ou moins humide. Le caractère aléatoire du passage des dépressions et cyclones tropi- caux renforce encore les variations de l’importance des précipitations. De même, lorsque la ceinture anticyclonique subtropicale approche la Nouvelle Calédonie, elle peut se manifester par les anticyclo- nes eux-mêmes et il se produit une sécheresse, parfois très longue ou par les creux barométriques séparant les anticyclones et la pluviométrie peut atteindre de fortes valeurs.

A la variabilité dans le temps des précipitations, s’ajoute une variabilité dans l’espace en raison de leur répartition orographique. Elle crée un fort contraste entre la côte est, très arrosée, surtout sur les sommets, et la côte ouest, dont certaines parties ont un climat à tendance aride, surtout en bordure de mer.

En résumé, les deux saisons de pluviométrie minimale coïncident avec les périodes de tempéra- ture intermédiaire. Les deux saisons de pluviométrie maximale coi’ncident avec les températures extrê- mes, saison chaude pour la plus importante, saison fraîche pour l’autre. Des variations importantes d’une année à la suivante sont la règle. La répartition orographique des précipitations et des tempéra- tures ajoute à cette diversité.

LES DONNEES ML?T~OROLOGIQUES

LA TEMPÉRATURE

L’amplitude des variations annuelles des températures est comparable à l’amplitude des varia- tions quotidiennes, ce qui aboutit à la forme isodiamétrique des thermoisoplèthes de Troll (Péguy, 1961).

Page 18: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

12 Frédéric BAL TZER

Les extrêmes des moyennes mensuelles sont de 17 et 29,9” C. L’amplitude de variation des températures moyennes au cours de la journée est de 17 à 22,4” C en août, mois le plus froid, et de 23,9 à 29,9 en février, mois le plus chaud. Comparées à celles des climats tropicaux continen- taux, ces variations sont assez faibles, ce qui est un effet de l’insularité.

Le tableau 1 montre que le maximum absolu enregistré est de 34,2” C en janvier, et le mini- mum absolu de 14,2” C en juin et en août.

MOIS JFMAMJJASOND -- ----------

Température moyenne 25,8 26,l 25,3 23,6 22,4 21,4 244 20,2 22,8 22,6 23,9 24,9

Température maximale absolue

34,2 33,6 33,l 340 32,l 29,8 28,0 27,8 28,4 31,0 31,8 33,5

Température minimale 242 20,8 18,9 16,7 16,6 14,2 14,4 14,2 152 154 17,8 19,6 absolue

Tableau 1. - Température de l’air à Nouméa.

LA PLUVIBMÉTRIE

On peut distinguer deux types de pluies, les unes résultant des dépressions (tropicales et sub- tropicales), les autres du relief (Giovannelli, 1952). Les cartes en isohyètes montrent que même au ni- veau de la mer, la côte est est plus arrosée que la côte ouest : l,5 A 2 m contre 1 m par an. Sur cette côte, les maximums de pluviométrie liés à l’orographie sont très marqués le long de la barrière des sommets des monts Ignambi (1310 m), Colnett (1514 m) et Panié (1650 m) où les précipitations ont dépassé 5 m en 1962. Le mont Humboldt (1634 m) a la même influence dans la zone plus mé- ridionale.

La comparaison des totaux mensuels maximum et minimum observés au cours d’une période de référence de 40 ans à la moyenne mensuelle des totaux pour la même période met en évidence le rôle des dépressions. Le mois le plus humide, mars, qui a reçu 160 mm en moyenne pendant la pé- riode de référence, a vu sa pluviométrie varier de 18 à 576 mm.

MOIS JFMAMJJASOND ------------

Moyenne en 40 ans 104 121 160 112 86 96 98 68 48 48 45 78

Total max. observé 288 385 576 430 232 402 258 239 164 148 392 260

Total min. 4 14 18 6 12 16 19 11 0 0 0 0

Tableau 2. - Pluies à Nouméa (en mm),

Page 19: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Le milieu naturel 13

L’HUMIDITÉ DÈ L’AIR

La moyenne mensuelle d’humidité de l’air oscille entre 70 et 79 %. Pour tous les mois, les maximums absolus enregistrés sont voisins de 100 % et les minimums absolus varient entre 30 et 40 %. La variabilité est donc considérable d’une année ou même d’un jour à l’autre, mais la moy- enne générale est stable tout au long de l’année, de 70 % en septembre à 79 % en mars.

MOIS JFMAMJJASOND -_---------Y

Moyenne générale

75 77 79 76 75 76 74 13 70 70 70 75

Moyenne des maximums 88 90 91 88 89 89 87 86 84 85 83 89

Moyenne des minimums

62 64 68 63 61 64 61 60 56 56 56 61

Tableau 3. - Humidité de l’air à Nouméa (en %).

LA PRESSION ATMOSPHERIQUE

La pression atmosphérique moyenne varie régulièrement au cours de l’année. Minimale en fé- vrier (1009 mb), elle augmente régulièrement jusqu’en juillet (1016,5 mb) et diminue ensuite. Au cours de la journée, la pression atmosphérique est affectée d’une marée barométrique dont l’altéra- tion signale le passage d’un front ou d’une dépression et la disparition le passage d’un cyclone. L’amplitude moyenne de la marée est de 2,3 mb. On observe normalement deux minimums par joui le matin vers 4 h et le soir vers 15 h 30, et deux maximums, le matin vers 9 h et le soir vers 21 h30.

Une baisse spectaculaire de la pression atmosphérique accompagne les cyclones.

LES VENTS

Les vents dominants appartiennent au régime des alizés, ce qui donne une fréquence supérieure aux vents d’est et de sud-est. Une variation saisonnière élève la fréquence des vents de nord-est de mai à juillet.

Les vents sont généralement modérés à assez forts avec une vitesse moyenne de 3 à 8 m/s. Les vents violents n’apparaissent que pendant les cyclones (0,2 % des enregistrements).

LES CYCLONES TROPICAUX

Ces dépressions tropicales prennent naissance dans la zone de convergence intertropicale pendant l’été austral, généralement au nord des Nouvelles Hébrides. Leur diamétre atteint 150 à 250 km dans les parages de la Nouvelle Calédonie et augmente vers les hautes latitudes sud. Le déplacement suit une trajectoire qui commence par se diriger vers le sud-ouest, puis, après une courbe plus ou moins

Page 20: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

14 Frédéric BAL TZER

MOIS JFMAMJJASOND ------------

Directions E E E E E E E E E E E E les plus SE SE SE SE SE SE SE SE fréquentes SE SE SE SE NE NE NE S+ SW s s

Vitesse moy. mis 4,2 6,l 5,7 4,2 3,6 $0 4,2 4,8 4,9 4,3 4,8 5,7 km/h 15 22 21 15 13 18 15 17 18 15 17 21

Tableau 4. - Direction et vitesse des vents à Nouméa.

ample, se continue vers le sud-est. La vitesse du déplacement, d’abord lente, atteint 8 à 10 nceuds dans la branche sud-ouest, ralentit au changement de direction et s’accélère à nouveau suivant la branche sud-est pour atteindre 20 à 24 nœuds. Les cyclones sont précédés d’une période de 8 à 15 jours de temps de plus en plus lourd. Ils s’annoncent par une baisse de pression suffisante pour sup- primer la marée barométrique. La pression peut s’abaisser à 950 mb. Les vents atteignent 100 à 15 150 km/h et les précipitations 200 mm/jour (record : 384 mm/j).

L’HYDROLOGIE FLUVIATILE

LES FLEUVES BE NOUVELLE CALÉDONIE

A l’exception du Diahot et de la Yaté qui suivent l’allongement de l’île, la plupart des fleuves néocalédoniens s’écoulent perpendiculairement aux structures et sont très courts. En raison du regi- me orographique des précipitations, la pluviosite sur les sommets dépasse de plusieurs ordres de gran- deur la pluviosité au niveau de la mer. De ce fait, elle atteint préférentiellement les zones à forte pente et les fleuves ont un cours à caractère torrentiel, En crue, la montée est perceptible à I’œil. En période normale, le débit est souvent faible,

Les jaugeages, les enregistrements limnigraphiques et leurs interprétations ont été réalisés par la section d’hydrologie du centre O.R.S.T.O.M. de Nouméa et résumés par Trescases (1975) en utilisant la terminologie de Roche (1963).

Les résultats montrent que les exportations d’eau se font principalement en eaux normales. Le module interannuel étant beaucoup plus proche du débit d’étiage que du débit de crue, les crues exceptionnelles ne participent que pour une part modérée aux exportations totales d’eau du bassin versant.

Par contre, les exportations de matière en suspension sont le fait des crues. Dans les condi- tions d‘eaux basses ou normales, le débit solide est pratiquement nul. Les petites crues mettent en suspension des particules ferrugineuses très fines qui colorent l’eau en rouge mais ne sont pas do- sables gravimétriquement. Seules, les crues importantes, liées aux cyclones, mettent en suspension une charge solide facilement dosable (Baltzer et Trescases, 1971). Sur la branche est de la Dum- béa (tableau 5), le débit de crue exceptionnelle est 400 fois supérieur au module interannuel et

Page 21: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Le milieu naturel 15

3000 fois supérieur au débit caractéristique d’étiage. Dans ces conditions, le débit solide est consi- dérable : on peut estimer à 25 000 tonnes les dépôts sédimentaires de la crue de janvier 1968 sur la plaine deltaïque de la Dumbéa.

- D.C.E., débit caractéristique d’étiage, égalé ou non dépassé pendant 10 joursfan. - M., module interannuel, débit moyen annuel calculé sur plusieurs années - Débits de crue, médiane et exceptionnelle. - Temps de réponse, en heures, séparant le maximum des précipitations du maximum de

débit à l’exutoire. - p., précipitations annuelles moyennes sur le bassin versant. - He, lame d’eau équivalente, hauteur de l’eau écoulée en 1 an répartie sur la surface du

bassin versant. - D, déficit d’écoulement : D = P - He - Ke, coefficient découlement : Ke = 100 -j&

F

DUMBl?A COUVELÉE EST NORD

- D.C.E. en m3/s 0,43 0,21 0,13

- Crue médiane en m3/s 225 105 (100)

- Crue exceptionnelle en m3/s 1400 W’O) (80’2 - Temps de réponse en heures 2 3

-M en m3/s 3,42 1,585 1,28

-F en mm 2618 2405 1662

- He en mm 1923 1770 1009

-D en mm 695 635 653

- Ke en % 71,9 74 65

Tableau 5. - Caractéristiques hydrologiques de la Dumbéa.

Composition chimique moyenne des eaux

La composition chimique des eaux de la Dumbéa a été étudiée mois par mois par Trescases (1975) et nous en retiendrons les valeurs moyennes annuelles, On constate que trois éléments sont exportés en abondance du bassin versant : le magnésium, l’ion bicarbonate et la silice.

Page 22: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

16 Frédéric BA L TZE R

PH Résistivité

HC03-

Cl-

SO42 -

Ca0

Na,0

M20 Mg0 SiO?

ohm.cm

mg/1

mg/1

mg/1

41

mg/1

dl

dl

mdl

DUME@A EST NORD

728 798

9300 8550

64,4 76

678 5,7

436 2,7

023 026

4,O 398

032 032

20,2 22,3

14,o 14,6

COUVELfiE

7,9 6500

104,2

7,S

3,9

O,9

4,o

03 32,7

19,7

Tableau 6. - Composition chimique moyenne des eaux de la Dumbéa. Dumbéa est et Couvelée : moyennes pour 4 ans ; Dumbéa nord : moyennes pour 3 ans.

L’HYDROLOGIE FL UVIO-MARINE ET MARINE L’hydrologie fluvio-marine et marine met en évidence la spécificité des eaux estuariennes qui

se distinguent très franchement par leurs proprietés des eaux douces comme des eaux marines. Leur température est plus élevée et leur salinité présente une stratification très prononcée des eaux de fai- ble concentration sur les eaux plus concentrées. Le pH est toujours Qlevé, avec une très légère dimi- nution dans la partie de l’estuaire en contact avec des mangroves. Le rH des eaux estuariennes mon- tre l’influence réductrice de la mangrove et, par endroits, l’influence oxydante de la photosynthèse, près de la surface.

Méthode de mesure

L’étude hydrologique idéale vise à donner une image instantanée des propriétés de l’estuaire pour divers états de la marée et du fleuve : marée haute et basse, vive eau et morte eau, crue et étiage. La méthodologie inspirée de Pritchard (Ménaché, 1958) impose un programme de mesures assez long, appliqué à la Dumbéa par Canevet (1967), mais seulement pour la salinité et la tempéra- ture. N’étant pas en mesure de consacrer un temps aussi long à l’hydrologie, j’ai préfére rechercher une image de la composition des eaux peut-être approximative, mais suffisante pour indiquer les grands traits de leur répartition,

Les mesures ont été effectuées sur les rivières de La Foa et de Moindou en montant avec le flot, ce qui permettait de passer les seuils de la zone amont avec le flot et d’atteindre la zone des eaux douces dans le temps d’une demi-marée. La juxtaposition des résultats des stations donne une coupe hydrologique avec en aval les conditions de la marée basse et en amont les conditions de la marée haute. Par rapport à une coupe instantanée à mi-marée montante, l’aval présente un excès d’eau douce en surface et l’amont un excès d’eau salée en profondeur. La montée rapide du flot pendant les 3ème et 4ème heures fait apparaître un maximum de salinité en profondeur vers le cen- tre de la coupe (Fig. 7.1), le bateau étant rattrapé par la marée haline. II en résulte une exagération de la stratification, mais la stratification est réelle, confirmée par la méthodologie classique sur un autre estuaire (Canevet, 1967). Les stations sont réparties tous les 700 m environ de l’embouchure au point le plus amont accessible au bateau à marée haute (15 stations sur la La Foa).

Page 23: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Le milieu naturel 17

Répartition des salinités

Les salinités, mesurées au pont de Kohlrausch montrent la stratification des eaux de l’estuaire à la date des mesures (La Foa, 6-09-62 ; Moindou, 21 et 29-09-62). Malgré sa déformation liée au rattrapage du bateau par la marée haline, le coin salé est apparent (Fig. 7.1) ainsi que la circulation des eaux moins salées près de la surface.

Répartition des températures

Les températures montrent que les eaux estuariennes forment un tampon d’eaux légèrement plus chaudes entre les masses plus fraîches des eaux fluviatiles issues des montagnes et des eaux du lagon. La localisation des températures les plus élevées montre que l’échauffement est lié au ralentis- sement de la circulation des eaux dans l’estuaire. En fin de nuit, l’eau est plus chaude au fond qu’en surface au centre de l’estuaire. Ces répartitions sont reproductibles, mes résultats étant identiques en- tre la La Foa et la Moindou et entre deux séries de mesures sur cette dernière. Les mesures ayant été faites durant le mois le plus frais de l’année en question (septembre), on peut admettre que cet échauffement relatif est une constante des estuaires de la côte ouest de Nouvelle Calédonie.

Répartition des pH

La présence d’eau de mer élève très vite le pH des eaux fluviatiles. Le pH des eaux douces de la La Foa, 7,2, passe à 8,2 dès que la salinité commence à augmenter. Ensuite, le pH varie très peu. Sur le diagramme (Fig. 7.3), deux aires de pH maximum, 8,1, sont séparées par une zone de pH 7,9. Les zones de pH maximum sont liées au coin salé et la zone de pH plus faible correspond à des eaux ayant séjourné dans la mangrove voisine (confirmé par les diagrammes température - salinité).

Mesures de rH

La répartition des rH (Fig. 7.4) montre deux domaines séparés par la ligne d’égal rH 33 qui représente la neutralité du rH. Les rH sont inférieurs à 33 dans la zone aval de l’estuaire riche en mangroves et supérieurs à 33 dans la partie amont, sous l’influence des eaux fluviatiles oxygénées par leur cours montagneux. Dans la partie aval, soumise à l’influence réductrice des sols de mangro- ve, on trouve cependant deux influences relativement oxydantes (rH supérieur à 33) sous forme de la masse d’eau la plus salée, en profondeur, et sous forme d’une masse d’eau superficielle dont le rH élevé s’explique par l’activité photosynthétique du phytoplankton.

Les eaux de la Dumbéa

La chlorinité de l’estuaire de la Dumbéa (le delta de la Dumbéa a un bras unique) a été soi- gneusement étudié par Canevet (1967). Son travail montre une stratification très nette, les eaux les plus douces flottant au-dessus des eaux plus salées, que ce soit en vive eau ou en morte eau, à ma- rée haute ou à marée basse. L’estuaire de la Dumbéa appartient donc à la catégorie des estuaires mal mélangés. Canevet signale que la stratification des eaux se maintient en période de crue et qu’ après les pluies, seule l’eau de surface est colorée en rouge par les particules ferrugineuses détritiques enlevées au bassin versant,

LES MARli?ES EN NOUVELLE CALEDONIE

Les marées de Nouvelle Calédonie ont un marnage maximal de 1,70 m environ. En raison de l’inégalité diurne des marées, les deux hautes mers qui se succèdent au cours d’une même journée, de même que les basses mers, atteignent des hauteurs qui diffèrent de 0,20 m environ. Le tableau

Page 24: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

18 Frédéric BAL ZER

Aval Salinit62s Amont

Temperature des eaux

PH

FIG. 7 : RiZ!PARTITlON DES SALINITÉS, DES TEMPi%ATURES, DES PH ET DES RH MESUA& EN SUIVANT LA MARÉE MONTANTE SUR L’ESTUAIRE DE LA LA FOA (6-09-62)

Page 25: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Le milieu naturel 19

ci-dessous donne les hauteurs caractéristiques des marées à Nouméa en m par rapport au 0 des car- tes marines. Les hauteurs en vive eau et en morte eau viennent d’une publication (S.H.O.M., 1967) et les hauteurs en grande vive eau et grande morte eau d’un renseignement oral (S.H.O.M., Nouméa, 1971). On constate qu’en grande morte eau le niveau de la mer est le même à marée haute infé- rieure et à marée basse supérieure, ce qui revient à une annulation temporaire des marées.

HAUTEUR DANS LES MARÉES MOYENMES

VIVE EAU MORTE EAU

Pleine mer Basse mer Pleine mer Basse mer

1,60 0,50 Supérieure 1,30 0,80

1,40 0,30 Inférieure 1,20 0,60

GRANDE VIVE EAU GRANDE MORTE EAU

1.,72 Supérieure l,oo --~_-_~-------_--_---~~--~~---~---~---~~---~~~~~~-~~~--~~~~~~~~

0,06 Inférieure l,oo

Tableau 7. - Les hauteurs caractéristiques des marées à Nouméa (S.H.O.M.).

Propagation de la marée

L’onde de marée issue de l’Océan Pacifique se propage de 1’E.N.E. vers 1’W.S.W. se dirigeant vers les côtes de l’Australie. La pleine mer se produit sensiblement à la même heure aux divers points des Nouvelles Hébrides, Elle a lieu 30 minutes plus tard environ aux rles Loyalty et sur la côte est de la Nouvelle Calédonie, et deux heures environ après sur la côte ouest de cette dernière île.

Les causes de l’inégalité diurne des marées

L’analyse harmonique des marées en Nouvelle Calédonie a été faite par le S.H.O.M. (1967) pour 15 harmoniques dont nous reprenons les 5 principales (tableau 8). Le rapport entre la somme des amplitudes des deux ondes diurnes Kl et 01 sur la somme des amplitudes des deux ondes prin- cipales semi-diurnes définit le type de la marée. Si ce rapport est inférieur à 0,25, la marée est du type semi-diurne régulier, avec deux pleines mers d’amplitude voisine et deux basses mers également voisines entre elles. Si, comme en Nouvelle Calédonie, ce rapport est compris entre 0,25 et 1,5, on observe généralement deux hautes mers par jour, mais avec des inégalités dans les hauteurs et dans les intervalles entre hautes et basses mers. Les marées de type diurne se produisent pour un rapport supérieur à 1,5.

Kl + 01 A Nouméa, le rapport - =

13,9 + 6,6

M2 + S2 41,3+ 14,3 = 0,37.

La marée est donc bien du type à inégalité diurne, peu accusee. L’illustration d’une marée de ce type est donné par un exemple de mesures que nous avons faites les 30 et 31 août 1962 à Moin- dou (Fig. 8).

Page 26: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

20 Fréderic BAL TZER

NOM DE L’ONDE SYMBOLE

Lunaire principale semi-diurne M2

Solaire principale semi-diurne s2

Lunaire elliptique moyenne, semi-diurne N2

Lunisolaire diurne Kl

Lunaire diurne 01

VITESSE

28,98”/h

30,00°/h

28,44’/h

15,04”/h

13,94’/h

PERIODE AMPLITUDE

12,42 h 41,3 cm

12,OO h 14,3 cm

12,66 h 6,6 cm

23,93 h 13,9 cm

25,82 h 6,6 cm

Tableau 8. - Les harmoniques de la marée à Nouméa.

Effets de l’inégalité diurne sur la zonation biologique

Les hauteurs caractkristiques des hautes mers de grande morte eau, morte eau, vive eau et grande vive eau, échelonnées de bas en haut sur I’estran délimitent des zones que la marée recouvre d’autant plus rarement qu’elles sont plus hautes. Par suite de l’inégalité diurne des marées, la partie supérieure de I’estran n’est jamais atteinte par les hautes mers inférieures. Ce sera donc seulement la marée haute supérieure qui déte’rminera pendant le revif les premières immersions d’une zone anté- rieurement délaissée par les marées et, inversement, les dernières immersions à l’approche de la morte eau. La zonation de la mangrove dépend en grande partie du niveau topographique parce que celui-ci définit la fréquence et la profondeur des immersions par les marées. Pour la partie haute de I’estran, c’est la haute mer supkieure qui prime.

Pour la partie de I’estran au-dessous du niveau moyen, un raisonnement symétrique conduit à considérer plutôt la basse mer inférieure. La dominante de cette zone étant l’immersion, le phénomè- ne modificateur lié aux marees exceptionnelles est i’émersion. Ce seront les marées basses inférieures, qui produisent la première et la dernière émersion d’un point donné au cours d’un cycle de vive eau, que nous adopterons comme facteur déterminant de la zonation.

Page 27: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Le milieu naturel 21

Weitie mer sope>feure I

FIG. 8 :EXEMPLE DE MARÉE A INÉGALITÉ DIURNE- MOINDOU, AOUT 1962

Page 28: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

22 Frhdkic BAL TZER

FIG. 9 : LOCALISATION DES MARBUEURS DE LIGNES DE RIVAGES DATES

ET DE L’ACCIDENT DUEST-CALÉDONIEN

Page 29: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

23

Chapitre II

Les variations du niveau marin relatif pendant I’holocène

Les variations du niveau marin relatif à I’Holocène sont une donnée essentielle pour compren- dre les conditions géodynamiques de cette période dans les zones côtières. En Nouvelle Calédonie, les vallées ennoyées et remblayées par des cycles sédimentaires successifs sont nombreuses, comme le sont les marqueurs de lignes de rivage surélevés : plages, récifs, bancs d’huîtres, encoches de dissolu- tion ou sols de mangrove fossiles. La stratigraphie de ces sols de mangrove, enfouis dans les sédi- ments des marais maritimes, donne une image précise des variations du niveau marin et surtout une image continue (sauf pour la partie supérieure des niveaux surélevés, sujette à l’oxydation). Les résul- tats mettent en évidence la montée du niveau relatif à l’tlolocène de - 5,15 m à + 1,0 m entre 7300 B.P. et 3 200 ans B.P., puis une descente à - 0,5 m vers 2900 ans B.P. suivie d’une lente re- montée jusqu’au niveau actuel. L’existence d’un niveau relatif surélevé par rapport au niveau actuel à I’Holocène récent pose le problème de son origine eustatique ou tectonique. Du fait que la montée glacio-eustatique du niveau des mers s’est ralentie au cours des 5 000 dernières années, les autres com- posantes du niveau relatif, telles que les mouvements verticaux des continents, ont pu se manifester par des écarts, non seulement d’un continent à l’autre, mais même à l’intérieur des continents (Faure et Élouard, 1967). Dans le cas de la Nouvelle Calédonie, l’hypothèse d’un soulèvement tectonique ré- soud de nombreux problèmes, sans être nécessairement contradictoire avec la subsidence rendue évi- dente par le développement du récif barrière.

LES VARIATIONS DU NIVEAU DE LA MER AU COURS DU TEMPS

La surface de la mer est sans cesse affectée de mouvements périodiques dont la période, très variable, a un ordre de grandeur qui va de la seconde au millénaire ou davantage. Le niveau moyen

Page 30: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

24 Frédéric BAL VER

de la mer en un lieu, est une grandeur abstraite, calculée à partir d’une longue suite d’enregistre- ments au marégraphe étalonné par rapport à un repère de nivellement suffisamment stable. II corres- pond au niveau de la mer sans les vagues et sans les marées et présente des variations à courte pé- riode, saisonnières, et des variations à longue période.

En Nouvelle Calédonie, une variation saisonnière du niveau moyen de la mer se corrèle avec les variations saisonnières de la pression atmosphérique moyenne et de la température (Guitton, 1974). Elle atteint 15 % du marnage total. La variation saisonnière de la salinité peut ajouter ses effets. Les vents portant à la côte font monter le niveau moyen de la mer, surtout lorsqu’ils se pro- longent longtemps sur le lagon. Les courants marins sont liés à des différences de niveau moyen de la mer en rapport avec les directions d’écoulement. Des rétrécissements sur leur parcours et l’effet Coriolis peuvent produire des irrégularités locales du niveau moyen.

Les variations à longue période du niveau moyen de la mer, géologiquement les plus intéres- santes, sont mises en évidence par les marqueurs géologiques des lignes de rivage anciennes et aussi par les marégraphes d’installation ancienne. Ainsi, le niveau moyen de l’océan mondial à I’Holocène se caractérise partout par un mouvement transgressif universellement reconnu (Gill, 1971), mais dont les modalités sont encore l’objet de discussions. Ce mouvement transgressif, découvert par la strati- graphie des sédiments récents (Dubois, 1924) est confirmé par les enregistrements des marégraphes qui indiqueraient une montée du niveau moyen de l’océan mondial de l’ordre de 7 cm (Fairbridge, 1964) entre 1890 et 1960. Des résultats comparables ont été obtenus pour le Pacifique Sud-Ouest (Schofield, 1959, pour la Nouvelle Zélande).

Le caractère général de la montée du niveau moyen de la mer impose l’idée de I’eustatisme, c’est-à-dire une répercussion des variations de volume de l’océan - contenu et contenant - sur les rivages du monde entier. Ces variations de volume peuvent résulter d’un changement de forme du bassin océanique (tectono-eustatisme, Kuenen, 1954), d’un remplissage sédimentaire (sédimento- eustatisme, Suess, 1904 ; Rivière, 1955), d’un apport volcanique d’eau juvénile ou encore d’une mo- dification de volume des calottes polaires sous l’influence de changements climatiques (glacio-eusta- tisme, Daly, 1920). Aucune de ces hypothèses ne doit être écartée a priori, mais on s’accorde pour admettre que le glacio-eustatisme est le principal agent des grandes variations de niveau moyen obser- vées au cours du Quaternaire, à l’échelle de 10000 ans.

LES VARIATIONS DU NIVEAU MARIN A L’HOLOCENE DANS LE MONDE

La transgression Flandrienne (G. Dubois, 1924) est reconnue dans le monde entier par les géologues quaternaristes (Gill, 1971), mais ses modalités sont encore l’objet de discussions. Vers 1960, on croyait pouvoir aboutir à un chronodiagramme mondial des variations eustatiques du niveau ma- rin (Fairbridge, 1961), mais les études qui ont suivi ont montré des variations par région, Bloom (1970), puis Walcott (1972) ont expliqué ces variations par l’effet isostatique du poids des eaux en jeu dans les mouvements des lignes de rivages (hydroisostasie). Lorsqu’il est prolongé, le soulèvement de la masse continentale, isostatique ou tectonique, met en évidence les variations positives et néga- tives des lignes de rivage. Dans ces conditions, les côtes instables de Scandinavie remontant après la fusion des inlandsis quaternaires (Marner, 1970) ou de Nouvelle Guinée, en cours de soulèvement tectonique, permettent de fines reconstitutions (Veeh et Chappel, 1970). Après correction du facteur isostatique, la courbe de Marner (1970) présente une phase de remontée rapide des niveaux marins entre - 16000 et - 4000 ans, avec des oscillations d’amplitude modérée et une phase de ralentisse- ment progressif et d’atténuation des oscillations de - 4000 à l’actuel. Ce chronodiagramme est cohé- rent avec ceux de Jelgersma (1961), Shepard (1963), Scholl (1964) et Bloom (1970), si l’on tient compte des particularités tectoniques et isostatiques des côtes étudiées. Soulignons que ces courbes

Page 31: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Les variations du niveau marin relatif pendant I’holocène 25

ne présentent pas de niveau marin eustatiquement surélevé par rapport au niveau actuel.

Parmi les premiers chronodiagrammes réalisés, deux au moins présentaient un niveau pré- actuel surélevé. Ils étaient fondés au moins en partie sur des résultats obtenus dans des régions répu- tées stables d’Australie (Fairbridge, 1961) et de Nouvelle Zélande (Schofield, 1960). L’existence de ce niveau holocène surélevé, d’abord largement admise, a été ensuite contestée en tant que niveau eustatique (Shepard et Curray, 1967). A la suite de l’expédition Carmarsel (Shepard et coll., 1967) consacrée à ce problème, beaucoup de niveaux à blocs coralliens des rivages du Pacifi- que central, considérés jusque-là comme des récifs frangeants surélevés ont été considérés seu- lement comme des niveaux détritiques mis en place par les tempêtes. De même, un corail ho- locène des Tuamotu, de niveau supérieur à l’actuel (Lalou et aZ., 1966) devrait sa position à un basculement régional des îles (Newell et Bloom, 1970). En Australie, le débat est très ani- mé, B.G. Thom et al. (1969, 1972) niant l’existence d’un niveau marin holocène surélevé sur la cote orientale alors que Gill et Hopley (1972) en admettaient l’existence. Par la suite, Thom et Chappel (1975) reconnaissent que le continent Australien présente des lignes de rivage pro- ches du niveau actuel depuis 6000 ans B.P., ce qui contraste avec l’Europe et l’Amérique du Nord où de semblables niveaux apparaissent au plus tôt vers 3700 ans B.P. Ils suggèrent que la différence vient d’effets isostatiques globaux.

Le problème du niveau préactuel surélevé est d’importance pour la Nouvelle Calédo- nie où l’on connaît depuis longtemps (Pirouthet, 1917 ; Avias, 1953 ; Routhier, 1953 ; Baltzer, 1965, 1970) des indications nombreuses et certaines de niveaux marins récents en légère suréléva- tion par rapport au niveau actuel. On en retrouve également à l’île des Pins et aux Loyauté (Launay et Récy, 1970). Par la stratigraphie et la radiochronologie des sédiments de mangrove transgressifs, j’ai pu montrer (Baltzer, 1970) que les lignes de rivage anciennes de Nouvelle Calédo- nie sont proches du niveau actuel dés l’âge de 5300 ans B.P. et sont toujours plus élevées que leurs homologues européennes ou nord-américaines. La surélévation pouvait s’expliquer par un sou- lèvement tectonique.

LES PROBLEMES METHODOLOGIQUES DE L’l?TUDE DES PALEORIVAGES

Un marqueur de niveau marin se caractérise par sa cote topographique actuelle repérée par rapport au niveau marin moyen actuel par nivellement ou par utilisation de la zonation biologi- que. II se caractérise en outre par sa hauteur relative au niveau marin dans la zonation biologique (marqueur vivant) ou dans la morphologie côtière (marqueur géomorphologique) de l’époque où il s’est développé.

Le niveau topographique par nivellement est toujours fondé sur un repère de nivellement fondamental (macaron de bronze ou tout objet caractéristique) peu éloigné d’un marégraphe grâce auquel on peut Etablir le niveau moyen des mers. En Nouvelle Calédonie, les cartes marines (S.H.O. M.) donnent des cotes bathymétriques fondées sur un 0 correspondant au niveau des plus basses mers et ce 0 est également utilisé pour les cartes au 1/10000ème du service topographique territo- rial. Pour les cartes au 1/50000ème de I’I.G.N., le 0 correspond au niveau moyen de la mer. Les cotes des deux types de cartes sont calculées à partir du même repère fondamental.

Sur le terrain, les hauteurs caractéristiques utilisées pour définir le 0 des cartes ont I’in- convénient de ne pas se manifester dans les paysages côtiers et c’est pourquoi Gill (1967) a recom- mandé que soit utilisé comme référence le niveau des hautes mers moyennes (MHW) ou celui des

Page 32: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Fr&d&ic BA L TZER

basses mers moyennes (MLW) en précisant toujours le marnage. Bans les milieux étudiés ici, le ni- veau moyen des hautes mers est le plus facile à utiliser. On a toujours intérêt à utiliser des mar- queurs de lignes de rivage qui soient de même nature (même organisme, meme marqueur géomorpho- logique) ce qui évite les erreurs d’interpretation du niveau lui-meme, le 0 actuel etant donné par la position du m&me marqueur dans la nature actuelle.

LES KKTN~UW~S de niveau marin sont d’une part des repésres morphologiques et d’autre part des repéres écologiques. Parmi les repères morphologiques, les plages, falaises marines et enco- ches sont trop variables en position pour être utilisables. Par contre, en milieu tropical, le contact entre les accumulations récifales de platier et les incrustations organiques qui les recouvrent est considére comme un bon repére (Russel, 1954). Parmi les repères Ecologiques, les coquilles de mollusques peuvent être utilisees dans la mesure ou on les retrouve en position de vie, notamment les huîtres fixées à leur support (Shepard et Moore, 1955). Les coraux ont l’inconvénient d’une grande incertitude dans les niveaux d’habitat initial. Les tourbes de mangrove sont de bons repè- res de niveau marin, datables par le 14 C (Baltzer, 1959, 1970). Les datations de lignes de riva- ges que j’ai réalisées sont toutes fondees sur des tourbes de mangrove. Ces tourbes ont à mes yeux l’avantage de se mettre en place avec une inertie qui élimine les effets de variations fugaces du ni- veau marin. De telles variations fugaces existent en Nouvelle Calédonie : Guitton (1972) signale une modification brutale du niveau moyen de la mer, entre 1952 et 1963, restée inexpliquée. Un mar- queur d’installation rapide, comme un placage peu épais de coquilles d’huîtres, peut donner en trois ans un matériel datable et de niveau défini, mais le risque est réel de dater un episode tres fugace. Au contraire, dans un temps si court, les palétuviers sont encore des arbrisseaux incapables de former un sol tourbeux et incapables de survivre à une baisse ultérieure du niveau moyen. Par conséquent, la formation d‘un sol de mangrove tourbeux résulte d’une position moyenne du niveau moyen suffi- samment durable pour avoir permis un developpement complet de la végétation, de l’ordre de plu- sieurs dizaines ou centaines d’années. Les variations de courte période du niveau moyen y sont amor- ties et le sol intègre des variations dont la somme a une signification géologique réelle, eustatique OU

tectonique, mais ne résulte pas de conditions météorologiques exceptionnelles. J’ai pu montrer (Baltzer, 1969, et présent mémoire, chap. IV), l’existence de relations précises entre les espèces de palétuviers et le niveau du sol qu’elles occupent préférentiellement dans la nature actuelle en Nouvel- le Calédonie.

On pourrait craindre que des modifications dans le régime des marées et dans le climat au cours de I’Holocène aient des conséquences sur la validité des reconstitutions de lignes de rivages que nous obtenons. Pour les marées, on sait que le marnage et les hauteurs caractéristiques sont modifiés au passage de la mer ouverte à une lagune, Ce problème ne se pose pas de façon aigüe dans le cas du lagon de Nouvelle Calédonie car nous prenons en compte une variation de niveau moyen des mers qui est faible par rapport a la profondeur totale du lagon (6 m contre 70 m). Les modifica- tions climatiques du Quaternaire semblent pouvoir &tre négligées : il est peu vraisemblable qu’elles interviennent sur le niveau préferentiel d’occupation du sol par les palétuviers. Si les palatuviers sont présents, on peut être sur qu’ils ont trouve le climat convenable à leur développement.

Un risque réel d’erreur est constitué par des variations accidentelles du niveau topographique du marqueur et il faut s’en prémunir en verifiant que les sols qui le supportent n’ont pas subi de compaction posterieurement à leur mise en place (ou en calculant le déplacement consécutif). De même il faut vérifier qu’il n’a subi aucun bouleversement naturel ou artificiel.

Page 33: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Les variations du niveau marin relatif pendant l’holocène 27

LES VARIATIONS DES LIGNES DE RIVAGE A L’HOLOCENE

L’Holocène de Nouvelle Calédonie se caractérise par un mouvement des lignes de rivage- trans- gressif pour l’essentiel - avec une phase temporaire de régression entre 3 200 et 2 900 ans B.P. suivie d’une reprise de la transgression qui se poursuit jusqu’à nos jours. On peut retrouver cette disposi- tion non seulement dans la stratigraphie des marais maritimes (Baltzer, 1965 - 1970) mais aussi dans les rapports entre les encoches de dissolution marine et les formations sableuses littorales (plages et dunes), notamment à l’île des Pins. Une carte schématique (Fig. 9) donne la localisation des sites étudiés.

L’oscillation complète de la ligne de rivage est mise en évidence par les sols de mangrove fossiles du marais de Mara. Ce marais maritime très plat, occupe un ancien petit golfe de la côte ouest, entre les embouchures de La Foa et de Moindou. Le climat tropical à saisons alternées y détermine la présence de mangroves et de prés salés sur la façade maritime et d’une zone sans végétation sur le côté terrestre, La transgression se manifeste dans les forages par un lit de tourbe molle à palétuviers in situ qui s’élève progressivement depuis 3,5 m de fond sous la frange marine du marais jusqu’à 0,30 m à sa limite terrestre en recouvrant des argiles vertes prého- locènes. La transgression est confirmée par le recouvrement de la tourbe par des sédiments coquil- liers sabla-vaseux comparables aux sédiments actuels du lagon. La régression est marquée par la ter- minaison en biseau de ce niveau néritique et surtout par un lit supérieur à débris de palétuviers, confondu avec le lit transgressif à la limite terrestre du marais et allant se raccorder à la mangrove actuelle vers la mer (Fig. 10). Une nouvelle inversion du mouvement marque la tendance transgressi- ve actuelle. Ainsi, la stratigraphie de ce marais met bien en évidence une oscillation complète de la ligne de rivage : transgression - régression - reprise de la transgression.

En plus de l’oscillation de la ligne de rivage, la stratigraphie des restes de palétuviers met en évidence une ligne de rivage plus élevée que la ligne actuelle et donne des éléments sug- gérant qu’il s’agit d’un soulèvement de l’île, une hypothèse vers laquelle convergent bon nombre d’observations indépendantes. La coupe la plus caractéristique correspond à l’endroit où se rejoi- gnent les deux lits végétaux - transgressif et régressif - vers la limite terrestre du marais. Les deux lits, accolés et confondus, se prolongent en s’élevant au-dessus de la nappe phréatique, sous forme d’un sol sulfaté acide, reconnaissable à ses taches jaunes de jarosite dans lesquelles on reconnaît les traces d’un ancien chevelu racinaire. Le sol sulfaté acide atteint son niveau maximal sous la terrasse à ponces qui surplombe de 060 m le marais (Fig. 10). Ce niveau est supérieur d’environ 1 m aux sols des mangroves actuelles à Rhizophom. Les sols sulfatés acides se forment en milieu exondé mo- dérément humide, par oxydation ménagée des anciens sols de mangrove (Vieillefon, 1974), aboutis- sant à la transformation des sulfures de fer du sol initial en jarosite (sulfate de fer et de potassium). Sur la coupe qui nous intéresse, les sols sulfatés acides démontrent que les niveaux à restes de palé- tuviers sont allés plus loin vers la périphérie des marais que l’on ne pourrait le penser sur la foi des fibres végétales actuellement reconnaissables. Ils montrent de plus que les palétuviers occupaient un sol aujourd’hui porté à 1 m au-dessus du sol de la mangrove actuelle équivalente.

La mise en place de la terrasse argileuse à ponces qui forme une partie de la périphérie du marais coïncide avec le passage de la phase transgressive à la phase régressive de l’oscillation du ni- veau marin montrée par les sols de mangrove anciens, Cette basse terrasse, entaillée par une micro- falaise, est constituée à sa base par le sol sulfate acide qui marque le terme de la progression de la mangrove et à son sommet par une argile grumeleuse grise dans laquelle on trouve de nombreuses ponces. Ce sédiment, avec les ponces en plus, rappelle le marais sursalé actuel. Le dépôt d’un tel sé- diment est certainement très lent et la mise en place de plusieurs décimètres implique l’idée d’une

Page 34: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

0

L

FIG. ICI : VARIATIONS DE LA LIGNE DE RIVAGE A L’HOLOGENE INDIQUÉES PAR LES TOURBES DE MANGROVE - MARAIS DE MARA -

Page 35: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Les variations du niveau marin relatif pendant l’holocène 29

certaine stabilité de la ligne de rivage. Cette stabilité s’explique bien par l’hypothèse d’un soulève- ment de l’île se produisant pendant la montée générale du niveau eustatique, la stabilité résultant de coïncidences entre les vitesses du soulèvement et de la montée eustatique.

Le sol à Rhizophora qui s’étend à quelques décimètres sous la surface de la partie sursalée du marais de Mara (Baltzer, 1965, 1970), présente un épaississement qui semble signifier, comme l’argile à ponces mais à un niveau inférieur, que la mer a stationné longuement au même niveau. Dans I’hy- pothèse d’un soulèvement de l’île, la mise en place de cet épaississement serait postérieure au soulè- vement lui-même.

Une reprise actuelle de la transgression de la ligne de rivage se manifeste par plusieurs indices, notamment l’érosion de la microfalaise périphérique, l’agencement de détail de la zonation végétale et enfin, la stratigraphie.

L’érosion actuelle de la bordure du marais suffit à ouvrir dans la terrasse périphérique du ma- rais une microfalaise de 0,80 m qui rappelle beaucoup les microfalaises bordant certaines sebkhas. La formation de ces microfalaises est liée à l’ameublissement des sédiments argileux se désagrégeant en micropolyèdres d’argile sous l’influence de solutions salines en cours d’évaporation, le sel restant assez peu abondant pour qu’il ne se forme pas de croûte. Dans les sebkhas, ces micropolyèdres, em- portés par le vent, s’accumulent en «lunettes)) (Perthuisot et Jauzein, 1975). A Mara, ils semblent favoriser l’érosion par le clapet en saison humide. Cette érosion reprend manifestement des sédiments déposés sur un rivage de niveau supérieur au niveau actuel et confirme qu’après une baisse notable, une remontée actuelle est en cours (Baltzer, 1965, 1970).

La zonation végétale met également en évidence cette élévation actuelle du niveau marin par la colonisation des zones internes, terrestres, par des espèces des zones externes, marines. La stratigra- phie confirme ces observations : les tourbes à Rhizophora du niveau régressif sont recouvertes par une mangrove à Avicennia vivante au jour des observations. Le sol qui porte ces Avicenniu est sépa- ré de la tourbe précédente par un niveau sans débris végétaux contenant des argiles analogues à cel- les du marais hypersalin actuel (Fig. 10).

En conclusion, la stratigraphie du marais de Mara permet de définir un mouvement transgressif, suivi d’une période de stabilité de la ligne de rivage, puis d’une régression et enfin, après un second épisode de stabilité, l’epoque actuelle se caractérise par une transgression ralentie. Cette dernière, ini- tialement signalée par Pirouthet (1917), a été confirmée par Avias (1949) et par l’auteur (Baltzer, 1965, 1970). En accord avec les marégraphes du monde, cette transgression a certainement une ori- gine eustatique dans une large mesure.

Les formations côtières de l’île des Pins permettent de reconstituer la même oscillation de la ligne de rivages en se fondant cette fois sur les éléments d’un rivage exposé aux intempéries, dans lequel on trouve des sables de plage et des sables dunaires passant latéralement à des encoches ouvertes dans des calcaires coralliens quaternaires soulevés. Sur le site archéologique à poteries orne- mentées du style Lapita, à Vao, la partie inférieure du niveau archéologique repose sur un sable ma- rin de haute plage, protégé des conditions d’énergie extrêmes par les récifs à l’époque de sa mise en place. La partie supérieure du sable marin est affectée d’un léger encroûtement se formant, probable- ment de nos jours, à la faveur de la discontinuité granulométrique.

Le sable de plage et le site archéologique sont couverts par un sable éolien (médiane 160 pm), très bien classé et presque exclusivement calcaire, auquel sont associés des lits de ponces de diamètre centimétrique, très fraîches, La base du sable éolien, propre et blanche, contient des débris de poterie légèrement usés. La partie supérieure, noirâtre, contient des tessons récents et des débris de cuisine. Immédiatement au contact du sable de plage, le sable éolien est intercalé de lits millimétriques de

Page 36: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Frédéric BAL TZER

sable coquillier Iégérement plus grossier que j’interprète comme des cretes de ripple marks remontant le flanc au vent des dunes côtières. L’absence de structure visible dans le sable Bolien franc suggère qu’il s’est déposé en dunes associees à des touffes végétales. Des poupées calcaires entourant des res- tes charbonneux confirment cette idée. Les ponces associées à ces sables me semblent confirmer qu’ il s’agit de sables éoliens. La Nouvelle Calédonie et ses dépendances n’ayant pas eu d’activité volcani- que depuis I’Eocène, ces ponces n’ont pu arriver qu‘en dérivant à la surface de la mer, probablement depuis les Nouvelles Hébrides. En raison de leur flottabilité, la sedimentation définitive des ponces n’a pu se faire en milieu marin, mais seulement au rivage. Leur accumulation en lits atteignant jusqu’ à 10 cm d’épaisseur suggère un roulage sous l’influence des vents de tempête suivi de dépôt dans des depressions interdunaires. Ce mode de transport est très vraisemblable, compte tenu de la forme sphérique et de la légèreté de ces ponces. Le caractère éolien des sables eux-memes est confirmé par le test granulométrique de Fridman (1961) qui indique un domaine intermédiaire entre sable de pla- ge et sable dunaire, ce qui me semble bien convenir pour une dune littorale. Ces dunes côtières, en cours d’érosion, fournissent le sable très fin, blanc et bien classé, des plages actuelles de l’île des Pins. L’exoscopie des rares quartz d’un sable de plage de I<uto par L. Le Ribault (travail inedit) confirme qu’une phase éolienne a bien précedé l’épisode intertidal actuel.

II se confirme donc qu’une plage marine Emergée a été occupée par les premiers hommes de la civilisation à Lapita et que cette plage a été ultérieurement recouverte par des formations sableuses dont l’origine première est marine, mais dont la mise en place est éolienne. Cette stratigraphie met en évidence la même oscillation de la ligne de rivages que la côte ouest de Nouvelle Calédonie. L’ins- tallation de l’homme, directement sur un sable de plage, marque le début d’une régression de la ligne de rivages vers 4000 ans B.P. suivant une datation par D. Frimigacci (1970). Cette régression se con- firme ensuite par l’accumulation en dunes littorales de sables prelevés par le vent sur I’estran large- ment émergé. Le retour subactuel à une phase de transgression de la ligne de rivage qui se continue de nos jours, se manifeste par l’érosion des formations éoliennes. Launay et Récy (1970, 1972) con- sidèrent comme marin le sable à ponces que j’interprgte comme éolien. Ceci conduirait à envisager une surélévation du niveau marin de l’ordre de 3 m au-dessus du niveau actuel, ce qui serait en con- tradiction avec nos observations sur les autres régions et avec l’interprc%ation sédimentologique.

Les encoches de dissolution qui affectent la base des récifs frangeants soulevés surplom- bant la mer de quelques mètres autour de l’île des Pins et dans le Sud de la Nouvelle Calédonie semblent rendre compte de mouvements tectoniques, Habituellement au nombre de 2, l’une au niveau actuel, l’autre à 1,5 m au-dessus, ces encoches atteignent 3 m dans la région de Yaté (S.E. de la Nouvelle Calédonie) et meme localement 6 m sur un bombement de quelques dizaines de mètres en- tre Tara et Waho (Launay et Récy, 1970). Dans la région de ce bombement, le nombre des encoches passe à 3 au lieu de 2, ce qui prouve que la formation des encoches est liée aux mouvements du sol. A l’île des Pins, tout près du site archéologique de Vas, à la Pointe Saint-Maurice, on peut voir deux encoches separées par un simple entablement. Le niveau actuel de la mer affecte l’encoche inférieure qui est réentaillée à la pointe même mais, pour l’essentiel, les deux encoches sont antérieures aux formations sableuses, marine et éolienne, du site préhistorique de Vas. En effet, à la Pointe Saint- Maurice, on peut voir que ces sables recouvrent les deux encoches et le récif qui les supporte.

Les encoches signalent des épisodes de stabilité de la ligne de rivage pendant lesquels la résul- tante des mouvements eustatiques, tectoniques et isostatiques ne change en rien le niveau marin rela- tif. Si nous admettons que la remontée eustatique du niveau marin réel B I’Holocène s’est faite sans interruption et sans point haut durable, la creation d’une encoche implique un mouvement vertical du sol, de vitesse égale à la vitesse du mouvement eustatique. L’observation d’une troisiéme encoche dans la seule région où un bombement affecte le récif frangeant soulevé (près de Yaté) suggère que le mouvement vertical du sol nécessaire à la formation des encoches a une origine tectonique. Ceci est en accord avec le fait que l’arc insulaire auquel appartient la Nouvelle Calédonie est intensément

Page 37: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Les variations du niveau marin relatif pendant I’holocène 31

faillé et que les mouvements tectoniques s’y manifestent en liaison avec les failles. L’étude des systè- mes de failles bien surveillés du Monde (San Andreas fault) montre que les déplacements sont le ré- sultat de déplacements élémentaires quasi-instantanés (séismes). Sur des périodes de l’ordre des siècles ou des millénaires, on peut évaluer une vitesse moyenne avec des accélérations ou des ralentissements qui favorisent l’apparition de coïncidences entre la vitesse verticale du sol et la montée eustatique du niveau marin. Par exemple, la combinaison d’une montée eustatique uniforme du niveau marin avec un mouvement du sol nul au départ, s’accélérant jusqu’à provoquer une régression de la ligne de ri- vages avant de ralentir et s’arrêter, produirait deux coïncidences, l’une en début, l’autre en fin de mouvement tectonique. Si ces coïncidences entre les vitesses de la montée eustatique et de la montée tectonique sont assez longues, des encoches se forment, la plus haute étant la plus ancienne et la plus basse, la plus récente. Si cette interprétation est correcte, nous devons admettre un soulèvement commencé vers 4000 ans B.P. dans ces régions.

Ainsi, sur la côte ouest de Nouvelle Calédonie comme à l’île des Pins, des observations sur des environnements différents donnent des résultats convergents sur l’histoire récente de la ligne de riva- ges, marquée par une oscillation complète inversant puis reprenant la progression de la transgression holocène. De plus, ces observations suggèrent que cette oscillation a une cause tectonique.

DATATION DE§ LIGNES DE RIVAGE SUR LA &TE OUEST

L’ensemble des points datés, soigneusement sélectionnés, se répartit de façon harmonieuse sur une courbe qui rend compte de la transgression holocène sur les côtes de Nouvelle Calédonie. La courbe met en évidence une phase de montée rapide du niveau relatif entre 7 300 et 5 500 ans B.P., suivie, entre 5500 et 3000 ans B.P., par une période pendant laquelle la montée est moins rapide et les lignes de rivage sont surélevées par rapport au niveau marin actuel. Dans la dernière phase, entre 3000 ans B.P. et l’actuel, la ligne de rivages s’abaisse de 0,50 m au-dessous du niveau actuel puis re- monte progressivement jusqu’à celui-ci (Fig. 11). Ce chronodiagramme est parfaitement cohérent avec les résultats de la stratigraphie et met en évidence la même montée, suivie de la même oscillation de la ligne de rivage. Non seulement le chronodiagramme présente un niveau marin holocène avec une phase de surélévation par rapport au niveau actuel, mais de plus, les niveaux antérieurs à cette phase, d’âge compris entre 7 300 et 5 500 ans B.P., sont très hauts pour leur âge. Une comparaison avec les chronodiagrammes de Bloom (1970) relatif à la Micronésie, ou de Marner, relatif à la Scandinavie (Fig. 12) montre la différence.

La sélection rigoureuse des échantillons à dater en limite sérieusement le nombre, d’au- tant plus que les tourbes à palétuviers soumises aux datations ont été obtenues par forage et que l’on n’est jamais assuré qu’un forage donnera une épaisseur suffisante de sediment datable. En raison des effets néotectoniques mis en évidence sur la côte étudiée, les datations ont été limitées à la partie sud du compartiment situé à l’ouest de l’accident ouest-calédonien (Fig. 9). Ce compartiment est constitué par un anticlinal qui se comporte comme un môle résistant. Affecté de failles secondai- res seulement, il constitue un bloc homogène par rapport aux accidents majeurs. Les tourbes à palé- tuviers proviennent de marais maritimes de la côte ouest. Du Nord au Sud, ont été échantillonnés : un petit marais à Nessadiou (près de Bourail), le marais de Mara (Moindou), un marais proche de Bouloupari et le delta de la Dumbéa (30 km de Nouméa). II s’y ajoute un échantillon d’huîtres daté par Coudray et Delibrias (1972), provenant de l’îlot Le Prédour et permettant de dater la ligne de rivage surélevée, à un niveau où les tourbes à palétuviers, dégradées par oxydation, ne sont plus utili- sables.

Page 38: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

32 FrtSd&ic BAL TZER

FIG. II : CHRONODIAGRAMME DES VARIATIONS DE LA LIGNE DE RIVAGES EN NOUVELLE-CALÉDONIE PENDANT L’HOLOCENE

COMPARAISON AVEC CHRONODIAGRAMME ÉTABLI PAR BLOOM EN MICRONESIE (197c1)

DJFF&t?ENCB

en mèfres

FIG. 12 : DIFFÉRENCES D’ALTITUDE ENTRE MAROUEURS DE LIGNES DE RIVAGES DE MEME AGE, EN NOUVELLE CALÉDONIE ET EN MICRONÉSIE (CF LIGNES POINTILLEES SuR FIGURE 11 CI-DESSUS)

ORIGINE DES ÉCHANTILLONS : NAT : DUMBÉA ; MT 6x MAR : MO~NDOU, MARA ; NES : N~ssADlou, BOURAIL ; BOU : BOULOUPARI ; LP : LE PRÉDOUR, BAIE DE ST VINCENT.

DATATIONS PAR G. DELIBRIAS : CIF SUR YVETTE

Page 39: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Les variations du niveau marin relatif pendant l’holocène 33

Comparée aux principaux chronodiagrammes régionaux du monde, la courbe de mon- tée de la ligne de rivage en Nouvelle Calédonie appartient typiquement au groupe des courbes à ni- veau marin holocène surélevé. Ces rivages récents émergés, connus de Piroutet (1917) étaient alors interprétés comme un soulèvement du terrain («plages soulevées))) plutôt que comme une baisse du niveau eustatique. Par la suite, après publication de la courbe eustaticienne mondiale de Fairbridge (1958), Avias (1958) et Baltzer (1965, 1970) ont admis que ce rivage surélevé résultait d’un mouve- ment eustatique. Depuis, les études sur les variations de l’océan mondial et sur la structure de la Nouvelle Calédonie m’ont conduit à revenir à la position de Piroutet (Baltzer, 1970), suivi en cela par Launay et Récy (1972) et Dubois, Launay et Récy (1973).

La courbe obtenue en Nouvelle Calédonie est décalée vers le haut (Fig. 11) par rapport aux courbes considérées comme les plus représentatives des variations eustatiques du niveau marin : Flo- ride et Micronésie (Bloom, 1970), Hollande (Jelgersma, 1961), Scandinavie (Marner, 1970). Dans le domaine tectonique bien délimité de cette étude, le chronodiagramme est homogène avec des altitu- des identiques pour des âges identiques. C’est l’ensemble de la courbe qui est décalé, dans des pro- portions qui varient avec le temps. Le décalage est maximum, avec 4 m, vers 5500 ans et diminue dans la période plus récente pour s’annuler vers 500 ans B.P. L’absence de décalage depuis 500 ans suggère une stabilité de l’île et une montée eustatique du niveau marin à la même vitesse que dans les autres régions. Ce décalage entre le chronodiagramme obtenu en Nouvelle Calédonie et les chrono- diagrammes représentatifs de la montée eustatique dans diverses régions du monde suggère qu’un sou- lèvement en bloc de l’île se serait produit puis arrêté au cours des 5 ou 6 derniers millénaires. Un décalage de même style est signalé pour l’Australie (Thom et Chappel, 1975). Les auteurs pensent que les effets de la tectonique ne peuvent expliquer plus de 1 à 2 m de décalage (Nlles Galles du Sud), le reste du décalage devant résulter d’effets isostatiques globaux. La structure de la Nouvelle Calédonie, contrairement à celle de l’Australie, n’interdit pas d’envisager un effet’ tectonique plus im- portant à I’Holocéne, au moins dans certains compartiments, alors que d’autres compartiments ont été subsidents (ceux qui portent le récif barrière notamment).

DISCUSSION SUR LES MOUVEMENTS VERTICAUX DU SOL

Le ralentissement de la montée glacioeustatique qui s’est manifesté au cours des 5000 dernières années a rendu plus apparents les mouvements verticaux du sol lui-même (Faure et Elouard, 1967), qu’ils soient isostatiques ou tectoniques. Dans cet esprit, on peut montrer que le soulèvement d’une île soit à vitesse uniforme, soit à vitesse successivement accélérée, uniforme, puis ralentie, aboutit à un chronodiagramme analogue à celui que nous avons mis en évidence en Nouvelle Calédo- nie. Pour ce faire, nous construisons un chronodiagramme théorique en additionnant le mouvement du sol à une courbe eustatique plausible, par exemple celle de la Micronésie (Bloom, 1970), intéres- sante par sa forme très simple. Un chronodiagramme théorique compatible avec le chronodiagramme expérimental de la Nouvelle Calédonie est obtenu si l’on admet un soulèvement de vitesse intermé- diaire entre les vitesses des deux branches de la courbe eustatique. Pour un soulèvement en trois pha- ses - accélération, uniformité, ralentissement et arrêt -, la ressemblance avec la courbe réelle est améliorée (Fig. 13 et Fig. 11). Si l’on se réfère à ce chronodiagramme réel, on voit que jusque vers 4000 ans B.P., la vitesse de la transgression marine l’emporte sur la vitesse du soulèvement. Le sou- lèvement ne fait que ralentir la montée de la ligne de rivages. Dès que la vitesse de la montée eusta- tique du niveau marin décroît, vers 4000 ans B.P., la vitesse de surrection l’emporte sur elle et les marqueurs de la ligne de rivage émergent à mesure qu’ils se forment. Ces marqueurs s’élèvent au- dessus du niveau marin à la vitesse de la surrection du sol, diminuée de la vitesse de la montée eu- statique. La pente du chronodiagramme s’inverse. Entre 3000 et 500 ans B.P., le ralentissement et l’arrêt de la surrection permettent la reprise de la transgression eustatique de la ligne de rivage.

Page 40: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

34 Fr&déric BA L TZE R

v Z-tJp

FIG. 13 :COURBE THEORIQUE - ADDITION D’UN MOUVEMENT UNIFORMÉMENT ACCÉLERÉ PUIS NUL, PUIS UNIFORMÉMENT RETARDE DU SOL AU MOUVEMENT EUSTATIQUE DE LA MER

Le niveau des plages et lignes de rivages soulevées est à environ 1 m au-dessus de leur niveau actuel, alors que le décalage entre le chronodiagramme néocalédonien et les chronodiagrammes à do- minante eustatique atteint 4 m (chronodiagramme de Bloom, 1970) ou davantage (Marner, 1970). Cela vient du fait que la surélévation visible actuellement représente la somme algébrique des divers mouvements du sol et des mouvements eustatiques. Sur les quatre mètres de surrection du sol, trois, environ, ont été rattrappés par la montée eustatique.

La surrection des côtes de Nouvelle Calédonie, tout près de la zone subsidente du récif barrière peut surprendre. Launay et Récy (1972) s’étonnent de l’absence de surrection au niveau du récif ; Coudray (1975) met en cause la subsidence du récif pour nier le soulèvement de l’île et attribuer la surélévation du rivage préactuel à une oscillation du niveau eustatique. En fait, des argu- ments isostatiques et tectoniques me semblent expliquer l’absence de surrection au niveau du récif barrière. En premier lieu, le jeu de I’hydroisostasie (Bloom, 1970 ; Walcott, 1972) a soumis à un en- foncement maximum le récif barrière, soumis par sa position en bordure de grands fonds marins, à la totalité du surcroît de pression résultant de la transgression holocène. En second lieu, la construc- tion même du récif remplace une masse d’eau considérable par du calcaire de densité très supérieure. II semble en être résulté un enfoncement isostatique important puisque la base du récif est à 226 m sous la surface (Avias et Coudray, 1967) et dépasse d’une centaine de mètres l’ordre de grandeur des variations glacioeustatiques. A cela s’ajoute le fait que les soulèvements s’accompagnent d’enfonce- ments dans les zones voisines. La sédimentologie du grand récif barrière au Cluaternaire ancien dans la Baie de Saint-Vincent confirme que les épisodes de subsidence du récif se sont accompagnés de surrections de la terre voisine. Des passées terrigènes marneuses et gréseuses, dans la coupe du récif, suggèrent en effet que la terre se surélevait au moment où le rkif cessait de former une barrière et était recouvert par des formations détritiques, c’est-à-dire quand il était subsident (Fi. Cussey, com-

Page 41: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Les variations du niveau marin relatif pendant l’holocène 35

munication orale, 1975). En conclusion, le fait que le récif ne soit pas surélevé s’explique par les multiples causes de subsidence auxquelles ii est soumis et montre que la vitesse de surrection de la Nouvelle Calédonie est modeste par rapport aux vitesses de surrection des Nouvelles Hébrides (Mit- chell, 1969) ou de la Nouvelle Guinée (Veeh et Chappel, 1970).

Un enfoncement isostatique sous l’effet de la pression des eaux apportées en supplément sur la marge de la Nouvelle Calédonie semble pouvoir se déduire de nos datations. Dans les condi- tions de surrection qui prévalent ultérieurement sur les côtes de Nouvelle Calédonie, il se traduit seu- lement par un retard dans la surrection qui s’ordonne en respectant la disposition que les règles de l’hydroisostasie font prévoir. Mais il est possible que cet enfoncement ait été réel à l’époque où se produisait la phase la plus rapide de la transgression holocène. Deux observations suggèrent cet en- foncement, l’une sur le chronodiagramme expérimental, la seconde sur une courbe donnant la diffé- rence d’altitude entre les marqueurs de ligne de rivage de Nouvelle Calédonie et d’une côte à effet eustatique dominant (Micronésie, Bloom, 1970). Sur le chronodiagramme expérimental (Fig. 1 l), la pente du segment entre 7 300 et 5 500 ans B.P. est supérieure à la pente pour le même intervalle de temps en Micronésie. Or, dans cette partie du chronodiagramme, le fait que le soulèvement venait en déduction de la montée eustatique aurait dû donner au contraire une pente diminuée, et cette augmentation de la pente s’explique bien par l’enfoncement hydroisostatique. La courbe des différen- ces d’altitudes entre les lignes de rivage de même âge en Nouvelle Calédonie et en Micronésie, en fonction du temps, précise le phénomène, Le maximum de cette différence, 4,2 m correspond a l’âge 5500 ans et la différence décroît en remontant le temps à partir de là. Pour un âge voisin de 6000 ans, la différence est de 2,7 m à Nessadiou, de 3,8 m à Mara-Moindou, de 4 m à Dumbéa- Nouméa. Pour des âges différents, les échantillons de Dumbéa («NAT») et ensuite de Mara («MT») sont plus élevés que celui de Nessadiou-Bourail. Ces différences s’ordonnent comme la répartition géographique des localités de Bourail (limite nord de cette étude) à Dumbéa (limite sud) en passant par Moindou. De ce fait, elles s’ordonnent en fonction de la distance au récif : 4 km vers Bourail, 9 km vers Moindou, 25 km vers Dumbéa. Cette disposition est parfaitement en accord avec i’hypo- thèse d’un enfoncement par effet hydroisostatique : l’enfoncement le plus important est observé à Bourail où, le lagon étant inexistant, les marais côtiers sont tout près des grands fonds océaniques de sorte que la totalité du poids des eaux de la transgression holocène tend à enfoncer la croûte conti- nentale (La Nouvelle Calédonie a une structure qui se rapproche d’un type continental, Dubois, 1969). Au contraire, vers le Sud, l’élargissement du lagon éloigne les grands fonds des marais côtiers et cet enfoncement hydroisostatique devient moins sensible. Tout à fait au sud de la Nouvelle Calédonie, mais sur la côte est, un corail en position de vie âgé de 7360 ans a été trouvé à 2,lO m d’altitude (Launay et Récy, 1972), donc à un niveau encore plus surélevé, traduisant un enfoncement encore plus faible.

Le mouvement de soulèvement tectonique l’emporte sur l’enfoncement isostatique et la montée eustatique du niveau marin dans la partie récente du chronodiagramme, de 5500 à 500 ans B.P. Comme le suggèrent les études stratigraphiques, le chronodiagramme montre que le soulève- ment a duré plusieurs millénaires et qu’il a entraîné deux périodes de stabilité de la ligne de rivage, correspondant à des épisodes de coïncidence entre la montée eustatique du niveau marin et la vitesse de surrection du sol.

La courbe des différences d’altitude entre les rivages de Nouvelle Calédonie et les rivages de Micronésie de même âge en fonction du temps a la signification d’une courbe cumulative des dépla- cements du sol en fonction du temps (Fig. 12). La forme en as» de cette courbe met en évidence, vers 3200 ans B.P., une période pour laquelle la pente est maximale et donc pour laquelle le soulè- vement a éte le plus rapide. Cette époque correspond aujourd’hui au niveau de la ligne de rivage la plus élevée, matérialisée par le gisement d’huîtres surélevé du Prédour, daté par Coudray et Delibrias

Page 42: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Frédéric BAL TZER

(1972). Le début du soulèvement pourrait s’être produit vers 5600 ans B.P., c’est-à-dire à l’époque où se sont constituées les lignes de rivage qui presentent aujourd’hui le plus fort décalage par rap- port A la courbe à dominante eustatique de Micronésie. La fin du soulèvement se placerait à I’épo- que où la différence s’annule, vers 500 ans B.P. Ces valeurs ne sont qu’un ordre de grandeur, car la courbe de Micronésie n’a en toute rigueur qu’une valeur locale.

Deux niveaux et deux époques de stabilité de la ligne de rivages sont suggérés par la stratigraphie (marais de Mara) et par la morphologie côtière (encoches, notamment à l’île des Pins) et confirmés par la forme en «Ss de la courbe des différences d’altitudes. Ces périodes de stabilité apparaissent quand la vitesse de surrection de l’île et la vitesse verticale de la transgression eustatique prennent des valeurs voisines, ce qui a eu lieu une fois pendant la phase d’accélération de la surrection et une seconde fois pendant la phase de ralentissement. Dans la phase où la vitesse de montée eustatique est de l’ordre de 500 mm / 1 000 ans, la coïncidence avec les vitesses de surrec- tion se produit pour les époques comprises entre 5 500 et 3 400 ans B.P. d’une part et 3000 et 500 ans B.P. d’autre part.

CONCLUSIONS

II paraît bien établi qu’un soulèvement récent a affecté la Nouvelle Calédonie et les îles voisi- nes. Commencée vers 5500 ans B.P., la surrection a atteint sa vitesse maximale vers 3200 ans B.P. et semble s’être arrêtée vers 500 ans B.P. En raison de cette surrection, nous trouvons des traces de rivages anciens a des niveaux de plus en plus anormalement élevés jusque vers 3200 ans B.P. et avec des décalages de plus en plus grands par rapport à la courbe eustatique de Micronésie jusque vers 5500 ans B.P. Des complications sont introduites par l’effet isostatique de la montée du niveau de la mer sous forme d’un enfoncement des marges de l’île, plus prononcé dans la partie centrale (ré- gion de Bourail) et plus faible vers le Sud (Dumbéa ou même extrême Sud). Bien visibles dans le cas des rivages antérieurs au soulèvement et intégralement affectées par lui, ces traces d’enfoncement hydroisostatique sont masquees dans les sédiments plus récents par l’ampleur du soulèvement. De plus, l’émersion même peut avoir inversé la tendance hydroisostatique et exagéré le soulèvement en- tre 5500 et 500 ans B.P.

Les ponces des basses terrasses côtières ont été remarquées par Piroutet (1917) car leur appari- tion dans les profils coïncide avec l’arrivée de l’homme en Nouvelle Calédonie. Nous pouvons ajouter que les apports de ces ponces, qui sont allogènes, ont commencé pendant le soulèvement récent de la Nouvelle Calédonie. Les contraintes liées à cette activité tectonique qui a soulevé la Nouvelle Ca- lédonie de 4 m environ sur la côte ouest (et davantage sur la côte est) depuis 5500 ans ont dû être considérables et se manifester par de nombreux tremblements de terre. Piroutet (1917) signale en avoir ressenti un léger à Dumbéa. Dans la période la plus rapide du soulèvement, il est probable que des séismes importants ont pu se produire et provoquer des glissements de terrain, la manifestation morphologique ordinairement la plus évidente des séismes (Wellman, 1969). L’activité volcanique ren- forcée aux Nouvelles Hébrides pourrait expliquer la présence des ponces dans le contexte stratigraphi- que du soulèvement. Ce soulèvement récent s’inscrit dans le contexte du soulèvement général de lon- gue durée qui a permis a Launay et Récy (1972) de parler d’onde épirogénique affectant cette ré- gion du Pacifique au Quaternaire. Nous verrons le rôle sédimentologique important joué par l’épisode récent de ce soulevement, rôle qui en rendait nécessaire une étude détaillée.

Page 43: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

37

Chapitre III

Les formations sédimentaires actuelles et récentes de la côte ouest

La côte ouest est constituée par une plaine littorale relativement continue. Malgré ses collines aux pentes parfois accusées, cette zone est considérée comme plaine littorale en raison du contraste entre les reliefs puissants de la Chaîne Centrale ou des Massifs Ultrabasiques et le paysage moins ac- cidenté et moins élevé du glacis, des vallées et des collines du domaine sédimentaire. Les formations sédimentaires récentes de la côte ouest comprennent des colluvions et des alluvions, constituées par le remaniement des produits d’altération ou de désagrégation des reliefs : péridotites, roches sédimen- taires et volcano-sédimentaires anciennes. Elles comprennent aussi des formations marines et éoliennes dont l’accumulation est une conséquence des variations du niveau marin relatif au Quaternaire. La composition des formations colluviales dépend directement de la nature des reliefs voisins. Au pied des massifs de péridotites, les plaines de la côte ouest présentent de vastes espaces de sols à nontro- nite associés à des sédiments plus grossiers, sableux ou conglomératiques, formant un ensemble com- plexe de séries détritiques et colluviales de Piémont d’âge divers. Au pied des collines de roches sili- ceuses de la série éocène phtanitique et calcaire, les débris anguleux de ces roches forment d’impor- tants glacis (Ouen Toro et Ile Nou à Nouméa ; chaînons entre Oua-Tom et Popidéry). A l’intérieur de ces glacis, des épisodes de précipitations violentes ont provoqué des ravinements, sans aboutir à l’usure des matériaux anguleux, ce qui suggère un climat aride, voire désertique (Wirthman, 1967).

Les alluvions, récentes et anciennes, occupent une frange relativement étroite de la côte, sauf à l’emplacement des vallées qui sont toujours ennoyées et prolongées par un delta. La composition des alluvions reflète la nature du substrat et des reliefs dans les bassins versants supérieurs. Vers l’aval, les apports des cours d’eau principaux diluent au point de les rendre imperceptibles les apports des aff I uents.

Les sédiments marins actuels les plus proches du rivage se déposent soit sur les plages et sur les récifs frangeants, soit dans les baies du lagon qui sont les reliques du cours inférieur des fleuves au- jourd’hui ennoyé. Pendant le Quaternaire, les homologues de ces sédiments se sont déposés bien en

Page 44: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

38 Frédéric BAL TZER

amont de leur domaine actuel et ils participent aujourd’hui au soubassement des plaines alluviales et des deltas que nous connaissons.

Le bassin versant du fleuve Dumbba donne de bons exemples de ces terrains et de leur disposi- tion relative. Nos études sur la sédimentation actuelle permettront ensuite de comprendre les condi- tions de leur mise en place.

LE BASSIN VERSANT DE LA DUMBËA

La Dumbéa est un fleuve très court (25 km) dont le bassin versant couvre 220 km* et s’é- tend pour 4/5 sur des péridotites, le reste étant constitué de roches sédimentaires et volcano-sédimen- taires. Le domaine montagneux du bassin versant, de loin le plus arrosé (2 à 3 m/an ; Giovannelli, 1952) en raison de son élévation, recouvre exactement le domaine des péridotites. II se compose de trois bassins versants élémentaires principaux qui sont, d’ouest en est, ceux de la Couvelée, de la Dumbéa Nord et de la Dumbéa Est, Ces cours d’eau ont une grande puissance érosive et des vallées aux versants très raides. Leur confluence, marque l’entrée s’& la plaine alluviale et dans la partie sédi- mentaire du bassin versant. Son cours étant perpendiculaire à l’allongement de l’île, la Dumbéa re- coupe les plissements en une succession de petites cluses élargies par les affluents subséquents. Cette disposition donne une forme ((en feuille de fougère» à la plaine alluviale, alternativement large ou étranglée.

Les affluents secondaires de la Bumbéa ont l’essentiel de leur bassin versant sur des formations sédimentaires, à l’exception de la Nondoué et du Carigou. Les affluents exclusivement sur roches sédimentaires n’ont qu’un débit trés faible, en raison de la petite extension des bassins versants (les roches sédimentaires ne forment que le cinquième du bassin versant total) et surtout en raison de la pluviométrie très inférieure (1 à 2 m/an) résultant des altitudes basses (0 à 200 m). En temps de crue, les basses vallées de ces petits affluents sont inondés par les eaux remontant du système Dumbéa - Couvelée et il s’y dépose des sédiments péridotitiques fins.

A son embouchure, ta Bumbéa se jette au fond d’une baie plus large, mais de même structure que les parties élargies de la plaine alluviale. L’embouchure de la Dumbéa est constituée d’un delta à bras unique, suivi d’une courte patte d’oie. II sera étudié en détail après l’examen de la plaine alluviale qui suit,

MORPHOLOGIE DE LA PLAINE ALLUVIALE

La plaine alluviale de la Dumbéa se compose en fait d’abord d’un cône alluvial dans le cours à chenaux anastomosés de la zone de confluence des trois branches principales, au sortit de la monta- gne, la plaine alluviale classique, avec lit mineur et lit majeur, ne commençant que plus en aval,

Le cône alluvial assure le rattachement de la partie amont de la plaine alluviale aux vallées montagneuses de la Couvelée et des branches de la Dumbéa, par une accumulation sédimentaire ana- logue à un cône torrentiel, mais plus plate. Le cône Btant plus élevé dans sa partie centrale, laisse sur ses bords des zones moins hautes, les dépressions latérales. La pente moyenne du rebord des ber-

Page 45: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Les formations sédimentaires actuelles et récentes de la côte ouest 39

ges dans le sens longitudinal, d’amont en aval est de 0,25 %. Vingt fois plus faible que la pente des cônes de déjection torrentiels, elle en rappelle cependant la disposition. Ces cônes alluviaux sont com- muns dans les pays arides où ils participent à la formation des plaines de Piémont. Le cône se pro- longe vers l’aval par les levées particulièrement hautes bordant le lit mineur au début de la plaine al- luviale proprement dite (carte : Fig. 19). Des rides analogues à ces levées, partant de la base du cône et se répartissant en éventail sur la plaine alluviale, rendent compte des déplacements du lit mineur et des chenaux anastomosés au cours du temps. La plus importante, visible sur la carte du micro- relief (Fig. 19), s’étend au nord-ouest du lit actuel, parallèlement à lui, mais il en existe un très grand nombre, qui séparent en lobes les dépressions latérales à l’amont de la plaine alluviale. La pré- sence de galets tout près de la surface dans ces rides, confirme le passage du chenal à cet emplace- ment dans le passé.

La plaine alluviale proprement dite peut être assimilée au lit majeur car elle est à peu près complètement inondée par les plus fortes crues, Des berges limoneuses canalisent le lit mineur et le surplombent de 4 à 5 m. Elles constituent la partie la plus élevée du lit majeur, depuis laquelle l’altitude décroît régulièrement jusqu’au fond des dépressions latérales.

Le lit mineur et le lit d’étiage

Le lit mineur de la Dumbéa, dans sa traversée de la plaine alluviale, change de style en passant du cône alluvial à la plaine alluviale proprement dite. Après le lit mineur à chenaux anastomosés sé- parés par des bancs de galets et de graviers, caractéristique du cône alluvial, il apparaît une forme intermédiaire dans laquelle le chenal est dédoublé par une barre de galets centrale et enfin un lit mi- neur à chenal unique décrivant des méandres vers l’aval.

L’érosion du lit mineur détermine de hautes berges de limon et de sable fin ferrugineux, domi- nant de 4 à 5 m un lit d’étiage encombré de bancs de galets, suivant la disposition classique des fleuves de savane (Tricart et Cailleux, 1965). L’érosion découpe volontiers les rives en marches d’es- calier (jusqu’à 3 sur la Dumbéa) dues à des intercalations sableuses dans la succession sablo-limoneuse des berges.

Le lit d’étiage constitue un bras d’eau de quelques dizaines de mètres de large, profond de 1 m en moyenne et de plusieurs mètres à l’emplacement des mouilles. Vers l’amont, il est fréquemment rectiligne et séparé en deux par une barre centrale de galets, alors que plus en aval, il décrit des si- nuosités incessantes entre les bancs de galets.

Localisation des confluents.

Les confluents se placent toujours sur la rive externe, concave, d’un méandre du chenal princi- pal, dans la partie aval de la boucle. Les rives internes sont défavorables en raison de l’accumulation de sédiments liée au déplacement des méandres. De même, les sections rectilignes sont défavorables, à cause des levées du chenal principal qui obligent l’affluent à prendre un cours parallèle au chenal principal (ex. Couvelée, Carigou). Au contraire, les rives externes sont favorables parce que l’érosion des levées abaisse l’obstacle principal qui maintient l’affluent à l’écart. Le déplacement vers l’aval de la moitié aval de la boucle augmente la probabilité d’une rencontre avec l’affluent. La confluence réa- lisée, l’érosion de la rive externe par le fleuve la maintient ouverte en déblayant les apports sédimen- taires de l’affluent.

Page 46: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

40 Frédéric BAL TZER

MORPHOLOGIE DU DELTA

En aval du pont de la route territoriale n. 1 (R.T.l), la plaine alluviale, après avoir franchi un défilé entaillé dans une barre de rhyolite, se continue par un delta. Le delta s’étend sur un élargisse- ment de la basse vallée ennoyée dont il achève le remplissage. II présente un unique bras distributeur permanent auquel s’adjoignent un bras secondaire qui fonctionne pendant les fortes crues et une courte patte d’oie entre les bancs sableux de l’extrême aval, ouverte sur une baie du lagon. La partie sous influence fluviatile est identique à la plaine alluviale, le chenal principal étant flanqué de part et d’autre de levées sédimentaires. C’est seulement à l’extrémité des levées et dans les dépressions latéra- les que, sous l’influence marine, apparaissent des différences,

LES LEVÉES DU DELTA ont une morphologie tout à fait analogue à celles de la plaine alluviale, au moins dans la partie amont où elles constituent une petite plaine sur la rive gauche, la plaine Adam. Cette dernière porte une prairie vouée à l’élevage tout comme la plaine de Koe au niveau de la plaine alluviale. Dans leur partie la plus élevée, près du chenal, ces levées sont visiblement formées de rides de sable grossier accollées parallèlement à lui et séparées par des sillons qui, suivant les cas, demeurent vides, sont occupés par des étangs allongés ou se comblent de limons. Les levées, particu- lièrement celle de rive droite, se divisent vers l’aval en digitations multiples prolongées sur I’estran par de petits crachons sableux. La végétation de prairie et de savane sèche, très différente des autres formations végétales du delta met les levées en évidence sur la carte des formations végétales (Fig. 28). Les levées séparent le chenal des dépressions latérales. Elles présentent en général une pente très forte, parfois verticale, près du chenal et une pente modérée, puis de plus en plus faible vers la dé- pression latérale. Leur crête est donc plus près du chenal que de la dépression latérale vers laquelle on passe sans rupture de pente. La limite entre la levée et la dépression latérale, morphologiquement discrète, est définie par l’apparition de la végétation des marais maritimes. Vers l’extérieur du delta, la limite de la dépression latérale apparaît à la fois par une rupture de pente entre les sédiments de la dépression et les collines interfluviales anciennes et par le changement de végétation du marais ma- ritime à la savane (Fig. 14).

La courbe hypsométrique d’un transect recoupant à la fois des levées, des marais intermédiaires et des mangroves (transect II, fig. 15) met en évidence, après lissage, la prédominance d’un niveau à 1,70 m et la diminution progressive des niveaux situés plus haut et plus bas. Ceci montre que le ni- veau maximum des hautes mers (1,72 m) coïncide avec le niveau de sol de fréquence le plus élevé et souligne l’influence marine dans la construction deltai’que. Notre étude hypsométrique du delta re- pose sur un levé topographique en nivellement de précision, effectué spécialement sur 5 transects per- pendiculaires aux structures, entre la levée et le fond de la dépression latérale. La courbe hypsomé- trique donne le pourcentage cumulatif de la surface des sols dont l’altitude est inférieure à une alti- tude x. Elle est établie par cumulation, à partir du bas, des longueurs topographiques délimitées sur les transects par des courbes de niveau espacées de 10 cm ou 5 cm dans les régions les plus plates. La courbe hypsométrique lissée (Fig. 15), de forme gaussienne, se ramène à deux segments de droite lorsqu’on la transforme par la méthode des ordonnées de probabilité de Galton (Fig. 15). L’angle en- tre les deux segments obtenus se place vers 1,70 m, ce qui semble s’expliquer très bien par I’interven- tion de deux groupes d‘agents du relief deltaïque, d’obédience marine et fluviatile, intervenant les uns au-dessous, les autres au-dessus de la limite indiquée. II semblerait donc logique de prendre cette li- mite pour séparer le domaine des levées de celui des dépressions latérales. Malheureusement, elle se situe au centre des marais hypersalins et ne se manifeste par aucune discontinuité visible dans le pay- sage et cartographiable. C’est la raison pour laquelle je préfère limiter la levée par sa zonation végé- tale.

Page 47: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Les formations

sédimentaires

actuelles et récentes

de la côte ouest

41

Page 48: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Frédéric BAL TZER

LES DÉPRESSIONS LATÉRALES se séparent donc des levées par l’apparition de la végétation des marais maritimes, dont une partie dans le domaine de I’estran.

On y rencontre des mangroves dans les régions basses, des marais hypersalins à plantes herba- cées et voiles algaires à la limite supérieure de I’estran et enfin des marais intermédiaires à Cypéra- cées et Graminées halophiles dans les régions de contact avec la végétation de terre ferme. Les ré- gions les plus profondes des dépressions latérales sont occupées par de l’eau marine : un simple che- nal sur la rive gauche et une baie en communication restreinte avec le lagon sur la rive droite.

La morphologie de marais se caractérise par l’existence de vastes zones planes dans les dépres- sions laterales. Les deux niveaux les plus fréquents 1,32 et l,60 m sont chacun une hauteur caracté- ristique des marées et un domaine préférentiel d’occupation pour une partie de la flore halophile. Ils constituent les deux modes des courbes hypsométriques (courbe cumulative et courbe de fréquence dérivée, Fig. 16) regroupant tous les transects et leurs profils de rattachement. Chacun de ces modes correspond à une hauteur caractéristique des marées : le premier est voisin du niveau des hautes mers supérieures de morte eau, 1,30 m et le second, égal au niveau des hautes mers supérieures de vive eau, 1,60 m. Le premier coïncide avec le maximum de fréquence de la mangrove mixte à Rhi- zophora et Bruguiera, et le second avec le maximum de fréquence de la mangrove à Auicennia.

LE REMPLISSAGE Sl?DIMENTAIRE DE LA BASSE VALLBE DE LA DUMBl?A

Les séries quaternaires du bassin versant de la Bumbéa comprennent à la base une série pléisto- cène, profondément affectée par la pédogénèse et recouverte par une série Holocène marine, transgres- sive puis régressive, s’intercalant en coin sous les formations alluviales du delta et de la plaine alluvia- le. Nous étudierons successivement ces formations dans le domaine de la plaine alluviale où prédomi- nent les influences fluviatiles, puis dans le domaine deltaïque où I’intercalation marine sous-jacente est très importante.

LE REMPLISSAGE S,?iDIMENTAIRE DANS LE DOMAINE DE LA PLAINE ALLUVIALE

Le domaine de la plaine alluviale est aujourd’hui principalement sous influence continentale. On y trouve, à côté de formations colluviales et pédologiques descendues des pentes du bassin ver- sant, des formations alluviales préholocènes, une formation marine coquillière holocène et enfin une importante formation alluviale récente a actuelle qui ravine les ensembles précédents.

LE§ FORMATIONS COLLUVIALES ET PÉDOLOGIQUES ont une composition qui dépend direc- tement de la composition des roches de la partie du bassin versant située en amont de I’affleure- ment, ou de la composition des roches sous-jacentes pour les formations pédologiques en place. Ces formations comprennent des argiles plastiques d’âge en partie préholocène et des formations colluviales péridotitiques allochtones.

Les argiles plastiques préholocènes affleurent à l’extrémité de tous les petits thalwegs temporaires de la périphérie de la plaine alluviale (Fig. 17) et sont héritées des divers sols d’altéra- tion. L’altération des rhyolites donne une argile blanche tachetée de rouge sous un horizon gris cen-

Page 49: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Les formations sédimentaires actuelles et récentes de la côte ouest 43

0

altitudes ( 0 duSA0.M.) 1

1 I 0.6 2 ;o

1 3,Om

FIG. 15 :COURBES HYPSOMÉTRIQUES DU TRANSECT 2 EN COORDONNEES NATURELLES (SIMPLE1 ET LISSEE21

ET EN COORDONNEES DE PROBABILITii3

‘9,6

‘9

Y

70

K) 5

1

3,6

FIG. 16 : COURBES HYPSOMETRIQUES DE L’ENSEMBLE DES TRANSECTS EN COORDONNEES NATURELLES (SIMPLE1 ET LISSEE’)

COURBE DE FREQUENCE DE LA COURBE HYPSOMETRIQUE3 ORDONNEES DE PROBABI LITE4

Page 50: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

44 Frédéric BA L TZE R

dreux, l’ensemble contenant des éléments de la roche mère, ce qui en fait une formation colluviale autochtone. Cet horizon s’épaissit à l’aval des thalwegs et semble constituer alors un ancien niveau de marais, a quelques mètres au-dessus de la plaine alluviale actuelle. La granulométrie est en accord avec cette interprétation car, suivant les endroits, on trouve soit des faciés pédologiques, soit des fa- ciès de décantation en eau calme. La présence de fins débris végétaux dans les argiles de l’aval peut s’interpréter de la même façon. La composition minéralogique, très variable, dépend directement du substratum.

