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La Gazette n° 273 - Du 31 mai au 4 juillet 2012 22 entretien JEAN-PAUL SALASSE, La Gazette Après deux ans et demi de concerta- tion, l’étang de Thau est classé “Natura 2000”. On ne pourra plus rien y faire ? Jean-Paul Salasse Ah non, pas du tout ! Les gens flippent beaucoup, mais ils n’ont rien à craindre. C’est le génie de Natura 2000 : on ne met pas cette zone naturelle “sous cloche” avec des inter- dictions de chasse ou de pêche comme dans une réserve, mais on fait du contractuel. L’Europe finance des actions d’acteurs locaux volontaires, pour préserver une liste d’espèces d’oiseaux et d’habitats naturels, à la fois présents sur l’étang et d’”intérêt communautaire”. Donc vul- nérables ou rares à l’échelle de l’Europe. Comme l’herbier sous-marin ? Oui, l’étang abrite l’herbier d’eau salée à zoos- tère (“algue” à fleur), une véritable prairie sous- marine de mille hectares, le deuxième plus grand d’Europe ! On le trouve en profondeur ou bien protégé du vent dans le lagon - oui, à partir du Pont-Levis à Sète, c’est un vrai lagon transparent, avec une barrière de sable, un pay- sage très surprenant. L’herbier, c’est la nurserie de l’étang (où poissons et coquillages se repro- duisent, NDLR). Lorsqu’il est en bonne santé, il empêcherait l’expansion d’Alexandrium, l’algue toxique qui contamine des huîtres. Et les bords d’étang ? Aussi : l’animateur du site, le Syndicat mixte du bassin de Thau (SMBT), a décidé d’élargir le pé- rimètre de Natura 2000 aux zones humides. La crique de l’Angle, à Poussan, le pré du Soupié et les prés du Baugé, à Marseillan, et le lido, avec les salins du Castellas et de Villeroy : on trouve des sansouïres à grosses et à petites sa- licornes, des prés salés et quelques steppes sa- lées à saladelles. Outre les colonies d’oiseaux protégés qui hivernent sur l’étang - comme les flamants roses -, Natura 2000 se préoccupe des sternes caugek, pierregarin et naine, de la mouette mélanocéphale, de l’avocette, de l’échasse, de l’huîtrier-pie… Mais pourquoi le programme Natura 2000 n’ar- rive-t-il que maintenant ? Le site de l’étang de Thau a été identifié dès 1979, lors de la directive Oiseaux, puis en 1992, avec la directive Habitats. Ensuite, il a fallu tra- duire les directives en droit français, et la France a décidé de fabriquer des documents d’objectifs sur les sites pressentis : un plan de gestion de 400 pages. Il est animé par une collectivité, suivi par un comité de pilotage, et fabriqué par un bureau d’études. Inventaire, cartographie très précise…, c’est une cuisine complexe. Comme ils ont redéfini le périmètre, il fallait le faire valider par le Muséum d’histoire natu- relle de Paris, puis par Bruxelles, avant que ça redescende pour être validé par le Préfet. Tout ça prend un temps administratif fou ! Mais ça donne droit à des actions et des financements. D’après le Syndicat mixte du bassin de Thau, c’est une mesure de précaution. L’étang n’est donc pas menacé ? Si, la biodiversité de l’étang est en train de pren- dre un coup sur la tête… colossal. Il n’y a plus rien. Ça fait 30 ans que je fais des sorties nature dans l’étang: en un coup de filet, on avait dix an- guilles. Maintenant, pour en montrer une dans la matinée ou pour voir une sole, faut s’accrocher. Les hippocampes, encore, ça va, mais les ané- mones de mer, les oursins… À cause du surbra- connage, peut-être. Or