Les co~~uvions péridotitiques allochtones descendent du massif de péridotites et rejoi- gnent la plaine alluviale par d’anciennes vallées ouvertes dans les séries volcaniques et sédimentaires du Crétacé (Fig. 17). Ce sont des latérites de Piémont remaniées dans lesquelles on trouve pêle-mêle des blocs de péridotite altéré et des fragments de silice cariée. L’extremité de ces langues colluviales ravinée par les têtes des thalwegs, laisse paraître les argiles plastiques sous-jacentes, avec lesquelles elles sont vraisemblablement interpénétrees.

LES FORMATIONS ALLUVIALES PRÉHOLOCENES sont constituées par des argiles vertes ou jau- nâtres et par un poudingue ancien. Les argiles plastiques sont le résidu de l’altération pédologique intense subie par les alluvions préholocènes. Elles passent latéralement et progressivement aux argiles plastiques décrites ci-dessus et s’en distinguent mal sur le terrain. Le poudingue ancien contient des . galets de péridotite de forte taille, très altérés. II affleure sur la rive gauche de la Dumbéa et divers sondages permettent d’en localiser des lambeaux reposant sur le bed rock au fond de la vallée (Fig. 18). Situé a l’origine au même emplacement que les alluvions à galets actuelles, ce poudingue a été profondément érodé.

LA FORMATION MARINE CODUILLIERE, D’AGE HOLOCENE, témoigne qu’à une époque récen- te, toute la basse vallée de la Dumbéa, jusqu’au confluent des branches principales du fleuve, a été occupée par une baie marine. Cette formation, peu épaisse dans le domaine alluvial, va, en s’épaissis- sant et en se diversifiant, former l’essentiel du remplissage sous le delta. Elle ne subsiste qu’à l’état de lambeaux car elle a éte intensément ravinée lors de la mise en place des alluvions qui la recou- vrent. Un de ces lambeaux, recouvert de gros galets de péridotite fraîche, a été trouvé par sondage vers l’amont de la plaine alluviale, coté rive droite (Fig. 18). L’altitude du toit de cette formation varie entre 0 et + 1 m (0 du S.H.) dans le domaine de la plaine alluviale.

LES FORMATIONS ALLUVIALES RÉCENTES ET ACTUELLES couvrent toute l’étendue du spec- tre granulométrique, des blocs et galets aux limons et argiles. Leur mise en place, de courte durée, a été dominée au début par la sédimentation de formations riches en galets puis, après quelques oscilla- tions, par la sédimentation sabla-limoneuse qui prévaut aujourd’hui sur la plaine alluviale. La comple- xité des coupes est grande parce que les formations alluviales sont très hétérogènes, de sorte que l’on ne peut les corréler banc à banc, à moins de disposer d’un nombre considérable de forages, ce qui aboutirait à un schéma trop complexe. Pour échapper à ces difficultés, j’ai utilisé les apparitions et disparitions des éléments les plus grossiers comme limite des formations, On définit ainsi une forma- ___ . tion «a galets», quels que-soient les éléments fins associés, une formation sableuse et une formation limoneuse. Dès lors, les forages peuvent se corréler facilement (Fig. 18 et 20).

Ce mode de définition des limites entre formations alluviales grossières rejoint dans son princi- pe l’utilisation du centile granulométrique le plus grossier qui rend compte de l’énergie du courant transporteur (Cailleux et Tricart, 1959). L’impossibilité de faire l’analyse granulométrique (les galets remontés par forage sont trop peu nombreux) et surtout l’étude de la répartition des sédiments à la surface de la plaine alluviale justifient son emploi. En effet, tout sédiment contenant des galets impli-

Page 51: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Les formations sédimentaires actuelles et récentes de la côte ouest 45

m Galetdsable 223 Limon ferrugineux k3 Argile --_ EZ# Colluvions

0 ?lJm

FIG. 17 : CARTE DES FORMATIONS SÉDIMENTAIRES RÉCENTES ET ACTUELLES DE LA PLAINE ALLUVIALE DE LA DUMBEA (PLAINE DE KOE)

Page 52: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

k3kl3ISSOHD S3U Skln3lkl~dlW S31113vkld) Skln3lllV Wd 3lklL~WOlnNVk!D VS JJOS 3llO 3113nO s~3iw s3a INVN~LNO~IN~~~~~S Ino1 mod 33slmn 313 v « ~137~~ 1) N0iI~3h1 vi : VAON

(31NVRinS 3C3Vd ‘02 13 61 ‘Dl=! 33 ‘NOI1VSllV301 HnDd) V~SMlnû Vl3a 3lVIAnllV 3NlVld Vl Skl3AVHl V S3dn03 : 81 ‘Dl4

si---- ---- 0

i -El -- 91

3 M

Page 53: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Les formations sédimentaires actuelles et récentes de la côte ouest

i ---f

FIG. 19 :CARTE MICROT~POGRAPH~OUE [C~U~~BES DE NIVEAU DE LA PLAINE ALLUVIALE DE LA DUMBÉA (PLAINE

-t ESPACÉES DE DE KOE)

2,5 MI

FIG. 20 :ALTITUDE DU TOIT DE LA FORMATION A GALETS (CF. FIG. 18)

Page 54: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

4% Frédkic BAL TZER

que la présence ou la proximité immédiate du lit mineur, quelle que soit la granulométrie des parti- cules associées aux galets. Par conséquent, la disparition des galets signifie que le dépôt s’est fait à l’écart du lit mineur ou que les conditions des apports ont changé. Un raisonnement identique peut être tenu pour les sables et les limons.

Les alluvions récentes et actuelles ravinent les formations antérieures, que ce soient les argiles et le poudingue préholocène ou la formation coquillière holocéne (Fig. 18). Dans ces alluvions, les sédiments contenant des galets forment une sorte de langue dont la section, plus ou moins lenticu- laire s’élargit vers l’aval, puis se ‘rétrécit B nouveau (Fig. 20). Cette langue, masse principale du cône alluvial de l’amont de la plaine alluviale, se subdivise au centre en formant un court diverticule, com- me si la Couvelée avait initialement tardé à se joindre aux branches de la Dumbéa et formé sa pro- pre langue de galets (Fig. 20). Le lit ordinaire occupe normalement la partie la plus élevée de la lan- gue à galets, sauf à mi-longueur de la plaine alluviale où, en raison de divagations récentes, il est creusé dans la plaine alluviale limoneuse. La convexité de la formation à galets, bombée vers le haut, montre que les divagations du chenal se sont atténuées au cours du temps et que le chenal s’est pro- gressivement rapproché de la position à peu près centrale qu’il occupe aujourd’hui, Au début du dé- pôt des galets, les divagations, très amples, couvraient tout le fond de la vallée dans un régime de chenaux anastomosés. Ce style existe encore vers l’amont de la plaine alluviale. Par la suite, des dé- pôts plus fins sont apparus progressivement sur les bords, à la faveur du freinage produit par les rives (Fig. 18). Le cours d’eau est passé insensiblement du régime des chenaux anastomosés typique à celui des méandres entre berges de matériel sabla-limoneux. La tendance aux chenaux anastomosés reste plus active vers l’amont de la plaine alluviale que vers l’aval où les méandres sont plus fonction- nels.

Tout semble indiquer que la mise en place de ces alluvions, notamment la langue à galets, s’est produite à une date très récente. La fraîcheur des galets de péridotite en est une première indication, compte tenu du climat et du caractère très altérable de cette roche. La présence des sédiments co- quilliers en donne la confirmation. La position stratigraphique de ces sédiments et leur niveau topo- graphique montrent que ce sont des dépôts lagunaires datant de l’epoque où la mer a atteint son ni- veau relatif le plus élevé pendant la transgression holocène, c’est-à-dire environ 3300 ans. Le ravine- ment et la mise en place de la langue alluviale à galets seraient donc consécutifs au soulèvement ré- cent suggéré par notre Etude des variations du niveau marin à I’Holocène. Cette disposition apparaît comme une confirmation stratigraphique du soulèvement.

Le fait que le cours d’eau tende à inciser ses propres sédiments récents, formation à galets comprise, à l’amont de la plaine alluviale semble également pouvoir être considére comme une con- firmation du soulèvement. En effet, le lit mineur est aujourd’hui à un niveau inférieur à celui qu’il occupait lorsque l’essentiel de la formation à galets s’est mis en place. On trouve aujourd’hui les ga- lets à 12 à 15 m au-dessus du 0 I.G.N. alors que le lit ordinaire est plusieurs mètres plus bas. Cette incision explique l’abondance actuelle des galets dans le lit mineur, loin en aval. Ce phénomène d’in- cision n’est pas forcément la conséquence directe du soulèvement de l’île, mais plus probablement une conséquence indirecte. A l’époque du soulèvement, une accentuation de la descente des forma- tions de pente (séismes) aurait engorgé le cours inférieur et formé le cône alluvial. Cette phase ter- minée, le fleuve moins chargé aurait commencé à inciser ses dépôts antérieurs.

Pour expliquer le ravinement des sédiments coquilliers récents par les alluvions, il faut admettre un abaissement suffisant du niveau de base consécutif à l’abaissement du niveau marin relatif, lui- même considéré comme conséquence du soulèvement. Par cet abaissement du niveau de base, s’expli- que l’érosion intense qui a raviné la majeure partie du remplissage marin présent auparavant et l’a remplacé par la langue de galets jusqu’à environ 5 m au-dessous du toit des sédiments coquilliers marins. Ce n’est que dans les zones ayant échappé SI ce ravinement que l’on retrouve de nos jours des témoins de l’occupation marine, ce qui explique à la fois la situation péripherique et la relative rareté de ces derniers,

Page 55: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Les formations sédimentaires actuelles et récentes de la côte ouest

LE REMPLISSAGE SEDIIMENTAIRE DANS LE DOMAINE DU DELTA

La sédimentation de la zone deltaïque est principalement sous influence marine. Le remplissage de la paléovallée de la Dumbéa repose sur un substrat ancien altéré et fracturé. Comme celles du do- maine de la plaine alluviale, les formations quaternaires du delta comprennent une série d’argiles ver- tes préholocènes, une série marine dans laquelle on reconnaît cette fois un cycle complet de trans- gression-régression et enfin une série alluviale qui prolonge vers l’aval, par des sédiments plus fins, les formations fluviatiles.

LA SÉRIE DES ARGILES VERTES PRÉHOLOCENES, malgré un aspect monotone dû à l’intense remaniement diagénétique et pédologique qu’elle a subi, contient une grande variété de sédiments qui rappelle, à la composition chimique prés, les formations estuariennes et deltaïques actuelles. Cette sé- rie est le plus souvent formée d’argiles smectitiques vertes, grises ou fauves, parfois tachetées de rou- ge et jaune vif (cat clay), ce qui n’empêche pas un matériel beaucoup plus grossier, galets et sables, d’avoir participé à la sédimentation et d’être encore perceptible sous l’aspect de fantômes. On y trouve de plus des restes d’organismes très mal conservés : Cérithes, débris de coraux ou fragments de palétuviers épars. La transformation profonde du sédiment est mise en évidence par la mauvaise conservation des organismes et surtout par la transformation de petits galets de péridotite en smecti- te. Ces galets ont conservé leur forme et leur individualité et, en section, on y reconnaît la silhouet- te des minéraux de la roche initiale, soulignée par des trabécules ferrugineux. Très près de la pente de l’interfluve, vers la bordure sud du delta, des forages recoupent cette série jusqu’à 25 m de pro- fondeur. Les argiles préholocènes contiennent là des intercalations de cailloutis anguleux, vraisembla- blement tombés depuis les pentes de I’interfluve, ce qui, dans le contexte local, suggère une phase climatique aride.

La formation des argiles vertes préholocènes apparaît comme un équivalent ancien des forma- tions fluviatiles, estuariennes et deltaiques actuelles. On trouve la même variété et la même dispo- sition des faciès dans les formations anciennes que dans les formations récentes. De plus la morpho- logie du toit de ces argiles, figurée par le plancher de la formation marine holocène, suggère forte- ment qu’elles forment un delta embryonnaire sous le delta actuel avec un chenal central profond de 15 m. La position des deltas successifs n’est pas quelconque : elle est commandée par le passage obligé des eaux à travers le défilé ouvert dans le bed rock par une faille recoupant les plis à 45 de- grés. Les deux moitiés du paléodelta sont de part et d’autre de cet exutoire forcé (Fig. 21).

Ces formations ont des équivalents sur toute la côte ouest. Je les ai signalées au marais de Mara, où elles empâtaient les restes d’un récif frangeant, ainsi que dans la baie de Saint-Vincent, sous les sédiments récents (Baltzer, 1970) où Dugas (1974) les a retrouvées. Launay (1972) les signa- le sous les sédiments actuels de la Baie de la Dumbéa.

Les argiles vertes ont été disséquées par l’érosion avant d’être recouvertes par les sédiments ho- locènes. Cette érosion et l’altération profonde subie par les sédiments dont la transformation a donné les argiles, sont la marque de la régression qui a accompagné la dernière grande glaciation voici envi- ron 13000 ans. Ces agents subaériens ont été les derniers à modeler la formation avant l’arrivée de la transgression holocène.

LES SÉDIMENTS MARINS ET ESTUARIENS HOLOCENES du remplissage de la basse vallée de la Dumbéa confirment qu’en Nouvelle Calédonie, le mouvement de montée du niveau de la mer lié à la transgression glacio-eustatique a été inversé par une régression intraholocène avant de reprendre jusqu’à nos jours. Un sol de mangrove installé directement sur les argiles préholocènes annonce la

Page 56: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

50 Frédéric BAL TZER

première phase de la transgression. Des sédiments plus franchement marins, à faciès de baie du la- gon, le recouvrent. La régression intra-holocène est annoncée par un changement de faciès dans les sédiments estuariens et marins qui deviennent néritiques, traduisant une diminution de profondeur. La régression se confirme par l’apparition d’un sol de mangrove juste avant la mise en place des alluvions fluviatiles lors de la construction du delta. Les sédiments actuels des marais côtiers mon- trent que la tendance tout ?r fait récente du niveau marin est en montée.

La première manifestation de la transgression holocène est un sol de mangrove dont certains éléments ont pu être dates (forage NAT 17 : 5 750 ans B.P. et forage NAT 18 : 7 300 ans) et inclus dans notre chronodiagramme des variations du niveau marin relatif pendant I’Holocène. La morphologie du plancher de la transgression montre que cette dernière est partie d’un sillon situé sous la Dumbéa actuelle, à I(i,5 m au-dessous du 0 des cartes marines. Ce n’est certainement pas le niveau marin le plus bas possible et un forage effectué par le B.R.G.M. dans le delta de la Tontouta a montré la présence de sols de mangrove beaucoup plus profonds. Je n’ai malheureusement pas pu obtenir d’échantillon pour dater ces niveaux.

La transgression a été très rapide dans sa première phase, de sorte que le sol de mangrove est toujours très peu Bpais et fait même parfois défaut entre le niveau marin récent et les argiles vertes. Très peu épais, ce sol de mangrove peut avoit été decapé lors de la mise en place du sédiment ma- rin. Aux endroits où la transgression est bien soulignée par un liséré de sol de mangrove, les sédiments marins qui recouvrent ce sol et ce sol lui-même sont systématiquement enrichis en smectites. Les isochrones de la transgression sont approximativement parallèles aux isobathes du plancher de la for- mation immédiatement sus-jacente constituée par des sédiments plus franchement marins (Fig. 21).

La transgression holocène se confirme et s’accentue avec le dépôt des sédiments es- tuariens et marins qui recouvrent le sol de mangrove. Ce sont principalement des vases grises analo- gues aux vases du lagon et de ses baies, dont la coloration est claire vers l’aval, mais peut devenir de plus en plus sombre au voisinage des sources de matière organique constituées par les anciens bancs de mangrove. La granulométrie de ces formations estuariennes et marines est relativement gros- sière au début de la transgression (sables fins et limons d’un estran découvert formant la frange ma- rine de la mangrove précédente). La finesse maximale est atteinte lorsque la profondeur de la baie devient maximale (limon argileux). La granulométrie redevient plus grossière au sommet (sable fin), en coi’ncidence avec une diminution de la profondeur qui traduit le ralentissement de la progression du niveau marin relatif vers la terre. La fin de cette formation est marquée par un nouveau sol de mangrove que l’on peut considérer comme régressif, puisqu’il couvre des sédiments de faciès plus profond. La formation des vases estuariennes et marines peut aussi être tronquée par le ravinement lié à la mise en place des alluvions fluviatiles.

La maerofaune des sédiments estuariens et marins n’est guere abondante, sauf dans l’accumulation de débris coralliens qui s’étend sous la dépression laterale de rive droite et sauf dans le niveau coquillier qui forme la quasi-totalité de la série sous la plaine alluviale et son achèvement sous le delta. Le sédiment corallien est caractérisé par des coraux branchus (Acwopora) inclus dans une vase gris bleuté très fluide. II est enfoui à une profondeur de l’ordre de 2 à 6 m sous les man- groves de la dépression latérale de rive droite. Sa disposition suggère un banc corallien en position de vie, progressivement envasé à sa base pendant son développement. Les débris coralliens sont abon- dants, mais pas au point d’évoquer une plage ou un banc de galets. La fluidité de la vase suggère plutôt que les coraux en place ont formé une ossature limitant la compaction du sédiment. La gra- nulométrie de la fraction terrigene associée traduit une augmentation des conditions d’énergie par rapport aux sédiments des niveaux inférieurs et suggère une diminution de la profondeur.

Page 57: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Les formations sédimentaires actuelles et récentes de la côte ouest 51

FIG. 21 : ISOBATHES DE LA BASE DES SEDIMENTS MARINS SOUS LE DELTA DE LA DUMBEA

FIG. 22 : ISOPAQUES DES SEDIMENTS MARINS SOU§ LE DELTA DE LA DUMBÉA LOCALISATION DES ACCUMULATIONS CORALLIENNES DANS LES MEMES SÉDIMENTS

Page 58: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

52 Frédéric BAL TZER

Les sédiments coquilliers sont caractérisés d’abord par des huîtres puis par des Mollusques non fixés : Gafrarium, Tapes, Axa, Cerithium. Le niveau à huîtres, discontinu, couvre le sédiment coral- lien. Sa situation stratigraphique met en évidence une nouvelle diminution de la profondeur. En I’ab- sente de ce niveau à huîtres, le sediment coquillier à mollusques non fixés n’apparaît pas non plus, et un sol de mangrove riche en matière organique repose directement sur le sédiment corallien. Ce sol de mangrove s’accompagne d’une fraction terrigène limoneuse. Le sédiment coquillier à Mollus- ques non fixés est séparé du niveau à huîtres par une couche décimétrique d’un sédiment roux, de même texture que la formation marine grise, mais plus riche en calcium (16 % au lieu de 10 % en NAT 18). La granulométrie du sédiment coquillier supérieur, sablons et sables, sa richesse en débris bioclastiques et sa répartition en plan comme en coupe, donnent B penser que ce sédiment couvre le fond d’anciens chenaux de marée,

Au sommet, toutes ces formations passent à un sol de mangrove en continuité avec la mangrove actuelle. La continuité peut être directe - la mangrove est juste au-dessus - ou in- directe - un passage latéral relie le sol enfoui au sol actuel -. Cette formation de mangrove reve- nant sur des formations plus franchement marines confirme la régression qui sera définitive avec la déposition des alluvions du delta. Dans les cas favorables, on distingue facilement les sols des man- groves à Rhizophoracées des sols à Avicennia.

Les sols de mangrove à Rhizophova se composent de plusieurs niveaux qui dépendent du degré de maturité du marais. Dans les mangroves d’installation recente, le sol, peu épais, est une vase molle et imperméable. A un stade de maturité plus avancé, le sol devient fibreux et prend, sur une épais- seur de 20 à 50 cm, l’aspect d’un feutrage de racines et de radicelles de couleur brun rouge foncé. A un stade plus avancé, de nombreuses générations de palétuviers s’étant succédé sur place, le sol devient une tourbe. Son épaisseur peut être importante lorsque la variation du niveau marin relatif a accompagné le développement du marais 2 vitesse convenable (3 m dans la dépression latérale de rive gauche).

La mangrove à Avicennia se caractérise par un chevelu de racines blanchâtres, les unes, horizon- tales rayonnent autour du tronc et les autres, verticales, ancrent profondément les précédentes ou bien constituent les pneumatophores. Les sols correspondants sont moins caractéristiques, probable- ment parce que la plante est plus exigeante et abandonne le terrain avant d’avoir enrichi le sol en matière organique de façon importante, et surtout parce que les racines s’étendant loin et profondé- ment, la matière organique reste diluée. Les sols à Avicennia dont l’enfouissement n’est pas trop an- cien peuvent cependant être reconnus.

LES ALLUVIONS FLUVIATILES RÉCENTES DU DOMAINE DELTAiQUE continuent les forma- tions équivalentes de la plaine alluviale par les sables grossiers riches en limon ferrugineux du lit ac- tuel et de la base des levées et par les sables fins et limons du sommet des levées. Cette formation affleure en général à l’air libre, mais on la trouve aussi en intercalation entre la formation des sables coquilliers et certains sols de mangrove. Par endroits, le toit de cette formation, colonisé par les pa- létuviers, est devenu un véritable sol de mangrove. La mise en place de cette formation s’explique bien par un abaissement du niveau de base du fleuve qui serait la conséquence du soulèvement récent de la Nouvelle Calédonie. Cette hypothèse s’accorde avec la chronologie du soulèvement (chap. Il), avec le fort ravinement des niveaux marins sous-jacents et enfin avec la granulométrie des alluvions, qui traduisent des conditions de très forte énergie en milieu fluviatile (chap. VI).

Les sables alluviaux se modèlent en glacis de part et d’autre du chenal et forment une im- portante lentille sous ce chenal. L’épaisseur de la nappe sableuse atteint 2,3 m (forage BCEOM 1) à travers la levée de rive gauche. Le point haut de cette formation est toujours associé aux levées et se

Page 59: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Les formations sédimentaires actuelles et récentes de la côte ouest 53

FIG. 23 : ISOBATHES DU TOIT DES SABLES FLUVIATILES RECENTS SOUS LE DELTA DE LA DUMBÉA

Limon fur ugine ff x

FIG. 24 :COUPE DANS LA LEVEE DE LA PLAINE ADAM (RIVE GAUCHE DU DELTA) MONTRANT LE DEPOT D’UNE COUCHE DE LIMON D”iPAISSEUR UNIFORME SUR LES RIDES SABLEUSES

ET LES SILLONS ENTRE-RIDES, SOUS L’INFLUENCE DE LA VÉGÉTATION

Page 60: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Frédéric BA L TZE R

place en bordure du chenal (Fig. 23). De là, la hauteur maximale atteinte décroît vers la dépression latérale. Cette formation constitue donc le soubassement des levées. Elle présente des ruptures ou crevasses (terminologie relative aux ruptures de levées du Mississipi) aujourd’hui ennoyéeç sous des sédiments plus récents. Les isobathes des sables fluviatiles récents (Fig. 23) mettent en évidence une rupture de levée dans la partie centrale de la rive droite du bief est-ouest ainsi qu’un delta de rup- ture de levée dans la dépression latérale correspondante.

Les limons et sables fins ferrugineux du domaine deltaique forment le sol sur lequel se développent les végétations des levées et des marais hypersalins. Ils se distinguent des sédiments fins de la mangrove par leur finesse, par l’absence d’éléments d’origine marine et de matière organique venue des mangroves. Les dépôts sont plus épais près du fleuve et s’affinent rapidement vers les dé- pressions latérales pour disparaître dans les mangroves, remplacés par d’autres sédiments. Les levées reçoivent les dépôts sabla-limoneux les plus épais et les plus grossiers qui s’y accumulent préférentiel- lement à chaque crue.

Les dépôts de limons ferrugineux reproduisent la morphologie des sables et graviers, dans I’en- semble comme dans le détail, en les recouvrant d’une couche qui va en s’affinant du chenal vers les dépressions latérales mais qui, à l’échelle des rides de sable ou de gravier, est uniforme. II en résulte que l’empâtement du microrelief de rides et de sillons qui forme la base des levées est très long à se produire, et que ces formes ne disparaissent qu’assez loin du chenal, La végétation herbacée, qu’ elle soit halophile (Salicorniu) ou non (Impe~~ta) est responsable de ce phénomène car elle colonise volontiers le sommet des rides où elle retient la sédimentation limoneuse aussi efficacement que peut le faire l’appel de sédimentation dû au sillon (Fig. 24). En raison de la montée actuelle du niveau de la mer sur les côtes de Nouvelle Calédonie, le contact entre ces limons ferrugineux et les sédiments de mangrove semble montrer un rebroussement qui confirme la transgression à la frange terrestre des marais.

LES NIVEAUX MARINS HOLOCENES DANS LA BAS§E VALLÉE DE LA DUMBÉA

On trouve une confirmation de l’histoire récente des variations du niveau marin à I’Holocène dans l’étude sédimentologique de la basse vallée de la Dumbéa. La transgression holocène, son ralen- tissement et sa fin sont clairement mis en évidence par la succession des faciès présentée ci-dessus. L’existence d’un niveau marin relatif surélevé par rapport au niveau actuel peut également être mon- trée par l’étude de la répartition des niveaux maximums atteints par les sédiments coquilliers et leurs indurations, par les sédiments de mangrove supérieurs et par le ravinement lié à la mise en place des formations alluviales.

Les sables coquilliers qui achèvent la formation marine franche se sont déposés dans des chenaux de marée entre les premières mangroves régressives. Ces sables forment deux zones hautes séparées par un sillon occupé par la partie la plus épaisse des sols à palétuviers récents (cf. carte des isobathes du toit des sédiments marins du lagon, Fig. 25). Le sillon marque l’emplacement de l’ancienne mangrove, dont la croissance a été de pair avec une sédimentation fine. Les lentilles sa- bleuses qui l’entourent ont probablement été déposées par des chenaux deltaiques analogues aux chenaux de la patte d’oie actuelle. De nos jours, le fond de tels chenaux atteint environ 0,5 m au-dessus du 0 des cartes marines. L’équivalent fossile des sédiments de ces chenaux atteint 1,4 à 1,5 m dans la région subaérienne du delta, 1,O m au pont de la RT. 1, à l’amont du défilé et 0,5 m seulement à I’apex de la plaine alluviale, prés du confluent des branches de la Dumbéa. Tout se passe donc comme si la phase finale du remplissage de la vallée avait commencé à un niveau proche de l’actuel lorsque l’embouchure était à I’apex de ce qui est aujourd’hui la plaine alluviale. Ensuite, le niveau se serait Elevé graduellement en même temps que les progr6s du rem-

Page 61: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Les formations sédimentaires actuelles et récentes de la côte ouest 55

FIG. 25 : ISOBATHES DU TOIT DESSÉDIMENTS MARINS

plissage faisaient reculer l’embouchure vers l’aval et ceci jusqu’à atteindre une hauteur maximale sous le delta actuel. Enfin, plus récemment, une baisse du niveau marin relatif se serait produite, ramenant les chenaux à leur emplacement actuel. Le niveau maximum atteint par ces sables co- quilliers est à 1,0 m au-dessus du niveau de leur équivalent actuel, ce qui correspond exactement à la surélévation du banc d’huîtres de l’îlot Le Prédour daté par Coudray et Delibrias (1972 - âge 3 200 ans B.P.), incontestablement en place. Ceci semble être une indication solide du fait que les marqueurs de niveau marin holocènes les plus élevés de la côte ouest de Nouvelle Calédo- nie sont environ à 1 m au-dessus de leur équivalent actuel.

Des indurations en grès calcaire gris affectent les sédiments coquilliers supérieurs sous forme de concrétions et de dalles dans deux régions limitées du delta de la Dumbéa, voisines l’une des forages carottés B.C.E.O.M. 1 et 2, sur les rives de la section est-ouest du chenal, et l’autre des forages NAT 12 et NAT 14, dans la dépression latérale de rive gauche. Ces indurations, qui sont localisées au toit des sédiments coquilliers, vont en s’épaississant vers les axes de draina- ge de l’époque de leur formation. On peut penser que c’est à la faveur de la baisse du niveau marin relatif que des eaux chargées de CO2 ont percolé de la mangrove vers les sédiments coquil- liers et produit des dissolutions suivies de recimentations dans les zones d’évaporation. Le milieu était certainement encore réducteur, sinon l’acidité résultant de l’oxydation des sulfures et poly- sulfures des sols de mangrove aurait empêché la formation du carbonate de calcium. Le phénomè- ne est probablement encore actif car les concrétions ont été trouvées au voisinage de marais hy- persalins actuels. Mais les niveaux indurés les plus épais sont légèrement à l’écart, plus en amont ou plus en profondeur, ce qui montre soit que le processus est lent, soit qu’il a été plus actif dans le passé. La seconde hypothèse me semble très plausible si on compare ces indurations à celles de Canala (Avias, 1949, 1957) dont le gisement, en cours d’érosion par les chenaux de ma- rée actuels, livre des carapaces de crabes, des bois flottés puis incrustés, etc. L’ancienneté relative

Page 62: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

56 Frédéric BAL TZER

(peut-être quelques milliers d’années) que suggère cette érosion à Canala comme à la Dumbéa, s’expliquerait bien si on admet que ces indurations se sont formées à la faveur du recul du ni- veau marin relatif tardi-holocène. Signalons que des dalles comparables ont été découvertes, sous le climat à saisons alternées de la Guinée, au voisinage de mangroves et de marais hypersalins, par Lafond (1967) et par Guilcher (1954).

Les formations à restes de palétuviers permettent, elles aussi, de retrouver l’indication d’un mouvement tardi-holocène du niveau marin relatif, mais on ne peut en mesurer la hauteur exacte parce que les restes les plus hauts, étant hors des nappes phréatiques, ont été détruits par oxyda- tion. Ces formations régressives, puisque reposant sur des faciès peu profonds, montrent en plus que le niveau marin relatif est revenu à une phase de lente montée, Ceci a pour résultat une extension bidirectionnelle des marais de mangrove qui déposent des sédiments régressifs à leur frange marine et des sédiments transgressifs à leur frange terrestre, aux endroits où la sédimenta- tion terrigène n’est pas excessive (Fig. 27).

Les accumulations de matière organique les plus épaisses produites par les Rhizopho- racées se trouvent aujourd’hui plusieurs centaines de mètres en amont de leur lieu de formation ac- tuel, soit sous la ceinture des Avicenniu, soit sous les marais hypersalins ou les marais intermédiaires (carte Fig. 26). Les mangroves ont donc commencé à se développer à l’amont de leur position actu- elle et ont progressé sur le domaine maritime comme elles continuent à le faire de nos jours, par exemple sur la baie Hoff. Comme le toit de la formation coquillière, le toit des sédiments de man- grove permet de localiser un marqueur de niveau marin tardi-holocène supérieur au niveau marin ac- tuel. Dans la dépression latérale de rive droite, le toit des sols de mangrove fossiles passe de 0,90 m (0 des cartes marines) près de terre, à 1,60 m, son altitude maximum, peu avant la zone des mangro- ves vivantes qu’il rejoint ensuite en s’abaissant légèrement. Près du chenal de la Dumbéa, le sol fossi- le part d’un niveau encore plus bas, - 3,50 m (0 des cartes marines), puis comme ci-dessus, il s’élève un peu plus haut que le niveau actuel pour s’abaisser enfin jusqu’à lui. La différence d’altitude entre le point haut indiqué par les anciens sols de mangrove et le niveau actuel correspondant est beaucoup plus faible que dans le cas des sédiments coquilliers, manifestement parce que les sédiments plus éle- vés que les nappes phréatiques ont été oxydés,

La disposition des sols de mangrove fossiles et actuels montre que la mangrove à Rhizophoracées ne se contente pas de gagner sur la baie Hoff, mais également sur la frange interne des marais vers laquelle progressent aussi les Avicennia. Le fait que la zone centrale des marais de mangrove actifs présente un sol plus épais que leur frange terrestre, ceci dans les deux dépressions latérales, montre qu’une élévation lente du niveau de l’eau a permis a des générations successives de palétuviers d’occuper la même place en y retenant des particules minérales et en y accumulant de la matière organique. A l’époque actuelle, le contact du sol de mangrove sur le sédiment coquillier sous- jacent se relève légèrement en direction de la mer. C’est la manifestation de la séquence régressive en période de montée du niveau marin. A la frange terrestre des marais de mangrove, la submersion pro- duit une avancée des sédiments de mangrove sur les sédiments des marais hypersalins. C’est un signe de transgression qui rend compte de la montée actuelle du niveau marin. Les mangroves actuelles de Nouvelle Calédonie peuvent donc progresser simultanément a leur frange marine (séquence régressive) et à leur frange terrestre. La surface recouverte par ces marais est donc en train de s’accroître. La coïncidence entre un niveau marin en cours de montée et une sédimentation active, l’un et l’autre à des taux convenables, est l’origine de cette situation paradoxale,

LA NAPPE DES ALLUVIONS FLUVIATILES RAVINE LES FORMATION§ ANTERIEURES, la plus jeune étant le sable coquillier. Le ravinement des sédiments marins holocènes par cette forma- tion continentale confirme I’hypothese suivant laquelle la presence de marqueurs de niveaux marins

Page 63: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Les formations sédimentaires actuelles et récentes de la côte ouest

FIG. 26 : ISOBATHES DE LA SURFACE DU SOL DES MANGROVES VIVANTES (ZONE EN GRISÉ) - ET DU TOIT DES SOLS DE MANGROVE ENFOUIS

+- - ---- -

par conditions de

régress’lf submersion / /

&VI tac+ de 18’ régres&f par condit iona d’ èmer~~on

Ut +ransgressif

FIG. 27 :SCHÉMA STRATIGRAPHIQUE DES SOLS DE MANGROVE ACTUELS ET SUBACTUELS DU DELTA DE LA DUMBÉA

Page 64: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

58 Frédéric BAL TZER

holocènes à une altitude supérieure à celle du niveau actuel résulte d’un soulèvement de l’île plutôt que d’un épisode du mouvement marin eustatique. En effet, l’hypothèse d’un point haut sur la cour- be eustatique suppose seulement une élévation du niveau marin de l’ordre de 1 m qui ne donne pas sa place au ravinement profond que nous observons. Au contraire, l’hypothèse du soulèvement de l’île impose l’idée d’un abaissement relatif du niveau marin de plusieurs mètres qui, lui, est compati- ble avec un tel ravinement. Dans cette conception, la surélévation actuelle, de l’ordre de 1 m n’est que résiduelle, la surélévation initiale, de l’ordre de 4 m, ayant eté aux trois-quarts résorbée par une montée eustatique ininterrompue. En outre, cette hypothèse s’accorde très bien avec la localisation des concrétionnements calcaires et avec l’extraordinaire abondance du matériel détritique, suffisante pour assurer la’formation brutale de deltas dans une mer où les marées ne sont pas négligeables (marnage 1,70 m). Les concrétionnements calcaires s’expliquent bien dans l’hypothèse d’une émersion temporaire, d’autant plus qu’ils sont contemporains du début de la phase de ravinement. Quant à la masse énorme des produits meubles disponibles au moment de I’émersion, elle suggère que cette der- nière était d’origine tectonique. Un soulevement et les nombreux séismes qui l’accompagnent provo- quent en montagne d’importants glissements de terrain dont on retrouve la trace dans les terrasses profondément incisées du confluent de la Dumbéa Est et de la rivière Casse-Cou. A sa partie infé- rieure, la terrasse est formée de fragments anguleux de roches du cortège des péridotites (beaucoup de harzburgite) allant des blocs métriques aux cailloux, emballés dans un peu de ciment latéritique. Une telle formation correspond bien à l’idée de glissements de terrain sur des sols régolithiques à forte pente, pendant un séisme. La partie supérieure de la terrasse, formée de limons et argiles lités évoque un lac de barrage tout à fait B sa place dans ce contexte.

LA MISE EN PLACE BU DELTA ACTUEL résulte de l’érosion de telles accumulations de materiel meuble pendant la phase d’émersion. Sa forme présente résulte de la reprise de la montée du niveau marin depuis la fin de la phase d’activité tectonique et de la poursuite de l’érosion des matériaux meubles accumulés par elle. Ainsi, le delta, avec un ralentissement certain, continue son extension malgré l’elévation toujours active du niveau marin relatif. La stratigraphie du remplissage de la paléo- vallée de la basse Dumbéa met en évidence cette montée. Elle confirme l’idée d’une régression avec ravinement vers 3200 ans B.P., puis celle d’une reprise plus lente mais effective de la montée du ni- veau relatif jusqu’à l’actuel.

Page 65: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

59

Chapitre IV

Ecologie végétale et sédimentation deltaïque

Les formations végétales des deltas tropicaux sont fortement marquées par les conditions sédi- mentologiques et géochimiques des terrains sur lesquels elles se développent. La zonation végétale qui en résulte est particulièrement évidente dans les mangroves où elle se manifeste par la répartition des arbres en forêts composées d’une ou d’un très petit nombre d’espèces. Les zones végétales, souvent en bandes parallèles au rivage, semblent être régies par un grand nombre de facteurs dont les plus évidents sont le niveau topographique du sol, donc la profondeur et la fréquence des immersions par les marées, et la distance à la mer ou au chenal d’eau libre. La possibilité que l’on a de reconnaître ces facteurs par l’étude d’une carte de la zonation végétale donne à cette dernière un intérêt consi- dérable, d’ordre sédimentologique et géochimique. La profondeur des immersions par les marées inteu- vient dans la zonation en sélectionnant les plantules et en conditionnant la vie ultérieure des palétu- viers. La fréquence et la durée des immersions, en déterminant la salinité des eaux interstitielles et l’engorgement hydrique du sol, ont un rôle identique, Pour atteindre un développement optimal, les espèces des mangroves ont besoin d’un renouvellement des substances nutritives du sol, apportées par les eaux en phase dissoute ou en phase minérale. La localisation des zones végétales et le degré de développement des individus dans ces zones mettent en évidence des gradients de fertilité qui sont liés à l’abondance de la sédimentation et vont toujours d’un pôle fertile constitué par une baie ma- rine ou un chenal d’eau marine ou fluvio-marine, vers un pôle infertile au centre du marais. Sur les photographies aériennes et les cartes de zonation végétale, les zones de sédimentation peuvent ainsi être mises en évidence. II en est de même pour les zones en cours d’érosion qui apparaissent comme des anomalies de répartition parfaitement caractéristiques.

Dans ce chapitre, nous examinerons la zonation végétale en fonction de la géomorphologie, des niveaux topographiques préférentiels et du système de drainage par la cartographie et par l’étude sta- tistique des niveaux. A partir de là, nous rechercherons quels sont les facteurs de zonation, comment ils ag,issent et nous en tirerons les enseignements sur la dynamique sédimentaire et les conditions géo- chimiques du delta.

Page 66: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

60 Frédéric

BAL TZER

Page 67: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Ecologie végétale et sédimentation deltaïque 61

LA ZONATION VEGETALE

LA VEGETATION DES GRANDES UNITES MORPHOLOGIQUES DU DELTA

Chacun des composants morphologiques du delta, que ce soit une levée ou un marais de dé- pression latérale, se caractérise par une végétation qui lui est propre. La carte des grandes catégories de végétation et du drainage (Fig. 28) permet de les situer. En plus de cette zonation d’ensemble, on peut distinguer une zonation fine à l’intérieur de chaque composant morphologique du delta (Fig. 30).

La végétation des levées du delta est une végétation de terre ferme qui se modifie pro- gressivement en fonction de la largeur de la levée et de la localisation dans le sens amont-aval. L’a- mont des levées porte une prairie à Imperuta avec une végétation arborescente à Meluleuca (Niaouli) et à Casuarina (Bois de Fer). L’aval des levées porte une végétation dite ((de bord de mer» (Virot, 1956) dont la liane Clerodendron inerme est caractéristique. Le contact entre la levée et la dépres- sion latérale est souligné par un liséré de graminées halophiles, petites et raides, de l’espèce Sporobo- lus virginicus.

La végétation des dépressions latérales

La végétation des dépressions latérales, très variée, comprend des marais maritimes et des ma- rais dulçaquicoles reliés par une zone de marais intermédiaires, Les marais maritimes sont constitués par les mangroves et les marais hypersalins (prés salés, voile algaire, zone nue). Compte tenu de son rôle pionnier dans la végétation deltaïque, nous examinerons d’abord la mangrove et ensuite les types de végétation qui lui succèdent.

La végétation des marais de mangrove

La végétation des marais de mangrove présente son plus grand développement sur les dépres- sions latérales mais elle est aussi très répandue sur les rives des chenaux fluvio marins, les côtes du lagon et meme certains platiers coralliens. En Nouvelle Calédonie, les trois espèces principales de pa- létuviers sont Rhizophora mucronatu Lam., Bruguiera eryopetala (Wight et Arn) et Avicennia offici- nalis L. Leurs groupements, uni- ou plurispécifiques, denses ou clairsemés, vigoureux ou grêles, défi- nissent une zonation très riche. Toutes ces espèces sont vivipares : l’embryon se développe sur l’arbre et ne s’en détache qu’à l’état d’une plantule flottante capable de s’enraciner en quelques heures dès qu’elle se stabilise sur un sol convenable.

L’espèce Rhizophora mucronatu, très répandue, appartient au genre le plus connu pour ses racines aériennes innombrables, en hallebardes tombant des frondaisons ou en arceaux multiples par- tant près de la base des tiges. Dès que ces racines touchent le sol, elles développent un chevelu radi- cellaire dense mais peu profond et assurent ainsi un ancrage efficace à la plante, même sur des sols très mous. La plantule en cigare des Rhizophoracées (Fig. 29) mesure 2 à 3 dm de long dans le cas de R. mucronatu. Elle flotte d’abord horizontalement puis se redresse après quelques jours.

L’espèce Bruguiera eryopetala Wight et Arn, autre Rhizophoracée, a des plantules plus courtes que celles de R. Mucronatu. Le port classique des Bruguiera, avec un tronc unique ramifié à plu- sieurs mètres du sol, donne l’aspect d’un verger aux formations unispécifiques correspondantes. Le système rayonnant de racines est souterrain pour l’essentiel. Seuls, des replis noueux ressortent pério- diquement de la vase sur quelques cm de haut et jouent le rôle de pneumatophores.

Page 68: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

62 Frédéric L?A L TZER

L’espèce Avicerzïzia offlcinalis L., Avicennia- ceae, a des plantules de la forme et la grosseur d’une bille. A son développement optimal, l’arbre rappelle un olivier, mais dans des conditions de sursalure, il ne dépasse pas le stade arbustif. Les racines principales sont rayonnantes et courent à faible profondeur sous la surface du sol. Elles émettent, à espace régulier, des pneumatophores de la grosseur d’un crayon, qui dépassent de 10 à 15 cm la surface du sol et forment un ccpail- lasson» lorsqu’ils sont trés nombreux. Du système rayonnant principal, partent aussi des racines secondaires qui s’enfoncent verticalement dans le sol.

LA ZONATION DES MANGROVES

La zonation des mangroves du delta de la Dumbéa comprend une ceinture de Rhizophora- cées, complexe, en position externe (c’est-à-dire vers la mer ou le chenal) et une ceinture unispé- cifique à Avicenlzia en position interne (c’est-à- dire vers la terre ou vers le centre si le marais forme une île).

La ceinture des Rhizophoracées FIG. 29; DEVELOPPEMENT DES PLANTULES

DE RHIZOPHORA (GILL ETTOMLINSON)

La ceinture des Rhizophoracées peut se sub- 1 : Rameau avec plantules à maturité (x 0,4)

diviser en cinq formations définies par les espèces 2 : Détail du détachement de la plantule. L’organe en

forme de dard est le bourgeon apical Rhizophora mucronata et Bruguiera eryopetaZa, 3-S : Stades de développement du fruit et de la plantule (x 0.8)

associées ou non. De la mer vers la terre, nous traversons la mangrove externe unispécifique à R. mucronata, la mangrove pénéexterne à B. eryopetala, les mangroves moyennes mixtes à R. mucrona- ta et B. eryopetala des types dense et clairsemé et enfin la mangrove pénéinterne à R. mucronata. Cette répartition est nette autour de la baie Hoff (Fig. 30).

La mangrove exterrze urzispécifique à R. mucronata constitue le rideau vert sombre très dense qui borde les chenaux et les baies d’une bonne partie du delta. Ce rideau étroit, n’excédant pas quel- ques dizaines de mètres de large, masque presque totalement les formations plus internes. Cette man- grove externe remonte le long des rives de chenaux, ce qui lui permet de s’insérer assez loin à I’inté- rieur des marais. Cette mangrove est sensible à l’érosion et le rideau à Rhizophora est interrompu aux endroits exposés, tels les petits caps de la rive Nord de la Baie Hoff.

La mangrove unispécifique à Bruguiera gymnorhiza, séparée de l’eau libre seulement par le ri- deau à Rhizophora, est en position pénéexterne. C’est une dense forêt de plus de 10 m de haut qui remonte elle aussi en galeries à la faveur des chenaux, parallèlement au rideau à Rhizophoru. Dans les chenaux où les courants de marée sont forts, la galerie à Bruguiera peut passer en position exter- ne après érosion du rideau à Rhizopliora.

Page 69: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Ecologie végétale

et sédimentation

deltaïque 63

Page 70: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

64 Frédéric BAL TZER

La mangrove moyenne mixte à Rhizophora et Bruguiera présente une forme dense dans sa par- tie externe et une forme claire dans sa partie interne. La forme dense prolonge et élargit les galeries à Bruguiera dans la mangrove moyenne en s’associant à Rhizophora. Les deux espèces, en propor- tions équivalentes, sont représentées par des individus de haute taille (plus de 8 m) formant un cou- vert dense. La forme claire est une mangrove basse formant un couvert peu dense et irrégulier. Elle est difficile à parcourir en raison de l’abondance des racines en arceaux qui peuvent aller fort loin de leur Rhizophora. C’est dans cette zone que les galeries des formations précédentes dessinent leurs indentations. Elle apparaît comme la formation végétale d’entre-chenaux par excellence.

La zone pénéinterne unispécifique à Rhizophora mucronata est le dernier élément de la ceintu- re des Rhizophoracées. Les individus ont tous la même petite taille (3 à 4 m) et portent des ra- meaux grêles et très enchevêtrés, ce qui donne à cette zone son aspect caractéristique, d’un gris par- faitement uni, en photographie aérienne.

La ceinture des Avicennia

La ceinture des Avicennia constitue la zone la plus interne des mangroves de la Dumbéa. Elle présente des arbres assez grands, à tronc unique, haut de 5 à 6 m, au contact de la ceinture unispé- cifique interne à Rhizophora, mais devient arbustive au contact des marais sursalés. Le contact est transitionnel et se déplace légèrement d’,une année à l’autre. Aux époques humides, la zone à Avicen- nia gagne sur le pré salé à Salicornia et inversement.

LA VEGETATION DES MARAIS MARITIMES SUR§ALl?S

La végétation des marais maritimes sursalés s’étend au niveau des marées d’équinoxe. Les ma- rais comportent un pré salé, une zone à voile algaire et une zone nue, sans végétation, où la salure est la plus élevée. Dans les prés salés, l’espèce la plus fréquente est Salicornia australis qui occupe un sol argileux très plan. Dans les zones plus salées, le pré salé est remplacé par un voile algaire à Cya- nophycées. Par temps sec, le voile se déchire suivant les fentes de retrait du sol et se recroqueville en soucoupes cartonneuses. La zone nue qui correspond aux régions de salinité extrême a souvent un aspect sableux parce que l’argile du sol est agrégée en micropolyèdres séparés par des cristallisations salines. La zone à voile algaire et la zone nue prennent de l’extension sur le pré salé pendant les successions d’années sèches et sont recolonisées par les Salicornes pendant les périodes humides.

MARAIS INTERMl?DIAIRES ET ARRIERE iJ4ANGRO VE

Au-delà de la partie la plus salée des marais découverts sursalés, les formations végétales subis- sent l’influence des eaux douces d’origine continentale : on entre dans le domaine des marais inter- médiaires et de l’arrière mangrove. Le gradient dégressif de salinité permet à une partie des zones vé- gétales précédentes de reparaître en ordre inverse : zone à voile algaire, pré salé, puis arrière mangro- ve à Lumnitzera, à Avicennia, à Rhizophora et enfin à Bruguiera. Lumnitzera racemosa, palétuvier arbustif, forme une zone discontinue d’arrière mangrove à la limite du domaine sursalé. II se caracté- rise par des pneumatophores analogues à ceux des Avicennia, mais se repliant vers le sol. Les trois espèces principales de palétuviers de la mangrove normale peuvent former des arrière mangroves, cha- cune dans la partie du marais dont la salinité lui convient. Aux abords du domaine dulçaquicole, la fougère Acrostichum aureum apparaît, d’abord au pied des Bruguiera, puis seule. La zone la plus

Page 71: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Ecologie végétale et sédimentation deltaïque 65

diluée des marais intermédiaires se caractérise par le remplacement progressif de ces fougères par diverses Cypéracées, dont PoZystacus cypreus. Lorsque cette zone est rendue stable par des apports constants en eau douce, il s’y installe une forêt marécageuse à Carapa obovata et Excoecaria agallo- cha avec des chardons du genre Acanthus ilicifolius. Ces marais intermédiaires passent soit à la végé- tation de terre ferme au contact d’une levée, soit à des marais dulçaquicoles dans les dépressions latérales.

LES MARAIS DULÇAQUICOLES

Une vaste zone de marais dulçaquicoles s’étend vers l’amont de la dépression latérale de rive droite. Elle porte une forêt presque monospécifique à Melaleuca leucadendron. Des étangs subsistent au centre de la forêt. Ils peuvent être dégagés ou occupés par des arbres plus petits que ceux des zones périphériques. Des bras d’eau et des chapelets d’étangs allongés, entretenus par l’érosion des crues, tiennent la place des dépressions latérales dans les parties étroites du lit majeur.

ZONATION VERTICALE : INFLUENCE DU NIVEAU DU SOL SUR LA REPAR-

TITION DES MANGROVES

Les espèces des mangroves ont une extension bathymétrique et un niveau topographique préfé- rentiels qui sont mis en évidence par les variations de leur fréquence en fonction du niveau topogra- phique du sol. Les Rhizophoracées ont l’extension bathymétrique la plus grande et les niveaux à fré- quence d’occupation maximale peuvent être plusieurs pour une seule espèce. Les Avicennia et les Sa- licornia ont une extension bathymétrique plus réduite et une fréquence maximale d’occupation bien précise.

FREQUENCE DES ESPÈCES EN FONCTION DU NIVEAU DU SOL

La fréquence d’une espèce végétale dans chaque classe de niveau topographique est donnée par le pourcentage de surface du sol couverte par l’espèce dans cette classe. En pratique, il est plus com- mode d’utiliser le pourcentage des longueurs interceptées par les transects sur le territoire des diverses espèces, entre des limites de niveaux arbitraires. Par conséquent, pour déterminer la fréquence des es- pèces en fonction du niveau du sol, j’ai procédé comme pour une courbe hypsométrique, mais en ne comptant pour chacune que la longueur la concernant dans chaque intervalle de nivellement. Du fait que les niveaux topographiques sont inégalement répartis (cf. courbe hypsométrique, Fig. 16), les fré- quences des formations végétales doivent être recalculées en supposant une courbe hypsométrique li- néaire, ne privilégiant aucun niveau. Ceci est obtenu en faisant le rapport du total des longueurs trouvées pour une espèce dans une classe de nivellement au total des longueurs pour l’ensemble des espèces dans la même classe. On a alors une image de la répartition des espèces végétales sur un sol plan régulièrement incliné. Le rapport obtenu est égal à 1 si l’espèce est seule et inférieur s’il y a plusieurs espèces. La courbe cumulative des rapports calculés ainsi montre les niveaux où l’espèce se développe le plus volontiers ou le plus facilement et ceux où la concurrence la gêne. Les calculs ont été effectués pour 5 groupements végétaux : les forêts monospécifiques à R. mucronata, B. gymno- rhiza et A. officinalis, la forêt mixte à R. mucronata et B. gymnorhiza et enfin le pré salé à S. aus-

Page 72: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

66 Frédéric BAL TZER

austrazis. Les courbes cumulatives et les courbes de fréquence sont présentées sur les figures 31 et 32.

Résu Itats : extension bakhymétrique des espèces

L’extension bathymétrique, différence entre les altitudes d’apparition et de disparition d’une es- pèce, est très grande pour les Rhizophoracées et beaucoup plus faible pour Auicennia et Salicornia.

L’extension bathymétrique de R. mucronata est de 1 m entre 0,60 et 1,60 m. Celle de B. gym- norhiza est de 0,80 m entre 1,0 et 1,80 m. Pour la partie des marais où ces deux espèces sont asso- ciées, l’extension bathymétrique est de 0,50 m, entre 1,0 et 1,50 m. Avicennia et Sdicornia, sur les transects étudiés, ont une extension bathymétrique beaucoup plus faible, 0,25 m, respectivement en- tre 1,5 et 1,7 m, et entre 1,55 et 1,80 m.

Résu Itats : fréquence par rapport au niveau topographique

Les modes des diverses espèces sur les courbes de fréquence dérivées des courbes cumulatives se placent dans le même ordre que les formations végétales sur le terrain (Fig. 32). Ces modes don- nent la mesure exacte des niveaux occupés préférentiellement par les espèces.

Rhizophora mucronata présente donc deux modes. Le premier mode, en fait une zone modale, caractérise le groupement en position externe de cette espèce dans le domaine entre 0,60 et 1 m où elle est sans concurrence, Le second mode, A 1,5 m correspond au groupement unispécifique grêle et mal développé de la mangrove pénéinterne. Entre ces deux maximums de fréquence, les Rhizophora ont une fréquence beaucoup plus faible, due à l’apparition de Bruguiera, fréquence qui s’annule mê- me dans le domaine du groupement unispécifique à Bruguiera.

Bruguiera gymnorhiza présente un spectre de répartition comparable à celui de R. mucronata, avec deux zones de fréquence maximale séparées par une zone de fréquence réduite due à la concur- rence avec l’autre Rhizophoracée dans le groupement mixte. La première zone de fréquence maxima- le s’étend de l,O a 1,5 m et la seconde de 1,7 à 1,9 m, La fréquence est très faible entre 1,3 et 1,35 m.

Le groupement en forêt mixte des deux espèces de Rhizophoracées donne une courbe de Gauss avec un mode unique à 1,33 m.

Avicennia officinalis présente une courbe de fréquence unimodale très resserrée dont le mode est à 1,60 m. Salicornia australis présente également une courbe très serrée avec un mode unique à 1,68 m.

MÉLANGE DES ESPECES ET FACTEURB PERTURBANT LA ZONATION VERTICALE

Les courbes de fréquence montrent qu’une espèce comme R. mucronata pourrait se développer avec la fréquence maximale sur toute son extension bathymétrique si elle ne trouvait pas la concur- rence de B. gymnorhiza. De même, la diminution de fréquence de ces deux Rhizophoracées entre 1,5 et 1,7 m coi’ncide avec l’apparition des Avicennia et Salicornia aux mêmes niveaux. Pourtant, les Rhizophoracées sont présentes au-dessous comme au-dessus de ce domaine. L’étude du degré de mé- lange entre les espèces permet de déceler certains facteurs de zonation en montrant que le niveau to- pographique n’est pas seul en cause dans la détermination des zones végétales. L’abondance plus ou moins grande des eaux douces change les réactions réciproques des plantes selon les endroits.

Dans un intervalle bathymétrique donné, le degré de mélange peut être représenté par I’expres- sion Y = 2 - y lg y dans laquelle y est l’effectif de l’intervalle de nivellement utilisé pour construi- re nos courbes cumulatives (rapport de la somme des longueurs de transect pour une espèce à la

Page 73: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Ecologie végétale et sédimentation deltaique 67

/

: _ Rhiz+ora _._.

_ Bruguiero -

I - FOI-& mfkfe

I a rhtj. ef bruy. -s-w-

A’viccnnia

I - so/icorffia r_ 1 -

0.6 0.7 0.8 0.3 1.0 1.1 1.2 1.3 1.4 1.6 Lb ‘.7 1.8

FIG. 31 : REPARTITION DES ESPECES VÉGETALES EN FONCTION DU NIVEAU DU SOL-COURBES CUMULATIVES

I

0

0.~ 0.1 0.8 0.9 I.0 14 1.2 1.3 t.4 l.5 1.6 1.7 1.8

FIG. 32 : REPARTITION DES ESPECES VÉGETALES EN FONCTION DU NIVEAU DU SOL ET EN FONCTION DES HAUTEURS CARACTERISTIQUES DES MARÉES

COURBES DE FRÉQUENCE

Page 74: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

68 Frédéric BAL TZER

somme des longueurs pour toutes les espèces dans l’intervalle consideré). Ce degré de mélange a la formulation de l’entropie en thermodynamique (A. Rivière, comm. orale). Si une classe de nivelle- ment ne contient qu’une seule espèce, l’effectif de classe est de 1 et Y vaut 0, valeur minimale pos- sible pour notre degré de mélange. Y augmente lorsque plusieurs espèces sont présentes simultané- ment dans un intervalle. La figure 33 donne le degré de mélange pour les diverses classes bathymé- triques des marais de la Dumbéa.

Les Rhizophoracées dominent totalement de 0,60 a 1,33 m avec les deux groupements unispé- cifiques à R. nzucronata, le groupement unispécifique à B. gymnorhiza et le groupement mixte entre ces deux espèces. La valeur de Y passe de 0 dans les groupements unispécifiques à 0,43 dans le groupement mixte. L’apparition des plantes des marais hypersalins vers 1,5 m se traduit par une aug- mentation du degré de mélange qui atteint son maximum, 0,51 à 1,53 m. Ceci met en évidence deux situations écologiques différentes au même niveau topographique, distinguables par l’abondance ou l’inexistence des apports en eau douce. Le domaine salé et sursalé est caractérise par Avicennia et Salicomia. II se développe à l’écart du réseau de drainage, alors que le domaine non sursalé, caracté- risé par Rhizophora et surtout Bruguiera est à son contact. Vers 1,80 m, les marais sursalés à SaZi- copkz tendent à disparaître et, simultanément, les Bruguiera augmentent. Ce niveau est trop élevé pour un marais maritime normal et l’on entre déjà dans le domaine où la sédimentation fluviatile construit les levées et emplit les dépressions latérales vers l’amont du delta. Dans les deux cas, Bru- guiera est présent dans les zones de salinité faible des marais intermédiaires et constitue avec la fou- gère A. aurezm un des derniers éléments des mangroves avant les plantes franchement dulçaquicoles.

0.5

0.4

0.3

0.2

0.1

0.0

1

-

I 0.6 0.7 sa 0.g 1.0 1.1 1.2 1.3 1.4 1.5 1.6 1.7 1.8 m.

FIG. 33 : DEGRE DE DÉSORDRE (ENTROPIE) BANS LA RÉPARTITION DES ESPECES VEGÉTALES EN FONCTION DE L’ALTITUDE

Page 75: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Ecologie végétale et sédimentation deltaïque 69

INTERACTIONS ENTRE LA ZONATION VEGETALE, LE DRAINAGE ET LA

SEDIMENTATION DELTAÏQUES

Chacun des grands secteurs de la zonation végétale est caractérisé par un régime de l’eau qui lui est propre : eau douce, courante ou stagnante, eau de mer normale, concentrée ou diluée. La for- mation d’un réseau de drainage suit la mise en place de la mangrove et détermine le régime de l’eau dans les dépressions latérales. On en retrouve les traces, dégradées et non fonctionnelles dans les ma- rais intermédiaires et il disparaît dans les marais dulçaquicoles cédant la place à des étangs sans orga- nisation. Dans les zones des mangroves où il est actif, le réseau de drainage influence profondément le développement des plantes, beaucoup plus vigoureuses à l’aval des chenaux et près de leurs rives qu’elles ne le sont à l’amont et sur les bancs entre chenaux. Ces zones où la végétation est la plus active sont en même temps le siège d’abondants atterrissements pélitiques directement apportés par le réseau de drainage et retenus par la végétation.

DRAINAGE ACTIF DES CHENAUX DE MARÉE DES MANGROVES

L’axe de drainage principal du systéme deltaïque est constitué par le chenal fluvio-marin lui- même. Sur l’axe principal se branchent des axes secondaires dont les deux plus importants drainent chacun une des dépressions latérales et les autres des marais de moindre importance comme ceux qui s’étendent entre les digitations des levées (Fig. 28). L’axe latéral de rive droite est constitué par la baie Hoff, nappe d’eau marine à saumâtre stratifiée, en communication légèrement restreinte avec la mer. Vers cette baie convergent la quasi-totalité des chenaux des marais de mangrove de la dépres- sion latérale de rive droite, Sur la rive gauche, le drainage est assuré par un chenal central sur lequel se branchent les multiples ramifications des chenaux d’ordre inférieur. La salinité des eaux des che- naux dépend en grande partie de la composition moyenne de l’eau de l’axe de drainage principal au confluent mais elle dépend également de la composition des eaux interstitielles de la région drainée par le chenal lui-même. La zone des mangroves est strictement associée au domaine des chenaux de marée actifs.

DÉVELOPPEMENT PROGRESSIF DU DRAINAGE DES MANGROVES

Le degré de maturité du systéme de drainage dans les diverses régions des dépressions latérales montre des caractères séniles dans la partie est et des caractères juvéniles dans la partie ouest, en ac- cord avec le sens de développement du delta. Les mêmes raisonnements montrent que les marais de la dépression latérale de rive droite sont les plus récents,

L’existence de la baie Hoff montre que le remplissage de la dépression latérale de rive droite est incomplet. De plus, les chenaux qui convergent vers la baie sont petits et rares sur la rive sud- ouest de celle-ci, plus grands et plus fréquents sur la rive est. Les chenaux de la rive est de la baie sont les plus grands et les seuls à avoir des méandres commençants. Le caractère embryonnaire du réseau de drainage des marais formant la rive sud-ouest de la baie Hoff montre que ces derniers sont en formation, fait confirmé par la sédimentation et par la zonation végétale. Le réseau de drainage, plus évolué dans la partie à l’est de la baie, reste cependant juvénile. Dans l’ensemble, les marais de la dépression latérale de rive droite sont donc très récents, ce qui explique le remplissage incomplet rendu évident par la présence de la baie Hoff.

La dépression latérale de rive gauche est drainée par un chenal large, aux méandres bien mar- qués et recoupés et dont les affluents ont eux-mêmes des méandres accusés. Ce réseau de drainage

Page 76: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

70 Frédéric BA L TZE R

bien hiérarchisé et très évolué est manifestement plus ancien que celui qui aboutit à la Baie Hoff. Le fait que la dépression latérale de rive gauche soit la plus ancienne s’accorde bien avec sa situation plus à l’est, le développement du delta se faisant d’est en ouest.

RENOUVELLEMENT DES ÉLÉMENTS NUTRITIFS PAR LE SYSTEME DE DRAINAGE

La répartition des âges des marais fondée sur le degré de développement du réseau de drainage coïncide avec une répartition des palétuviers fondée sur la vigueur de leur croissance. Dans les ma- rais du Sud de la baie Hoff, les arbres atteignent 20 m dans la partie nouvelle de la mangrove exter- ne où le réseau de drainage est embryonnaire, vers le sud-ouest de la baie. Vers le sud-est, les arbres de la même formation n’atteignent plus qu’une dizaine de mètres, dans une région dont l’époque d’installation, montrée par la maturité du réseau de drainage, est plus ancienne. Le développement plus fort et plus élevé des arbres dans la région ouest semble être l’indication d’une fertilité supé- rieure du sol qui est composé ici de sédiments neufs, alors que, plus à l’est, des générations succes- sives de palétuviers ont commencé à en épuiser les réserves en éléments minéraux nutritifs. Dans les chenaux, la fertilité est plus grande à l’aval et plus faible vers l’amont. Sur l’ensemble des marais, la fertilité est plus grande près des rives des chenaux ou des baies que sur les banquettes sédimentaires d’entre-chenaux et dans les parties internes. J’ai fait les mêmes observations au Cameroun qu’en Nou- velle Calédonie (Baltzer, 1975 ; Bayé et al., 1975) pour les mêmes genres végétaux et Plaziat (1975) observe une décroissance générale de la biomasse animale dans les mêmes mangroves. Les éléments fertilisants peuvent être apportés sous forme dissoute ou sous forme solide. La phase en solution est effectivement prélevée par le sol des mangroves et la communauté vivante associée, si rapidement que l’eau d‘une marée, riche au niveau de la mangrove externe, est totalement dépourvue d’éléments fertilisants lorsqu’elle atteint la zone interne (G.E. Walsh, 1967). Mais ce type d’apport est insuffi- sant pour le développement luxuriant des mangroves externes, Celui-ci correspond toujours à des zo- nes d’atterrissements pélitiques abondants, particuliérement sur les rives internes des méandres.

LES LIMITES DES CHENAUX DE MARÉE

Bien formé et hiérarchisé dans les mangroves externes et moyennes, le réseau de chenaux s’ar- rête d’une part à l’approche des marais hypersalins et des levées, et d’autre part vers l’amont des dé- pressions latérales. Au-delà, la circulation des eaux n’est plus canalisée, ce qui n’exclut pas un drai- nage fruste au niveau des marais sursalés et des marais intermédiaires. La plupart des petits chenaux des mangroves se dirigent vers les marais sursalés mais s’arrêtent à la façade externe de la mangrove pénéinterne à Rhizophora (Fig. 28 et 30). L’eau atteignant les marais sursalés par une crue, une averse ou une marée exceptionnelle rejoint ces chenaux en suivant la déclivité de la surface argileuse du marais. L’eau ne séjourne pas sur les marais sursalés mais son passage occasionnel suffit à empê- cher le développement d’efflorescences salines. Les marais intermédiaires sont occupés par des étangs temporaires dont le fond est semé de mottureaux, buttes typiques des marais, au sommet desquels se développe la végétation à Lumnitzera près de la zone sursalée, puis à Acrostichum aureum et à Cypéracées vers les régions plus riches en eau douce. Ce milieu très mal drainé passe selon les saisons d’une salinité très forte a une salinité très faible par le jeu de la nappe phréatique. Ces régions arrê- tent la progression de l’érosion régressive par les têtes des chenaux de marée probablement grâce au fait que la sédimentation y est active lors des crues fluviatiles. Au marais de Mara, sur la même côte de Nouvelle Calédonie, mais à l’abri des crues fluviatiles, les chenaux de marée attaquent les marais sursalés (Baltzer, 1965, 1970).

Les marais forestiers dulçaquicoles à MeZaZeuca Zeucadendron (Niaouli) sont occupés par des étangs de forme irrégulière, parfois allongés entre des alignements de rides sédimentaires. Dans ces

Page 77: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Ecologie végbale et sédimentation deltaïque 71

étangs affleure la nappe des alluvions de la rivière, alimentée par les nappes des collines environnan- tes. L’eau y est pratiquement toujours douce et s’écoule très lentement suivant l’axe de la dépression latérale.

CONCLUSION

La répartition des formations végétales réagit directement aux conditions de drainage et de sé- dimentation et la carte (Fig. 30) permet de mettre en évidence ces conditions. Le réseau de chenaux de marée actifs est caractéristique des marais de mangrove. Son degré de maturité (extension, méan- dres, captures et recoupements) permet d’apprécier les âges relatifs des diverses parties des marais. Le réseau de drainage n’atteint pas les marais sursalés, mais cette zone très plane est tout de même bien drainée grâce à sa légère inclinaison, suffisante pour ramener les eaux des marées, des crues et des averses vers la mangrove et son réseau de drainage. La zone des marais intermédiaires subit des variations de salinité et d’humidité considérables au cours du cycle saisonnier, avec aggravation les années à climat exceptionnel. Très salée par la coïncidence de grandes marées avec l’étiage de la nappe d’eau douce, cette zone sera dessalée par la situation inverse. Le drainage y est totalement inorganisé comme dans la zone dulçaquicole à Melaleuca leucadendron. Les correspondances entre la zonation végétale et la qualité du réseau de drainage sont donc très précises. II s’y ajoute des corres- pondances entre la sédimentation et la zonation végétale. Une végétation luxuriante caractérise les zones de sédimentation pélitique abondante, près des baies et des chenaux, alors qu’une végétation pauvre se développe à l’écart du système de drainage. Le phénomène est assez marqué pour être à l’origine d’une zonation horizontale, liée à la richesse du sol en éléments nutritifs, qui se manifeste par le développement relatif des pkintes dans une même zone de la zonation verticale.

MODE D'INTERVENTION DES MAREES SUR LA ZONATION

Les hauteurs caractéristiques atteintes par les marées au cours d’un cycle annuel définissent sur l’estran des intervalles soumis à une immersion qui est biquotidienne sous le niveau des hautes mers de morte eau, bimensuelle sous le niveau des hautes mers de vive eau et semestrielle sous le niveau des hautes mers de grande vive eau (Fig. 32)

La salinité des eaux interstitielbs en dépend. Dans les zones basses de I’estran, ces eaux ont une composition proche de celle de l’eau de mer. Les zones hautes, moins souvent immergées, sont soumises aux agents du climat, précipitations, vents ou insolation. Sous un climat humide, le lessiva- ge des sels a lieu très rapidement, par exemple au Cameroun (Baltzer et Lafond, 1971 ; Baltzer, 1975 ; Bayé et aZ,, 1975). Sous le climat aride de la côte ouest de la Nouvelle Calédonie, I’évapora- tion prédomine et provoque la sursalure de la partie supérieure de I’estran. Dans la partie intermé- dia’ire de I’estran, la stratification des eaux estuariennes (eaux plus chaudes à faible salinité flottant sur eaux marines fraîches) tend à rendre l’eau interstitielle moins salée que dans les zones voisines. La salinité des eaux interstitielles est un facteur de zonation parce que les palétuviers sont plus ou moins tolérants suivant les espèces.

L’engorgement hydrique du sol peut également intervenir sur la zonation. Les zones basses des marais sont les plus fréquemment immergées, mais si le réseau de drainage est important, le sol de la mangrove peut se ressuyer d’une marée à l’autre. Si le réseau est inexistant, à la périphérie d’un marais en cours d’accroissement (rive sud-ouest de la Baie Hoff) l’engorgement hydrique se maintient.

Page 78: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

72 Frédéric BA L TZER

Dans les zones internes, le sol déprimé de certains groupements à Auicennia retient les eaux des pluies et des marées pendant de longs mois et présente un engorgement hydrique important.

Les phénomènes d’érosion et de sédimentation interviennent eux aussi sur la zonation en mo- difiant le niveau du sol, ce qui détermine l’espèce la plus apte B s’y installer compte tenu de I’exis- tente de niveaux préférentiels. La marée est à l’origine de l’essentiel des manifestations de l’érosion et de la sédimentation dans les mangroves par ses courants qui érodent les baies et les chenaux et apportent les troubles soulevés par les vagues ou les courants eux-mêmes dans les zones propices à la sédimentation.

ROLE DE LA PROFONDEUR D’IMMERSION ET DES MAREES DANS LA ZONATION DES

MANGROVES

Les rapports entre la mangrove et le réseau des chenaux de marée mettent en évidence I’inter- vention de la marée dans la zonation bien que la zonation puisse exister en l’absence de marées (Davis, 1940). En l’absence de marée, le facteur de zonation principal semble devoir être la profon- deur de l’eau. En présence de marée, ce facteur subsiste, mais la fréquence du cycle d’immersion - émersion intervient puissamment en réglant la salinité des eaux interstitielles, l’engorgement hydrique du sol et même le développement des plantules. Les marées interviennent aussi par leurs courants qui déterminent les zones d’érosion et de sédimentation associées aux chenaux avec une forte influ- ence sur la zonation verticale et horizontale.

Rôle de la profondeur de l’eau

Les marées ne sont pas indispensables à la zonation des mangroves mais, sans marée, I’exten- sion bathymétrique des mangroves, toutes espèces confondues, est réduite à 0,50 m en Floride (Davis, 1940) contre 1,20 m en Nouvelle Calédonie (marnage 1,70 m). La zonation est marquée dans le milieu sans marée étudié par Davis (1949) où la mangrove pionnière à Rhizophora mangle pousse par profondeur de 0,4 m et la même mangrove à maturité par 0,25 m. Les groupements bien développés à Avicennia nitida sont caractérisés par une profondeur moyenne de O,l5 m et les groupements arbustifs sur sols sursalés ont un sol exonde, la nappe se tenant CI 7,5 cm sous la sur- face. II est clair que cette zonation est régie par la profondeur de la nappe d’eau.

Rôle des marées

Les niveaux de sol préférés des espèces des mangroves coïncident avec des hauteurs caractéris- tiques des marées. Pour Avicennia officinalis, le mode de fréquence correspond à la même altitude que les hautes mers en vive eau : 1,60 m. Le mode de fréquence de l’association à Bruguiera et Rhizophora est à 1,33 m en coïncidence avec le niveau des hautes mers de morte eau (1,30 m). On trouve une coïncidence du même ordre entre le niveau du pré salé à Salicornia (1,68 m) et le ni- veau des hautes mers de grande vive eau (1,72 m). Ces coïncidences, jointes au fait que l’extension bathymétrique des mangroves est la plus forte sur les côtes à marée confirme le rôle déterminant. de ce phénomène dans la zonation. En présence de marées, le rôle de la profondeur d’immersion sur la zonation est maintenu et l’accroissement de l’extension bathymétrique s’explique par le rythme de la succession des immersions et des émersions et par leur durée respective.

PROPRIETJB DES PALfiTUVIERS INTERVENANT SUR LA ZONATION

Les arbres de la mangrove partagent des propriétés qui leur permettent à tous de coloniser la partie supérieure des estrans tropicaux, mais ils les partagent en proportions inégales. Tous sont vivi-

Page 79: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Ecologie végétale et sédimentation deltaïque 73

pares, mais la forme et la longueur des plantules sont variables. Tous résistent au sel et à l’engorgement hydrique du sol et tous vivent sur la vase, mais le degré de ces adaptations varie avec les espèces, de même que varient les exigences en éléments nutritifs. Ce sont ces particularités qui permettent d’ap- préhender les principales causes de la zonation végétale des mangroves et lui confèrent son intérêt pour l’étude sédimentologique et géochimique du milieu.

Morphologie des plantules

Les plantules libérées par les palétuviers développent très rapidement des racines dès qu’elles touchent un sol favorable. Le classement des espèces en fonction de la zone de I’estran favorable à l’installation de leurs plantules est en accord avec la zonation observable sur les estrans abrités. Les plantules en cigare des Rhizophoracées atteignent 0,lO m de long chez Bruguiera eryopetala et 0,25 m chez Rhizophora mucronata. Les plantules sphériques d’Avicennia officinalis ont un diamètre cen- timétrique. La dissémination a lieu par flottage. Les plantules des Rhizophoracées flottent d’abord horizontalement et ce n’est qu’aprés environ deux mois qu’elles flottent verticalement et peuvent prendre racine sous 1 à 2 m d’eau (Banus et Kohlemeinen, 1975). Les plantules de Rhizophoracées échouées peuvent se redresser par traction des racines (Gill et Tomlinson, 1969).

En milieu calme, Rhizophora occupe les zones les plus basses, Bruguiera les zones intermédiai- res et Avicennia les zones supérieures de la partie de l’estran colonisée par les mangroves. Cette dis- position s’explique assez bien par les possibilités d’installation des plantules. Mais des anomalies mon- trent que ce facteur n’est pas seul en cause, II existe un groupement à Rhizophora en position plus haute que la plupart des Bruguiera et un groupement à Bruguiera plus élevé que la plupart des Avi- cennia. Ces localisations s’expliquent par la résistance variable des plantes à la salinité ou leurs exi- gences en éléments nutritifs.

En miZieu agité, l’effet de la longueur des plantules sur la zonation peut être inverse. Les plus grandes sont plus faciles à arracher. En Guyane, les mangroves de front de mer sont caractérisées par Avicennia peut-être en partie pour cette raison (Baltzer et Lafond, 1971). Sur cette côte exposée, les Rhizophora sont exclusivement cantonnés dans les zones calmes des estuaires et des marais plus in- ternes.

Résistance des plantes adultes à l’agitation de l’eau

La résistance des palétuviers à l’agitation de l’eau est variable. Elle dépend du substrat, du mo- de d’ancrage de l’espèce et de son aptitude à reprendre après une sévère érosion. Le genre Rhizopho- ra, par son ancrage superficiel par racines aeriennes multiples résiste remarquablement aux tempêtes occasionnelles, même sur fond vaseux. Sur fond rocheux fissuré, sa résistance est parfois extraordi- naire. Sur fond vaseux, sa résistance à l’érosion continue est faible. Les genres Bruguiera et Auicen- nia, à racines rayonnantes résistent mieux à l’érosion continue. Avicennia est remarquablement adap- té aux variations du niveau du sol induites par les alternances d’érosion et de sédimentation.

Le genre Rhizophora a des racines en échasses très développées. Les racines partant de la ré- gion inférieure du tronc forment des arcs boutants qui s’enfoncent de quelques dizaines de centimè- tres seulement dans la vase et assurent un ancrage solide par leur nombre, chaque racine pouvant émettre un nouvel arc plusieurs fois de suite, Cette disposition est efficace pour résister à une tem- pête occasionnelle, même violente, surtout au niveau de la forêt car l’énergie dissipée par l’eau pour saper le premier rang est considérable et l’intérieur de la forêt reste remarquablement calme. Sur sol fissuré, l’ancrage des Rhizophora semble à toute épreuve. Ceci est en accord avec Egler, 1952 et Chapman, 1976, qui estiment que ce genre est celui qui résiste le mieux à l’érosion. II en va tout autrement dans les situations où l’érosion, même modérée, se poursuit à longueur d’année : le grou-

Page 80: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

74 Frédéric BAL TZER

pement externe à Rhizophora finit alors par disparaître car ce genre, dépourvu de racines profondes, est arraché sans pouvoir reprendre. Les cartes de formations végétales montrent que, dans toutes les situations où des mangroves sur sol meuble sont exposées à l’érosion, le rideau à Rhizophora est in- terrompu (Baltzer, 1969, 1975 et Fig. 30). Sur le chenal de la Dumbéa (carte Fig. 30), le rideau est interrompu chaque fois que la rive est en position externe sur un méandre (rive concave).

Dans le cas de Bruguiera et Avicennia, les racines principales sont souterraines et rayonnantes et le tronc est unique. Sur sol meuble, la résistance est meilleure que celle de Rhizophora, probable- ment parce que, en cas d’érosion, les racines rayonnantes, dont les ramifications s’entrecroisent, sont dégagées et forment alors un filet qui retient le sol. Dans le cas de Bruguieva, ce filet est très puis- sant et compact, renforcé par les pneumatophores. Dans le cas d’dvicennia, ce filet est souple et, sur une rive externe de chenal en cours d’érosion, il peut retarder-efficacement l’érosion en restant ap- pliqué à le surface de la rive érodée. Lorsque des conditions calmes prévalent à nouveau, les pneu- matophores de l’un et l’autre genre favorisent la sédimentation comme ils évitaient l’érosion en frei- nant l’écoulement au contact du sol. Les Avicemia sont tres bien adaptés aux changements de ni- veau du sol consécutifs aux alternances d’érosion et de sédimentation. Lorsque la sédimentation élè- ve le sol, les pneumatophores s’allongent et les racines rayonnantes poussent un peu vers le haut. Dans les cas d’érosion, les mêmes racines s’enfoncent avec une réaction très rapide comme le montre la forme en escalier des racines de certains individus déchaussés par des cycles successifs d’érosion (Baltzer, 1975). Dans les conditions d’érosion très active, Avicenrzia, même complètement couché, peut reprendre racine et développer une nouvelle ramure verticale. L’excellente résistance de ce genre à l’erosion, de l’état embryonnaire à l’état adulte explique bien son implantation en front de mer en Guyane (Baltzer et Lafond, 1971). Augustinus (1978) pense qu’au niveau permettant l’installation des Rhizophora, la vase est si mal consolidée qu’elle se fluidifie en masse au passage des vagues, ce qui interdit la prise des plantules et laisse le champ libre aux Avicennia. II demeure que les Avicen- nia supportent les conditions les plus exposées.

Influence des palétuviers sur la skdimentation et la zonation

Par leurs racines échasses et leurs pneumatophores, les palétuviers agissent sur la sédimentation et donc sur la morphologie des marais (cS; chap. 6). La courbe hypsométrique des marais de la Dum- béa présente deux modes de fréquence très accusés (Fig. 16), ce qui montre l’existence de deux re- plats en marches d’escalier dont les altitudes correspondent exactement avec les altitudes préféren- tielles de deux formations végétales importantes. Le replat inférieur à 1,33 m coïncide avec l’altitude préférentielle du groupement mixte à Rhizophora et Bruguiera. Le replat supérieur, à 1,60 m, coïn- cide avec le groupement à Avicennia. Ces coïncidences semblent devoir s’expliquer par une sédimen- tation préférentielle dans la mangrove par étouffement de l’agitation de l’eau sous l’influence des ra- cines aériennes des palétuviers.

Les racines aériennes des Rhizophora assurent un premier freinage dans les zones externes. Cet étouffement du clapet est efficace non seulement dans la mangrove, mais aussi en avaht de celle-ci par étouffement de tout ressac. En évitant l’érosion correspondante, la mangrove contribue à prépa- rer la région un peu surélevée des bancs sédimentaires sur laquelle elle s’installe (Baltzer, 1975). II est tenu compte de cet effet dans les modèles réduits d’aménagements portuaires pour régions tropi- cales en remplaçant les mangroves par des étouffoirs appropriés (Lafond, Comm. pers.).

Dans la mangrove, l’agitation de l’eau est rapidement freinée et la sédimentation est active dans la mangrove externe à Rhizophora, ce qui se traduit par une accentuation de la pente du sol vers l’eau libre, c’est-à?dire par une forme convexe du profil (Baltzer, 1969), typique des slikkes en milieu de marais maritime sous climat tempéré. Cette accentuation de la pente est interprétée de la même façon par Diemont et van Wijngaarden (1975). Dans les zones moyennes, l’association des racines aé- riennes des Rkizophora avec les pneumatophores en genoux des Bruguiera forme un étouffoir encore

Page 81: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Ecologie végétale et sédimentation deltaique 75

plus efficace pour la mince tranche d’eau qui circule lentement sur le sol de la mangrove au gré des marées. La carte des formations végétales montre que ce groupement mixte est bien placé pour re- cueillir toutes les particules sédimentaires des chenaux et former un replat vaseux. Ce groupement occupe l‘essentiel de l’espace entre les chenaux de drainage et sa limite supérieure, au contact de la zone unispécifique à Rhizophora pénéinterne, marque en général l’amont de ces chenaux. Dans cet environnement, la matière en suspension apportée par le flot à travers les chenaux, si fine soit-elle, est déposée sur les banquettes sédimentaires d’entre-chenaux.

Dans les zones internes, le replat supérieur à 1,60 m coïncide avec le maximum de fréquence des Avicennia et avec le niveau des hautes mers de vive eau, Les pneumatophores d’Avicennia retien- nent les fines de la charge sédimentaire des crues du fleuve jusqu’au niveau maximum d’occupation par ce genre, Cet effet est renforcé par la présence de filaments algaires, d’huîtres, etc. (Baltzer, 1975). La rétention des fines d’origine fluviatile par les pneumatophores d’Avicemia sera confirmée par l’étude granulométrique des sédiments (chap. 6).

Dans le marais sursalé voisin, le sol du pré salé s’élève un peu davantage grâce à Salicornia aus- tralis, mais l’ensemble reste plan jusqu’a l’approche de la levée contiguë au fleuve

En conclusion, les coïncidences très précises entre les modes de fréquence de deux formations végétales et les modes de la courbe hypsométrique, au centimètre près, suggèrent une relation de cause à effet. Du fait que le mode de calcul utilisé pour établir les courbes cumulatives d’occupa- tion des sols élimine l’influence de la fréquence des niveaux eux-mêmes sur la fréquence des plantes, les coïncidences observées sont attribuables à l’influence des palétuviers sur le couple érosion - sédi- mentation. La sédimentation est favorisée d’abord par la présence de Rhizophora puis par celle des palétuviers à tronc unique et pneumatophores, Avicennia et Bruguiera. En Nouvelle Calédonie, les deux maximums de la courbe hypsométrique déterminant deux marches d’escalier sur le terrain indi- quent deux sources distinctes de sédiments. Les sédiments provenant de la mer viennent former la marche inférieure, et ceux qui viennent du fleuve en crue donnent la marche supérieure.

L’influence des palétuviers sur la morphologie du sol a des répercussions directes sur leur zona- tion. Par exemple, dans le cas du rempart qui constitue la périphérie des marais en cours de dévelop- pement, au Cameroun, les Rhizophora de la zone externe favorisent une sédimentation qui exhausse le sol et permettent ainsi l’installation d’une étroite zone à Avicennia, donnant le sommet du rem- part (Baltzer, 1975). La sédimentation sous l’effet d’une première zone végétale aboutit ainsi à la formation d’une autre zone végétale. Dans les marais de Nouvelle Calédonie, les marches d’escalier induites par les palétuviers ont pour principal effet de déterminer la largeur des zones végétales. II se confirme que la présence des palétuviers favorise la sédimentation dans les marais, en liaison avec les marées qui déterminent les sites où leur vie est possible et donc leur zonation.

Réaction physiologique des palétuviers aux conditions de salinité

Les fortes salinités sont défavorables aux palétuviers adultes et inhibent le développement des racines des plantules, donc leur installation. Les faibles salinités ne gênent pratiquement pas leur croissance, mais les mettent en concurrence avec un grand nombre d’espèces, mieux adaptées par ail- leurs. Les études de physiologie végétale fondées sur la mesure des taux de transpiration et de respi- ration montrent que les palétuviers tolèrent la salure des eaux interstitielles des sols au prix d’une dépense d’énergie d’autant plus forte que la salinité est plus grande (Lugo et Snedaker, 1974). L’é- nergie ainsi dépensée n’est plus disponible pour la synthèse de matière organique et ceci explique le’ nanisme des Avicennia de la bordure des prés salés. Les mesures physiologiques sur les divers genres aboutissent à un classement des espèces en fonction de leur tolérance à la salinité qui rejoint le clas- sement que la cartographie des formations végétales permet d’établir.

Les mesures de transpiration sont une indication de l’énergie dépensée pour pallier la sursalure de l’eau du sol parce que le déplacement d’eau correspondant à la transpiration se fait contre le

Page 82: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

76 Frédéric BAL TZER

gradient osmotique (Scholander et al., 1965). L’énergie disponible pour la synthèse organique est d’autant plus grande que la salure de l’eau du sol et la transpiration de la plante restent modérées. La part de l’énergie totale reçue prélevée par la plante pour son entretien est donnée par le bilan sur 24 heures du rapport entre la respiration et la productivité primaire brute. Quand les conditions lui sont favorables, la plante produit beaucoup de matière organique pour un taux de respiration donné et le rapport reste faible. Au contraire, un rapport élevé indique des conditions précaires. Lugo et Snedaker (1975) indiquent que ce rapport augmente avec la salinité chez les palétuviers. La salinité est donc un facteur adverse. L’énergie solaire reçue par chaque arbre étant limitée, il existe pour chaque espèce une salinité limite au-delà de laquelle l’énergie consommée pour survivre excède l’énergie totale reçue. L’espèce est d’abord frappée de nanisme et peut disparaître si la salinité aug- mente encore.

La tolérance à la salinité des différents genres est variable. Carter et al. (cités par Lugo et Snedaker, 1974) ont établi un classement en fonction de la tolérance à des chlorinités s’échelonnant de 0 à 18 g/l. Dans l’intervalle cité, l’augmentation de la chlorinité abaisse la productivité primaire brute de Rhizophora mangle et élève celle d’dvicennia germinans ; cependant la productivité de Rhi- zophora est de l’ordre de quatre fois supérieure à celle d’Avicennia. Ces indications physiologiques concordent très bien avec les enseignements obtenus par la zonation végétale en Nouvelle Calédonie.

Les plantules réagissent également à l’excès de salure. Dans le cas d’Avicennia marina, le départ des plantules est favorisé par une salinité modérée (20 à 60 % de la salinité de l’eau de mer) et in- terdit par une concentration élevée (125 %) (Clarke L.D. et Hannon N.J., 1971).

Exigences des palétuviers en éléments nutritifs

L’origine première des éléments nutritifs utilisés par les mangroves est toujours à rechercher dans les sédiments continentaux, même si ces derniers transitent par un estuaire ou une baie. La mangrove étant un milieu ouvert, la matière organique qu’elle produit est exportee par les marées au point de constituer 40 % des débris en suspension dans certaines eaux estuariennes des Everglades (Heald, 1971). Les éléments nutritifs de cette matière organique sont perdus pour la mangrove qui contribue de cette façon à l’alimentation du milieu fluvio-marin et marin. La mangrove a donc be- soin d’éléments nutritifs nouveaux, faute de quoi son développement est de plus en plus limité par la pauvreté du sol qui s’aggrave avec le temps. Les apports en éléments nutritifs peuvent se faire soit en suspension, soit en solution. Ils compensent partiellement les effets adverses d’une salure excessive lorsqu’ils sont abondants. II semble que le genre Avicennia soit beaucoup plus exigeant que Rhizo- phora sur ce plan et ceci peut aboutir à une zonation par espèces. Mais la zonation par degré de dé- veloppement à l’intérieur d’une meme zone spécifique est la manifestation la plus évidente des effets de la richesse plus ou moins grande du sol en élémentsnutritifs.

L’apport d’éléments nutritifs en suspension est bien visible en bordure de la baie Hoff où les marais récents en cours d’accroissement portent les palétuviers les plus grands et les plus forts. Le long des chenaux, ce sont les rives internes des méandres, siége de la sédimentation la pjus active, qui portent les palétuviers les plus forts.

L’apport d’éléments nutritifs sous forme dissoute explique pourquoi, en l’absence de dépôt sédi- mentaire appréciable, les palétuviers en bordure immédiate d’un chenal rectiligne sont les plus forts (Baltzer, 1975). A Hawaii, Walsh (1967) a montré que la mangrove prélève les éléments nutritifs (azote, phosphore) et l’oxygène en solution de façon totale dans le cours d’une marée. Le prélève- ment met en jeu les phénomènes d’oxydo-réduction, mais aussi le périphyton (algues liées aux raci- nes aériennes), les filets radicellaires, la microflore et la microfaune. Les vases des mangroves ont une haute affinité pour le phosphore, mise en évidence par des taux de fixation très rapides (Hess, 1962 ; Evink et Brinson, 1974). Dans des conditions adverses, taux de salinité excessif, par exemple, un sol riche en élements nutritifs donne une forte productivité aux mangroves en même temps qu’un

Page 83: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Ecologie vdgétale et sédimentation deltaïque 77

taux de transpiration faible confirme que les conditions sont difficiles (Kuenzler, 1968).

Les exigences en éléments nutritifs sont plus grandes chez Avicennia que chez Rhizophora. Le développement normal d’dvicennia nécessite un sol riche. Au Cameroun, ce genre s’installe sur un sol déjà utilisé par une génération de Rhizophora mais ses pneumatophores favorisent une sédimen- tation qui apporte un complément substantiel d’éléments nutritifs (Baltzer, 1975). En Guyane, sa situation pionnière dans une zone de sédimentation intense (Bayé, 1963 ; Lafond, 1967 ; Augusti- nus, 1978) est favorisée par la richesse des apports nutritifs. La même remarque tient pour la Baie de Cairns en Australie (Bird, 1972). En Nouvelle Calédonie, Avicennia officinalis occupe une posi- tion interne dans les marais. Ces rivages étant actuellement soumis à une tendance marine transgres- sive, les Avicennia gagnent sur les marais sursalés à Salicornia dont le sol recouvre un sol ancien à Rhizophora. Les sédiments déposés dans les marais hypersalins permettent à Avicennia de trouver ici encore un sol relativement riche. Sur le delta de la Dumbéa, A. officinalis montre son plus beau dé- veloppement dans la dépression latérale de rive gauche, dans un secteur où les apports sédimentaires des crues sont retenus par la mangrove à Avicennia.

Le genre Rhizophora semble moins exigeant et plus adaptable. Son développement est luxu- riant sur les sols riches où les conditions hydrodynamiques sont convenables. Mais des générations nombreuses de Rhizophora peuvent se succéder au même endroit. Le sol perd progressivement ses éléments minéraux nutritifs et prend l’aspect d’une tourbe par accumulation de la matière organique des racines. Seule, la mangrove grêle à Rhizophora s’y développe.

En conclusion, les exigences en éléments nutritifs, différentes d’un genre à l’autre, aboutissent à une zonation en fonction des quantités de ces éléments qui sont disponibles dans les sols. Cette zonation peut se manifester soit par la répartition des espèces, soit par les différences de stature des palétuviers à l’intérieur d’un groupement, qu’il soit mixte ou unispécifique. Ainsi la richesse du sol est-elle un facteur de zonation et la zonation peut-elle nous renseigner sur le bilan du sol en élé- ments minéraux.

Résistance des palétuviers à l’engorgement hydrique et I’anoxie

L’engorgement hydrique du sol peut également être un facteur de zonation car les divers palé- tuviers et leurs plantules n’y sont pas adaptés de la même façon. Pour vivre sur des sols gorgés d’eau et anoxiques, les palétuviers présentent tous des racines aériennes dotées d’ostioles aérifères, mais la tolérance de Rhizophora est supérieure à celle d’Avicennia et de Bruguiera. En Guyane (Boyé, 1963; Pons, 1975), on a observé l’asphyxie de mangroves à Avicennia par la permanence d’une nappe d’eau noyant complètement les pneumatophores pendant plusieurs mois. Un certain drainage après les im- mersions est donc indispensable à Avicennia. Par contre, chez Rhizophora, les ostioles aérifères, ré- partis sur des racines aériennes beaucoup plus hautes, permettent sa survie dans des conditions d’im- mersion plus profonde et prolongée.

Même à l’état de plantule, Avicennia prend plus difficilement racine sur un sol gorgé d’eau que sur un sol ressuyé, mais la plante ayant pris racine peut très vite perdre sa dépendance à l’égard de ce facteur (Clarke L.D. et Hannon N.J., 1969).

Nous trouvons ici de nouvelles raisons qui font d’dvicennia une plante mieux adaptée à des marais suffisamment drainés et de Rhizophora une plante de sols plus bas, gorgés d’eau et anoxiques.

Page 84: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

78 Frédéric BAL TZER

CONCLUSION : LE§ ENSEIGNEMENTS GEODYNAMIQUES ET GEOCHIMIQUES DE LA ZONATION

Un bilan par espèce des facteurs de zonation propres aux palétuviers montre que chacune est adaptée à la zone où on la trouve par de nombreux facteurs. La connaissance de ces facteurs permet d’interpréter la carte de répartition des formations végétales et d’en déduire de nombreux renseigne- ments comme les âges relatifs des diverses parties des marais, leur niveau topographique, la salinité des eaux du sol, l’abondance des apports sédimentaires ou l’intensité des phénomènes d’érosion.

Le genre le mieux adapté à l’immersion, Rhizophora, est en même temps le mieux adapté au sol gorgé d’eau. Ses plantules sont aptes à s’installer en présence des nappes d’eau les plus épaisses. Ce genre peut résister sans en souffrir à I’anoxie et à de fortes teneurs en sulfures. Son optimum de salinité est de l’ordre de 10 à 12 g/l mais il peut prospérer avec une salinité voisine de celle de l’eau de mer, surtout si le sol est riche. En milieu plus salé, il souffre, surtout si les éléments nutritifs font défaut, Ce genre joue volontiers le rôle de pionnier sur les nouveaux atterrissements où le mi- lieu est assez calme pour permettre la prise des plantules et la croissance des arbres. Les groupements à Rhizophora répartis par classes d’âge en bandes parallèles à la côte, les plus jeunes près de l’eau, soulignent les zones de sédimentation active. En cas de tempête occasionnelle, l’intérieur de la man- grove à Rhizophora est remarquablement calme (Baltzer, 1969 ; Tebeau, 1968).

Le genre Bruguiera présente des caractères communs avec Rhizophora mais aussi des différences importantes. Les plantules sont plus courtes chez Bruguiera, ce qui ne leur permet d’atteindre le sol que sous une tranche d’eau d’un décimètre au. maximum. La plante ne supporte pas les sursalures et est associée aux zones les moins salées des mangroves. Sa localisation dans les marais intermédiaires et dans les marais fluvio-marins à Vamont de l’arrière-mangrove confirme ces préférences. La morpho- logie de la plante adulte lui donne une bonne résistance aux courants de l’estuaire et des chenaux associés.

Le genre Avicennia est adapté à la situation la plus haute des marais des dépressions latérales. Ses plantules en billes peuvent atteindre la partie supérieure des bancs sédimentaires et y prendre ra- cine. Ce genre est le mieux adapté aux fortes salinités, ce qui lui permet de vivre aux confins des marais hypersalins au prix d’une consommation d’énergie qui reste compatible avec une certaine croissance. Les plantules s’installent difficilement sur un sol gorgé d’eau, mais dès que I’enrichisse- ment est commencé, cet engorgement n’est plus une gêne, La résistance des Avicennia à l’agitation de l’eau est bonne, aussi bien à l’état de plantule que de plante adulte. Par ailleurs, leur faculté de s’adapter à des sols relativement elevés et de filtrer l’eau par leurs pneumatophores leur permettent de jouer un rôle géologique en provoquant une surélévation du sol par sédimentation. Sous I’influen- ce de la forte évaporation qui règne sur la côte ouest de Nouvelle Calédonie, la salure du sol devient excessive dès que le niveau des hautes mers de grande vive eau est atteint, Les Avicennia ne dépas- sent pas le stade arbustif, puis cèdent la place à Salicornia.

Ainsi, la zonation des palétuviers en espèces différentes suivant les niveaux topographiques de I’estran dépend manifestement de facteurs liés à la hauteur de l’eau, donc à la marée. L’influence du régime des marées est directe sur l’installation des plantules et la vie des plantes adultes dans des conditions convenables d’immersion. L’influence de la marée est indirecte, mais aussi stricte, dans la définition du temps écoulé entre deux immersions successives et donc dans la détermination de la sa- linité des eaux interstitielles. 0n observe aussi une zonation horizontale vraie, fonction de I’éloigne- ment des sources de produits nutritifs. Dans la dépression de rive droite du delta de la Dumbéa, la zone la plus éloignée des apports de sédiments nouveaux est la zone pénéinterne à Rhizophora et il semble que la pauvreté de son sol ait une responsabilité aussi grande que l’excès de salure dans la

Page 85: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Ecologie végbale et sédimentation deltaïque 79

petitesse de ses arbres. Inversement, en présence de sédiments frais et d’eau estuarienne nouvelle (n’ayant pas traversé de mangrove), les palétuviers sont comparativement très développés. Cela est vrai aussi bien pour les mangroves des baies et des chenaux que pour celles qui occupent les rives du chenal principal.

La zonation des palétuviers dépend de facteurs complexes dont l’action combinée est visible sur la carte des formations végétales. Par sa situation, son sol, son degré de développement et ses rapports avec les autres, chaque espèce nous permet de coter le niveau topographique qu’elle occupe, évaluer la fréquence des incursions marines et apprécier l’intervention d’eaux douces souterraines ou météoriques. On peut apprécier également la concentration des eaux par évaporation, les apports en éléments nutritifs et enfin les conditions de sédimentation ou d’érosion dans les marais. La richesse de ces informations et leur importance pour la compréhension des phénomènes sédimentologiques justifient, semble-t-il, cette incursion dans le domaine de l’écologie végétale.

Page 86: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

81

Chapitre V

Dynamique de la sédimentation Observation directe

Les crues cycloniques tropicales sont de courte durée, mais la dépense énergétique est énorme et elles marquent plus profondément les paysages et les sédiments deltaïques que le reste du temps. En Nouvelle Calédonie, les cyclones tropicaux correspondent à de fortes dépressions (965 mb en 1968) accompagnées de vents de tempête (100 à 150 km/h) et surtout de précipitations diluviennes : 350 à 900 mm en 48 heures sur le bassin versant péridotitique de la Dumbéa et un peu plus de 200 mm sur la plaine alluviale (Cyclone Brenda, janvier 1968). Le cours d’eau étant très court et son bassin versant montagneux, le niveau des eaux s’est élevé très vite et le débit instantané a dépas- sé 600 à 800 m3/s pendant 20 h et même temporairement 1 000 m3/s alors que le module interan- nuel n’est que de 4 m3/s (Baltzer et Trescases, 1971). Dans ces conditions, la puissance développée est considérable, même au niveau de la plaine alluviale.

Pour montrer les effets et le mode d’action d’une telle crue, nous en étudierons successivement les aspects hydrodynamiques (direction des courants, répartition des masses d’eau) et énergétiques (puissance développée sur le lit et les dépressions latérales). Puis nous étudierons les modalités de l’érosion, du transport et de la sédimentation résultant de cette crue bien individualisée, notamment sous l’aspect quantitatif. Nous en déduirons l’incidence des crues cycloniques sur le devenir des parti- cules sédimentaires entraînées par le flot et les mécanismes de construction du delta.

Page 87: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

82 Frédéric BAL TZER

LA CRUE CYCLONIQUE DE JANVIER 1968 (<< BRENDA »)

HYDRODYNAMIQUE DE LA CRUE

Pendant le cyclone de janvier 1968, la plus grande partie de la plaine alluviale et du delta a été inondée. L’eau s’accumulait en amont des rampes d’accès au pont de la RT 1 qui formaient barrage, puis franchissait le défilé qui sépare la plaine alluviale du delta.

Les directions des courants de crue

L’aspect le plus frappant des crues cycloniques est la violence des courants. J’ai pu relever leurs orientations à la boussole après le retrait des eaux, d’après des indicateurs variés : dunes de sable, débris végétaux, arbres flottés, etc. Les directions des filets de courant, réunies sur une carte (Fig. 34) donnent une image cohérente de la circulation des eaux dont les rapports avec la morpho- logie du lit méritent d’être étudiés.

La répartition des filets d’eau est commandée à la fois par la forme du lit mineur et celle du lit majeur. Au début, le lit mineur canalise toute la crue, les filets d’eau restant parallèles à ses rives. Après débordement, le lit mineur continue d’assurer l’écoulement d’une grande partie de l’eau et de- meure la partie la plus profonde et dégagée du lit majeur, au courant le plus rapide. Au fond du lit mineur, l’eau poursuit son itinéraire habituel ainsi que le prouvent des traces de courant particulière- ment violent observées à ce niveau, près des rives des méandres. Leur direction est en accord avec l’orientation du lit mineur mais non avec celle du lit majeur. Ceci n’empêche pas qu’au plus fort de la crue, l’eau débordante tende à court-circuiter les meandres du lit mineur, la direction des filets superficiels étant alors déterminée par la morphologie du lit majeur.

Sur le lit majeur, les filets d’eau accusent les caractères généraux de la morphologie du thalweg, suivant que ce dernier se rétrécit, est rectiligne ou tend à s’élargir, L’entrée du defilé entre la plaine alluviale et le delta est marquée par un rétrécissement du lit majeur qui, au point le plus resserré est près de se confondre avec le lit mineur. Pendant les crues, les courants convergent vers cette entree du defilé, ce qui s’accompagne d’un puissant effet d’érosion et de transport des sédiments grossiers. Plus loin, dans le défilé, les eaux étroitement canalisées par le lit majeur présentent toutes les mêmes directions de courant et l’érosion et le transport de particules grossières sont encore importants. En aval du défilé, les directions de courant s’ouvrent en éventail comme pour occuper toute la surface du delta. Toutefois, les filets d’eau les plus importants continuent tout droit leur course au sortir du défilé et viennent déborder sans suivre le méandre du lit mineur qui entaille la plaine Adam, avant d’être canalisés par la rive gauche du lit majeur (Fig. 34). L’ouverture en éventail des filets d’eau dans la partie amont de la plaine Adam et du delta s’accompagne d’une diminution de vitesse entraî- nant un abondant dépôt de particules fines sur cette plaine et sur tout le delta.

LA RÉPARTITION DES MASSES D’EAU DES CRUE§ ET L’ÉNERGIE DÉPENSÉE

La forme en coulée de bougie de la crue à sa phase maximale peut être représentée par la carte des lignes équipotentielles, c’est-à-dire des lignes d’égale altitude de la surface de l’eau. Les hauteurs d’inondation, mesurées sur le terrain après la crue à partir de traces diverses et de témoi- gnages soigneusement contrôlés, ont pu être rapportées au nivellement général et transcrites en hydro- isohypses espacées de 0,25 m. La carte obtenue (Fig. 35) représente le niveau maximum de l’eau en chaque point, maximum atteint à peu près partout au même moment, en raison de la faible étendue du delta. Les directions des courants sont toujours perpendiculaires aux courbes hydroisohypses

Page 88: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Dynamique de la sédimentation. Observation directe 83

FIG. 34 : DIRECTION DES COURANTS SUR LA PLAINE DELTAI’QUE ET LES DÉPRESSIONS LATÉRAL PENDANT LA CRUE CYCLONIQUE DU 18 JANVIER 1968

-ES

FIG. 36 :CARTE DE RÉPARTITION DES HAUTEURS D’EAU - LIGNES ÉQUIP~TENTIELLES. PENDANT LA CRUE CYCLONIQUE DU 18 JANVIER 1968

Page 89: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

84 Frédéric BAL TZER

(comparer les figures 34 et 35), sauf dans les petites baies latérales du lit majeur. Ceci est en accord avec le principe suivant lequel les filets d’eau suivent la ligne de plus grande pente de la surface Ii- quide et démontre que les orientations de courant, les cotes de la surface de l’eau et le tracé des équipotentielles forment un tout cohérent dont les éléments se vérifient mutuellement. La forme très classique de la nappe d’eau fluviatile, dont la partie centrale est plus élevée que les bords (Léopold et aZ., 1964) donne une vérification supplémentaire.

L’énergie mise en jeu par un fleuve pour circuler, éroder son lit et transporter sa charge sédi- mentaire est proportionnelle 2 la pente de la surface de l’eau. La carte des hydroisohypses permet de calculer cette pente en tout point et de calculer également la puissance mise en jeu par le fleuve. La pente de la surface de l’eau, le gradient hydraulique i, est le rapport de la différence d’altitude entre deux points de la surface de l’eau (hi - h2) à la distance réelle les séparant, I :

Pour de faibles pentes, la distance entre les deux points mesurée sur la carte est assimilable à 1. L’équidistante entre hydroisohypses étant constante, leur écartement sur la carte est inversement proportionnel à i, donc à l’énergie dépensée. La disposition des hydroisohypses montre que l’énergie dépensée par le fleuve est très grande à l’entrée du défilé, modérée à travers celui-ci et à travers la plaine Adam, et de nouveau élevée à travers les marais de mangrove qui précèdent l’embouchure. De meme que dans un aquifère le resserrement des isopièzes traduit une diminution de la transmissivité (produit de la perméabilité par la surface de section), le resserrement des hydroisohypses traduit un freinage du fleuve en crue. Le freinage s’explique par le rétrécissement à l’amont du défilé et par la végétation des dépressions latérales, notamment les mangroves, vers l’aval.

A I’entree du défilé, le gradient mesuré est le plus fort : 6 %O (baisse du niveau de l’eau de 6,7 à 4,5 m en 350 m). II s’abaisse à 0,8 %O B l’intérieur du défilé et atteint sa valeur minimale 0,5 %J au débouché sur la plaine Adam. Cette eau qui s’bcoule rapidement tend à ne pas remplir complètement les petites baies latérales, au débouché des affluents temporaires, de sorte que le niveau de la surface liquide y reste bien inférieur au niveau de la surface de l’axe principal d’écoulement. Par exemple, à l’amont du défilé, la surface de l’eau était à 3,75 m dans la baie latérale de rive droi- te contre 5 m au centre du fleuve et, plus en aval, elle était à 3,20 m dans la petite baie de rive gauche contre 4 m dans l’axe principal. Les êquipotentielles, tangentes au rivage vers l’amont, dessi- nent la forme en coulée de bougie de la nappe d’eau. Cela vient de ce que la pente de la surface de l’eau, sur une parallèle à la rive, est plus forte au voisinage de celle-ci parce que la faible profondeur augmente la rugosité apparente (Fig. 35). Le freinage produit donc un resserrement des hydroisohyp- ses au voisinage des rives comme il en produit un dans les régions resserrées de l’ensemble du lit ma- jeur.

Au debouché sur la plaine Adam, la forme des équipotentielles montre la façon dont le cou- rant d’eau est guidé par le lit majeur. L’eau tend à se précipiter en ligne droite en gai-dant I’orienta- tion donnée par le défilé, elle s’accumule contre la rive du lit majeur et, de 19, repart dans une nou- velle direction. La courbe 3,75 m suggère la nouvelle direction, confirmée par la courbe 3,25 m (Fig. 35). Ces mécanismes sont l’effet de l’énergie cinétique de l’eau qui s’êcoule rapidement dans le défilé en consommant peu d’énergie comme le montre le faible gradient hydraulique et l’absence d’obstacles dans cette partie du cours du fleuve.

Plus en aval, après le coude de la Plaine Adam, le gradient longitudinal au-dessus du lit mineur dans son parcours est - ouest remonte à 1 %o, le double de ce qu’il était sur la Plaine Adam : l’eau n’a plus son énergie cinétique acquise à l’entrée du défilé. Au-dessus des dépressions latérales, il se produit une augmentation brutale du gradient hydraulique qui atteint 5 %O (baisse 0,75 m en 150 m) soit presque la valeur maximale - 6 %O - observée à l’entrée du défilé. La végêtation des dépressions

Page 90: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Dynamique de la sédimentation. Observation directe 85

latérales, mangroves ou marais à Cypêracées et des levées à hautes herbes du genre Imperafa, est l’agent du freinage responsable de cette forte augmentation du gradient hydraulique. Le gradient hy- draulique est en effet dix fois plus grand dans les dépressions latérales à végétation touffue que sur la prairie rase de la plaine Adam, pour une hauteur d’eau comparable. Ce freinage généralisé a des conséquences sur la disposition des hydroisohypses qui rejoignent le rivage perpendiculairement au lieu d’avoir une branche amont qui vienne le tangenter. II n’y a plus d’effet cinétique de l’eau, les équipotentielles rejoignent la rive à angle droit, le freinage étant équivalent partout, que ce soit dans la mangrove, les marais hypersalins,.les marais intermédiaires ou sur les levées.

En conclusion, les cartes mettent en évidence des comportements très différents de la nappe d’eau suivant qu’elle est libre ou freinée par la végétation. Lorsque l’eau est libre, la situation diffère suivant que les filets d’eau sont convergents, parallèles ou divergents, ce qui dépend des contours du lit majeur. Aux points de rétrécissement du lit, le resserrement des filets d’eau est lié à un fort gra- dient hydraulique qui, le lit étant dégagé par ailleurs, permet à l’eau d’acquérir une réserve considé- rable d’énergie cinétique. La profondeur et le profil transversal constants du bief correspondant au franchissement du défilé se traduisent par un espacement régulier des équipotentielles, donc par un gradient hydraulique constant et par ailleurs faible en raison de la profondeur. L élargissement du lit majeur s’accompagne d’un écartement des êquipotentielles, c’est-à-dire d’une baisse du gradient hy- draulique. Les lignes de courant divergent et l’énergie mise en jeu par le fleuve est minimale. Comme la pente de la surface de l’eau correspond à l’énergie gravifique transformée en énergie cinétique ou en chaleur, suivant la profondeur et la rugosité du lit, les zones à fort gradient hydraulique sont des zones de forte érosion chaque fois que le lit est formé de matêriaux suffisamment meubles. Au con- traire, les zones de divergence à faible gradient sont normalement le siège d’une sédimentation fine.

Le freinage de l’eau par la végétation des dépressions latérales augmente le gradient hydraulique, ce qui rend compte de la consommation supplémentaire d’énergie nécessaire au franchissement de ce filtre, à vitesse pourtant réduite. Les conditions sont optimales pour la sédimentation des fines. Ceci montre le rôle important de la végétation pour favoriser la sédimentation dans ces zones, rôle qui peut cependant cesser dans les zones exposées aux courants violents. C’est donc lorsque les condi- tions hydrodynamiques sont déjà favorables à une certaine sédimentation que la végétation s’installe et accélère considérablement cette tendance.

ÉvALuATi0N OUANTITATIVE DE LA PUISSANCE DU COUR~ D’EAU EN CRUE

Les paramètres relatifs à la puissance érosive d’un cours d’eau sont la vitesse moyenne du cou- rant, la force d’entraînement au niveau du lit et la puissance déployée par unité de surface. Ils ont été beaucoup étudiés dans leurs rapports avec l’érosion et les transports sédimentaires en raison de leur importance en hydraulique appliquée, ce qui donne de nombreux termes de comparaison. Le calcul de ces paramètres peut être abordé dans le cas de la crue du cyclone de janvier 1968 puisque nous connaissons le débit maximal, la forme du lit et celle des êquipotentielles qui nous donnent en tout point une évaluation de l’énergie dépensée par l’eau. Un des résultats essentiels de cette étude sera de montrer que c’est grâce a l’abondante végétation des dépressions latérales que des particules argileuses peuvent s’y déposer pendant les crues cycloniques dont la puissance permettrait, en I’absen- ce de végétation, la mise en place de sables et de graviers.

La force d’entraînement (shear stress) est l’effort de traction exercé sur le fond (ou toute surface immobile par rapport à lui) par le liquide dans le sens du déplacement. La force d’entraîne- ment 7 est proportionnelle à la masse volumique de l’eau 7, au rayon hydraulique Rh (rapport de la surface mouillée au périmètre mouillé ayant la signification d’un coefficient de rugosité) et au gra- dient hydraulique i (pente de la surface de l’eau dans la direction d’écoulement).

Page 91: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

86 Frédéric BAL TZER

Cette force d’entraînement r peut se mesurer par la force qu’exerce le courant sur une plaque parallèle à la direction de l’écoulement. Elle donne une évaluation de l’aptitude du courant à entraî- ner des particules d’une dimension donnée. Pour un diamètre donnê, il existe une force d’entraîne- ment critique correspondant au dêbut de l’entraînement, qui dépend de la turbidité des eaux. Pour des diamètres médians allant de 0,l à 100 mm, les forces d’entraînement critiques (rcr en g/cm2) compilées par Lane (1953 in Gi=af, 1971, p. 95) montrent que les eaux chargêes de troubles ont une efficacité moindre et ne peuvent entraîner que des sédiments de diamètre médian plus petit, à force d’entraînement égale. La différence, considérable pour les petites forces d’entraînement, va en diminuant pour les plus fortes.

La vitesse moyenne du courant peut être calculée à partir du débit maximum de la crue (1000 m3/s) mesurê par les Hydrologues du Centre O.R.S.T.O.M. de Nouméa.

La puissance P du courant, exprimée en ergs/cm2/s (Allen, 1971), représente l’énergie dépensée par un cours d’eau au niveau du fond pendant l’unité de temps. Elle est proportionnelle à la force d’entraînement 7 et à la vitesse moyenne du courant u : P = 7 u. Simons et al. (1965), cités par Allen (1971) ont mis en Evidence une relation empirique entre la puissance du cours d’eau et les structures sédimentaires du fond qui permet de prédire la disposition du fond en fonction de para- mètres physiques simples.

Résultats

Les résultats font apparaître des niveaux d’énergie très élevés. Au plus fort de la crue de jan- vier 1968, les forces d’entraînement dans le chenal fluvio-marin étaient compatibles avec le transport de sédiments de 25 à 50 mm de diamètre médian et de tels transports ont effectivement eu lieu ; sur la plaine alluviale et la plaine deltaÏque, la dépense énergétique était d’un ordre de grandeur comparable, mais elle a été dépensée en brassage de la végétation, ce qui a permis une sédimenta- tion étonnante par sa finesse (tableau 9).

Le long du défilé, le lit majeur est réduit à 350 m de large et le lit mineur en occupe la qua- si totalité. A partir des hydroisohypses de la crue, on peut calculer la section mouillée (840 m*) et la profondeur moyenne (2,60 m) ce qui donne un courant moyen de 1,2 m/s pour un débit de 1000 m3/s. Dans ces conditions, la force d’entraînement moyenne sur le fond du chenal et la petite plaine alluviale atteignait 2,1.103 g/m2, et pouvait donc mettre en mouvement un sédiment de 25 à 35 mm de diamètre médian si l’on se réfère à Lane (1953). Cette valeur n’est qu’une moyenne et la force d’entraînement locale était plus faible sur la plaine alluviale et plus forte sur le lit mineur. Si on admet pour ce dernier une profondeur moyenne de 4 m et une vitesse moyenne de 1,2 m/s, ce qui constitue un minimum, la force d’entraînement y était de 3,2.103 g/m2. La puissance du courant atteignait 2,9.104 ergs/cm2/s pour la moyenne de la section et 3,8.10’ ergs/cm2/s au minimum pour le chenal. Ces valeurs très élevées dépassent les puissances compatibles avec la formation de lits plans, la structure sédimentaire correspondant aux plus fortes énergies pour des grains jusqu’à 1 mm de dia- mètre (J.R.L. Allen, 1971).

Au niveau du delta, la section mouillée mesurée B partir des hydroisohypses entre le marais de Nakutakoin et la plaine Adam est de 2200 m2 dont 500 correspondent au chenal et 1 700 aux dé- pressions latérales. Compte tenu de la section mouillée totale et du débit, la vitesse moyenne d’écou- lement au paroxysme de la crue s’établit à 0,46 m/s. La forme du chenal, sa profondeur et la pente de la surface de l’eau ne changeant guère en passant du défilé à cette section du delta, on peut ad- mettre que la vitesse moyenne du courant 1,2 m/s est é alement conservée. Dans ces conditions, on peut estimer à 600 m3/s le débit du chenal et à 100 ‘5 m /s le débit des dépressions latérales, ce qui montre que la vitesse du courant y était voisine de 0,24 m/s. La pente de la surface de l’eau, mesu-

Page 92: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Dynamique de la sédimentation. Observation directe 87

Emplacement de la section

Surface en m2

Débit en m3/s

Gradient hydraulique

Vitesse en m/ s moyenne

Profondeur en moyenne m

Force d’entraînement 7 en g/m2

Niveau défilé P. Adam P. Adam P. Adam Nak. Nakutakoin Nakutakoin dépressions

totale chenal totale chenal latérales ~ ~

840 - 2 200 500 1700

1000 - 1 000 600 400

8.1 O-4 8.1d4 1,9.10-3 1,0.10-3 2,O.l o-3

12 0,46 12 0,24

2,6 4,O 185 4,O 12

2,1.103 3,2.103 2,9.1 o3 4,0.103 2,4.1 O3

Force d’entraînement 2.04.102 3,14.102 2,8.102 3,9.102 2,4.102

en dynes/ cm2

Diamètre des particules pour lesquelles ces forces d’entraî- 25à35mm - 24à32mm 50à 70mm 24à32mm

nement sont critiques

Puissance en ergs/cm2/s 2,9.104 3,8.104 1,3.104 4,7.104 5,6.1 O3

Tableau 9. - Paramètres hydrauliques de la Dumbéa au niveau du delta pendant la crue cyclonique du 18 janvier 1968.

rée sur la carte des hydroisohypses était de l’ordre de 1 %O sur le chenal et de 2 %O sur les dépres- sions latérales, la valeur moyenne pondérée en fonction des longueurs respectives êtant de 1,9 %o.

La force d’entraînement moyenne au niveau du delta résultant de ces mesures, 2,9.103 g/m2, est légèrement supérieure à celle qui a été calculée au franchissement du défilé. Cette grande force d’entraînement, théoriquement critique pour des particules de 30 à 40 mm de diamètre (Lane, in Graf, 1971), s’est appliquée dans le chenal seulement au déplacement de sédiments meubles. C’est donc la force d’entraînement dans le chenal seul que nous devons considérer : 4,1.103 g/m2. Elle est critique pour des galets de 40 à 50 mm de diamètre médian. Sur les dépressions latérales, la for- ce d’entraînement était de 2,4.103 g/m2, critique pour des sédiments de diamètre médian de 25 à 35 mm. On ne trouve pas de sédiments aussi grossiers sur les dépressions latérales et ces forces d’en- traînement exercent leur pouvoir érosif aux dépens de formations argileuses (érosion du fond des ri- goles des marais intermédiaires de Nakutakoin). Mais le plus souvent, l’énergie a été dépensée à bras- ser sur place la végétation des levées et des marais.

La puissance mise en jeu par unité de surface sur le delta est inférieure à la puissance mise en jeu le long du défilé : 1,3.104 ergs/cm2/s contre 2,9. La puissance dans les dépressions latérales est dix fois plus faible que dans le chenal : 5,6.103 ergs/cm2/s contre 4,7.104. Malgré cette différence, la puissance sur les dépressions latérales est considérable, capable de former des dunes avec des sables de 0,5 mm de diamètre, une puissance plus élevée aurait pu donner des antidunes. En fait, I’abon- dante végétation a freiné l’eau qui a dépensé une énergie considérable pour franchir cet obstacle. Cette énergie n’était plus disponible ni pour l’érosion, ni pour la mise en mouvement de particules grossières ni pour le déplacement de structures sédimentaires. Au contraire, la végétation a favorisé le dépôt de sédiments très fins en créant des zones de très faible énergie entre les plantes.

Page 93: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Frédéric BAL TZER

Cette étude met donc en relief de façon quantitative le rôle de la végétation qui crée des con- ditions propices à la sédimentation des fines dans un milieu où la dépense totale d’énergie est relati- vement élevée. Les palétuviers et les autres plantes des dépressions latérales retiennent des sables très fins, des limons et même des argiles dans des conditions de dépense énergétique très forte qui, en l’absence de végétation seraient presque trop fortes pour le dépôt de dunes de sable. Ceci démontre que la végétation abaisse de plusieurs ordres de grandeur le seuil de puissance à partir duquel un courant peut déposer sa charge fine.

LES CONSEQUENCES Gl?OLOGIQUES DES CRUES CYCLONIQUES

Les phénomènes d’érosion, de transport et de sédimentation consécutifs aux crues cycloniques, très supérieurs à leurs homologues se produisant en temps ordinaire, confèrent au delta sa morpholo- gie. Ces trois mécanismes fonctionnent simultanément sur la plus grande partie de la plaine alluviale et du delta : nous le montrerons par l’examen des traces d’érosion et des dépôts sédimentaires eux- mêmes ainsi que par le bilan comparatif du débit solide à I’apex du delta et du matériel déposé. Les chiffres imposent l’idée d’échanges incessants entre le delta et le fleuve qui reprend à chaque instant, ici ou là, une charge équivalente à celle qui vient d’être déposée.

LES PHÉNOMÈNES D’ÉROSION se limitent au lit mineur tant que le fleuve n’a pas débordé ;après débordement, ils s’accentuent sur le lit mineur et s’attaquent également à certaines parties exposées du lit majeur. Ce sont les rives externes des méandres du lit mineur comme du lit majeur et les zo- nes de rétrécissement du lit majeur qui subissent l’essentiel de l’érosion.

Suivant le schéma classique, les rives externes des méandres s’érodent parce que l’eau s’y accu- mule et que son niveau monte sous l’effet de l’énergie cinétique et de la force centrifuge résultant du mouvement circulaire. II se forme un courant rapide par lequel l’eau s’enfonce vers le bas puis vers le centre du cours d’eau en érodant la rive externe et transportant les produits libérés vers la rive interne. Ce courant transversal se compose avec l’écoulement général pour donner une circulation hélicoïdale (Graf, 1971 ; Allen, 1971). Les sédiments déposés sur la rive interne par ce courant pré- sentent un granoclassement lié au fait que la force d’entraînement T est directement proportionnelle au rayon hydraulique Rh et donc à la profondeur 7 = y Rh i (cf. plus haut, et Allen, 1971). A l’a- mont de la plaine alluviale de la Dumbéa, les rives internes des méandres sont formées de galets re- couverts de sédiments de finesse croissante. Sur le delta, au niveau du coude de la Plaine Adam par exemple, la rive interne est constituée d’une série de crachons de sable grossier couverts de sable fin et de limons. La crue cyclonique de janvier 1968 m’a permis d’observer sur le vif des phénomènes d’érosion très importants qui se modifient quelque peu avant et après débordement.

Avant débordement, l’érosion fonctionne bien suivant le schéma classique qui vient d’être décrit si ce n’est que le courant transportant des galets le long de la rive externe limoneuse produit une excavation sous la berge. Si la crue cesse à ce moment, on retrouve un placage de galets le long de celle-ci. Si la crue se prolonge, le surplomb finit par s’effondrer lorsque l’excavation est suffisante et les limons et sables fins de la berge se mélangent aux galets du lit mineur en un sédiment très hétérométrique dont l’existence est provisoire car il est très exposé à l’érosion. Parfois, I’effondre- ment d’un surplomb de berge est si important que le courant en est modifié, Une nouvelle circula- tion de galets attaque le talus d’effondrement et, si le courant cesse à ce moment, on retrouve un placage de galets contre le talus lui-même.

Page 94: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Dynamique de la sédimentation. Observation directe 89

Après débordement, l’érosion du lit mineur et de ses rives se renforce et l’érosion du lit majeur devient possible. Les méandres restent le siége des phénomènes d’érosion les plus importants, mais le schéma classique n’est plus intégralement respecté. Les fortes crues augmentent la profondeur de l’eau, donc le rayon hydraulique, et la force d’entraînement qui lui est proportionnelle est aug- mentée de surcroît par l’augmentation du gradient hydraulique. II en résulte la formation de mouilles profondes entre les seuils (cf. profil en long du cours inférieur, Fig. 37). Les courants de déborde- ment les plus précoces et les plus rapides prennent naissance sur les rives externes des méandres, à l’entrée de la concavité, ceci pour deux raisons. En premier lieu parce qu’en toute saison, l’érosion sapant la base des rives et des levées fait effondrer la partie la plus élevée de ces dernières et abaisse en cet endroit le niveau de ces digues naturelles. En second lieu, parce que l’eau lancée dans le bief rectiligne vers l’entrée d’un méandre tend à s’accumuler sur la rive externe précisément à l’endroit où elle est déjà un peu plus basse. Notre étude de la crue de janvier 1968 permet de préciser les conséquences géologiques de ce mécanisme,

Les courants de débordement provoquent un type d’érosion des rives externes des méan- dres, non prévu par le schéma classique, par lequel la partie supérieure de la rive est déblayée et, dans les cas extrêmes, la partie inférieure, les produits arrachés étant redéposés sur la plaine allu- viale. La modification par rapport au schéma classique vient du fait que la surélévation de l’eau se précipitant sur la rive externe aboutit à favoriser le débordement beaucoup plus qu’à promouvoir la composante transversale du mouvement hélicoïdal. Cependant, les conditions d’établissement d’un courant de haut en bas devant la rive externe étant toujours réunies, il est certain que cette compo- sante existe toujours. On doit donc distinguer deux comportements différents de l’eau au contact de la rive externe. A l’entrée du méandre après un bief rectiligne, l’eau se précipite sur la rive externe sans prendre le virage. Un peu plus en aval, la mise en virage effectuée, le mouvement hélicoÏdaI s’instaure. La carte des directions de courant montre bien que les filets d’eau ne prennent une direc- tion de départ tangente à la rive externe qu’à partir de l’endroit où celle-ci cesse d’être dans le pro- longement du bief rectiligne.

L’importance du courant de débordement sur rive externe de méandres et son effet érosif se- ront montrés par deux exemples, dont le premier se situe sur le delta sur la rive externe du coude par lequel la Dumbéa mord sur la plaine Adam. Les cartes de répartition des équipotentielles et des courants pendant la crue de janvier 1968 montrent la direction et l’importance du courant de débor- dement prolongeant le bief rectiligne. L’existence d’un courant de bas en haut remontant la paroi de la berge est prouvée par l’accumulation de petites dunes sableuses allongées dans le sens du courant à la partie supérieure de cette rive. Dans le sable de ces dunes, j’ai trouvé de nombreuses coquilles marines qui, en raison de la position stratigraphique de leur sédiment d’origine, ne pouvaient prove- nir que de la partie inférieure de la même rive, On en conclut qu’un courant de bas en haut érode la base de la rive externe et rejette sur son sommet la fraction grossière, Le second exemple, pris sur la plaine alluviale en amont du pont de la RT 1, montre que dans des cas extrêmes, la partie supé- rieure de la rive est arrachée, la prairie se déroulant par lanières qui se détachent et laissent le sol sous-jacent sans protection. L’érosion reprend le tracé de ces arrachements et creuse de profonds sil- lons. Les débris de la prairie, touffes renversées, sédimentent sur la plaine alluviale à quelques dizai- nes de mètres du point d’érosion et prennent aorès quelques mois l’aspect d’anciennes taupinières (Baltzer, 1974).

Des divagations brutales du lit mineur peuvent être la conséquence de ce type d’érosion des rives externes par les courants de débordement, Le lit mineur étant creusé dans la partie la plus éle- vée du lit majeur peut ouvrir une brèche dans les levées et emprunter un cours nouveau sur ce qui était antérieurement une zone basse du lit de crue. On verra alors des galets du lit mineur circuler sur un substrat argileux ou limoneux. Un bel exemple a été trouvé après le retrait des eaux de la

Page 95: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

90 Frddéric BAL TZER

crue de janvier 1968, sur la plaine alluviale, à 500 m du confluent du Carigou. A cet endroit, la plaine alluviale de rive gauche ne mesure que 200 m de large car elle est attaquée par un méandre du lit mineur. L’érosion sur la rive externe, très active, a conduit le lit mineur a s’écarter du centre de la plaine alluviale ce qui l’a mis en contact avec des berges de moins en moins hautes à mesure qu’il approchait de la dépression laterale. Une fois commencé, le processus s’accélère du fait que l’érosion par le courant de débordement abaisse le sommet de la rive externe.

La localisation des confluents, toujours dans la partie aval d’une rive externe est manifestement régie par ces phénomènes d’érosion. Les affluents ne rejoignent le fleuve ni sur les rives internes, trop riches en sédiments, ni au début des rives externes où leur débit serait refoulé, mais le rejoi- gnent généralement à l’aval de la rive externe où le courant vertical de haut en bas est bien établi. Ce courant évacue les alluvions des deux chenaux vers la rive interne opposée et maintient le con- fluent ouvert (Fig. 19). Dans le cas des chenaux de marais maritimes, les confluents se placent exac- tement au centre des rives externes des méandres à cause de l’alternance de courants de vitesse com- parable dans les deux sens.

Le lit majeur lui-même, après débordement, est soumis à l‘érosion, que ce soit sur la plaine alluviale, le long du défilé ou dans certaines parties du delta. Par exemple, sur la plaine alluviale de rive gauche, un chapelet d’étangs s’allonge dans la partie la plus basse de la dépression latérale. Le lit majeur présente là un rétrécissement faisant converger les filets d’eau en un courant rapide qui décolmate à chaque forte crue le fond des étangs partiellement rempli par des crues plus faibles. Au voisinage du défilé, une érosion de même type se manifeste par des dépressions et des chenaux allon- gés de part et d’autre du fleuve. Lors des crues importantes, un courant rapide tend à les recreuser et les débarrasser de la sédimentation minérale et organique accumulée pendant les périodes plus calmes. Sur la rive droite, une de ces dépressions est occupée par des palétuviers de l’espèce Bruguie- ra gymnorhiza, la plus résistance à l’érosion (Baltzer, 1969 et présent mémoire, chap. IV). Cette dé- pression se prolonge vers l’aval par une petite baie arrondie s’ouvrant sur la Dumbéa juste contre la barre de rhyolite de l’entrée du défilé. L’érosion par l’eau des crues brutalement ramenée par la bar- re rocheuse sur l’entrée du défilé maintient cette baie ouverte. La baie Hoff, beaucoup plus grande, a une origine comparable et la répartition des gradients hydrauliques sur le delta (carte des équipo- tentielles, Fig. 35) suggère que des courants non négligeables s’y produisent en cas de crue. Le ni- veau de l’eau à la sortie de la baie a atteint 2,15 m au maximum de la crue de janvier 1968, alors qu’au même moment, le niveau de la mer était de 2,02 m (Comm. pers. S.H. Nouméa) (Fig. 37).

TRANSPORT ET SÊl3IMENTATION CONSÉCUTIFS AUX CRUES CYCLONIBUES

Les fortes crues cycloniques peuvent mettre en mouvement tout élément détritique du lit, par un processus ou un autre, si grossier soit-il. En période de crue, l’eau de la Dumbéa prend une tein- te rouge soutenue en raison des produits ferrugineux en suspension. Ce débit solide de produits fins a été estimé de 18 000 à 25000 tonnes pour la crue de janvier 1968. En première approximation, on peut dire avec Passega et Byramjee (1969), que ce matériel progresse en suspension «graduée» pour la fraction sableuse et en suspension ((homogène» pour la fraction argileuse. La suspension ho- mogène est répartie sur la totalité du lit majeur, lit mineur compris, et la suspension graduée se ré- partir près du fond, essentiellement sur le lit mineur et localement sur le lit majeur. Le matériel grossier, graviers, galets et blocs progresse au contact du fond soit en suspension graduée, soit par roulement, par glissement ou par sapement de son substrat meuble. Le transport au contact du fond ne représente qu’une fraction (I/l0 ou l/lOO) du transport en suspension (Tricart, 1957).

Page 96: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Dynamique de la sédimentation. Observation directe 91

Le transport et la sédimentation actuels sur le lit majeur, plaine alluviale et delta, sont mis en évidence par les dépôts que l’on peut observer juste après une crue, car ces derniers se distin- guent bien des dépôts antérieurs. En effet, après dessication, les limons et sables ferrugineux pren- nent une structure granulaire irréversible (pseudo-particules) qui ne se confond ni avec l’aspect onc- tueux des limons nouveaux, ni avec la fraîcheur des placages et dunes de sable encore sans végéta- tion.

Sur la plaine aZZuviaZe, la répartition des sédiments suit un classement transversal souligné aussi bien par les structures sédimentaires que par l’épaisseur des couches et la granulométrie (Baltzer, 1974). La plaine alluviale de rive gauche, à 500 m en aval du confluent du Carigou recevait, du fait de l’érosion d’une rive externe de méandre (cf. plus haut), une abondante sédimentation qui engrais- sait une ride perpendiculaire au courant. Le granoclassement transversal avait pour conséquence la présence de galets à proximité du lit mineur et, en se rapprochant de I’interfluve, apparaissaient suc- cessivement des graviers, des sables grossiers puis fins et enfin des limons de plus en plus argileux. Une structure sédimentaire était propre à chaque type granulométrique. Les galets du lit mineur constituaient un placage débordant par endroits sur le lit majeur. Les graviers et sables grossiers for- maient deux rangées de petites dunes transverses posées sur la prairie par ailleurs intacte en formant des ripple marks géantes, Chaque rangée de dunes couvrait une bande de terrain de 60 m de long sur 8 à 10 m de large. Les dunes avaient une amplitude de 0,30 à 0,50 m et une longueur d’onde de 1,5 à 2 m. Elles étaient très dissymétriques, avec un bord peu incliné en amont, très incliné en aval. Les sables fins étaient déposés sous forme de dunes longitudinales dont la surface était ondulée en sorte qu’elles commençaient vers l’amont par une nouvelle série de dunes transverses, plus petites, mais analogues aux ripple marks précédentes. Ces dunes de sable fin, débutant en pointe du côté amont, par quelques ripples allaient en s’épaississant et en s’élargissant vers l’aval pour s’y réunir en une plaque unique, large et épaisse. En s’éloignant du lit mineur en direction de I’interfluve, la pla- que allait en s’amincissant, en même temps que le sable, de plus en plus finement ondulé par les ripple marks devenait lui-même plus fin (épaisseur minimale du placage sableux : 2 cm). Les limons étaient déposés en couche mince de 1 mm sur tous les sédiments décrits précédemment mais, dans leur domaine propre près de I’interfluve, leur épaisseur atteignait 2 cm au sommet des rides sédimen- taires et 6 cm dans les sillons entre rides. Ce rapport de 1 à 3 entre l’épaisseur du dépôt limoneux sur et entre les rides explique pourquoi ces reliefs durent relativement longtemps avant de s’empâter puis de disparaître.

L’épaisseur des dépôts diminue transversalement à la plaine alluviale, du lit mineur à I’interfluve, comme le fait la granulométrie. L’épaisseur du dépôt, qui dépasse 0,50 m au niveau des galets, atteint 0,30 à 0,50 m dans les ripple marks géantes, se réduit à 0,15 - 0,30 m dans les dunes de sable fin et à 2 cm seulement dans les placages de sable très fin et de limon. Une corrélation peut être mise en évidence entre l’épaisseur des dunes et couches des dépôts et leur grain médian. Cette corrélation est sensiblement en accord avec les résultats de Scheidegger et Potter (1967) obtenus sur des dépôts à stratifications obliques (Fig. 36).

Sur le delta, la disposition d’ensemble est comparable, puisque le grain est plus grossier et I’é- paisseur des dépôts plus grande près du chenal, la granulométrie et l’épaisseur diminuant au fur et à mesure que l’on s’écarte de celui-ci. Par exemple, sur la rive droite, l’étroite levée couverte de grami- nées (Imperata) a reçu pendant la crue une couche de sable épaisse de 1 à 10 cm. Dans les zones abritées telles que les sillons séparant les digitations de la levée, des dépôts limoneux de 3 à 4 cm ont été notés, alors que les marais de mangrove ont recu une mince couche d’argile rouge.

Le débit solide des crues cycloniques, tel qu’il est suggéré par l’ampleur des apports sédimen- taires, ne peut être qu’important et les mesures de ce débit le confirment. A la moindre crue, l’eau

Page 97: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Diam&re median 1.0

-r fflm.

/ Droite de rhgression de Scheidegger et Potter

CO Points exp&imentaux de la plaine alluviale de la Dumbka

FIG. 36 :CORRELATION ENTRE LE LG DE L’ÉPAISSEUR DES LITS DÉPOSÉS PAR UNE CRUE ET LE LG DU DIAMETRE MÉDIAN DU SÉDIMENT

w

FIG. 37 :PROFIL EN LONG DU FLEUVE DUMBEA PENDANT LA CRUE CYCLONIQUE DU 18 JANVIER 1968, PAR HAUTE MER DE VIVE EAU

Page 98: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Dynamique de la sédimentation. Observation directe 93

de la Dumbéa présente une coloration rougeâtre et s’étend en panache sur le lagon devant I’embou- chure du fleuve. Généralement la quantité de sédiments mise en suspension reste faible et échappe aux moyens de détection. Par contre, en cas de forte crue, l’eau prend une teinte rouge soutenue et le débit solide devient mesurable. Dans le très petit bassin versant de Ouénarou, en amont de la Ya- té, Trescases (1965) a trouvé 280 ms/l pendant la crue du cyclone de 1965. Dans les eaux de la Dumbéa au niveau du pont de la RT 1, des suspensions de 150 mg/l ont été observées pendant le cyclone de 1967 (Glenda) et 380 mg/l pendant le cyclone de janvier 1968 (Brenda). La quantité to- tale de sédiment ayant franchi le pont pendant la durée des cyclones a été respectivement de l’ordre de 5500 à 10000 tonnes en 1967 et de 18000 à 25000 tonnes en 1968 (Baltzer et Trescases, 1971).

La masse des sédiments déposés par les crues cycloniques est inférieure au débit solide total, mais atteint tout de même un ordre de grandeur comparable au’niveau du delta. Les calculs de la masse sédimentée sur le delta de la Dumbea à partir de matériaux en suspension indiquent environ 15000 tonnes de dépôt sur le delta pour le‘cyclone de janvier 1968 (Baltzer et Trescases, 1971). Malgré l’incertitude qui grève ces chiffres, on voit que la sédimentation sur le delta représente envi- ron les trois-quarts de la masse transportée par le fleuve juste en amont. II faut en conclure que le fleuve dépose très vite ce qu’il a mis en suspension et remet en mouvement à chaque endroit de son cours et à chaque instant, des sédiments abandonnés depuis longtemps dans les levées ou la plaine alluviale. Ce déplacement par étapes, bien connu pour les sédiments grossiers, est mis en évidence ici de façon très claire pour les particules fines, On conçoit, dans ces conditions, que la composition des sédiments puisse changer d’amont en aval : les particules pouvant se transformer au cours de leurs séjours dans les sédiments déposés.

Le transport des éléments grossiers, au contact du fond, est quantitativement moins important et moins facile à mettre en évidence que le transport des fines. L’observation in situ est possible exceptionnellement et les mesures de débit solide imposent des techniques coûteuses (marquage colo- ré ou radioactif, trappes à sédiment maçonnées sur toute la largeur du lit. La répartition des sédi- ments, l’agencement relatif de leurs éléments et l’observation directe de déplacements dans des «mo- dèles réduits naturels» permet cependant de se faire une idée qualitative des conditions de ce trans- port. A ce titre, les sédiments grossiers peuvent donner des indications précieuses pour la reconstitu- tion des environnements anciens,

Les éléments grossiers se déplacent au contact du fond principalement par roulement, par glis- sement et par sapement du substrat meuble. Le roulement nécessite une forme isodiamétrique soit autour d’un axe (type cylindre), soit autour d’un centre (type sphère), mais l’arrondi n’est pas indis- pensable. L’écoulement proche du fond est favorable au roulement en raison de la répartition parabo- lique des vitesses. En effet, la partie supérieure des particules est atteinte par les filets d’eau les plus rapides, ce qui provoque leur rotation et un allègement qui peut aller jusqu’à la mise en suspension (cf. chap. VI). Les particules les plus grossières ont les meilleures chances d’être transportées par rou- lement parce qu’elles atteignent des filets d’eau plus rapides et parce qu’un grand ((diamètre)) facilite le roulement sur des particules plus petites. Le facteur limitant est le poids qui augmente comme le cube du rayon et s’oppose au départ, mais, une fois la rotation amorcée, le poids favorise la descente le long du cours d’eau. J’ai pu observer un bel exemple de roulement de galets sur un chenal de drainage d’une plage au Sud de l’estuaire de la Somme (Brighton). Des galets de 4 à 7 cm de dia- mètre y roulaient très vite sur un fond de cailloux (galets de silex brisés de 1,5 cm de diamètre en- viron) et de sable, immobile quoique parfaitement meuble. Des phases de roulement rapide et unifor- me étaient séparées par des arrêts, la reprise du mouvement semblant conditionnée par des pulsations aléatoires de la vitesse du courant et aussi par des modifications brutales de la forme du lit.

Page 99: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

94 Frédéric BAL TZEW

Le déplacement par glissement et par sauts peut se produire sous l’influence des mêmes fac- teurs que le transport par roulement. L’accumulation de rides de matériel grossier anguleux et aniso- diamétrique à partir de formations en place altérées et d’éboulis de pente peut difficilement s’expli- quer autrement. De nombreux exemples en ont été observés sur la plaine alluviale de rive gauche de la Dumbéa après la crue cyclonique de janvier 1968.

Le sapement du fond par déplacement de dunes ou d’antidunes aboutit au lent déplacement d’éléments apparemment hors d’atteinte. Au pied du cordon de galets de la plage de Brighton, dans un autre chenal de percolation, j’ai pu voir le déplacement de gros galets dans un courant remonté par des antidunes affectant le sable du lit. Chaque galet restait immobile pendant la période où il était noyé dans une antidune et se déplaçait lentement lorsqu’il était dans le creux entre deux anti- dunes successives, le creusement même provoquant le déplacement.

L’agencement relatif des éléments grossiers des sédiments, leur imbrication, le remplissage des vides ou l’absence de remplissage, renseigne sur les conditions de mise en place des sédiments. La structure imbriquée prend naissance lorsque des galets glissent ou sautent sur un fond de particules plus petites. Si un galet se bloque, l’interface eau - sédiment se creuse vers son extrémité amont et ce galet acquiert un pendage vers l’amont. Un second galet bloqué contre le premier acquiert le mê- me pendage, et ainsi de suite, un grand nombre de galets peuvent s’imbriquer à la manière des tuiles d’un toit (Laronne et Carson, 1976). Cette structure est très stable parce que le pendage amont, ex- posé au courant, engendre une portante négative qui accentue la pression du galet sur le fond et s’oppose à tout déplacement ultérieur.

La structure de remplissage concerne les galets moyens et petits qui se déplacent par saltation et suspension dans les courants vifs. Le remplissage des vides laissés entre les gros éléments peut être constitué par des éléments de taille inférieure (petits galets entre des gros) ou très inférieure (graviers entre des galets). Un remplissage par des éléments beaucoup plus petits que les éléments initiaux comble 56 % du vide et assure une cohésion qui réduit considérablement la mobilité (Laronne et Carson, 1976). Une structure de remplissage vertical, très solide, se développe dans les alluvions très hétérométriques. Les cailloux se disposent suivant un pendage vertical entre les blocs antérieurs, pro- bablement par saltation. La force du serrage suggère de plus un déplacement relatif des plus gros blocs.

Dans les structures ouvertes, les éléments ont le minimum de contacts et leur mobilité est pré- servée. On trouve ces structures dans les zones de faible énergie comme les accumulations à l’aval de gros blocs et même à l’amont en basses eaux.

Les éléments grossiers, blocs et galets sont presque exclusivement associés au lit mineur au fond duquel ils forment un pavage et des bancs. La variabilité de la granulométrie est extrême avec en gros un granoclassement longitudinal suivant lequel les blocs de 50 à 60 cm de diamètre, sommaire- ment arrondis, se trouvent seulement à l’amont de la plaine alluviale et les petits galets, vers l’aval. La variabilité apparaît dans le fait que chaque banc de galets, chaque mouille présente un large échantillonnage du spectre granulométrique. Les bancs de galets ont généralement un «bord d’atta- que» épais, vers l’amont, formé des plus gros galets, et un «bord de fuite» mince, vers l’aval, formé de sables et même de limons argileux.

Le style du lit mineur, modele’ par les crues, passe des chenaux anastomosés au chenal unique, plus ou moins sinueux, vers l’aval. II dépend largement des conditions de transport des fractions les plus grossières. Les chenaux anastomoses, caractéristiques de la Dumbéa, à l’amont de sa plaine allu- viale, sont liés a la surabondance du matériel grossier ici comme dans tous les cours d’eau (Tricart, 1957). Leur mode de formation, incomplétement élucidé (Coleman, 1971), est probablement une conséquence de la formation de barres centrales dans les chenaux. Ces barres sont des bancs de galets

Page 100: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Dynamique de la sédimentation. Observation directe 95

allongés qui divisent le lit mineur par une levée centrale. La Dumbéa en offre plusieurs exemples (Fig. 17). Leur formation semble s’expliquer par le blocage de gros galets dans la partie centrale du lit. C’est en effet dans la partie centrale du lit que la vitesse des filets d’eau est maximale et, en hautes eaux, des éléments particulièrement gros peuvent circuler. Etant particulièrement difficiles à mouvoir, ces galets s’arrêtent au moindre obstacle ou au moindre ralentissement imposé par le profil longitudinal du cours d’eau. L’arrêt d’un premier élément favorise le blocage des suivants, aussi bien devant que derrière lui et la barre centrale prend naissance de proche en proche. L’encombrement du lit dû à la barre tend à élever le niveau de l’eau vers l’amont et à accélérer le courant dans les deux bras nouvellement formés, ce qui en favorise l’érosion. L’accélération locale du courant accentue I’é- rosion de l’ancienne rive, formée de matériel moins grossier que la barre, de sorte que chaque bras peut s’élargir. Par renouvellement du processus, la formation d‘une barre nouvelle est possible par les hautes eaux et des chenaux anastomosés (braided river) peuvent en résulter. Les expériences de Leo- pold et Wolman (1970) confirment ces interprétations.

Dans la partie aval de la plaine alluviale, le style de la Dumbéa change. Le lit mineur perd pro- gressivement sa tendance à former des chenaux anastomosés pour prendre un cours unique dans le- quel alternent des passages rectilignes et des méandres. Au franchissement du défilé, des sables et graviers sont l’essentiel des sédiments apportés par les crues. II s’y ajoute quelques bancs de galets atteignant jusqu’à 10 cm de diamètre. Durant la crue de janvier 1968, les rives internes des méandres resserrés de l’entrée du défilé ont reçu des sables grossiers formant une suite de rides et de sillons rayonnant autour de chacune d’elles. Quelques galets se trouvaient au sommet des rides. Le domaine deltaïque, à la sortie du défilé, était marqué par des rides de sable grossier propre, déposées parallè- lement au courant contre les berges du lit mineur, sous l’influence de sinuosités à grand rayon de courbure sur la rive gauche («méandre invisible))). Sur la rive droite, des rides analogues forment des crachons multiples s’ouvrant en éventail à partir de la sortie du défilé. Sur les deux rives, ces rides, larges de plusieurs mètres et épaisses d’un mètre au moins, forment le soubassement sur lequel pro- gressent les levées par sédimentation de sable fin puis de limon, La sédimentation limoneuse, favori- sée par la végétation qui se développe entre les crues successives, est un peu plus épaisse au fond des sillons que sur le sommet des rides, ce qui empâte puis fait disparaître ce relief en une levée unifor- me. De part et d’autre du bief est-ouest qui précède la patte d’oie deltaïque, l’étroite levée a béné- ficié d’apports sous forme de rides de sable de 3 m de long, 0,50 m de large, parallèles au lit du fleuve. L’extrémité de la levée de rive droite a reçu de petits crachons qui prolongent la levée et s’incurvent vers les marais de mangrove. J’ai cru, au moment des observations, que ces crachons ré- sultaient du clapet et non du courant de crue. En fait, la répartition des équipotentielles et des cou- rants de crue (Fig. 34, 35) montre que les courants de crue en sont les agents principaux, Le lit aval du fleuve, au niveau de la patte d’oie deltaïque, reçoit toujours du sable fin lors des crues.

Les éléments grossiers se déplacent par étapes plus courtes encore que ne le font les particules fines. Pendant le cyclone de janvier 1968, des quantités importantes de sédiments grossiers se sont déposées dans le lit mineur et contre ses rives. Mais partout, des traces d’érosion très vive ont été relevées au voisinage des dépôts grossiers qui apparaissent plus comme un indice d’érosion que comme un indice de sédimentation. En fait, les éléments grossiers voyagent peu. Tricart (1965) estime que les charriages d’éléments grossiers sont trois à cinq fois moindres que les transports de troubles dans les torrents, dix à cent fois dans les fleuves de plaine. Cependant, chaque crue les transporte un peu plus loin et, même par étapes très courtes, des galets ont déjà parcouru la totalité de la plaine allu- viale et du delta. Les galets sont évidemment de plus en plus rares et de plus en plus petits vers l’aval mais le soubassement de la levée de rive droite, à la sortie du bief est-ouest, en contient en- core quelques uns.

Un échange permanent de sédiments entre le fleuve et son lit apparaît comme une conclusion importante de nos observations directes sur la sédimentation. La masse sédimentaire déposée sur le

Page 101: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Frédéric BA L TZE R

delta de la Dumbéa par la crue de janvier 1968, proche de 15000 tonnes, est de l’ordre des trois- quarts du débit solide de cette crue : 18000 à 25000 tonnes (Baltzer et Trescases, 1971). Cette masse sédimentaire a été déposée sur la partie normalement subaérienne et I’estran du delta par l’eau de débordement transitant sur les dépressions latérales, soit 2/5, un gros tiers du débit liquide total de la crue. Ces proportions - 2/5 de l’eau déposant 3/4 des sédiments - ne sont explicables que si l’eau passe du chenal aux dépressions latérales et, après s’y être décantée, retourne au chenal et re- prend une nouvelle charge en érodant le lit et ses rives. Ce recyclage des eaux est un facteur impor- tant des échanges entre le fleuve et ses alluvions. Les circonstances du débordement nous sont bien connues, il nous reste à examiner les conditions du retour des eaux au chenal.

Le retour au chenal des eaux décantées se produit soit aux points de rétrécissement du lit ma- jeur, soit à l’aboutissement des petits chenaux drainant les dépressions latérales. Aux étranglements de la vallée, la convergence des filets d’eaux que nous avons observée, ramène au lit mineur les eaux qui ont pu se décanter sur les dépressions latérales. Ce recyclage n’a lieu qu’une fois à l’aval de cha- que élargissement de la vallée et ne peut rendre compte de la totalité des échanges. Son effet est complété par un réseau de chenaux tels que ceux qui drainent les étangs de la dépression latérale de la plaine alluviale de rive gauche, entre les confluents du Carigou et de la Ouanéoué (plaine de Koe) ou celui qui draine les mangroves de la dépression latérale de la rive gauche du delta. Conformément à la règle, le confluent de ces chenaux avec le fleuve se situe sur la rive externe d’un méandre. Pour se maintenir ouverts, les confluents bénéficient de l’érosion de la rive externe par la composante ver- ticale du mouvement hélicoïdal du courant. Ce mécanisme entraîne l’eau du chenal affluent par une forme de pompage qui accélère la vidange des dépressions latérales dans le chenal principal. En plus des chenaux bien nets qui figurent sur les cartes, certaines ruptures de levées, le long de sections concaves du chenal deltaïque ont fonctionné de cette façon.

II se confirme donc que le débordement du fleuve est compensé pendant les crues par un re- tour de l’eau vers le chenal en des endroits précis, par l’intermédiaire de chenaux ou de simples rup- tures de levées aboutissant toujours vers l’aval de la rive externe d’un méandre du chenal. Ainsi l’eau chargée de troubles se répand sur la plaine alluviale où elle se décante puis, après s’être clarifiée, elle est aspirée plus en aval par le courant hélicoïdal qui la ramène au chenal principal. Etant claire, cette eau est particulièrement apte à éroder le lit du chenal et à se charger à nouveau de troubles qui pourront être répandus à leur tour sur la plaine alluviale ou le delta. Par cet échange incessant d’eau entre le chenal et les dépressions latérales, s’explique le fait que le fleuve puisse déposer sur quelques kilomètres de son cours inférieur une masse sédimentaire comparable à celle qui atteint la mer.

En conclusion, l’observation directe et la mesure de la dynamique sédimentaire mettent en évi- dence l’importance de l’énergie mise en jeu par les crues cycloniques et leur rôle déterminant dans la morphogenèse deltaïque. La végétation des dépressions latérales et des levées, que ce soit la mangrove, la forêt dulçaquicole, les roselières ou les prairies intervient puissamment par son effet d’amortisse- ment sur cette dépense énergétique. A ce titre, elle permet la rétention sur le delta de sédiments fins cohésifs dans un environnement hydrodynamique où ils sont inattendus. Le jeu des échanges de char- ge alluviale entre les eaux du chenal et la plaine alluviale rend très faible la probabilité pour qu’une particule sédimentaire parcoure d’une seule traite le cours du fleuve, même dans le cas d’un fleuve très court, en crue et dans le cas de particules très fines. Le transport par courtes étapes, mis en évi- dence depuis longtemps pour les éléments grossiers (Tricart et Vogt, 1967), se révèle valable pour les particules fines, Dans ces conditions s’expliquent bien les modifications de composition chimique et minéralogique que l’on observe d’amont en aval dans les sédiments fins déposés récemment ou encore en suspension dans les eaux fluviatiles. En effet si, comme je le pense, le parcours des sédiments que l’on peut prélever en suspension est de faible longueur et est interrompu par des stages prolongés dans les formations de la plaine alluviale, le temps imparti aux transformations chimiques est beau-

Page 102: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Dynamique de la sédimentation. Observation directe 97

coup plus important que si les particules suivaient le fil de l’eau. Les transformations profondes que l’on observe, en particulier dans le cas de la Dumbéa,deviennent plus facilement compréhensibles et ceci d’autant plus que les solutions imprégnant les sols ont des compositions ioniques qui en font des réactifs plus énergétiques que la simple eau fluviatile.

Page 103: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

99

Chapitre VI

Approche granulométrique de la dynamique sédimentaire

Comme son nom l’indique, la granulométrie est d’abord une mesure précise des sédiments. A ce titre, elle trouve son utilité dans le présent travail pour estimer les circulations d’eaux souterraines dans les marais et surtout comme référence dimensionnelle pour mettre en évidence les croissances cristallines décelées dans les bancs sédimentaires. Mais les techniques granulométriques s’élévent au- jourd’hui au niveau de l’interprétation du mode de transport et de dépôt des sédiments. Cette cons- tante préoccupation a déterminé le choix des techniques de prélèvement et d’analyse aussi bien que les modalités de présentation et d’interprétation de nos résultats, fondés sur l’étude d’un peu plus de 300 échantillons,

La contribution de ces analyses granulométriques à la compréhension des facteurs dynamiques le long du cours de la Dumbéa est importante. Les variations de l’énergie mise en jeu par le cours d’eau pendant les crues sont mises en évidence par la répartition des diamètres médians et surtout par les indices d’évolution calculés par intégration des courbes granulométriques (Rivière et Vernhet, 1975). Sur la partie fluvio-marine du bassin versant, les participations respectives du milieu marin et du milieu fluviatile sont clairement mises en évidence par l’interprétation granulométrique. La frange externe des marais de mangrove recoit sa charge sédimentaire principalement par voie marine alors que la frange interne est alimentée directement par les crues fluviatiles. Ce fait, suggéré par l’étude des formations végétales trouve ici sa démonstration. Dans les formations du soubassement du delta, l’analyse granulométrique met en évidence une suite de variations de l’indice N (indice d’évolution de Rivière) commune à tous les points où la série holocène est continue. Ces variations sont la consé- quence des variations des conditions d’énergie dans le milieu au cours de cette période. Les modifica- tions de profondeur et de débit de la basse vallée de la Dumbéa induites par les changements du ni- veau marin et les effets de la tectonique expliquent de façon cohérente les variations de l’énergie et de la granulométrie.

Page 104: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

100 Frédéric BAL TZER

Ces recherches ont été l’occasion d’une réflexion sur les mécanismes aboutissant a la sélection des particules des diverses dimensions au cours du phénomène appelé &volutiom) par Rivière. Les conditions de formation des faciès d’évolution logarithmique, parabolique et hyperbolique ont pu être approchées. Ces études ont mis également en évidence les modalités du piégeage exercé par les particules relativement grossières à l’égard )des particules plus fines qui, sans cet effet n’au- raient eu aucune raison de se déposer. Ces résultats, de portée générale, ont un intérêt qui dépasse évidemment le cadre local.

PRINCIPES ET METHODES DE L’APPROCHE GRANULOMETRIQUE DE LA

DYNAMIQUE SEDIMENTAIRE

LE COMPORTEMENT DES .PARTICULES DANS L’EAU

VITESSE LIMITE DE CHUTE DES PARTICULES DANS L’EAU

La vitesse limite de chute des particules dans l’eau est une notion indispensable pour expliquer le transport en suspension et pour procéder aux analyses granulométriques par les techniques de sé- dimentation. Deux types de forces limitent la vitesse de chute d’une particule, les unes étant liées à la viscosité et les autres à l’inertie du liquide. Le nombre de Reynolds Re

dv p2 Re = - rl

exprime le rapport entre ces forces en fonction du diamètre «d» des particules, de la vitesse de chu- te ((~1, de la densité du liquide p2, et de la viscosité T,X Les effets de la viscosité l’emportent lors- que Re est inférieur à 0,l (particules inférieures à 35 m) et la vitesse de chute W) est alors expri- mée en fonction du rayon r de la particule par la loi de Stokes, applicable dans ces conditions :

v=Cr2 C étant la constante de Stokes

c = 2 g (PI - p2) 9 r)

«g>) étant l’accélération de la pesanteur, pl la densité de la particule, p2 la densité du liquide et r) la viscosité.

Pour les particules grossières, Re augmente, de même que les forces d’inertie dues à la pression dynamique exercée par le fluide sur la particule. Pour un liquide idéal sans viscosité, la résistance à l’avancement qui en résulte est exprimée par la loi de Newton :

R = 112 A v2p2 =1/6d3,(pl - p2)g

dans laquelle R est la résistance offerte, A la surface de la projection de la particule sur le plan ho- rizontal, d le diamètre et g l’accélération de la pesanteur. Pour un fluide réel, on tient compte de la viscosité :

L R,CdAT

Page 105: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Approche granulométrique de la dynamique sédimentaire 101

Le coefficient Cd est la traînée ou Cx, qui intègre les effets variés de la viscosité et qui est tabulé en fonction de Re.

De nombreux travaux expérimentaux montrent que ces lois sont sensiblement vérifiées (Fig. 38), sauf dans le domaine de transition de l’une à l’autre, domaine des particules de diamètre com- pris entre 0,l et 0,6 mm.

Conséquence : nécessité d’une correction du diamètre des particules grossières.

La granulométrie des sédiments fins est exprimée en fonction d’un diamètre équivalent qui est le diamètre d’une particule de quartz sphérique ayant même vitesse de chute que la particule natu- relle considérée. Pour que les courbes granulométriques soient homogènes, il est indispensable d’agir de même pour la fraction grossière. Rivière a appelé diamètre de Stokes-Berthois d’une particule le diamètre qu’aurait une sphère de quartz de vitesse de chute égale à celle de cette particule, si la loi de Stokes était respectée sur toute l’étendue du spectre granulométrique. La vitesse de chute est con- nue directement lorsque l’analyse granulométrique se fait à la balance de sédimentation. Lorsque cet- te analyse est faite par tamisage, les formules de Berthois et Gendre (1967) permettent de recalculer la vitesse de chute à partir de la dimension du vide de maille, II est alors facile de calculer le diamè- tre de Stokes - Berthois (Fig. 38).

SÉDIMENTATION EN MILIEU FLOCULANT

Pour évaluer la vitesse de chute des particules par la loi de Stokes, on considère qu’elles res- tent séparées les unes des autres pendant toute la durée de la sédimentation. Dans le milieu naturel, c’est fréquemment le cas pour la charge solide des eaux douces. Par contre, à partir d’une salinité de 3 à 4 % d’eau de mer (Lafond, 1967, p. 761) ou de l’ordre de 3 %O (Kranck, 1975), les suspensions sont soumises à l’effet de la floculation. Par la floculation, les particules s’agrègent en flocons dont la vitesse de chute est supérieure à celle des particules elles-mêmes. Le sédiment déposé en milieu floculant ne peut être ramené à son état antérieur sans défloculation préalable, ce qui rend cette der- niére indispensable pour l’analyse granulométrique des fines.

Kranck (1975) a mesuré au compteur Coulter la granulométrie de suspensions floculées à l’état naturel et la granulométrie des mêmes suspensions après qu’elles aient subi une énergique déflocula- tion (par grillage). La distribution des particules plus grossières que le mode est très peu modifiée (Fig. 57). Les particules plus fines que le mode s’agrègent d’autant plus volontiers en flocons qu’elles sont plus fines, mais les flocons restent eux-mêmes petits et ne modifient pas radicalement la forme d’ensemble du spectre granulométrique. La turbulence de l’eau multiplie les chances de rencontres entre les particules et favorise la floculation, mais la solidité des liaisons est constamment mise à I’é- preuve ce qui interdit la formation de gros flocons. Lorsque l’agitation cesse, les flocons peuvent de- venir plus gros mais la distribution granulométrique est déjà réalisée.

Kranck suggère que les collisions sont plus fréquentes au début de la floculation, quand les petites particules libres sont nombreuses. La fréquence des collisions diminue ensuite lorsque les flo- cons ont retenu assez de particules pour que leur vitesse de chute se rapproche de celle des gros grains dont le diamètre est plus proche du mode de la distribution.

La floculation modifie donc légèrement le spectre granulométrique des suspensions et la granulomé- trie du sédiment que l’on recueille finalement. Mais les modifications observées sont insuffisantes pour déplacer significativement le mode et elles ne concernent pas la fraction grossière du sédiment. Nous ferons nôtre la conclusion de Schubel (1968), relative à son étude sur la Baie de Chesapeake : «Sur la base des documents disponibles, l’importance de la floculation dans les eaux naturelles a été fortement exagérée».

Page 106: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

I III I I I ’ ’

10-l

-

-

-

$5 -

*

7 5 c -

- - z - -

- l- 6 05 0.4 0.6 0.8 10’ Id

ô N

3 10”

IOU

FIG. 38 :VITESSE DE CHUTE EN FONCTION DU DIAMETRE POUR DES SPHERES DE QUARTZ DANS L’EAU A 20’

1’S.B. Courbe calcul& par l’auteur d’après les données expérimentales de Berthois et Gendre (1967) - x - x -y

2’ Courbes théoriques de Stokes et Newton - - - - .- . ~

3’ Courbes expérimentales et théoriques diverses

(MODIFIE DE GRAF, 1971, p.45)

d, mm - 100

Page 107: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Approche granulométrique de la dynamique sédimentaire 103

METHODES D’ANAL YSE

ÉCHANTILLONNAGE, PRÉTRAITEMENT

Le mode d’échantillonnage a été choisi pour favoriser l’étude des modalités du transport. Pour cela, les prélèvements de surface ont été faits après une crue et, autant que possible, seulement sur les apports de cette crue.

Prétraitements : séparation des fractions fine et grossière.

Des ciments carbonatés et organiques tendent à souder les particules postérieurement à leur dépôt. Ils ont été détruits par une attaque à l’acide chlorhydrique au l/lO, suivie d’une attaque à chaud, à l’eau oxygénée (A. Rivière, 1977). La richesse des sédiments de mangrove en produits for- tement réducteurs a rendu nécessaire une attaque très longue de la matière organique. La déflocula- tion a été obtenue par une succession de rinçages à l’eau distillée au cours desquels le sédiment était mis en suspension dans l’eau, centrifugé, le culot de centrifugation étant repris, remis en suspension, etc., jusqu’à sa complète défloculation, indiquée par un louche du liquide surnageant en fin de cen- trifugation. La séparation des fractions granulométriques fine et grossière a été obtenue par tamisage de la suspension défloculée sur tamis de 35 /NII, après une agitation prolongée 17 heures (cf. Rivière, 1977).

TECHNIQUE ANALYTIQUE, PRÉSENTATION DES RÉSULTATS

La fraction fine a été analysée par sédimentation en milieu thermostaté (bain-marie) par prélè- vements à la pipette d’andreassen courte (Rivière, 1977). Le spectre analysé s’étend de 0,06 à 35 pm. Pour analyser la fraction grossière, malgré la tendance actuelle qui remet en usage les balan- ces de sédimentation, j’ai employé la technique du tamisage, la seule dont je disposais. La simplicité de sa mise en œuvre et son faible prix de revient sont des avantages toujours actuels de cette tech- nique.

Présentation des résultats

Les résultats sont présentés sous forme de courbes cumulatives classiques en coordonnées semi- logarithmiques, ce qui permet de trouver par simple lecture la mesure en prn correspondant à tel ou tel pourcentage pondéral, ou fractile. Contrairement à ce qui se passe lorsqu’on utilise l’unité améri- caine 4, les diamètres augmentent de gauche à droite. De plus, en raison de l’emploi de la pipette d’Andreassen pour l’analyse de la fraction fine, la cumulation des poids est faite à partir de la frac- tion la plus fine. Pour la représentation de la fraction grossière analysée par tamisage, j’ai ajouté à la courbe classique la courbe en diamètre équivalent de Stokes-Berthois (Rivière et Vernhet, 1973), ce qui permet une interprétation dynamique correcte des courbes.

Les fractiles, indices de classement et autres paramètres statistiques sont un moyen utile pour résumer en chiffres simples les propriétés des courbes granulométriques. Suivant les conventions adop- tées pour la construction de nos courbes cumulatives, la valeur du fractile 10 % est le diamètre de la par- ticule plus grosse que 10 % (en poids) des particules de la distribution, Riviére (1952a) a montré l’intérêt d’un diagramme représentant simultanément la variation de plusieurs fractiles judicieusement choisis, en fonction de la distance séparant les points de prélèvement sur le terrain. J’ai utilisé avec succès cette méthode (Baltzer, 1971 et ce mémoire) pour représenter les changements successifs af- fectant les dépôts sédimentaires d’une même crue de l’amont vers l’aval d’une même ligne de courant.

Page 108: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

104 Frédéric BA L TZER

J’ai utilisé également des cartes et des coupes en courbes isodiamètre, chaque carte ou coupe étant valable pour un seul fractile. Pour l’étude des circulations d’eaux, les fractiles 10 % et 20 %, appe- lés Dl0 et D20, liés par une relation empirique à la perméabilité (Castany, 1967), permettent de donner un aperçu de la répartition de celle-ci (chap. VII).

MÉTHODES D ‘INTERPRETA TION DES RESULTA TS

FRACTILES ET MOMENTS STATISTIQUES

L’interprétation granulométrique vise à reconstituer les caractères principaux du courant trans- porteur et du milieu de sédimentation en s’aidant des propriétés de la distribution granulométrique. Les moments statistiques sont utilisés à cette fin par les auteurs anglo-saxons (Shepard et Young, 1961 ; Friedman, 1961, 1967 ; Savon, 1966) en général sous forme de diagrammes empiriques. Doeglas (1968) a montré l’intérêt de diagrammes construits avec des indices à 5 chiffres constitués par la valeur des fractiles 5, 25, 50, 75 et 95 %, exprimés en unités $J. Les indices obtenus sont ca- ractéristiques des milieux de sédimentation, ce qui montre que la courbe elle-même est bien caracté- ristique du milieu. Passega et Byramjee (1969) ont aussi utilisé les fractiles pour construire des dia- grammes visant à mettre en évidence l’existence ou la non-existence d’une proportionnalité entre la médiane et le centile le plus grossier (diagramme CM). Le proportionnalité entre C et M dans un en- semble de sédiments, caractérise un dépôt à partir d’une suspension graduelle, de plus en plus con- centrée vers le fond de la lame d’eau transporteuse. L’absence de proportionnalité entre C et M ca- ractérise une suspension homogène. Le transport par roulement sur le fond, selon ces auteurs, appa- raît pour les grains de plus de 1 mm de diamètre. Les méthodes de Doeglas et de Passega et By- ramjee utilisent la médiane comme un paramètre principal dont l’information est modulée par les autres fractiles. Elles soulignent l’intérêt d’une méthode qui permettrait de caractériser en tout point la forme de la courbe cumulative. Les travaux de A. Rivière donnent cette possibilité.

MCTHODE DES INDICES DE RIVIERE

Rivière (1952) a montré que les courbes granulométriques peuvent sur une large part de leur extension, être représentées par des courbes du type :

y=axN+b

L’exposant N est l’indice d’holution. II caractérise la courbure plus ou moins prononcée et le sens de la concavité de la courbe, et est représentatif des conditions énergétiques dans le milieu transpor- teur ainsi que nous le montrerons sur des exemples. La forme de la courbe est complètement définie si l’on ajoute à l’indice N un indice de grosseur G, qui est le logarithme du rapport du plus gros dia- mètre de particule présent dans la distribution au plus petit :

G = lg ; ou G = lg D - Ig d

G se mesure facilement sur les courbes tracées sur papier semi-logarithmique puisqu’il suffit de pren- dre la distance entre d et D et de la diviser par la longueur d’un module du papier utilisé.

La distribution granulométrique doit enfin être définie en dimension grâce-à un paramètre de position comme la médiane ou mieux, la moyenne. La moyenne logarithmique X peut être évaluée facilement par planimétrie de la surface S délimitée par la courbe, la parallèle à l’axe des x d’ordon-

Page 109: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Approche granulométrique de la dynamique sédimentaire 105

née 100 % et la parallèle à-axe des y d’abscisse égale à d, plus petit diamètre de la distribution. La moyenne logarithmique X est définie sur l’axe des x par la largeur du rectangle de surface S et dont la hauteur passe par la parallèle à l’axe des y définie ci-dessus.

L’évaluation de N (ou de n, sachant que n = N - 1) peut se faire par trois méthodes, dont chacune présente des applications propres : méthode des courbes canoniques, méthode de la courbe de fréquence en coordonnées bilogarithmiques, et enfin méthode par calcul à partir de G et de x.

Dans la première méthode (Rivière, 1952), on compare la courbe à un faisceau de courbes ca- noniques dont chacune est représentative d’une valeur du produit NG. La comparaison nécessite un ajustement de la courbe expérimentale par transformation de ses échelles. On peut donc estimer la valeur de NG et, connaissant G par la méthode indiquée plus haut, on obtient immédiatement N. Cette méthode est utile pour déterminer la valeur de N pour la courbe tout entière, ou pour sa par- tie centrale si elle présente des inflexions prononcées ou encore pour tout segment choisi de celle-ci.

La seconde méthode utilise le fait que n est la mesure de la pente de la courbe de fréquence en coordonnées bilogarithmiques. Pour construire cette dernière, à chaque point x, y, de la courbe cumulative, on fait correspondre un point de même abscisse mais d’ordonnée Y, calculée d’après la formule :

Y = Ig P - lg x (Rivière, 1960)

dans laquelle P est la pente de la tangente à la courbe au point x, y, mesurée au rapporteur. Le ter- me en Ig x doit être pris comme une longueur sur l’échelle des x, entre x et une origine qu’il est bon de placer à droite, l’expression (C - Ig x )) devenant alors positive. Pratiquement, on transforme un nombre limité de points, d’autant plus que la courbe de fréquence en coordonnées bilogarithmi- ques est souvent formée de segments de droites. En fournissant plusieurs indices par échantillon, cet- te méthode met en évidence l’existence de stocks granulométriques déposés dans des conditions dif- férentes pour aboutir à la formation d’un sédiment unique. La sensibilité de cette méthode m’a per- mis de mettre en évidence des interactions entre les fractions granulométriques telles que le piégeage de fines par les grossières (Baltzer, ce mémoire, p. 130).