tout ça ne fait pas partie de Natura 2000. C’est ça qui m’embête: les listes établies par Natura 2000 nient l’écosystème et son évolution. En plus, les Anglais ont fait pres- sion. Il n’y a pas les coquillages endémiques de l’étang (1). En revanche, ils y ont mis l’alouette lulu, très rare dans les îles britanniques, mais très commune, ici en garrigue! Et les colonies d’oiseaux, comment vont-elles? En 2006, les espèces qui nichaient sur les salins étaient dans un très mauvais état de conserva- tion. Elles étaient florissantes dans les années 1995-2002, mais elles ont totalement décliné. Au Castellas, on est passé de 2500 couples en 2000 à… zéro en 2006. Protéger les colonies d’oiseaux et les milieux naturels de l’étang de Thau, c’est l’objectif du programme européen Natura 2000 qui démarre. Décryptage passionné par le naturaliste sétois Jean-Paul Salasse, à la pointe du génie écologique. “Sur l’étang de Thau, on fait revenir les oiseaux” Est-ce à cause de la chasse ? De la qualité de l’eau ? Non, la biodiversité globale dépend de la qualité de l’eau, mais pas directement les espèces Natura 2000. Pour la gérer, il y a déjà le Sage (2), le Scot (3), le contrat de gestion (4)… La chasse, elle, ne fragilise jamais ces espèces : les migrateurs arrivent le 15 avril alors que la chasse est fermée depuis janvier, et, lorsque la chasse ouvre en été, les jeunes oiseaux se sont déjà envolés. Alors comment l’expliquer ? D’abord, le dérangement : pendant la nidifica- tion, il suffit de peu. D’un vélo, d’une moto, d’une personne qui s’approche trop. Souvent, ce n’est pas intentionnel, mais ça fait 80 morts ! Les parents s’envolent, les petits tombent des arbres. Et comme les œufs sont blancs, ils se font bouffer. Deuxième raison : la non-gestion hydraulique : pour avoir des oiseaux d’eau, il faut pouvoir mettre de l’eau et en enlever quand on veut, selon les espèces qu’on veut. Sinon, les sternes naines pondent mi-mai dans les zones sans végétation, et s’il y a un gros orage début juin, poum ! Les œufs sont noyés. Et troi- sième raison : l’expansion des goélands, attirés par l’activité du port de Sète. Ils mangent beau- coup d’oiseaux précieux, des petits comme des grands, flamants compris. Et Natura 2000 peut-il améliorer la situation ? Oui, en apportant de nouveaux financements européens. Nous avons déjà eu des résultats en gérant les salins de Villeroy et du Castellas pour Thau Agglo. En deux ans, on est revenu à 1500 couples d’oiseaux. C’est noir de piafs ! Et l’année dernière, la moitié des sternes caugeks qui se sont envolées de France venaient de Sète. Donc première chose : gérer les niveaux d’eau avec des martellières, des vannes. On inonde en sor- tie d’hiver, pour dissuader les goélands qui ni- chent le 1 er avril, puis on baisse le niveau d’eau pour les premières espèces à venir nicher. On crée déjà cinq îlots de nidification peinards, ta- pissés de coquilles, à 200 m du rivage, de 50 m 2 “Une petite couleuvre !” À 60 ans, l’expert naturaliste Jean-Paul Salasse prend toujours autant de plaisir à partager ses trouvailles et ses connaissances de la nature “ordinaire”. Ici dans la crique de l’Angle à Poussan, lors des “24 heures de la nature”, dans les prés salés entre la Vène et l’étang de Thau. directeur des Écologistes de l’Euzière et expert en gestion des milieux naturels 022-023-Entretien_273SETE_022_023 29/05/12 16:34 Page22