La méthode d’évaluation de N la plus récente (Rivière, 1976) se fait par calcul à partir de la moyenne logarithmique k et de l’indice de classement G, par application de la formule générale :

y = 100 $r - 1

- 1

X, = X - 0,B est le logarithme du diamètre, diminué du logarithme du plus petit diamètre dont I’a- nalyse est toujours garantie par la pipette d’Andreassen 0,B par convention, lorsque les diamè- tres sont exprimés en I/l00 pm.

G = Xloo - 0,8. L’indice de classement de Rivière, G, peut être défini comme le logarithme du dia- mètre maximum de la distribution (X loo), diminué du lg du diamètre minimum atteint par la technique, 0,8 (d en I/l00 Mm).

Un abaque, calculé par A. Rivière (1977), donne les valeurs de NG en fonction d’un nombre v qui se calcule facilement à partir de la formule suivante :

v = 20 Ig ( xloo - On8 - 1) X - 0.8

On voit que v ne dépend que du logarithme du diamètre de la plus grosse particule de la dis- tribution, Xloo, et du logarithme de la moyenne logarithmique x.

Page 110: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

106 Frédéric BAL TZER

G et x sont calculés sur une courbe cumulative en diamètre de Stokes Berthois. Nous avons défini plus haut le mode de calcul de x à partir de l’aire délimitée par la courbe cumulative. Pour une mesure homogène, l’aire doit être délimitée par la parallèle à l’axe des y passant par l’abscisse 0,063 prn (dont la valeur en I/l06 prn a pour logarithme 0,8). Pour éliminer le centile supérieur de la distribution, très sujet aux variations aléatoires, on limite l’aire, à sa partie supérieure, par la pa- rallèle à l’axe des x passant par l’ordonnée 99 % au lieu de 100 %. Ces calculs faits, la valeur de v permet de lire la valeur de NG sur l’abaque et d’en déduire N.

Cette méthode permet de calculer l’indice N pour la totalité de la courbe cumulative sans dif- ficulté, même lorsque la courbe présente des inflexions. Cette méthode permet une vérification puis- qu’il est possible de recalculer la courbe à partir des indices par application de la loi générale expo- sée ci-dessus. Pour la vérification de nos courbes sur papier semi-logarithmique, la formule de I’ex- pression générale de la granulométrie devient (A. Rivière, Comm. orale, 1977) :

y = (99 - Y(-J$ 10NXr - 1

10NG - 1 + yO,

dans laquelle y0 8 est la valeur de y en % pour le point de la courbe cumulative expérimentale d’abscisse O,063’pm, dont le lg est 0,8 en I/l00 prn. A. Riviére et S. Vernhet (1976) font état d’une concordance à 90 % pouvant atteindre 95 et même 98 %, entre la courbe expérimentale et la courbe recalculée d’après les indices. Nos résultats confirment cette très bonne concordance.

NOTION DE GRANOFACIÈS ET D’ÉVOLUTION GRANULOMÉTRIQUE

Les courbes granulométriques complètes (lutites comprises), construites en coordonnées semi- logarithmiques et représentatives de sédiments déposés dans des conditions homogènes, ont souvent une forme générale en arc dont la concavité, accentuée ou non, est orientée soit vers le haut, soit vers le bas. Elles peuvent aussi avoir une forme rectiligne, c’est-à-dire une concavité nulle. Les indi- ces N et n de Rivière (n = N - 1) donnent la mesure - positive, nulle ou négative - de cette con- cavité et définissent ainsi le faciès granulométrique du sédiment (mot que je propose de condenser en (cgranofaciès»). On peut calculer N pour la totalité de la courbe (Rivière, 1976, cfi ci-dessus, p. 105) ou pour un segment de celle-ci (Rivière, 1960, cf p. 105). Pour certaines études, il est utile de définir des indices ponctuels (Baltzer, 1971) qui seront caractéristiques d’une dimension de parti- cule ou d’un fractile. Pour préciser si l’indice en question s’applique à la totalité, à un segment ou à un point de la courbe, j’utilise les symboles suivants :

Np ou np : indice ponctuel

Ns ou ns : indice segmentaire

Nt OU “t : indice total

Les granofaciès définis par ces indices pourront être eux-mêmes qualifiés de totaux, segmentai- res ou ponctuels.

Les granofaciès sont regroupés en un nombre limité de familles et de types remarquables (cf. p. 107).

Les figures du sous-chapitre suivant donnent des exemples de courbes de ces divers faciès avec l’indication des indices correspondants.

Les courbes des sédiments à faciès logarithmique, caractérisées par leur indice N, égal à 0 sont rectilignes lorsqu’elles sont construites en coordonnées semi-logarithmiques. Lorsqu’une série de cour- bes de faciès divers sont figurées simultanément, les courbes de faciès logarithmique occupent une

Page 111: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Approche granulométrique de la dynamique sédimentaire 107

- ~~~~_~

INDICES N n

>l >o

ZZZ 1 ZZZ 0

0 <N<I -I<n <0

= 0 =- 1

<o <-1

<-1 <-2

Concavité de la courbe Accentuation Sens : vers

trés forte

forte

variable

nulle

le haut

le haut

le haut

(nulle)

variable

forte

le bas

le bas

GRANOFACIES ET MODE DE DEPOT

ultraparabolique, dépôt lévigé

linéaire

parabolique, dépôt par excés de charge

logarithmique, équilibre avec le courant transporteur

hyperbolique, décantation

infrahyperbolique (granofaciés segmen- taire et ponctuel seulement)

position centrale entre les courbes de faciès parabolique et les courbes de faciès hyperbolique. Le même ordre se retrouve dans la nature, où les sédiments déposés par le même appareil fluviatile et la même crue portent, d’amont en aval, les traces d’une évolution qui les fait passer successivement par des stades qui sont paraboliques, logarithmiques et hyperboliques. Ce passage progressif de sédi- ment à sédiment observé dans la nature vient du fait que la charge solide du cours d’eau se modifie à chaque instant en perdant sélectivement une partie de ses constituants. La sédimentation ne peut rester rigoureusement la même d’amont en aval. La formule générale de la granulométrie a la forme de la loi de la diffusion de Freundler (A. Riviére, Comm. orale). On voit bien l’analogie avec les phénomènes de diffusion, à ceci près que l’évolution granulométrique s’achève par une extrême con- centration au niveau du sédiment lui-même et ne s’arrête pas au stade de la dilution.

Dans leur immense majorité, les sédiments transportés par l’eau sont caractérisés par une prédo- minance de la fraction fine. Ainsi, le faciès logarithmique doit son nom au fait qu’en coordonnées arithmétiques, il est représenté par une fonction logarithmique. La pente de la courbe représentative, proportionnelle à la fréquence pondérale des particules, est très forte vers les particules fines et ne cesse de diminuer vers les grossières. Cette prédominance de la fraction fine devient énorme pour le faciès hyperbolique, puisque la pente la plus forte au niveau de la fraction fine est déjà bien visible sur les courbes semi-logarithmiques. Cette prédominance reste réelle pour le faciès parabolique et ne s’annule que pour le faciès linéaire, Toutefois, par le nombre des particules, sinon par le poids, les particules fines sont encore, et de beaucoup, les plus fréquentes, même dans le faciès linéaire. La méthode des indices nous permet d’évaluer si les fréquences pondérales des particules se répartissent suivant une loi logarithmique ou suivant une loi qui privilégie les particules fines encore davantage (faciès hyperbolique) ou beaucoup moins (faciès parabolique).

Dans la suite de ce mémoire, du fait que nous utilisons exclusivement des courbes semi-loga- rithmiques, les fréquences seront implicitement décrites par rapport au faciès logarithmique. Ainsi le faciès hyperbolique présente-t-il une fréquence maximale vers les fines, le faciès hyperbolique, une fréquence constante sur toute l’étendue du spectre granulométrique et le faciès parabolique un maxi- mum de fréquence vers les particules grossiéres. Cette observation explique la corrélation entre les indices et la grosseur moyenne des sédiments. Les modalités de cette corrélation sont un moyen de distinguer les sédiments de diverses origines. Mais, en moyenne, les faciès hyperboliques sont toujours les plus fins, les faciès logarithmiques sont intermédiaires et les faciès paraboliques, grossiers, alors que le spectre granulométrique, indiqué par G, reste à peu près constant. L’indication de grosseur moyenne du sédiment que nous donne l’indice N, est pondérée par l’indication de la fréquence rela-

Page 112: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

108 Frédéric BA L TZE R

tive des particules fines et grossières. C’est à ce titre que l’indice N, doit être considéré comme un indice d’évolution et un indice de variation d’énergie (Rivière, 1977).

Connaissant x, G et N,, c’est-à-dire la moyenne logarithmique, l’indice de grosseur et l’indice d’évolution d’un sédiment, on peut en calculer la courbe granulométrique théorique a l’aide de la formule générale de la granulométrie de Rivière et Vernhet (cf. p. 105). La coïncidence entre la courbe expérimentale et la courbe théorique obtenue est parfaite pour certains sédiments très évo- lués. Pour des courbes représentatives de sédiments moins évolués, certains écarts par rapport à la courbe théorique mettent en évidence une complexité plus grande de la composition granulométri- que du sédiment. Malgré tout, ces écarts restent dans des limites assez restreintes pour que la loi puisse être considérée comme vérifiée à 90 % dans les cas les plus défavorables (Rivière, 1977). la vérification atteignant sensiblement 100 % dans d’autres cas. Plus ces écarts sont importants, plus les indices segmentaires sont différents les uns des autres dans le même sédiment et plus ils sont nombreux. Un sédiment dont le granofaciès total est parabolique est souvent composé de plus de 4 fractions dont chacune présente un faciès segmentaire différent. A mesure que l’évolution de la chaîne sédimentaire se poursuit vers les faciès logarithmique puis hyperbolique, toutes les fractions tendent à unifier leurs faciès segmentaires qui finissent par être tous hyperboliques, le faciès total lui-même devenant hyperbolique.

La cartographie des isogrades N, (courbes d’égal indice NJ m’a permis de vérifier cette qualité de l’indice N t : les zones qu’il permet de signaler comme caractérisées par des conditions calmes ou au contraire par de forts courants se vérifient très bien par l’observation des conditions réelles sur le terrain. De ce fait, des coupes en isogrades N, ont été utilisées pour interpréter la granulométrie des sédiments de toute l’épaisseur du delta de la Dumbéa.

APPLICATION ET DEVELOPPEMENTS NOUVEAUX SUR L’EVOLUTION

GRANULOMËTRIQUE

GRANOFACIÈS CARACTERISTIQUES SUR DES EXEMPLES DE SliDIMENTS

NËOCALliDONIENS

Pour donner des exemples concrets de granofaciès caractéristiques sur des sédiments de Nouvel- le Calédonie, nous allons appliquer les principales méthodes des indices de Rivière (1960, 1976) à 6 échantillons sélectionnés. Nous en déduirons les principales propriétés des trois faciès fondamentaux et des faciès segmentaires qui leur sont associés. Pour chaque échantillon, on a représenté sur un graphique unique (Fig. 39 - 44) la courbe granulométrique et la courbe de fréquence en coordonnées bilogarithmiques. Les dimensions indiquées en abscisses sont les diamètres de Stokes pour la fraction inférieure à 35 /.rrn. Au-dessus de 35 prn, j’ai figuré simultanément la courbe classique où les abscis- ses représentent le vide de maille des tamis et la courbe transformée où les abscisses représentent les diamètres de (Stokes Berthois,. C’est cette dernière qui a servi pour l’établissement de la courbe de fréquence bilogarithmique et pour le calcul de N, par intégration. Les échantillons choisis illustrent les trois granofaciès principaux en montrant successivement un exemple répondant particulièrement bien à la méthodologie et un exemple de courbe courante. Pour chaque échantillon, on pourra com- parer la courbe expérimentale (transformée S.B.) à la courbe granulométrique théorique calculée à partir des indices N,, x et G et vérifier leur bonne correspondance.

Page 113: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Approche granulométrique de la dynamique sédimentaire 109

MT6 A

OI 1 I l I

0.01 0.l <.O 10 Go IMD B-r-

FIG. 39 : FACIES HYPERBOLIQUE TYPE -COURBES GRANULOMÉTRIQUES

NAT 3iA

0.0, 0.I ,.D 10 100 1000 r”en/A‘m

FIG. 40 : FACIES HYPERBOLIQUE -COURBES GRANULOMETRIQUES

Page 114: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

110 Frédéric BAL TZER

FACIES HYPERBOLIQUE

Faciès hyperbolique type (MT 6 A)

Le faciès hyperbolique type est repuesenté par une argile de la zone interne du Marais de Mara (Baltzer, 1970). Ce sédiment actuel se dépose par décantation de la charge extrêmement fine de l’eau de mer qui atteint la frange terrestre des marais maritimes, par marée exceptionnelle, après avoir traversé la forêt de mangrove. Ce milieu de dépôt, extrêmement peu profond (quelques centi- mètres) est parmi les plus calmes que l’on puisse trouver. La courbe expérimentale (Fig. 39) a la forme d’un arc à concavité vers le bas. La transformation des diamètres en vides de mailles en dia- mètres de Stokes Berthois ne la modifie que très peu.

La méthode par intégration donne un indice Nt = - Q29 typique du faciès hyperbolique. Les points constitutifs de la courbe de fréquence bilogarithmique peuvent facilement se ramener à une droite unique, dont la pente donne la valeur de l’indice n : - 1,30. La droite étant unique, n est valable pour la totalité de la courbe cumulative et peut donc être considéré comme un indice total r+. On a donc nt = - 1,3 et, du fait que n = N - 1, on a N, = - 0,3, valeur parfaitement compa- tible avec la valeur de N, obtenue par intégration de la courbe cumulative,

La courbe recalculée par la formule générale de la granulométrie à partir des indices x = 1,297 ; G = 3,50 et Nt = 0,291 est en accord parfait avec la courbe cumulative expérimentale à un degré tel que les points representatifs de l’une sont représentatifs de l’autre.

Faciès hyperbolique courant (NAT 31 A)

Le faciès hyperbolique courant est représenté par une argile provenant d’une dépression latéra- le de la Dumbéa (rive gauche) occupée par un marécage à végétation arborescente dulçaquicole (Me- Zuleuca Zeucadendron). La courbe cumulative, de forme analogue à la précédente, présente une sensi- ble accentuation de la courbure vers les grossier-es (Fig. 40). La méthode par intégration fournit un indice N, de - 0,269 qui montre le caractere hyperbolique du granofaciès. La courbe de fréquence bilogarithmique peut se ramener à une droite unique dont la pente donne un indice nt = - 1,3 soit Nt = - 0,3, ce qui est en bon accord avec la valeur précédemment indiquée. Cependant, dans le dé- tail, on voit se succéder le long de la courbe bilogarithmique une série d’indices de plus en plus fortement négatifs vers les fractions grossières. Ceci traduit une évolution plus poussée des grossières et moindre des fines.

La courbe granulométrique recalculée à partir des indices s’écarte légèrement de la courbe ex- périmentale, mais les écarts se compensent et montrent que N, peut être considéré comme parfaite- ment caractéristique du total de l’échantillon.

Le faciès hyperbolique, en général

La forme des courbes de faciès hyperbolique, arquée, avec la concavité vers le bas (selon nos conventions de construction, cf. p. 103 et 1041, est typique et très régulière dans l’ensemble. Le grain moyen est toujours fin (0,84 et 0,89 prn, respectivement, pour les exemples ci-dessus). La fin de la distribution, vers les fines, se traduit par une limite dimensionnelle extraordinairement tranchée. Une extrapolation raisonnable situe cette limite vers 0,02 prn. L’absence de toute particule de dia- mètre inférieur à 0,02 prn oppose formellement le faciès hyperbolique aux autres faciès, faciès dans lesquels un paradoxe apparent fait subsister une petite proportion de particules plus fines alors que leur grain moyen est toujours plus grossier. Les sédiments à faciès hyperbolique sont systématique- ment associés aux conditions de milieu les plus calmes, où toute particule apportée par l’eau est dé- finitivement bloquée, d’où le nom de faciès de décantation.

Page 115: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Approche granulométrique de la dynamique sédimentaire 111

GRANOFACIES LOGARITHMIQUES

Faciès logarithmique type (NAT 18 1)

Ce faciès, représenté par un limon d’âge holocène, recueilli par forage, à 5,8 m de profondeur dans la dépression latérale du delta de la Dumbéa, était associé à des limons et à des sables fins disposés en chenaux. Le contexte sédimentaire évoque un courant modéré à faible. La courbe cumu- lative (Fig. 41) se compose d’un long segment central rectiligne prolongé par deux crochets, ce qui lui donne la forme en XS)) allongé du signe d’intégration, La transformation de la partie grossière de la courbe en diamètres de Stokes Berthois raccourcit le crochet des grossières sans le faire disparaî- tre, La courbe transformée rejoint la parallèle à l’axe des x d’ordonnée 100 % suivant un angle qui exclut toute idée d’asymptote.

Le calcul par la méthode d’intégration donne un indice N, = 0,024, très voisin de 0 qui mon- tre que, dans sa totalité, la courbe est caractérisée par un indice logarithmique à peu près parfait. Cette valeur suggère que les crochets de la courbe sont de simples épiphénomènes n’altérant que très peu le faciès logarithmique principal. La courbe‘de fréquence en coordonnées bilogarithmiques met cependant en évidence trois granofaciès segmentaires. Le faciès logarithmique, largement prédominant, est encadré vers les fines par un faciès parabolique accentué ( ns = - 0,l ou Ns = + 0,9) et vers les grossières par un faciès hyperbolique, lui aussi très marqué (nos= - 1,9 ou Ns = - 0,9). Les cro- chets qui représentent ces deux faciès sur la courbe cumulative se compensent mutuellement dans la détermination de l’indice total.

La courbe cumulative recalculée à partir des indices Nt = + 0,024, G = 3,825 et x = 2,774 (2 = 5,93 prn) est évidemment très voisine de la droite joignant les extrémités de la courbe expéri- mentale (Fig. 41). Au premier abord, cependant, la courbe expérimentale diffère de la courbe calcu- lée par la plus forte pente de sa partie rectiligne. Ceci ne change en rien le caractère logarithmique du granofaciès qui est défini par le seul fait que la courbe est une droite. La différence de pente vient du fait que les deux crochets sont de concavités contraires, mais d’extension égale et se com- pensent dans le calcul de Nt’ La courbe recalculée répartit les pourcentages pondéraux comme si un peu plus de sédiment - en poids - était affecté par le faciès logarithmique tout en s’étendant sur un intervalle dimensionne1 beaucoup plus grand.

Faciès logarithmique, courbe courante (NAT 13 A)

Ce faciès est représenté par un limon actuel provenant d’un marais intermédiaire de la dépres- sion latérale de la rive gauche de la Dumbéa, près de la périphérie du remplissage quaternaire. II y a peu de différence entre la partie de la courbe granulométrique où les diamètres sont exprimés en vide de maille et celle où ils sont exprimés en diamètres de Stokes Berthois. L’ensemble dessine un (6)) très aplati.

La méthode par intégration donne un indice N, = - 0,009 qui traduit un granofaciès total lo- garithmique.

La courbe de fréquence en coordonnées bilogarithmiques se divise en 4 segments (Fig. 42). Les fractions fine et ultrafine sont caractérisées par un faciès parabolique (ns = - 0,9 ; Ns = + 0,l). Les fractions plus grossières (limons et sables fins) sont caractérisées par un faciès hyperbolique de plus en plus prononcé vers les grossières (ns = - 1,4 ; - 1,8 et - 3,5).

Compte tenu de l’indice N, très voisin de 0, il est inutile de recalculer la courbe point par point : on sait qu’il s’agit d’une droite passant par les extrémités de la courbe cumulative en coor- données de Stokes Berthois. La courbe cumulative expérimentale passe peu au-dessous de cette droi- te du côté des fines (faciès parabolique peu accentué) et peu au-dessus d’elle vers les grossières (fa- ciès faiblement hyperbolique). Nous sommes en présence d’un premier cas où le granofaciès total ne

Page 116: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

112 Frédéric BAL TZER

A’AT l8i

FIG. 41 : FACIES LOGARITHMIQUE TYPE - COURBES GRANULOMETRIQUES

NAT /3A

00 *@,%*m 0 01 OI m 10 100 IOOD

FIG. 42 : FACIES LOGARITHMIQUE COURANT- COURBES GRANULOMETRIQUES

Page 117: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Approche granulométrique de la dynamique sédimentaire 113

se retrouve exactement dans aucun des granofaciès segmentaires de la courbe d’origine. Malgré cela, on peut voir sur la figure 42 que la droite est une très bonne approximation de la courbe en coor- données de Stokes Berthois et que les faciès segmentaires ne s’écartent pas beaucoup du faciès total.

Le faciès logarithmique en général

Le faciès logarithmique se présente en courbes rectilignes sur une grande partie de leur exten- sion ou bien présentant la forme d’un es.)) très aplati, L’absence de forte pente le long de ces cour- bes rend compte d’une distribution sans mode ou avec un mode très peu marqué. La partie moyen- ne des distributions de ce type a généralement la dimension des limons. Les courbes représentatives s’incurvent vers les grossières en un crochet à faciès hyperbolique et, vers les fines, en un crochet à faciès parabolique. Ces crochets peuvent être courts (NAT 18 1) ou occuper une part importante de la distribution (NAT 13 A). Les sédiments à faciès logarithmique peuvent contenir plusieurs dizaines de % de particules de diamètre inférieur à 0,063 prn. La proportion de ces particules de dimensions colloïdales est significativement plus élevée que dans le faciès hyperbolique et la limite dimensionnel- le en est plus petite.

Le faciès logarithmique est un faciès de transport évolué, c’est-à-dire dans lequel s’est réalisé un équilibre entre les compositions granulométriques de la charge solide de l’eau et du sédiment. La formation de ce faciès s’accompagne d’un échange constant de particules entre la phase solide en suspension et la phase sédimentée. Cet échange permanent favorise la rétention de particules ultra- fines dans les interstices des grains déposés, à l’interface entre l’eau et le sédiment.

GRANOFACIES PARABOLIQUES

Faciès parabolique type, (éch. Brenda 2)

Le sédiment type du faciès parabolique est formé de sable très fin et de limon, son diamètre moyen étant de 46 prn. Ce sédiment a été recueilli après la crue de janvier 1968 dans un marais de la dépression latérale de rive droite. La courbe cumulative présente une forme arquée régulière à concavité vers le haut qui caractérise la quasi totalité de la masse du sédiment, depuis les plus fines jusque vers 35 prn. La présence d’une petite quantité de sable fin se manifeste par un «bec>, petit prolongement subhorizontal de la courbe se raccordant à celle-ci par une inflexion à très petit rayon de courbure (rayon millimétrique). La courbe transformée en diamètres de Stokes Berthois ne diffè- re de la courbe en diamètres exprimés en vide de maille que par un léger raccourcissement du ((bec)) et une ouverture un peu plus grande de l’arc (Fig. 43).

La méthode par intégration donne un indice N, = + 0,295, typique du faciès parabolique. La courbe de fréquence bilogarithmique est formée de deux segments : l’un, de pente 0,7, concerne 90 % de la distribution et l’autre, de pente inférieure à - 8, concerne seulement le dernier centile (le plus grossier). L’arc est donc caractérisé par les indices ns = - 0,7 et Ns =+ 0,3, en accord avec la mesure par intégration. Le bec est caractérisé par les indices ns = - 8 et Ns = - 7, c’est-à-dire par un granofaciès segmentaire fortement hyperbolique. La courbe recalculée à partir des indices de la - courbe expérimentale (X = 2,663 ; G = 2,85 et N, = + 0,295) est en très bonne coïncidence avec cette dernière sur la totalité du domaine granulométrique, sauf dans le domaine le plus grossier où le bec n’est pas reproduit. L’absence du bec est d’ailleurs sans inconvénient, car il ne caractérise qu’une part infime du sédiment.

Faciès parabolique courant, hétérpgène (éch. III i A)

Le faciès parabolique le plus courant est représenté par un sable fin limoneux, de diamètre moyen 74 prn, récolté sur la levée de rive droite de la Dumbéa, au point d’aboutissement du tran-

Page 118: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

114 Frédkic BAL TZER

0.01 01 I.0 10 100 ,000

FIG. 43 : FACIES PARABOLIQUE TYPE -COURBES GRANULOMÉTRIQUES

%

FIG. 44 : FACIES PARABOLIQUE COURANT, HETEROGENE COURBES GRANULOMliTRIQUES

Page 119: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Approche granulométrique de la dynamique séditientaire 115

sect III sur le fleuve. Comme pour l’échantillon précédent, la courbe cumulative présente une forme arquée à concavité vers le haut (Fig. 44). Mais la flèche de l’arc est beaucoup plus grande que pré- cédemment et la courbure n’est pas homogène. La courbe peut s’interpréter comme l’association d’une fraction sableuse dominante, à faciès logarithmique avec une fraction fine peu abondante qui forme la queue à faible pente de la courbe. Le faciès logarithmique du corps de la distribution a’ tous les caractères du faciès logarithmique type que nous avons étudié si ce n’est qu’il est formé de sables et est, précisément, associé à une fraction plus fine. Comme le faciès type, ce faciès logarith- mique se décompose en trois granofaciès segmentaires qui sont, du plus grossier vers le plus fin : un crochet hyperbolique, un segment principal logarithmique et un crochet parabolique.

La méthode par intégration donne une valeur de N, = + 0,710, typique d’un faciès parabolique prononcé. Sur la courbe de fréquence en coordonnées bilogarithmiques, quatre segments à pente né- gative et une zone courbe à pente variable positive confirment cette interprétation.

La fraction grossière du sédiment est en effet caractérisée par un granofaciès segmentaire forte- ment hyperbolique (ns = - 6 ; Ns = - 5) qui constitue le crochet (14 % du poids du sédiment, jus- qu’à 1 000 prn de diamètre). Près de la moitié du sédiment (46 %, 140 à 200 prn en diamètre réel) se caractérise par un granofaciès segmentaire logarithmique (ns = - 1 ; Ns = 0). La zone à forte cour- bure du centre de la courbe expérimentale se traduit par des segments à pente positive atteignant + 8 sur la courbe bilogarithmique. La disposition de ces trois faciès segmentaires rappelle exactement la disposition des faciès segmentaires constituant le granofaciès total logarithmique que nous avons pris pour type. Toutefois, les valeurs très fortes en valeur absolue prises par les indices pour les cro- chets conduisent à parler de faciès infrahyperbolique et ultraparabolique. Ces faciès ne sont observés que comme granofaciès segmentaires.

Les limons et argiles de ce sédiment sont représentés par le segment subrectiligne à faible pente de la courbe expérimentale. La courbe de fréquence en coordonnées bilogarithmiques montre que le granofaciès segmentaire de cette fraction est un faciès parabolique faiblement accentué, un peu plus accentué pour les ultrafines.

La courbe recalculée à partir des indices de la courbe expérimentale (2 = 3,866 ; G = 3,663 et N, = + 0,710) rend bien compte de la forme générale de celle-ci. Plus souple que son original, elle donne du creux aux parties rectilignes et redresse les courbes préexistantes au point d’effacer complè- tement le crochet des grossières. Cette fois, les indices segmentaires obtenus par la courbe de fréquen- ce en coordonnées bilogarithmiques n’ont plus aucun point commun avec le granofaciès total détermi- né par la méthode d’intégration.

Le faciés parabolique en général

Le faciès parabolique se caractérise par une courbe arquée, à concavité vers le haut, terminée vers les grossières par un crochet concave vers le bas. En coordonnées semi-logarithmiques, le diamè- tre modal est toujours voisin du diamètre maximal de la distribution. Les sédiments affectés par ce faciès correspondent toujours à des conditions de dépôt dans un courant relativement rapide, Ainsi, les deux exemples présentés ci-dessus proviennent l’un, de la levée, en bordure du lit mineur, et I’au- tre d’un marais très proche, où le courant était actif. Le faciès parabolique est un granofaciès de transport qui apparaît dès le début de l’évolution fluviatile des sédiments. La charge solide de l’eau n’est pas encore adaptée au courant transporteur, Les particules grossières sont en excès dans la suspension et se déposent en plus grande abondance qu’elles ne le feront vers l’aval.

GRANOFACIES PÉDOLOGIQUES

Pour comprendre comment peuvent prendre naissance les granofaciès dans les sédiments, il est important de connaître la distribution des particules dans les sols du bassin versant. II se trouve que

Page 120: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

116 Frédéric BAL TZER

le matériel pédologique soumis à l’érosion sur le bassin versant a une distribution granulométrique de type logarithmique, quelle que soit la nature, cristalline ou sédimentaire, de la roche mère. La mesure de l’indice d’évolution N, ne peut avoir toute sa signification que pour un sédiment. Cepen- dant, il est intéressant de connaître l’indice d’un sol pour comprendre à partir de quelle distribution et comment on arrive à la formation des divers granofaciès.

Parmi les roches du bassin versant de la Dumbéa, les péridotites de I’Qligocène et les rhyolites et grès fins du Crétacé couvrent, les premières surtout, la plus grande surface, Nous examinerons trois exemples de sols formés sur ces roches. L’exemple de sol sur péridotite (Koe 9 B) provient de la langue colluviale qui descend la vallée du Carigou. C’est un sol rouge fauve, à grenaille latéritique, blocs de silice cariée et de péridotite, riche en Gœthite avec un peu de Quartz et de Nontronite. Le très mauvais classement des particules, nettement visible, est confirmé par les indices (qdrj de Krum- bein = 4,7 ; SO de Trask = 25 ; G = 3,85). Malgré quelques bosses, la courbe est à peu près rec- tiligne, ce qui aboutit à l’indice N, de - 0,02, c’est-à-dire à un faciès logarithmique. La courbe ne présente guère de diminution de la pente vers la fraction grossière et s’arrête brutalement en attei- gnant l’ordonnée 100 %, sans former de crochet. La construction en coordonnées de Stokes Berthois accentue cette propriété.

Les propriétés granulométriques des sols formés sur d’autres roches mères sont comparables. Le sol sur Rhyolite vient de la haute vallée de la Ouanéoué (PEP 1 E). La fraction argileuse de ce sol contient de I’illite et du quartz, pratiquement pas de gœthite. La fraction grossière est constituée de blocs anguleux de rhyolite. Le sol sur grès fin du Crétacé (KOE 10) est formé principalement de Quartz et de petits fragments de grès, accompagnés d’un peu d’argile (illite). Comme le sol sur péri- dotites, ces sols sont caractérisés par le mauvais classement des grains (SO de 14 à 25) et par un fa- ciès logarithmique (Nt = - 0,02 à + 0,08). Les courbes présentent des ondulations et s’arrêtent bru- talement, sans diminution de la fréquence dans les fractions les plus grossières.

Le fait que les sols du bassin versant tendent vers le faciès logarithmique est très important : il permet de prouver que l’évolution granulométrique des sédiments fluviatiles est rapide, presque ins- tantanée, et qu’elle dépend des conditions hydrodynamiques beaucoup plus que de la composition du stock de particules disponibles. En effet, bien que les sols soumis à l’érosion dans les régions amont du bassin versant aient un granofaciès logarithmique, les premiers sédiments déposés ont un granofaciès parabolique, fortement enrichi en grossières par le lavage des fractions fines. Ce n’est que plus en aval que pourront se redéposer les fines qui participeront à la formation de faciès logarith- miques fluviatiles puis de faciès hyperboliques. Les faciès logarithmiques dus à l’évolution en milieu fluviatile sont différents des facies logarithmiques d’origine pédologique. Ils sont plus purs, la partie centrale de la courbe pouvant être parfaitement rectiligne. Ils sont associés à des faciès segmentaires de faible extension, faciès parabolique pour la fraction la plus fine, faciès hyperbolique pour la frac- tion la plus grossière, qui sont la marque même du courant hydraulique transporteur. Enfin, les fa- ciès logarithmiques du milieu fluviatile sont plus ((courts» que les faciès logarithmiques pédologiques. Ils s’étendent sur un plus faible spectre granulométrique, ce qui aboutit à un meilleur classement (qd$ = 2,2 ; SO = 4,6 ; G = 3,825).

On retiendra de ceci le fait que l’érosion charge le cours d’eau de particules réparties suivant une distribution qui, à l’origine, est logarithmique. Dès le tout début de la sédimentation consécuti- ve, le dépôt va refléter les conditions hydrodynamiques régnantes beaucoup plus que la distribution originelle des particules.

GRANOFACIES CARACTÉRISTIQUES. CONCLUSION

La revue d’exemples de sédiments récents et actuels que nous venons de faire confirme les re- lations précises entre les conditions de dépôt du sédiment et la courbe granulométrique. Ces exem-

Page 121: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Approche granulométrique de la dynamique sédimentaire 117

ples ont surtout permis de vérifier que l’on peut, à l’aide de trois nombres seulement, caractériser complètement une distribution granulométrique au point de pouvoir la reconstruire par le calcul, avec une précision qui, dans les cas les plus favorables, est parfaite. Dans les cas les moins favora- bles, la représentation reste tout à fait satisfaisante. Les conditions de forte énergie d’un écoulement rapide sont caractérisées par le faciès parabolique. Ces conditions font progressivement place à des conditions d’énergie adaptées à la charge transportée et le faciès devient logarithmique. Enfin, I’éner- gie devient insuffisante et un sédiment à faciès hyperbolique se dépose. Pourtant, dans les sols du bassin versant, les particules qui sont susceptibles d’être à tout moment arrachées par l’érosion sont réparties suivant une distribution logarithmique. Cette distribution logarithmique d’origine pédologi- que est détruite par le courant fluviatile et fait place, dans les sédiments qui se déposent vers l’aval, aux granofaciès répartis dans l’ordre de la séquence évolutive qui vient d’être citée et que nous al- lons examiner plus en détail sur des exemples réels du delta de la Dumbéa. L’étude des séquences évolutives réelles et l’étude des suspensions permettent de comprendre comment se forment les gra- nofaciès.

LA S%QUENCE EVOLUTIVE ET SES MECANISMES

NOTION DE SÉQUENCE ÉVOLUTIVE ET MOYENS D’ÉTUDE

L’étude de la séquence évolutive est, avec l’étude des suspensions, un des plus puissants moy- ens que j’ai trouvés pour déceler les mécanismes de formation des granofaciès. On peut déjà consta- ter l’existence d’une séquence évolutive en portant sur un seul diagramme les courbes cumulatives d’une série d’échantillons déposés par une même crue, sur une même ligne de courant, ce que nous appellerons une chaîne orientée de sédiments. Les courbes se rangent sur le diagramme en fonction de leurs dimensions, suivant un ordre qui est l’ordre même des points de prélèvement sur le terrain. Les sédiments de l’amont de la chaîne sont plus grossiers, les sédiments de l’aval plus fins. L’évolu- tion granulométrique apparaît par les modifications de forme des courbes qui accompagnent cet affi- nement progressif.

Un premier mode d’étude de la séquence évolutive peut être l’examen des variations de fracti- les séZectionnés, en fonction de la localisation géographique (Rivière, 1952 ; Baltzer, 1971). Grâce à cette technique, nous pourrons voir que les sédiments qui aboutissent sur les dépressions latérales du delta proviennent non seulement de la face fluviatile des marais, mais aussi de leur face maritime occupée par les mangroves. Mais la recherche des indices segmentaires par la méthode de la courbe de fréquence en coordonnées bilogarithmiques est plus efficace pour montrer les mécanismes de sé- lection en jeu dans la réalisation des granofaciès dans la nature. Cependant, les indices segmentaires se prêtent imparfaitement aux comparaisons entre échantillons parce que les limites des granofaciès segmentaires varient. La difficulté est levée par l’emploi des granofaciès ponctuels grâce auxquels la comparaison point par point des indices d’évolution des sédiments d’une même chaîne devient possi- ble, avec une grande cohérence des résultats. Les granofaciès ponctuels peuvent être définis pour un fractile (granofaciès de fractile) ou pour une dimension (granofaciès dimensionnel). Les indices fracti- laires, en montrant la progressivité de l’évolution, mettent en évidence le déterminisme par lequel les granofaciès segmentaires se modifient graduellement pour aboutir aux granofaciès totaux homogènes qui terminent l’évolution. Les indices dimensionnels montrent comment la dimension des particules régit l’acquisition du granofaciés. L’évolution est plus rapide pour les fractions grossières, plus lente pour les fines, et on peut voir des interactions entre les stocks des diverses dimensions,

La mesure de ces indices ponctuels est simple. La courbe de fréquence en coordonnées biloga- rithmiques est construite sur le même diagramme que la courbe granulométrique et la valeur de la

Page 122: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

118 Frédkic BAL TZER

166O 25’ E

!2”S

FIG. 46 : LOCALISATION DU TRANSECT III (ZONE DELTAIQUE) ET DU TRANSECT 99 (PLAINE ALLUVIALE)

SUR LA BASSE VALLÉE DE LA DUMBEA

Baie Hoff

Rhizophora

---_

---

-~-&a

E -- _

--us--- -_ T&*f

-SalicornieA -L

officinalis

FIG. 46 : LOCALISATION DES POINTS DE PRELEVEMENT SUR LE TRANSECT III

AVEC INDICATION DES FORMATIONS VÉGÉTALES

Page 123: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Approche granulométrique de la dynamique sédimentaire 119

pente de chacun des segments qui la composent est indiquée. Ces valeurs de la pente sont les indi- ces ns. On peut mesurer par simple lecture quel indice ns correspond à toute dimension de particule repérée sur l’axe des x. L’indice ns, lié à une dimension précise, devient alors un indice ponctuel np. Suivant le cas, la dimension correspond à un fractile et l’indice est fractilaire ou la dimension est arbitraire et l’indice est dimensionnel. Pour tout fractile ou toute dimension choisie, on construit la courbe représentative de l’indice n en fonction de la localisation géographique sur le transect. Une bonne vision d’ensemble est donn, par la représentation simultanée de 7 fractiles : la médiane et le premier et le dernier des fractiles principaux : quartiles, déciles et centiles. Pour les indices dimen- sionnels, il s’est révélé commode d’utiliser les dimensions correspondant à des multiples de 10.

La séquence évolutive sur le delta

Cet exemple de séquence évolutive est situé sur le transect III, entre le chenal fluvio-marin de la Dumbéa et la baie Hoff, à travers la levée, le marais sursalé et la mangrove. Les fractiles granulo- métriques des sédiments et les indices ont des valeurs qui varient progressivement suivant la position sur le transect. Cette séquence évolutive est double puisque les sédiments pénètrent dans les marais non seulement par leur façade fluviatile, par débordement sur les levées pendant les crues, mais aussi par leur façade marine, grâce aux marées (Fig. 45 et 46). .

MISE EN ÉVIDENCE DE LA SÉQUENCE ÉVOLUTIVE PAR LES FRACTILES

La médiane et les quartiles

Le diamètre médian et les diamètres des quartiles décroissent de la levée vers les marais sursa- lés d’abord très vite, puis plus lentement pour atteindre le minimum dans la mangrove pénéinterne à Rhizophora (Fig. 47). Au-delà, les diamètres redeviennent plus grands aux abords de la mangrove

0 d.C f.~.l,lU --P Icw

001 1 <1 b b., < d i i

I*o”gcD”. --+i- Molsa, <“rlOl.

FIG. 47 SEQUENCE ÉVOLUTIVE DU TRANSECT III

DIAMETRE DES FRACTILES GRANULOMIiTRIQUES EN FONCTION DE

LA LOCALISATION GÉOGRAPHIQUE

FIG. 48 SÉQUENCE EVOLUTIVE DU TRANSECT III

INDICE D’ENERGIE N EN FONCTION DE LA LOCALISATION

Page 124: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

120 Frédéric BAL TZER

externe et de la baie Hoff. La médiane passe de 150 prn sur la levée à 5 prn sur le marais sursalé puis à 1,5 ,um dans la mangrove pénéinterne à Rhizophora pour remonter à 5 prn dans la mangrove externe. De même, le fractile 75 % présente un grain de plus en plus fin de la levée vers la mangro- ve interne à Avicemia et la mangrove pénéinterne 2 Rhizophora et augmente légèrement, au-delà, en direction de la baie Hoff. De même également, le fractile 25 % atteint son minimum dans la mangrove pénéinterne à Rhizophora. Le rapport du plus gros au plus petit diamètre mesuré sur cette séquence évolutive est’ respectivement de 17 pour le firactile 75 %, de 100 pour la médiane et de 670 pour le fractile 25 %.

Le fait que la finesse maximale des fractiles s’observe dans la zone centrale des marais, de la façon la plus accusée pour les fractiles les plus petits, montre que la sédimentation se fait de la pé- riphérie des marais vers le centre. Cette sédimentation est un fait d’observation au cours des crues, sur la façade fluvio-marine, quand l’eau turbide déborde sur les levées et envahit les dépressions la- térales. Sur la façade marine, l’arrivée de sédiments à partir de la baie Hoff, déjà mise en évidence par l’accroissement périphérique du marais, trouve ici sa confirmation. Ceci met en évidence une sé- quence évolutive double aux deux extrémités de laquelle a lieu l’apport sédimentaire, l’évolution se faisant vers le centre.

Les fractiles supérieurs : 90 et 99 %

Ces fractiles varient relativement peu le long du transect et ne respectent pas la répartition des diamètres constatée pour la médiane. Le fractile 99 % passe de 500 prn à 160 prn en quelques di- zaines de mètres, sur la levée, et varie, au-delà, entre 150 et 400 ym. Le rapport du plus gros au plus petit diamètre est de 3,l. Le fractile 90 % diminue assez régulièrement de la levée vers la baie Hoff, et le rapport du plus gros au plus petit diamètre est de 8. Les fractiles 90 et 99 % ne présen- tent pas de minimum de diamètre dans la région centrale des marais, mais au contraire un léger ma- ximum, dans la zone de contact entre la mangrove interne et le marais sursalé. La mesure du dia- mètre des fractiles supérieurs est toujours sujette à caution car elle ne peut être établie qu’à partir d’un petit nombre de grains grossiers dont la représentativité statistique est forcément incertaine. De plus, dans les sédiments de mangrove, les débris végétaux qui résistent A l’attaque à l’eau oxygénée forment un feutrage de fibres sur le tamis de 35 prn utilisé pour séparer les pélites des sables. Ce feutrage lie entre eux une certaine proportion de grains de sable fin qui sont retenus avec lui sur le plus gros tamis au lieu de le franchir. Malgré ces causes d’erreur dont il ne faut pas exagérer I’im- portante, les anomalies du diamètre semblent être significatives. Dans la zone de contact entre la mangrove interne et les marais sursalés, les centiles mesurés sur les sédiments sont aussi gros qu’au centre de la levée. Cette augmentation est en total désaccord avec les facteurs hydrodynamiques en jeu, car elle se produit dans une zone particulièrement calme. Elle s’explique par la présence de con- crétions ferrugineuses et de quartz automorphe. En résumé, les fractiles supérieurs varient très peu dans leur dimension surtout si on compare leur variation à celle des fractiles inférieurs, Peu favora- bles à la mise en évidence de la séquence évolutive, ils montrent bien certains effets de la diagenèse sur la granulométrie, tels que les concrétionnements et les néoformations.

En conclusion, les pactiles granulométriques observent une grande régularité dans leurs varia- tions dimensionnelles le long du transect et cette régularité met en évidence la séquence évolutive. La diminution de grosseur de chaque fractile des bords vers le centre des marais est très prononcée pour les fractiles inférieurs à 75 % et peu marquée pour les fractiles supérieurs, ce qui rend très ap- parentes les modifications d’origine diagénétique.

Page 125: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Approche granulométrique de la dynamique sédimentaire 121

LA SÉQUENCE ÉVOLUTIVE MISE EN EVIDENCE PAR L’INDICE D’GNERGIE N,

Au paragraphe précédent, nous avons mis en évidence la séquence évolutive à l’aide d’un dia- gramme des fractiles. Cette façon de procéder est efficace, mais nécessite une étude relativement complexe parce qu’elle met en jeu plusieurs paramètres et interdit, de ce fait, toute exploitation car- tographique. Au contraire, l’étude de la séquence évolutive par les indices d’évolution totaux N,, en nous permettant de rendre compte de la totalité de chaque courbe granulométrique par un seul pa- ramètre, rendra possible l’exploitation cartographique en isogrades. Auparavant, voyons comment I’in- dite N, rend compte de la séquence évolutive du transect Ill.

’ Les valeurs de l’indice d’énergie Nt pour les divers sédiments de la séquence évolutive (transect Ill) se répartissent régulièrement entre le chenal de la Dumbéa et la baie Hoff (Fig. 48). L’indice di- minue rapidement de la levée (Nt = + 0,7) vers le marais sursalé (Nt = + 0,15) et la mangrove inter- ne à Avicennia et atteint son minimum dans la mangrove pénéinterne à Rhizophora (Nt = - 0,017). La partie de la séquence évolutive alimentée en sédiments par les crues fluviatiles est donc bien ren- due par l’indice Nt. L’autre partie de la séquence, de la baie Hoff vers le centre des marais est éga- lement bien décrite : l’indice N,, partant de + 0,15 dans la mangrove externe en bordure de la baie Hoff, diminue dans la mangrove pénéexterne et moyenne pour rejoindre le minimum déjà cité, - 0,017, dans la mangrove pénéinterne à Rhizophora. Une seule exception à cette décroissance régu- lière se traduit localement par une remontée sensible de N, au franchissement d’un petit chenal de marée par le transect. Cette remontée de l’indice d’énergie est une conséquence de la circulation des eaux, plus rapide dans ce petit chenal que sur les banquettes de vase environnantes.

Une comparaison des variations de la moyenne et de la médiane, représentée par leurs logarith- mes respectifs avec les variations de l’indice Nt montre que tous ces paramètres rendent compte des grands traits de la répartition des conditions d’énergie. Les sédiments de la levée sont caractérisés par des paramètres qui traduisent tous un maximum d’énergie. Inversement, la région centrale des marais se signale par des paramètres indiquant des conditions calmes. Cependant, seul l’indice N, donne une répartition en accord avec les faits hydrodynamiques constatés par ailleurs. Parmi les autres paramè- tres utilisés en granulométrie, il est remarquable que l’indice d’hétérométrie de A. Cailleux varie à peu près symétriquement à l’indice N,.

Notre connaissance des rapports entre la granulométrie des sédiments et les conditions hydrody- namiques dans les marais, esquissée par l’examen détaillé des fractiles, est parfaitement confirmée par les variations de l’indice N,. Ces variations sont en accord avec les conditions observées in situ : la circulation des courants de débordement pendant les crues, l’étouffement du clapet par la végétation et le ralentissement des courants de marée en dehors des chenaux ont pour conséquence directe la répartition des indices N, que nous constatons. L’indice Nt se confirme donc comme un bon para- mètre d’énergie, tout en mettant bien en place les termes de la séquence évolutive.

Ml%ANISMES DE LA SÉQUENCE ÉVOLUTIVE

Nous avons montré précédemment que les granofaciès totaux de haute énergie sont complexes parce que formés de granofaciès segmentaires multiples. Le long de la séquence évolutive, cette com- plexité va en décroissant au fur et à mesure que les sédiments correspondent à des conditions plus calmes. L’interprétation de la répartition de ces granofaciès segmentaires permet de mieux compren- dre les mécanismes de la séquence évolutive elle-même. Cette interprétation doit se faire à partir d’un faisceau de courbes représentatives, chacune pour un fractile, des indices np en fonction.de la localisation géographique sur le transect.

Page 126: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

BRUUUIERA RHIZOPHORA S~UGUIERA+RHIZOPHC.~A

R HIZOPHORA AVICENIIA/ \ SALICORNIA I@.¶PERAT

ni@ MANG-ROVE ” /

” MARAIS HYPERSALI>~

IUMBÉA

‘LEUVE .c

FIG. 49 :SÉQUENCE EVOLUTIVE DU TRANSECT III INDICE SEGMENTAIRE « n n POUR LES FRACTILES 10,25,50,75,90 et 99 % EN FONCTION DE LA LOCALISATION GÉOGRAPHIQUE

Page 127: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Approche granulométrique de la dynamique sédimentaire 123

Multiplicité des granofaciès segmentaires des sédiments grossiers

Les indices ponctuels et segmentaires des sédiments de haute énergie sont multiples au sein d’un sédiment donné, et tendent vers l’unification lorsque les conditions deviennent plus calmes. Le faisceau de courbes du diagramme des indices fractilaires en fonction de la localisation géographique permet de visualiser ce phénomène mieux que ne le permet la comparaison des courbes elles-mêmes. Très complexe dans les zones de forte énergie, ce faisceau se simplifie progressivement vers les zones de calme (Fig. 49) où les indices deviennent stables.

Existence et signification du faciès infrahyperbolique

Toutes les courbes granulométriques complètes de sédiments, construites selon nos conventions, s’achèvent vers les grossières par un arc concave vers le bas, le crochet. Ce crochet se raccorde aux courbes dont le faciès d’ensemble est parabolique ou logarithmique par l’intermédiaire d’une zone d’inflexion. II finit par former toute la CO urbe dans le cas des faciès hyperboliques. Lorsque les courbes granulométriques sont construites en diamètres de Stokes Berthois, les indices des crochets sont très fortement négatifs pour les sédiments de haute énergie et moins fortement pour les sédi- ments déposés en milieu calme. Sur le diagramme représentatif des granofaciès fractilaires en fonc- tion de la localisation géographique, les courbes donnant les indices pour les fractiles 90 et 99 % sont partout parallèles entre elles parce que toutes deux rendent compte des mêmes crochets. L’or- donnancement régulier des valeurs de l’indice ponctuel pour les fractiles 90 et 99 % indiqué par ces courbes (Fig. 49) prouve que le crochet est la manifestation d’un phénomène physique réel et non un artéfact. On peut le confirmer en montrant (Fig. 50) qu’il existe une corrélation inverse entre la valeur de l’indice np pour le fractile 99 % et la moyenne logarithmique (exprimée par le logarithme de sa mesure en centi prn).

I -2 !

4 i

/ ..”

_? L I

Le granofaciès hyperbolique total traduit un dépôt par décantation qui s’observe seule- ment dans le cas des sédiments très fins, ainsi qu’on peut le vérifier sur notre séquence évo- lutive. Les granofaciès segmentaires hyperboli- ques semblent devoir s’interpréter de façon

Al3.A \

analogue par un blocage des plus grosses parti-

0% cules qui entraîne leur rareté croissante dans

‘\ IyE A 3hr

\

les sédiments de l’aval de la séquence. II est a

BD ptiori surprenant que le granofaciès segmentai-

\

‘\\

re de blocage soit plus accusé (indice fortement @L négatif) quand le milieu est plus énergétique.

II est tentant de considérer ces granofaciès de

-* i

“\ décantation des grossières comme dus à des \

63” B particules trop grosses pour être constamment ç

-Y’ \ en suspension, mais capables d’être facilement remises en mouvement par roulement et glisse-

-1 2.0 25 30 3s 4.0 ~2 ment. Dans cette hypothèse, le blocage des

E,$ L:“y4 grossières serait plus accusé dans les faciès éner- gétiques parce qu’elles auraient à rouler sur des particules de taille assez voisine de la leur, ce

FIG. 50 :SEQUENCES l%OLUTIVES DES TRANSECTS III ET 99

qui est peu favorable. Le faciès de blocage se-

Corrélation inverse entre l’indice (( ti 1) du fractile 99 % rait moins accusé dans les sédiments plus fins et la moyenne (la moyenne est exprimée par le logarithme parce que les grains relativement grossiers trou-

de sa mesure en centièmes de/&n) veraient là un pavage plus favorable à leur rou- lement.

Page 128: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

124 Frédéric BA L TZER

Le granofaciès segmentaire logarithmique

La séquence évolutive commence par un faciès total parabolique composite que nous avons in- terprété comme l’association d’un faciès segmentaire logarithmique accompagné de ses faciès de pas- sage, infrahyperbolique et ultra-parabolique, avec un faciès parabolique de fines peu abondant et peu accentué (cf. faciès parabolique courant, p. 113). C’est le faciès segmentaire typique des sables en pla- cages et ripple marks d’épaisseur centimétrique de la levée. Ce type de dépôt rend compte d’un transport en équilibre avec le courant, comme dans le cas du faciès total logarithmique, mais à pro- pos des sables et non plus des limons. Le faciès logarithmique des sables voit son importance dimi- nuer très rapidement vers l’aval et est remplacé à mesure par le faciès segmentaire parabolique des fines. De ce fait, le faciès segmentaire logarithmique s’observe pour les fractiles 50 et 75 % au point origine de la séquence, en bordure du chenal fluvio-marin, ((ci») et seulement pour le fractile 75 % au point suivant ((th», Fig. 49).

Le granofaciès segmentaire ultraparabolique

Dans les sédiments .du début de la séquence évolutive, la fraction à faciès logarithmique est ac- compagnée par une fraction plus fine à faciès ultraparabolique. Cette dernière est formée d’un sable trop fin pour se déposer avec la fraction principale du sédiment parce qu’il est emporté d’autant plus facilement par le courant qu’il est plus fin, ce qui aboutit à diminuer sa fréquence, donc la pente de la courbe. Les variations aléatoires de la vitesse du courant nous permettront d’expliquer pourquoi cette fraction est soumise à un tel effet de vannage. Par opposition aux fractions plus fines constituées par les limons et les argiles, ces particules se révèlent trop grosses pour bénéficier de I’a- bri des grains déjà déposés. Ce faciès ultraparabolique ne s’observe que dans les sédiments de la le- vée. Plus en aval sur la séquence évolutive, au niveau du marais sursalé, il disparaît en même temps que disparaît le faciès logarithmique. Cependant il en reste une marque sous la forme d‘une petite fraction à granofaciès segmentaire parabolique accentué (ns = - 0,4 et - 0,l) qui traduit un effet de vannage moins fort que précédemment, mais toujours réel.

Indice parabolique segmentaire de la fraction fine

Dans les sédiments répartis le long de la séquence évolutive, la fraction fine, limoneuse et argi- leuse, prend une place d’abord modeste mais devenant rapidement de plus en plus prépondérante. Cette fraction a un faciès segmentaire parabolique peu accentué au point origine de la séquence. Elle tend progressivement vers le faciès logarithmique puis hyperbolique vers l’aval. Ainsi, sur cette sé- quence évolutive, la fraction la plus fine présente B elle seule un résumé des variations du milieu transporteur, des faciès les moins évolués vers les plus évolués, du transport actif à la décantation.

Indice ultraparabolique segmentaire de la fraction fine

La plupart des sédiments, le long de la séquence évolutive, sont caractérisés par une fraction ultrafine (diamètre de l’ordre de 0,l prn) dont le faciès segmentaire est souvent ultraparabolique comme le montrent les indices ns positifs. Ce faciès indique que les particules de cette finesse sont facilement emportées par le courant et sont peu abondantes dans le sédiment pour cette raison. Nous avons ici un effet de vannage analogue à celui qui affecte la fraction ultraparabolique associée au faciès logarithmique des sables.

Existence d’une nanofraction a faciès fortement évolué

Il n‘est pas possible d’analyser couramment la granulométrie des fractions de diamètre inférieur a 0,06 prn, même par la technique de la pipette d’andreassen en bain thermostaté Rivière. Pourtant, les sédiments de la séquence évolutive étudiée ici contiennent de 2 à 20 % de ces particules qu’il me paraît commode d’appeler nanoparticules puisque leurs diamètres vont de 0 à 63.10-’ m, soit 0 a

Page 129: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Approche granulométrique de la dynamique sédimentaire 125

63 nanomètres. Nous allons montrer que cette fraction est forcément affectée par un faciès très évo- lué, hyperbolique ou au moins logarithmique. Le diamètre le plus petit pratiquement concevable pour une particule solide ne peut en aucun cas être inférieur à l’épaisseur d’un feuillet d’illite, soit 10 a ou 1 nanomètre. Nous pouvons donc considérer que le pourcentage cumulatif 0 est atteint à coup sûr avec cette dimension. La courbe granulométrique expérimentale, compte tenu de la forte courbure de son segment terminal, côté fines, ne peut se prolonger dans le domaine des nanoparti- cules que par un segment arqué à concavité vers le bas ou par une courbe en S. Dans le premier cas, le faciès segmentaire est hyperbolique ; dans le second, il est logarithmique pour l’essentiel et accompagné de crochets secondaires. Ces faciès segmentaires se forment grâce au ralentissement du courant transporteur au contact des particules grossières déjà déposées pour former le faciès princi- pal.

Conclusion de l’analyse des mécanismes de la séquence évolutive

La séquence évolutive se manifeste non seulement par la succession des faciès totaux, mais aus- si, à l’intérieur de ces derniers, par une succession ordonnée de faciès segmentaires. Les fractiles su- périeurs extrêmes (90 et 99 %) correspondent toujours au crochet infrahyperbolique de la fraction grossière, sauf si le faciès total est hyperbolique. Le crochet est fortement courbé et son indice for- tement négatif quand le sédiment est plus grossier. Le crochet prend une part de plus en plus impor- tante de la courbe, mais sa courbure diminue et son indice devient moins fortement négatif quand le sédiment est fin. On ne distingue plus de crochet quand la courbe tout .entière prend le faciès hyper- bolique et que sa forme générale devient un arc à concavité vers le bas. Les fractiles moyens (50 et 75 %) présentent un faciès logarithmique en début de séquence, quand la fraction sableuse est abon- dante. Rapidement, vers l’aval de la séquence, le faciès de ces fractiles devient ultraparabolique, puis parabolique et revient lentement au faciès logarithmique, en même temps que les sédiments sont de plus en plus fins et correspondent à un milieu de plus en plus calme. Le stade hyperbolique est en- suite atteint, puis l’évolution régresse légèrement, comme si un effet de vannage produisait un appau- vrissement en fines et un enrichissement corrélatif en grossières. Le fractile 25 % présente une évolu- tion comparable, en ce sens qu’il commence par une évolution progressive, du parabolique vers le lo- garithmique, puis continue par une évolution régressive qui revient à des faciès paraboliques peu évo- lués. Le fractile 10 % ne présente que cette évolution régressive, du faciès parabolique au faciès ul- traparabolique à l’amont de la séquence. A l’aval, la fraction correspondante est trop fine pour être analysable.

Par conséquent, dans une première phase, en même temps que le sédiment devient de plus en plus fin, ses fractions commencent par être de plus en plus évoluées jusqu”à une limite au-delà de laquelle l’évolution devient régressive. Cette limite où se produit le retournement du sens de I’évolu- tion prend place à l’amont de la séquence évolutive pour les fractiles les plus petits, alors qu’elle est reportée de plus en plus loin vers l’aval pour les fractiles d’ordre plus élevé. C’est ainsi que ce point de retournement se trouve sur la levée pour le fractile 10 % (si bien que l’évolution progressive n’est pas visible), ce point est aux confins de la levée et du marais hypersalin pour le fractile 25 % et dans la mangrove à Auicennia pour les fractiles 50 et 75 %. II semble que le décalage observé dans l’apparition de l’évolution régressive pour les différents fractiles puisse dépendre de la dimension at- teinte par les différents fractiles. On constate en effet que le rebroussement se produit toujours quand le fractile atteint un diamètre compris entre 1 et 10 pm. Ceci va nous conduire à rechercher quelle est la cause de cette influence de la dimension sur le faciès que peuvent atteindre les fractions granulométriques d’un sédiment. Cette cause est liée au fait que les divers stocks mis en évidence dans un même sédiment par la méthode des indices segmentaires sont des collectivités de particules réagissant en cascade les unes sur les autres, des plus grossières vers les plus fines. L’examen des gra- nofaciès ponctuels par dimensions va nous permettre d’approfondir ces notions.

Page 130: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

126 Frédéric BAL TZER

INFLUENCE DE LA DIMENSION DES PARTICULES SUR L’ÉVOLUTION DES STOCKS

Les particules d’une dimension donnée ont-elles une réaction collective particulière que la t-e- partition des indices d’évolution le long de la séquence évolutive puisse mettre en évidence ? Pour permettre une comparaison utile le long de la sequence évolutive, le diamètre pris en considération doit être commun à tous les sédiments. La plus grosse dimension répondant à cette condition est de l’ordre de 100 firn, mais les variations des indices correspondants n’offrent qu’un intérêt limité : ou bien on retrouve exactement les variations déjà vues pour les fractiles 90 et 99 %, c’est le cas des sédiments fins, ou bien les variations sont trop complexes et leur interprétation laborieuse dans le cas des sédiments grossiers. Au contraire, les variations des faciès pour les dimensions d’ordre de grandeur inférieur, 10, 1 et 0,l prn se sont révélées très fructueuses. Les variations des faciès en fonction de la localisation géographique sont mises en évidence grâce aux indices ponctuels évalués pour chaque dimension et reliés entre eux de façon à construire des courbes. Nous continuons ici l’étude de la séquence évolutive du delta (transect III), mais nous introduirons quelques comparai- sons avec la séquence évolutive de la plaine alluviale (transect 99).

Évolution des particules limoneuses conforme ou non aux conditions d’énergie

La variation des indices dimensionnels des limons, représentés par les particules de 10 ,um mon- tre une évolution qui, sur le delta, est.conforme aux conditions d’énergie du milieu et, sur la plaine alluviale, non conforme. Sur la séquence évolutive du delta (Fig. 51), le faciès correspondant à cette dimension est parabolique au niveau de la levée, logarithmique aux confins de la levée et du marais hypersalin, hyperbolique dans la mangrove à Avicenniu, Au-delà, dans la mangrove pénéinterne à Rhizophora, on constate une évolution légèrement régressive qui ramène au faciès logarithmique ou même faiblement parabolique.

Sur la séquence évolutive de la plaine alluviale (Fig. 53), l’évolution de la fraction limoneuse se fait en sens inverse. Cette fraction,représentée par la dimension 10 pm, présente son faciès le plus évolué, plus proche de la décantation, lorsqu’elle est associée à des sables grossiers et à des graviers, c’est-à-dire lorsqu’elle a été apportée en conditions de forte énergie. La même fraction limoneuse présente un faciès moins évolué lorsqu’elle s’est déposée seule, dans un milieu plus calme, à l’aval de la séquence évolutive.

Cette opposition entre les deux transects est très significative : les conditions hydrodynamiques déduites des effets de la crue ainsi que la forme de la surface des eaux pendant celle-ci (Baltzer, 1971, 1974) permettent de l’interpréter. Le transect du delta était une région de détente où le cou- rant se ralentissait progressivement vers l’aval de la séquence évolutive. Les particules de 10 prn trou- vaient là des conditions progressivement favorables à leur décantation. Au contraire, le transect de la plaine alluviale était une région de concentration des eaux et d’accélération du courant, où la puis- sance d’érosion était grande et la charge de troubles en suspension très importante. Dans de telles conditions, les particules de 10 prn ne pouvaient se déposer seules que dans les zones où le courant était le moins rapide, à l’aval de la séquence évolutive : elles s’y incorporaient à des limons fluviati- les modérément évolués, à faciès total parabolique en ayant elles-mêmes un faciès segmentaire para- bolique. Dans les zones de courant vif à violent régnant à l’amont de la séquence évolutive, les par- ticules de 10 prn n’auraient jamais pu se déposer si elles n’avaient bénéficié, entre les sables, graviers et galets normalement déposés dans cet environnement, d’un in terface eau -sédiment -riche en aspéri- tés et cavités. C’est la présence de ce micro-environnement calme, d’autant plus développé que le sé- diment était plus grossier et le courant plus rapide, qui explique ces faciès de décantation ou ces fa- ciès logarithmiques dans un environnement fortement énergétique où ils étaient inattendus. J’ai signa- lé les possibilités d’utilisation de ces propriétés pour distinguer les conditions de détente du delta des conditions d’érosion de la plaine alluviale au voisinage du lit mineur (Baltzer, 1971).

Page 131: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Approche granulom

étrique de la dynam

ique sédim

entaire 127

d-

! i l >I

Page 132: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

12% Frédéric BAL VER

99A 6 c D E F ,--... I-_-.-I I

* 5 ----

n-o-

-5 _--

rl. .

99A 6 c 9 E F

I I r I 1

0 B

FIG. 52 ET 53 :SÉQUENCE EVOLUTIVE DU TRANSE~~ 99 A GRANOFACIES PONCTUELS DES FRACTILES 10 - 25 - 50 - 75 - 90 et 99 %

S GRANOFACIES PONCTUELS POUR LES DIMENSIONS 0,l - 1,0 - 10 ET lOO/&l

Page 133: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Approche granulométrique de la dynamique sédimentaire 129

Mme S. Guillaume Bruno (1972) a pu en faire usage dans sa thèse pour distinguer certains sé- diments pléistocènes de Bretagne et nous les mettrons à profit dans la suite de ce travail.

Le faciès segmentaire hyperbolique se révèle donc être toujours associé à des conditions calmes, compte tenu de la dimension des particules en question. Le paradoxe des particules de 10 prn affec- tées par des faciès évolués dans un milieu fortement énergétique n’est qu’apparent puisqu’en fait elles bénéficient d’un micro-environnement calme. Nous allons voir que la végétation peut elle aussi créer un micro-environnement capable d’influencer le faciès granulométrique segmentaire (et total par conséquent). La fluidité toute particulière de beaucoup de vases des mangroves à Avicennia est très remarquable car elle rend la marche très difficile. Cette fluidité s’explique par la sédimentation accé- lérée due au piégeage exercé par les pneumatophores. Visible sur le terrain pour les débris végétaux et les particules les plus grosses, ce piégeage peut être mis en évidence pour les particules de 10 pm par les faciès segmentait-es qui les affectent. Sur la séquence évolutive du delta (transect Ill), nous avons vu que le faciès segmentaire de ces particules était logarithmique dès l’entrée sur le marais hypersalin pour devenir hyperbolique sur le pré-salé à Salicornia australis et dans la mangrove à Avi- cennia, et revenir au faciès parabolique dans la mangrove pénéinterne à Rhizophora. Cette séquence dans son ensemble est caractérisée par une détente des conditions d’énergie qui se traduit par cette évolution progressive. Mais, dans le détail, il est clair que la région de la séquence où se produit une sensible évolution régressive pour les particules de 10 prn est une zone de mangrove à sol très lisse, comparativement à la zone à Avicennia, très riche en pneumatophores verticaux et à la zone à Sali- cornia, riche en plantes herbacées et en voile’algaire. Dans la zone lisse, un certain effet de vannage de la suspension peut se faire sentir, alors que les denses ((paillassons de pneumatophores)) et les prés salés favorisent la décantation. Les granofaciés signalés par les indices segmentaires des particules de 10 ym enregistrent ces effets.

Les particules de 10 prn se révèlent être un réactif sensible des conditions du micro-envi- ronnement au moment du dépôt. Celui-ci peut être conditionné par la végétation ou par les particu- les précédemment déposées. Cependant, ces influences ne modifient pas radicalement l’évolution im- posée par la séquence évolutive.

Les indices d’évolution pour la dimension 1,O prn, le long de la séquence

Lorsque le sédiment dans son ensemble n’est pas trop fin, les indices pour la dimension 1,O prn sont exactement les mêmes que pour 10 prn, sur les deux séquences ; par contre, lorsque le sédi- ment devient fin, ces indices se rapprochent des indices pour la dimension 0,l prn. Ce comporte- ment semble indiquer qu’il s’agit là d’une dimension limite entre deux familles différentes de parti- cules.

Les indices d’évolution pour la dimension 0,l prn, le long de la séquence

Les particules de 0,1 prn présentent d’abord une évolution régressive en descendant la séquen- ce évolutive, puis une évolution progressive aux abords de la zone la plus calme. Cette évolution est donc inverse de celle que nous avons constatée pour les particules de 10 ,um. La corrélation inverse suggérée ainsi est confirmée par le diagramme représentant l’indice np pour les particules de 10 m (Fig. 54) et ceci pour tous les échantillons de la séquence évolutive. La même corrélation se vérifie pour les deux séquences évolutives présentées, que ce soit celle du delta ou celle de la plaine alluvia- le. Cette corrélation inverse résulte principalement du fait que les particules de 0,l m prennent un faciès ultraparabolique de plus en plus prononcé quand les particules de 10 prn tendent vers le faciès logarithmique.

Conséquences de la liaison observée entre les indices pour 0,1 et 10 p : Cette liaison suggère que les limons à faciès logarithmique retiennent une certaine proportion

de nanoparticules de la même façon que les sables retiennent une fraction argileuse. En effet, nous

Page 134: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

130

avons vu que le faciès ultraparabolique des par- ticules de l’ordre de 0,l /.f.m implique I’existen- ce d’une nanofraction à faciès fortement évolué composée de particules de 1 à 60 nanomètres (103 m) de diamètre. Cette nanofraction a d’autant plus de chance d’être abondante que le faciès ultraparabolique des particules de 0,l prn est plus prononcé. Ceci est visible sur les courbes cumulatives dont le tracé tend à devenir parallèle 2 l’axe des abscisses en direc- tion des petites dimensions aux endroits où elles sont affectées par le faciès ultraparaboli- que. Ce quasi parallélisme de la courbe avec l’axe des abscisses traduit la rareté des parti- cules dans le domaine considéré alors que le pourcentage cumulatif est encore bien au-dessus de 0. Ce pourcentage non nul correspond B la nanofraction. On peut conclure qu’une nano- fraction abondante va de pair avec une fraction à 0,l prn ultraparabolique et avec une fraction à 10 p logarithmique.

-n- pour 0.1 )Un *g

SC

:* b : ,;’

SF si PIC : ,,:

*a *ci *E

-n- pour 1opm

Interdépendance entre deux stocks granulométriques (particules de 0,l /Jm et 10 /hl) mise en évidence par la corrélation linéairegrossièrede leurs indices segmentaires.

FIG. 54

Modalités de la capture de la nanofraction par le limon logarithmique

La capture de la nanofraction par le limon à faciès logarithmique ressemble beaucoup au pié- geage des limons par les sables que nous avons mis en évidence sur la séquence évolutive de la plai- ne alluviale grâce au faciès des limons qui tend vers le faciès de décantation quand le sable est plus grossier et donc déposé en milieu plus turbulent. La nanofraction ayant un faciès probablement très évolué, il est hautement vraisemblable qu’elle est piégée par la fraction limoneuse à faciès logarithmi- que déposée en même temps qu’elle, fraction dont la grosseur moyenne est exactement adaptée pour lui permettre de jouer un rôle de peigne. Cette notion de capture de la nanofraction donne une ex- plication nouvelle à l’observation de Rivière et al. (1951) suivant laquelle les sédiments riches en sa- bles et silts sont toujours relativement riches en précolloïdes et en colloïdes alors que les sédiments argileux, bien que beaucoup plus fins en moyenne, sont pauvres. Notre étude suggère que la condi- tion nécessaire d’une accumulation notable de précolloïdes et colloïdes (nanofraction) est I’accumula- tion préalable du silt (ou limon) à faciès logarithmique. En fait, les sédiments riches en sables et silts répondent toujours à cette condition : si leur grosseur moyenne est celle des silts, leur grano- faciès total est logarithmique (RiviBre et Vernhet, 1976) ; s’ils sont plus grossiers une fraction silteu- se à granofaciès segmentaire logarithmique est retenue par le sable (Baltzer, 1971 et présent mémoi- re) .

La capture, condition sine qua non de l’accumulation d’une nanofraction

Sans le piégeage, un matériel aussi fin que celui de la nanofraction ne pourrait jamais se dépo- ser. L’expérience du laboratoire de sédimentologie montre que les suspensions défloculées préparées pour les analyses granulométriques ne se redéposent jamais complètement, même après plusieurs an- nées. II reste toujours au-dessus de la fraction sédimentée, une épaisseur plus ou moins forte de ma-

tériel ultrafin, la nanofraction, maintenu en suspension par les mouvements browniens. Cette nano-

Page 135: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Approche granulométrique de la dynamique sédimentaire 131

fraction ne peut se déposer en quantité notable dans un sédiment que par l’effet de peigne fin assu- ré par les limons à faciès logarithmique pendant leur dépôt. Il faut que le faciès soit logarithmique parce que la mise en place de ce faciès suppose un échange prolongé de particules entre une suspen- sion graduée et le sédiment déjà déposé. Cet échange garantit le fonctionnement prolongé du peigne fin assuré par la surface finement rugueuse du dépôt limoneux.

CONCLUSION : LES ENSEIGNEMENTS DE LA SEQUENCE EVOLUTIVE

L’étude de la séquence évolutive met donc en évidence une variation progressive des faciès des sédiments déposés le long du cours d’eau, principalement sur la plaine alluviale et le delta. Cette va- riation progressive se constate pour le sédiment tout entier par l’utilisation des indices N totaux (NJ. Elle se vérifie également pour les fractions des sédiments qui évoluent elles aussi, ainsi que nous avons pu le montrer à l’aide des granofaciès ponctuels, aussi bien fractilaires que dimensionnels. Les granofaciès ponctuels permettent de montrer que l’évolution des faciès segmentaires à l’intérieur de la séquence évolutive ne se fait pas indépendamment mais qu’il se fait des interactions entre les particules des diverses dimensions. Les grosses particules tendent à former des pièges pour les parti- cules d’ordre de grandeur juste inférieur, mais non pour les particules encore plus petites. Ainsi, les sables piègent les limons et les argiles et ces derniers piègent des nanoparticules dont l’existence mê- me peut se déduire de l’étude des granofaciès segmentaires. Ces effets sont de moins en moins sensi- bles lorsque le granofaciès total tend vers un faciès de décantation : lorsqu’ils existent, les granofaciès segmentaires se rapprochent de plus en plus du granofaciès total. Les interactions entre stocks ne se conçoivent que dans un milieu suffisamment agité pour que le dépôt des particules fines ne puisse avoir lieu qu’à l’abri d’un dépôt plus grossier. Lorsque le milieu devient calme dans son ensemble, les piégeages n’interviennent plus. Ceci est une indication supplémentaire de la cohérence des résultats obtenus.

Notre étude de la séquence évolutive montre aussi que les granofaciès sont reproductibles dans le temps et dans l’espace. En effet, cette étude prend en considération des sédiments dont la gros- seur moyenne va en décroissant, des graviers aux argiles. Pour les sédiments grossiers, l’épaisseur des apports d’une seule crue atteint couramment plusieurs centimètres ou décimètres, ce qui permet de prélever des échantillons homogènes datant tous de la même crue. II n’en va pas de même pour les limons et argiles dont les dépôts n’excèdent guère quelques millimètres, voire une fraction de milli- mètre. Pour de tels sédiments, les échantillons sont forcément composites et résultent de l’addition des apports de plusieurs crues successives. Ceci n’enlève rien à la cohérence des résultats de l’étude de la séquence évolutive et montre que, crue après crue, se reproduisent des phénomènes hydrodyna- miques qui aboutissent à la formation de sédiments identiques dans un endroit donné et présentant entre eux la même évolution d’un endroit à l’autre. Ainsi est démontrée la reproductibilité des grano- faciès dans le temps et dans l’espace. Ceci donne tout son intérêt à l’utilisation que nous ferons de cartes et de coupes représentatives des indices N, en courbes d’égales valeurs.

Toutes ces conclusions montrent que le tri qui assure l’évolution des sédiments et la formation des faciès granulométriques se fait dans la suspension ce qui est en accord avec la théorie et I’obser- vation (Rivière, 1952 ; Pimienta, 1959). La régularité des variations des granofaciès, les interactions entre particules des diverses dimensions, la reproductibilité spatio-temporelle de la répartition des fa- ciès de crue en crue indiquent que l’évolution est un phénomène de grande ampleur, qui dépasse en influence les facteurs locaux de sédimentation que sont la présence de tel type de végétation, la pro- ximité d’un chenal, etc. Ceci s’éclaire en considérant que la suspension se transforme à mesure qu’ elle perd sa substance pour grossir la masse sédimentée. En nous aidant d’exemples de suspensions naturelles et d’expériences de laboratoire disponibles dans la littérature, nous allons tenter maintenant de comprendre comment les faciès prennent naissance dans les suspensions et comment ils se forment dans les sédiments.

Page 136: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

132 Frédéric BA L TZER

ROLE DES SUSPENSIONS DANS L’EVOLUTION ET LA FORMATION DES

GRANOFACIES

Les faciès granulométriques existent dans les suspensions naturelles. Nous allons étudier sous quelle forme et comment ils y prennent naissance avant de nous intéresser à la formation des faciès dans les sédiments eux-mêmes. Le caractère continu et régulier de la variation des faciès des sédi- ments déposés d’amont en aval par la même masse d’eau a été largement démontré dans les chapi- tres antérieurs. II montre que les faciès des sédiments sont régis par des causes régionales plutôt que locales. Ainsi, la distribution des particules dans la suspension est modifiée par la sédimentation, ce qui aboutit à la création de granofaciès et à une évolution de la suspension qui précède de peu I’é- volution des sédiments. L’existence de faciès granulométriques dans les suspensions a été montrée par Pimienta qui a signalé des faciès hyperboliques dans les suspensions des eaux de la Medjerda (1959). Passega et Byramjee (1969) classent les sédiments sur leur diagramme CM en fonction de la suspen- sion dont ils dérivent, graduée ou homogène. La prédominance des particules fines par rapport aux grossières dans les sédiments transportés par l’eau, quel que soit leur faciès granulométrique, est une autre confirmation du rôle des suspensions dans la genèse des faciès. Nous étudierons successivement les faciès présents dans quelques exemples de suspensions naturelles puis la réalisation de faciès dans les suspensions expérimentales obtenues en canal par Sengupta (1975). Nous aborderons enfin le pro- blème du passage des faciès dans les suspensions aux faciès dans les sédiments.

LES FACIES GRANULOMÉTRIQUES BANS LES SUSPENSIONS NATURELLES

Les courbes granulométriques de suspensions publiées sont beaucoup moins nombreuses que les courbes de sédiments. II en existe cependant un certain nombre qui concernent soit des suspensions naturelles soit des suspensions artificielles. Dans tous les cas, la répartition des particules correspond à un faciès granulométrique bien défini, mais il faut remarquer que les courbes des suspensions sont systématiquement plus redressées que les courbes des sediments de diamètre et de faciès comparable.

Les courbes publiées par Pimienta (1959) décrivent des suspensions de la Medjerda (Tunisie). Leur faciès d’ensemble est hyperbolique ainsi que le montre l’auteur par la méthode des courbes ca- noniques. Pour plus de détail, j’ai appliqué à ces courbes la méthode de détermination des faciès seg- mentaires par la courbe de fréquence en coordonnées bilogarithmiques. La courbe no 1 de la Medjer- da (Fig. 55) est fortement hyperbolique en quasi totalité, sauf un faciès de vannage vers 2 m. Cette courbe est exceptionnellement redressée pour un faciès hyperbolique. La courbe no 2 est hyperboli- que vers sa partie grossière et logarithmique vers la partie fine. La partie analysée de cette suspension rappelle beaucoup la courbe du sédiment NAT 18 i, ce qui suggère qu‘une analyse poussée plus loin vers les fines aurait produit une courbe logarithmique dans l’ensemble avec un segment central recti- ligne et deux crochets. De toute facon, cette courbe de suspension est plus redressée que’ la courbe de sédiment qui lui ressemble le plus.

Les courbes à faciès logarithmique d’ensemble constituées d’un segment rectiligne accompagné de deux crochets sont très fréquentes. Parmi les nombreux exemples de Schubel (1968), concernant des suspensions de la Baie de Chesapeake (U.S.A.), je citerai l’échantillon D 3 (Fig. 56), prélevé en surface, dont j’ai redessiné la courbe en coordonnées normales à partir d’une courbe en ordonnées de probabilité. Cette courbe logarithmique à trois segments est plus redressée que les courbes de sé- diment de même diamètre moyen. Le travail de Kranck (1975) permet de comparer les courbes ob- tenues a partir de la même suspension naturelle soit dans son état floculé originel, soit après déflocu- lation par une technique brutale de grillage. J’ai redessiné sous forme de courbes cumulatives les ré- sultats initialement publiés sous forme de diagrammes de concentration en fonction de la dimension

Page 137: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

% lca-

9-

do-

+-

bo-

50-

m-

SO-

b-

10 -

FIG. 55 :EXEMPLES DE COURBES GRANULOMÉTRIQUES DE SUSPENSIONS NATURELLES - LA MEDJERDA, TUNISIE

% ,m-

90-

P

50-

40-

?O-

b-

IO-

FIG. 56 :EXEMPLE DE COURBE GRANULOMÊTRIQUE DE SUSPENSION NATURELLE BAIE DE CHESAPEAKE - U.S.A.

Page 138: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

134 Frédéric BAL TZER

% 100 -

90-

Bo-

*-

60-

50 -

40-

30

20 1

i0

% loo

30 ]

BO-

F-

6-D-

50-

40 -

30 -

20 -

10 -

FIG. 57 :COMPARAISON ENTRE LES COURBES GRANULOMÉTRIQUES D’UNE SUSPENSION FLOCULÉE A L’ETAT NATUREL ET DE LA MEME SUSPENSION APRES DÉFLOCULATION

(D’APRES KRANCK 1975)

Page 139: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Approche granulométrique de la dynamique sédimentaire 135

(Fig. 57). Que la suspension soit floculée ou défloculée, on obtient une courbe logarithmique à trois segments, plus redressée que les courbes de sédiments de diamètre comparable. La défloculation n’a pour effet qu’une simple atténuation des faciès extrêmes et un léger décalage du diamètre médian qui passe de 20 à 14 /.&n par défloculation.

Dans leur ensemble, ces exemples de courbes de suspensions naturelles concernent principale- ment des particules de la taille des limons et des argiles. Une des distributions est nettement hyper- bolique, les autres peuvent être considérées comme formées d’un faciès logarithmique central et de deux crochets. Toutes sont plus redressées que les distributions de dimension comparable dans les sé- diments.

PRESENCE DES FACIES GRANULOMÉTRIQUES DANS DES SUSPENSIONS ARTIFICIELLES

Sengupta (1975) a étudié en canal la concentration en particules pour les principales classes granulométriques à diverses hauteurs au-dessus du fond. On peut déduire de son travail l’existence de tous les faciès granulométriques dans les suspensions et entrevoir leur mode de réalisation.

Le dispositif expérimental comprend un canal divisé par une cloison longitudinale verticale lais- sant vers les extrémités un passage libre permettant une circulation cyclique de l’eau sous l’action de pompes à vitesse réglable. Le fond du canal est chargé d’un sable bimodal. Après stabilisation du cou- rant d’eau à la vitesse choisie pour l’expérience, des échantillons de suspension sont prélevés par as- piration à des niveaux bien définis, puis analysés par tamisage. Les résultats sont exprimés en concen- tration relative par rapport à un niveau de référence légèrement au-dessus du fond. Ils sont calculés pour chaque dimension et chaque niveau, exprimé lui aussi relativement au niveau de référence.

Sengupta démontre, à l’aide de courbes construites en coordonnées probabilistes, que les distri- butions granulométriques des suspensions tendent à devenir ((log-normales» avec l’accroissement de la vitesse du courant. J’ai recalculé les courbes des suspensions prélevées à 20 cm au-dessus du fond dans des courants de 0,5, 1,0 et 1,5 m/s (Fig. 58). La courbe pour 0,5 m/s est très incomplète car la suspension contient 75 % de grains de diamètre inférieur à 50 /-&II qui n’ont pu être analysés par le tamisage. Les courbes pour 1,O m/s et 1,5 m/s sont de belles courbes de sables à faciès logarith- mique à segment central rectiligne et crochets. Après transformation en coordonnées de Stokes Ber- thois, le calcul des indices segmentaires fait apparaître l’indice logarithmique du segment central, I’in- dite ns = - 8 du crochet infrahyperbolique et enfin l’indice ns =+ 3,5 du crochet ultraparabolique. L’examen de la répartition des concentrations dans les suspensions va nous montrer que les autres faciès sont également réalisés dans certaines conditions.

Répartition des concentrations dans les suspensions pour un courant de 1,5 m/s :

Pour toutes les dimensions de particules, la concentration est maximale près du fond et décroît en remontant vers la surface. Pour les particules grossières (1000 à 250 pm), cette décroissance est exponentielle et la concentration s’annule à partir d’un niveau caractéristique de la grosseur considé- rée (10 cm pour 1000 prn, 30 cm pour 355 prn et proximité de la surface pour 250 pm). Pour les particules de taille moyenne (178 à 90 pm), la décroissance est exponentielle dans les 20 premiers centimètres, puis linéaire jusqu’à 0,40 m, puis de nouveau exponentielle vers la surface. Pour les par- ticules fines, la décroissance est linéaire presque du fond jusqu’à 40 cm au-dessus, puis exponentielle vers la surface, mais moins rapide que dans le cas des moyennes. Plus les particules sont fines, plus elles tendent à présenter une décroissance linéaire de la tranche moyenne et plus cette décroissance est faible. Par exemple, cette décroissance est de 5 % seulement pour les particules de 37 prn, pour une élévation de 25 cm dans la tranche d’eau moyenne. Ces résultats suggèrent fortement que la courbe de concentration tend vers une verticale (concentration constante à tous les niveaux) pour les dimensions plus fines non étudiées par Sengupta. Ceci justifierait la distinction apportée par Passega

Page 140: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

136 Frédéric BAL TZER

et Byramjee (1969) entre la suspension homogène et la suspension graduée.

Présence des faciès granulornétriques dans ces suspensions : La répartition des concentrations mise en évidence par Sengupta montre que les trois princi-

paux faciès granulométriques apparaissent en superposition aux divers niveaux où les suspensions ont été analysées. Le faciès parabolique est réalisé au voisinage du fond. En effet, les particules grossières présentent le plus fort taux de décroissance de la concentration en s’écartant du fond. Ceci conduit, au contact du fond, à la présence d’une suspension dans laquelle les particules gros- sières ont la plus grande fréquence (distribution apparente exprimée en coordonnées semi-logarithmi- ques -en coordonnées arithmétiques, les fines demeurent les particules les plus fréquentes). La fré- quence des grossières augmente jusqu’à la fin de la distribution qui est totalement dissymétrique. La courbe de fréquence est dérivée d’une courbe cumulative parabolique et peut être ultraparabo- lique.

Dans le tiers central de la tranche d’eau, on rencontre les suspensions à faciès total logarith- mique dont les courbes ont été signalées plus haut. C’est dans cette zone que les particules d’une di- mension donnée présentent leur taux de diminution le plus faible avec l’élévation au-dessus du fond. C’est là aussi que la diminution de concentration est linéaire, les courbes ayant toutes une pente

/ comparable, au moins pour les dimensions moyennes. Ceci rend compte du segment central à faciès segmentaire logarithmique. La faible teneur en grossières des suspensions est relativement peu influen- cée par la hauteur au-dessus du fond, mais diminue très vite quand le diamètre augmente, ce qui se traduit sur les courbes par le segment en crochet à faciès hyperbolique terminant les distributions vers les grossières. La dilution des fines, due à leur répartition à peu près homogène dans toute la masse d’eau, se traduit par le crochet ultraparabolique.

Dans la tranche d’eau supérieure, la répartition des concentrations indiquée par les expériences de Sengupta montre que les faciès totaux deviennent hyperboliques. Bans ce domaine, les particules grossières continuent à se raréfier de plus en plus, mais sans disparaître complètement, sauf pour les termes extrêmes. Les particules moyennes se raréfient elles aussi, fortement pour le pôle grossier, fai- blement pour le pôle fin. Les particules fines, dont la concentration varie peu avec la hauteur au- dessus du fond, deviennent prépondérantes, même sur les courbes en coordonnées semi-logarithmiques. Les courbes de fréquence fournies par Sengupta, dans le cas du courant de 0,50 m, montrent des fréquences augmentant de plus en plus vite vers les fines qui sont parfaitement typiques du faciès hyperbolique et confirment notre interprétation des concentrations.

HYPOTHESES SUR LES CAUSES DE CETTE RÉPARTITION DES GRANDFACIËS

Les particules solides sont évidemment sélectionnées par les mouvements imposés par la masse d’eau. Plus denses que le liquide transporteur, elles ne peuvent rester en suspension que si elles su- bissent de sa part un mouvement de bas en haut qui compense la gravité. Les mouvements de ce type peuvent avoir plusieurs origines. Pour les particules initialement au repos, ce seront la contrain- te de cisaillement et l’effet de succion exercé par le fluide sur une particule dépassant le niveau mo- yen des particules sur le fond (Allen, 1971). Ces effets sont plus actifs sur les grosses particules. Pour les particules déjà en mouvement la mise en suspension peut résulter soit de l’effet de succion exercé sur une grosse particule par le fluide dans la partie à fort gradient de vitesse de la couche Ii- mite (répartition parabolique des vitesses des courants), soit des composantes verticales dirigées de bas en haut associées aux tourbillons du courant transporteur (Graf, 1971). L’action de ces deux ty- pes de forces joue probablement le rôle primordial dans la sélection de particules qui aboutit au fa- ciès granulométrique.

Chacun de ces deux types de forces présente en effet un domaine particulier. Les forces de succion qui soulèvent les particules dans la couche limite sont plus fortes près du fond, où le gra-

Page 141: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Approche granulométrique de la dynamique sédimentaire 137

FIG. 58 :SUSPENSIONS EXPÉRIMENTALES-COURBES GRANULOM5TRIQUE.S RECALCULEES, D’APRES SENGUPTA (1975) - POUR DIVERSES VITESSES DE COURANT -

PROFONDEUR DU CANAL : ENVIRON 0,5 M - PRÉLEVEMENTA 0,20 M AU-DESSUS DU FOND

A gauche : Courbes pour suspensions en courant de 0,5 B 1.5 m/s A droite : Analyse des faciès segmentaires pour la suspension recueillie dans un courant de 1.5 m/s

Page 142: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

138 Frédéric BAL TZER

dient de vitesse du courant est maximal. Les composantes ascendantes des tourbillons sont plutôt liées au tiers central de la tranche d’eau. Dans la couche limite, en raison de sa rigidite, une particu- le solide prend une vitesse intermédiaire entre la vitesse rapide de l’eau qui baigne sa partie supérieu- re et la vitesse lente de l’eau sous-jacente. Cette vitesse intermédiaire est plus proche de la vitesse maximum de telle sorte que la particule est un peu moins rapide que l’eau sus-jacente et beaucoup plus que l’eau sous-jacente. En raison de cette dissymétrie, la résultante des forces hydrodynamiques exercées sur la particule présente une composante verticale de bas en haut qui la soulève. Cette for- ce, comme le gradient de vitesse, est maximale près du fond et décroît vers le haut. En l’absence de turbulence, la particule s’élèverait tant que la force est supérieure à son poids dans l’eau, puis se maintiendrait entre deux eaux une fois l’égalité atteinte. Mais l’état de turbulence est très fréquent et les composantes verticales de la vitesse peuvent entrer en jeu de façon aléatoire et modifier la po- sition des particules.

Si les composantes verticales de bas en haut de la vitesse dépassent la vitesse de chute de la particule, le résultat est un gain d’altitude. La probabilité d’un tel gain est évidemment supérieure pour les particules fines, dont la vitesse de chute est très faible, mais pour les particules grossières, la probabilité d‘un gain d’altitude est plus grande qu’on ne le pense généralement. Leur vitesse de chute, quoique supérieure à celle des fines, est fortement diminuée par rapport à ce que laisserait présager leur poids. C’est ce que montre l’étude de Berthois et Gendre (1967) et ce dont la trans- formation-des diamètres expérimentaux en diamètres de Stokes Berthois (cfi présent chapitre, p. 101) permet de tenir compte.

Ces composantes verticales ascendantes ne peuvent matériellement exister au contact du fond ou au contact de la surface si ces derniers sont plans. Dans un courant entre surfaces planes, leur localisation à probabilité maximale est dans la tranche d’eau intermédiaire. Ces composantes vertica- les ascendantes de la vitesse du courant sont associées à des composantes descendantes. Dans ce cas la vitesse de chute de la particule s’additionne à la vitesse descendante de l’eau. Dans ce brassage aléatoire, les particules les plus fines sont presque complètement passives et tendent à se répartir suivant une concentration à peu près égale partout. Par contre, les particules grossières ont une pro- babilité de rester près du fond d’autant plus grande qu’elles sont plus grosses. Tout près du fond, la concentration en grossières augmente. Leur poids est suffisant pour les y ramener malgré les compo- santes ascendantes du brassage turbulent, mais elles sont maintenues en suspension par la force de succion liée à la couche limite. On voit qu’une telle approche permet de bien rendre compte de la répartition des concentrations observées. II nous reste à montrer comment, combinée au jeu des vi- tesses horizontales, elle permet d’envisager le mode de formation des faciès dans les suspensions et le mécanisme de l’évolution granulométrique.

Tri des particules dû à la répartition parabolique des vitesses du courant

La vitesse de l’eau dans la couche limite est en principe nulle au contact d’un fônd stable et augmente très vite, suivant une loi parabolique, en s’élevant au-dessus. Le processus de mise en SUS- pension qui prévaut pour les grossières leur interdit généralement l’accès des tranches d’eau moyenne et supérieure. La répartition des concentrations montre bien qu’elles ne quittent guère la tranche d’eau à fort gradient de vitesse et ceci de façon d’autant plus stricte qu’elles sont plus grossières. Les grossiè- res se déplacent donc plus lentement ce qui aboutit à les éliminer sélectivement des suspensions au cours du transport vers l’aval.

Toutefois, lorsque la turbulence permet à des particules grossières d’atteindre la tranche moyen- ne des eaux à fortes ascendances internes, elles peuvent s’y maintenir assez bien grâce à leur vitesse de chute relativement faible. Ceci explique pourquoi la diminution de concentration des grossières, d’abord très rapide, se ralentit énormément lorsque la concentration devient faible. Ceci rend compte de la présence de grossières en petite quantité dans la tranche moyenne et dans les suspensions de

Page 143: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Approche granulométrique de la dynamique sédimentaire 139

l’aval. Les particules fines bénéficient de toutes les modalités de mise en suspension et sont présen- tes avec une concentration importante dans toutes les tranches d’eau, avec une prédominance bien moins marquée dans la tranche inférieure que chez les grossières. Ces particules sont donc présentes en abondance dans la couche inférieure à vitesse lente, mais aussi dans les suspensions moyenne et supérieure où elles descendent le courant avec le maximum de vitesse et la possibilité d’aller le plus loin.

Le jeu d’une infinité de nuances dans ces concentration et ces vitesses conduit à la sélection des particules et à l’évolution granulométrique.

PASSAGE DU FACIES GRANULOMÉTRIQUE DE LA SUSPENSION AU SÉDIMENT

Le paragraphe précédent nous a permis d’établir que les faciès granulométriques préexistent dans les suspensions. Le passage du faciès granulométrique de la suspension au faciès du sédiment ne peut avoir lieu qu’aux dépens de la suspension la plus proche du fond. Nous savons que cette suspension a le faciès parabolique dans le canal en circuit fermé dans lequel Sengupta (1975) a mené ses expé- riences d’érosion sur un sable bimodal. Dans le milieu naturel, le circuit est ouvert. Suivant I’hypo- thèse la plus vraisemblable dans le cas où les conclusions de Sengupta seraient applicables en nature, les trois faciès granulométriques présents dans les trois types de suspensions vont se trouver successi- vement au contact du fond pendant la descente de l’eau vers l’aval. Selon ce schéma, la suspension parabolique se dépose la première, suivie de la suspension logarithmique et enfin de la suspension hyperbolique. On voit que l’ordre prévu par la théorie de l’évolution granulométrique est respecté. Dans la réalité, il est certain que la suspension au contact du fond se transforme lentement, par des échanges incessants avec les étages supérieurs et par sédimentation. Parabolique au début, elle devient logarithmique après avoir perdu une partie de son excès de charge. Nous verrons que ceci peut s’in- terpréter comme l’effet de l’addition de multiples lamines de faciès légèrement différent déposées par des suspensions correspondant à des conditions de courant elles-mêmes légèrement différentes. Ceci est particulièrement clair pour le faciès logarithmique et donne une explication simple à l’existence des faciès segmentaires infrahyperbolique et ultraparabolique qui l’accompagnent toujours sous forme de ((crochets)). Nous verrons enfin que la présence du mode de fréquence à la limite grossière de la distribution dans le cas du faciès parabolique a une origine hydrodynamique, étant liée au fait qu’ une particule grossière sédimentée ne peut être remise en suspension que par un courant beaucoup plus rapide. Au contraire, le décalage vers les fines du mode du faciès hyperbolique est probable- ment dû à la dissolution des particules les plus fines ou à leur absence du produit soumis à I’éro- sion, dans le cas des expériences de Sengupta.

Formation du faciès parabolique dans les sédiments

La suspension de la tranche d’eau inférieure du canal en circuit fermé de Sengupta présente un faciès parabolique. Dans un cours d’eau, le circuit est ouvert et la suspension parabolique qui se for- me dans la zone d’érosion commence à se déposer à peu de distance vers l’aval. En raison de la ré- partition aléatoire des vitesses, on peut trouver côte à côte une zone d’érosion et une zone de sédi- mentation. Quelques mètres seulement séparent parfois l’aire de sédimentation de la zone d’érosion (Baltzer, 1974). où le faciès total est effectivement parabolique.

Sur les courbes de sédiments à faciès parabolique tracées en coordonnées semi-logarithmiques, on voit que la distribution atteint son maximum de fréquence vers les grains les plus gros. La dispo- sition très dissymétrique de la courbe de fréquence explique pourquoi le moment statistique appelé «skewness)) ou asymétrie a pu être utilisé. L’arrêt brutal de la distribution peut s’expliquer qualitati- vement par le schéma de Hjulstrom. On peut admettre en effet que les particules plus grossières que le mode de la distribution sont absentes, s’étant déposées à la suite d’un ralentissement aléatoire du

Page 144: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

140 Frédéric BAL TZER

courant sans avoir pu être remises en suspension par un surcroît ultérieur de vitesse. Le schema de Hjulstrom montre que, pour remettre en suspension une particule déposée, le courant doit avoir une vitesse très supérieure à la vitesse qu’il avait à l’instant du dépôt (Hjulstrom, 1939).

Les courbes de faciès parabolique les plus typiques sont obtenues pour des sables fins limo- neux (exemple <tBrenda 2», Fig. 43). Au moins sur le bassin de la Dumbéa, les sédiments plus gros- siers sont caracterisés par un faciès parabolique composite (exemple III i A, Fig. 44). La courbe peut être considérée comme formée d’un faciès segmentaire principal logarithmique (50 à 60 % du sédiment) entouré par ses faciès segmentaires satelIites.(infrahyperboIique et ultrahyperbolique), le tout étant prolongé vers les fines par un faciès segmentaire à peu près logarithmique représentant 10 à 20 % de la distribution sous forme de limon, d’argile et de nanoparticules. La différence cons- tatée entre les courbes simples et les courbes composites s’explique par la différence de comporte- ment entre particules fines et grossières indiquée par le schéma de Hjulstrom ainsi que par la diffé- rence dans les forces d’entraînement lorsque le milieu est fortement turbide.

C’est pour les particules les plus fines que les courbes de Hjulstrom prévoient un écart maxi- mal entre la vitesse de sédimentation et la vitesse d’érosion. Dans un courant normal, le dépôt d’une particule est irrémêdiable. II n’en va pas de même pour les particules grossières. Dans le cas des sa- bles, le fait qu’un grain soit déposé n’interdit pas qu’un nouveau départ se produise ulterieurement sous l’effet d’une accélération aléatoire momentanée. Le fait que le faciès segmentaire principal des courbes paraboliques composites soit logarithmique montre bien que les grains de sable conservent alors une certaine liberté, liberté confirmée par la structure dunaire du dépôt sédimentaire (ripple marks de diverses dimensions). II en résulte bien que les sables fins limoneux présentent un mode tout à fait decalé vers la limite grossière de la distribution, alors que les sables plus grossiers ne pré- sentent qu’une zone modale correspondant au faciès segmentaire logarithmique. La présence de trou- bles en abondance dans la suspension parabolique intervient dans le même sens. Pour des conditions de courant et de rayon hydraulique, etc., égales, les petites forces d’entraînement sont fortement di- minuées par la présence de troubles, les forces importantes l’étant beaucoup moins (Lane, in Graf, 1971). Comme dans le cas du diagramme de Hjulstrom, on observe ici une différence de comporte- ment entre les fines et les grossières qui rend beaucoup plus improbable un nouveau départ dans le cas d’une particule fine que dans le cas d’une particule grossière.

En conclusion, le faciès parabolique prend naissance dans la suspension au contact d’un maté- riau meuble en cours d’érosion, grâce au processus de maintien en suspension des grossières permis par le gradient de vitesse des filets d’eau dans la couche limite. Ce faciès est remarquable par le fait que la distribution s’interrompt brutalement après avoir atteint son maximum de fréquence dans le domaine des grossières. L’interruption est plus tranchée pour les sables fins limoneux que pour les sables grossiers, ce qui aboutit à des courbes a faciès segmentaire presque unique dans le premier cas et à des courbes composites dans le second. Le décalage du mode montre l’intervention d’un mé- canisme de blocage sélectif d’origine hydrodynamique. Ce mécanisme, ainsi que la différence de com- portement des particules fines et grossières s’explique par la différence entre les vitesses’ permettant l’érosion et la sédimentation prévues par le diagramme de Hjulstrom et par la modification de la for- ce d’entraînement en présence de troubles. La suspension à faciès parabolique, voisine du fond, est la première à se déposer par excès de charge, dès que le courant ralentit, comme par exemple sur le lit majeur d’un fleuve en crue.

Formation du faci& logarithmique dans les sédiments

Les expériences de Sengupta (1975) montrent que la suspension de la tranche moyenne de l’eau du canal expérimental tend vers une distribution granulométrique log-normale, que nous avons pu assimiler à un faciès logarithmique encadré de ses deux faciès satellites infrahyperbolique et ultra- parabolique. On peut penser que, dans le circuit ouvert d‘un cours d’eau naturel, la suspension loga-

Page 145: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Approche granulométriqoe de la dynamique sédimentaire 141

rithmique qui a pris naissance bien au-dessus du fond dans la zone d’érosion, s’en rapproche puis

s’y dépose avec le ralentissement progressif du courant vers l’aval. La notion de suspension graduée de Passega et Byramjee (1969) confirme ce point car la proportionnalité entre C et M (centile le plus grossier et médiane) que ces auteurs considèrent comme caractéristique des sédiments issus d’une suspension graduée est une caractéristique du faciès logarithmique (Baltzer, 1971).

Au stade de dépôt du faciès logarithmique, un nouveau départ des particules est favorisé par la présence de dunes hydrauliques agencées en ripple marks. Le fond n’est pas plan, ce qui permet à des composantes ascendantes du courant de se manifester à son contact et d’assurer ainsi un échange permanent entre un sédiment et une suspension, tous deux à faciès logarithmique. La dis- position des particules dans ces structures indique une accumulation par lamines successives, ce qui suggère que le sédiment à faciès logarithmique que nous analysons a la composition d’une somme de sédiments élémentaires.

L’addition de deux stocks granulométriques logarithmiques égaux en quantité et qualités donne un nouveau stock qui jouit des mêmes propriétés : extension du domaine granulométrique G, dia-

. metres Xminimum et XMaximumR moyenne et médiane que les stocks parents. Cela signifie qu’au cours de la sédimentation, une quantité importante d’un sédiment de même faciès pourra s’accumu- ler même si le dépôt se fait par phases successives. II suffit pour cela que les propriétés hydrodyna- miques et l’alimentation restent identiques. L’addition de deux stocks granulométriques égaux en G et en pente, mais légèrement décalés (xm et XM différents, mais conservant le même rapport entre eux, donc le même G), produit un nouveau sédiment dans lequel se distinguent trois parties : un tronc central de même pente que les stocks parents et dont le G est défini par l’intervalle de recou- vrement des G des stocks parents et, aux extrémités de la courbe, deux stocks de pente moitié de la pente des stocks parents. Enfin, l’addition de deux stocks logarithmiques sans domaine commun de leur spectre granulométrique donne une courbe formée de deux segments de droite représentant chacun un faciès segmentaire logarithmique, réunis par un segment en palier. Lorsque l’apport initial en chacun des stocks est égal, chacun est représenté par un segment dont la pente est moitié de sa pente originelle. Les pentes sont entre elles comme les masses des sédiments en jeu si les apports sont en quantités variables.

Nous avons constaté que la pente de la droite représentative du faciès logarithmique est systê- matiquement plus redressée pour les suspensions que pour les sédiments. La pente n’indique aucune autre qualité du faciès logarithmique que son extension granulométrique. Mais l’addition de stocks d’extension différente, à faciès logarithmique, tend à réaliser un stock moyen dont la pente est beaucoup plus faible et dont le faciès reste logarithmique. On en déduit que la sommation d’un grand nombre de stocks élémentaires logarithmiques différents qui sont déposés à chaque instant par la suspension aboutit à la formation du stock sédimentaire logarithmique du sédiment, caractérisé par la faible pente de sa droite représentative.

Chaque dépôt élémentaire aurait une composition granulométrique très proche de celle de la suspension en contact avec le fond au moment précis de sa mise en place. L’influence des faciès sa- tellites du faciès logarithmique principal de la suspension est négligeable. Ces derniers ne caractéri- sent qu’une masse très petite du sédiment, d’autant plus faible que l’on s’écarte davantage de la dis- tribution logarithmique. Dans le processus de sommation qui aboutit à la formation du sédiment, leur influence sur la forme de la courbe finale est négligeable, puisque la pente de celle-ci est direc- tement liée à la masse des fractions de sédiments en jeu, négligeable dans ce cas.

En conclusion, il semble légitime d’admettre que le faciès logarithmique découle directement de la sommation des apports de la suspension à faciès logarithmique dont les limites dimensionnelles varient au cours du temps. Cette conclusion est en accord avec le fait que les sédiments présentent des courbes de faciès logarithmique de pente systématiquement plus faible que les pentes des cour- bes de suspensions. Elle est également en accord avec le fait que les sédiments de faciès total loga-

Page 146: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

142 Frédéric BAL TZER

rithmique sont systématiquement très en aval des zones où se produit l’érosion. Une remarque im- portante doit être faite cependant. Le faciès logarithmique, dans l’expérience de Sengupta (1975), est réalisé avec un sable dépourvu de fraction ultrafine. Les particules non tamisables ne sont d’ailleurs pas analysées. Ce ne peut donc être que la formation d’un faciès logarithmique segmentaire qui est décrite ici. En milieu naturel, la suspension de sable à faciès logarithmique étudiée par Sengupta ne pourrait se déposer sans piéger des particules plus fines de limons et d’argiles ce qui aboutirait à un prolongement de la courbe granulométrique en donnant un granofaciès total du type parabolique composite. Mais, dans le milieu naturel, la suspension limoneuse et sableuse elle-même aboutirait plus en aval au faciès logarithmique et déposerait un sédiment à faciès total logarithmique. Pendant son dépôt, ce sédiment est capable à son tour de retenir des particules plus petites que lui, les nanopar- ticules, mais celles-ci n’étant pas analysables, n’interviennent pas dans la définition du faciès total par l’indice N,

Formation du faciès hyperbolique dans les sédiments

Le faciès hyperbolique est caractérisé par une limite dimensionnelle tranchée correspondant au mode, placée du côté des fines, contrairement au cas du faciès parabolique. A partir des expériences de Sengupta (1975), nous avons vu que le faciès hyperbolique est réalisé en suspension dans la tran- che d’eau supérieure du courant. L’expérience sédimentologique montre que les sédiments naturels ayant ce faciès se déposent dans les zones calmes des lacs et dans les endroits abrités des plaines al- luviales et des dépressions latérales deltaïques, ce qui justifie le nom de «faciès de décantatiom) don- né également au faciès hyperbolique. Le dépôt de la suspension fine a faciès hyperbolique fait suite au dépôt des suspensions parabolique puis logarithmique. II ne se produit donc qu’après que le COU-

rant ait déjà déposé la majorité des particules plus grossières, si bien que la turbidité est alors très réduite. Le faciès hyperbolique a été observé dans les parties les plus calmes des estuaires et on pour- rait croire que cela résulte de la floculation du matériel ultrafin sous l’influence des électrolytes de l’eau saumâtre ou marine. En fait, la charge solide très diminuée de la suspension à faciès hyperboli- que est un facteur défavorable à la floculation, les chances de rencontres entre particules étant rarê- fiées. Lorsque I’aggradation des particules se produit, les flocons sont très légers. Ils ne contiennent qu’en proportion minime les particules denses indispensables pour que les fines précipitent efficace- ment après floculation (Kranck, 1975). Ainsi, même si le milieu estuarien favorise la floculation, celle-ci n’est certainement pas le facteur de réalisation du faciès hyperbolique, qui d’ailleurs existe aussi bien en eau douce. Si la floculation se produit, elle ne fait que maintenir un faciès acquis an- térieurement par la suspension.

La limite du faciès hyperbolique vers les fines est un problème en soi. Contrairement à ce qui se passe pour le faciès parabolique, on ne peut pas invoquer un mécanisme hydrodynamique qui em- porterait les particules plus fines qu’une certaine dimension parce que nous avons vu qu’un tel pro- cessus conduit au faciès de vannage ((ultraparabolique)). II est plus vraisemblable que cette limite di- mensionnelle met en évidence non une sélection des particules mais plutôt la non existence de parti- cule plus fine que cette limite. La méthode de la pipette en bain thermostaté permet d’évaluer le pourcentage cumulatif des particules fines jusque vers 0,06 prn, soit 600 A. II est évident que cette dimension est voisine du minimum possible pour une particule argileuse qui ne peut être inférieure à I’épaisseur d’un feuillet, soit 10 A pour I’illite. Une extrapolation de la courbe MT 6 A (Fig. 39) re- présentative d’un sédiment kaolino-illitique a faciès hyperbolique typique provenant du marais de Mara (Baltzer, 1970) conduit à envisager 300 A comme limite inférieure de la distribution.

De même, l’extrapolation de la courbe NAT 31 A (Fig. 40) suggère une limite à 200 A pour les sédiments actuels de la dépression latérale gauche de la Dumbêa, juste à l’amont du delta. Ces Ii- mites excluent une bonne partie de la nanofraction qui est associée surtout aux sédiments à faciès total logarithmique et secondairement aux sédiments à faciès parabolique. L’exclusion des nanoparti- cules du sédiment n’ayant vraisemblablement pas une origine hydrodynamique correspond à une dis-

Page 147: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Approche granulométrique de la dynamique sédimentaire 143

parition de ces particules dans la suspension elle-même. Le piégeage des nanoparticules lors du dépôt des sédiments à faciès total logarithmique durant la phase précédente de l’évolution granulométrique ne peut rendre compte d’une disparition aussi complète. L’hypothèse la plus plausible pour expliquer la disparition des nanoparticules dans la suspension puis dans le sédiment hyperbolique est la dissolu- tion. Très petites, les nanoparticules ont une forte activité de surface et sont promptes à se dissou- dre. La dissolution est encore facilitée par le fait que les suspensions hyperboliques sont celles qui restent le plus longtemps en contact avec le milieu transporteur et celles qui atteignent les plus fai- bles concentrations. De longues et délicates expériences sont nécessaires pour vérifier cette hypothèse, mais nous pouvons déjà trouver une confirmation dans le fait que les argiles de finesse exceptionnel- le présentent toutes un indice N, plus faible que prévu par la droite de régression de Vernhet et Rivière (1976) ou par la droite de régression correspondant à l’ensemble des sédiments analysée pour le présent mémoire (Fig. 59). Dans les sédiments ultrafins, la dissolution, ou du moins l’équilibre chimique avec la solution du milieu transporteur, exagère la brutalité de la limite dimensionnelle in- férieure et accentue le caractère hyperbolique du faciès.

En conclusion, le faciès hyperbolique des sédiments est hérité des propriétés de la suspension de même faciès. Mais la limite dimensionnelle des fines tranchée qui caractérise ce faciès semble de- voir être attribuée le plus souvent à la dissolution des particules les plus fines. On notera que les argiles les plus fines connues sont de composition souvent montmorillonitique. Elles sont souvent trop fines pour que la méthode de la pipette permette d’en mesurer la médiane ou le mode. Leur composition minéralogique impose une dimension minimale de l’ordre de 15 ,& et cette dimension semble être effectivement la limite inférieure de la distribution qui ne peut être qu’hyperbolique. De telles argiles sont associées à des milieux confinants, ce qui suggère que les particules les plus fines ne se conservent qu’en milieu protecteur. La protection peut être géochimique (confinement) ou mé- canique (piégeage dans un sédiment plus grossier, ce qui aboutit finalement à une protection géochi- mique).

Dans les deux cas, le faciès hyperbolique résulte d’une limite dimensionnelle inférieure très stricte, que ce faciès soit total (protection chimique) ou segmentaire (protection mécanique d’un stock hyperbolique de nanoparticules par un stock plus grossier).

La formation des faciès segmentaires infrahyperbolique et parabolique dans les sédiments

Ces deux faciès sont présents ensemble aux extrémités des courbes de suspensions et de sédi- ments à faciès logarithmique (crochets). Le faciès infrahyperbolique est présent, mais seul, à I’extré- mité grossière des courbes à faciès parabolique (bec). Ceci donne à penser que les crochets des sédi- ments sont hérités des crochets des suspensions. Les indices segmentaires des portions de courbes des suspensions et des sédiments affectés par ces crochets sont du même ordre de grandeur (par exemple - 8 et + 3,5), ce qui tend à confirmer que le sédiment hérite le faciès de la suspension. Les crochets présents sur les courbes de sédiments résulteraient alors de l’addition des suspensions correspondant aux conditions extrêmes du courant, les plus rapides comme les plus lentes. Les cro- chets infrahyperboliques des sédiments seraient hérités de la fraction grossière infrahyperbolique des suspensions les plus grossières ayant participé à la composition du sédiment. Les crochets ultrapara- boliques seraient issus de la fraction fine des suspensions les plus fines. De ce fait, les sédiments grossiers, déposés par les courants les plus rapides et les plus turbulents, donc sujets aux plus gran- des variations aléatoires de la vitesse devraient présenter les crochets les plus développés avec les in- dices segmentaires les plus extrêmes. C’est bien ce que nous avons constaté sur les séquences évolu- tives que nous avons étudiées. Sur les courbes en coordonnées de Stokes Berthois, les crochets infra- hyperboliques ont un indice ns qui devient de plus en plus fortement négatif quand le sédiment acquiert un grain moyen plus gros. Parallèlement, l’indice du crochet ultraparabolique des fines prend des valeurs de plus en plus fortement positives quand le grain moyen du sédiment devient plus gros.

Page 148: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

144 Fréd&ic BAL TZER

Vers sa limite inférieure, le faciès logarithmique s’appauvrit rapidement en fraction fine par un mécanisme de vannage des fines, plus accusé dans les sédiments de haute énergie. De même, vers sa limite supérieure, le faciès logarithmique s’appauvrit rapidement de ses grossières. Cet appauvrisse- ment rapide est une propriété du faciès logarithmique acquise pendant le transport en suspension, SOUS l’influence du prélèvement préférentiel des grossières dû à la sédimentation antérieure des faciès paraboliques. Les granofaciès segmentaires infrahyperbolique et ultraparabolique peuvent donc se for- mer dans la suspension. En examinant les conditions diverses d’apparition de ces faciès dans la natu- re, nous allons tenter de mettre en évidence les facteurs dont l’action sur la suspension est en cause.

La composition granulométrique du sédiment originel peut intervenir dans la determination du crochet hyperbolique des grossières. Nous avons montré, plus haut (chap. V), que le déplacement des particules en milieu fluviatile se fait par étapes multiples et non d’une traite. Une phase d’éro- sion fluviatile est indispensable pour qu’une particule déposée franchisse une nouvelle étape et ali- mente un nouveau dépôt. Cette érosion attaque généralement un ensemble de couches formant la berge du lit mineur et libère un matériel granulométriquement varié. Le diagramme de Hjulstrom montre que le courant capable de remettre en mouvement une particule est beaucoup plus fort que le courant qui l’a déposée. Le courant capable d’éroder les stratifications d’argile et de sable d’une plaine alluviale est donc très fort et ne laisse sur place ou peu en aval qu’une part faible du sédi- ment originel. Cette part a toutes chances de représenter ce qui, dans le sédiment de départ, consti- tuait le faciès segmentaire infrahyperbolique et renforce dans le sédiment fils, la tendance à présen- ter un faciès infrahyperbolique développé.

La possibilité de roulement et de traction sur le fond pour les plus grosses particules peut in- tervenir dans la détermination d’un faciès infrahyperbolique. Nous avons vu (chap. V) comment, dans le domaine des galets, le roulement permet un déplacement rapide des gros galets sur un fond de ga- lets plus petits et de graviers. Si un mécanisme identique peut fonctionner à l’échelle des sables, il participe forcément à la formation de ce crochet.

Les variations à courte période de la vitesse du courant ont une action directe sur la suspen- sion et sont probablement l’agent essentiel de formation des faciès infrahyperbolique et ultraparabo- lique. Rivière et Vernhet (1973) ont mis en cause ces variations de vitesse et montré que la granulo- métrie classique, exprimée en vides de mailles sans application de la correction de Stokes Berthois, en exagère considérablement les effets. Des plus réguliers aux plus instables, les courants, qu’ils soient dus aux marées, aux écoulements fluviatiles ou aux vagues déferlant au rivage, sont toujours empreints d’une certaine turbulence. Les courants de marées sont parmi les plus réguliers qui soient et donnent des exemples de courbes correspondant aux courants les plus stables. Les courbes de sé- diments sont caractérisées par un long segment à faciès logarithmique entouré de crochets infrahy- perbolique et ultraparabolique bien marqués mais réduits. Les sables des ridains de la Mer du Nord et de la Manche, les sables estuariens actuels de la Gironde (L.R. Lafond, Comm. pers.) et les sables de l’estuaire fossile Solognot de Soings (Camy-Peyret J. et Vuilleumier J., 1973) sont typiques de cette disposition. Dans l’estuaire fossile de Soings, I’exoscopie montre que les bancs de sable à faciès central logarithmique et crochets marqués mais peu étendus correspondent au milieu plus franche- ment sous influence marine.

Le milieu fluviatile présente des courants dans lesquels les variations de la vitesse instantanée en chaque point sont relativement nombreuses et importantes. Les crochets prennent une extension nettement plus grande, comme nous avons pu le constater lors de l’étude de la séquence évolu- tive qui précède ces lignes. Dans l’estuaire de Soings en Sologne, I’exoscopie permet de distinguer des bancs sous influence plutôt fluviatile, caractérisés par des courbes granulométriques sur lesquelles les crochets prennent plus d’importance qu’ils n’en ont sur les courbes de sédiments influencés par les courants de marées (Camy-Peyret J. et Vuilleumier J., 1973).

Page 149: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Approche granulométrique de la dynamique sédimentaire 145

Le milieu où la variation de la vitesse instantanée du courant est la plus grande est constitué par les plages exposées aux fortes houles. Au moment où la vague se brise, des vitesses considérables sont atteintes en direction de la côte, bientôt remplacées par des vitesses moindres en sens inverse. Dans cet environnement, les crochets deviennent si importants qu’ils se rejoignent pratiquement, sans laisser de place au segment logarithmique central. A. et M.A. Rivière ont montré (1962) que les courbes de sédiments de plage sableuse se ramènent à deux demi-distributions gaussiennes centrées, non sur la médiane, mais sur le mode de la distribution.

Dans les zones de contact entre l’influence estuarienne et la plage, L.R. Lafond (1967) a mon- tré que l’on pouvait, dans certains cas favorables, mettre en évidence le passage des courbes à faciès logarithmique central et crochets réduits aux courbes formées de deux crochets étendus. Cette mise en évidence a été faite en créant la notion de ((coefficient de distribution causale», qui se mesure par la différence des abscisses logarithmiques des extrémités du segment de la courbe cumulative et s’exprime en fonction de la localisation géographique.

On voit que le développement plus ou moins accentué des crochets qui entourent une distribu- tion logarithmique peut s’expliquer de façon cohérente par des variations plus ou moins accentuées de la vitesse du courant.

SËQUENCE EVOLUTIVE ET MATURATION : DISTINCTION PAR LE TEST DE CORRl?LATION ENTRE LTNDICE D’ENERGIE Nr ET LA MOYENNE x

La corrélation qui existe entre le faciès total et la grosseur moyenne du sédiment est un test du type de l’évolution subie par le sédiment avant son dépôt. Vernhet et Rivière (1976) ont montré que l’évolution en milieu fluviatile s’accompagne d’une corrélation linéaire entre l’indice N, et la moyenne logarithmique x. Cette corrélation se retrouve avec les sédiments que j’ai étudiés en Nouvel- le Calédonie, ce qui en confirme la validité probablement universelle. En milieu marin côtier, l’indice d’évolution d’un sable de grosseur moyenne donnée ne respecte pas cette corrélation, mais prend des valeurs beaucoup plus élevées, sous l’influence du phénomène de maturation (Vernhet et Rivière, 1976). Sous l’influence des courants de vitesse extrêmement variable liés au jet et au retour des va- gues, la distribution sableuse prend la forme de deux demi-distributions de Gauss (A. et M.A. Rivière, 1962) par extension des crochets d’une distribution qui peut avoir été primitivement logarithmique (Lafond, 1967). Un tel effet a pu être observé sur certains sédiments du delta de la Dumbéa.

Entre ces deux termes possibles de l’évolution des fractions grossières, j’ai pu montrer I’exis- tente d’une maturation en milieu fluviatile représentée par les sédiments à faciès parabolique totaux composites. A. Rivière (1977, pp. 96-97) fait état de ce résultat et en figure les points représentatifs (OP. cit., p. 95, points ronds noirs pleins) sur son diagramme de classification dynamique des sédi- ments en fonction de k et de N.

L’ensemble des sediments de la Dumbéa (plaine alluviale, delta et remplissage sédimentaire de la paléovallée) pour lesquels le calcul de N, a été effectué nous donne plus de 130 valeurs de cet indice réparties sur une grande variété de faciès sédimentaires. Ce nombre permet de vérifier la corré- lation linéaire établie par Vernhet et Rivière (1976) entre N, et la moyenne logarithmique % sur un diagramme (Fig. 59) portant simultanément les points expérimentaux de la Qumbéa et les intervalles de confiance définis par ces auteurs. Le nuage des points expérimentaux encadre parfaitement la droite de régression de Vernhet et Rivière et s’inscrit dans l’intervalle de confiance pour tous les points dont la moyenne est inférieure à 3,5 unités delta, soit 33 p. Les valeurs les plus faibles de

Page 150: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

0 I 4

FIG. 59 :CORRELATION ENTRE ~INDICE WÉNERGIE N~ET LA MOYENNEXPOUR DES ECHANTILLONS DE NOUVELLE-CALEDONIE (Echelle du bas : log de la moyenne exprimée en centi /.&n : Echelle du haut : moyenne en p)

Page 151: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Approche granulométrique de la dynamique sédimentaire 147

la moyenne (k inférieur à 2 unités delta, soit 1 m) se corrèlent avec des valeurs de Nt à la limite inférieure de l’intervalle de confiance à 99 %, mais les points ainsi définis restent dans l’intervalle de confiance.

Ces résultats montrent que la corrélation entre Nt et x établie par Rivière et Vernhet en gran- de partie sur des sédiments originaires de formations géologiques du Sud de la France, conserve sa validité pour des sédiments actuels et récents de Nouvelle Calédonie dont la moyenne n’excède pas 33 m. Les conditions de dépôt de nos sédiments de Nouvelle Calédonie étant connues par I’obser- vation directe du milieu actuel, nous devons remarquer l’excellente cohérence des résultats. La droite de régression nous indique que l’indice N, = 0 est obtenu pour la moyenne 3 p. Les échantillons que nous avons pris comme exemples du faciès logarithmique respectent très bien cet ordre de gran- deur avec 5,9 ,um pour NAT 18 i et 2,99 /b-n pour NAT 13 A.

Dans le domaine des sédiments dont la moyenne est sup&ieure à 33 /.w, le fait que les points expérimentaux s’écartent franchement de la corrélation précédente coi’ncide avec l’apparition des courbes à faciès total parabolique composite (exemple III i A, Fig. 44). Ce sont des sables fluviatiles un peu argileux déposés par des crues sur les levées et la plaine alluviale, sous forme de dunes hy- drauliques telles que des ripple marks, des rides ou des bancs. Dans ce type de dépôt, il y a discor- dance entre l’énergie minimum permettant le transport et l’énergie réelle qui est nettement supérieu- re, ce qui explique l’effet de <(maturation» (Rivière, communication personnelle). On remarquera cet- te valeur de 33 m qui sépare le domaine des sédiments admettant la corrélation linéaire entre x et N, du domaine des sédiments qui s’en écartent par cet effet de maturation. D’après le diagramme de Hjulstrom (1935), ce diamètre caractérise des particules facilement mises en mouvement par les cou- rants les plus lents, ce qui se manifeste par le replat de la courbe limitant le domaine de I’éro- sion. Ce sable très fin étant très facile à remettre en mouvement a des phases de repos de courte durée interrompues par des phases de transport fréquentes qui assurent une maturation rapide et re- lativement poussée dans ce milieu fluviatile. Ceci permet à N, d’atteindre des valeurs intermédiaires entre les valeurs prévues par la corrélation due à l’évolution fluviatile normale et les valeurs caracté- ristiques de la maturation en milieu marin côtier.

Les sediments dont la moyenne est plus fine que 1 prn présentent des indices N, plus faibles que les indices prévus par la corrélation. Ceci s’accorde avec l’observation de Rivière et Vernhet (1976) relative aux sédiments dits ((de finesse exceptionnelle». Nous avons montré plus haut que la distribution granulométrique des sédiments à faciès hyperbolique est caractérisée par une limite di- mensionnelle très stricte du côté des fines. Nous avons montré aussi que la survie des grains des argi- les de finesse exceptionnelle exige une protection chimique contre la dissolution, protection probable- ment assurée par les ions libérés par la dissolution des grains les plus fins, dont l’activité de surface était la plus grande. Cette hypothèse rend bien compte du fait que les argiles de finesse exception- nelle sont souvent déposées dans des milieux géochimiquement confinés. Elle rend compte aussi de la limite stricte de la distribution hyperbolique vers [es fines qui est la cause des indices N, très bas observés.

En conclusion, les sédiments de Nouvelle Calédonie confirment bien dans l’ensemble la corréla- tion entre l’indice N et la moyenne x établie par les auteurs de la méthode d’étude. Cependant, nos résultats font apparaître que les sédiments grossiers peuvent évoluer vers des indices plus forts que prévu dans le cas des sables déposés sous forme de structures sédimentaires mobiles en présence d’eaux turbides. Les argiles de finesse exceptionnelle présentent généralement des indices inférieurs aux indices prévus par la corrélation entre N et x. Cette observation des auteurs de la méthode est confirmée par le présent travail. II semble qu’elle puisse s’expliquer par la dissolution préférentielle des particules les plus fines.

Page 152: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

148 Frédéric L?A L TZER

CONCLUSION : APPLICATIONS PRATIQUES DES R%‘ULTATS OBTENUS

Ainsi, il se confirme que les techniques granulométriques ne sont pas seulement l’outil descrip- tif bien connu applicable aux sédiments et aux sols mais surtout un moyen efficace de les distinguer les uns des autres et d’évaluer le degré d’énergie et les modalités du transport et de la sédimentation. L’interprétation par les indices de Rivière, totaux et segmentaires nous a permis de mettre en éviden- ce les mécanismes en jeu dans la sélection des particules qui aboutit à l’évolution granulométrique et d’en démontrer la parfaite cohérence. En plus de leur intérêt théorique, un bon nombre de ces résul- tats ont l’avantage d’être susceptibles d’une application directe dans l’interprétation des phénomènes géodynamiques en jeu sur un bassin versant.

En premier lieu, nous citerons les arguments granulométriques pour distinguer les formations pédologiques des formations sédimentaires se fondant sur la forme des distributions. Les courbes des sédiments d’origine homogène indiscutable présentent toujours une série de faciès segmentaires inter- prétables par la méthode des indices. En particulier, la présence d’un faciès segmentaire infrahyperbo- lique est constante. Au contraire, ce faciès n’existe ni dans les courbes de sols, ni dans les courbes de sols colluviaux ni même dans les sols sur roches sédimentaires. De plus, les courbes de faciès pédologique, présentent diverses irrégularités de forme, en creux et en bosses, qui ne sont pas inter- prétables en termes de dynamique par les indices, mais qui sont liés à des dissolutions, a des néofor- mations d’argiles ou de minéraux plus gros et à des concrétions.

La granulométrie est un moyen de distinguer les sédiments entre eux par l’étude de la corréla- tion entre l’indice total N, et la moyenne x, suivant la méthode de Vernhet et Rivière (1976). L’é- volution en milieu fluviatile conduit à une corrélation linéaire déterminée alors que les sédiments re- maniés par les vagues ou par les vents présentent une corrélation différente. Lorsqu’un sédiment a été soumis à une pédogenèse modérée, celle-ci a peu d’influente sur la grosseur moyenne et sur I’indi- ce total, de telle sorte que, au moins dans les cas que j’ai observés, la corrélation prévue est mainte- nue. La méthode ne semble pas permettre de distinguer les sédiments des formations pédologiques qui, au moins en Nouvelle Calédonie, prennent volontiers un granofaciès total logarithmique qui se corrèle avec une grosseur moyenne de l’ordre de 5 à 10 m et se placent dans l’intervalle de confi- ance de la corrélation linéaire du transport par courant. L’indétermination entre ce faciès logarithmi- que classique est levée facilement par l’examen, même sans calcul, des indices segmentaires. La corré- lation fait par contre remarquablement ressortir les influences marines.

Toujours pour distinguer les sédiments entre eux, dans le cas des sédiments fluviatiles et ma- rins, j’ai montré l’existence de deux types de corrélations entre la médiane des sédiments et l’indice segmentaire de leur fraction limoneuse (Baltzer, 1971) Dans les sédiments déposés par un fleuve en crue à forte action érosive, le faciès segmentaire du limon se rapproche d’autant plus d’un faciès de décantation (indice n < - 1) que la médiane est plus grosse (indice et médiane en corrélation inver- se). Dans les conditions de détente de l’énergie qui prévalent dans les régions situées en’ aval, la cor- rélation est directe : l’indice des limons est plus proche des valeurs correspondant au faciès de décan- tation si le grain médian est plus fin.

Dans les bassins sédimentaires reconnus, l’indice total permet une approche précise de la répar- tition de la dépense d’énergie du milieu transporteur. Des cartes en isogrades de l’indice N, peuvent être dressées et lorsque c’est possible, comparées à des hydroisohypses de crues. Cette approche nous renseigne sur les facteurs locaux propices à la sédimentation qu’ils soient liés au cadre structural, aux dépôts antérieurs ou aux diverses formes de végétation. Des coupes peuvent, de la même manière, nous renseigner sur l’évolution des conditions d’énergie au cours du temps.

Page 153: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Approche granulométrique de la dynamique sédimentaire 149

APPLICATION DE CES RESULTATS A LA GEoDYNAMIQUE DE LA

NOUVELLE CALËDONIE

La sédimentation actuelle sur le delta de la Dumbéa tend à l’agrandir et en maintenir les dis- positions principales (Baltzer, 1974). La granulométrie descriptive des dépôts superficiels actuels montre que les médianes des sédiments se répartissent suivant des isogrades parallèles aux directions d’écoulement. En cela, la granulométrie descriptive rend bien compte de ce qui peut s’observer sur le terrain, mais elle ne rend pas compte des conditions d’énergie qui en fait décroissent progressive- ment vers l’aval. Au contraire, la carte en isogrades des indices N, rend très bien compte de la ré- partition des conditions d’énergie. La dépense d’énergie du cours d’eau mise en évidence par les hydroisohypses est en accord avec cette répartition des indices, avec toutefois des facteurs modifica- teurs qui s’interprètent très bien par les conditions locales telles que la présence de végétation dans les dépressions latérales. Dans l’ensemble, la zone deltaïque est une zone de détente de l’énergie qui s’oppose au milieu plus turbulent de la plaine alluviale.

Les conditions de la sédimentation préactuelle du delta sont caractérisées par des variations du degré d’énergie (indice NJ qui sont corrélables dans l’ensemble des sédiments. Ces variations s’inter- prètent bien par les oscillations du niveau de la mer d’origine eustatique et tectonique qui se sont produites pendant I’Holocène.

GRANULOMETRIE DESCRIPTIVE DES SEDIMENTS ACTUELS

Le facteur principal de répartition des médianes semble être l’éloignement par rapport aux che- naux principaux ou secondaires. Ainsi, la répartition des médianes mise en évidence par les isogrades se parallélise facilement avec les rives du chenal principal du fleuve en crue. De même, les isogrades dessinent des lobes qui soulignent le tracé des chenaux secondaires. L’établissement d’une carte des médianes (Fig. 60) est possible parce que les crues apportent des sédiments dont la granulométrie, bien que variable, obéit toujours aux mêmes lois de telle sorte qu’une moyenne s’établit. La granu- lométrie de la couche superficielle des sédiments représentative des dernières crues, peut donc être utilisée pour rendre compte de la granulométrie d’ensemble.

Sédiments grossiers

Les sédiments les plus grossiers sont associés au lit mineur. Ceci est vrai même si les sédiments déposés par une forte crue sont recouverts par des sédiments moins grossiers déposés dans des condi- tions plus calmes.

La granulométrie des sédiments du lit mineur est liée aux conditions locales de l’écoulement beaucoup plus qu’à la position sur le profil longitudinal du cours d’eau. La médiane attaint couram- ment 500 /.&n, 1000 dans un site de forte énergie tel qu’un méandre. Des rides de galets et de gra- viers sont localisées dans les resserrements du lit majeur, par exemple à l’entrée du défilé à l’amont du delta ou, à l’aval, à l’entrée de la patte d’oie deltaïque. Cette disposition est en accord avec la répartition des gradients hydrauliques mis en évidence par l’espacement des équipotentielles (Fig. 35). Les zones où se trouvent ces rides de sédiments très grossiers sont caractérisées par un resserrement remarquable des équipotentielles de la crue de janvier 1968. A l’aval du delta, les effets de l’érosion marine s’ajoutent aux effets des crues pour assurer un vannage des fines et ne laisser que des sables.

Page 154: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

150 Frbdéric BA L TZE R

0 500m I I

DIAMETRE DE LA MEDIANE

FIG. 60 : DIAMETRE MEDIAN SUR LE DELTA DE LA DUMBEA COURBES D’EGALES MÉDIANES

Page 155: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Approche granulométrique de la dynamique sédimentaire 151

Sables fins et limons

Les sables fins (20 à 200 prn) et les limons (2 à 20 prn) occupent une part importante de la surface du delta, en liaison avec les levées et les dépressions latérales. Les sables fins, accompagnés d’une proportion variable de limons, sont le constituant principal des levées naturelles du fleuve. C’est dire que l’essentiel du terrain à végétation de savane en est formé. Les limons deviennent pro- gressivement prédominants dans la zone des marais sursalés. Sur la rive droite du bief est -ouest, au nord de l’îlot, la levée sédimentaire est attaquée par un méandre à petit rayon de courbure. Pen- dant les crues, une part importante de l’eau qui s’écoule sur la dépression latérale de rive droite pas- se par cette ((crevasse)). La répartition des médianes rend compte de cet écoulement par une avancée des sédiments à médiane de sable fin et de limon au milieu des sédiments argileux des mangroves et des marais sursalés.

Les argiles

Les sédiments dont la grosseur médiane est celle des argiles (diamètre de Stokes inférieur à 2 prn) sont répartis à la périphérie des marais, dans les dépressions latérales. La large zone de man- grove qui entoure la Baie Hoff est caractérisée par de tels sédiments, sauf dans le chenal secondaire de crue passant par la «crevasse» citée plus haut. La sédimentation fine se produit manifestement dans les zones à faible courant et il n’y a pas de lien net entre le chemin parcouru vers l’aval et la finesse du sédiment. Le facteur essentiel à cet égard est la largeur du lit majeur qui détermine la vitesse locale du courant pendant les crues. Les argiles sont éliminées des zones à écoulement rapide associées aux parties rétrécies du lit majeur.

CONDITIONS D ‘EizERGIE ENREGISTREES PAR LES SEDIMENTS DU DELTA

L’indice Nt est une mesure de la variation d’énergie du milieu de transport et de dépôt (Ver- nhet et Rivière, 1976). La carte de répartition de Nt en courbes isogrades (Fig. 61) donne les mê- mes informations que la répartition des médianes avec en plus l’intervention des variations d’énergie sur l’axe amont aval du cours d’eau que la médiane fait très mal apparaître. Les sédiments étudiés ont été recueillis à la surface et sont pour la plupart liés à la dernière crue cyclonique, ce qui per- met de mettre en évidence l’influence de celles-ci. L’indice d’évolution Nt a été calculé à partir des paramètres granulométriques 2 et G suivant la méthode générale de Rivière et Vernhet (1976). Alors que la médiane permet seulement de mettre en évidence l’influence de l’éloignement par rap- port au chenal, l’indice N, montre non seulement l’influence de cet axe transversal, mais encore I’é- volution sur l’axe longitudinal du chenal. La rive gauche du delta est très démonstrative à cet égard. Sur la plaine Adam, les courbes d’égales médianes sont grosso-modo parallèles aux rives du chenal. Par contre, les isogrades de N,, obliques par rapport à celles-ci, montrent que la répartition des con- ditions d’énergie est commandée à la fois par la distance au chenal et par la localisation sur son axe. De ce fait, les isogrades montrent, comme les hydroisohypses et la carte des directions de cou- rants, non seulement la localisation mais le sens d’écoulement du chenal. Les zones de calme ressor- tent également avec une grande netteté.

LES RÉGIONS DE TRANSPORT SUR LE DELTA

Les faciès de transport sont associés au chenal principal et aux chenaux secondaires de débor- dement ou de drainage des dépressions latérales. L’indice N, présente systématiquement ses valeurs

Page 156: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

152 Frédéric BAL TZER

les plus fortes (faciès parabolique) au voisinage du chenal principal, donc à l’endroit où les courants sont les plus rapides en toutes circonstances. Sur la dépression latérale de rive droite, les isogrades représentatives de fortes valeurs de N, dessinent une langue dans le prolongement du bras de la Dumbéa contournant l’îlot du bief est-ouest par le Nord, après franchissement de la wrevassel). Cette langue suit la direction des courants les plus forts relevés sur la dépression latérale de rive droite (Fig. 34). Cette partie de la dépression latérale de rive droite se comporte comme un chenal secondaire distributeur en période de crue. L’indice N, le montre de façon plus caractéristique que ne le fait la médiane.

Les plus fortes valeurs de N, du delta ont été trouvées pour des sédiments de l’aval, à la hau- teur de l’étranglement structural qui resserre l’ouverture sur le lagon. La carte des courants (Fig. 34) montre que dans cette région, la masse d’eau en crue était déportée de la rive gauche vers la rive droite sous l’influence du chaînon rocheux situé au sud. Ainsi rejetée vers la dépression latérale de rive droite, cette eau ne pouvait quitter la ria que par le goulet de la Baie Hoff en contribuant à le maintenir largement ouvert. Cette région d’accélération des courants de crue coïncide avec un resser- rement des hydroisohypses (Fig. 35) qui confirme la grande quantité d’énergie gravifique dépensée par la rivière pour franchir cet étranglement. C’est bien sur cette zone de forte dépense d’énergie que nous trouvons les sédiments affectés des plus forts indices N,. Les valeurs s’étagent de 0,400 à 1,00 et caractérisent donc des faciès fortement paraboliques. La zone concernée par les valeurs les plus fortes est sujette non seulement à l’accélération des courants liés aux crues fluviatiles, mais aussi aux courants de marées, ce qui contribue sans doute à élever les valeurs.

L’indice N, des sédiments du bief nord -sud qui suit le défilé à l’amont du delta est faible- ment positif. L’espacement large et régulier des hydroisohypses et la direction parallèle au chenal des lignes de courant suggèrent que le courant était rapide mais régulier dans cette région. Par comparai- son avec la zone précédente, on voit que l’indice N, réagit plus aux modifications des conditions d’énergie du milieu transporteur qu’aux conditions elles-mêmes, ce qui est conforme à son interpré- tation théorique (Rivière, Comm. pers.).

ZONES CALMES DE DÉCANTATION ET TRANSPORT EN SUSPERISION GRADUÉE

L’indice N, fait apparaître des zones calmes parfaitement délimitées par les isogrades et défi- nies par les abris constitués soit par le cadre structural, soit par les dépôts sédimentaires déjà en pla- ce, soit par la végétation sous ses diverses formes. Les régions du delta de la Dumbéa caractérisées par des faciès de décantation sont situées au débouché du défilé nord-sud, dans la zone d’évasement du cadre structural du delta. Les cartes de répartition des courants de crue et de répartition des hy- droisohypses montrent l’une et l’autre qu’il s’agit de zones de forte diminution de l’énergie mise en jeu pendant la crue. Sur la rive gauche, la diminution se manifeste par l’ouverture en éventail des directions de courant et par le fort écartement des hydroisohypses. Sur la rive droite, elle se mani- feste par une zone de courant nul.

Toujours sur la rive droite, la zone des mangroves influence la forme des isogrades de N,. Les courbes dessinent un îlot au centre duquel l’indice N, signale des sédiments déposés dans des condi- tions beaucoup plus calmes que celles du milieu environnant. On notera que le faciès de décantation est atteint dans les zones les plus calmes, où le courant était à peu près nul. Dans la mangrove, où le courant était très fortement ralenti, mais pas annulé, l’évolution s’arrête au stade du faciès loga- rithmique, c’est-à-dire du transport en suspension graduée.

Page 157: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Approche granulométrique de la dynamique sédimentaire 153

FIG. 61 : L’INDICE TOTAL NT SUR LE DELTA DE LA DUMBÉA, REPR&ENTATION EN ISOGRADES DE N

Page 158: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

154 Frédéric BAL TZER

RAPPORTS ENTRE LE DEGRÉ D’ÉNERGIE ENREGISTRÉ PAR LES SÉDIMENTS ET LES FACTEURS LOCAUX DE LA SEDIMENTATION

Dans l’ensemble, la sédimentation sur le delta obéit aux règles de l’évolution fluviatile. Mais cette évolution est modifiée par certains facteurs locaux qui changent significativement la composi- tion de certains dépôts. Parmi ces facteurs, les influences du cadre structural, de la végétation, des marées et des vagues se font sentir, chacun à sa place, souvent de façon combinée.

La conformité d’ensemble des sédiments actuels et subactuels du delta aux dispositions de I’é- volution fluviatile est attestée par la corrélation linéaire entre les indices N, et les moyennes. Sur l’exemple du transect III (Fig. 62), on peut vérifier que tous les sédiments présentent une corréla- tion linéaire entre N, et x rendue par une droite de régression très voisine de celle qui a été publiée par Rivière et Vernhet (1976), à l’exception de trois points qui s’en écartent de plus de 0;15 N alors que les autres ne s’en écartent pas de plus de 0,l N. Les points conformes à la droite de ré- gression indiquent une évolution des sédiments dominée par le déplacement dans un courant d’éner- gie juste suffisante pour le transport, de longue durée et sensiblement régulier. Les sédiments les plus grossiers (x = 3,5 et plus, exprimé en Ig du diamètre en cpm) obéissent à la corrélation dont j’ai montré l’existence pour les sédiments fluviatiles sableux (cf. p. 147). Ces observations sont en accord avec les conditions de crue que nous avons pu examiner dans l’actuel.

Au contraire, les points qui s’écartent de la droite de régression de plus de 0,15 N traduisent des conditions légèrement différentes. Ils correspondent au sédiment de la partie basse des forages les plus proches de la Baie Hoff, une boue à débris coquilliers, de couleur gris olive, rappelant certaines vases du lagon. L’indice Nt est trop fort, compte tenu de la moyenne x, pour que ces sédiments obéissent à la corrélation prévue par la droite de régression de Rivière et Vernhet et à ses intervalles de confiance Wernhet et Rivière, 1976). Nous avons ici l’indice d’un effet des vagues, car les valeurs de Nt trop fortes pour la corrélation linéaire sont dues au phénomène de maturation qui se produit en particulier sur les plages.

A l’exception de la maturation sous l’effet des vagues, les facteurs locaux capables d’influencer la répartition des indices n’empêchent pas la corrélation entre les indices et la moyenne de respecter la droite de régression de Rivière et Vernhet. Ainsi, le cadre structural, en imposant une certaine morphologie au delta, permet à l’evolution de s’exprimer par une certaine répartition d’ensemble des zones de courant et des zones de calme que la carte des indices N, met en évidence. II ne modifie pas l’évolution elle-même. A cette échelle, seules les modifications de paramètres fondamentaux com- me le niveau marin relatif ou le débit fluviatile, lui-même influencé par l’évolution du climat et du réseau de drainage, peuvent donner des orientations nouvelles à la construction du delta. En I’absen- ce de modification importante de ces paramètres, la structure deltaïque se développe, chaque crue répétant la répartition de sédiments laissée par la crue précédente. Dans ce contexte, des modifica- tions mineures par rupture de levée peuvent intervenir, mais on peut dire qu’elles font *partie du pro- cessus normal de construction deltaique.

Les variations de l’indice N, ainsi que les variations de la moyenne et de la médiane exprimées en logarithmes, mettent en évidence les grands traits de la répartition des énergies sur le delta. La levée est formée de sédiments dont les paramètres expriment une énergie forte. La région centrale du marais est une zone où l’énergie est minimale, quel que soit le paramètre choisi pour la caractériser. Seul l’indice N, rend bien compte de la répartition des énergies faibles aux limites de la dépression latérale, en conformité avec les faits hydrodynamiques rapportés précédemment. Parmi les autres pa- ramètres utilisés en granulométrie, il est remarquable que l’indice d’hétérométrie de Cailleux aboutis- se à une courbe très voisine des indices Nt, mais inversée.

La répartition des indices d’énergie N, de Rivière pour les divers sédiments du transect III re- présente bien la disposition d’ensemble des conditions d’énergie et permet ainsi de mettre en éviden-

Page 159: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

!3 l

3 4 I,,,,I,,,,I,,,>I,,X

HOff

0 4OOm , I

FIG. 62 :COUPE SOUS LE TRANSECT III - REPARTITION DES INDICES D’ENERGIE EN ISOGRADES DE N CORRÉLATION ENTRE N ETXPOUR LESSÉDIMENTS DU TRANSECT III

2,o

115 2

1,Om

s

Page 160: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

156 Frédéric BAL TZER

ce les effets respectifs des crues, des marées et de la végétation. Les valeurs de l’indice N, se répar- tissent réguliérement entre le chenal de la Dumbéa et la Baie Hoff (Fig. 62). Du chenal vers le cen- tre des marais, l’indice, qui est fort sur la levée (Nt = 0,700), diminue rapidement sur le marais sur- salé, s’abaisse encore dans la mangrove interne à Avicennia et atteint son minimum dans la mangrove pénéinterne à Rhizophora (N = - 0,017). De la Baie Hoff vers l’intérieur du marais, l’indice N, qui est relativement fort en bordure de baie (Nt = 0,105) atteint progressivement la valeur minimale de - 0,017 qui correspond au degré d’énergie dans la mangrove pénéinterne à Rhizophora.

L’influence des crues se manifeste par les fortes énergies traduites par de fortes valeurs de Nt sur les bordures du chenal principal où les sédiments ne peuvent atteindre le sommet des levées que si l’eau atteint un niveau exceptionnel. L’influence des marées se traduit par les conditions d’é- nergie plus forte sur le lit et sur les bords des chenaux qui drainent les marais maritimes vers les dépressions latérales, particulièrement les chenaux des mangroves. Elle se fait sentir sur les bords de la Baie Hoff.

L’influence de la végétation , très marquée, apparaît comme le contretype des influences précédentes. La végétation, lorsqu’elle est abondante, étouffe l’énergie des vagues et des courants et favorise la sédimentation des particules, principalement au voisinage des zones à forte agitation, donc à la périphérie des zones colonisées. C’est pour cette raison que seules les particules les plus fines atteignent la partie centrale des marais de mangrove. On en observe les conséquences à la fois sur la répartition granulométrique, sur la morphologie des marais et sur la croissance des végétaux. La diminution de la médiane et des indices N,, de l’extérieur vers l’intérieur des marais de mangrove suit la diminution de l’agitation et la décantation progressive des particules en suspension dans le liquide transporteur. Le fait de trouver les particules les plus fines et le milieu de plus faible énergie au centre de la mangrove confirme que les sédiments pénètrent dans le marais par ses deux façades. Les replats morphologiques des marais, mis en évidence par deux maximums de fréquence sur la courbe hypsométrique, se situent de part et d’autre de la zone où les sédiments ont les indices N, les plus faibles. Ces replats s’expliquent par les accumulations de sédiments dans la forêt de mangro- ve en deçà de ses façades externe et interne. Les sédiments pénétrant par la façade externe partici- pent à la construction du gradin à 1,33 m et sont retenus par la végétation mixte à Brugzdera et Rhizophora. Ils sont principalement d’origine estuarienne. Les sédiments du gradin à 1,60 m pénè- trent par la face interne du marais et sont retenus par la végétation à Avicenniu. Leur origine est fluviatile.

Les sédiments de mangrove ayant le faciès le plus évolué, proche de la décantation, se dépo- sent dans la zone pénéinterne à Rhizophora. Ces conditions d’énergie minimale montrent que cette zone est la plus éloignée des apports sédimentaires nouveaux. Le processus d’alimentation des marais en sédiments est ainsi confirmé par un faisceau convergent d’arguments écologiques et morphologi- ques. L’argument écologique vient du fait que les palétuviers de cette région sont grêles et peu déve- loppés parce qu’ils sont trop à l’écart des apports en éléments nutritifs nouveaux, ce qui revient à dire qu’ils sont à l’écart des apports en sédiments nouveaux. Nous venons de rappeler l’argument morphologique des gradins sédimentaires qui va dans le même sens.

Un second argument morphologique est donné par l’absence totale de réseau de drainage dans cette zone (cf. cartes 12 et II). Cet endroit est le plus écarté des apports fluviatiles aussi bien que des apports par les chenaux de marée. On voit que l’indice N, rend parfaitement compte des condi- tions d’énergie résultant de la présence de la végétation et des conditions hydrodynamiques qu’elle impose.

Page 161: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Approche granulométrique de la dynamique sédimentaire 157

L’influence de la profondeur est sensible dans la granulométrie des sédiments du lagon. Les sédiments recueillis à la benne par 5 m de fond devant l’embouchure de la Dumbéa, malgré un mélange des couches superficielles dû au mode de prélèvement, ont une distribution à faciès total logarithmique. Sur le delta, ce faciès ne s’observe que dans les zones très calmes, abritées soit par le cadre structural, soit par la végétation, Ces sédiments logarithmiques du lagon respectent la corréla- tion entre la moyenne et l’indice N, prévue par Rivière et Vernhet (1976). Ils ont donc évolué nor- malement sous l’influence des courants, sans intervention d’un triage par la houle et sans interven- tion de la floculation sur la répartition des particules. On voit qu’une profondeur modérée sous le niveau des plus basses mers a un effet sur le degré d’énergie enregistré par le sédiment comparable à l’effet de la mangrove et des épais marais dulçaquicoles de la surface du delta. Les zones à faible profondeur correspondant à l’extension du prodelta sur la baie de la Dumbéa présentent des sédi- ments légèrement plus grossiers et caractérisés par un faciès parabolique d’indice N, = 0,18 peu éloi- gné du faciès logarithmique. L’évolution est conforme à la corrélation entre moyenne et indice N,

VARIATION DES CONDITIONS D’ENERGIE A U COURS DE L ‘HOLOCENE

Les oscillations du niveau marin relatif que nous avons mises en évidence dans la progression de la transgression holocène n’ont pas manqué d’influencer les conditions d’énergie au cours de cette période. Les variations de l’indice N, en fonction du temps pendant le remplissage de la basse vallée de la Dumbéa donnent un schéma cohérent des variations des conditions d’énergie pendant la même période. Ces variations se recoupent bien avec les variations de profondeur imposées par les oscilla- tions du niveau marin montrées par ailleurs. La répartition des indices d’énergie N, sur une coupe transversale du delta met en évidence le fait que l’énergie a été toujours forte à très forte pendant la construction du delta. Les granofaciès sont toujours au moins paraboliques (0 <Nt < 1) et sont souvent ultraparaboliques dans la partie centrale du remplissage holocène. Ces faciès de très forte énergie correspondent aux diverses positions du chenal principal de la Dumbéa qui a oscillé autour de la position médiane qu’il occupe aujourd’hui.

LA VARIATION DES CONDITIONS D’ÉNERGIE au cours de la transgression holocène décrit une oscillation complète. En effet, après les conditions de forte énergie précédant le début de la trans- gression, l’énergie a diminué avec l’arrivée de celle-ci jusqu’à un minimum, après quoi elle s’est consi- dérablement élevée pour diminuer à nouveau vers son niveau actuel. Cette oscillation des conditions d’énergie au cours du temps est générale et se superpose aux conditions d’énergie imposées par les paléogéographies successives. Les chenaux, tant qu’ils ont existé, sont restés les zones de plus forte énergie, mais les chenaux et les marais associés ont vu ensemble les conditions d’énergie varier et leurs sédiments ont enregistré ces variations. Suivant la région du delta, le même maximum d’énergie de l’oscillation peut être manifesté par la présence de limons au milieu des argiles ou par la présence de graviers au milieu des sables.

Examinons les variations dans la partie centrale de la coupe (Fig. 63). Avant la transgression holocène, le milieu fluviatile qui prévalait au fond de la vallée, sur les formations pléistocènes en cours d’érosion, se traduit par des conditions de forte énergie : faciès parabolique accusé, N, = 0,760. De là, à mesure que le remplissage progressait, l’énergie a diminué jusque vers N, = 0,100, ce qui est de l’ordre de grandeur des indices actuels vers 5 m sous le niveau des plus basses mers dans le lagon. Puis l’indice d’énergie a fortement augmenté, atteignant des faciès paraboliques accusés (Nt proche de 1) et localement, au centre de la zone deltaïque, des faciès ultraparaboliques (Nt > 1). Ces valeurs très élevées de l’indice d’énergie rejoignent des valeurs observées dans le lit mineur. La

Page 162: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

158 Frédéric BAL TZER

période actuelle correspond à un retour vers des conditions plus calmes. Cette observation, évidente pour les zones où les sédiments des marais maritimes ont recouvert les dépôts de chenaux fluvio- marins, reste vraie pour les chenaux eux-mêmes où les indices actuels sont moins forts que les indi- ces du passé récent.

L’oscillation complète de l’indice d’énergie au cours de la transgression holocène est ainsi bien établie : forte énergie au départ, diminution ensuite, suivie d’une augmentation dépassant les valeurs de départ et enfin nouvelle diminution jusqu’au stade actuel. L’ensemble de la coupe (Fig. 63) mon- tre que cette évolution est valable pour tout forage suffisamment profond, quelle que soit sa posi- tion sur le delta.

L’INTERPRÉTATION DE CES VARIATIONS DES CONDITIONS D’ÉNERGIE pendant la trans- gression holocène conduit à envisager deux phases successives. Dans la première, la transgressivité est exprimée par les conditions d’énergie décroissante. La seconde phase voit se construire le delta actu- el, c’est-à-dire une structure régressive dans laquelle on retrouve, aux différences d’échelle près, I’es- sentie1 des étapes de la construction d’un lobe deltaïque décrites par Scruton (1960) sur l’exemple du Mississipi.

Dans la première phase, la transgression holocène envahit la vallée inférieure du fleuve qui s’ennoie progressivement. La sédimentation progressant moins vite que la montée du niveau marin, la vallée ennoyée devient de plus en plus profonde pendant la période où la montée des eaux est rapide. Le degré d’énergie mis en évidence par l’indice Nt diminue à mesure que la profondeur aug- mente.

Dans la phase suivante, la montée du niveau marin se ralentit et bientôt l’île commence à se soulever par saccades selon une fréquence qui augmente pour diminuer ensuite, ce qui aboutit à une baisse de plusieurs mètres du niveau marin relatif. Les glissements de terrain consécutifs aux secous- ses font descendre dans les vallées d’importantes masses colluviales qui accroissent la charge facile- ment transportable par les cours d’eaux. L’augmentation de la charge en matériel meuble au fond des vallées et l’abaissement du niveau marin relatif favorise la mise en place des deltas sur la côte ouest. L’époque présente se caractérise par une montée ralentie du niveau marin relatif et par une continuation, ralentie elle aussi, de la construction deltaïque. Dans la phase de montée ralentie du niveau marin, la montée du plah d’eau a été rattrapée puis dépassée par la montée de la couche sédimentaire au fond de la vallée ennoyée. C’est à ce stade que les conditions d’énergie enregistrées par les sédiments ont commencé à augmenter progressivement sous l’influence de la réduction de profondeur. En premier lieu, la diminution de profondeur a réduit la section disponible pour le pas- sage des crues et des marées si bien que la vitesse et la dépense d’énergie des eaux ont été plus for- tes pour maintenir un débit égal. Le remplissage de \a vallée ennoyée s’est fait alors sous l’influence de courants capables de mobiliser les sables et plus seulement sous forme de pluie de particules fines en position de prodelta. En second lieu, l’agitation du clapet et des vagues, jamais très forte mais toujours possible sur cette baie ouverte à l’ouest, a pu remettre en suspension les sédiments exposés, ce qui est un nouveau facteur d’augmentation de l’énergie par maturation. Cependant, ce facteur ne peut avoir eu qu’une influence limitée car jamais les points représentatifs des sédiments à forte éner- gie de cet environnement n’apparaissent comme littoraux sur le diagramme de N, en fonction de 2. Ces sédiments apparaissent comme des apports de crues fluviales sur ce diagramme et cette interpré- tation est confirmée par l’indice ns de la fraction limoneuse qui rend compte d’une évolution plus poussée lorsque la médiane est plus grossière (Baltzer, 1971, et cf. p. 126). Ceci nous fait admettre une troisième interprétation pour les zones de plus forte énergie : un transport par crues fluviatiles.

Cette interprétation s’accorde très bien avec l’hypothèse d’un soulèvement saccadé de l’île, ac- compagné de séismes, qui nous a permis de rendre compte de l’histoire des lignes de rivage. Les nombreux glissements de terrain dus aux séismes (Wellman, 1962) ont fourni aux cours d’eau un

Page 163: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Approche granulom

étrique de la dynam

ique sédim

entaire

159

PRO

FON

DEU

R

Page 164: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

160 Frédéric BA L TZE R

surcroît énorme de matériel à transporter, dont il reste des exemples dans la haute vallée du ruisseau de Casse-Cou. L’abaissement du niveau relatif s’est traduit par une augmentation substantielle de I’é- nergie potentielle des cours d’eaux, dépensée aux embouchures par le ravinement des formations ma- rines précédemment déposées. Ainsi s’explique au mieux le caractère très fortement énergétique et la grande extension de la nappe de sables et de galets qui s’étend peu au-dessous de la surface actuelle des sédiments du delta de la Dumbéa et dont la présence a été remarquée sous d’autres cours d’eaux de Nouvelle Calédonie.

La période actuelle, caractérisée par une montée lente du niveau marin associée à une exten- sion modérément rapide du domaine deltaïque, voit se produire une diminution généralisée du degré d’énergie.

CONCL USIONS

Par l’étude granulométrique, nous avons pu retrouver l’information sur les conditions d’énergie qui régnaient dans le milieu et qui ont été enregistrées par les sédiments au moment de leur dépôt. Dans I’Actuel, nous avons pu comparer cette information à l’indication objective des conditions d’é- nergie fournie par les hydroisohypses d’une forte crue. II apparaît que les agents principaux de répar- tition des conditions d’énergie sont le cadre structural, les structures sédimentaires à grande échelle (levées, etc.) et la végétation. Les forêts, particulièrement les forêts marécageuses d’eau douce et les mangroves assurent un filtrage efficace de la fraction transportée en suspension homogène par les eaux. La savane retient les limons et les sables sur les levées. Les sédiments actuels du lagon sont caractéristiques d’un milieu de faible énergie dès que la profondeur atteint quelques mètres sous le niveau des plus basses mers, sauf au voisinage des passes.

Les sédiments déposés dans la vallée inférieure de la Dumbéa pendant la transgression holocène ont enregistré des conditions d’énergie qui s’accordent très bien avec I’historique des variations du ni- veau marin relatif donné par la radiochronologie des paléosols de mangroves.

Page 165: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

161

Chapitre VII

Les facteurs de la diagenèse

L’écosystème de la mangrove assure le piégeage de nombreux éléments dissous qui sont incor- porés au sédiment. Ainsi, la silice est incorporée aussi bien dans certains tissus des palétuviers (Op- penheimer, Comm. pers., 1974) que dans les frustules des Diatomées. L’accumulation de matière or- ganique dans le sol et l’activité bactérienne, notamment sulfata-réductrice, ont pour conséquence une évolution diagénétique rapide du sédiment. En certains points du sol de la mangrove se dissolvent les minéraux ferrugineux hérités du bassin versant latéritique, les frustules des Diatomées, certains si- licates comme l’antigorite et les carbonates. En d’autres points, on observe la croissance de cristaux de quartz, la néogenèse de pyrite et de silicates secondaires. Au contact des sols de mangrove et des marais hypersalins prennent place également des croissances cristallines de quartz, de gœthite ou de nontronite.

L’évolution diagénétique, contrôlée par les conditions de pH, l’état d’oxydo-réduction et la concentration de la nappe d’eau interstitielle, est accélérée par la circulation de celle-ci sous I’influ- ence des marées et des phénomènes d’évaporation. C’est pourquoi, avant d’étudier les phénomènes diagénétiques eux-mêmes, nous en étudierons les principaux facteurs en portant notre attention sur la nappe des eaux interstitielles des marais, ses directions d’écoulement, son alimentation et ses pro- priétés électrochimiques et chimiques.

Pli?TROGRAPHIE DES Sl3DIMENTS ET SOLS D’ORIGINE

Les éléments susceptibles de subir la diagénèse sont les sols et les sédiments de I’environne- ment immédiat du delta et surtout les sédiments apportés actuellement par le cours d’eau. Ces sols

Page 166: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

162 Frédéric BAL TZER

et sédiments sont formés d’argiles préholocènes de deux types. Les unes sont des alluvions fluviatiles et des sédiments fluvio-marins anciens ayant déjà subi une transformation diagénétique profonde mais dans lesquels on reconnaît une origine essentiellement péridotitique. On les trouve surtout dans les soubassements du delta et de la plaine alluviale. Les autres sont des sols et des sédiments immé- diatement dérivés des roches des bassins versants secondaires. Les sédiments actuels de la Dumbéa, galets, sables et limons ferrugineux, constituent la majeure partie du matériel soumis Zr la diagénèse actuelle. Comme nous l’avons vu, ils se répartissent en ordre granulométrique décroissant du chenal principal vers les dépressions latérales et ceci aussi bien sur la plaine alluviale que sur le delta.

LES ARGILES PLASTIQUES PRlz?HOLOCENES D’ORIGINE Pl?RIDOTITIQUE

Ces argiles forment le soubassement du délta actuel. Par diagénèse, elles ont pris l’aspect géné- ral d’argiles vertes ou fauves mais l’étude sédimentologique montre clairement que leur dépôt s’est fait dans des conditions variées comparables à celles du delta et du milieu fluvio-marin actuel. Tradi- tionnellement appelés ((argiles vertes», ces sédiments sont devenus des limons dans lesquels on retrou- ve les fantômes de grains de sable et de petits galets entièrement altérés. Cette formation est couver- te par le sol à palétuviers qui marque la transgression holocène. Très proche de la surface du sol dans les zones périphériques du delta, son toit est à 17,5 m dans la région centrale. La composition sédimentologique et chimique confirme qu’il s’agit de sédiments d’origine péridotitique déposés dans un environnement fluvio-marin alors que la composition minéralogique, très différente de celle des apports actuels, impose l’idée de transformations diagénétiques accentuées.

Les caractères sédimentologiques variés rendent bien compte d’un milieu fluvio-marin. L’influ- ence marine est prouvée par des restes de végétaux de mangrove et par des coquilles très altérées de Cérithidés. La juxtaposition de conditions d’oxydo-réduction très différentes, constante en milieu fluvio-marin, est apparente ici par les variations de coloration du jaune fauve de la surface au bleu vert de la profondeur, surtout au contact des débris végétaux. La granulométrie montre la grande variété de ces sédiments dont les médianes s’étagent de 8 à 200 prn et qui sont formés de particules allant des plus fines aux sables et aux petits galets. Cette disposition est en accord avec le schéma fluvio-marin d’un chenal entouré de dépressions latérales.

La composition chimique montre que ces sédiments sont formés de matériel terrigène issu de l’érosion des produits d’altération des péridotites. La richesse en fer (22 à 30 % de Fe203), en ma- gnésium (4 à 7 %), en nickel (0,4 à 1,2 %) et en chrome (0,3 à 1,ô %) ne laisse aucun doute à cet égard, de même que la pauvreté en alumine (7 à 11 %) et surtout en calcium (0,2 à 0,6 % de CaO). La richesse en silice (45 à 62 % de SiO dans la fraction fine, 56 à 63 % dans la fraction grossière) s’explique en partie par une augmentation de la teneur en quartz et surtout par une transformation plus ou moins complète de la gœthite du sédiment originel en nontronite. II s’agit donc d’une trans- formation diagénétique par prélèvement de la silice des eaux interstitielles.

La composition minéralogique, connue par diffraction X (Fig. 64 et 65) montre la prédominan- ce d’une smectite, la nontronite, quelle que soit la fraction granulométrique (y compris les galets al- térés). A côté de cette nontronite, on retrouve certains minéraux des péridotites et de leurs altéra- tions : quartz, gœthite, antigorite et talc. L’Enstatite a bien régressé et I’Olivine a disparu. On ne re- trouve de ces minéraux que des fantômes soulignés par des restes de gœthite le long des anciens cli- vages et limites cristallines.

La smectite se reconnaît à son écart interfoliaire de 14,8 A sur agrégat brut passant à 17,5 A par gonflement au glycérol et revenant à 10 A par cuisson à 530” pendant une heure (en fait 9,5 A lorsque la raie de la smectite cuite se confond avec la raie du talc). L’analyse thermique différentielle

Page 167: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Les facteurs de diagenèse 163

suggère qu’il s’agit de nontronite par la petitesse de la réaction endothermique vers 500” et la peti- tesse de la réaction exothermique à 900” ; simple bombement de la courbe. Par contre, le départ de l’eau interfoliaire produit une importante réaction endothermique vers 1403

Le talc se manifeste par la raie 001 à 9,5 A sur les diagrammes d’agrégats orientés et par les raies à 4,57 - 3,lO - 2,60 et 2,48 Asur les dia- grammes de poudres. La présence simultanée d’an- tigorite et de traces de kaolinite apparaît par la raie 001 de ces minéraux, centrée sur 7,18 A et présentant un replat à 7,33 A sur les diagrammes d’agrégats orientés. Après cuisson, la destruction de la kaolinite fait disparaître la pointe à 7,18 A

Le quartz et la gœthite sont décelés sur les diagrammes de poudre et d’analyse thermique dif- férentielle. La gœthite n’est présente que dans les sédiments supérieurs, de teinte fauve.

Le quartz est plus abondant, la smectite est à la fois plus abondante et mieux cristallisée dans les sédiments en contact avec un ancien sol de mangrove. Nous retrouverons l’influence de ces sols de mangrove dans la diagénèse actuelle.

6! FIGURE 64 ET 65

Dlffractogrammes d’argiles Pré Holocène (ech. BCEOM 2 - G7)

64. Diagrammes de poudre sur : 1 -fraction pélitique, 2 - galet altére broyé ; 3 - fraction sableuse

65. Diagrammes d’agrégats orientés brut, glycerole, chauffe

Page 168: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

164 Frédéric BAL TZER

LES ARGILES PLASTIQUES PREHOLOCENES DES BASSINS VERSANTS SECONDAIRES

Les argiles plastiques préholocènes des bassins versants des affluents secondaires qui atteignent la Dumbéa au niveau de la plaine alluviale s’étendent sur la série volcanique et sédimentaire du Cré- tacé et de I’Éocène : grès fins, pélites, rhyolites et tufs rhyolitiques du Sénonien et basalte de la fin de I’Éocène.

Les caractéristiques granulométriques, minéralogiques et géochimiques de ces argiles plastiques montrent qu’il s’agit principalement de sols et de sédiments d’origine locale. Suivant les endroits, ces argiles sont blanches, souvent tachetées de rouille et de rouge, ou bien grises.

La partie inférieure des argiles correspond généralement a des sols et la partie supérieure à des faciès sédimentaires que la granulométrie permet de séparer en faciès de transport et faciès de décan- tation en milieu calme. Dans le cas du faciès de décantation, de nombreux et fins débris végétaux montrent l’existence de marais préholocènes. Le très mauvais classement de ces sédiments (indice de Trask, SO étagé de 6,l à 26) suggère qu’ils n’ont pas subi un long transport.

La minéralogie des sédiments et sols confirme que le transport a été très limité. En effet, la composition minéralogique des argiles dépend étroitement de la composition du substrat ancien. La richesse en quartz, la présence d’illite, de kaolinite et de montmorillonite, ainsi que de traces d’ana- tase et de plagioclases rendent compte d’un contexte géochimique très différent de celui des pérido- tites.

La composition chimique confirme la provenance locale de l’essentiel du matériel, mais suggère un certain mélange avec des particules venant du domaine des péridotites. La teneur en silice, supé- rieure à 60 % dans la fraction argileuse pure, les teneurs en K20 (2 %) et Ti02 (1 %) contrastent avec celles des sédiments issus des péridotites, même transformés par diagénèse. La teneur en fer, de 7 à 22 % (gœthite), est intermédiaire entre ce que peut donner le substrat et ce que peuvent don- ner les péridotites. Ce fait s’explique par l’invasion des basses vallées des affluents secondaires par les crues du bassin versant principal, invasion que j’ai personnellement observée à plusieurs reprises.

Les argiles plastiques des bassins versants secondaires ne peuvent participer significativement à la sédimentation du delta (probablement moins de 5 %). Nous avons vu qu’elles n’ont subi que de très faibles déplacements. La petitesse des bassins versants secondaires, leur faible altitude moyenne et le faible débit spécifique correspondant limitent énormément la puissance de transport et d’éro- sion des cours d’eaux. Les bassins versants sur péridotites sont très différents puisqu’ils couvrent 80 % de la surface du bassin versant total avec un débit spécifique environ cinq fois plus grand et donc un débit moyen annuel 20 fois supérieur.

LES SEDIMENTS ACTUELS DE LA DUMBEA

Les alluvions fluviatiles actuelles de la Dumbéa sont à 95 % originaires des parties péridotiti- ques du bassin versant. Elles se composent de galets, de sables et de limons dont la répartition res- pecte dans l’ensemble l’ordre granulométrique décroissant aussi bien longitudinalement, d’amont en aval, que transversalement, du lit mineur vers les limites de la plaine d’inondation (cf. chap. Ill). Les plus gros galets et blocs sont en majorité formés de péridotites et de roches de leur cortège, à peu près saines. Dans les classes plus fines, les produits d’altération prennent une part de plus en plus prépondérante jusqu’à devenir exclusive dans les sables et les limons. Ce matériel alluvial se mo-

Page 169: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Les facteurs de diagenèse 165

FIG. 66 :SPECTRE PÉTROGRAPHIQUE DES GALETS DE LA DUMBEA (LIT MINEUR, AU NIVEAU DE LA PLAINE ALLUVIALE)

c lomm 10 a 31,5 tru7-L 3bSàSO mm

FIG. 67 :SPECTRE PÉTROGRAPHIQUE PAR CLASSSES DIMENSIONNELLES (MEME PROVENANCE QUE FIG. 66)

Page 170: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Frédéric BAL TZER

difie chimiquement de l’amont 2 l’aval de la plaine alluviale (a granulométrie constante) par enri- chissement en silice. Les transformations diagénétiques les plus importantes se font au niveau du delta, au contact de la matière organique accumulée dans les sols de mangrove.

Les nappes de galets du lit mineur se caractérisent par l’énorme prédominance des ro- ches du bassin versant péridotitique qui entrent pour 93 % dans leur composition au niveau du point 99A (localisé sur le transect 99, côté lit mineur, Fig. 45). Le reste est formé du grès créta- cé immédiatement voisin. Cette prépondérance est remarquablement élevée compte tenu de la fai- ble aptitude des galets à se déplacer (Tricart et Vogt, 1967). Parmi les roches assez saines pour être reconnaissables, j’ai noté 75 % de harzburgite, 2 % de dunite et 3 % de roches feldspathi- ques du cortège des péridotites (gabbros et diorites pegmatitiques). Les autres roches en provenan- ce du bassin péridotitique étaient des faciès d’altération : silice cariée (8 %), serpentine (4 %) et latérite (1 %) (Fig. 66).

Si l’on tient compte de la dimension des galets, on constate que les péridotites et les ro- ches de leur cortège sont à peu près seules dans la classe la plus grossière alors qu’elles régres- sent progressivement dans les classes plus fines, remplacées par leurs produits d’altération (Fig. 67). La harzburgite, dominante dans la classe la plus grossier-e, cède progressivement la place à la silice et à la serpentine dans les classes plus fines.

Les sables et les limons ferrugineux, beaucoup plus transportables que les galets, sont de plus en plus abondants vers l’aval. La corrélation entre le matériel fin et les produits d’altération se confirme dans ces fractions. La fraction sableuse contient essentiellement des minéraux d’altéra- tion comme le quartz et la gœthite auxquels s’ajoutent des minéraux résistants des roches primaires comme I’antigorite et le talc ou fragiles comme I’enstatite et surtout les péridots. Dans la fraction inférieure à 40 microns, le quartz, la gœthite et I’antigorite subsistent, mais il ne reste que des tra- ces d’enstatite, d’olivine et de talc (Fig. 68).

Les principales particules héritées des profils d’altération

Les particules constituant les sables et limons ferrugineux sont rarement des minéraux primai- res des péridotites mais plutôt des particules ferrugineuses correspondant à des stades divers de leur altération. C’est à l’intérieur des particules ferrugineuses que se trouvent surtout les minéraux primai- res mis en évidence par diffraction X : enstatite, olivine, antigorite, spinelle chromifère, etc., résidu- els. Suivant la nature des minéraux inclus, les grains ferrugineux peuvent être globuleux ou au con- traire être anguleux, les minéraux inclus formant les arêtes.

L’enstatite, orthopyroxène des harzburgites est assez abondante dans la fraction sableuse (jusqu’ à 24 %) où, lorsqu’elle est saine, elle se présente en baguettes irrégulières translucides, couleur miel. Son altération produit du talc et un peu de quartz microcristallin, puis la corrosion y ouvre des cavi- tés qui se remplissent d’hydroxyde de fer. Dans la roche mère, il arrive que ce minéral soit transfor- mé en antigorite par pseudomorphose, sous une forme appelée bastite (Trescases, 1973).

L’olivirze, très sensible à I’alfération, est peu abondante dans les sédiments. Le maillage d’anti- gorite associé à I’olivine subsiste beaucoup plus longtemps, emballé dans une gangue ferrugineuse. Dans la roche saine, le maillage d’antigorite qui enserre les noyaux d’olivine forme 40 % de la roche, en moyenne. Au début de l’altération, les noyaux d’olivine se corrodent les premiers et les hydroxy- des de fer qui précipitent colorent le maillage d’antigorite. Par la suite, le péridot disparaît progressi- vement, remplacé par des produits amorphes, hydroxydes de fer et gels divers, puis par de la gœthite. Le maillage d’antigorite est encore intact, mais dans un dernier stade, il peut lui-même être remplacé par les produits ferrugineux.

Page 171: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Les facteurs de diagenèse 167

E a : a 2

A.,

FIG. 68 et 09 : DIFFRACTOGRAMMES DE SABLES LIMONEUX ACTUELS

DES LEVÉES DELTAI’QUES DE LA DUMBEA (ÉCH. BCEOM 2 - A)

68. Diagrammes de poudre sur : 1 Fraction pélitique 2 Fraction sableuse

69. Diagrammes d’agrégats orientés brut, déferrifié, glycérolé et chauffé

Page 172: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

168 Frédéric BA L TZE R

L’untigorife du réseau maillé qui enserre les noyaux d’olivine se dispose en cloisons formées de deux feuillets accollés, de 50 à 200 prn d’épaisseur, dans lesquels les lamelles d’antigorite sont nor- males aux parois. Dans le plan de contact entre feuillets, s’allongent de tout petits cristaux de ma- gnétite (Trescases, 1973).

Les grains fermgineux sont des particules d’hydroxydes de fer résiduels, de grosseur très varia- ble (les exemples photographiés, photos 16 et 17, planche 6, ont un diamètre de 0,2 à 0,4 ,um). Leur forme générale globuleuse (ph: 17, planche 6) peut devenir anguleuse lorsqu’un minéral primai- re prisonnier de la gangue ferrugineuse et plus dur qu’elle vient à affleurer à sa surface (ph. 21, planche 7). Leur surface est écailleuse (ph. 16, planche 6). L’analyse chimique qualitative couplée au M.E.B. indique la présence presque exclusive de fer, avec parfois une imprégnation de silice. Les élé- ments légers des hydroxydes, H et 6, ne sont pas mis en évidence par ce type d’analyse. Des traces de Chrome, de Manganèse, d’aluminium et de Magnésium rendent compte des minéraux prisonniers.

Les très faibles apports sédimentaires de la partie non péridotitique du bassin versant ne chan- gent guère la composition minéralogique, si ce n’est par un peu de Quartz de haute température à inclusions à bulles, hérité du grès Sénonien. Ceci est en accord avec la brièveté du transport des ar- giles plastiques d’origine non péridotitique. Par exemple, au niveau de la plaine alluviale, un méandre de la Dumbéa recoupe à la fois la formation des limons ferrugineux et le sol sur phtanites sous- jacent. Malgré l’extrême abondance du quartz finement divisé dans le sol sur phtanites, la teneur en quartz du limon ferrugineux n’est pas sensiblement augmentée, même au voisinage du contact entre ces formations.

La composition minéralogique change légèrement au niveau du delta où les sables et limons ferrugineux déposés sur les levées et sur les parties hautes des dépressions latérales contiennent une petite proportion de smectite. Ceci n’empêche pas I’antigorite, la gœthite et le quartz d’être toujours dominants. Sans que sa proportion relative soit modifiée sur les diffractogrammes d’agrégats orientés, cette smectite apparaît plus nettement après déferrification par la méthode de Mehra et Jackson (1965). -P 2‘ \ -.*

La composition chimique de la frac- tion fine (inférieure à 40 (um) des sédiments du lit torrentiel, de la plaine alluviale et enfin du delta de la Dumbéa varie beaucoup d’amont en aval. Les sédiments ont une teneur en fer extrê-

‘\ M ‘\.

mement forte à l’amont (73 %) et une teneur fai- ble en silice (10 %). La teneur en silice s’accroît progressivement jusqu’à atteindre 51 % à l’aval, la teneur en fer s’abaissant alors à 26 % (Fig. 70). La richesse en fer des sédiments de l’amont est q

héritée des altérations ferrallitiques des plateaux ‘\

\

péridotitiques surélevés. A la partie supérieure d’un profil sur harzburgite, Trescases (1973) a trouvé la composition suivante : SiO2 : 0,34 % ; Fe203 : 72 % ; Al203 : 5,31 %.

L’enrichissement en silice peut s’expliquer soit par un apport de quartz par les affluents secondaires de la Dumbéa, hypothèse possible d’après la minéralogie, soit encore par transfor-

1

* :‘.* *

0 L-- 64 K17 ! &LgpT-d$ZNdT5

C”as Morrrcuru. PLnlNC ALL”,IALS DELIA LOCIL,.illlQ %Y* LC PaomL

FIG. 70 : Variation de la teneur en Sillce, Alumlne et Oxyde

Ferriaue dans les sables et Ilmons ferrugineux mation diagénétique des sédiments. L’apparition du cours de la CUmbéa

Page 173: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Les facteurs de diagenèse 169

de traces de smectite vers l’aval s’accorde avec cette hypothèse. D’autre part, Trescases (1973) appel- le cryptonontronite des sédiments fins de marais intramontagneux dont la composition chimique est celle d’une nontronite, mais dans lesquels la smectite n’est pas exprimée minéralogiquement. La te- neur de 20 à 25 % de silice attaquable (Fig. 72) dans les sédiments superficiels des levées deltaïques est probablement liée aux hydroxydes de fer sous cette forme de cryptonontronite. Le reste de la si- lice a une origine complexe : silicates des roches ultrabasiques, quartz d’altération de celles-ci et quartz détritique de la partie non péridotitique du bassin versant, caractérisé par ses inclusions flui- des de haute température (Sabouraud-Rosset C., Comm. pers., 1976).

LES S’IBIMENTS DES MANGROVES

Le sol des mangroves présente à la fois une phase minérale et une phase organique dont la mi- se en place n’est pas simultanée. Les plantes de la génération pionnière s’installent lorsque le substrat sédimentaire atteint un niveau convenable. Le sol est déjà relativement riche en matière organique, mais l’insertion de racines par les générations de palétuviers qui se succèdent au même endroit en élève progressivement la teneur. La teneur en matiere organique est maximale près de la surface du sol parce que les palétuviers forment l’essentiel de leur chevelu radicellaire peu au-dessous de la sur- face. La présence des premières générations accélère la sédimentation, ce qui renouvelle les ressources du sol en éléments fertilisants. Par la suite, la sédimentation devient très lente parce que I’accroisse- ment du marais par sa périphérie place en zone interne ce qui était la bordure externe au temps de l’installation pionnière. Les palétuviers utilisent les dernières ressources minérales du sol qui devient une tourbe.

La matière organique des palétuviers est la plus apparente mais n’est pas la seule. II s’y ajoute celle des algues et celle des organismes animaux. Les frustules des Diatomées sont assez abondants pour élever significativement la teneur en silice dans la zone pénéexterne de la mangrove.

La matière minérale ne diffère pas au départ du matériel fin d’origine fluviatile, mais sa trans- formation est rapide comme le montre l’étude des particules individuelles dans cet environnement.

La matière organique

Avant l’installation des palétuviers pionniers sur un substrat maritime ou estuarien (mangrove régressive), la vase est déjà riche d’une vie abondante et contient de la matière organique. Dans la lagune d’Abidjan, on a trouvé 1 à 35 % de C organique par rapport au poids sec (Debyser, 1961), les chiffres les plus élevés correspondant à des sédiments euxiniques riches en débris de végétaux de la mangrove. La mangrove est un milieu ouvert dont la productivité organique est disséminée au loin avec les débris flottés ainsi qu’avec le plankton et le nekton. Par cette dissémination, la mangrove in- fluence la teneur en matière organique des estrans et des fonds marins non colonisés par elle. Le rH des sédiments superficiels de la Baie de Moindou est de l’ordre de 29 dans la partie centrale de la Baie et s’abaisse progressivement à 20 à l’approche des rives colonisées par la mangrove.

La richesse en matière organique de I’estran colonisé par la mangrove croît avec le temps. La matière organique se concentre vers la partie supérieure du profil.

Dans le cas des Rhizophoracées (Rhizophora et Bruguiera), le phénomène est lié au chevelu ra- dicellaire qui se développe soit à partir des racines échasses, soit à partir des racines noueuses, juste sous la surface du sol. Dans les mangroves de la Dumbéa, le sol superficiel est formé de 35 cm de ce feutrage radicellaire brun rougeâtre, reposant sur 65 cm de sédiment de lagon traversé par de for- tes racines éparses et des fibres végétales qui disparaissent vers 1 m de profondeur.

Page 174: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

170 Frgdéric BAL TZER

Les racines du genre Avicennia forment un système rayonnant, secondairement entrecroisé, de racines jaunâtres, blanches en section, courant à 1 dm sous la surface du sol. De ces racines rayon- nantes partent des racines verticales vers le bas et des pneumatophores qui émergent verticalement de la vase. Bien qu’en position interne, les Avicennia de la Dumbéa occupent un sol peu chargé de matière organique. La tendance transgressive du niveau marin actuel leur permet de coloniser progres- sivement le marais hypersalin qui est pauvre en matière organique.

Dans le marais hypersalin, en effet, la végétation des halophytes, Salicornia australis surtout et Cyanophycées du voile algaire, est à l’origine de la proportion assez faible de matière organique du sédiment sous-jacent.

Les teneurs en matière organique et en sulfures du sol de mangrove peuvent être estimées par la perte au feu car elles sont largement dominantes, atteignant plusieurs dizaines pour cent, alors que l’eau structurale des argiles est de l’ordre de 5 % et que les carbonates, souvent absents, ne dépas- sent jamais 3,5 % (Fig. 71). Dans la mangrove à Rhizophoracées, la perte au feu montre que la te- neur en matière organique passe régulièrement de 25 % dans la mangrove externe à 55 % dans la mangrove pénéinterne. Ces valeurs très élevées sont en fait un peu sous-évaluées du fait que les échantillons sont forcément prélevés à l’écart des arbres. A la base des profils, la perte au feu s’a- baisse à 12 % entre 0,50 et 1,0 m de profondeur. Vers 1 m de profondeur, le carbonate des coquil- les s’associe à la matière organique dans la détermination de la perte au feu. Dans la mangrove à Avicennia, la perte au feu s’abaisse à 21 %. Ce fait rend compte à la fois de la diminution des sul- fures, le milieu étant de tendance oxydante, et d’une plus basse teneur en matière organique liée à la colonisation d‘un sol de marais hypersalin. Dans le marais hypersalin, en surface, la perte au feu de 11 % vient en partie des argiles et en partie de la matière organique. Elle s’abaisse en profondeur, dans la zone d’enrichissement en smectite, à la valeur de 7 56.

Dans les sols de mangrove fossile, sous le marais hypersalin, la perte au feu rend compte de teneurs en matière organique et en sulfures beaucoup plus faibles que dans les mangroves vivantes. L’oxydation progressive du stock présent réduit la perte au feu à 10 % environ.

Le dosage précis du carbone organique des sédiments en présence de sulfures est possible par grillage suivi de dosage du SD2 et du CO2 retenus respectivement par l’eau et par la potasse (Veille- fon, 1974) ou par analyse thermique différentielle suivie d’une analyse des gaz en continu (Chantret, 1969). Ces méthodes ne se justifient que pour des sédiments frais ou lyophilisés et n’ont pu être ap- pliquées aux sédiments de Nouvelle Calédonie. L’étude de la matière organique dans ses rapports avec le soufre reste à faire.

L’accumulation de silice par les Diatomhes

Les Diatomées sont présentes dans tous les sédiments de la mangrove, en plus ou moins grande quantité et dans un état de conservation variable. Les plus belles et les plus nombreuses proviennent de la zone pénéexterne à Bruguiera gymnorhiza (ph. 87, planche 20). L’abondance des Diatomées dans les sédiments de la mangrove augmente localement leur teneur en Si02 attaquable. La teneur en SiO attaquable atteint 33 % dans la mangrove pénéexterne alors qu’elle est seulement de 25 % dans la zone des apports purement fluviatiles de la levée.

Dans les sols de mangrove, un grand nombre de Diatomées sont fragmentées. Particulièrement petits dans la mangrove centrale et interne, les fragments montrent que les Diatomées ont été soumi- ses à une attaque mécanique et chimique (ingestion par les animaux, attaque chimique par les eaux : ph. 88, planche 20). Même les Diatomées apparemment en bon état présentent des traces d’agression chimique (ph. 89, planche 20).

Monsieur Fusey, Professeur au Museum, a bien voulu examiner une série de micrographies pri- ses au M.E.B. et déterminer, dans la mesure du possible, les genres et espèces, ce dont je le remercie

Page 175: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Les facteurs de diagenèse 171

FIG. 71 :TENEURS EN PRODUITS RÉDUCTEURS INDIQU~ES PAR LA PERTE AU FEU (MATIERE VEGÉTALE, SULFURES) EN %

FIG. 72 :SÉDIMENTATION SILICEUSE PAR LES DIATOMEES MAXIMUM DE TENEUR EN SILICE ATTAQUABLE (30 A 35 %) EN COTNCIDENCE AVEC

LES SÉDIMENTS LES PLUS RICHES EN FRUSTULES

Page 176: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

172 Frédéric BA L TZE R

bien vivement. Parmi les Diatomées de la zone pénéexterne, il a pu reconnaître : Diploneis interrup- ta, D. ovalis, D. smithii (Brebisson) Cleve (ph. 90, planche 20) ; Melosira dubia (Kützing) ou Phaco- discus punctulatus (Gregory) Meunier ; Gyrosigma sp. (ph. 91, planche 20) ; Amphora sp. probable ; Nitzschia tryblionella probable Hamtzsch (ph. 92, planche 20) ; Mebsira (?) sulcata (Ehrenberg) Kützing (ph. 92, planche 20) ; Suriulla sp.

Les Diatomées sont très abondantes dans les estuaires et les deltas en général. Sur le delta du Mississipi, elles forment 86 S/o du phytoplancton (Thomas et Simmons, 1960). Elles sont particulière- ment abondantes dans les régions tropicales (Ehrart, 1973), notamment dans les zones à mangroves où leur présence est constante sur les troncs et les racines des palétuviers et sur le fond des che- naux (Ritzler, 1969). J’ai observé souvent des revêtements de Diatomées en pellicules roussâtres à la surface des slikkes dans les chenaux de mangrove de Nouvelle Calédonie et du Cameroun. L’abon- dance des Diatomées dans les estuaires et deltas tropicaux s’explique par la lumière et la températu- re de l’eau et surtout par l’abondance des éléments nutritifs : phosphore, azote, silice et fer (Patrick, 1969) et l’abondance des acides humiques. L’action des acides humiques serait double (Prakash et Rashid, 1969) : ils agiraient en tant que vitamine et également comme agent de chélation de cer- tains ions en solution, limitant leur toxicité et favorisant le métabolisme des autres.

L’accumulation de calcaire par les Mollusques

Les Mollusques sont assez nombreux pour accroître de façon modeste, mais sensible, la teneur en calcium des sédiments superficiels des mangroves. Les déterminations et l’étude des répartitions sont dues à Plaziat (1976). Le gros cérithidé Terebralia palustris, très abondant sur le sol de la man- grove, se nourrit de feuilles de Rhizophora tombées. La partie inférieure de la coquille, vers I’apex, est généralement dissoute au contact du sol, du vivant de l’animal. La dissolution se poursuit après la mort de ce dernier, au point de ne laisser subsister que la columelle et, au plus, quelques-uns des plus gros tours de la coquille. Ce sont de tels restes qui, après enfouissement, participent à I’enrichis- sement du sédiment en carbonate de calcium. D’autres espèces se développent soit dans le sol (com- me le Lamellibranche PoZymesoda cf sublobata), soit sur le substrat dur constitué par les arbres : Littorina scabra, Ricinula undata.

LES EAUX INTERSTITIELLES DU DOMAINE DELTAÏQUE

DISPOSITION GENERALE ET DIRECTIONS D’lXOULEMENT DE LA NAPPE

La nappe des eaux interstitielles des marais de la Dumbéa est libre dans le domaine des man- groves et captive sous les marais hypersalins. Dans les deux cas, son niveau piézométrique est systé- matiquement très proche de la surface du sol. Dans les marais hypersalins, il n’est pas rare, en sai- son humide, de trouver le niveau piézométrique à 0,lO ou 0,20 m sous la surface du sol, c’est-à- dire à 0,5 m au-dessus du niveau moyen de la mer, quel que soit l’état de la marée. Le schéma clas- sique de l’influence de la marée sur la nappe dans une zone deltaïque, suivant lequel le niveau pié- zométrique battrait au gré de la marée au voisinage de l’eau libre et se stabiliserait au niveau moyen de la mer vers l’intérieur des terres (Huisman, 1966) ne semble pas convenir dans ce type de côte à mangrove. En effet, le sol de la mangrove se comporte comme une éponge (Lafond, 1967) retenant très longtemps l’eau de la marée au voisinage du niveau maximal atteint par le flot. L’eau percale ensuite lentement à partir d’un niveau généralement très supérieur au niveau moyen de la mer en direction du réseau de drainage des chenaux et des baies et vers la terre ferme si elle n’est pas re-

Page 177: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Les facteurs de diagenèse 173

poussée par un flux d’eau douce d’origine continentale. A cette recharge de la nappe par les marées peut s’adjoindre une recharge par les précipitations et par le ruissellement (Baltzer, 1975).

La nappe libre des sols de mangrove actuels

Sur sa façade marine, le sol de mangrove se comporte comme un réservoir complétant sa char- ge d’eau à marée haute et n’en laissant repartir, lentement, qu’une faible partie à marée basse. Dans une mangrove complète en cours de développement grâce à des apports sédimentaires, le profil de dépression de la nappe aquifère est convexe et se confond pratiquement avec le profil topographique puisque la nappe affleure partout très près de la surface du sol (entre 15 cm et la surface, pour fi- xer les idées). Cette disposition montre que la nappe s’écoule très lentement de l’intérieur du marais vers l’extérieur suivant la polarité terre +mer et banquette de vase +Chenal de marée. L’augmentation importante de la pente du profil vers l’aval va de pair avec une diminution de la transmissivité (Cas- tany, 1967), ce qui dans ce cas revient à la fois a une diminution de la perméabilité et de I’épais- seur de l’aquifère. Ainsi, dans les mangroves du pourtour de la Baie Hoff, la zone externe en cours d’accroissement est le siège d‘une sédimentation de vase fine, très peu perméable. Dans les zones moyennes et internes des mêmes mangroves, ces vases ont évolué en sols perméables par un enrichis- sement considérable en matière organique et ceci bien que la fraction minérale qui s’y dépose actuel- lement soit excessivement fine. A cette perméabilité due à la maturation s’ajoute une perméabilité ((en grand» due aux nombreux terriers qui percent la partie superficielle de ces sols.

La recharge de la nappe libre par les marées se fait principalement par la zone moyenne des marais de mangrove. On peut s’en rendre compte par l’observation directe de la montée de la marée, par l’étude des courbes des marées et enfin par l’étude du chimisme des eaux interstitielles. La ma- rée pénètre dans la forêt de mangrove par ses chenaux et ses rigoles de drainage d’où elle déborde sur les banquettes et les platiers intertidaux du sous-bois. Le flot se manifeste alors par une nappe d’eau brune, frangée d’écume de même couleur, qui progresse calmement sur un sol, le plus souvent encore humide de la précédente marée haute. Cette nappe, épaisse de quelques millimètres seulement à sa limite, interrompt sa progression chaque fois qu’elle atteint un terrier, puis, une fois le terrier rempli, reprend son mouvement qui est bien visible en raison du faible gradient du sol. Dans les zo- nes internes de la mangrove et dans les marais hypersalins, atteints plus rarement par les marées, la nappe du flot est ralentie ici encore par le remplissage de terriers, mais aussi et surtout par la dessi- cation du sol. Dans les marais hypersalins, la nappe du flot remplit les fentes de dessication et est absorbée par les canalicules capillaires du dépôt argileux. Par temps sec, la laisse de haute mer s’arrê- te généralement très en deçà de la limite théoriquement permise par le niveau atteint en mer libre au même moment.

Au jusant, la nappe d’eau apportée en surface par le flot se retire rapidement en abandonnant une multitude de petites mares dans les dépressions du platier intertidal et dans les terriers. Ces ma- res et ces terriers constituent les réserves superficielles de la nappe des eaux interstitielles d’une ma- rée à la suivante. C’est donc un processus de recharge de la nappe particulièrement rapide et efficace qui influence massivement le bilan des débits oscillants dans certains estuaires tropicaux. Ce proces- sus de recharge est plus efficace dans la mangrove moyenne et pénéinterne. Dans la mangrove exter- ne, le sol est trop peu perméable pour permettre une infiltration significative du flot, d’autant plus que la nappe présente à marée basse un écoulement de la zone moyenne vers la zone externe. Cet écoulement est très lent mais suffisant pour compenser l’évaporation. Dans les zones internes des mangroves et dans les marais hypersalins, la fréquence des immersions diminue considérablement ain- si que la perméabilité du sol, que ce soit la perméabilité «en petit» ou ((en grand».

Nous retiendrons que les marées rechargent la nappe des eaux interstitielles des mangroves «per descensum», essentiellement dans la zone moyenne des marais, et que cette recharge maintient le ni- veau de la nappe constamment au-dessus du niveau moyen de la mer dans la région. Ce phénomène

Page 178: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

174 Frédéric BAL TZER

très important est confirmé par les diagrammes de marées des chenaux de mangrove. La mon- tée du flot y est ralentie et le jusant accéléré par rapport à la mer ouverte (Lafond, 1967 ; Vieillefon, 1974) : les mangroves se comportent comme une énorme éponge (Lafond, 1967) rete- nant l’eau reçue.

La nappe interstitielle de la frange continentale des mangroves est influencée par le régime des eaux continentales souterraines et par les précipitations. Si l’apport souterrain d’eau douce est abon- dant, la nappe phréatique douce (ou saumâtre) peut égaler ou dépasser le niveau de la nappe salee de la mangrove qui est repoussée vers la mer et diluée sur sa frange terrestre. On observe alors un gradient régulier de salinité des eaux interstitielles du sol qui se traduit dans le paysage par les mul- tiples gradations de la forêt humide puis de la mangrove. Cette gradation existe dans les marais du delta de la Dumbéa immédiatement reliés au chenal fluviatile principal (Baltzer, 1969). Elle est la règle sous climat équatorial, par exemple au Cameroun (Boyé et al., 1975 ; Baltzer, 1975 ; Plaziat, 1975).

Si la nappe interstitielle de la frange continentale des mangroves ne rencontre que des apports d’eau douce souterraine peu abondants ou inexistants, cette nappe tend à s’écouler vers la zone con- tinentale et à s’y évaporer en abandonnant au sol sa charge saline. Cette disposition est à l’origine de la formation des marais hypersalins, très communs entre les mangroves et la terre ferme dès que le climat présente ne serait-ce qu’une nuance d’aridité. Les marais côtiers de la côte ouest de Nou- velle Calédonie (Marais de Mara, etc.) et ceux des dépressions latérales deltaïques (Dumbéa) sont très typiques.

Les précipitations, le ruissellement et les crues fluviatiles peuvent recharger directement la nap- pe des eaux interstitielles des mangroves pendant les marées basses. Cette possibilité est rarement ré- alisée dans le cas des précipitations et du ruissellement associé, ce type de mangroves caractérisant les côtes basses sous le vent des reliefs. Par contre, les crues fluviatiles importantes peuvent périodi- quement inonder d’eau saumâtre les marais en pénétrant par leur frange interne.

La napp-e des eaux interstitielles est captive sous les marais hypersalins

Le sol des marais de mangrove de Nouvelle Calédonie se continue en profondeur par des sols de mangrove anciens qui sont recouverts par les sédiments des marais hypersalins et de la base des levées (Baltzer, 1965, 1970, et présent mémoire, chap. I Il). Ces sols sont perméables en raison des fibres végétales incomplètement décomposées qu’ils contiennent et aussi, parfois, du caractère sableux du sédiment sur lequel la mangrove s’était primitivement installée. En revanche, les sédiments argi- leux des marais hypersalins et de la base des levées qui couvrent les paléosols de mangrove sont fort peu perméables. La nappe des eaux interstitielles est captive sous le marais hypersalin.

En conclusion, les grands axes de circukrtion de la nappe des marais de mangrove sont au nom- bre de trois (Fig. 73).

Dans les mangroves actuelles, la recharge de la nappe se fait per descensum pendant le flot, dans les zones moyenne et pénéinterne. Depuis ces zones, son écoulement souterrain a lieu principa- lement suivant deux axes oppbsés, d’une part en direction de la baie marine ou du chenal qui drai- ne vers elle et d”autre part en direction du marais hypersalin. L’écoulement prend la forme d’une nappe libre dans la mangrove actuelle et d’une nappe captive dans les paléosols de mangrove qui le conduisent sous le marais hypersalin.

Le troisième et dernier grand axe de circulation de l’eau conduit l’eau fluvio-marine du chenal de la Dumbéa, à travers les mêmes paléosols de mangrove, vers la même région sous le marais hyper- salin. La convergence de ces deux axes vers le marais hypersalin n’est possible que sous l’influence de l’évaporation intense qui y règne. Le niveau piézométrique de la nappe captive salée est principa-

Page 179: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Les facteurs de diagenèse 175

rbarines) FIG. 73 :ALIMENTATION DE LA NAPPE

ET CIRCULATION DES EAUX INTERSTITIELLES DANS LE DELTA

2.0

Y 8 1.0 I y1 m

FIG. 74 :CHLORINITÉ DES EAUX INTERSTITIELLES DANS LE DELTA (TRANSECT III) ZONATION VEGETALE ASSOCIEE

Page 180: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

176 Frédéric BAL TZER

lement régi par l’intensité de l’évaporation. II s’élève en saison pluvieuse et s’abaisse en saison sèche.

Un noyau plus sec a tendance à se former dans les marais hypersalins comme conséquence de ces circulations de la nappe. Entre les sédiments superficiels du marais hypersalin qui peuvent re- cueillir l’eau des rares marées, crues et précipitations qui les atteignent et les sédiments profonds hu- midifiés par capillarité depuis la nappe captive, existe unetranche intermédiaire dont l’humidification est toujours tardive et rarement complète.

Ces diverses circulations et leurs conséquences sont parfaitement confirmées par l’étude des propriétés chimiques des eaux et par les phénomènes diagénétiques qui s’y rattachent et qui les ex- pliquent.

LA CHLORINITl? DES EAUX DANS LES SOLS DE MANGROVE DE LA DUMBEA

La chlorinité est la teneur en ions Cl- de l’eau interstitielle des sédiments exprimée en g/l. Sur le transect III, représentatif de l’ensemble des dépressions latérales à cet égard, la chlorinité varie en- tre 11 g/l (0,6 fois la chlorinité de l’eau de mer) et 47 g/l (2,5 fois). La chlorinité de l’eau intersti- tielle, voisine de celle de l’eau de mer en bordure de la Baie Hoff, est légèrement inférieure en bor- dure du chenal fluvio-marin de la Dumbea. La répartition de la chlorinité est en liaison étroite avec le schéma de circulation des eaux interstitielles. Le pôle de moindre chlorinité coïncide avec la ré- gion où se produit la recharge de la nappe sous l’influence des marées, c’est-à-dire avec la mangrove moyenne (Fig. 74). Le pôle de plus grande chlorinité est évidemment au centre du marais hypersa- lin. Les gradients de chlorinité se disposent suivant les axes de circulation de l’eau interstitielle, entre ces valeurs extrêmes et entre celles-ci et les extrémités du transect.

La lentille à faible chlsrinité

Au centre du marais de mangrove, la répartition des teneurs en chlorures met en Evidence une lentille d’eau saumâtre, diluée presque de moitié par rapport à l’eau de mer (facteur 0,6). Cette dilu- tion correspond à la chlorinité la plus faible trouvée sur le transect III, 11 g/l. Sur le transect II, une chlorinité encore plus faible a été trouvée dans les eaux interstitielles de la mangrove centrale : 8 g/I. Ces lentilles d’eau saumâtre sont un phénomène général dans les mangroves de la Dumbéa. Chacun des 5 transects effectués à travers la mangrove les met en évidence. De plus, ce sont des phénomènes durables. La distribution des palétuviers de l’espèce Bruguiera gymnorhiza coïncide avec le domaine où la chlorinité des eaux interstitielles est inférieure à 20 g/l. Du fait que cette espèce est liée aux zones les plus dessalées des mangroves (domaine fluvio-marin, zones amont), il est clair que l’existence de la lentille d’eau saumâtre est la condition sine qua non de sa survie dans un mi- lieu par ailleurs voué à la sursalure. Cela implique que la lentille d’eau saumâtre soit assez persistan- te pour que des arbres vivant plusieurs dizaines d’années puissent achever leur développement en bé- néficiant toujours de sa présence.

Les causes de la faible chlorinité de cette lentille sont évidemment à rechercher dans les pro- priétés de l’eau qui vient recharger la nappe dans cette zone. On ne peut pas mettre en cause une venue souterraine d’eau à faible chlorinité puisque, précisément, toutes les eaux interstitielles envi- ronnantes sont plus salées que celles de notre lentille.

Cet apport d’eau plus douce peut être dû au ruissellement mais seulement dans les périodes de très forte pluviométrie. Les pluies faibles tendent seulement à dissoudre l’excès de sel des marais hy- persalins et l’eau de ruissellement qui en dérive est paradoxalement plus salée que l’eau de mer (Pla-

Page 181: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Les facteurs de diagenèse 177

ziat, comm. orale). De toute façon le ruissellement, lorsqu’il est faible, est soit évaporé sur place, soit immédiatement conduit à la mer par le réseau de chenaux de marée des mangroves. Par contre, lorsque des pluies abondantes font déborder le fleuve au-dessus de ses levées, le flot d’eau douce peut alors atteindre la mangrove et, surtout à mer basse, recharger la nappe par sa partie supérieure en remplissant les terriers comme nous l’avons vu plus haut. La pérennité de la nappe d’eau saumâ- tre des mangroves centrales semble cependant indiquer que les crues fluviatiles, très irrégulièrement réparties dans le temps, n’en sont pas la seule cause et, de fait, il en est une autre explication.

Les eaux fluvio-marines du delta de la Dumbéa sont stratifiées, les eaux relativement chaudes et peu salées du domaine fluvio-marin flottant sur l’eau marine plus froide. De ce fait, les eaux les moins salées vont former la mince lame d’eau qui constitue la première manifestation du flot dans les mangroves. Ce sont donc des eaux peu salées qui recouvrent en premier la mangrove, remplissent les terriers et rechargent la nappe par cette voie. Les eaux à salinité franchement marine qui peuvent succéder à l’eau saumâtre par grande marée ne peuvent s’infiltrer, la nappe étant alors saturée.

Ecoulement de la lentille sous-salée vers la mer

Entre la zone centrale de la mangrove et la mer, la lentille d’eau saumâtre peut se compa- rer à une lentille de Ghyben Erzberg. A marée basse, cette nappe s’écoule très lentement vers la mer (Baie Hoff) où les vases les plus récemment déposées forment une barrière de perméabilité qui s’op- pose à l’écoulement. La lenteur de l’écoulement permet une diffusion des ions de l’eau de mer vers la nappe saumâtre qui voit ainsi augmenter sa teneur en ions CI‘ à l’approche de la Baie Hoff.

Ecoulement vers le marais kypersalin

La zone du marais hypersalin présente un niveau piézométrique relativement bas parce que l’é- vapotranspiration y est très élevée alors que les apports d’eau superficielle par les marées ou par les pluies sont rares et très facilement drainés lorsqu’ils se produisent. La nappe s’écoule depuis la len- tille sous-salée vers le centre du marais hypersalin. Un second écoulement se produit depuis le chenal fluvio-marin de la Dumbéa vers la même zone centrale du marais hypersalin.

Dans le sens mangrove - marais hypersalin, la concentration de la nappe commence à se faire sentir dès la zone pénéinterne de celle-ci et on peut considérer comme point de départ des zones à concentration progressive, la limite entre le domaine mixte à Rhizophora et Bruguiera et le domaine monospécifique à Rhizophora dans son habitus grêle. La concentration est maximale sous les zones à Saiicornia et à Lumnitzera dans les marais hypersalins. La figure 74 montre les coïncidences entre les limites des formations végétales et les courbes d’égale chlorinité. En période de sécheresse, les sa- linités maximales sont en surface et peuvent atteindre des valeurs de l’ordre de 10 fois la salinité de l’eau de mer. En cas de pluie, le front de dessalure se propage plus rapidement que le front d’humec- tation (Smith, 1972 ; Vieillefon, 19741, ce qui se traduit par le fait que la chlorinité du sol superfi- ciel diminue beaucoup après les inondations, alors que l’humidité du sol varie peu (Baltzer, 1965 et 1970). La chlorinité maximale est alors en profondeur sous le marais hypersalin comme l’indique la figure 74.

L’intensité de I’évapotranspiration dans les marais hypersalins résulte du fait que leur sol n’est couvert que d’une végétation herbacée ou d’un feutrage algaire en sorte que l’ensoleillement et le vent fort de l’après-midi (brise de mer et alizés) ont une efficacité totale. Dans le cas où la pluviosi- té devient importante, le mouvement de la nappe s’interrompt, mais ne s’inverse pas. En effet, jamais les précipitations ou les eaux de ruissellement ne peuvent percoler vers la nappe captive à travers les argiles très imperméables du marais hypersalin. Ces eaux ne stationnent guère sur les marais hypersa- lins du delta de la Dumbéa qui, sans être directement drainés par les chenaux de la mangrove, sont toujours dans leur zone d’action. Seule la couche supérieure des marais craquelée par la dessication et occasionnellement par des terriers de crabes peut s’en imprégner un peu.

Page 182: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

178 Frédéric BA L TZER

En conclusion, la répartition des chlorinités des eaux interstitielles sur le transect III confirme le schéma de circulation des eaux dans les sédiments de la mangrove, du marais hypersalin et de la levée mis en évidence par les caractéristiques de la nappe et les modalités de sa recharge.

La nappe rechargée par les eaux fluvio-marines superficielles peu salées dans la partie centrale de la mangrove, s’écoule vers le marais hypersalin en s’évaporant et en se concentrant. Au centre du marais hypersalin, la composante horizontale de l’écoulement s’annule car l’écoulement venu du che- nal fluvio-marin par infiltration sous la levée arrive à sa rencontre. Seule persiste à cet endroit la composante verticale due à l’évaporation et la concentration de l’eau interstitielle y est maximale.

LES CONDITIONS D’OXYDORI?DUCTION ET DE pH DANS LES SEDIMENTS

DELTAÏQUES ACTUELS

Les conditions d’oxydoréduction et de pH sur le delta de la Dumbéa ont été étudiées sur 5 transects, dont le plus caractéristique, le transect III, s’étend entre le chenal fluvio-marin de la Dum- béa et la Baie Hoff, à travers la levée, le marais hypersalin et la mangrove. Les coupes en courbes d’égal Eh et d’égal pH mettent en évidence deux grands domaines. Vers la Qumbéa s’étend le domai- ne des sédiments oxydés et basiques de la levée sédimentaire et du marais hypersalin. Vers la Baie Hoff s’étend le domaine réducteur et légèrement acide des sédiments des mangroves actuelles. Ce domaine se prolonge avec les mêmes propriétés sous les sédiments du marais hypersalin et de la le- vée, sous forme de sols de mangrove subfossiles. L’acidité la plus forte suit le contact entre le do- maine des sédiments réducteurs de la mangrove et le domaine des sédiments oxydants. Les diagram- mes de Eh et de pH sont une confirmation supplémentaire du schéma de circulation des eaux inter- stitielles que nous avons proposé.

En outre, deux études sur les variations des conditions de Eh et de pH au cours du temps mettent en évidence d’une part la rapidité de l’adaptation de l’eau aux propriétés du sédiment et d’autre part, la nature des principaux agents de modification du Eh et du pH.

PRATIQUE ET SIGNIFICATION DES MESURES DE pH et de Eh

La plupart des sédiments du milieu deltaïque sont humides ou saturés d’eau. Ce sont les pH et Eh de cette eau d’imprégnation qui ont une signification dans les interprétations géochimi- ques et il est indispensable de préciser la technique de mesure pour justifier les résultats obtenus. En raison de leurs divers inconvénients, j’ai écarté les techniques de mesure prévoyant soit la dispersion du sédiment dans l’eau distillée bouillie, soit l’extraction de l’eau interstitielle pour me satisfaire de la méthode par insertion directe des électrodes dans le sédiment in situ ou dans une carotte fraîche- ment prélevée. La méthode classique par dispersion dans l’eau distillée bouillie a de nombreux incon- vénients puisqu’elle modifie le pH si le milieu étudié est peu tamponné et le Eh dans tous les cas tout en étant peu reproductible (Garrels et Christ, 1965). De plus, elle interdit toute localisation fi- ne de la mesure car un échantillon substantiel est indispensable. Les mesures les plus satisfaisantes du point de vue théorique sont faites sur l’eau interstitielle après extraction sous azote, l’extraction en présence d’air modifiant toujours l’équilibre des gaz dissous, donc le pH et le Eh. Ces mesures sont satisfaisantes parce qu’elles se font sur la solution interstitielle en l’absence de la phase solide, dont l’influence sur la mesure ne peut être négligée a priori. Les résultats sont bons (Garrels et Christ,1965).

Page 183: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Les facreurs de diagenèse 179

Malheureusement, les techniques d’extraction et de mesure sous azote sont longues et imposent le travail en laboratoire sur des quantités importantes de sédiment, interdisant toute étude fine.

Les mesures par insertion directe des électrodes dans le sédiment fraîchement prélevé peuvent se faire très vite après la récolte et la répétition systématique des mesures ne prend pas un temps prohibitif. L’utilisation d’électrodes spéciales, plus fines que le modèle courant, permet une explora- tion de détail des conditions d’oxydoréduction et de pH. Par une répétition systématique des mesu- res, j’ai constaté depuis longtemps que les résultats sont reproductibles et interprétables (Baltzer, 1965, 1970). Garrels et Christ (1965) concluent une discussion du problème en déclarant que les mesures de pH par insertion directe des électrodes dans les sédiments donnent les mêmes valeurs que les mesures sur l’eau interstitielle extraite sous azote, sauf dans le cas des milieux très acides. Les conditions fortement acides étant rares dans les milieux étudiés ici, il m’a paru justifié d’emplo- yer systématiquement la technique de mesure par insertion directe des électrodes dans le sédiment.

Pour les mesures de Eh, on pourrait s’inquiéter de les faire en présence d’air sur des sédiments fortement réducteurs. En fait, cette pratique donne des résultats valables pour trois raisons. En pre- mier lieu, il existe dans ces sédiments un effet de tampon d’oxydoréduction dû à la présence simul- tanée de sulfures et de polysulfures qui ralentissent les réactions d’oxydation en présence de matière organique (Boulègue, 1974). En second lieu, il faut se souvenir que l’atmosphère est un oxydant re- lativement doux (Garrels et Christ, 1965, p. 136). Enfin, la diffusion des gaz est très ralentie dans la vase par rapport à ce qu’elle est dans une solution pure, le parcours des ions pouvant être décu- plé (Mannheim F.T., 1970). En conclusion, les mesures faites au cœur d’une carotte juste après son prélèvement peuvent être à bon droit considérées comme représentatives des conditions in situ. A condition d’opérer suffisamment à l’abri du soleil et du vent, car le dessèchement favorise beaucoup l’oxydation, les mesures de Eh diffèrent très peu, qu’elles soient faites juste après le prélèvement ou plusieurs dizaines de minutes plus tard.

Protocole expérimental des mesures de pH et de Eh in situ Le carottage, effectué à la pelle à vase est immédiatement porté à un endroit où il est maté-

riellement possible de faire les mesures sous une tente sommaire, c’est-à-dire en général sur le marais salé. La pellicule superficielle de la carotte, très modifiée par le carottage, est enlevée au moyen d’un couteau dont la lame est branchée au pôle négatif d’une batterie de 24 volts minimum, la pelle à vase étant branchée au pôle positif. Le dégagement d’hydrogène au contact de la lame empêche cet- te dernière d’adhérer si peu que ce soit à la vase et assure un découpage parfait. Moins de dix mi- nutes après le prélèvement, en général, on peut commencer les mesures par insertion des électrodes dans la carotte.

Les mesures ayant servi à l’établissement de courbes d’égal pH et d’égal Eh ont été faites tous les 5 cm de bas en haut de la carotte, soit 21 mesures pour une carotte d’un mètre en comptant les mesures concernant la surface et l’extrême fond.

Pour chaque carotte, les mesures ont été faites en 5 séries, une série de mesures de Eh, puis une série de mesures de pH, deux séries doublant les premières et enfin, le cas échéant, une série complémentaire en cas de désaccord excessif entre les précédentes. La valeur retenue est la moyenne des deux mesures lorsqu’elles diffèrent de moins de 0,2 unité de pH ou 12 millivolts. C’est la mé- diane des trois mesures dans le cas contraire. Les mesures successives n’ont jamais été faites exacte- ment au même endroit pour écarter tout risque de modification du milieu par l’insertion de I’électro- de au cours d’une mesure précédente.

Pour l’établissement des coupes générales suivant les transects, j’ai utilisé, suivant les cas, tous les points de mesure ou bien des points choisis arbitrairement sur des courbes du pH ou du Eh en fonction de la profondeur, lissées.

Page 184: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

180 Frédéric BAL TUER

Appareillage utilisé

Les mesures ont été faites au pH-mètre, un galvanomètre mesurant la différence de potentiel entre une électrode de verre et une électrode de référence immergées dans la solution à tester. L’ap- pareil peut toujours être utilisé pour la mesure du Eh en remplaçant l’électrode de verre par une électrode de platine poli et en convertissant les lectures en unités de pH en lectures en millivolts. Mais, si le pH est donné par lecture directe après tarage de l’appareil par des solutions tampons de pH 7 puis 4, la mesure du potentiel d’oxydoréduction Eh nécessite que l’on connaisse le potentiel de l’électrode de référence utilisée. Les mesures de pH et de Eh ont été faites à l’aide d’appareils des marques Beckmann NI et Heito (de poche). Ces appareils étaient équipés d’électrodes de verre du diamètre normal, d’électrodes de référence au calomel (Beckmann) et à l’argent-chlorure d’argent (Heito) et d’électrodes de platine de type ctmanchorw (Beckmann) et à fil (Heito).

Signification des mesures

La signification des mesures peut être abordée par la formulation des phénomènes chimiques en jeu et par la description du fonctionnement des électrodes.

Le caractère acide ou basique du milieu est défini par la teneur en ions H+ que l’on exprime par le logarithme de l’inverse de l’activité, [H+I, de ces ions, ou pH

PH = fg ];+]

Le potentiel E qui prend naissance entre la solution à tester et la borne d’une électrode de verre est fonction linéaire du pH de la solution :

E=Ch+ 2,303 R T fg [H+] .F

Ch est un coefficient d’asymétrie qui ne dépend que de l’état de l’électrode.

L’évaluation du rapport entre les activités des oxydants et des réducteurs en solution est donné par le potentiel d’oxydoreduction Eh, très voisin de la différence de potentiel entre une électrode de platine poli et la solution

Eh = E, + 5 Log a [0x] If1

a [Réd] n’l

E, est le potentiel standard de la réaction d’oxydoréduction étudiée qui est égal au Eh lorsque les activités des oxydants et des réducteurs sont égales, le deuxième terme de la formule ci-dessus deve- nant nul.

Le potentiel redox Eh ne définit pas complètement à lui seul les conditions d’oxydoréduction car celles-ci sont influencées également par le pH comme l’indique la disposition des champs de sta- bilité sur les diagrammes Eh pH (Garrels et Christ, 1965). II permet d’utiles comparaisons dans les milieux où le pH varie suffisamment peu.

Le rH2 (anciennement rH) mesure le caractère oxydoréducteur d’une solution par l’activité de l’hydrogène moléculaire, comme le pH mesure le caractère acide à partir de l’activité des ions H+

rH2 = lg &

Page 185: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Les facteurs de diagenèse 181

II caractérise complètement l’aspect chimique des conditions d’oxydoréduction en milieu aqueux. Rivière et Vernhet (1959) ont montré qu’il peut être mesuré par la différence de potentiel entre une électrode de verre et une électrode de platine poli (appareil réalisé par Ponselle). On peut calculer le rH2 à partir des valeurs du Eh et du pH

rH2 = 2.F Eh+ 2 pH 2,302 R T

Le rôle de l’électrode de référence Le potentiel de la demi-pile constituée par l’électrode de verre ou de platine poli immergée

dans une solution d’électrolytes est donné par les formules par rapport au potentiel de la soluGon. Pour fermer le circuit entre le galvanomètre et la solution, on ne peut se contenter d’immerger un conducteur dans la solution puisque il se formerait aussitôt une demi-pile dont le potentiel n’est pas mieux connu que celui dont on veut faire la mesure. Une électrode de référence est une demi-pile donnant un potentiel connu et fixe entre un fil électrique et une solution d’électrolyte, générale- ment du chlorure de potassium saturé. Son intérêt vient du fait que l’on peut égaliser les potentiels de deux solutions d’électrolytes par un pont de conductivité (tube plein d’agar-agar imprégné de KCI ou écoulement capillaire de la solution de KCI de l’électrode de référence dans la solution à tester). Dès lors, on peut établir un contact électrique à potentiel fixe entre la solution à tester et le galva- nomètre.

L’électrode de référence devant théoriquement être utilisée pour la mesure du Eh est I’électro- de normale à hydrogène, de potentiel 0 par définition. Le h de l’expression Eh rappelle que le po- tentiel rédox est chiffré comme s’il avait été mesuré entre l’électrode de platine poli et une électro- de normale à hydrogène. Dans la pratique, on utilise aujourd’hui des électrodes de référence soit au calomel soit à l’argent -chlorure d’argent formant des demi-piles dont les potentiels sont respective- ment de 0,245 et 0,202 volt à la température ordinaire. Du fait que les électrodes sont montées en opposition, la différence de potentiel mesurée par le galvanomètre est la d.d.p. entre l’électrode de platine et la solution diminuée du potentiel de l’électrode de référence. Pour exprimer la d.d.p. en Eh, il convient donc d’ajouter la valeur du potentiel d’électrode E él. à la mesure expérimentale Em:

Eh=Em+Eél

Laélectrode de verre

Cette électrode est formée d’une ampoule en verre au silicate de calcium et de sodium remplie d’une solution dont l’activité en ions H+ est fixée et dans laquelle baigne une électrode de référence au chlorure d’argent. Lorsque l’ampoule est immergée dans la solution d’électrolyte à tester, il se produit une migration d’ion H+ B travers la paroi de verre, dans un sens tendant à équilibrer les concentrations de part et d’autre. Si par exemple la solution externe est plus acide, la solution in- terne de l’ampoule va gagner des ions H+ et sa charge positive va augmenter et sera transmise à un conducteur par l’électrode à argent-chlorure d’argent. Lorsqu’on teste une solution de pH 7, les charges s’équilibrent de part et d’autre de la paroi de verre, mais en raison de l’électrode à l’argent - chlorure d’argent immergée dans l’ampoule de l’électrode de verre, il demeure une d.d.p. de l’ordre de 0,200 volt entre la borne métallique de l’électrode et la solution b tester.

i

Dans le circuit de mesure du pH, les deux demi-piles des électrodes sont en opposition et la mesure du pH 7 revient à la mesure d’un potentiel à peu près nul si l’électrode de verre est en bon état (coefficient d’asymétrie Ch faible).

Page 186: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

182 Frédéric BA L TZE R

Utilisation du pH-mètre en millivoltmètre. Mesure du Eh

Le pH-mètre peut être considéré comme un galvanomètre dont le limbe est gradué en unités de pH au lieu de l’être en volts. On peut convertir les unités de pH en volts par la formule :

EV = (7 - EpH) 0,058

dans laquelle EV est la d.d.p. exprimée en volts et EPH la même d.d.p. exprimée en unités de pH. Pour les mesures de Eh avec l’électrode de platine poli, le tarage de 0 peut se faire en court-circui- tant les bornes du galvanomètre et un tarage pour 0,430 V à 25” est permis par l’étalon d’oxydoré- duction de 20 Bell, constitué de ferrocyanure de potassium 0,03 M, de ferricyanure de potassium 0,03 M et de chlorure de potassium 0,l M (cité par Garrels et Christ, 1965). Ces techniques ont été utilisées systématiquement pour les mesures in situ de ce travail.

La mesure du Eh n’a de sens que si des oxydants et des réducteurs sont effectivement présents dans la solution. Dans un milieu fortement oxydant, l’électrode de platine tend à se comporter com- me une électrode de pH plutôt que comme une véritable électrode de Eh, lorsque les réducteurs font défaut (Boulègue, Comm. pers., 1976). Michard (1967) a mis en doute la validité des mesures de Eh en milieu sulfuré, la réaction n’étant pas forcément réversible. Mais la découverte de molécules oxy- doréductrices réversibles dans ces milieux confirme cette validité (Boulègue et Michard, 1974).

LES CONDITIONS D’OXYDOREDUCTION ET DE pH

Les conditions d’oxydoréduction (Fig. 75)

Les conditions réductrices sont typiquement liées aux sols de mangrove actuels et subfossiles. Les Eh les plus bas sont associés aux régions ou la circulation de l’eau dans le sol est la plus lente et la plus éloignée des influences oxydantes, comme dans le sol de la mangrove pénéexterne à Bru- guiera ou dans le sol de mangrove enfoui sous le marais hypersalin. La zone centrale et la zone in- terne de la mangrove dont le sol est pourtant le plus riche en matière organique, ne présentent que des Eh moins fortement négatifs, probablement en raison de la circulation moins lente des eaux in- terstitielles.

Les conditions les plus fortement réductrices sont associées aux régions d’accroissement du ma- rais de mangrove où la végétation est déjà fortement développée, comme autour de la Baie Hoff. Sous la surface du sol de la mangrove pénéexterne à Bruguiera, dans une vase riche en matière orga- nique finement divisée mais dont l’enrichissement en tourbe par insertion de racines de palétuviers est encore à ses débuts, le Eh est inférieur à - 0,250 V entre 0,2Cl et 0,70 m de profondeur. De ce fait, la perméabilité est encore très faible et la circulation de l’eau est très lente ainsi que le renou- vellement des éléments oxydants. La prolifération bactérienne puisant son énergie dans la matière or- ganique des sédiments produit des conditions de plus en plus réductrices (Rivière et Vernhet, 1962 ; Baas Backing, Kaplan et Moore, 1960). Des conditions réductrices un peu atténuées (- 0,200 V) af- fectent les sols du reste de la mangrove jusqu’à la zone pénéinterne à Rhizophora. On les retrouve dans le sol de mangrove fossile, sous le marais hypersalin, dans la zone vers laquelle convergent les écoulements venus de la mangrove et du chenal où la composante horizontale de l’écoulement est nulle et où la chlorinité est maximale.

Les zones à potentiel rédox intermédiaire

Les zones à potentiel rédox intermédiaire, de Eh - 0,100 à + 0,200 V, enveloppent les zones réductrices et caractérisent typiquement les sols de mangrove actuels ou fossiles en contact avec un

Page 187: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Les facteurs de diagenèse 183

a-100à+100 Ea ‘7350

R -200 -100 llnimül +300 + 350

-250 -200 I---I +200 +300

llïj +100 à+200

FIG. 7!2 :CONDITIONS D’OXYDO-RÉDUCTION, EXPRIMEES EN EH (MILLIVOLTS) DANS LES ~BD~MENTS DU DELTA DE LA DUMBEA (TRANSECT III)

FIG. 76 :CONDITIONS DE PH DANS LES SEDIMENTS DU DELTA DE LA DUMBÉA (TRANSECT III)

Page 188: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

184 Frédéric BAL TZER

milieu oxydant, que ce soit celui de l’eau de mer libre ou celui des sédiments oxydés adja- cents.

Dans la zone de battement des marées, en surface, l’épaisseur de sol de mangrove concernée par ces Eh intermédiaires est une indication du degré de pénétration de l’eau de mer. Cette épais- seur est maximale dans la mangrove externe à Rhizophora (0,70 m), forte (0,25 m) dans la mangro- ve centrale où se produit la recharge de la nappe, moindre dans la mangrove interne (0.10 m) et inexistante dans la mangrove pénéexterne à Bruguiera (probablement moins d’un mm).

En profondeur, les sols de mangrove enfouis sont essentiellement caractérisés par des potentiels rédox de ce type, de même que les sédiments de mangrove actuels dans leur contact avec les sédi- ments sous-jacents.

Les zones d’oxydation

Les zones d‘oxydation, de Eh supérieur à 0,200 V, sont associées aux sédiments du marais hy- persalin et surtout de la levée où le Eh dépasse 0,350 V au contact du chenal de la Dumbéa. II n’est pas surprenant que la plus forte oxydation se trouve dans cette zone, la plus fréquemment soumise à la dessication, la plus pauvre en matière organique et granulométriquement la plus gros- sière. Les valeurs de Eh positives mesurées restent dans des limites qui permettent d’affirmer que les ions réducteurs indispensables à la validité des mesures étaient présents même dans le cas des sédi- ments les plus fortement oxydants du transect.

La tendance transgressive actuelle de la mer, manifestée par le recouvrement de sédiments de marais hypersalin par une mangrove à Avicennia en position interne et par le recouvrement de sédi- ments de levée par des sédiments de marais hypersalin, est mise en évidence également par les cour- bes de Eh. Sous la mangrove à Avicennia et sous le marais hypersalin, le Eh est en effet plus élevé à quelques décimètres de profondeur qu’en surface. Cette disposition résulte de l’augmentation de la teneur en matière organique et de I’humectation près de la surface.

Les conditions de pH

La répartition des conditions de pH (Fig. 76) obéit aux mêmes règles générales que la réparti- tion des conditions d’oxydoréduction. Les sols saturés d’eau, riches en matière organique de la man- grove ont des pH Iégerement acides (6,25 à 7) alors que les zones sèches ont des pH de 7,0 à 62 qui rappellent aussi bien les pH de l’eau de mer que ceux des eaux continentales de la Dumbéa. Les zones de relative oxydation des sédiments de mangrove correspondent aux pH les plus bas. La pré- sence de coquilles et l’influence de l’eau de mer élèvent le pH au sein des sédiments de mangrove. La concentration des sels et la photosynthèse ont cet effet dans le marais hypersalin.

Les conditions de pH acides caractérisent les sols de mangrove. Les sédiments de mangrove les plus récents, associés aux mangroves externe et pénéexterne, sont caractérisés par des pH de l’ordre de 6,5 à 7,0. Ceci indique une tendance franchement acide dans la mesure où ce milieu est baigné biquotidiennement par l’eau de mer, ce qui devrait élever le pH au moins en surface. Cette tendance à l’acidité est explicable par la richesse du milieu en acides humiques.

Des conditions plus frakhement acides règnent dans les sédiments de mangrove plus anciens et plus perméables de la mangrove centrale, dans le domaine où se recharge la nappe des eaux intersti- tielles. Ces pH, de l’ordre de 6,0 à 6,5, s’expliquent par l’oxydation en sulfates des sulfures du sol de mangrove sous l‘influence de l’eau fraîchement arrivée. La zone des pH les plus acides coïncide avec la zone d’oxydation relative et avec la lentille d’eau saumatre que nous avons interprétées com- me la marque d’une introduction d’eau fluvio-marine par les marées.

Des conditions acides comparables règnent dans la zone des potentiels rédox intermédiaires qui matérialise le contact entre les domaines des sédiments réduits et oxydés. Cette disposition est en

Page 189: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Les facteurs de diagenèse 185

accord avec le schéma de circulation des eaux. Les sulfures et polysulfures dont l’eau s’est chargée dans les sols des mangroves sont transformés en sulfates lorsque l’eau atteint le domaine oxydé des sédiments du marais hypersalin. La zone de transition se caractérise par des pH faibles.

Les conditions de pH basique caractérisent les sédiments du marais hypersalin et de la levée. Cette disposition s’explique par l’élévation de la réserve alcaline de l’eau interstitielle sous l’influence de la concentration (Copeland, 1967). L’élévation du pH se fait sentir dès la mangrove interne à Avi- cennia. Le pH le plus élevé, de l’ordre de 8, coïncide avec les plus fortes concentrations de l’eau in- terstitielle sous le marais hypersalin. Près de la Dumbéa, une autre zone franchement basique située au niveau moyen des hautes mers se relie aux influences fluvio-marines.

Une élévation du pH des sédiments de mangrove peut résulter de la dissolution de débris coquil- liers abondants. Ce processus rend compte des pH relativement élevés à la base de l’ensemble de la coupe.

Une élévation du pH des mêmes sédiments peut se produire également par diffusion à partir de l’eau de mer, au voisinage de la Baie Hoff.

LES VARIATIONS DES CONDITIONS DE pH ET D’OXYDORl2DUCTION DANS LE TEMPS

Mise en évidence de variations instantanées (Fig. 77)

L’ajustement des conditions de pH et de Eh des eaux superficielles aux conditions qui règnent dans la vase est assez rapide pour que l’eau de la marée passe plusieurs fois par des états différents au cours d’un seul jusant. Ce phénomène est mis en évidence par une série de mesures faites en surface le long du transect III, entre la Dumbéa et la Baie Hoff, pendant le jusant d’une marée de vive eau (5 octobre 1971) ayant recouvert complètement les marais maritimes de la Dumbéa. Ces me- sures ont été faites par immersion directe des électrodes dans la lame d’eau de quelques centimètres précédant I’émersion et par insertion des électrodes dans la vase sous-jacente.

Les conditions de pH et de Eh des vases superficielles reproduisent de façon satisfaisante les dispositions d’ensemble décrites précédemment bien que les mesures aient dû être faites rapidement pour suivre la descente du jusant. Le pH des vases était sensiblement basique (7,75) sur le marais hy- persalin et dans la mangrove à Avicennia puis s’abaissait vers des valeurs légèrement acides dans les autres domaines de la mangrove (de l’ordre de 6,75). Le pH de l’eau répétait, en les atténuant, ces dispositions. De même, le Eh de la vase superficielle, voisin de 0 ou faiblement positif dans les zones hypersalines, s’abaissait franchement dans la mangrove pénéexterne (- 0,200 V). L’eau de surface pré- sentait les mêmes variations, mais avec des valeurs de 0,100 à 0,150 V plus élevées.

Cet ajustement rapide des conditions de pH et de Eh de l’eau aux conditions régnant dans la vase superficielle montre le caractère quasi instantané des modifications chimiques auxquelles l’eau de mer est successivement soumise pendant le flot puis le jusant. Ceci doit être rapproché des observa- tions de Walsh (1967) suivant lesquelles le flot se trouve très rapidement privé de ses éléments fertili- sants à mesure qu’il pénètre dans les mangroves.

Variation du pH au cours d’un cycle annuel

L’enregistrement en continu d’un cycle annuel de variations du pH dans la zone hypersaline du marais de Mara (près de Moindou) met en évidence deux rythmes qui se superposent : un rythme saisonnier et un rythme à fréquence élevée, de l’ordre de quelques jours. Ces variations du pH sont

Page 190: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Localisation Hauteur (0 du S.H.)

Mangrove externe Mangrove interne

A 6 D c E l,o 1,2 1,55 1,35 1,80

Marais hypersalin

F G 1,70 1,80

Lev6.e

I 2,30 mètres

FIG. 77 : PH ET EH DES EAUX SUPERFICIELLES ET DE LA VASE -SUR LE TRANSECT III, ENTRE LA BAIE HOFF ET LA DUMBÉA MAREE DESCENDANTE DU 6 OCTOBRE 1971 ENTRE 10 H ET 13 H (HEURE DE NOUMÉA), LA HAUTE MER ÉTANT ~2 H 20

Page 191: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Les facteurs de diagenèse 187

essentiellement contrôlées par le régime de l’eau. L’alternance des saisons sèches et humides fait pas- ser le pH moyen de 5,8 à 633. L’humectation par les pluies aussi bien que les inondations par le ruissellement ou les grandes marées élèvent provisoirement le pH (de 58 à 7,2 par exemple dans le cas d’une marée), le pH de départ étant retrouvé au bout de deux à trois jours.

Le niveau étudié est l’équivalent du niveau acide à Eh intermédiaire que nous avons trouvé au contact des sols de mangrove enfouis et des sédiments de marais hypersalin. Les électrodes de mesu- re étaient immergées dans l’eau affleurant dans un trou aménagé dans les sédiments de surface du marais de Mara (point MT 24, Baltzer, 1965, 1970). Pour préserver la nappe salée souterraine de toute modification par des pollutions extérieures ou par la lumière, le puits était abrité par un enca- drement et un couvercle. Le pH-mètre Ponselle LP 14 relié à un enregistreur à papier sensible du même constructeur était protégé par un abri de type météorologique. L’enregistrement était relevé une fois, par semaine, la nuit. A cette occasion, les électrodes étaient soigneusement nettoyées au pin- ceau fin et rincées à l’eau distillée puis le tarage du pH-mètre était refait.

Le rythme saisonnier de variation du pH se corrèle avec l’humidité moyenne du sol. II est mis en évidence par les courbes enveloppes des minimums et maximums de pH (abstraction faite des pics de pH supérieur à 7, dus aux incursions marines) avec un minimum absolu de 5,6 en saison sèche et un maximum de 6,7 en saison humide (Fig. 78). La corrélation entre le rythme saisonnier du pH et la variation de l’humidité est mise en évidence par la moyenne mensuelle de l’humidité des sédiments qui respecte le même rythme que le pH. La variation saisonnière de l’humidité du sol a des causes complexes. Elle dépend de conditions atmosphériques comme les précipitations, le vent, I’ensoleille- ment et la température moyenne. Pendant les mois de l’été austral (décembre à mars), l’humidité du sol augmente non seulement par temps couvert lors des précipitations, mais aussi du fait que les bas- ses pressions atmosphériques élèvent le niveau moyen de la mer et favorisent les inondations par les grandes marées.

Les variations rapides du pH se présentent toujours comme une élévation suivie d’un retour plus ou moins rapide à la normale. Elles coïncident soit avec les inondations de la zone hypersaline par les marées (pH dépassant 7), soit avec les périodes de précipitations. Les pics de pH supérieurs à 7 coïncident avec des grandes marées venues inonder le marais et atteignant les électrodes per descen- suez. De tels pics se sont produits cinq fois en dix mois et couvrent une période de dix jours. La montée du pH, quasi instantanée, est suivie d‘un retour très rapide à la valeur qui régnait avant I’in- vasion marine, retour achevé en trois à cinq jours (Fig. 78). Ce retour rapide au pH normal montre que l’immersion par l’eau de mer n’est pas suffisante pour modifier durablement le pH en profon- deur dans le marais. Seule la couche superficielle, crevassée par les fentes de dessication, est tempo- rairement affectée. En saison sèche, les pluies sont immédiatement suivies d’une montée progressive du pH, qui se poursuit deux à quatre jours avant que le pH ne redescende vers la valeur imposée par le taux moyen d’humidité correspondant à la saison. Les hauteurs des précipitations quotidiennes sont indiquées au bas de la figure 78. Les précipitations de 10 mm et plus par jour coïncident exac- tement avec un point bas du pH, suivi d’une élévation de 0,l à 0,4 unité et davantage (ex. 20 octo- bre, 10 novembre et Ier octobre 1962). En saison humide, l’élévation de pH consécutive aux averses est précédée d’une légère baisse de courte durée. Celle-ci peut s’expliquer par la charge chimique que prend l’eau d’infiltration avant d’atteindre la nappe et les électrodes de mesure. L’eau suspendue de la zone d’aération du sol est forcément un peu plus acide que celle de la nappe. Lors d’une averse, cette eau est entraînée vers la nappe et ce n’est qu‘ensuite que les conditions d’engorgement hydri- que aboutissent à une élévation du pH.

Les variations saisonnières du pH comme les variations à courte période montrent que le pH est lié aux conditions d’humidité du sol. Le système réagit non seulement aux effets de la sommation des averses mais aussi à chaque averse individuelle par une élévation du pH. La sécheresse entraîne la diminution du pH. Par leur ordre de grandeur, les variations du pH à courte période se rapprochent

Page 192: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

188 Frédéric

BAL TZER

suo!,e,!

E E

8.; -

-4 .<. ::

PV

e

II .,.a../ . ..:;:; ::i:::::’

-1 .::::;:;e::: .e:;:;:

*..1.1.*. . . . . . . . ..I!.!!!.!

Page 193: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

1 es facteurs de diagenèse 189

beaucoup de la variation saisonnière : 0,l à 0,8 unité contre 1,l. Des mesures continues sont in- dispensables pour obtenir une bonne corrélation avec les conditions météorologiques variables de Nouvelle Calédonie. Sous le climat plus régulier de la Casamance, Vieillefon (1974) a mis en évi- dence une variation saisonnière de pH comparable dans les tannes.

Page 194: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

191

Chapitre VIII

Les dégradations diagénétiques

Les transformations diagénétiques des sédiments des marais maritimes de la Dumbéa, liées prin- cipalement aux accumulations de matière organique des mangroves sont de deux types : des dégrada- tions et des agradations minérales. La première dégradation affecte la matière organique elle-même, principalement sous l’influence des bactéries sulfato-réductrices. Dans le milieu très réducteur ainsi formé, la réduction des sulfates de l’eau interstitielle libère de l’hydrogène sulfuré en même temps que la matière organique évolue en matières humiques. Les éléments ferrugineux et I’antigorite arra- chés au bassin versant sont instables dans ces conditions et se dégradent par étapes. Les hydroxydes de fer se dissolvent en dégageant les minéraux inclus dont certains, comme I’antigorite, se dégradent et disparaissent à leur tour. La fraction bioclastique des sédiments de mangrove, silice des Diatomées et calcaire des mollusques est également dissoute. Ces réactions modifient radicalement et très vite la composition des eaux interstitielles en même temps qu’elles modifient les proportions relatives entre les minéraux. De plus, du fait que l’eau interstitielle se déplace, ces réactions sont à l’origine d’un transport de certains éléments dont la silice est le plus remarquable.

DEGRADATION DE LA MATIERE ORGANIQUE

DEGRADATION DE LA MATIERE ORGANIQUE ET REDUCTION DES SULFATES

La dégradation de la matière organique des sols de mangrove par des bactéries réductrices abou- tit à la réduction en H$i des sulfates de l’eau interstitielle, la réduction pouvant être totale (Lafond,

Page 195: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

192 Frédéric BAL ?ZER

1967). A cette réduction sans assimilation du soufre par les bactéries, dite «dissimilatoire>, s’ajoute une réduction «assimilatoire» par laquelle les végétaux supérieurs de la mangrove peuvent réduire les sulfates de l’eau interstitielle pour la synthèse de leurs protéines (Postgate, 1972). La dégradation bactérienne du lactate en acétate peut être prise comme exemple de réaction fournissant l’énergie nécessaire à la réduction dissimilatoire des sulfates de l’eau de mer en sulfures

2 CH3CH(OH)COO - + S04’- + 2 CH3COO- + 2 CO2 + 2 l-j20 + S2-

Cette formule montre que le renouvellement des sulfates ainsi que le départ du gaz carbonique et de l’hydrogène sulfuré produits sont indispensables pour que la réaction se poursuive durablement. Ceci suggère que les bactéries doivent être particulièrement actives dans la zone de recharge de la nappe centrale de la mangrove. C’est en effet une région où la matière organique est abondante et où le renouvellement des sulfates et l’enlèvement du gaz carbonique et de l’hydrogène sulfuré sont assurés par la circulation de l’eau interstitielle. Les dosages de sulfures montrent qu’il en est bien ainsi.

Les teneurs en sulfures des eaux interstitielles, évaluées par le dosage du soufre oxydable, sont maximales dans la région où les eaux fluvio-marines viennent recharger la nappe phréatique de la mangrove pendant le flot. Le soufre oxydable est dosé sous forme de sulfates après oxydation à l’air. Un traitement par H202 aurait probablement donné des valeurs un peu supérieures (Diemont W.H. et Wijngaarden W. van, 1975). La teneur en soufre oxydable, exprimée en sulfates atteint 25 g/l dans les eaux à faible chlorinité de la zone d’infiltration. Elle est 9 fois supérieure à la te- neur en sulfates de l’eau de mer (2,8 g/l) et 13 fois supérieure à la teneur d’une eau saumâtre de même chlorinité, ce qui traduit l’importance de la réduction bactérienne des sulfates.

Les Eh associés à cette intense réduction, voisins de 0, ne sont donc pas particulièrement bas. L’eau venant recharger la nappe dans la partie centrale de la mangrove apporte avec elle de I’oxygè- ne en solution, très vite consommé et surtout des particules ferrugineuses et des sulfates dissous, c’est-à-dire une charge non négligeable de composés oxydants. Sa présence s’oppose à une prédomi- nance totale des conditions réductrices. Les conditions de réduction sont vraisemblablement liées à des micro-sites au contact des débris organiques en décomposition, conformément aux observations de Kaplan et al. (1963) et de Rickard (1972).

Après avoir pénétré dans le sol de la mangrove par cette zone de sulfuration intense, l’eau in- terstitielle continue son parcours dans les sédiments riches en matière organique. Au cours de cet écoulement qui conduit l’eau de la nappe soit vers la Baie Hoff, soit vers le marais hypersalin, la ré- duction des sulfates est poussée à son terme et le Eh prend des valeurs fortement négatives. Suivant la direction prise, l’eau atteint ensuite soit les sédiments influencés par l’eau aérée de la baie, soit les sédiments oxydants du marais hypersalin. Dans les deux cas, les nouvelles conditions d’oxydoré- duction ramènent le Eh vers 0 puis vers des valeurs positives et l’oxydation des sulfures en sulfates, favorisée par des bactéries spécialisées, acidifie le milieu.

DEGRADATION DE LA MATIERE ORGANIQUE EN ACIDES HUMIQUES

Les acides humiques sont toujours présents dans les sols de mangrove. Vieillefon (1969) classe les sols à Rhizophora dans la catégorie des sols hydromorphes moyennement organiques, groupe hu- mique à gley salé et les sols à Avicennia dans la catégorie des sols hydromorphes humiques à gley.

Les sols des mangroves de Nouvelle Calédonie ne font pas exception. Les humates y sont abon- dants, surtout à la partie supérieure des accumulations de matière végétale (Baltzer, 1970), que ces accumulations soient le fait d’une mangrove vivante ou fossile. Cette concentration préférentielle à la

Page 196: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Les dégradations diagénétiques 193

partie supérieure des accumulations vient de ce que I’humification est un des éléments de la matu- ration des sols qui se produit sous l’influence d’une émersion du marais maritime (Pons L.J. et Mo- len W.H. van der, 1973). Les acides humiques des sols de mangrove donnent une coloration brune aux eaux des chenaux de marée. Ils ont un rôle important dans le cycle de la silice en favorisant le développement des Diatomées (Prakash et Rashid,, 1969) puis la dissolution diagénétique de leurs frustules (Baltzer, 1975). Les acides humiques doivent ce rôle à leurs propriétés de chélates qui in- terviennent également dans la géochimie du fer, du cobalt, du nickel et du vanadium (Gornitz, 1972).

DEGRADATIONS DIAGENETIQUES DE PARTICULES SEDIMENTAIRES

DISSOL UTION DES PAR TICUGES FERR UGINE USES EN MILIEU REDUCTEUR ET A CIDE

L’altération des silicates primaires des péridotites sur les hauteurs du bassin versant aboutit à la formation de pseudoparticules ferrugineuses que l’on retrouve dans les sédiments. Dans les sols des mangroves et dans les sédiments voisins, des cavités se creusent par dissolution à la surface des grains ferrugineux (ph. 18, 19 et 20, planche 6). La dissolution met en relief la structure en écailles du granule, ce qui donne un contour très irrégulier aux cavités. La dissolution est totale et n’est pas suivie de la précipitation d’un autre minéral : les cavités restent vides (ph. 19, planche 6). A un sta- de plus avancé, le fractionnement et la dissolution totale du grain interviennent.

Cette dissolution est assez importante pour modifier la répartition des teneurs en fer des sédi- ments. En fonction des conditions de pH et de Eh, le fer libéré est transporté avec l’eau interstitiel- le ou introduit dans une nouvelle structure minérale. Dans les sédiments à Eh intermédiaire et à pH acide qui font le passage entre les sols de mangrove anciens et les sédiments du marais hypersalin qui les recouvrent, toutes les conditions sont réunies pour une dissolution particulièrement active. Les conditions modérément réductrices et modérément acides, la présence d’acides humiques et d’au- tres composés organiques entretiennent une dissolution non suivie de recristallisation qui fait de cet- te zone la plus pauvre en fer des coupes étudiées (10 à 15 % - Fig. 79). Dans les sols de mangrove actifs, les composés ferrugineux sont dissous de façon encore plus énergique mais sont immédiate- ment repris sous forme de sulfures insolubles, ce qui empêche l’exportation du fer par l’eau intersti- tielle.

Dégagement de minéraux inclus dans les particules ferrugineuses

Les minéraux inclus dans les granules ferrugineux sont libérés par la dissolution. Sont ainsi dé- gagés le spinelle chromifère (chromite), le quartz, les silicates primaires des péridotites et I’antigorite, en particulier I’antigorite formant le maillage des cristaux de péridot et de bastite. La dissolution progresse au contact des grains de spinelle chromifère (ph. 21, planche 7), de quartz (ph. 23, plan- che 7) ou du maillage d’antigorite d’un grain de silicate magnésien des péridotites (ph. 25, planche 7). Elle aboutit, dans le sol de mangrove, à une libération totale des grains comme on peut le voir sur l’exemple d’un grain tétraédrique de ‘spinelle chromifére (ph. 22, planche 7).

Page 197: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

194 Frédéric BA L TZE R

FIG. 79 :TENEUR EN FER (FERREUX ET FERRIQUE) DES SÉDIMENTS DU DELTA, EXPRIMÉE EN % FEzO (TRANSECT III)

FIG. 80 : POURCENTAGE D’ANTIGORITE DANS LA FRACTION MINERALE DESSÉDIMENTS DU DELTA (TRANSECT Ill)

Page 198: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Les dégradations diagénétiques 195

FIG. 81 :GROSSEUR DU DIAMETRE MÉDIAN DANS LA FRACTION MINÉRALE DESSÉDIMENTS DU DELTA (TRANSECT Ill)

FIG. 82 :TENEUR EN PELITES (PARTICULES INFERIEURES A 40 /JM) DANS LA FRACTION MINERALE DESSÉDIMENTS DU DELTA (TRANSECT Ill)

Page 199: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

196 Frédéric BAL TZER

LES CLOISONNEMENTS D ‘ANTIGORITE ET LEUR DISSOL UTION

Les maillages d’antigorite des péridots et la bastite des enstatites sont dégages par la dissolution de leur gangue ferrugineuse. Après dégagement, ils sont attaqués par le milieu réducteur et les acides humiques de la mangrove et libèrent leur silice, leur magnésium et leur fer dans l’eau interstitielle.

Le dégagement du maillage d’antigorite des péridots et de la bastite donne des grains de forme extérieure amygdalaire ou sphéroïdale (ph. 27, planche 8) et de structure interne cloisonnée comme une éponge (ph. 29, planche 8). La couleur varie du brun rouge au gris sombre en passant par jaune miel et blanc. Les cloisonnés gris contiennent d’innombrables petits grains de pyrite. On les trouve dans certains sols de mangrove. Les cloisonnés sont fragiles et se désagrègent sous la pression d’une aiguille montée. La diffraction X confirme qu’ils sont composés d’antigorite pure emprisonnant le cas échéant un peu de pyrite. Certains cloisonnés ont conservé leur paroi extérieure (ph. 27, planche 8) sur laquelle on peut distinguer, au grossissement 10000, les fibres d’antigorite (ph. 28, planche 8). D’autres l’ont perdue, ce qui laisse apparaître leur structure en éponge (ph. 26, planche 8). Dans le cas de la bastite, les cloisons d’antigorite sont réparties en lamelles parallèles (ph. 32, planche 9).

L’antigorite, marqueur des sédiments hérités du bassin versant sur péridotites, disparaît au cœur des sédiments de mangrove. Au niveau du delta, les sédiments de la levée et du marais hypersalin en contiennent une proportion importante (10 à 20 %) qui diminue rapidement et s’annule dans la man- grove, par dissolution. Les sédiments de la bordure externe de la mangrove contiennent également de I’antigorite, mais celle-ci ne se retrouve pas dans les sols plus évolués de l’intérieur des marais (Fig. 80). Cette disparition ne résulte pas d’un triage .granulométrique.

L’effet du triage granulométrique sur la teneur en antigorite est réel, mais ne concerne que les tout derniers dépôts, dans lesquels on trouve plus d’antigorite dans les sédiments grossiers, moins dans les sédiments fins. Mais, à quelques décimètres de profondeur, voire dès la surface au coeur de la mangrove, toute corrélation disparaît. Les sédiments fins du marais hypersalin contiennent encore de I’antigorite, alors que les sédiments de mangrove de même granulométrie n‘en contiennent plus du tout (comparer la figure 80, répartition de I’antigorite, aux figures 81 et 82 donnant respectivement la répartition des médianes et la répartition des pourcentages de pélites des sédiments du transect Ill).

La dégradation de I’Antigorite commence en surface et se fait dans des conditions de pH faible- ment acide et de Eh modérément réducteur. Cette dégradation rapide confirme l’observation de Tres- cases (1973) suivant laquelle I’antigorite disparaît massivement dans les bas-fonds marécageux de l’in- térieur montagneux de l’île, où les conditions sont réductrices.

DISSOL UTION DES TESTS SILICEUX ET CALCAIRES

La sédimentation bioclastique de silice et de carbonate de calcium par l’intermédiaire des Diato- mées et des Mollusques enrichit notablement en ces Bléments les sédiments de la façade marine des marais dont la fraction terrigène est au contraire pauvre. Mais cette sédimentation bioclastique est très rapidement attaquée dans le milieu riche en matière organique des sols de mangrove. Ces dissolu- tions modifient profondément la composition des eaux interstitielles et nourrissent des néoformations ultérieures.

La participation des Diatomées à la teneur en SiO2 des sédiments peut être mise en évi- dence par les répartitions des teneurs totales en silice et silicates insolubles. Les sédiments d’origine purement terrigène, récemment déposés sur la levée ou sur le marais hypersalin sont les plus pauvres

Page 200: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Les dégradations diagénétiques 197

en silice de tout le transect (Fig. 83). Dans les sables de la levée, en surface, la teneur totale en si- lice et silicates insolubles n’est que de 50 %, ce qui est très faible pour un sable détritique. Environ la moitié de ce total correspond au quartz et aux silicates primaires des péridotites qui résistent à l’attaque perchlorique. L’autre moitié correspond à la silice amorphe, à I’antigorite, aux argiles et au talc, c’est-à-dire aux minéraux sensibles à l’attaque perchlorique. Dans les sédiments de la mangrove, la teneur totale en silice et silicates insolubles est plus élevée que dans les sédiments de la levée, de l’ordre de 60 % en surface. Ces teneurs sont indépendantes de la granulométrie des sédiments, que celle-ci soit exprimée par la médiane, la teneur en pélites ou le fractile 20 % des sédiments. Elles s’expliquent par la présence des frustules de Diatomées dans les sédiments intertidaux. Dans la zone pénéexterne des mangroves, caractérisée par les palétuviers de l’espèce Bruguieru gymnorhiza, la te- neur en silice totale et silicates insolubles atteint la valeur maximale trouvée pour des sédiments SU-

perficiels du transect, 62 %, par suite de l’abondance extrême des Diatomées dans les sédiments (Fig. 83). Le fait que ce maximum de teneur est dû aux frustules de Diatomées est confirmé par un maximum de teneur en silice attaquable dans la même zone végétale (Fig. 84).

La mise en solution de la silice soluble intervient dans la zone centrale de la mangrove qui est, pour cette raison, moins riche en silice totale et silicates insolubles que les autres zones de mangro- ves tout en restant plus riche que les sédiments terrigènes. La dissolution affecte non seulement les frustules des Diatomées, mais aussi des silicates fragiles telle l’antigorite, comme nous l’avons cons- taté par diffraction X et comme le montre la répartition des teneurs en silice soluble (Fig. 84). En effet, les sédiments de la partie centrale de la mangrove ne contiennent pas plus de silice soluble que ceux de la levée (20 à 25 %) alors que de nombreux restes de frustules montrent que ces sédi- ments ont reçu un apport supplémentaire de silice sous cette forme. Si cet apport de silice supplé- mentaire ne se répercute pas sur la teneur en silice soluble, c’est qu’une quantité équivalente à I’ap- port a été dissoute ultérieurement. Les traces de dissolution des frustules de Diatomées (ph. 89, planche 20) montrent que ces organismes ont fourni une partie de la silice prélevée, le reste ayant été prélevé sur I’antigorite.

Le calcaire des Mollusques fournit l’essentiel du calcium des sédiments superficiels du delta. La teneur en calcium des sédiments terrigènes de la levée reste inférieure à 0,25 %, alors que les sédiments des sols superficiels de la mangrove en contiennent près de 2 %, sauf dans la ré- gion centrale des mangroves qui se signale, cette fois encore, par des phénomènes de dissolution. Dans le cas du cérithidé TerebraZiu palusfris, la dissolution de la partie arrière de la coquille, au con- tact du sol est favorisée par les algues, mais surtout liée aux conditions chimiques du milieu (Philip- pon et Plaziat, 1975). La dissolution des coquilles dans les sols de mangrove est un phénomène géné- ral qui commence souvent du vivant des animaux et se poursuit après leur mort jusqu’à dissolution totale. De ce fait, la répartition du calcium montre une décroissance des teneurs de 2 % en surface à 0,lO % à 0,30 m de profondeur (Fig. 85). La dissolution est encore plus rapide dans la partie centrale des mangroves et la teneur en calcium est faible même en surface, bien que les mollusques n’y soient pas plus rares qu’ailleurs. Dans cette région, la dissolution précède l’enfouissement.

La mise en solution du calcium se fait aux dépens non seulement des coquilles des Mollusques, mais aussi de certains minéraux terrigènes. En effet, les sédiments les plus pauvres en calcium, au cœur des sols de mangrove, n’en contiennent que 0,lO %, soit la moitié de la teneur dans les sédi- ments terrigènes de la levée et du marais sursalé.

CONSL?QUENCES ET Ml?CANISMES DE LA DISSOL UTION

La dissolution de I’antigorite,des frustules de Diatomées et des coquilles de Mollusques inter- vient systématiquement dans les sols riches en matière organique et particulièrement dans la zone

Page 201: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

198 Frédéric BAL TZER

FIG. 83 :SILICE TOTALE ETSILICATES INSOLUBLES PAR ATTAQUE PERCHLORIQUE DANS LA FRACTION MINÉRALE DES SÉiIlMENTS DU DELTA (TRANSECT III)

FIG. 84 :SILICE SOLUBLE PAR ATTAQUE PERCHLORIQUE DANS LA FRACTION MINÉRALE DESSÉDIMENTS DU DELTA (TRANSECT III)

Page 202: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Les dégradations diagéné tiques 199

.:+ r::. rz.sss~>>> .x.p. F . . . . . . . . . . J-J I”F&CUf a o.zoQ. . :.:.:.:.>*.. .v.~.~.~.:.:.:.~.~ . .- ,:.:.p+. m 0.2.0 ri 0.25 % yJ...:.:+:. .s.:.:.:.: ,................ :.:+:.:.y :.:.::.:.:.:.:.:.:.:.:.:.:

r/

m 0.25 0 0.50 % :~::y?::~~::::~.::::: ::.;:::~:~::~:::::::::

FIG. 85 :TENEUR EN CALCIUM (EXPRIMEE EN Ca0 %) DANS LA FRACTION MINERALE DES SÉDIMENTS DU DELTA (TRANSECT iii1

FIG. 86 :SILICE EN SOLUTION (EN PPM) DANS LES EAUX INTERSTITIELLES DESSEDIMENTS DU DELTA (TRANSECT Ill)

Page 203: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

200 Frédéric BAL TZER

centrale des mangroves où s’infiltrent les eaux qui viennent réalimenter la nappe phreatique. La disso- lution a pour conséquence une élévation des teneurs des eaux interstitielles en silice, magnésium et calcium dans les zones OU les dissolutions sont actives. Cette élévation des teneurs, très sensible mal- gré le renouvellement des eaux, est une nouvelle preuve de la réalité des dissolutions. Les mécanis- mes de dissolution sont tous liés à la richesse en matière organique des sols de mangrove et aux dé- gradations bactériennes. Les agents principaux de dissolution sont les acides humiques, le caractère ré- ducteur du milieu, les anhydrides sulfureux et carbonique et les bactéries elles-mêmes.

Comme conséquence de la dissolution, la lentille d’eau sous-salée résultant de I’in- filtration de la strate superficielle des eaux fluvio-marines ainsi que des eaux des crues et des précipi- tations se charge en silice, en magnésium et calcium. Les teneurs maximales, de l’ordre respective- ment de 200 ppm, 3,5 g/l et 0,6 g/l, sont très largement supérieures à celles d’une eau de mer de concentration normale : 2 ppm, 1,3 g/l et 0,4 g/l. Ces teneurs sont également très supérieures à cel- les des eaux douces susceptibles de s’infiltrer, même pour la silice qui ne dépasse pas 12 ppm dans les eaux de la Dumbéa. La richesse de l’eau interstitielle en silice, magnésium et calcium ne peut donc résulter que de l’attaque de la fraction minérale ou des restes organiques, siliceux ou calcaires contenus dans le sol de la mangrove. Étant associée à une eau diluée, elle ne peut résulter d’une con- centration. Ceci confirme la dissolution de I’antigorite, des frustules de Diatomées et des coquilles de Mollusques. II s’y ajoute la dissolution des particules ferrugineuses et celle des smectites en traces. L’association des fortes teneurs en silice avec les eaux interstitielles diluées est mise en évidence par comparaison des figures 86 et 74.

Les mécanismes des dissolutions sont tous liés à la présence de matière organique. La mise en solution de la silice est favorisée par la présence des acides humiques (Baltzer, 1970). Les acides humiques se comportent comme des chélates naturels (Gornitz V., 1972) susceptibles d’empê- cher le fer et l’aluminium de former une couche superficielle insoluble sur les frustules des Diatomées (Baltzer, 1974,a). Lewin (1960) a montré que la dissolution des frustules des Diatomées est inhibée par la présence de fer ou d’aluminium en solution, par formation d’une pellicule insoluble, mais rede- vient possible en présence d’un chélate (E.D.T.A.). De nombreuses observations montrent que les aci- des humiques ont une action comparable soit sur les Diatomées, ainsi que nous venons de le voir, soit sur des argiles montmorillonitiques dans des sapropèles de Méditerranée Orientale (Chamley, 1971), soit enfin sur I’antigorite dans les sédiments tourbeux des bas-fonds marécageux intramonta- gneux de Nouvelle Calédonie (Trescases, 1973).

Les dégradations bactériennes de la matière organique des mangroves sont responsables de I’es- sentie1 des dissolutions en étant les agents de la formation de I’humus, de la réduction du milieu par transformation de S042- en S2- et de la formation de gaz carbonique et enfin peut-être, en atta- quant directement certaines argiles. L’activité de Sporovibrio dendfuricans produit .S2- par réduction des sulfates de l’eau de mer en même temps que la dégradation de la matière organique dégage du gaz carbonique. La vie de ces bactéries est favorisée par le renouvellement des sulfates et de la ma- tière organique, ce qui explique leur importance dans la zone centrale de la mangrove. Les conditions réductrices conduisent à une dissolution rapide des produits ferrugineux d’origine terrigène, ce qui a généralement pour effet de libérer-une certaine quantité de silice adsorbée sur les particules. La ré- duction artificielle des produits ferrugineux libère d’importantes quantités de silice et augmente consi- dérablement la mise en solution de la silice dans l’eau (Weaver, Syers et Jackson, 1968). Dans les mi- crosites des sols de mangrove, le milieu très réducteur impose une reprise rapide du fer sous forme de sulfures, si bien que le fer n’est plus disponible pour des néoformations silicatées, ce qui rend compte des fortes teneurs en silice des eaux interstitielles associées.

La production bactérienne de CO2 et de S2- ainsi que d’acides organiques faibles provoque la dissolution du calcaire et augmente la réserve alcaline des sols de mangrove. Dans les sols de mangro-

Page 204: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Les dégradations diagénétiques 201

ve étudiés, la teneur en Ca++ de l’eau interstitielle est toujours supérieure à 0,4 g/l, soit 10 mmoles /I, teneur de l’eau de mer, sauf dans la mangrove interne, au contact du marais hypersalin où la dis- solution du calcaire élève cette teneur jusqu’à 20 mmoles/l. Dans le sédiment, perte au feu déduite, la répartition générale du calcium est liée à celle des pH. La partie des sédiments dont la teneur en Ca0 est inférieure à 0,25 % reproduit la forme d’ensemble de la zone des pH inférieurs à 7,0, ce qui confirme le rôle des dissolutions. Seule, la partie superficielle des sédiments de mangrove fait ex- ception parce que la dissolution n’y est pas achevée (comparer, Fig. 85, répartition du calcium dans les sédiments, et Fig. 76, répartition du pH sur le transect Ill).

L’alcalinité ou réserve alcaline, somme.des acides faibles, exprimée en milliéquivalents par litre (méq/l), est très élevée dans les eaux interstitielles des sols de mangrove, mais difficile à évaluer avec précision en raison de la diffusion rapide de ses principaux facteurs, CO2 et H2S. Les principaux ions participant à la réserve alcaline sont en effet l’ion bicarbonate C03H- et l’ion SH- (Rivière et Vernhet, 1964), auxquels s’ajoutent les acides organiques (notamment humiques) et même les sucres (Trichet, 1967). La valeur médiane du pH des sédiments de mangrove, 6,7, est très faible pour une eau initialement marine et suggère une réserve alcaline élevée, car I’alcalinité augmente lorsque le pH diminue (Rivière et Vernhet, 1964 ; Thorstenson et Mackenzie, 1974). Les teneurs en C03H- confir- ment l’idée d’une réserve alcaline élevée, puisqu’elles s’élèvent jusqu’à 14 méq/l, ce qui donne la li- mite inférieure de la réserve alcaline des eaux correspondantes. A titre de comparaison, I’alcalinité des eaux interstitielles des sédiments d’un lagon des Bermudes varie de 2 à 12 méq/l dans les 80 premiers centimètres et atteint 25 méq/l entre 5 et 8 m (Thorstenson et Mackenzie, 1974). La réser- ve alcaline élevée des eaux interstitielles des mangroves aboutit à des précipitations de carbonates dès que l’eau se concentre par évaporation vers le marais hypersalin.

La dégradation directe des argiles par des bactéries a été démontrée in vitro (Dolovskaia et Remizov, 1972) dans des conditions d’aérobiose. La montmorillonite serait cinq fois plus sensible à cette dégradation que la kaolinite. Une attaque de ce type est possible dans les sédiments superficiels et dans les sédiments du marais hypersalin.

Conclusion

Malgré la circulation de la nappe phréatique faisant de la mangrove un milieu ouvert, les dégra- dations minérales s’y traduisent par des augmentations de la concentration en certains ions qui peu- vent plus que décupler les concentrations de l’eau de mer ou de l’eau fluviomarine initiale. Dans le cas de I’antigorite, la disparition du minéral mise en évidence par diffraction X, s’accompagne de la mise en solution de la silice et du magnésium et d’une diminution corrélative de leurs teneurs dans les sédiments. L’influence des actions bactériennes utilisant l’énergie de dégradation de la matière or- ganique des sols de la mangrove est déterminante. Les eaux les plus concentrées en ions arrachés aux structures minérales ou bioclastiques sont les eaux de la lentille sous-salée correspondant à la rechar- ge de la nappe phréatique (mangrove centrale). C’est le lieu des attaques les plus actives. De là, les concentrations de ces ions diminuent alors que la salinité d’ensemble augmente sous l’effet de I’éva- poration ou de la diffusion des sels. Cette diminution montre que les ions sont repris pour de nou- velles structures minérales que nous examinerons maintenant.

Page 205: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

203

Chapitre IX

Néof ormations et croissances cristallines

Les néoformations et les croissances cristallines qui se manifestent dans les sédiments actuels du delta de la Dumbéa sont le résultat, immédiat ou retardé, des dégradations organiques et minéra- les des sols des mangroves. Le matériel originel de ces phénomènes vient en grande partie des sédi- ments et des ions apportés par les eaux douces du bassin versant. L’intervention des conditions d’oxydoréduction et du pH est aussi déterminante que pour les dégradations minérales, mais il s’y ajoute l’intervention des phénomènes d’oxydation, de concentration et de diffusion liés à I’évapora- tion qui règne dans le marais hypersalin.

Les néoformations de sulfures sont évidemment liées à des conditions fortement réductrices, mais celles-ci peuvent affecter soit la masse du sédiment, soit seulement des «micro-sites» au contact de débris organiques. La silice de l’eau interstitielle nourrit la croissance de cristaux de quartz dans des conditions qui peuvent être réductrices ou oxydantes, alors que dans les conditions intermédiai- res de Eh, elle participe, avec le fer, à la formation de nontronite. Le transport d’ions à l’origine de la croissance de ces minéraux est assuré par la circulation des eaux interstitielles induite par I’évapo- ration dans le marais hypersalin. La concentration qui en résulte, associée à l’oxydation dans les sé- diments en cours de dessication, est à l’origine de la formation des hydroxydes de fer donnant des manchons autour des racines d’Avicennia et une imprégnation diffuse dans le sédiment environnant. La concentration évaporatoire en présence de sédiments riches en matière organique, surtout d’origi- ne animale, aboutit parfois à la formation de dalles carbonatées ou de nodules.

Page 206: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

204 Frédéric BAL TZER

NEOFORMATIONS DE SULFURES

LES SULFURES PRÉSENTS

Le sulfure le plus abondant est la pyrite qui prend naissance dans les sédiments de mangrove à partir du fer libéré par la dissolution des hydroxydes ferriques hérités du bassin versant. La réduc- tion bactérienne des sulfates de l’eau interstitielle fournit l’ion sulfure en quantité pratiquement iné- puisable, limitée seulement par les conditions de vie des bactéries. La pyrite n’est pas le premier sul- fure de fer formé lors de la réduction de matériel ferrugineux. Parmi les formes minérales qui appa- raissent avant elle, j’ai pu mettre en évidence la greigite (Fe3S4). Par ailleurs, j’ai trouvé du sulfure de nickel aciculaire en efflorescences microscopiques en forme d’oursin, dans les cavités de grains d’antigorite cloisonnés.

La pyrite des sols de mangrove de la Dumbéa se trouve soit sous forme de cristaux cubi- ques isolés, soit en groupements allant de la simple grappe diffuse au framboide, au pyritosphère ou aux ensembles maclés. Elle peut être incluse dans la masse du sédiment ou enfermée dans les loges des grains cloisonnés d’antigorite. Les cristaux de pyrite isolés sont souvent octaédriques et ont un diamètre moyen de 0,5 à 5 prn (ph. 36, planche 10). Les octaèdres sont fréquemment groupés en amas diffus sur des débris organiques en décomposition (ph. 39, planche IO), mais on trouve aussi des grappes mieux organisées (ph. 40, planche 10). Les cristaux peuvent être maclés (ph. 41, plan- che 10). Les framboïdes et les pyritosphères sont les groupements de cristaux de pyrite les plus res- serrés. Les cristaux cubiques, de 1 prn de côté, parfois moins, s’associent pour former une sphère ou une framboise dont la surface extérieure se présente comme un pavage de cubes ou d’octaèdres de pyrite juxtaposés (ph. 42, 43 et 44, planche 11). Les diamètres extrêmes des framboïdes examinés ici vont de 5 à 22 prn, le diamètre médian étant de 7 pm. Les octaèdres et les cubes élémentaires de ces structures sont généralement nettement séparés, mais peuvent aussi présenter des interpéné- trations complexes (ph. 47, planche 12). Les pyritosphères elles-mêmes s’associent parfois en triades (ph. 47, planche 12) à éléments interpénétrés.

La pyrite est présente en abondance dans les alvéoles de certains grains cloisonnés d’antigorite, sous forme de cristaux automorphes octaédriques maclés (ph. 33, planche 9, détail de ph. 30, plan- che 8). Sous l’influence de la gravité, la pyrite se répartit sur le fond des cavités (croissance géopè- te). Des agrégats de cristaux plus petits remplissent les vides entre les cristaux plus grands. L’examen de sections polies de grains cloisonnés montre que la pyrite s’est développée jusque dans les cavités internes (ph. 34, planche 9, et scanning de répartition du soufre, ph. 35, planche 9). L’orientation de la face tapissée de cristaux de pyrite est la même pour toutes les cavités d’un grain, à quelques exceptions près, ce qui montre que le grain est resté immobile pendant toute la durée de formation du sulfure. Les déplacements occasionnels provoqués par les organismes fouisseurs sont la cause des exceptions. La teinte grise de certains grains cloisonnés est vraisemblablement due à la présence de pyrite en très petits cristaux. Ces grains ont des cloisons internes très fines en cours de dégradation (ph. 29, planche 8). La pyrite de ces cloisonnés a pu être mise en évidence par diffraction X (F. Mélières).

Les efflorescences en oursin de sulfure de nickel aciculaire (ph. 31 et 31’, planche 9) sont contenues dans les alvéoles de grains cloisonnés d’antigorite à parois fines, de couleur extérieu- re grise. Les efflorescences ont 5 prn de diamètre moyen, et les baguettes, 0,l prn environ. De la pyrite est associée à ces cristaux

Page 207: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Néoformations et croissances cristallines 205

La Greigite, thio-spinelle de fer de formule Fe3S4 (Skinner et al., 1964), forme des balles de 5 prn de diamètre, à la surface desquelles on ne peut distinguer aucune structure (ph. 37, plan- che 10, et ph. 48, planche 12). D’après Sweeney et Kaplan (1973), ce minéral serait une étape dans la formation de la pyrite en pyritosphères à partir de la mackinawite (FeSO g). La comparaison de nos électromicrographies (ph. 37 et 38, planche 9, et ph. 48, planche 12) abec celles des auteurs et la composition chimique qualitative semble bien confirmer la présence de Greigite dans les sédiments des mangroves de la Dumbéa.

Dans certains cas, la présence de petits octaèdres de Pyrite sur une sphère de Greigite suggère la possibilité d’un passage de la Greigite à la Pyrite en pyritosphères (ph. 48, planche 12). Cette in- terprétation est en accord avec les observations de Sweeney et Kaplan (1973).

LE MODE DE FORMATION DES SULFURES METALLIQUES ET SES CONSÉQUENCES

L’activité des bactéries sulfata-réductrices du sol de mangrove bloque sous forme de sulfures le fer et les métaux de transition libérés par la dissolution de I’antigorite et des hydroxydes de fer hé- rités du bassin versant latéritique. Le départ de la silice mise en solution simultanément aboutit à un enrichissement relatif en fer dans la partie où ces mécanismes sont les plus actifs, la région de la mangrove où se réalimente la nappe. L’apport de particules sédimentaires fines avec les eaux rechar- geant la nappe peut compléter l’enrichissement relatif en fer par un enrichissement absolu. II en résul- te un noyau à concentration maximale en fer centré sur la zone de pénétration des eaux réalimen- tant la nappe (Fig. 79). La teneur en fer y atteint 33 % contre 25 à 30 % dans les sédiments terri- gènes latéritiques des levées.

Les travaux sur la genèse des sulfures de fer à la température ordinaire (Rickard, 1969) et dans les sédiments marins (Sweeney et Kaplan, 1974) montrent que les composés les plus réducteurs se forment les premiers. Le premier composé libéré par la réduction bactérienne des sulfates des eaux marines et saumâtres est l’hydrogène sulfuré (Postgate, 1972) qui se lie au fer sous forme de minéraux à composition voisine des monosulfures, comme la Mackinawite (FeSO g2 à FeSO g6 ; Clark, 1966) et la Pyrrothine hexagonale (FeSI o7 à FeS, ,, ; Taylor, 1970). ces expériences de laboratoire et l’observation in sitzt montrent gué ces minéraux fortement réducteurs et instables pas- sent à la Greigite (Fe3S4) puis à la Pyrite (FeS2) par addition de soufre, ce qui revient à une oxy- dation ménagée. D’après Boulègue (1974), les polysulfures sont les intermédiaires indispensables de cette oxydation ménagée. Ces composés dissous, de forme Sn2- sont fortement réducteurs si n = 2, et plus faiblement réducteurs si n = 5 ou 6. Ils sont formés en même temps que du soufre S8 par oxydation de l’hydrogène sulfuré.

Les conséquences de la néogenèse de sulfures à partir des sulfates dans ces milieux riches en matière organique sont nombreuses et importantes. Suivant l’expression de Chantret (1973), elle se traduit par le transfert précoce, au début de la diagenèse des sédiments, d’une partie ou de la totali- té du pouvoir réducteur (ou stock réducteur) de la matière organique aux sulfures de fer. Ce trans- fert semble être la condition sine qua non des concentrations uranifères de type ((roll)) (Granger et Warren, 1969). La possibilité de ces concentrations se vérifie dans les sédiments des mangroves ac- tuelles de Casamance (Vieillefon, 1974). Les polysulfures, systématiquement présents dans ces envi- ronnements, déterminent les conditions chimiques. Ils assurent la réversibilité des conditions rédox, stabilisent la matière organique et modifient la solubilité des éléments métalliques susceptibles de précipiter sous forme de sulfures (Boulègue, 1974). Par modification de la teneur en soufre, les po- lysulfures jouent le rôle de tampons d’oxydoréduction. Cette mise en réserve du pouvoir réducteur de la matière organique permet la rétention d’éléments métalliques comme le fer et le nickel. Le ca- ractère réversible des réactions rend possible une alternance de phases de croissance minérale et de dissolution, visible sur certains cristaux de pyrite (ph. 50, planche 12).

Page 208: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Frédtzkic BAL TZER

NËOFORMATION DE QUARTZ

LA NÉOFORMATION DE QUARTZ peut être mise en évidence dans les sédiments du delta de )a Dumbéa par les caractères microscopiques et exoscopiques des cristaux et par leur répartition quanti- tative (diffractométrie X et analyse chimique). Le Quartz du sable hérité du bassin versant qui se dépose sur les levées est relativement peu abondant, puisqu’après séparation au bromoforme, la frac- tion légère n’est pas plus volumineuse que la fraction lourde. Cette relative rareté favorise la mise en évidence des néoformations. Les sédiments du delta contiennent à la fois du Quartz d’origine érup- tive et du Quartz authigène, les deux étant parfois associés en un même cristal.

Les Quarts d’origine éruptive ont une forme arrondie et une surface dépolie. Ils sont hérités des grès du Crétacé. Leur origine éruptive est prouvée par des inclusions fluides biphasées dont la bulle gazeuse ne disparaît qu’à température élevée (C. Sabouraud). A leur périphérie, ces cristaux sont dépourvus d’inclusions ou bien présentent des inclusions monophasées qui révèlent une croissan- ce cristalline ultérieure. Au M.E.B., on peut voir que l’état de surface dépoli correspond à un dépôt de silice en gouttes irrégulières qui ne s’organisent pas en faces cristallines homogènes. Les arêtes (ph. 51 et 52, planche 13) et les dépressions des cristaux (ph. 53, planche 13) sont enrobées de cet- te silice en plots qui révèle un début d’accroissement. L’organisation commençant en faces cristalli- nes est perceptible sur certains côtés des cristaux (ph. 54, planche 13) mais reste limitée à de peti- tes surfaces triangulaires, comme si au-delà d’une certaine dimension, le réseau du Quartz nouvelle- ment déposé s’accordait mal avec le réseau du Quartz originel. Cela ne doit pas surprendre, le recou- vrement actuel se faisant à la température ordinaire sur un matériel provenant de roches éruptives consolidées à haute température.

LES QUARTZ AUTHIGENES sont extérieurement limpides et ne présentent pas ou peu d’inclusions fluides. Lorsqu’elles existent, les inclusions fluides sont très petites et monophasées. Qn trouve aussi des inclusions de matière brune, probablement végétale, au coeur de Quartz bipyramidés. La morpho- logie des Quartz authigènes est très variable puisqu’en plus des cristaux bipyramidés, on trouve des cristaux automorphes irréguliers et des cristaux aux formes contournées, aux inclusions nombreuses, remplaçant des minéraux antérieurs. De petits cristaux automorphes peuvent aussi être réunis en grains polycristallins. Les divers types de cristaux ne se répartissent pas au hasard, les cristaux indi- viduels sont liés aux sols de mangrove alors que les grains polycristallins sont associés aux sols des marais hypersalins.

Le Quartz authigène en prismes bipyramidés semble caractériser les sédiments de la mangrove à Avicennia (ph. 55, planche 13). La longueur suivant l’axe c est de quelques dixièmes de mm (0,36 mm pour le cristal de la photo 55). A l’intérieur de ces cristaux, des formes cristallines correspondant à des stades antérieurs de la croissance sont visibles au microscope optique. Des inclu- sions brunâtres, fibreuses, probablement formées de matière végétale, suggèrent une croissance in situ (observation de C. Sabouraud). Cette hypothèse est confirmée par l’examen exoscopique au M.E.B. qui révèle l’absence totale d’usure ou de chocs mécaniques, même aux points les plus exposés com- me le sommet d’une pyramide ou’d’un trièdre (ph. 56 et 57, planche 14).

Le (9uartz automorphe complexe, à facettes cristallines bien exprimées, tend, semble-t-il, vers la réalisation de prismes bipyramidés, mais avec des défauts qui ont l’intérêt de montrer les mo- dalités de la croissance (ph. 62, planche 15). Ces cristaux ont des formes irrégulières typiques, avec des faces agencées en dièdres et en trièdres sortants et rentrants, avec des espaces intermédiaires en gradins et en coulées de silice. Les limites de faces qui ne constituent pas une arête du prisme bipy- ramidé en formation sont typiquement limitées par des gradins ou par des coulées de silice (ph. 62,

Page 209: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Néo formations et croissances cristallines 207

planche 15). Certaines faces en cours de développement peuvent être complètement entourées de tels gradins (ph. 58, 59 et 60, planche 14). A fort grossissement (3000), on peut voir que les gra- dins sont constellés de gouttes de silice (globules siliceux et fleurs de silice rudimentaires, suivant la terminologie de Le Ribault, 1975). De tels globules sont caractéristiques d’un accroissement cristallin. Plus caractéristique encore d’un accroissement cristallin est la présence de coulées de silice dans le prolongement de certaines faces incomplétement développées (ph. 63, planche 15). Cette disposition indique le passage progressif de la silice en coulées aux gradins puis aux faces parfaites (ph. 64, plan- che 15). L’interprétation de Le Ribault (1975) suivant laquelle la silice en coulées est amorphe et se transforme ultérieurement en Quartz est en parfait accord avec ces observations. Ce type de croissan- ce en placages est très semblable aux cristallisations décrites par J.P. Michel sur des grains de quartz triasiques (Michel, 1974).

Le Quartz authigène de forme quelconque correspond soit à des cristaux à croissance imparfaite, soit à des remplacements de minéraux différents. Sur les Quartz à croissance imparfaite (ph. 65, planche 15), on reconnaît des coulées de silice amorphe qui déterminent de grandes faces imparfaitement planes, au contour sinueux. Sur ce contour, des apophyses séparent des golfes qui préfigurent des lacunes de cristallisation (ph. 66, planche 15).

Les lacunes de ce type de Quartz peuvent contenir de la Pyrite, FeS2. Sur un même cristal, on peut observer, en section polie, le contour sinueux et les lacunes de cristallisation dont une cen- trale et une série de lacunes périphériques (ph. 67, planche 16). La lacune centrale et le golfe pro- fond du côté gauche du grain contiennent de la pyrite, mise en évidence par le ctscanning» du soufre (ph. 68, planche 16).

Les Quartz de remplacement correspondent soit au remplacement de grains cloisonnés d’Antigo- rite dont la forme générale, les lacunes et les inclusions de Pyrite sont conservées, soit au remplace- ment de minéraux divers encore partiellement présents et reconnaissables dans des grains composites. Dans les Quartz de remplacement du premier type, de grandes lacunes contiennent de petites masses cubiques de pyrite, mises en évidence par le scanning du fer et du soufre (ph. 69, 70 et 71, planche 16). De même que la Pyrite est répartie sur une seule face dans les vacuoles des grains cloisonnés d’Antigorite, elle tapisse une seule face des lacunes du Quartz, suivant une position géopète. La pré- sence de cristaux de Quartz associés à des grains cloisonnés d’antigorite et à de la Pyrite (ph. 73, planche 17) marque peut-être le commencement du processus conduisant au remplacement complet. Le remplacement partiel de Feldspath et d’hydroxyde de fer par du Quartz est mis en évidence par des grains composites avec un contact très sinueux de la partie quartzeuse recoupant au hasard les structures des minéraux antérieurs. Sur I’électromicrographie (ph. 74, planche 17) d’une section polie d’un tel grain composite, le Quartz est à la partie inférieure.

Les Quartz automorphes en grains polycristallins sont associés aux sédiments de la le- vée et du marais hypersalin dans sa partie la plus proche du chenal de la Dumbéa (Baltzer et Le Ri- bault, 1971). Les individus automorphes constituant ces grains polycristallins sont limpides, ne con- tiennent pas de fer et leurs facettes sont totalement exemptes de traces de choc, de même que leurs ar&es et leurs sommets (ph. 75 et 76, planche 18). La longueur moyenne des individus automorphes est de l’ordre de 5 prn, mais ils peuvent atteindre 30 pm. Certaines plages des grains polycristallins ne contiennent pas de cristaux mais des coulées de silice amorphe qui s’organisent localement en Quartz (ph. 77, planche 18). A d’autres endroits, le contact avec les grains voisins du sédiment a em- pêché le développement des individus automorphes (ph. 78, planche 18) de la périphérie. La même micrographie montre que le développement des grains individuels peut être plus ou moins parfait.

Page 210: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Frtidéric BAL TZER

L’ASPECT DES QUARTZ AUTHIGENES VARIE AVEC LEUR LOCALISATION. Le Quartz mo- nocristallin se trouve dans la mangrove et, secondairement, dans la partie du marais hypersalin qui borde la mangrove. Les grains polycristallins proviennent de la levée et de la partie du marais hyper- salin bordant celle-ci. Dans la mangrove, la grosseur des plus gros Quartz trouvés en chaque point du transect semble augmenter avec l’âge du marais, suggérant que les grains des parties les plus ancien-l nes du marais sont devenus plus gros parce qu’ils ont eu plus de temps pour se développer. La taille des cristaux augmente de la zone externe des mangroves, zone jeune, vers la zone interne, la plus âgée. Cette répartition dimensionnelle n’est pas du tout le résultat du tri granulométrique qui vou- drait que les grains les plus petits fussent dans la zone pénéinterne (cf. chap. VI). Le nombre des mesures est insuffisant pour que ces observations soient statistiquement démontrées, mais elles sont remarquablement confirmées par le degré de perfection des cristaux. Les cristaux de la zone interne (mangrove à Avicennia) sont les plus proches de la perfection, atteignant communément le stade du prisme bipyramidé. Les cristaux de la zone centrale de la mangrove (zone mixte à Bruguiera et Rhi- zophora) tendent vers cette forme mais avec de multiples lacunes superficielles et des angles arrondis (c$ ph. 55, planche 13 pour le Quartz automorphe en prisme dipyramidé, et ph. 79 et 60, planche 18 pour les Quartz imparfaits de zone centrale).

Les monocristaux des marais hypersalins sont encroûtés par de la silice amorphe et n’atteignent pas l’automorphie. Les grains ayant atteint l’automorphie dans un stade antérieur de leur évolution semblent même se dégrader (ph. 81 et 82, planche 19).

Les grains polycristallins sont présents dans les sédiments du marais hypersalin et dans les sédi- ments de la levée. Dans les grains polycristallins du marais hypersalin, les cristaux de Quartz indivi- duels sont incomplètement formés, donnant au mieux des pointements de trièdres d’une dizaine de prn dépassant sur une masse informe (ph. 84 et 85, planche 19). Dans les grains polycristallins des sédiments de la base de la levée de la Dumbéa, les cristaux individuels sont complètement dévelop- pés en prismes pyramidés et bipyramidés de 30 prn de long et plus (ph. 75 et 76, planche 18). A côté des cristaux bien développés, ces grains polycristallins présentent aussi des formes de croissance avec coulées de silice amorphe et cristallisation commençante (ph. 77, planche 18):

En résumé, l’examen des cristaux met en évidence une série de propriétés qui ne peuvent s’ex- pliquer que par I’authigenèse. Nous avons observé des formes d’accroissement de Quartz authigène sur du Quartz d’origine éruptive, des cristaux automorphes irréguliers, des cristaux automorphes en prismes bipyramidés et enfin, des grains polycristallins formés de cristaux individuels plus ou moins parfaits. Des inclusions de fibres végétales ont été trouvées dans les cristaux bipyramidés et des in- clusions de pyrite dans les Quartz de remplissage. La localisation de chacun de ces types de grains dans un type’ précis de paysage deltaïque est un argument essentiel en faveur de I’authigenèse.

LE DOSAGE QUANTITATIF DU QUARTZ par diffractométrie X vérifie la corrélation inverse at- tendue entre le quartz et la fraction fine du sédiment exprimée par le pourcentage de pélites. Mais les nombreux écarts par rapport à cette corrélation ne peuvent s’expliquer que par l’intervention de l’authigenèse, qui se trouve confirmée du même coup. Le dosage du Quartz a Bté fait par F. Mélières avec une très bonne précision (5*à 10 %), grâce au porte-échantillon tournant de sa conception, par diffraction X sur échantillon de poudre avec étalon interne, au Laboratoire de Géologie Dynamique de l’Université de Paris VI.

La relation inverse entre la teneur en Quartz et la teneur en pélites du sédiment est visible par comparaison des isogrades sur la coupe du transect III (Fig. 87 et 82). Les deux régions les plus pau- vres en Quartz sont aussi les régions les plus riches en pélites : ce sont la mangrove centrale et son sous-sol d’une part, et le marais hypersalin et son sous-sol de l’autre. Par contre, les maximums de teneur en Quartz correspondent très imparfaitement avec les minimums de teneur en pélites.

Page 211: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Néoformations et croissances cristallines 2Q9

FIG. 87 :PROPORTION DE QUARTZ DANS LA FRACTION MINÉRALE DES SÉDIMENTS DU DELTA (TRANSECT Ill)

Les écarts par rapport à la corrélation inverse entre Quartz et pélites sont particulièrement nets aux endroits où l’étude des cristaux nous a permis de mettre en évidence des phénomènes d’authige- nèse : sédiments de la mangrove dans leur ensemble, sédiments de la mangrove pénéinterne et interne plus particulièrement en surface et en profondeur, enfin, sédiments de la levée au niveau moyen des eaux de la Dumbéa. A finesse égale, il y a davantage de Quartz dans les sédiments de la mangrove que dans ceux du marais hypersalin. La comparaison des isogrades, plus fine que précédemment (tou- jours Fig. 87 et 82), donne 12,5 % de Quartz et 80 % de pélites sous la mangrove centrale contre 10 % de Quartz et 75 % de pélites dans le marais hypersalin. Si la répartition du Quartz était com- mandée seulement par la granulométrie, on devrait en trouver plus de 12,5 % dans les sédiments fins du marais hypersalin. Le supplément de Quartz dans les sédiments de la mangrove s’explique par I’authigenèse. Sous la surface des sédiments de mangrove existe une distribution du Quartz avec un maximum secondaire dans les zones pénéinterne et interne qui se trouve ainsi associé aux sédiments les plus fins du transect. Ce maximum coïncide avec les sols à Avicennia contenant du Quartz bipy- ramidé. En profondeur, sous la même zone, le maximum de teneur en Quartz de tout le transect (supérieur à 20 %) coïncide avec une teneur en pélites moyenne, de l’ordre de 50 % et pas avec le minimum enveloppé par I’isopélite 25 %. De la région de ce maximum proviennent les plus gros quartz bipyramidés du transect.

Sur la levée, les sables actuels sommitaux donnent un minimum des pélites mais pas un maxi- mum du Quartz. Sur ce profil, le maximum du Quartz est au niveau moyen des eaux superficielles du fleuve, dans un sédiment dont la richesse en pélites est moyenne à forte (50 à 75 %) et qui con- tient les plus beaux Quartz polycristallins du transect.

Page 212: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

210 Frédéric BAL TZER

NEOFORMATION DE NONTRONITE

Une smectite riche en fer, relativement pauvre en magnésium, contenant probablement de I’Aluminium et du Chrome se forme dans les sédiments de la levée et du marais hypersalin, au con- tact des sédiments de mangrove, dans des conditions de Eh et de pH intermédiaires, avec la silice des eaux interstitielles. Les derniers sediments, à la surface de la levée, ne contiennent que des tra- ces de smectite mal cristallisée (Fig. 65), alors que vers 1 mètre de profondeur, sous la levée, la smectite devient abondante et bien cristallisée, comparable aux smectites préholocènes (Fig. 69). Le pourcentage de smectite par rapport à l’ensemble des minéraux argileux de la fraction inférieure à 2 prn revient principalement au rapport smectite / talc + antigorite. II est calculé à partir de la surfa- ce des pics dépassant le fond continu des diffractogrammes et figuré par des courbes (tisosmectites)) (Fig. 88). Les dosages étant faits sans étalon, le pourcentage n’a qu’une signification comparative, précisant les endroits riches en smectite, sans en chiffrer la quantité.

La zone enrichie en smectite , délimitée par I’isosmectite 75 %, a la forme d’un trian- gle isocèle allongé, couché sous le marais hypersalin et la levée, les concentrations maximales sui- vant en gros la bissectrice horizontale (maximum 91 %). Cette répartition préférentielle de la smectite ne dépend pas du triage granulométrique et il n’y a aucune relation entre la répartition des smectites (Fig. 88) et la répartition des pélites (Fig. 82). Par contre, la répartition de la smectite se corrèle bien avec celle de la silice secondaire facilement attaquable par l’acide perchlorique. Sur le diagramme de répartition de la silice attaquable, ‘la courbe d’isoteneur 25 % reproduit très sensible- ment le contour du triangle riche en smectite. La corrélation est imparfaite parce que ces sédiments contiennent de I’Antigorite et des Diatomées qui recèlent aussi de la silice attaquable. Mais cette cor- rélation est suffisante pour confirmer qu’il existe effectivement un domaine enrichi en smectite et en silice attaquable.

Le fer est abondant dans les sédiments les plus riches en smectite (15 à 25 % de Fe203) alors qu’il est peu abondant dans les sédiments sous-jacents. Cette disposition suggère que la smectite est ferrifère et qu’elle contient du fer venu des horizons inférieurs. Le premier point est confirmé par I’Analyse Thermique Différentielle qui donne des diagrammes de nontronite avec une basse température de désoxhydrilation (de 480 à 500”) et sans pic exothermique prononcé vers 10009 Trescases (1973) signale également la nontronite dans les bas-fonds marécageux intramonta- gneux des massifs de péridotites et surtout la cryptonontronite, ou gcethite silicifiée à composition chimique de nontronite. La nontronite du delta de la Dumbéa contient du fer venu des horizons in- férieurs. En effet, la teneur en fer reste forte, malgré l’enrichissement en silice et suggère l’idée d’un déplacement du fer depuis les horizons sous-jacents où le Eh voisin de 0 s’accompagne de pH 6,5.

L’évaporation, très active dans le marais hypersalin et même dans la mangrove interne, rend compte du déplacement de bas en haut subi par les eaux interstitielles.

Le magnésium est repris dans cette nontronite, mais ne se concentre pas de sorte que la zone de formation de la nontronite, enrichie en silice et en fer, apparaît comme relativement appauvrie en magnésium. Nous savons (chap. VIII) que I’Antigorite est détruite au même endroit, ce qui suggè- re que la smectite remplace I’Antigorite comme dans les bas-fonds marécageux intramontagneux dé- crits par Trescases (1973). On ne retrouve pas ici l’équivalent des enrichissements en magnésium cons- tatés dans des conditions fortement réductrices (Trescases, 1973 ; Maglione, 1974 ; Trauth, 1976).

Page 213: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Néoformations et croissances cristallines 211

FIG. 88 : POURCENTAGE DE RX DIFFRACTES PAR LA SMECTITE DANS LESSÉDIMENTS DU DELTA (TRANSECT 111)

FIG. 89 :POURCENTAGE DE NICKEL DANS LA FRACTION MINÉRALE DES§ÉDIMENTS DU DELTA (TRANSECT III)

Page 214: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

212 Frédéric BAL TZER

NEOFORMATION D’HYDROXYDE§ FERRIQUES

Des hydroxydes ferriques prennent naissance dans les sédiments superficiels de la zone à Avi- cennia, sous forme de manchons entourant les racines et les pneumatophores, à la faveur des alter- nances entre conditions réductrices et oxydantes qui caractérisent ce domaine à Eh intermédiaire. La cause première de ces formations d’hydroxydes est la richesse en fer résultant de la sélection granu- lométrique. Les sédiments sont très fins et on peut constater qu’une proportion croissante de Gœthi- te et d’antigorite entre dans la composition des sédiments les plus fins de la Dumbéa. La répartition du fer et du nickel, identique (Fig. 79 et 89), confirme l’origine terrigène de ces métaux. La recris- tallisation sous forme de manchons ferrugineux entourant les pneumatophores d’dvicennia est proba- blement favorisée par l’alternance saisonnière des conditions d’humidité avec ses conséquences sur le pH et le Eh (chap. VII). Le milieu réducteur en saison humide permet une dissolution du fer qui reprécipite dans la zone plus aérée des pneumatophores. Ce type de recristallisation est comparable à ce que l’on observe autour des racines dans les schorres des régions tempérées. Rappelons que le domaine des Avicennia est également caractérisé par la néogenèse de Quartz bipyramidés petits mais très bien formés.

N~OFORMATIONS CARBONATEES

La précipitation de carbonate de calcium cimente une partie des sédiments coquilliers du sou- bassement de la mangrove qui prennent ainsi l’aspect d’une dalle (chap. 1). Cette dalle est toujours associée au marais hypersalin, ce qui permet d’expliquer sa formation par le jeu de la Réserve Alca- line de l’eau interstitielle. La réserve alcaline, ensemble des sels d’acides faibles et de bases fortes dans l’eau de mer et les eaux saumâtres, correspond surtout au carbonate et au bicarbonate de cal- cium, mais aussi à des phosphates, silicates, borates, etc. La Réserve Alcaline d’une eau douce ou saumâtre en contact avec du carbonate de calcium solide est plus élevée que celle d’une eau de mer naturelle dans les mêmes conditions, ce qui montre que la réserve alcaline diminue quand la concen- tration en Ca2+ augmente. La loi d’Action de Masse montre que le carbonate de calcium doit préci- piter lorsque les eaux douces ou saumâtres tendent vers la concentration de l’eau de mer (Rivière et Vernhet, 1958 ; Baltzer et Rivière, 1972). Dans les sables des plages tropicales, des précipitations de ce type aboutissent a la formation de beach rocks dans la nappe phréatique, au contact de l’eau douce et de l’eau marine (Trichet, 1967). Sur le delta de la Dumbéa, l’eau saumâtre de la partie centrale des mangroves dissout des débris coquilliers avant de se concentrer par évaporation au cours de son écoulement souterrain vers le marais hypersalin. Dans ces sédiments riches en matière organi- que et en présence d’eau saumâtre, le mécanisme est accentué par la production bactérienne d’hydro- gène sulfuré et de gaz carbonique qui participent à l’augmentation de la Réserve Alcaline, conjointe- ment avec les autres acides faibles. En pareil cas, la diffusion ultérieure de H2S dans l’atmosphère fait baisser la Réserve Alcaline et aboutit à la précipitation de carbonate (Rivière et Vernhet, 1964).

La géochimie du calcium dans les milieux de mangrove et de marais hypersalin fait intervenir le gaz carbonique et le soufre, suivant l’équation :

CO2 + H20 + HS-(aq.) = H2S + HCOS-(aq.)

(Thornstenton et Mackenzie, 1974). II s’y ajoute l’intervention des composés organiques dont Trichet a mis le rôle en évidence (Trichet, 1967). L’étude détaillée de ces problèmes nécessite la mise au

Page 215: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Néoformations et croissances cristallines 213

point d’une technologie très soignée au niveau des extractions d’eaux interstitielles et des analyses, en raison du caractère volatil des composants principaux.

CONCLUSIONS

Après la sédimentation de leurs minéraux-hôtes, la silice, le fer et le calcium libérés dans les eaux interstitielles par la dissolution chimique, subissent un déplacement en phase ionique avant de participer à la construction de structures minérales nouvelles. Les directions d’écoulement de la nap- pe déterminent les divers trajets suivis. Les deux directions principales convergent vers le marais hy- persalin, l’une à partir de la mangrove centrale et l’autre à partir du chenal fluvio-marin de la Dum- béa. Une direction secondaire atteint la mangrove externe à partir de la mangrove centrale. Le long de ces écoulements, la richesse en matière organique et la concentration du milieu commandent les néoformations nourries par les ions en solution. Les conditions d’oxydoréduction déterminées par l’abondance de la matière organique fixent le degré de mobilité du fer dont dépend le fait que la silice se dépose sous forme de Nontronite ou de Quartz. Lorsque la silice se dépose sous forme de Quartz, le type de cristallisation semble dépendre de la concentration de la solution interstitielle. Le dépôt du fer, sous forme de Nontronite ou d’hydroxydes dépend évidemment des conditions de Eh et le dépôt du calcium lui-même est influencé indirectement.

La teneur en silice de l’eau interstitielle du sol décroît progressivement depuis la région de la mangrove centrale où elle est mise en solution vers les régions externe (Baie Hoff) et interne (marais hypersalin). Vers la mangrove externe, la teneur en silice s’abaisse à 20 ppm, probablement par dif. fusion car l’écoulement de la nappe est très lent et discontinu dans cette direction ce qui donne aux ions de la nappe la possibi.lité de se diluer dans l’eau de mer très voisine. En direction de la mangro- ve interne, la teneur en SiO s’abaisse alors que la chlorinité augmente. La teneur en silice minimale, 13 ppm, coïncide avec les sédiments dans lesquels se forme la Nontronite, caractérisés par un poten- tiel d’oxydoréduction intermédiaire, voisin de 0. Ces sédiments sont en surface dans la mangrove pé- néinterne à Rhizophora et la mangrove interne à Avicennia et sont au contact entre les sols de man- grove anciens enfouis, réducteurs, et les sédiments du marais hypersalin et de la levée, oxydants, qui les recouvrent. On peut vérifier, sur les diagrammes de répartition, que les teneurs faibles en SiO dessinent une bande (Fig. 86) qui est parallèle à la ligne des Eh 0 et centrée sur la zone des Eh compris entre 0 et + 200 mV (Fig. 75). Bien que l’eau interstitielle subisse une forte augmentation de concentration, mise en évidence par les chlorinités, en passant de la mangrove centrale au marais hypersalin (Fig. 74), un mécanisme lié au Eh ramène à 13 ppm sa teneur en Si02. Cette bande à faible teneur en silice dans l’eau interstitielle coïncide avec le domaine de Eh et de pH donnant au Fer sa solubilité et sa mobilité maximales.

Le fer ne peut être bloqué ni sous forme de sulfures, ni sous forme d’hydroxydes ferriques, le Eh intermédiaire étant trop élevé pour les premiers, trop bas pour les seconds. L’approvisionnement en silice étant abondant et régulier, ce fer est disponible pour la néoformation de Nontronite et cet- te néoformation est responsable du maintien à 13 ppm de la teneur en silice dans les eaux intersti- tielles concernées.

Le Quartz, d’après nos observations exoscopiques et endoscopiques (cf. présent chapitre, plus haut), se forme partout dans cet environnement, ce qui est normal puisque la teneur en Si02 dépas- se largement son produit de solubilité qui est de l’ordre de 6 ppm à la température ordinaire (An- derson, 1972). Le Quartz présente des aspects différents suivant sa provenance : mangrove, marais hypersalin ou levée. Les Quartz monocristallins automorphes ou de remplacement se développent

Page 216: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

214 Frédéric BA L TZE R

dans les sédiments de mangrove,anciens ou récents. Les Quartz polycristallins sont associés aux sédi- ments à Eh positif de la levée, voisins du domaine fluvio-marin. Cette disposition semble indiquer qu’il existe une zone quartzifère alimentée en silice depuis la mangrove et une autre alimentée de- puis le chenal fluvio-marin. La répartition des teneurs en Quartz (Fig. 87) le confirme par le fait que la zone la plus riche en Quartz se sépare en deux sous le marais hypersalin, l’interruption coïncidant avec le point de convergence des écoulements de la nappe dus à l’évaporation. Les conditions chimi- ques très différentes régissant la solubilité des cations de l’eau interstitielle, selon qu’elle circule dans les sédiments de mangrove ou dans les sédiments terrigènes, sont probablement responsables des dif- férences dans les modes de cristallisation du Quartz. Cela est évident pour les remplacements des grains cloisonnés d’antigorite qui impliquent la dissolution de ces derniers et font intervenir pour ce- la les effets complexants de la matière organique de la mangrove. C’est vrai aussi pour les grains de Quartz polycristallins qui se développent dans les sédiments terrigènes des levées, riches en pseudo- particules ferrugineuses. Ces dernières contiennent des germes soit isolés (ph. 23, planche 7) soit groupés et provenant alors de l’altération du maillage antigoritique de certains pyroxènes (Trescases, 1973). L’intervention directe des cations, régie par les conditions d’oxydoréduction et donc par la richesse en matière organique, est également possible.

Une diagenèse précoce intense, aboutissant à la néoformation de Quartz et de Nontronite est donc à l’œuvre dans les sédiments de la Dumbéa. La convergence de plusieurs facteurs favorables se révèle indispensable. Parmi ces facteurs, nous retiendrons l’alimentation du delta par un flux soit de silice dissoute, soit de minéraux siliceux facilement attaquables, la présence de matière organique dans les sédiments de mangrove et l’existence d’une intense évaporation dans les marais.

La silice dissoute sédimente sous forme de frustules de Diatomées dans les sédiments fluvio- marins de la mangrove. Elle s’ajoute au stock de minéraux siliceux facilement attaquables formé par I’Antigorite des sédiments terrigènes. Sous l’effet complexant de la matière organique des mangroves et sous l’effet des bactéries sulfato-réductrices, vivant de celle-ci, les silicates fragiles et les frustules sont dissous et leur silice est libérée dans les eaux interstitielles. Le mouvement de la nappe induit par l’évaporation entraîne la silice vers le marais hypersalin. En chemin, la silice nourrit la croissance de Quartz et de Nontronite. Sous la levée et sous la partie du marais hypersalin qui la jouxte, le passage de la silice dissoute fluviatile à la nappe puis aux néoformations peut être direct, sans I’inter- médiaire des Diatomées (Baltzer, 1971, a et b). L’intervention des mécanismes diagénétiques est éga- lement nette dans le cas du Fer, d’abord libéré des hydroxydes et silicates fragiles, bloqué sous for- me de sulfures, entraîné avec les eaux en cours de concentration, enfin bloqué aux abords du marais hypersalin sous forme de Nontronite en profondeur, ou sous forme de nouveaux hydroxydes, en sur- face. Le calcium suit un cycle comparable au cycle de la silice des Diatomées, mais secrété par les Mollusques. Les coquilles se dissolvent dans les sédiments superficiels de la mangrove centrale par l’effet du CO2 et du SH2 d’origine bactérienne et par l’effet des acides organiques. Le calcium est transporté dans les eaux en cours de concentration et précipite aux abords des marais hypersalins sous lesquels se forment des concrétions, parfois une dalle carbonatée, sous l’effet de l’évaporation et du départ de CO2 et de SH2.

Tous ces mécanismes diagénétiques sont le résultat de la présence simultanée de matière organi- que abondante et d’un climat à saison aride favorisant l’évaporation nécessaire au transport et aux précipitations minérales. Le rôle”du climat de Nouvelle Calédonie, tropical à saisons alternées, est donc essentiel en favorisant à la fois la productivité organique de la mangrove et les évaporations, intenses en saison sèche. Par la diagenèse, la silice dissoute et la silice des silicates fragiles sont inclu- ses dans des silicates résistants, le Quartz et la Nontronite, freinant ainsi l’évacuation de la silice con- tinentale vers le milieu marin.

Page 217: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

215

Principaux résultats acquis et conclusions générales

La côte ouest de la Nouvelle Calédonie présente une série de petits deltas développés dans de larges rias creusées pendant les phases glaciaires du Quaternaire puis ennoyées au cours des interglaciai- res et de la transgression holocène. Ces deltas sont âgés de moins de 5000 ans et les principaux d’entre eux sont formés, pour l’essentiel, de sédiments issus de l’altération et de l’érosion d’un bas- sin versant sur péridotites. Le climat tropical à saisons alternées soumet périodiquement la région à de violents cyclones accompagnés de précipitations diluviennes et favorise le développement de man- groves dans les marais maritimes. Le régime orographique des précipitations aboutit à un lessivage intense des massifs ultrabasiques, toujours élevés, alors que les plaines côtières et les marais mariti- mes subissent un microclimat à tendance aride, propice au confinement de la solution interstitielle du sol.

Dans ce contexte, la phase résiduelle des massifs de péridotite est la base de la sédimentation actuelle. Elle est constituée d’une masse d’hydroxydes de fer accompagnée des minéraux primaires les moins attaquables (spinelle chromifère) et des minéraux primaires fragiles à des degrés divers d’altération (Enstatite, Péridot) (Trescases, 1973). Les profils de bas de pente contiennent de la Serpentine, du Talc, du Quartz secondaire et de la Silice amorphe. Tous ces minéraux se retrouvent, après érosion et transport, dans les sédiments actuels du delta. Les eaux des cours d’eaux, enrichies en silice et en magnésium par le lessivage infligé au bassin versant, nourrissent à l’aval des précipita- tions secondaires minérales (Quartz, Smectite) ou biologiques (Diatomées) qui s’ajoutent à la fraction détritique selon des proportions qui varient avec les endroits.

Ces conditions de milieu originales par le climat, la végétation, le domaine géochimique et la relative instabilité du sol, se sont révélées très favorables pour mettre en évidence les facteurs qui régissent la sédimentation et la diagenèse précoce en donnant une idée de leur importance respective. Ainsi, de nombreux facteurs géodynamiques tels que les variations des niveaux marins, la tectonique,

Page 218: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

216 Frkdéric BAL TZER

le climat, le régime hydrologique et la végétation sont mis en cause pour définir les modalités préci- ses de la mise en place des sédiments et des transformations qu’ils subissent après leur dépôt.

Plusieurs aspects de ces recherches nécessitaient la création de méthodes nouvelles ou I’adapta- tion de méthodes existantes. J’ai été conduit à créer une méthode d’interprétation dynamique de la morphologie des marais de mangrove, fondée sur la cartographie des formations végétales et à mettre au point une méthode d’étude des sédiments des crues cycloniques. Dans le domaine de la sédimen- tation, les indices de A. Rivière m’ont permis de dégager le concept de «séquence évolutive granulo- métrique» par lequel on peut montrer les interactions entre particules dans la formation des grano- faciès et l’existence et le comportement des «nanoparticules» dont la dimension avoisine celle de quelques feuillets élémentaires d’argile.

LES VARIATIONS DU NIVEAU MARIN RELATIF A L’HOLOCENE

D’importantes modifications du niveau marin relatif se sont produites au cours de I’Holocène. Le prisme sédimentaire commence par des dépôts fluviatiles mis en place sous climat sec mais, très vite, la transgression Holocène fait passer à une sédimentation de ria de plus en plus profonde. Puis, voici environ 5000 ans, les dépôts prennent une forme deltaïque à la suite d’un soulèvement tecto- nique qui a abaissé le niveau marin relatif. De nos jours et depuis quelques centaines d’années, le soulèvement s’étant arrêté, la transgression holocène, très ralentie, se manifeste à nouveau par une montée du niveau relatif.

Cette reconstitution de l’histoire des variations du niveau marin relatif est fondée sur un exa- men stratigraphique détaillé des sédiments des rivages abrités de la côte ouest, avec datation des tourbes des sols à palétuviers anciens. Les résultats sont confirmés par l’étude d’un domaine plus ex- posé à l’agitation de la mer, au sud de l’île des Pins, où la chronologie est fondée sur les rapports entre des sables de plage, des sables dunaires et les encoches d’érosion marine affectant les forma- tions coralliennes soulevées.

Les datations mettent en évidence la montée du niveau marin relatif à I’Holocène de - 5,15 m à + 1,O m, au moins pour la période entre 7300 et 3200 ans B.P. Une descente à - 0,5 m se pro- duit autour de 2900 ans B.P. Elle est suivie d’une lente remontée jusqu’au niveau actuel. Dans son ensemble, le chronodiagramme obtenu met bien en évidence la transgression holocène et, dans le dé- tail, il respecte et «cale» la chronologie relative stratigraphique.

Cependant, ce chronodiagramme se distingue nettement des chronodiagrammes généralement considérés comme représentatifs de la montée glacio-eustatique du niveau marin, que ce soit en Eu- rope (Marner, 1970), en Amérique du Nord ou en Micronésie (Bloom, 1970). Le chronodiagramme de la côte ouest de Nouvelle Calédonie se distingue de ces derniers par un paleorivage plus élevé que le rivage actuel (+ 1,O m à 3200 ans B.P.) et surtout par le fait que tous les paléorivages antérieurs à 3200 ans B.P. sont affectés d’une surélévation de plusieurs mètres par rapport aux paléorivages glacio-eustatique de même âge des autres régions. Le chronodiagramme de Nouvelle Calédonie étant cohérent avec la stratigraphie, les différences ne peuvent s’expliquer par une erreur sur l’âge, d’autant plus que les tourbes à palétuviers,sont un matériel favorable. Elles ne peuvent s’expliquer non plus par une erreur sur les niveaux dont Yévaluation a été particulièrement soignée. Ces différences de ni- veau semblent conforter l’hypothèse d’un soulèvement du sol suggérée par l’existence de plages et d’encoches de dissolution marine surélevées à la périphérie de la Nouvelle Calédonie (Pirouthet, 1917). L’hypothèse de ce soulèvement est renforcée par le fait que les deltas et cônes alluviaux de la côte ouest résultent de décharges détritiques brutales dont la mise en place s’expliquerait difficilement sans lui.

Page 219: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Principaux résultats acquis et conclusions générales 217

LE DELTA ET LE CONE ALLUVIAL DE LA DUMBÉA

La Dumbéa est formée de trois rivières de la chaîne centrale se réunissant au sortir de la par- tie montagneuse et péridotitique du bassin versant en une vallée unique perpendiculaire aux plisse- ments des formations sédimentaires et volcaniques de la ((plaine côtière)), ce qui lui vaut d’être alter- nativement très large ou très étroite suivant la nature des roches traversées. Cette basse vallée a été alternativement ennoyée et rajeunie par le jeu des transgressions et régressions glacio-eustatiques du Quaternaire et aujourd’hui, dans les formations récentes qui la remplissent, on trouve des sédiments alluviaux, fluvio-marins, lagunaires et marins jusqu’au pied de la chaîne centrale.

Par commodité, j’ai distingué la zone aval, deltaïque, de la zone amont qui correspond à la plaine alluviale, les deux zones étant clairement séparées par un étranglement rocheux. Sous le delta, le substratum préholocène de la ria est formé d’argiles vertes variées dans lesquelles on reconnaît d’anciennes argiles marines et d’anciens sables et graviers d’origine péridotitique transformés en Smec- tite. Sous la plaine alluviale, on trouve des lambeaux d‘un poudingue à gros galets de péridotite pro- fondément altérés et également des formations argileuses variées très affectées par la pédogénèse. Ces sédiments anciens contrastent avec les sédiments holocènes, reconnaissables à leur fraîcheur, bien que la diagénèse précoce soit déjà .à l’œuvre.

La ria a d’abord été remplie par des formations marines holocènes avant d’être occupée par un cône alluvial et un delta. Dans ces formations, marines et lagunaires, on reconnaît la double influen- ce des apports détritiques issus du domaine des péridotites et de la sédimentation marine avec des argiles à Antigorite mélangées à des sables bioclastiques et des formations coquillières. Ce matériel est granoclassé et devient de plus en plus fin pendant que la ria s’approfondit sous l’effet de la transgression holocène, puis de plus en plus grossier vers le sommet, lorsque le remplissage devient plus rapide que la transgression. De tels sédiments ont été reconnus loin en amont, sous les sédi- ments de la plaine alluviale.

Le delta actuel se compose d’un chenal principal bordé de levées sédimentaires naturelles for- mant une avancée de terre ferme dans l’axe de la vallée ennoyée. De part et d’autre de cette avan- cée de terre ferme s’étendent deux dépressions latérales occupées par de vastes marais maritimes dans l’allongement desquels on trouve, sensiblement excentrés vers l’extérieur, un chenal (rive gauche) ou une petite baie (rive droite), derniers vestiges de la ria avant formation du delta. Les levées sont formées par l’accumulation de sables limoneux dans lesquels on trouve principalement des pseudopar- ticules ferrugineuses, souvent parcourues de veinules de Quartz ou de Serpentine, avec de I’Enstatite, du Quartz et de I’Antigorite. Les dépressions latérales sont comblées par des limons et des argiles dont la composition minéralogique associe à des hydroxydes de fer contenant souvent de la silice adsorbée, de I’Antigorite, un peu de Talc, de la Kaolinite (dégradation des roches alumineuses du cortège des péridotites) et des traces de Smectite. La sédimentation d’origine biologique est abon- dante dans les dépressions latérales, surtout sous forme de matière végétale (mangroves, jusqu’à 50 % dans les marais occupés de longue date), mais aussi sous forme de frustules de Diatomées (jusqu’à 10 %) et, secondairement, sous forme de Carbonate de Calcium (qq %). Une diagénèse très précoce modifie ce matériel.

En amont du delta et séparé de lui par un défilé rocheux (lame rhyolitique sénonienne), s’é- tend une plaine alluviale dont la structure et la composition sont identiques à celles du delta si ce n’est que la sédimentation devient très grossière au voisinage du domaine montagneux. Au pied de la montagne, le matériel grossier prend la forme d’un cône alluvial à galets de péridotite, ravinant les formations lagunaires de I’Holocène. Ce cône se prolonge vers l’aval par les graviers du chenal et de son soubassement et par les sables des levées. De part et d’autre du cône central, la plaine allu- viale présente des dépressions latérales dont le remplissage est formé, suivant les endroits, de sables ou d’argiles ferrugineux.

Page 220: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

218 Frédéric BA L TZE R

LA MISE EN PLACE DES SÉDIMENTS DELTAïQUES

L’etude de la mise en place des sédiments a été abordée par trois voies. complémentaires : 1 - morphologie dynamique et écologie des marais maritimes ; 2 - observation et mesure des effets des crues cycloniques, et 3 - interprétation de la granulométrie des sédiments, notamment par la mé- thode des séquences évolutives.

Morphologie dynamique et écologie des marais maritimes

La méthode de cartographie des zones végétales par photointerprétation et transects sur le ter- rain que j’ai mise au point pour l’étude des mangroves de Nouvelle Calédonie, du Cameroun et du Sud-Ouest Iranien met en évidence les régions de sédimentation et d’érosion, l’âge relatif des diverses unités morphologiques, la tendance transgressive ou régressive du niveau marin relatif et enfin, les gradients de salinité. Pour reprendre seulement l’exemple de la mangrove et du pré salé, disons que trois espèces de palétuviers - Rhizophora mucronata, Bruguiera eryopetala et Avicennia offkinalis - et une espèce herbacée halophyte - Salicornia australis - déterminent une zonation suffisamment va- riée pour répondre à toutes ces questions de morphologie dynamique.

Dans la dépression latérale de rive droite du delta de la Dumbéa; en allant de la baie axiale vers le chenal fluviatile, on rencontre successivement une mangrove externe à Rhizophora au bord de la baie, une mangrove pénéexterne à Bruguiera, une mangrove moyenne à Bruguiera et Rhizophora en formation mixte, une mangrove pénéinterne à Rhizophora, au développement grêle et enfin une mangrove interne à Awicennia, en grande partie arbustive. On atteint ensuite le pré salé à Salicovnia, la zone à voile algaire, la levée et le chenal fluviatile. La zonation végétale est fondée sur ces groupe- ments de plantes en bandes parallèles au rivage caractérisés soit par une espèce dominante au point de paraître unique, soit par un mélange’ de deux espèces ou davantage. Chacun de ces groupements végétaux occupe une position bien déterminée dans la géomorphologie des marais (bordure de baie, centre des banquettes de vase, position interne) et j’ai pu montrer l’existence de niveaux topographi- ques préférentiels, caractéristiques de ces divers groupements. En retour, la généralisation de ce résul- tat a fourni des indications sur les niveaux topographiques dans les marais indispensables pour l’étude des paléoniveaux marins.

La carte des formations végétales met en évidence la dynamique sédimentaire dans les marais. Les zones de sédimentation fine rapide se reconnaissent à l’importance des formations externes, au grand développement des palétuviers et CI la faible densité, voire l’inexistence du réseau de drainage non encore formé. Les zones de sédimentation réduite ou d’équilibre présentent des zones externes réduites, des palétuviers au développement médiocre et un réseau de drainage bien développé avec de nombreux méandres. Dans les zones à sédimentation réduite, les plus anciennes, le réseau devient sé- nescent et se caractérise par une extrême complexité et des captures nombreuses. Les zones sujettes à l’érosion, que ce soit de la part d’un chenal ou d’une baie, montrent des anomalies de répartition bien visibles sur les cartes, par lesquelles des formations végétales normalement en situation moyenne ou interne sont mises en contact avec l’eau libre.

La carte des formations végétales donne une idée précise des conditions géochimiques non seu- lement par le contraste entre les milieux réducteurs riches en matière organique et les milieux oxy- dants, beaucoup plus pauvres, mais aussi par les gradients de salinité qui sont très apparents. Par or- dre de tolérance décroissante, les principales espèces des marais maritimes de Nouvelle Calédonie peu- vent se classer en fonction de la chlorinité admissible : Salicornia australis (supérieur à 40 g/l), Avi- cennia officinalis (30 à 40 g/l), Rhizophora mucronata (jusqu’à 30 g/l) et Bruguiera eryopetala (infé- rieur à 20 g/l).

Pour le delta de la Dumbéa, ces méthodes d’interprétation montrent que le développement des marais est plus ancien et à peu près achevé sur la dépression latérale de rive gauche alors qu’il est

Page 221: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Principaux résultats acquis et conclusions générales 219

encore en cours sur la dépression latérale de rive droite. Un point important acquis par ces métho- des est l’alimentation des mangroves en sédiments et substances nutritives à partir des axes de drai- nage excentrés des dépressions latérales (chenal ou baie) par l’intermédiaire des chenaux de marée.

L’observation directe des effets des crues cycloniques

Ayant assisté à plusieurs crues cycloniques, j’ai pu en évaluer les effets : direction des courants, épaisseur et granulométrie des dépôts sédimentaires, conditions de l’écoulement (hydroisohypses), éva- luation de l’énergie gravifique mise en jeu par le cours d’eau.

Pendant la crue, les filets d’eau convergent et le courant s’accélère au franchissement des par- ties étroites du lit majeur. A j’inverse, les zones où le lit majeur s’élargit voient les lignes d’eau s’ou- vrir en éventail et le courant ralentir progressivement. La concentration du courant a pour conséquen- ce une érosion des formations alluviales les plus exposées et le seul sédiment nouveau est la fraction grossière redéposée presque immédiatement après lavage de la fraction fine associée. Les fines se dé- posent évidemment dans les zones de détente du courant et, en fin de crue, dans les zones dépri- mées.

Les dépôts d’une crue donnée, très reconnaissables, sont plus grossiers et plus épais, sous forme de rides nouvelles ajoutées parallèlement aux levées ou de placages sableux abandonnés sur les levées, au voisinage du chenal. Le matériel devient vite extrêmement fin et l’épaisseur des dépôts est très faible dans les dépressions latérales.

L’énergie gravifique consommée par le cours d’eau en crue a été évaluée par la pente de la sur- face liquide donnée par la carte des hydroisohypses. La puissance mise en jeu est considérable, non seulement au fond du chenal principal, mais aussi dans le domaine des mangroves.

Ces résultats montrent que les crues cycloniques ont un rôle prépondérant dans la formation d’un delta comme celui de la Dumbéa. L’épaisseur des dépôts et leur répartition ne font que confir- mer et reproduire la morphologie acquise au cours des crues précédentes, à ceci près que le rafraî- chissement de cette morphologie la rend plus facilement compréhensible (curage des cuvettes d’éro- sion et dépôt de rides nouvelles, par exemple). La végétation, que ce soit la végétation des mangro- ves, des prés salés, des levées ou des marais forestiers dulçaquicoles, tient un grand rôle dans la mise en place des sédiments, en brisant le courant et en retenant les particules fines à la manière d’un fil- tre. C’est de cette façon que le fleuve, tout en dépensant une énergie quasi-torrentielle, capable de transporter des galets, dépose en fait des sables fins limoneux sur les levées colonisées par les grami- nées et des argiles dans les mangroves.

Interprétation de la granulométrie par les méthodes des indices et des séquences évolutives

Le fait d’avoir pu échantillonner les sédiments du delta juste après leur dépôt par une crue cy- clonique exceptionnelle à l’échelle humaine (record de pluviométrie pour la plupart des localités), joint à une bonne pratique des méthodes d’interprétation développées à Orsay par A. Rivière, m’a incité à approfondir les rapports entre la granulométrie et les conditions de dépôt des sédiments.

Appliquées à l’étude des sédiments actuels de la Dumbéa, ces méthodes mettent en évidence le fait que les sédiments ont enregistré les grandes directions de transport découvertes tant par I’obser- vation directe des crues (débordement par dessus les levées) que par la morphologie dynamique des marais (courant de marée à partir des baies et chenaux des dépressions latérales).

La cartographie en isogrades de l’indice d’évolution des sédiments donne une image des crues actuelles qui reflète avec précision les conditions d’énergie observées sur le terrain. Les courants vio- lents du chenal principal sont nettement indiqués par un granofaciès de transport de même que les zones de calme de part et d’autre du débouché du chenal sur la plaine deltaïque ou au cœur des

Page 222: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Frédéric BA L TZER

mangroves sont rendues par des faciès de décantation. Cette connaissance des conditions actuelles aide à la reconstitution des conditions d’énergie au cours du temps. Sur chaque verticale, on retrou- ve une variation des conditions d’énergie au cours du temps identique à celle des autres forages et ces variations sont en accord avec l’évolution de la profondeur de la ria que l’on peut déduire de l’histoire de la ligne de rivage à I’Holocène établie par ailleurs. On retrouve ainsi les étapes de I’ap- profondissement de la ria puis son comblement avec l’apparition de la sédimentation deltaique.

L’étude des effets des crues cycloniques m’a conduit à développer l’analyse de ce que j’ai ap- pelé la «séquence évolutive granulométrique)), c’est-à-dire la succession des sédiments abandonnés par une même crue, le long d’une même ligne de courant ou d’un même transect. Cette analyse a mon- tré l’existence d’une filiation traduite non seulement par l’évolution d’ensemble du sédiment, chiffrée par l’indice total, mais aussi par l’évolution de ses diverses fractions, chiffrée par les indices segmen- taires correspondants. L’évolution des diverses fractions est très différenciée dans les sédiments à fa- ciès de transport de l’amont de la séquence évolutive. En descendant cette séquence, toutes les frac- tions, en commençant par les plus grossières, acquièrent et conservent ensuite,un faciès de décanta- tion.

Cette étude met en évidence les interactions entre les particules des diverses dimensions, et no- tamment le piégeage des limons et argiles par les sables en cours de dépôt. De même, elle impose l’idée d’un stock de nanoparticules qui serait piégé entre les interstices des limons et argiles. Elle permet enfin de concevoir le mode de réalisation des granofaciès à partir des suspensions naturelles en cours de transport.

LES TRANSFORMATIONS SUBIES PAR LES SËDIMENTS APRES LEUR DÉPOT

La succession des générations de palétuviers poussant sur le même sol dans les marais de man- grove conduit à un enrichissement progressif en matière organique par l’insertion des racines et la sé- dimentation des débris végétaux aériens. Cet enrichissement aboutit à une répartition ordonnée des teneurs, les teneurs les plus fortes formant de véritables tourbes sous les mangroves actives d’implan- tation ancienne. Cette matière organique est à l’origine d’une intense activité biologique, hydrologi- que et géochimique. En effet, le milieu de la mangrove, par ces accumulations ordonnées de matière organique, par les dégradations bactériennes associées et par les bioturbations spécifiques de cet éco- système, aboutit à une organisation particulière de la perméabilité des sols, des mouvements de la nappe et des conditions de pH et de Eh qui y règnent. En réponse c1 ces conditions et à ces mouve- ments, la fraction minérale du sol présente des phénomènes de dégradation ou de néoformation dont la localisation obéit à des règles précises.

Mouvement des eaux interstitielles dans les marais

Les parties les plus riches en matière organique des sols de mangrove sont des tourbes traver- sées d’innombrables terriers et très perméables qui se comportent comme d’énormes éponges relâ- chant lentement au jusant l’eau venue avec le flot. Les eaux fluvio-marines de la Dumbéa et de sa baie étant stratifiées, c’est une eau de chlorinité bien inférieure à la chlorinité de l’eau de mer qui recharge la nappe. A marée descendante et basse, une part de cette eau retourne au réseau de che- naux de marée de la dépression latérale, mais une part plus importante s’écoule en sens inverse, vers la frange terrestre du marais, pour remplacer les pertes par évaporation induites par l’aridité du cli- mat. Cette eau, saumâtre au départ, se concentre en direction de la frange terrestre des mangroves au-delà de laquelle le milieu devient sursalé avec une végétation de prés salés, puis un domaine où seul subsiste un voile algaire.

Page 223: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Principaux résultats acquis et conclusions générales 221

Conditions d’oxydoréduction et de pH

Les conditions d’oxydoréduction sont réductrices dans tous les sols de mangrove du delta, sauf dans les quelques centimètres superficiels, alternativement en contact avec l’eau et l’atmosphère et dans les parties en contact avec des formations oxydantes où le Eh est voisin de 0. La couche super- ficielle à Eh voisin de 0 s’épaissit et prend des valeurs légèrement positives dans la partie centrale de la mangrove, sous l’influence de l’infiltration des eaux rechargeant la nappe. Les Eh les plus bas, de l’ordre de - 250 mV et moins, s’observent dans le sol des mangroves pénéexternes, où l’activité bac- térienne est maximale. Les conditions sont systématiquement oxydantes dans le domaine sursalé et dans le sol des levées, pauvres en matière organique et bien aérés.

Les pH sont neutres ou légèrement acides dans les sédiments de mangrove alors qu’ils sont assez franchement basiques dans le domaine hypersalin. Les pH les plus bas, de l’ordre de 6,25 et moins, s’observent dans le sol de mangrove à partir de 10 cm de profondeur, dans la zone de re- charge de la nappe, et dans la zone de contact entre sédiments réducteurs et sédiments oxydants, ce qui semble prouver que ces pH résultent d’une oxydation des sulfures. La mesure en continu du pH pendant presque un cycle annuel, à la limite de la nappe dans la partie sursalée du marais de Mara m’a permis de mettre en évidence une variation saisonnière du pH qui est plus élevé dans la période humide et plus acide dans la période sèche, vraisemblablement encore par suite de l’oxydation des sulfures. II s’y superpose une variation à courte périodicité, en réponse aux précipitations et aux im- mersions par les marées. II est remarquable que le pH revient à sa valeur moyenne saisonnière en quelques heures, quelques jours au maximum, après l’averse ou la marée perturbatrice.

Réduction des sulfates, dégradations minérales et formation de sulfures

La réduction du milieu, sous l’influence de bactéries sulfato-réductrices, est particulièrement active dans la partie centrale de la mangrove où se produit l’infiltration des eaux saumâtres et la re- charge de la nappe. Les Eh associés ne sont pas spécialement bas à cause de cette infiltration d’eaux dans lesquelles l’oxygène et les sulfates dissous sont encore présents mais la dégradation bactérienne de l’énorme quantité de matière végétale disponible consomme très vite cet oxygène et réduit les sul- fates.

Le fer sédimenté sous forme d’hydroxydes est solubilisé en fer ferreux puis, entraîné par la nappe, se redépose sous forme de framboïdes et d’octaèdres de Pyrite en formant une concentration de fer autour de la zone des infiltrations les plus actives. Dans le même environnement, les argiles ultrafines, I’Antigorite et les frustules des Diatomées sont attaqués en libérant la Silice, dont la con- centration peut atteindre 200 ppm. La solubilisation semble favorisée par les acides humiques du sol de mangrove qui agiraient comme des chélates retenant certains cations en solution et interdisant ain- si les néogenèses silicatées susceptibles de former une carapace protectrice autour des minéraux silica- tés fragiles.

Néoformations

En s’écoulant de la mangrove centrale vers la frange terrestre des mangroves et les marais sur- salés, l’eau interstitielle voit sa chlorinité presque tripler alors que sa teneur en silice diminue réguliè- rement de 200 ppm au départ, à 13 ppm dans la zone des Eh voisins de 0 marquant le contact entre les sédiments de mangrove et les sédiments des marais salés. Par I’exoscopie du Quartz, I’exa- men de ses inclusions fluides et son dosage par rayons X, il a été possible de montrer que ce miné- ral se forme tout le long de ce trajet des eaux, tant par croissance de cristaux antérieurs que par au- thigénèse. De plus, il se forme une smectite ferrifère dans la zone des Eh voisins de 0, dont la pré- sence, signalée par dosage aux rayons X et par A.T.D., suffit à élever de façon très sensible la teneur du sédiment en silice attaquable. C’est dans la région de formation de cette argile que la teneur en silice de l’eau interstitielle s’abaisse à 13 ppm pour un Eh de 0.

Page 224: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

222 Frédéric BA L TZER

Ces néoformations silicatées sont donc contrôlées par le Eh. Le fer est toujours présent mais ne peut réagir avec la silice pour former la smectite (Nontronite) que si le Eh permet sa mise en so- lution en quantité appréciable. II est bloqué soit sous forme de Pyrite si le Eh est trop bas, soit sous forme d’hydroxyde si le Eh est trop élevé. Dans les deux cas, le dépôt de la silice prend seule- ment la forme de Quartz. Si le Eh convenable est réalisé, le Quartz et la Nontronite se forment, cette dernière à un taux assez rapide pour abaisser à 13 ppm la teneur en silice dissoute dans l’eau.

En plus de ces néoformations silicatées, on constate la formation d’autres minéraux tels que sulfates, carbonates et hydroxydes, dont la précipitation est, cette fois encore, le résultat d’un ajus- tement précis des conditions de Eh, de pH, de concentration et de circulation de la nappe des eaux interstitielles des marais.

La construction du delta de la Dumbéa et la transformation de ses sédiments semblent être le résultat de coïncidences entre des facteurs géodynamiques variés : contexte géochimique, tectonique, ligne de rivages, climat, végétation . . . Pourtant, par ses dimensions, par sa stratigraphie et sa mor- phologie, il est représentatif de l’ensemble des deltas de la côte ouest de la Nouvelle Calédonie. Les fleuves dont le bassin versant appartient au même domaine géochimique (Tontouta, Quenghi), pré- sentent, en plus grand, des dispositions comparables avec les mêmes sédiments. Les autres fleuves et les marais côtiers qui leur sont associés (La Foa, Moindou), malgré des différences importantes dans la géochimie de leurs bassins versants, présentent une stratigraphie comparable et, même la diagénèse précoce, se manifeste par des silicifications, mobilisations et dégradations comparables (Avias, 1949 ; Baltzer, 1965, 1970). Tous les deltas de la côte ouest de Nouvelle Calédonie convergent donc, mal- gré des différences de développement ou autres, vers un type unique, ce qui démontre l’influence unificatrice d’un certain nombre des facteurs géodynamiques en cause. De plus, les sédiments à la formation et à la transformation desquels nous assistons présentement ont des équivalents fossiles aujourd’hui émergés sur les mêmes côtes ou bien enfouis sous les formations actuelles. L’unification se fait non seulement dans l’espace, mais aussi dans le temps.

Au stade de la construction du delta, nous avons constaté le rôle primordial des crues cyclo- niques, seules assez puissantes pour construire, entretenir et remanier les structures deltaïques dans leur ensemble. Les courants de marée et le clapet, à certains endroits, remodèlent inlassablement ces structures en mélangeant les sédiments, mais ceci de façon limitée par les profondes indentations de la côte. Par ses réactions aux crues comme aux marées, la végétation joue un rôle important dans la morphologie des deltas de Nouvelle Calédonie. Elle retient les particules en suspension et consolide les atterrissements par des flores variées adaptées à tous les environnements du delta. Le ralentisse- ment général de la montée du niveau marin vers la fin de I’Holocène a favorisé les constructions ré- gressives. Cet effet a été renforcé par l’oscillation récente de la ligne de rivages qui s’est accompav gnée d’une énorme décharge détritique ravinant des formations lagunaires antérieures. Un changement de climat n’expliquerait pas ce ravinement bien explicable au contraire par un soulèvement de l’île accompagné de séismes et de glissements de terrain.

A quelques variations locales près, tous ces agents géodynamiques de la construction sont com- muns SI tous les deltas et il est naturel que nous constations une convergence entre eux.

Au stade de la transformation diagénétique précoce des sédiments, nous retrouvons des facteurs communs à tous les deltas : la végétation fournit l’énergie nécessaire à l’activité bactérienne, les com- posés humiques, assure la perméabilité du sol nécessaire aux transports en solution. Elle détermine ainsi les conditions d’oxydoréduction et l’environnement géochimique des dégradations minérales et du dépôt des sulfures métalliques. Le climat tropical à nuance aride des zones deltai’ques de la côte ouest de Nouvelle Calédonie, produit une évaporation intense sur la frange terrestre des mangroves. La silicification au voisinage des marais sursalés qui en résulte, très nette dans les deltas du domaine

Page 225: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Principaux résultats acquis et conclusions générales 223

ultrabasique, existe aussi dans les autres deltas. Cette convergence établie, il reste d’importantes dif- férences, ne serait-ce que la couleur rouille des alluvions issues des massifs de péridotites. Mais ces différences s’estompent avec le temps sous l’effet de la diagénèse silicifiante.

Parmi les facteurs géodynamiques responsables de cette homogénéité des deltas de la côte ouest de Nouvelle Calédonie, le climat est certainement celui dont l’influence est la plus générale. II déter- mine le type des altérations, le type de végétation, le régime des fleuves et, au niveau des marais, l’existence de cette zone d’évaporation caractéristique des régions subarides et arides. Dans tous les marais maritimes, mais surtout dans les marais maritimes tropicaux, l’influence du climat est déter- minante et fixe le sens de circulation des nappes, la diagénèse et jusqu’à la morphologie (Baltzer et Lafond, 1971 ; Baltzer, 1975)

Sous le climat aride du S-E iranien, la zonation végétale se limite à une étroite mangrove à Avicennia en bordure de mer, adossée à une immense sebkha (Purser et Baltzer, 1977) et la circula- tion des eaux ne peut s’y faire que dans le sens mer-terre. Sous le climat équatorial exagérément humide du Cameroun, la circulation des eaux des nappes se fait en sens inverse dans les sols de ces mangroves immenses (Baltzer, 1975 ; Plaziat, 1975 ; Boyé et al., 1975), de la terre vers la mer, que ce soit à l’échelle du delta complet ou à l’échelle du moindre casier de marais délimité par le réseau de drainage anastomosé. En Nouvelle Calédonie, nous avons vu que la situation est plus complexe, les deux types de circulation existent sur le même delta ou sur la même banquette de vase. Comme en Nouvelle Calédonie et sous un climat comparable, des marais sursalés existent en arrière des man- groves de Casamance (Vieillefon, 1974). Pourtant, il existe une différence considérable entre les zo- nes sans végétation de Casamance (Tanne vif) et celles de Nouvelle Calédonie (zone nue ou «marais blanc») : dans le premier cas, il s’agit d’un sol de mangrove ancien, oxydé et acide, alors que dans le second cas, il s’agit d’un sédiment superposé au sol de mangrove ancien, comme lui oxydé, mais à réaction basique sous l’effet de la sursalure. Le climat ne fait donc évidemment pas tout, et la dif- férence entre les deux types de zone sans végétation est à rechercher dans les régimes respectifs des fleuves : d’une part, un immense fleuve de savane africain, de l’autre un groupement de trois tor- rents de montagne à peine assagis par quelques kilomètres de plaine alluviale.

Les fluctuations de la ligne de rivage prennent une importance comparable à celle du climat dès que l’on veut replacer dans le temps l’évolution des marais maritimes. II semble que nulle part dans le monde les marais maritimes à mangroves actuels et leur continuation dans les formations ré- centes ne soient un équivalent moderne du ((Carbonifère». Les accumulations de matière végétale peuvent être localement très importantes, mais les forages profonds dans les deltas quaternaires mon- trent toujours une large prédominance des formations minérales (CC chap. III et Lafond, 1967 ; Kalck, 1979). En raison des déplacements quasi-incessants des lignes de rivage au Quaternaire, il sem- ble que jamais les mangroves n’ont eu une période de stabilité suffisante pour produire une masse très importante. En admettant que le CD2 atmosphérique soit toujours en quantité convenable (ce qui peut être contesté, Brunn, 1980), il aurait fallu un renouvellement permanent des apports nutri- tifs et une progression très lente de la ligne de rivage, proche de la stabilité, pour la produire.

La période pré-actuelle et actuelle est favorable à des accumulations substantielles en raison du ralentissement de la transgression holocène. En Nouvelle Calédonie, l’oscillation récente du niveau de la mer que j’ai décrite (chap. II) a provoqué un arrêt du déplacement de la ligne de rivage à deux reprises successives et cette stabilité temporaire se marque dans la stratigraphie par un épaississement des sols de mangrove de ces époques.

Les silicifications au contact des sols de mangrove et de leur substrat ou bien au contact des formations les recouvrant semblent s’être toujours produites, mais là encore, les périodes de stabilité de la ligne de rivage ont été les plus favorables.

Par rapport à bien des deltas à mangroves du monde, les deltas de la côte ouest de Nouvelle Calédonie sont très petits et chacun ne représente qu’une fraction infime d’une structure comme le

Page 226: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

224 Frédéric BAL TZER

delta du Wouri au Cameroun, pour ne rien dire des deltas du Niger, du Gange ou du Brahmapoutre. Ces dimensions réduites m’ont donné la possibilité d’acquérir une connaissance de cet environnement suffisamment complète pour apprécier les effets des crises climatiques avant qu’ils ne se confondent avec les effets des crises antérieures, effacés ou dispersés par la sécheresse, le vent, les animaux et recouverts par la végétation. Les recherches déjà entreprises dans des marais maritimes de zones cli- matiques différentes, plus humides ou plus arides, se sont révélées précieuses pour interpréter I’envi- ronnement des deltas néocalédoniens et sérier leurs aspects divers.

Page 227: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

225

BIBLIOGRAPHIE

ALLEN J.R.L. (1965). - Coastal geomorphology of eastern Nigeria : beach ridge and vegetated tidal flats. Geol. Mijnb., 44, pp. 1-21.

ALLEN J.RL. (1968). - The nature and origin of bed-form hierarchies. Sedimentology, 10, pp. 161- 182.

ALLEN J.R.L. (1970). - Physical Processes of Sedimentation, an introduction. G. Allen and Unwin Ltd., Londres, 248 p.

ANDERSON G.M. (1972). - Silica Solubility. Iïz Fairbridge, 1972, Encycl. Geoch. Van Nostrand Reinhold Cy, N.Y., pp. 1085-1088.

AUGUSTINUS P.G.E.F. (1978). - The changing shoreline of Surinam (South America). Natuur wi- tenschappelijke Studiekring voor Suriname en de Nederlandse Antillen. Utrecht, n. 95, in/8, 232 p.

AUGUSTINUS P.G.E.F. and SLAGER S. (1970). - Soil Formation in Swamp soils of the coastal fringe of Surinam. Geoderma, 6, pp. 203-211.

AVIAS J. (1949). - Note préliminaire sur quelques phénomènes actuels ou subactuels de pétrogénèse et autres dans les marais côtiers de Moindou et de Canala (Nouvelle Calédonie). C.R. somm. S.G.F., pp. 277-280.

AVIAS J. (1953). - Contribution à l’étude stratigraphique et paléontologique des formations anté- crétacées de la Nouvelle Calédonie centrale. Thése. Sci. de la Terre, Nancy, t. 1, n. 1-2, pp. l- 276.

AVIAS J. (1953-1955). - Le problème des nodules pétrifiés des mangroves néocalédoniennes. Actes 4e Congrès LA? Q. U.A., Rome, pp. 245-249.

AVIAS J. (1957). - Sur l’origine de certains Problematica pétrifiés des marais côtiers de la Nouvelle Calédonie, C.R. somm. S.G.F., p. 377.

AVIAS J. (1959). - Les Récifs Coralliens de la Nouvelle Calédonie et quelques-uns de leurs problè- mes. Bull. S.G.F., 7e sér., t. 1, pp. 424-430.

AVIAS J. (1963). - A propos des vases bariolées gypsifères actuelles de Nouvelle Calédonie et sur la genèse des marnes bariolées saliféres du Trias. In : «Le Trias de la France et des régions li- mitrophes». Mémoires du B.R.G.M., n. 15, Paris, pp. 615-622.

AVIAS J. et COUDRAY J. (1967). - Premiers enseignements apportés par un forage réalisé dans le récif barrière de la Nouvelle Calédonie. C.R. Ac. Sci., Paris, t. 265, sér. D, pp. 1867-1869.

BALTZER F. (1965). - Le Marais de Mara. Cah. Pacifique, n. 7, Paris, pp. 69-92.

BALTZER F. (1965). - Contribution à l’étude sédimentologique du Marais de Mara, Nouvelle Calé- donie, Thése 3e cycle, miméograph., Orsay, pp. l-209.

BALTZER F. (1969). - Les formations végétales associées au delta de la Dumbéa (Nouvelle Calédo- me) et leurs indications écologiques, géomorphologiques et sédimentologiques mises en évidence par la cartographie. Cah. O.R.S. T.O.M., sér. Géol., 1, 1, pp. 59-84.

Page 228: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

226

BALTZER F. (1970). - Etude sédimentologique du Marais de Mara (côte ouest de la Nouvelle Calé- donie) et de formations quaternaires voisines. &z : Expéd. Française sur les Récifs Coralliens de la Nouvelle Calédonie, vol. IV, pp. 1-147.

BALTZER F. (1970). - Datation absolue de la transgression holocène sur la côte ouest de la Nou- velle Calédonie sur des échantillons de tourbes à palétuviers. Interprétation néotectonique. C.R. Ac. Sci., sér. D, t. 271, pp. 2251-2254.

BALTZER F. (1971). - Relais de la silice en solution par une smectite détritique dans le transport vers la mer des produits d’altération d’un bassin versant tropical sur roches ultrabasiques. C.R. Ac. Sci., Paris, sér. D, t. 273, pp. 929-932.

BALTZER F. (1971). - Evolution index and Grain size fractiles in the study of river, estuarine and marine sediments, abstract. 7th In terri.. Sedim. Congr., 197 1, Heidelberg.

BALTZER F. (1974). - Quelques effets sédimentologiques du Cyclone Brenda dans la plaine alluvia- le de la Dumbéa (côte ouest de la Nouvelle Calédonie). Revue de Géomorphologie Dynamique, Strasbourg, t. XXI, pp. 97-l 14.

BALTZER F. (1975). - Mapping of Mangroves in the study of sedimentological processes and the concept of swamp structure. Proc. Intern. Symp. Biol. Manag. Mangroves, Honolulu, Publ. : Univ. of Florida, Gainesville, pp. 499-5 12.

BALTZER F. (197 5). - Solution of Silica and Formation of Quartz and Smectite in mangrove swamps and adjacent hypersaline marsh environments. Proc. Interß. Symp. Biol. Manag. Man- graves, Honolulu, Publ. : Univ. Florida, Gainesville, U.§.A., pp. 482-498.

BALTZER F. (1975). - Un modéle néocalédonien de sédimentation et de diagenèse littorales. Congr. Intern. Sédimentologie, Nice, 1975, thème 5, pp. 39-45.

BALTZER F. (1980). - Les Granofaciès segmentaires et ponctuels et leurs interactions dans la sédi- mentation fluviatile et fluvio-marine. In : «En hommage au Professeur André Rivière», Univ. Paris-Sud, Orsay, pp. 27-42.

BALTZER F. and DUGAS F. (1977). - Age of slope breccia and caliche capping the aeolianites in the Bay of St-Vincent, west toast of New Caledonia. Intern. Symp. on Geodynamics in S.W. Pacifie. Ed. Technip, Paris, pp. 301-306.

BALTZER F. et LAFOND L.R. (1971). - Marais Maritimes Tropicaux. Revue de Géogr. Phys. et Géol. Dyn., Paris, vol. 13, fasc. 2, pp. 173-196.

BALTZER F. et PURSER B.H. (1979). - Ecoulement en masse et fracturation de sédiments fluvia- tiles actuels sous l’influence d’un séisme, Sud Est de l’Iran. C.R.S.S.G.F., fasc. 2, pp. 72-75, 1 pl.

BALTZER F. et LE RIBAULT L. (1971). - Néogenèse de Quartz dans les bancs sédimentaires d’un delta tropical. Aspect des grains en microscopie électronique et optique. C.R. Ac. Sci., Paris, sér. D, t. 2‘73, pp. 1083-1086.

BALTZER F. et TRESCASES J.J. (1971). - Première estimation du bilan de l’altération de l’érosion et de la sédimentation, sur péridotites, sous le climat tropical de la Nouvelle Calédonie. C.R. Ac. Sci., Paris, sér. D, t. 273, pp. 20342037.

BALTZER F. et TRESCASES J.J. (1971). - Erosion, transport et sédimentation liés aux cyclones tropicaux dans les massifs d’ultrabasites de Nouvelle Calédonie. Première approche du bilan gé- néral de l’altération, de l’érosion et de la sédimentation sur péridotite en zone tropicale. Cah. O.R.S.T.O.M., sér. Géol., III, 2, pp. 221-244.

BERTHOIS L. et GENDRE A. (1967). - Recherches sur le comportement hydraulique des particu- les sédimentaires. Cah. Océano., Paris, n. 2, pp. 95-123.

Page 229: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

227

BIRD E.C.F. (1972). - Mangroves and coastal morphology in Cairns Bay, North Queensland. JZ. Tro- pic. Geogr., Singapour, vol. 25, pp. 1 l-16.

BLOOM A.L. (1967). - Pleistocene Shorelines, a new test of isostasy. Geol. Soc. Amer. Bull., vol. 78, pp. 1477-1494.

BLOOM A.L. (1970). - Paludal Stratigraphy of Truk, Ponape and Kusaie, Eastern Caroline Islands. Geol. Soc. Amer. Bull., VOL 81, pp. 1895-1904.

BOULEGUE J. (1973). - Étude expérimentale du comportement du soufre dans les milieux marins oxydants et réducteurs. Conséquences pour la matière organique. Actes du de Congr. Intern. de Géoch. Organ., Rueil-Malmaison, France, Ed. Tecbnip, Paris, pp. 813-827.

BOULEGUE J. (1974). - Mesures électrochimiques en milieu réducteur : la lagune de Walvis Bay (République d’Afrique du Sud). C.R. Ac. Sci., Paris, sér. D, t. 278, pp. 2723-2726.

BOULEGUE J. et MICHARD G. (1974). - Problèmes posés par le dosage des sulfures dissous dans les milieux réducteurs naturels. C.R. Ac. Sci., Paris, sér. D, t. 278, pp. 805-807.

BOULEGUE J. et ‘MICHARD G. (1974). - Interactions entre le système sulfures - polysulfures et la matiére organique dans les milieux réducteurs. C.R. Ac. Sci., Paris, sér. D, t. 279, pp. 13-15.

BOYE M. (1962). - Les palétuviers du littoral de la Guyane Française. Ressources et problèmes d’exploitation. Cahiers d’outre-Mer, Bordeaux, t. XV, pp. 271-290.

BOYE M. (1963). - La Géologie des plaines basses entre Organabo et le Maroni (Guyane Française). Mémoire carte géol. détaillée de la France, Paris, 148 p.

BOYE M., BALTZER F., CARATINI C., HAMPARTZOUMIAN A., OLIVRY J.C., PLAZIAT J.C. and VILLIERS J.F. (1975). - Mangrove of the Wouri estuary, Cameroun. Proc. Intern. Symp. Bioi. Manag. Mangroves, Honolulu. Publ. : Univ. of Florida, Gainesville, U.S.A., pp. 431-455.

BUGEL’SKIJ J.J. (1966). - Sur la possibilité de migration du nickel dans les composés complexes avec les acides organiques à petites molécules. Kora Vyvetrivanva, S.S.S.R., Moscou, n. 10, pp. 2 16-224.

CAILLEUX A. et TRICART J. (1959). - Initiation à l’étude des sables et galets. S.E.D.E.S., Paris, 376 p.

CAMY-PEYRET J. et VUILLEUMIER J. (1973). - Les Faluns miocènes du Blésois. Aspectssédimen- tologiques et paléoécologiques. Thèse 3e cycle, Orsay, 158 p. + annexes 27 p.

CANEVET J. (1967). - Etude de la marée dans le cours inférieur de la Dumbéa. Rapport interne O.RS.T.O.M., Centre de Nouméa, in/4O, multigr., 16 p. + tabl. + planches.

CARTER M.R. et al. (1973). - Ecosystems analysis of the Big Cypress Swamp and estuaries, Athens, Georgia, U.S.E.P.A.

CASTANY G. (1967). - Traité pratique des eaux souterraines, Dunod, Paris, 250 p.

CHAMLEY H. (1972). - Destruction d’argile dans les sapropèles de Méditerranée Orientale. C.R. Ac. Sci. Paris, sér. D, t. 274, pp. 2837-2840.

CHAMLEY H. et MILLOT G. (1972). - Néoformation de Montmorillonite à partir de Diatomées et de cendres dans les sédiments marins de Santorin (Méditerranée Orientale). C.R. Ac. Sci., Paris, sér. D, t. 274, pp. 1132-1134.

CHANTRET F. (1969). - L’analyse thermique différentielle associée à l’analyse en continu de I’anhy- dride sulfureux et du dioxyde de carbone. Applications qualitatives et quantitatives à l’étude des roches sédimentaires. Bull. Soc. Fr. Minéral. Cristallogr., 92, pp. 462-467.

CHAPMAN V.J. (1944). - Cambridge University Expedition to Jamaïca. J. Linn. Bot., Londres, vol. 52, pp. 407-533.

Page 230: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

228

CHAPMAN V.J. (1964). - Some factors involved in mangrove establishment. Irr : Les prob. scient. des deltas de la z. tropic. humide et leurs implications. Coll. Dacca, U.N.E.S.C.O., Paris, pp. 219-224.

CHAPMAN V.J. (1976). - Coastal Vegetation. Oxford Univ. Press, 292 p.

CHOW V.T. (1959). - Open channel hydraulics. Mc Graw Hi& New York.

CLARK AH. (1966). - Some comments on the composition and stability relations of mackinawite. Neues Jahrb. Mineralogie Monatsh., vol. 10, pp. 3OC-304.

CLARKE L.D. and HANNON N.J. (1969). - The mangrove swamp and sait marsh communities of the Sydney District. - II. The holocoenotic complex with particular reference to physiography. J. Ecol., 57, pp. 231-234.

CLARKE L.D. and HANNON N.J. (1970). - The mangrove swamp and sait marsh communities of the Sydney District. - III. Plant growth in relation to salinity and waterlogging. J. EcoZ., 58, pp. 35 l-369.

COLEMAN J.M. (1969). - Brahmaputra River : channel processes and sedimentation. Sedimentary Geology, vol. 3, n. 2-3, pp. 129-239.

COPELAND B.J. (1967). - Environmental characteristics of hypersaline lagoons. Contrib. marine Science, 12, pp. 207-218.

COUDRAY J, (1969). - Observations nouvelles sur les formations miocènes et postmiocènes de la région de Népoui (Nouvelle Calédonie). Précisions lithologiques et preuves d’une tectonique «ré- cente» sur la côte sud-ouest de ce territoire. C.R. Ac. Sci., Paris, sér. D, t. 269, pp. 1599-1602.

COUDRAY J. (1971). - Nouvelles données sur la nature et l’origine du complexe récifal côtier de la Nouvelle Calédonie. Étude sédimentologique et paléoécologique préliminaire d’un forage réalisé dans le récif barrière de la côte sud-ouest. Quaternary Research, vol. 1, n. 2, pp. 236-246.

COUDRAY J. (1975). - Recherches sur le Néogène et le Quaternaire marins de la Nouvelle Calédo- nie. Contribution de l’étude sédimentologique à la connaissance de l’histoire géologique post- éocène. Thèse Univ. Sciences et Techniques Languedoc, Montpellier, multigr. 321 p. + biblio.+ planches photo.

CQUDRAY J, et CUSSEY R. (1973). - Analyse des conditions de dépôt de la série récifale plioqua- ternaire traversée par le sondage Ténia (côte sud-ouest de la Nouvelle Calédonie). C.R. Ac. Sci,, Paris, sér. D, t. 277, pp. 1977-1980.

COUDRAY 3. et DELIBRIAS G. (1972). - Variations du niveau marin au-dessus de l’actuel en Nou- velle Calédonie depuis 6000 ans. C.R. Ac. Sci., Paris, sér. D, t. 275, pp. 2623-2626.

COUDRAY J., GONORD H. et SAOS J.L. (1972). - Sur quelques caractères structuraux récemment mis en évidence dans les formations miocènes du nord-ouest de la Nouvelle Calédonie. C.R. Ac. Sci., Paris, sér. D, t. 274, pp. 359-361.

CURRAY J.R. (1960). - Tracing sediment masses by grain size modes. Intern. Geol. Congr., Copen- hague, 1960, Reprt. session, Norden, pp. 119-l 30.

DALY R.A. (1920). - A recent worldwide sinking of sea level. Geol. Mag., 57, pp. 246-261.

DAVIS W.M. Jr. (1925). - Les côtes et les Récifs coralliens de la Nouvelle Calédonie. Annales Géo- gr., t. XXXIV, n. 191, pp. 244-269, 332-359, 423-441 et 521-558.

DAVIS J.H. (1940). - The ecology and geologic role of mangrove in Florida. Carnegie Inst. Cash. Publ., 517, pp. 303-412.

DEBYSER J. (1961). - Contribution à l’étude géochimique des vases marines. Thèse. Ed. Technip, Paris, 249 p.

Page 231: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

229

DIEMONT W.H. and WIJNGAARDEN W. van (1975). - Sedimentation patterns, soils, mangrove ve- getation and land use in the tidal areas of west Malaysia. Proc. Intern. Symp. Biol. Manag. Mangroves, Honolulu, Publ. Univ. Florida, Gainesville, U.S.A., pp. 513-528.

DOEGLAS D.J. (1940). - Interpretation of the results of mechanical analyses. JZ. Sedim. Petrol., 16, pp. 19-40.

DOEGLAS D.J. (1968). - Grain sise indices, classification and environment. Sedimentology, 10, pp. 83-l 00.

DOLOBOVSKAIA A.S. et REMIZOV V.I. (1972). - Transformation de minéraux argileux par inter- action avec la flore hétérotrophe en conditions aérobies. Dokl. Akad. Nauk. S.S.S.S.R., 206, 2, pp. 452-455.

DUBOIS G. (1924). - Recherches sur les terrains quaternaires du Nord de la France. Mém. Soc. Géol., Nord, 8-l.

DUBOIS J. (1969). - Contribution à l’étude structurale du S.O. Pacifique d’après les ondes sismiques observées en Nouvelle Calédonie et aux Nouvelles Hébrides. Annales de Géophysique, t. 25, fasc. 4, pp. 923-972.

DUBOIS J. (1971). - La lithosphère dans la région Nouvelle Calédonie - Nouvelles Hébrides, ses pa- ramètres, ses déformations. Applications à l’interprétation des mouvements récents observés sur les côtes. Rapport interne O.R.S.T.O.M., 7 p. multigr.

DUBOIS J., GUILLON J.H., LAUNAY J., RECY J. TRESCASES J.J. (1973). - Structural and other aspects of the New Caledonia - Norfolk area. In : Coleman P.J., 1973, The Western Pacifie : Island arcs, marginal seas, Geochemistry, Symposium, 12th Pacifie Science Congress, Canberra 1971, pp. 223-235.

DUBOIS J., LAUNAY J., RECY J. (1973). - Les mouvements verticaux en Nouvelle Calédonie et aux îles Loyauté et l’interprétation de certains d’entre eux dans l’optique de la tectonique des plaques. Cah. O.R.S.T.O.M., série Géol., vol. 5, n. 1, pp. 3-24.

DUBOIS J., LAUNAY J., RECY J. (1974). - Uplift movements in New Caledonia Loyalty island arcs and their plate tectonics interpretation. Tectonophysics, 24, pp. 133-150.

DUBOIS J., LAUNAY J., RECY J. (1975). - Some new evidences on lithospheric bulges close to island arcs. Tecionophysics, 26, pp. 189-196.

DUGAS F. (1974). - La sédimentation en Baie de St-Vincent (côte ouest de la Nouvelle Calédonie). Cah. O.R.S.T.O.M., série Géol., vol. VI, n. 1, pp. 41-62.

DUGAS F. (1974). - Les faciès littoraux du Pléistocène à l’actuel de la Baie de St-Vincent (Nouvel- le Calédonie). Cah. O.R.S. T.O.M., série Géol., vol. VI, n. 1, pp. 63-66.

EGLER F.E. (1952). - Southeast saline Everglades vegetation, Florida, and its management. Veg. acta geobot., 3, pp. 213-265.

EMERY K.O. (1938). - Rapid method of mechanical analysis of sands. J. Sedim. PetroZ., 8, p. 105.

ERHART H. (1973). - Itinéraire géochimique et cycle géologique du silicium. Doin, Paris, 224 p.

FAIRBRIDGE R.W. (1958). - Dating the latest movements of the quaternary sea level. Trans. New York A~S. Sci. 2, 20, pp. 47 l-482.

FAIRBRIDGE R.W. (1960). - The changing level of the seas. Scient. Amer., 202, pp. 70-79.

FAIRBRIDGE R.W. (1961). - Eustatic changes in sea level. In : Ahrens, Press, Rankama and Run- corn, Physics and Chemistry of the Earth. Progress series, Pergamon Press, Londres, pp. 99-185.

FAIRBRIDGE R.W. (1962). - Sea level and the southern oscillation. Geophys. J. Roy. Astronom. Soc., vol. 6, n. 4.

Page 232: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

230

FAURE H. (1974). - Quand la croûte terrestre s’enfonce et se soulève. Lu Recherche, n. 45, mai 74, pp. 478-480.

FAURE H. (19 75). - Nouvelle approche du problème du niveau des mers. Bull. Ziaison A.S.E. QUA, Sénégal, n. 44-45, juin 1975.

FAURE H. et ELOUARD P. (1967). - Schéma des variations du niveau de l’Océan Atlantique sur la côte de l’Ouest de l’Afrique, depuis 40 000 ans. C.R. Ac. Sci., Paris, sér. D, t. 265, pp. 784- 787.

FREYTET P. (19 70). - Les dépôts continentaux et marins du Crétacé supérieur et des couches de passage à l%ocène en Languedoc. Thèse, Orsay. Trav. Lab. Géol. Struct. et Appl., 490 p., 210 fig., 21 pl.

FRIEDMAN G.M. (1961). - Distinction between dune, beach and river sands from their textural characteristics. J. Sedim. Petrol., vol. 31, n. 4, pp. 514-529.

FRIEDMAN G.M. (1967). - Dynamic processes and statistical parameters compared for size frequen- cy of beach and river sands. J. Sedim. Petrol., vol. 37, n. 2, pp. 327-355.

FRIMIGACCI D. (1970). - Fouilles archéologiques à Vatcha (près de Vao), île des Pins. Bull. Soc. Et. Melan., n. 21-25, pp. 1 l-22.

GARRELS R.M. and CHRIST C.L. (1965). - Solutions, Minerals and Equilibria. Harper & Row, New York, 450 p.

GILL E.D. (1967). - Criteria for the description of quaternary shorelines. Quaternaria, vol. Y, pp. 237-243.

GILL E.D. (1971). - The Paris Symposium on World sea level of the past 11000 years. Quaternaria, vol. 14, pp. 1-6.

GILL E.D. and HOPLEY D. (19 72). - Holocene sea levels in eastern Australia. A discussion. Marine Geol., vol. 12, pp. 223-242.

GILL A.M. and TOMLINSON P.B. (1969). - Studies on the growth of Red Mangrove (Rhizophora mangle, L.). 1. Habit and general morphology. Biotropica, 1, 1, pp. 1-9.

GIOVANELLI J. (1952). - Le régime pluviométrique de la Nouvelle Calédonie. Service Météorologi- que, publ. n. 3, Nouméa, 28 p., 20 tabl.

GIOVANELLI J. (1953). - Le climat de la Nouvelle Calédonie, Imprimeries réunies, Nouméa, Nlle Calédonie, 57 p., 4 dépl. h.-t.

GIRESSE P. (1968). - Authigenèse actuelle de Quartz pyramidés dans la lagune de Fernan-Vaz (Ga- bon). CR. Ac. Sci., Paris, sér. D, t. 267, pp. 145-147.

GIRESSE P. et WEIL R. (19 70). - Nouvelles observations sur le gisement de Quartz authigènes de la lagune Fernan-Vaz (République du Gabon). Bull. Serv. Carte géol. AZs.-Lorr., Strasbourg, 23, 3-4, pp, 215-222.

GONORD H. et TRESCASES J.J. (1970). - Observations nouvelles sur la formation post-miocène de Muéo (côte ouest de la Nouuelle Calédonie). Conséquences paléogéographiques et structurales. C.R. Ac. Sci., Paris, sér. D, t. 270, pp. 584-587.

GORNITZ V. (1972). - Chelation. Iïz : Fairbridge R.W., Encycl. Geochemist., Van Nostrand Rein- hold, New York, pp, 149-15 1.

GRAF W.H. (1971). - Hydraulics of sediment transport. McGraw Hill, New York, 5 13 p.

GRANGER H.C. and WARREN C.G. (19 69). - Unstable sulphur compounds and the origin of roll type uranium deposits. Econ. GeoL, vol. 64, pp. 160-171.

Page 233: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

231

GUILCHER A. (1954). - Rapport sur les causes de l’envasement du rio Kapatchez. Service Hydrau- lique A.O.F., Dakar, 29 p. multigr.

GUILLON J.H. (1975). - Les massifs péridotitiques de Nouvelle Calédonie. Type d’appareil ultraba- sique stratiforme de chaîne récente. O.R.S.T.O.M., Paris, 120 p.+ cartes h.-t.

GUILLON J.H. et ROUTHIER P. (1971). - Les stades d’évolution et de mise en place des massifs ultramafiques de Nouvelle Calédonie. Bull. B.R.G.M., vol. 4, n. 2, pp. 5-38.

GUITTON J.P. (1974). - Contribution à l’étude du niveau moyen de la mer à Nouméa. Annales hy- drographiques, 5e sér., vol. 2, fasc. 1, n. 741, pp. 23-33.

HEALD E. (1971). - The production of organic detritus in a south Florida estuary. Univ. Miami sea gran t tech. Bull. 6, 110 p.

HESSE P.R. (1962). - Phosphorus fixation in mangrove swamp muds. Nature, 193, pp. 295-296.

HJULSTROM F. (1939). - Transportation of detritus by moving water. In : P.D. Trask, Recent ma- rine sediments, a symposium. A.A.P.G., Tulsa, Oklahoma, U.S.G, pp. 5-31.

HUISMAN L. (1966). - Ground water in deltas. Actes du Colloque de Dacca (Les problèmes scient. des deltas de la zone tropicale humide et leurs implications). U.N.E.S.C.O., Paris, pp. 157-168.

JELGERSMA S. (1961). - Holocene sea level changes in the Netherlands. Mededel. Geol. Sticht., ser. C, pp. 6-7.

KALCK Y. (1978). - Evolution des zones à mangroves du Sénégal au Quaternaire récent. Etudes géologiques et géochimiques. Thése 3e cycle, Strasbourg, 122 p. + annexes.

KAPLAN I.R., EMERY K.O. and RITTENBERG S.C. (1963). - The distribution and isotopic abun- dance of sulfur in recent marine sediments of Southern California. Geoch. Cosmochim. Acta, vol. 27, pp. 297-331.

KRANCK K. (1975). - Sediment deposition from flocculated suspensions. Sedimentology, vol. 22, n. 1, pp. 111-123.

KRUMBEIN W.C. (1939). - Tidal lagoon sediments on the Mississipi delta. 1~1 : P.D. Trask, Recent marine sediments, a symposium. A.A.P.G., Tulsa, Oklahoma, U.S.A., pp. 178-194.

KUENEN Ph. H. (1954). - Eustatic changes in sea level. Geol. en Mijnbouw, 16, pp. 148-155.

KUENZLER E.J. (1 Y 68). - Mangrove swamp systems. In : Coastal ecological systems of the United States (Ed. Odum H.T., Copeland B.J. & McMahon E.A.), Inst. Marine Science Univ. North Carollna, 1978, pp. 353-383.

LAFOND L.R. (1953). - Application de la méthode des indices à l’étude de l’évolution des sédi- ments actuels dans le bassin de la rivière Sa1 (Morbihan). C.R. Ac. Sci., Paris, t. 237, pp. 82-84.

LAFOND L.R. (1953). - Sur l’évolution granulométrique des sédiments dans le bassin de la Vilaine.

LAFOND L.R. (19 67). - Etudes littorales et estuariennes en zone intertropicale humide. Thèse, Or- say, 838 p. + figures.

LALOU Cl., LABEYRIE J. et DELIBRIAS G. (1966). - Datation des calcaires coralliens de l’atoll de Mururoa (archipel des Tuamotu) de l’époque actuelle jusqu’à - 500000 ans. C.R. Ac. Sci., Paris, sér. D, t. 263, pp. 1946-1949.

LANE E.W. (1953). - Progress report on studies on the design of stable channels of the bureau of recla- mation. Proc. Am. Soc. Civil Enginrs., vol. 79.

LARONNE J.B. and CARSON M.A. (1976). - Interrelationships between bedmorphology and bed material transport for a small, grave1 bed channel. Sedimentology, vol. 23, n. 1, pp. 67-85.

Page 234: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

232

LAUNAY J. (1972). - La sédimentation en baie de Dumbéa (côte ouest de la Nouvelle Calédonie), Cah. O.R.S. T. O.M., sér. Géol., vol. IV, n. 1, pp. 25-5 1.

LAUNAY J. et RECY J. (19 70). - Nouvelles données sur une variation relative récente du niveau de la mer dans toute la région Nouvelle Calédonie - îles Loyauté. C.R. Ac. Sci., Paris, sér. D, t. 270, pp. 2159-2161.

LAUNAY J. et RECY J. (1972). - Variations relatives du niveau de la mer et néotectonique en Nouvelle Calédonie au Pléistocène supérieur et à PHolocène. Rev. Géogr. phys. Géol. dyn., vol. 14, fasc. 1, pp. 47-67.

LAUNAY J., TRESCASES J.J. et MAREUIL A. (1969). - Analyse chimique des roches altérées, des sols ferrallitiques et des sédiments marins de Nouvelle Calédonie. Rapport interne O.R.S.T.O.M. 23 p. multigr.

LEOPOLD L.B. and WOLMAN M.G. (1970). - River channel patterns. In : Dury G.H., 1970, Rivers and river terraces, MacMillan, Londres, pp. 197-237.

LEOPOLD L.B., WOLMAN M.G. and MILLER J.P. (1964). - Fluvial processes in geomorphology. Freeman, San Francisco, 522 p.

LE RIBAULT L. (1973). - L’exoscopie, méthode de détermination des évolutions subies par les grains de Quartz au cours de leur histoire géologique, par l’étude de leurs aspects superficiels au microscope électronique à balayage. Thése 3e cycle, Orsay, 62 p.

LE RIBAULT L. (1975). - L’exoscopie. Méthode et applications. Notes et Mémoires, Cie Française des Pétroles, 232 p.

LE RIBAULT L. ( 1977). - L’exoscopie des Quartz, Masson, Paris, 160 p.

LEWIN J.C. (1961). - The dissolution of silica from diatom walls. Geochim. Cosmochim. Acta, vol. 21, pp. 182-198.

LIBBY W.F. (1955). - Radiocarbon dating. 2e ed., Univ. Chicago Press, 175 p.

LOREAU J.P. and PURSER B.H. (1973). - Distribution and ultrastructure of holocene ooïds in the Persian Gulf. In : Purser B.H., The Persian Gulf, Springer Verlag, Berlin, pp. 279-328.

LUCAS J. (1962). - La transformation des minéraux argileux dans la sédimentation. Etudes sur les argiles du Trias. M&n. Serv. Carte géol. AIS.-Lorr., 23, 202 p.

LUGO A.E. and SNEDAKER S.C. (1974). - Th e ecology of mangroves. Ann. Review Ecol. Syste- matics, vol. 5, pp. 39-64.

MAC FARLAN E. (1961). - Radiocarbon dating of late Quaternary deposits. South Louisiana. Bull. Geol. Soc. Amer., 72, pp. 129-158.

MAGLIONE G. (1974). - Géochimie des évaporites et silicates néoformés en milieu continental con- finé. Thése, Paris VI, O.R.S.T.O.M., 331 p.

MEHRA O.P. and JACKSON M.L. (1960). - Iron oxide removal from soils and clays by a dithioni- te citrate system buffered with sodium bicarbonate. Clays and Clay minerals, 7, pp. 317-327 (Pergamon Press, New York).

MENACHE M. (1958). - Etude hydrologique de l’estuaire de Fascène à Nosy-Bé (Madagascar) durant la saison des pluies 1956. Mém. Inst. Scient. Madagascar, sér. F, t. 2.

MICHARD G. (1967). - Signification du potentiel redox dans les eaux naturelles. Conditions d’utili- sation des diagrammes (Eh, pH). Mineralium Deposita, 2, pp. 34-36.

MICHEL J.P. (1974). - Diverses formes de recristallisation de silice autour de grains de Quartz tria- siques. C.R. Ac. Sci., Paris, sér. D, pp. 2711-2714.

Page 235: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

233

MILLOT G. (1964). - Géologie des Argiles, Masson, Paris, 499 p.

MITCHELL A.H.G. (1969). - Raised reef capped terraces and plio-pleistocene sea level changes, North Malekula, New Hebrides. J. GeoZ., vol. 77, n. 1, pp. 56-67.

MORGAN J.P. (1970). - Deltaic sedimentation, modern and ancient. S.E.P.M., Tulsa, Oklahoma, U.S.A., special pubL n. 15.

MOORMANN F.R. and PONS L.J. (1975). - Characteristics of mangrove soils in relation to their agricultural land use and potential. Proc. Int. Sympos. Biol. Manag. Mangroves, Honolulu, Univ. Florida, Gainesville, U.S.A., t. II, pp. 529-547.

MORNER N.A. (1971). - Eustatic Changes during the last 20 000 years and method of separating the isostatic and eustatic factors in an uplifted area. Palaeogeog. Palaeoclim. Palaeoecol., 9, pp. 153-181.

NEWELL N.D. and BLOOM A.L. (1970). - The reef flat and two-meter eustatic terrace of some Pacifie atolls. Geol. Soc. Amer. Bull., vol. 81, pp. 1881-1894.

ORLOFF 0. et GONORD H. (1968). - Note préliminaire sur un nouveau complexe sédimentaire continental situé sur les massifs du Goa N’doro et de Kadjitra (région côtiére à l’Est de la Nouvelle Calédonie). Définition de la formation et conséquences de cette découverte sur l’âge des fractures majeures récemment mises en évidence dans la même région. C.R. Ac. Sci., Paris, sér. D, t. 267, pp. 5-8.

PAQUET H. (1970). - Evolution géochimique des minéraux argileux dans les altérations et les sols des climats méditerranéens et tropicaux à saisons contrastées. Mém. Serv. Carte géol. Ak-Lorr., n. 30, 212 p.

PASSEGA R. and BYRAMJEE R. (1969). - Grain size image of clastic deposits. Sedimentology, 13, pp. 233-252.

PATRICK R. (1967). - Diatom communities in estuaries. In : CEstuaries)), Ed. H.G. Lauff, A.A.S. publ. n. 83, Washington d.c., pp. 311-315.

PEGUY C.P. (1961). - Précis de climatologie, Masson, Paris, 348 p.

PERTHUISOT J.P. et JAUZEIN A. (1975). - Sebkhas et dunes d’argile. L’enclave endoréique de Pont du Fahs, Tunisie. Rev. Géogr. phys. Géol. dyn., vol. XVII, fasc. 3, pp. 295-306.

PHILIPPON J. et PLAZIAT J.C. (19 75). - Rôles respectifs de la corrosion et des Cryptogames per- forants dans la destruction des coquilles de Mollusques des Mangroves. Conséquences sur la fossilisation. CR. Ac. Sci., Paris, sér. D, t. 28 1, pp. 617-620.

PIMIENTA 3. (1959). - Le cycle Pliocène - Actuel dans les bassins paraliques de Tunis. Thése. Mém. Soc. Géol. Fr., nouvelle sér., t. XXXVIII, fasc. 1, mém. n. 85, pp. 1-176, pl. l-4.

PIROUTET M. (1917). - Etude stratigraphique de la Nouvelle Calédonie. Thèse. Protat. Mâcon, 316 p., cartes.

PLAZIAT J.C. (1970). - Huîtres de mangrove et peuplements littoraux de l’Eocène inférieur des Corbières. Geobios, n. 3, fasc. 1, pp. 7-27.

PLAZIAT J.C. (19741977). - Répartition des Mollusques amphibies de quelques littoraux et estuai- res à mangroves (Nouvelle Calédonie et Cameroun). Rôle de la salinité dans les modifications locales des peuplements de mangrove. Haliotis, t. 4, fasc. l-2.

PLAZIAT J.C. (1975). - Les mangroves anciennes : discussion de leurs critères de reconnaissance et de leur signification paléoclimatique. 9e Congr. Int. Sedim. Nice, 1975, thème 1, 7 p.

PLAZIAT J. (1975). - Molluscs distribution and its value for the recognition of ancient mangroves. Proc. Int. Symp. Biol. Manag. Mangroves, Honolulu, Publ. Univ. Florida, Gainesville, pp. 456-465.

Page 236: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

234

PLAZIAT J.C. (1977). - Les Cerithides tropicaux et leur polymorphisme lié à l’écologie littorale des man- groves. MaZacoZogia, 16, (l), pp. 35-44.

PLAZIAT J.C., PAJAUD D., EMIG C. et GALL J.C. (1978). - Environnements et distribution bathy- métrique des Lingules actuelles : conséquences pour les interprétations paléogéographiques. Bull. S.G.F., 7e sér., t. XX, n. 3, pp. 309-314.

RASHID M.A. and LEONARD J.D. (1973). - Modifications in the solubility and precipitation beha- viour of various metals as a result of their interaction with sedimentary humic acid. Chemic. Geol., 11, (2), pp. 89-98.

REDFIELD A.C. (19 67). - Postglacial change in sea level in the western north Atlantic Ocean. Science, vol. 157, n. 3789, pp. 687-692.

RICKARD D.T. (19 69). - The chemistry of iron sulfide formation at low temperature. StockhoZm Contr. Geology, VOL 20, pp. 67-95.

RICKARD D.T. (1972). - Sedimentary iron sulphide formation. In : Dost H., ed., Proc. Int. Symp. on Acid Sulphate soils, VOL 1, Int. Inst. Land Reclamation and Improvement, Wageningen, Pays Bas.

RIVIERE A. (1944). - Sur les méthodes granulométriques de sédimentation. Bull. S.G.F., 5e sér., t. XIV, pp. 409-437.

RIVIERE A. (1952). - La granulométrie des sédiments argilo-vaseux est susceptible d’une expression analytique générale. Notion de faciès granulométrique. C.R. Ac. Sci., t. 234, pp. 2628-2630.

RIVIERE A. (1952). - Sur la représentation graphique de la granulométrie des sédiments meubles. Interprétation des courbes et applications.‘BuZZ. S.G.F., 6e sér., t. II, VOL 3, pp. 145-154.

RIVIERE A. (1952). - Expression analytique générale de la granulométrie des sédiments meubles. Indices caractéristiques et interprétation géologique. Notion de faciès granulométrique. Bull. S G.F., 6e sér., t. II, pp. 155-167.

RIVIERE A. (1957). - Sur le caractère intrinsèque de l’indice d’évolution dans la méthode des faciès granulométriques. C.R. Ac. Sci., t. 244, n. 10, pp. 1389-1391.

RIVIERE A. (1960). - Généralisation de la méthode du faciès granulométrique par extension de la notion d’indice d’évolution. Détermination de celui-ci. C.R. Ac. Sci., t. 250, n. 17, pp. 29 17- 2919.

RIVIERE A. (1967). - Méthodes granulométriques en géologie. In : Mises à jour, Gauthier-Villars, Paris, t. 2, pp. 243-262.

RIVIERE A. (1973). - Nouvelle méthode d’interprétation des granulométries. C.R. Ac. Sci., t. 277, pp. 1613-1616.

RIVIERE A. (1 Y 77). - Méthodes granulométriques. Techniques et interprétations. Masson, Paris, 170 p.

RIVIERE A. et VERNHET S. (1959). - Sur une technique nouvelle de détermination directe du rH et sa signification sédimentologique. C.R. Ac. Sci., t. 248, pp. 7 17-7 19.

RIVIERE A. et VERNHET S. (19 62). - Régime euxinique et sédimentation carbonatée en milieu la- gunaire. C.R. Ac. Sci., t. 255, pp. 3013-3015.

RIVIERE A et VERNHET S. (1964). - Contribution à l’étude de la sédimentologie des sédiments carbonatés. 1n : LM.J.U. Van Straaten, Deltaic and shallow marine sediments, Elsevier, pp. 356- 361.

RIVIERE A. et VERNHET S. (1973). - Granulométrie dimensionnelle ou granulométrie dynamique. C.R. Ac. Sci., Paris, sér. D, t. 277, pp. 2649-2652.

Page 237: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

235

RIVIERE A. et VERNHET S. (1975). - Théorie générale de l’évolution granulométrique des sédi- ments détritiques transportés par un fluide. Une loi mathématique simple de haute représenta- tivité. Quelques conséquences. C.R. Ac. Sci., Paris, sér. D, t. 28 1, pp. 18 13-18 16.

RIVIERE A. et VERNHET S. (1976). - Ajustement de la loi générale de l’évolution granulométri- que des sédiments détritiques. Représentativité et écarts. Méthodologie nouvelle d’interprétation des données granulométriques. C.R. Ac. Sci., Paris, sér. B, t. 282, pp. 75-78.

RIVIERE M.A. et RIVIERE A. (1962). - Possibilité d’une expression gaussienne très approchée de la granulométrie de nombreux sédiments. C.R. Ac. Sci., t. 254, pp. 3396-3398.

RIVIERE A., SALLE Cl, et VERNHET S. (1951). - Sur certaines anomalies granulométriques appa- rentes des roches argileuses et leur interprétation géologique. C.R. Ac. Sci., t. 232, pp. 1858- 1860.

ROCHE M. (1963). - Hydrologie de surface. O.R.S.T.O.M., Gauthier-Villars, Paris, 430 p.

ROUTHIER P. (1953). - Etude géologique du versant occidental de la Nouvelle Calédonie entre le col de Boghen et la Pointe d’Arama. Mémoire S.G.F., n. 67, 272 p., 24 pl., 1 dépl.

ROUTHIER P. (1969). - Massifs ultrabasiques, altération et sédimentation en Nouvelle Calédonie. Cah. O.R.S.T.O.M., sér. Géol., VOL 1, n. 1, pp. 3-5.

RUSSEL R.J. (1964). - Duration of the Quaternary and its subdivisions. Proc. Natl. Ac. Sci,, 52, (3), pp. 790-796.

RÜTZLER K. (1969). - The mangrove community, aspects of its structure, faunistics and ecology. In : Lagunas costeras, un simposio. U.N.A.M., Mexico (1967), pp. 5 15-536, 5 fig. 1 tabL

SABOURAUD-ROSSET C. (1970). - Croissance de cristaux de Quartz dans des pollens de Conifères. Observations faites dans des gypses oligocénes du Midi de la France. C.R. Ac. Sci., Paris, t. 270, pp. 289 l-2894.

SABOURAUD-ROSSET C. et TOURAY J.C. (1970). - Sur les conditions de néoformation du Quartz en terrain salifère, d’après l’étude d’inclusions fluides. Bull. Suisse de Minéralogie et Pétrogra- phie, VOL 5011, pp. 91-97.

%HEIDEGGER A.E. and POTTER P.E. (19 67). - Bed thickness and grain size : cross bedding. Se- dimentology, 8, pp. 39-44.

SCHOELLER M. (1966). - La concentration chimique par évaporation des eaux souterraines dans les deltas. ColL de Dacca: Prob. Scient. deltas. z. tropic. humide et implications. UNESCO, Paris, pp. 169-173.

SCHOFIELD J.C. (1960). - Saa level fluctuations during the last 4 000 year- as recorded by a che nier plain, Firth of Thames, New Zealand. N. 2. J. Geol. Geoph., 3 (3), pp. 467-485.

SCHOFIELD J.C. (1964). - Post glacial sea level and isostatic uplift. N. 2. J. Geol. Geoph., 7 (2), pp. 359-370.

SCHOFIELD J.C. (19 67). - Post glacial sea leval maxima. A function of salinity ? Pleistocene sea level evidences from Cook islands. J. Geoscience Osaka City Univ., vol. 10, art. 1-14, pp. 115- 120.

SCHOLANDER P.F., HAMMEL H.T., BRADSTREET E.D. and HEMMINGSEN E.A. (1965). - Sap pressure in vascular plants. Science, 148, pp. 339-346.

SCHOLL D.W. and STUIVER M. (1967). - Recent submergence of southern Florida : a comparison with adjacent toasts and other eustatic datas. Geol. Soc. Amer. Bull., vol. 78, pp. 437-454.

SCHUBEL J.R. (1968). - Suspended sediment of the northern Chesapeake Bay. Chesapeake Bay Inst. The Johns Hopkins Univ. Techn. rep. n. 35, réf. 68-2, pp. l-264.

Page 238: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

236

SCHUBEL J.R. (1970). - Tidal variation of the suspended sediment size distribution at a station in Upper Chesapeake bay. Chesapeake bay Inst., The Johns Hopkins Univ. Techn. rep. n. 63, réf. 70-2, pp. l-28.

SCRUTON P.C. (1960). - Delta building and the deltaic sequence. In : Shepard F.P., Phleger R.B. & Van Andel Tj. H., Recent sediments, northwest gulf of Mexico, A.A.P.G., Tulsa, Oklahoma, pp. 82-102.

SENGUPTA S. (1975). - Size sorting during suspension transportation. Lognormality and other cha- racteristics. Sedimentology, VOL 22, n. 2, pp. 257-273.

SENGUPTA S. and VEENSTRA H.J. (1968). - On sieving and settling techniques for sand analysis. Sedimentology, VOL 11, pp. 83-98.

SERVICE HYDROGRAPHIQUE ET OCEANOGRAPHIQUE DE LA MARINE (1948). - Instructions Nautiques, îles de l’Océan Pacifique, 2e VOL, Impr. Nationale, Paris, p. 21.

SERVICE HYDROGRAPHIQUE ET OCEANOGRAPHIQUE DE LA MARINE (1967). - La Marée à Nouméa. Cah. Océano. C.O.E.C., XIXe année, n. 1, p. 20.

SERVICE DE LA Ml?I%QROLOGIE DE NOUVELLE CALÉDONIE. Diverses années. Résumés men- suels du temps. Caractéres climatologiques de l’année.

SEVON W.D. (1966). - Distinction of New Zealand beach, dune and river sands by their grain size distributions characteristics. N. 2. J. Geol. Geoph., vol. 9, n. 3, pp. 212-223.

SHEPARD F.P. (1960). - Rise in sea level along north west Gulf of Mexico. In : Recent sediments, north-west Gulf of Mexico, p. 388. .

SHEPARD F.P. (1963). - Thirty five thousand years of sea 1eveL Essays in marine geology in ho- nor of K.O. Emery. Univ. Calif. Press., pp. l-l 0.

SHEPARD F.P. and CURRAY J.R. (1967). - Carbon 14 determination of sea level changes in stable areas. In : Sears M., Progress in Oceanograph., VOL IV, Pergamon Press, Oxford, New York, pp. 283-29 1.

SHEPARD F.P., CURRAY JR., NEWMAN W.A., BLOOM A.L., NEWELL N.D., TRACEY J.I. and VEEH HI-I. (1967). - Holocene changes in sea IeveL Evidence in Micronesia. Science, vol. 157,

pp. 542-544.

SHEPARD F.P. and MOORE D.G. (1955). - Central Texas toast sedimentation. Characteristics of sedimentary environment, recent history and diagenesis. Bull. Am. A~S. Petrol. Geol., 39, (8), pp. 1463-1593.

SHEPARD F.P. and YOUNG R. (1961). - Distinguishing between beach and dune sands. J. Sedim. Petrol., 31, (2), pp. 196-214.

SIMONS D.B., RICHARDSON E.V. and NORDIN C.F. (1965). - Sedimentary structures generated by flow in alluvial channels. In : Middleton G.V., Primary sedimentary structures and their hy- drodynamic interpretation. Soc. Econ, Miner. Paleontol., Spec. Publ., 12, pp. 34-52.

SKINNER B.J., ERD R.C. and GRIMALDI F.J. (1964). - Greigite, the thiospinel of iron : a new minerai Am. Mineralogist, VOL 49, pp. 543-555.

SNEDAKER S.C and LUGO A.E. (1973). - The role of mangrove ecosystems in the maintenance of environmental quality and a high productivity of desirable fisheries. Atlanta, Georgia. Bureau of sports fisheries and wildlife.

SUESS Ed. 19 18 (1904). - La Face de la Terre, 7 VOL Paris.

SWEENEY R.E. and KAPLAN I.R. (1973). - Pyrite framboid formation : laboratory formation and marine sediments. Econ. Geol., VOL 68, n. 5, pp. 618-635.

Page 239: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

237

TAYLOR L. (1970). - Smythite Fe 3+xS4 and associated minerals from the Silver Fields Mine - Co- balt - Ontario. Am. Mineralogist, VOL 55, pp. 1650-1658.

TEBEAU C.W. (1968). - Man in the Everglades - Coral Gables - Florida. Univ. Miami Press, 192 p.

THGM B.G. (1967). - Mangrove ecology and deltaic geomorphology. Tabasco, Mexico. J. EcoZ., vol. 55, n. 2, pp. 3Oli343.

THGM B.G. (1975). - Mangrove ecology from a geomorphic view point. Proc. Int. Symp. Biol. Ma- nag. Mangroves, Honolulu, 1974. Publ. Univ. Florida, Gainesville, pp. 469-481.

THGM B.G., HAILS JR and MARTIN A.R.H. (1969). - Radiocarbon evidence against higher post- glacial sea levels in eastern Australia. Marine GeoZ., vol. 7 (1969), pp. 16 1-168.

THGM B.G. and CHAPPEL J. (1975). - Holocene sea levels relative to Australia. Search, 6, (3), pp. 90-92.

THOMAS W.H. and SIMMONS E.G. (1960). - Phytoplankton production in the Mississipi delta. In : F.P. Shepard, F.B. Phleger and T.H. Van Andel, ed., Recent Sediments, north-west gulf of Mexi- co, A.A.P.G., Tulsa, Oklahoma, U.S.A., pp. 103-116.

THORNSTENSON D.C. and MACKENZIE F.T. (1974). - Time variability of pore water chemistry in recent carbonate sediments. Devi?s Hole, Harrington sound, Bermuda. Geochim. Cosmochim. Acta, VOL 38, pp. l-19.

TIXIER B. (1965). - Contribution à l’étude sédimentologique des grès de base du Liban. Thèse 3e cycle Sédimentologie. Orsay.

TRAUTH N. (1974). - Argiles évaporitiques dans la sédimentation carbonatée continentale tertiaire. Bassins de Paris, Mormoiron, Salinelles (France), Jebel Ghassoul (Maroc). Thése Sciences, Stras- bourg, 309 p.

TRESCASES J.J. (1965). - Méthodes d’analyse des eaux drainant les massifs de péridotites en Nou- velle Calédonie. Rapport O.R.S.T.O.M., Centre de Nouméa, 50 p. multigr.

TRESCASES J.J. (1969). - Premières observations sur l’altération des péridotites de Nouvelle Calédo- nie. Pédologie, Géochimie, Géomorphologie. Cah. O.RS. T.O.M., sér. Géol. Bondy, vol. 1, n. 1, pp. 27-57.

TRESCASES J.J. (1969). - Géochimie des eaux de surface et altérations dans le massif ultrabasique du sud de la Nouvelle Calédonie. Bull. Serv. Carte géol. Ak-Lorr., Strasbourg, t. 22, fasc. 4, pp. 329-354.

TRESCASES J.J. (1973). - Weathering and geochemical behaviour of the element of ultramafic rocks in New Caledonia. In : Fisher N.H. ed., Metallogenic Provinces and minerai deposits in the southwestern Pacifie. Symposium at the 12th Pacifie Science Congress, Canberra, 1971. Bur. of Mineral Res. Geol. and Geoph. Dept. of Minerals and Energy, Canberra, bull. 141.

TRESCASES J.J. (1973). - L’évolution géochimique supergène des roches ultrabasiques en zone tro- picale et la formation des gisements nickélifères de Nouvelle Calédonie. Thèse Sciences, Stras- bourg, 347 p. + 9 pL

TRESCASES J.J. (1975). - L’évolution géochimique supergène des roches ultrabasiques en zone tro- picale. Formation des gisements nickéliféres de Nouvelle Calédonie. Mémoire O.R.S. T.O.M., n. 78, Paris, 260 p., 56 fig., 1 carte k-t.

TRICART J. (1957). - Observations sur la genèse des nappes de cailloutis fluviatiles. Bull. S.G.F., 6e sér., t. VII, pp. 1189-1203.

TRICART J. (1965). - Observations sur le charriage des matériaux grossiers par les cours d’eau. Rev. Geomorphol. Dynam., t. 12, pp. 3-15.

Page 240: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

238

TRICART J. et CAILLEUX A. (1965). - Traité de Géomorphologie, tome V. Le modelé des régions chaudes. SEDES, Paris, 322 p.

TRICART J. et VOGT H (1967). - Quelques aspects du transport des alluvions grossières et du façonnement des lits fluviaux. Geografiska Annuler, Stockholm, vol. 49A (1969), pp. 35 1-366.

TRICHET J. (1967). - Essai d’explication du dépôt d’aragonite sur des substrats organiques. C.R. Ac. Sci., Paris, t. 265, pp. 14641467.

TUNDISI J. (1969). - Plankton studies in a mangrove environment ; its biology and primary pro- duction. In : A. Ayala Castanares et F.B. Phleger, ed., Lagunas costeras, un simposio, U.N.A.M. Mexico (1967), pp. 485-494, 1 fig., 3 tabl.

VATAN A (1967). - Manuel de Sédimentologie, Technip, Paris, 397 p.

VEEH HH. and CHAPPEL J. (1970). - Astronomical theory of climatic change ; support from New Guinea. Science, vol. 167, pp. 862-865.

VERNHET S. et RIVIERE A (1976). - Interprétations sédimentologiques des paramètres granulomé- triques x et N. Notion d’évolution granulométrique normale. Distributions granulométriques anormales. Indice de maturation. C.R. Ac. Sci., Paris, sér. B, t. 282, pp. 145-148.

VIEILLEFON J. (1969). - La pédogenèse dans les mangroves tropicales. Un exemple de chronosé- quence. Science du Sol, 2, pp. 115-148.

VIEILLEFON J. (1971). - Contribution à l’étude du cycle du soufre dans les sols de mangrove. Ses rapports avec l’acidification naturelle ou provoquée. Cah. O.R.S.T.O.M., sér. Pédol., IX, (3), pp. 241-270.

VIEILLEFON J. (1973). - Rôle du soufre dans la pédogenése et l’évolution des caractères physico- chimiques dans les sols hydromorphes tropicaux des régions tropicales. Gley et pseudogley. Trans. Comm. V-v1 LS.S.S., Stuttgart, 1971, pp, 103-114.

VIEILLEFON J. (1974). - Contribution à l’étude de la pédogenèse dans le domaine fluvio-marin en climat tropical d’Afrique de l’Ouest. Thèse Sciences, Univ. Paris VI, 362 p. + annexes.

VIROT R. (1956). - La végétation canaque. Mém. Museum nat. Hist. nat., Paris, Nlle sér., sér. B, Botanique, t. 7, 398 p.

VISHER G.S. (1969). - Grain size distribution and depositional processes. J. Sed. Petrol., Tulsa, Oklahoma, VOL 39, n. 3, pp. 1072-1106.

WALCOTT R.I. (1972). - Past sea levels, eustasy and deformation of the earth. Quaternary research, VOL 2, n. 1, pp. 1-14.

WALSH G.E. (1967). - An ecological study of a Hawaiian Mangrove Swamp. In : H.G. Lauff, Estu- aries, A.A.S.S., publ. n. 83, 757 p., pp. 420-431.

WEAVER R.M., SYERS J.K. and JACKSON M.L. (1968). - Determination of silicate in Citrate Bi- carbonate Dithionite extracts of soils. Soil. Sci. Am. Pro~., vol. 32, pp. 497-501.

WELLMAN H.W. (1972). - Recent crustal movements : techniques and achievements. Tectonophysics. In : A.R. Ritsema, ed., The Upper Mantle. Tectonophysics, VOL 13, n. l-4, pp. 373-392.

Page 241: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

239

PLANCHE 1

1. - Chenal de marée bordé de Rhizophora, dans une mangrove moyenne.

2. - Mangrove externe à Rhizophora en bordure de la baie Hoff (côte sud).

3. - Mangrove interne à Rhizophora. Noter le sol rela- tivement sec et les rameaux grêles dont beaucoup sont morts.

Page 242: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

240

PLANCHE II

4. - Mangrove moyenne à Bruguiera seul. Au premier plan, pneumatophores dépassant le sol de la mangrove d’une dizaine de centimètres.

5. - Mangrove moyenne à Bruguiera seul. Plantation serrée.

6. - Mangrove moyenne à Rhizophora et Bruguiera en concurrence. Noter la taille des sujets. Un Bruguiera mort de vieillesse est remplacée par des jeunes.

Page 243: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

241

PLANCHE Ill

7. - Mangrove interne arbustive à Avicennia. Au premier plan les pneumatophores.

8. - Limite entre le marais salé à Salicornia (au premier plan) et la mangrove interne à Avicennia. A l’arrière plan, les collines d’une barre de rhyolite.

9. - Concurrence entre Avicennia et Salicornia. Au pied de ce tout jeune Avicennia, Salicornia est éliminé.

Page 244: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

242

PLANCHE IV

10. - Limite entre levée sédimentaire et dépression laté- rale. Au 1 w plan à gauche, Lumnitzera qui est séparé de Casuarina (à droite) par une bande à Sporobolus.

11, - Végétation de levée sédimentaire (/mperata, Ca- suarina, Melaleuca).

12. - Végétation d’un étang allongé occupant un sillon entre les rides d’une levée sédimentaire. (Rhizo- phora, Bruguiere, Cyperacées).

Page 245: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

243

14. - Végétation de bordure de levée sédimentaire, côté rivière. Au premier plan, quelques pneumatophores de Bruguiera dans leur état normal, non érodés. Au second plan, fougères Acrostichum.

PLANCHE V

- -

13. - Bruguiera en bordure de levée sédimentaire, côté rivière. Noter les pneumatophores déchaussés au cours du cyclone Brenda (Janvier 1968).

15. - Détail d’érosion des pneumatophores de Bruguiera, à marée basse. Bien que le sol ait été emporté sur 60 cm d’épais- seur par une crue exceptionnelle, les arbres résistent.

Page 246: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

MICROGRAPHIES

Page 247: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

MICROGRAPHIES (MICROSCOPE ELECTRONIQUE A BALAYAGE) DE SEDIMENTS DU TRANSECT Ill

Grossissements :

Le grossissement indiqué est le grossissement $I la prise de vue. Sur les présentes reproductions, les grossissements sont réduits.

Pour les grossissements marqués G 1, le coefficient est 0,BB.

Pour les grossissements marqués G 2, le coefficient est 0,93.

Echelle des vues : le nombre porté a droite de la barre blanche est sa mesure en prn à l’échelle de la photo.

PLANCHE VI

DÉBUT DE DISSOLUTION DES GRAINS FERRUGINEUX

N” de photo Forage et profondeur

18

19

20

(< E )) 0,45 m

1,30 m Soubassement de levée Surface écailleuse d’un grain ferrugineux (G 1 : 6000)

1,30 m Soubassement de levée Vue d’ensemble des grains ferrugineux de la base de la levée (G 1 : 200)

Sol de mangrove à Rhizophora sous mangrove actuelle à Avicennia : grain ferrugineux en cours de dissolution (G 1 :lOOO)

0,45 m (Même grain que 18). Détail d‘une cavité de dissolution sur un grain ferrugineux ( G 1 : 10 000)

0,45 m (Même provenance que 18 et 19) Profonde cavité de dissolution. L’absence de sulfure dans cette cavité est caractéristique des grains ferrugineux (G 1 : 2000)

Localisation et description

Page 248: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...
Page 249: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

248

PLANCHE VII

DISSOLUTION AVANCÉE DES GRAINS FERRUGINEUX ET DEGAGEMENT DE MINÉRAUX INCLUS

N” de photo Forage et profondeur

21 a I )) 1,30 m

22 a 8 N 0,20 m

23 (( I 8 1,30 m

24

25

(t E 1)

cl E ))

0,45 m

0,45 m

Localisation et description

Soubassement de levée Spinelle chromifere en tablette prisonnier d’un grain ferrugi- neux en cours de dissolution (G 1 : 2 000)

Sol de mangrove pénéinterne à Bruguiera Spinelle chromifère compktement dégagé par dissolution de sa gangue ferrugineuse en milieu réducteur (G 1 : 4 500)

Soubassement de levée Quartz de 10 prn de long en cours de dégagement par dissolu- tion de la gangue ferrugineuse (ce grain est à mi hauteur, au premier tiers à partir de la gauche) (G 1 : 1 400)

Sol de mangrove à Rhizo,uhora sous mangrove actuelle à Avicennia Silicate primaire des péridotites et son maillage d’antigorite en cours de dégagement par dissolution du grain ferrugineux hôte, en milieu réducteur (G 1 : 450)

(Détail du grain précédent) Dissolution de la gangue ferrugineuse le long d’une paroi d’antigorite du silicate primaire de la photo 24

Page 250: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...
Page 251: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

250

PLANCHE VIII

DÉGAGEMENT ET DEGRADATION DES GRAINS CLOISONNÉS D’ANTIGORITE (MAILLAGE D’ANTIGORITE DES SILICATES PRIMAIRES DES PÉRIDOTITES ALTÉREES)

No de photo

26

Forage et profondeur

u E u 0,45 m

27

28 a E )) 0,70 m

29 a E )) 0,70 m

30

(c E )) 0,70 m

a E )) 0,70 m

Localisation et description

Sol de mangrove à Rhizophora sous mangrove actuelle à Avicennia. Grain cloisonné en (( épongy» d’antigorite. Dégagement complet du maillage d’antigorite d’un péridot altéré, par dissolution du résidu ferrugineux en milieu réduc- teur (G 1 : 50)

Sol de mangrove à Rhizophora sous mangrove actuelle à Avicennia Aspect extérieur d’un grain cloisonné lisse (G 2 : 130)

(Même grain que sur photo 27) Fibres d’antigorite à la surface du grain 27 (G 2 : 10 000)

Sol de mangrove à Rhizophora sous mangrove actuelle à Avicennia Vue de l’intérieur d’un grain analogue au précédent : grain friable, de couleur grise à la loupe binoculaire (G 1 : 300)

Détail du fond d’une cavité d’un cloisonné d’antigorite analogue aux précédents, mettant en évidence un véritable tapis de grains de pyrite de formes diverses (Même provenance) (G 1 : 1 800)

Page 252: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

. .

Page 253: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

252

PLANCHE IX

GRAINS CLOISONNES DÉGRADÉS A INCLUSIONS DE SULFURES

No de photo

31

Forage et profondeur

a F )) 0,70 m

Localisation et description

Ride sableuse à fibres de palétuviers sous marais hypersalin cloisonné friable à paroi externe lisse, ouvert pour montrer l’agencement interne des cloisons (G 1 : 200)

31’ a F )) 0,70 m Même provenance que 31

32 a E )) 0,70 m

33

34

35

(( E )) 0,70 m

cc E )i 0,70 m

a E )) 0,70 m

Détail de la région centrale de la vue précédente, montrant l’intérieur d’un alvéole avec des grains de sulfure de nickel en forme d’oursin (G 1 : 3 000)

Sol de mangrove à Rhizophora sous mangrove actuelle à Avicennia Détail d’un grain cloisonné à fibres d’antigorite parallèles en cours de dissolution. Ce type de maillage d’antigorite se trouve initialement dans les pyroxènes (( bastitisés )) (G 2 : 10 000)

Sol de mangrove à Rhizophora sous mangrove actuelle à A vicennia Cristaux de pyrite dans une cavité de grain cloisonné à parois d’antigorite (G 1 : 5 500)

Sol de mangrove à Rhizophora sous mangrove actuelle à Avicennia Grain cloisonné à parois d’antigorite déformé en section polie. L’intérieur des alvéoles présente, principalement sur une face (la même pour tous), une cristallisation de sulfure de fer sous forme de pyrite (G 1 : 250)

Même vue et grossissement que 34 Scanning du soufre dont la présence est signalée par du blanc et rend compte de la localisation de la pyrite sur la vue précé- dente

Page 254: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...
Page 255: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

254

PLANCHE X

SULFURES DE FER DES SÉDIMENTS REDUCTEURS DES MANGROVES ACTUELLES ET ENFOUIES, GRAINS ISOLÉS ET AGRÉGATS DIFFUS

No de photo

36

37

Forage et profondeur

c( A )) 0,25 m

(< D )) 0.30 m

38 (c D 1) 0,30 m Détail de la vue précédente

39 (< A 1) 0,25 m

40

41

(< A )) 0,25 m

(( c N 0,70 m

Localisation et description

Mangrove externe à grands Rhizophora Grain de pyrite octaédrique, isolé (G 1 : 14 000)

Mangrove pénéinterne à Rhizophor: grêle Sulfure de fer en sphères accollées, sans cristaux individualisés, probablement Greigite, Fe3S4 (G 1 : 6 000)

A fort grossissement, on ne distingue pas de cristaux individua- lisés sur les sphères de sulfure de fer (G 1 : 20 000)

Mangrove externe à grands Rhizophora Amas diffus d’octaèdres de pyrite sur débris de matière orga- nique (G 1 : 10 000)

Mangrove externe à grands Rhizophora Grappe informe de cristaux de pyrite (G 1 : 3 000)

Mangrove centrale à Bruguiera et Rhizophora associés Amas complexe de cristaux de pyrite (G 2 : 10 000)

Page 256: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...
Page 257: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

256

No de photo

42

43

44

45

46

Forage et profondeur Localisation et description

0,05 m

0,70 m

0,20 m

0,55 m

0,55 m

PLANCHE Xl

PYRITE FRAMBOIDALE

Mangrove pénéexterne à Bruguiera Framboïde sphérique à cristaux de pyrite engrenés (G 2 : 10 000) - repose sur une Diatomée

Mangrove centrale à Rhizophora et Bruguiera Groupement de framboïdes sphériques (G 1 : 2 000) - Débris de Diatomées associés

Mangrove pénéexterne à Bruguiera Framboïdes allongés (G 1 : 4 500)

Sol de mangrove sous marais hypersalin Frambo’ides dans une cavité de grain cloisonné à parois d’anti- gorite (G 1 : 3 000)

Sol de mangrove sous marais hypersalin Vue d’ensemble de la cavité précédente (G 1 : 300)

Page 258: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

,.

. . 1.. I .i

Page 259: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

258

PLANCHE XII

FORMATION ET ALTERATION DES FRAMBOIDES ET DE LA PYRITE

No de photo Forage et profondeur

47 (c D )) 0.30 m

48 a A )> 0,25 m

49

50

a D )) 0,20 m

(< A )) 0,25 m

Localisation et description

Mangrove pénéinterne à Rhizophora grêle Framboïdes à cristaux de pyrite mâclés, en triade (G 1 :4000)

Mangrove externe à grands Rhizophora Masse arrondie de sulfure de fer (probablement Greigite), avec un octaèdre de pyrite sur sa périphérie (G 1 : 22 000)

Framboïde altéré en Jarosite Mangrove pénéinterne à Rhizophora grêle (G 1 : 3 000)

Mangrove externe à grands Rhizophora Octaèdre de pyrite corrodé (G 1 : 8 000)

Page 260: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...
Page 261: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

260

PLANCHE Xl I I

FIGURES DE CROISSANCE DES CRISTAUX DE QUARTZ

No de photo Forage et profondeur Localisation et description

52

53

54

55

0,05 m

0,05 m

0,05 m

0,05 m

0,05 m

Mangrove interne à Avicennia Quartz à inclusions fluides diphasées (liquide et gaz), donc hérité et transporté, ayant un aspect dépoli à la loupe bino- culaire (G 2 : 300)

Mangrove interne à Avicennia Arête du Quartz précédent avec globules siliceux de crois- sance répartis jusque sur l’arête (G 2 : 1 000)

Mangrove à Avicennia, interne Zone déprimée au voisinage de l’arête de la vue précédente, nombreux globules siliceux de croissance répartis sur toute la surface (G 2 : 1 000)

Mangrove interne à Avicennia Même quartz que sur les vues 51, 52 et 53 Début d’organisation d’une face cristalline par regroupement de globules siliceux (G 2 : 600)

Mangrove interne à Avicennia Quartz bipyramidé de néogenèse, limpide au microscope optique (G 1 : 250)

Page 262: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...
Page 263: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

262

PLANCHE XIV

FIGURES DE CROISSANCE DES CRISTAUX DE QUARTZ (SUITE)

N” de photo Forage et profondeur

56 et 57 a E n

58

59

60

61

0,05 m

0,05 m

0,05 m

0,05 m

0,05 m

Localisation et description

Mangrove interne à Avicennia Quartz subautomorphe irrégulier limpide : trièdre intact, même au sommet, ce qui démontre que le cristal n’a subi aucun transport après s’être formé et confirme la néogenèse. (G 1 : 3000 et 9 000)

Mangrove interne à Avicennia Quartz subautomorphe irrégulier limpide, vue d’ensemble (G 2 : 200)

Mangrove interne à Avicennia Détail des gradins d’accroissement sur une face du grain de quartz de la vue 58 (G 2 : 3 000)

Mangrove interne à Avicennia Jonction de gradins de croissance de faces dans un rentrant du cristal (G 2 : 3 000)

Mangrove interne à Avicennia Etat de surface dans le rentrant du cristal de la vue précé- dente. Noter les globules siliceux de croissance parsemant la surface des gradins (G 2 : 10 000)

Page 264: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

264

PLANCHE XV

FIGURES DE CROISSANCE DES CRISTAUX DE QUARTZ (SUITE 2)

No de photo Forage et profondeur Localisation et description

63

64

65

66

0,05 m

0,05 m

0,05 m

0,05 m

0,05 m

Mangrove interne à Avicennia

Quartz subautomorphe de forme complexe, limpide présentant à la fois des zones de croissance en coulées de silice et en gradins (G 2 : 300)

Mangrove interne à Avicennia

Sur le quartz de la vue précédente, coulées de silice amorphe se raccordant aux faces cristallines (G 2 : 1 000)

Mangrove interne à Avicennia

Association de coulées et de gradins de croissance sur un meme quartz, passage des coulées aux gradins à l’arrière plan (G 1 : 800)

Mangrove interne à Avicennia

Quartz irrégulier limpide en cours de croissance La tendance à I’automorphie est encore très peu marquée (G 2 : 160)

Mangrove interne à Avicennia

Coulées de silice préfigurant une face cristalline avec lacune de cristallisation, sur le quartz précédent (G 2 : 1 000)

Page 265: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...
Page 266: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

266

PLANCHE XVI

SECTIONS POLIES DE QUARTZ DE NÉOGENESE, LACUNES INTERNES

No de photo Forage et profondeur

67 et 68

69

70 et 71

0,70 m

0,70 m

0,70 m

Localisation et description

Sol de mangrove à Rhizophora sous mangrove actuelle à A vicennia

Quartz en section polie avec inclusions de sulfure de fer. Sur la vue 68, représentant le (t SCANNING 1) du soufre, les sulfures sont localisés à la même échelle par les taches blanches (G- 1 : 120)

Sol de mangrove à Rhizophora sous mangrove actuelle à A vicennia

Section polie d’un quartz de néoformation à grandes lacunes de cristallisation (G 1 : 80)

Sol de mangrove à Rhizophora sous mangrove actuelle à A vicennia

Lacunes en chapelets dans la masse du quartz précédent (G 1 : 1 000) Sur la vue 68, scanning du soufre, cet élément est localisé par les taches blanches. On notera la position décentrée vers la droite des sulfures

Page 267: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...
Page 268: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

268

PLANCHE XVII

FIGURES DE CROISSANCE DES CRISTAUX DE QUARTZ (SUITE 3) (REMPLACEMENT DE L’ANTIGORITE PAR LE QUARTZ)

No de photo Forage et profondeur

72 a F >> 0,70 m

73

73

74

a E 1) 0,70 m

t< E B 0,70 m

Localisation et description

Ride sableuse à fibres de palétuviers sous marais hypersalin. Dissolution d’un grain cloisonné à parois d’antigorite, en milieu réducteur (noter les trois balles de sulfure de nickel (( en oursin B, cf figures 31 et 31’) (G 1 : 600)

Sol à Rhizophora sous mangrove actuelle à Avicennia

Cristal de quartz allongé et arrondi se développant sur un grain cloisonne à partir d’un germe formé vraisemblablement sur le profil pédologique latéritique originel (G 1 : 1000)

Dé tail du même cristal montrant un octaèdre de pyrite à son contact (G 1 : 3 000)

Sol à Rhizophora sous mangrove actuelle à Avicennia

Grain composite silicifié, en section polie. La plage inférieure est en quartz

Page 269: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...
Page 270: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

270

PLANCHE XVIII

FIGURES DE CROISSANCE DES CRISTAUX DE QUARTZ (SUITE 4)

No de photo Forage et profondeur

76

77

78

79

80

cc c D

1,30 m

1,30 m

1,30 m

1,30 m

0.05 m

0.05 m

Localisation et description

Soubassement de levée Grain polycristallin de quartz automorphe (G 1 :200)

Détail des cristaux individuels du grain polycristallin précédent (G 1 : 1 000)

Soubassement de levée Coulée de silice évoluant en cristaux individuels sur un grain polycristallin de quartz (G 1 : 1 000)

Soubassement de levée Limitation de la croissance des cristaux individuels à la pér?- phérie d’un grain de quartz polycristallin par le contact d’autres grains du sédiment (G 1 : 1 000)

Mangrove centrale à Bruguiera et Rhizophora

Cristal de quartz de la zone centrale des mangroves avec tendance à I’automorphie (G 1 : 1 000)

Croissance du cristal de quartz précédent par gradins isolant des lacunes (G 1 :7 500)

Page 271: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...
Page 272: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

272

No de photo

81

82

83

84 et 85

86

PLANCHE XIX

FIGURES DE CROISSANCE DES CRISTAUX DE QUARTZ (SUITE 5)

Forage et profondeur

0,15 m

0.15 m

0,45 m

0,55 m

0,05 m

Localisation et description

Marais hypersalin Quartz de forme quelconque provenant du marais hypersalin (G 1 : 200)

Marais hypersalin Quartz à tendance automorphe, encroûté de silice amorphe dans le marais hypersalin (G 1 : 2 000)

Mangrove externe à grands Rhizophora

Quartz automorphe de la zone externe de la mangrove, probablement développé à partir d’un germe dégagé d’un grain ferrugineux par la dissolution due au milieu réducteur (G 1 :3000)

Marais hypersalin, zone de plus forte salure Quartz polycristallin de la partie profonde du marais hyper- salin (G 1 : 230 et 700)

Mangrove centrale à Bruguiera et Rhizophora

Cristal de Kaolinite

Page 273: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...
Page 274: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

274

PLANCHE XX

DIATOMEES

No de photo Forage et profondeur

87 a B 1)

88

89

90

91

92

0,05 m

0,05 m

0,05 m

0.05 m

0,05 m

0,30 m

Localisation et description

Mangrove pénéexterne à Bruguiera

Frottis de sol de mangrove montrant la proportion importante des tests de Diatomées dans sa composition (G 2 : 200)

Mangrove pénéexterne à Bruguiera

Débris de Diatomées en cours de dissolution (G 2 : 4000)

Mangrove pénéexterne à Bruguiera

Corrosion chimique de la surface d’une frustule de Diatomée (G 2 : 20 000)

Mangrove pénéexterne à Bruguiera

Diploneis smithii (Brebisson) Cleve. (G 1 : 4 000)

Mangrove pénéexterne à Bruguiera

G yrosigma s p. (G 2 : 1 000)

Mangrove centrale à Bruguiera et Rhizophora

Melosira sulcata et Nitzschia tryblionella

(G 2 : 5 000)

Page 275: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...
Page 276: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

277

TABLE DES ILLUSTRATIONS

FIGURES

1 . Carte de localisation de l’embouchure de la Dumbéa en Nouvelle Calédonie ............. 2 - Carte d’assemblage de la plaine alluviale et du delta ............................. 3 . Carte d’échantillonnage du delta de la Dumbéa ................................ 4 - Climogramme de Nouméa . Moyennes mensuelles de 40 années ..................... 5 . Climogramme de Nouméa . Cycle annuel - Mai 1962 . Mai 1963. .................... 6 . Thermoisoplèthes de Nouméa . Cycle annuel - Mai 1962 - Mai 1963 .................. 7 - Répartition des salinités, des températures, des pH et des rH mesurés en suivant la marée

montante sur l’estuaire de la Foa ......................................... 8 . Exemple de marée à inégalité diurne, Moindou, août 1962 ........................ 9 . Localisation des marqueurs de lignes de rivages datés et de l’accident ouest-calédonien ......

10 - Variations de la ligne de rivage à I’holocène indiquées par les tourbes de mangrove - MaraisdeMara .....................................................

11 - Chronodiagramme des variations de la ligne de-rivages en Nouvelle Calédonie pendant I’holocène Comparaison avec le chronodiagramme établi par Bloom en Micronésie (1970) ...........

12 - Différences d’altitude entre marqueurs de ligne de rivage de même âge en Nouvelle Calédonie et en Micronésie ....................................................

13 - Courbe théorique -Addition d’un mouvement uniformément accéléré, puis nul, puis uniformément retardé du sol au mouvement eustatique de la mer. ................

14 - Coupes topographiques des transects 2,3 et 4 à travers le delta de la Dumbéa (Localisation des transects, cf. fig. 2). ......................................

15 . Courbes hypsométriques du transect 2. ..................................... 16 . Courbes hypsométriques de l’ensemble des transects ............................ 17 - Carte des formations sédimentaires récentes et actuelles de la plaine alluviale de la Dumbéa

(plaine de Koe) ..................................................... 18- Coupes à travers la plaine alluviale de la Dumbéa. .............................. 19 - Carte microtopographique (courbes de niveau espacées de 2,5 m) de la plaine alluviale

de la Dumbéa (plaine de Koe) ........................................... 20 . Altitude du toit de la formation à galets .................................... 21 . Isobathes de la base des sédiments marins sous le delta de la Dumbéa ................. 22 - Isopaques des sédiments marins sous le delta de la Dumbéa - Localisation des accumulations

coralliennes dans les mêmes sédiments. ..................................... 23 . Isobathes du toit des sables fluviatiles récents sous le delta de la Dumbéa ............... 24 - Coupe dans la levée de la plaine Adam (rive gauche du delta) montrant le dépôt d’une couche

de limon d’épaisseur uniforme sur les rides sableuses et les sillons entre-rides, sous l’influence de la végétation. ....................................................

25 . Isobathes du toit des sédiments marins ..................................... 26 - Isobathes de la surface du sol des mangroves vivantes et du toit des sols de mangrove enfouis. . 27 . Schéma stratigraphique des sols de mangrove actuels et subactuels du delta de la Dumbéa .... 28 - Carte de la végétation des grandes unités morphologiques du delta de la Dumbéa

et des chenaux de marée. .............................................. 29 . Développement des plantules de Rhizophore ................................. 30 . Carte des formations végétales du delta de la Dumbéa. ........................... 31 . Répartition des espèces végétales en fonction du niveau du sol . Courbes cumulatives. ......

2 3 4

10 10 10

18 21 22

28

32

32

34

41 43 43

45 46

47 47 51

51 53

53 55 57 57

60 62 63 67

Page 277: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

278

32 - Répartition des espèces végétales en fonction du niveau du sol et en fonction des hauteurs caractéristiques des marées . Courbes de fréquence. .............................

33 - Degré de désordre (entropie) dans la répartition des espèces végétales en fonction de l’altitude. 34 - Direction des courants sur la plaine deltaÏque et les dépressions latérales pendant la crue

cyclonique du 18 janvier 1968. .......................................... 35 - Carte de répartition des hauteurs d’eau - Lignes équipotentielles pendant la crue cyclonique

du 18 janvier 1968 ................................................... 36 - Corrélation entre le Ig de l’épaisseur des lits déposés par une crue et le lg du diamètre médian

dusédiment ....................................................... 37 - Profil en long du fleuve Dumbéa pendant la crue cyclonique du 18 janvier 1968 par haute mer

deviveeau ........................................................ 38 . Vitesse de chute en fonction du diamètre pour les sphéres de quartz dans l’eau à 20°C. ..... 39 . Faciès hyperbolique type . Courbes granulométriques. ........................... 40 . Faciès hyperbolique . Courbes granulométriques ................................ 41 . Faciès logarithmique type . Courbes granulométriques ........................... 42 - Faciès logarithmique courant . Courbes granulométriques ......................... 43 . Faciès parabolique type - Courbes granulométriques. ............................ 44 . Faciès parabolique courant, hétérogéne . Courbes granulométriques .................. 45 - Localisation du transect 3 (zone deltaïque) et du transect 99 (plaine alluviale) sur la bassevallée

delaDumbéa ...................................................... 46 - Localisation des points de prélèvement sur le transect 3 avec indication des formations végétales . 47 - Séquence évolutive du transect 3, diamètre des fractiles granulométriques en fonction

de la localisation géographique. .......................................... 48 . Séquence évolutive du transect 3 . Indice d’énergie (( N 1) en fonction de la localisation. ..... 49 - Séquence évolutive du transect 3 - Indice segmentaire (( n 1) pour les fractiles 10,25, 50,75,

90 et 99 % en fonction de la localisation géographique ........................... 50 - Séquences évolutives des transects 3 et 99 - Corrélation inverse entre l’indice (( n )) du fractile

99%etlamoyenne .................................................. 51 - Séquence évolutive du transect 3 - Indice (< n j) pour les dimensions 0,l - 1,0 - 40 et 100 @rn . . 52 et 53 - Séquence évolutive du transect 99

A . Granofaciès ponctuels des fractiles 10,25,50, 75,90 et 99 % .................... 8 . Granofaciés ponctuels pour les dimensions 0,l . 1,0 . 10 et 100 prn ................

54 - Interdépendance entre deux stocks granulométriques (particules de 0,l Mm et 10 firn) mise en évidence par la corrélation linéaire grossière de leurs indices segmentaires .........

55 . Exemples de courbes granulométriques de suspensions naturelles . La Medjerda, Tunisie. .... 56 . Exemple de courbe granulométrique de suspension naturelle . Baie de Chesapeake . USA .... 57 - Comparaison entre les courbes granulométriques d’une suspension floculée $ l’état naturel

et de la même suspension après défloculation (recalculé d’après Kranck, 1975) ........... 58 - Suspensions expérimentales - Courbes granulométriques recalculées, d’après Sengupta (1975)

pour diverses vitesses de courant. ......................................... 59 - Corrélation entre l’indice d’énergie Nt et la moyenne x pour des échantillons de Nouvelle

Calédonie ......................................................... 60 . Diamètre médian sur le delta de la Dumbéa - Courbes d’égales médianes. ............... 61 - L’indice total Nt sur le delta de la Dumbéa, représentation en isogrades de Nt. ........... 62 - Coupe sous le transect 3 - Répartition des indices d’énergie en isogrades de N - Corrélation

entre Nt et i< pour les sédiments du transect 3 ................................ 63 . L’indice total Nt sur une transversale au delta de la Dumbéa, répartition en isogrades de Nt. .. 64 - Argiles préholocène - Diagrammes de poudre sur fraction pélitique, galet altéré et fraction

sableuse .......................................................... 65 - Argile préholocène . Diagrammes d’agrégats orientés brut, glycérolé et chauffé ........... 66 - Spectre pétrographique des galets de la Dumbéa (lit mineur, au niveau de la plaine alluviale) . . 67 - Spectre pétrographique par classesdimensionnelles (lit mineur,au niveau de la plainealluviale) . . 68 et 69 - Diffractogrammes de sables limoneux actuels des levées deltaïques de la Dumbéa

68 . Diagrammes de poudre sur fractions pélitique et sableuse ...................... 69 . Diagrammes d’agrégats orientés brut, déferrifié, glycérolé et chauffé ...............

70 - Variation des teneurs en silice, alumine et oxyde ferrique dans les sables et limons ferrugineux du coursde la Dumbéa ................................................

71 - Teneurs en produits réducteurs indiqués par la perte au feu (matières végétales, sulfures) en % .

67 68

83

83

92

92 102 109 109 112 112 114 114

118 118

119 119

122

123 127

128 128

130 133 133

134

137

146 150 153

155 159

163 163 165 165

167 167

168 171

Page 278: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

279

72 - Sédimentation siliceuse par les Diatomées - Maximum de teneur en silice attaquable (30 à 35 %) en coïncidence avec les sédiments les plus riches en frustules. ..............

73 - Alimentation de la nappe et circulation des eaux interstitielles dans le delta ............. 74- Chlorinité des eaux interstitielles dans le delta (transect 3) zonation végétale associée. ...... 75 - Conditions d’oxydoréduction, exprimées en Eh (millivolts) dans les sédiments du delta

de la Dumbéa (transect 3). ............................................. 76 . Conditions de pH dans les sédiments du delta de la Dumbéa (transect 3) ............... 77 - pH et Eh des eaux superficielles et de la vase - sur le transect 3 - marée descendante

du5-10-1971 ...................................................... 78 - Le pH en continu dans la zone hypersaline du marais de Mara, de septembre 1962 à juin 1963

Comparaison avec marées maximales, précipitations quotidiennes et humidité du sol ....... 79 - Teneur en fer (ferreux et ferrique) des sédiments du delta exprimée en % FezO (transect 3). . 80 . Pourcentage d’antigorite dans la fraction minérale des sédiments du delta (transect 3) ...... 81 . Grosseur du diamètre médian dans la fraction minérale des sédiments du delta (transect 3) ... 82 - Teneur en pélites (particules inférieures à 40 prn) dans la fraction minérale des sédiments

du delta (transect 3). ................................................. 83 - Silice totale et silicates insolubles par attaque perchlorique dans la fraction minérale

des sédiments du delta (transect 3) ........................................ 84 - Silice soluble par attaqueperchlorique dans la fraction minérale des sédiments du delta’

(transect3) ....................................................... 85 - Teneur en calcium (exprimée en Ca0 %) dans la fraction minérale des sédiments du delta

(transect3) ....................................................... 86- Silice en solution (en ppm.) dans les eaux interstitielles des sédiments du delta (transect 3) . . 87 - Proportion de quartz dans la fraction minérale des sédiments du delta (transect 3). ........ 88 . Pourcentage de Rayons X diffractés par la smectite dans les sédiments du delta (transect 3). .. 89 . Pourcentage de nickel dans la fraction minérale des sédiments du delta (transect 3) ........

TA8 LEAUX

1 . Température de l’air à Nouméa ("C) ................................ 2-PluiesàNouméa(enmm). ...................................... 1:. ......... 3-HumiditédeI’airàNouméa(en%). ....................................... 4 . Direction et vitesse des vents à Nouméa. .................................... 5 . Caractéristiques hydrologiques de la Dumbéa ................................. 6 . Composition chimique moyenne des eaux de la Dumbéa. ......................... 7 . Les hauteurs caractéristiques de la marée à Nouméa. ............................ 8 . Les harmoniques de la marée à Nouméa. .................................... 9 - Paramètres hydrauliques de la Dumbéa au niveau du delta pendant la crue cyclonique

du18-01-68 ....................................................... 10 . Indices et granofaciès. ................................................

Photographies des mangroves. .............................................. 239 Micrographies. ........................................................ 246

171 175 175

183 183

186

188 194 194 195

195

198

198

199 199 209 211 211

12 12 13 14 15 16 19 20

87 107

Page 279: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

281

TABLE DES MATIERES

AVANT-PROPOS ...................................................... I INTRODUCTION ...................................................... 1

1. LE MILIEU NATUREL

Leterrain ............................................................ 5 Histoire géologique résumée ........................................... 5 Les péridotites du grand massif du sud et leurs altérations. ........................ 6

Les facteurs actuels de la dynamique externe .................................... 8 Leclimat ........................................................ 8 Les données météorologiques. .......................................... 11 L’hydrologie fluviatile ................................................ 14 L’hydrologie fluvio-marine et marine. ..................................... 16 Lesmarées ....................................................... 17

II. LES VARIATIONS DU NIVEAU MARIN RELATIF PENDANT L’HOLOCENE

Les variations du niveau de la mer au cours du temps. .............................. 23 Les variations du niveau marin à I’holocène dans le monde ....................... 24 Les problèmes méthodologiques de l’étude des paléorivages. ...................... 25

Les variations des lignes de rivage à I’holocène ................................... 27 Datation des lignes de rivage sur la côte ouest .................................... 31 Conclusions .......................................................... 36

Ill. LES FORMATIONS SEDIMENTAIRES ACTUELLES ET RECENTES DE LA COTE OUEST

Le bassin versant de la Dumbéa ............................................. 38 Morphologie de la plaine alluviale. ........................................... 38 Morphologie du delta. ................................................... 40 Le remplissage sédimentaire de la basse vallée de la Dumbéa .......................... 42

Le remplissage sédimentaire dans le domaine de la plaine alluviale. .................. 42 Le remplissage sédimentaire dans le domaine du delta. .......................... 49

IV. ECOLOGIE VEGETALE ET SEDIMENTATION DELTAIQUE

La zonation végétale .................................................... 61 La végétation des grandes unités morphologiques du delta. ....................... 61 La zonation des mangroves ............................................ 62 La végétation des marais maritimes sursalés ................................. 64 Marais intermédiaires et arrière mangrove. .................................. 64 Marais dulçaquicoles ................................................ 65

Page 280: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

282

Zonation verticale : influence du niveau du sol sur la répartition des mangroves. ............. 65 Fréquence des espèces en fonction du niveau du sol. ........................... 65

Interactions entre la zonation végétale, le drainage et la sédimentation deltaïques ............ 69 Mode d’intervention des marées sur la zonation. .................................. 71 Propriétés des palétuviers intervenant sur la zonationl .............................. 72 Conclusion ........................................................... 78

V. DYNAMIQUE DE LA SEDIMENTATION OBSERVATION DIRECTE

La crue cyclonique de janvier 1968 (« Brenda ») .................................. 82 Les conséquences géologiques des crues cycloniques. ............................... 88

VI. APPROCHE GRANULOMETRIQUE DE LA DYNAMIQUE SEDIMENTAIRE

Principes et méthodes de l’approche granulométrique de la dynamique sédimentaire .......... Le comportement des particules dans l’eau. ................................. Méthodes d’analyse ................................................. Méthodesd’interprétation des résultats ....................................

Application et développements nouveaux sur l’évolution granulométrique ................. Granofaciès caractéristiques sur des exemples de sédiments néocalédoniens ............ La séquence évolutive et ses mécanismes ................................... Rôle des suspensions dans l’évolution et la formation des granofaciès ................ Séquence. évolutive et maturation - Distinction par le test de corrélation entre l’indice d’énergie Nt et la moyenne X. .......................................... Conclusion : application pratique des résultats obtenus. .........................

Application de ces résultats à la géodynamique de la Nouvelle Calédonie .................. Granulométrie descriptive des sédiments actuels .............................. Conditions d’énergie enregistrées par les sédiments du delta. ...................... Variation des conditions d’énergie au cours de I’Holocène. ....................... Conclusions ......................................................

100 100 103 104 108 108 117 132

145 148 149 149 151 157 160

VII. LES FACTEURS DE LA DIAGENESE

Pétrographie des sédiments et sols d’origine ..................................... Les argiles plastiques préholocènes d’origine péridotitique. ....................... Les argiles plastiques phéholocènes des bassins versants secondaires ................. Les sédiments actuels de la Dumbéa ...................................... Les sédiments des mangroves. ..........................................

Les eaux interstitielles du domaine deltaïque .................................... Disposition générale et directions d’écoulement de la nappe. ...................... La chlorinité des eaux dans les sols de mangrove de la Dumbéa. ....................

Les conditions d’oxydoréduction et de pH dans les sédiments deltaïques actuels. ............ Pratique et signification des mesures de pH et de Eh. ........................... Les conditions d’oxydoréduction et de pH. ................................. Les variations des conditions de pH et d’oxydoréduction au cours du temps ...........

VIII. LES DEGRADATIONS DIAGENETIQUES

161 162 164 164 169 172 172 176 178 178 182 185

Dégradation de la matière organique. ......................................... 191 Dégradation de la matière organique et réduction des sulfates ..................... 191 Dégradation de la matière organique en acides humiques. ........................ 192

Dégradations diagénétiques de particules sédimentaires. ............................. 193 Dissolution des particules ferrugineuses en milieu réducteur et acide ................. 193 Les cloisonnements d’antigorite et leur dissolution. ............................ 196

Page 281: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

283

Dissolution des tests siliceux et calcaires ................................... 196 Conséquences et mécanismes de la dissolution. ............................... 197

IX. NEOFORMATIONS ET CROISSANCES CRISTALLINES

Néoformations de sulfures. ................................................ 204 Néoformation de quartz. ................................................. 206 Néoformation de nontronite ............................................... 210 Néoformation d’hydroxydes ferriques. ........................................ 212 Néoformations carbonatées. ............................................... 212 Conclusions .......................................................... 213

PRINCIPAUX RESULTATS ACQUIS ET CONCLUSIONS GENERALES. ................ 215 BIBLIOGRAPHIE ...................................................... 225 PLANCHES .......................................................... 239 PLANCHESDEMICROGRAPHIES .......................................... 246 TABLEDESILLUSTRATIONS ............................................. 275 TABLE DESMATIERES ................................................. 279

Page 282: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Achevé d’imprimer sur les presses de COPEDITH

7, rue des Ardennes - 75019 Paris 4e trimestre 1982

Dépôt légal no 4501

Page 283: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

Cette étude a fait l’objet d’une thèse de doctorat d’Etat

présentée le ler juillet 1980 à l’Université de Paris-Sud Centre d’Orsay

0 ORSTOM 1982 ISBN 2-7099-0669-4

Page 284: Géodynamique de la sédimentation et diagenèse précoce en ...

B.R.S.T.Q.M.

Direch7 g6nhrale : 24, rue &ayard, 75008 PARIS

Service des Editkms : 70,74, route d’Aulnay, 93 140 BONDY

O.R.S.T.O.M. Editeur DBpOt 18gal: novembre 1982

I.S.B.N. : 2-7099-0669-4