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La Gazette n° 273 - Du 31 mai au 4 juillet 2012

22 entretien

JEAN-PAUL SALASSE,

La GazetteAprès deux ans et demi de concerta-tion, l’étang de Thau est classé “Natura 2000”. Onne pourra plus rien y faire?Jean-Paul Salasse Ah non, pas du tout! Les gensflippent beaucoup, mais ils n’ont rien à craindre.C’est le génie de Natura 2000 : on ne met pascette zone naturelle “sous cloche” avec des inter-dictions de chasse ou de pêche comme dansune réserve, mais on fait du contractuel. L’Europefinance des actions d’acteurs locaux volontaires,pour préserver une liste d’espèces d’oiseauxet d’habitats naturels, à la fois présents surl’étang et d’”intérêt communautaire”. Donc vul-nérables ou rares à l’échelle de l’Europe.Comme l’herbier sous-marin?Oui, l’étang abrite l’herbier d’eau salée à zoos-tère (“algue” à fleur), une véritable prairie sous-marine de mille hectares, le deuxième plusgrand d’Europe! On le trouve en profondeurou bien protégé du vent dans le lagon - oui, àpartir du Pont-Levis à Sète, c’est un vrai lagontransparent, avec une barrière de sable, un pay-sage très surprenant. L’herbier, c’est la nurseriede l’étang (où poissons et coquillages se repro-duisent, NDLR). Lorsqu’il est en bonne santé,il empêcherait l’expansion d’Alexandrium,l’algue toxique qui contamine des huîtres.Et les bords d’étang?Aussi: l’animateur du site, le Syndicat mixte dubassin de Thau (SMBT), a décidé d’élargir le pé-rimètre de Natura 2000 aux zones humides.La crique de l’Angle, à Poussan, le pré du Soupiéet les prés du Baugé, à Marseillan, et le lido,avec les salins du Castellas et de Villeroy: ontrouve des sansouïres à grosses et à petites sa-licornes, des prés salés et quelques steppes sa-lées à saladelles. Outre les colonies d’oiseauxprotégés qui hivernent sur l’étang - comme lesflamants roses -, Natura 2000 se préoccupe dessternes caugek, pierregarin et naine, de lamouette mélanocéphale, de l’avocette, del’échasse, de l’huîtrier-pie…

Mais pourquoi le programme Natura 2000 n’ar-rive-t-il que maintenant?Le site de l’étang de Thau a été identifié dès1979, lors de la directive Oiseaux, puis en 1992,avec la directive Habitats. Ensuite, il a fallu tra-duire les directives en droit français, et la Francea décidé de fabriquer des documents d’objectifssur les sites pressentis: un plan de gestion de400 pages. Il est animé par une collectivité,suivi par un comité de pilotage, et fabriqué parun bureau d’études. Inventaire, cartographietrès précise…, c’est une cuisine complexe.Comme ils ont redéfini le périmètre, il fallaitle faire valider par le Muséum d’histoire natu-relle de Paris, puis par Bruxelles, avant que çaredescende pour être validé par le Préfet. Toutça prend un temps administratif fou! Mais çadonne droit à des actions et des financements.D’après le Syndicat mixte du bassin de Thau, c’estune mesure de précaution. L’étang n’est donc pasmenacé?Si, la biodiversité de l’étang est en train de pren-dre un coup sur la tête… colossal. Il n’y a plusrien. Ça fait 30 ans que je fais des sorties naturedans l’étang: en un coup de filet, on avait dix an-guilles. Maintenant, pour en montrer une dansla matinée ou pour voir une sole, faut s’accrocher.Les hippocampes, encore, ça va, mais les ané-mones de mer, les oursins… À cause du surbra-connage, peut-être. Or tout ça ne fait pas partiede Natura 2000. C’est ça qui m’embête: les listesétablies par Natura 2000 nient l’écosystème etson évolution. En plus, les Anglais ont fait pres-sion. Il n’y a pas les coquillages endémiques del’étang (1). En revanche, ils y ont mis l’alouettelulu, très rare dans les îles britanniques, maistrès commune, ici en garrigue!Et les colonies d’oiseaux, comment vont-elles?En 2006, les espèces qui nichaient sur les salinsétaient dans un très mauvais état de conserva-tion. Elles étaient florissantes dans les années1995-2002, mais elles ont totalement décliné.Au Castellas, on est passé de 2500 couples en2000 à… zéro en 2006.

Protéger les colonies d’oiseaux et les milieux naturelsde l’étang de Thau, c’est l’objectif du programmeeuropéen Natura 2000 qui démarre. Décryptagepassionné par le naturaliste sétois Jean-Paul Salasse,à la pointe du génie écologique.

“Sur l’étangde Thau, on faitrevenir les oiseaux”

Est-ce à cause de la chasse? De la qualité de l’eau?Non, la biodiversité globale dépend de la qualitéde l’eau, mais pas directement les espècesNatura 2000. Pour la gérer, il y a déjà le Sage(2), le Scot (3), le contrat de gestion (4)… Lachasse, elle, ne fragilise jamais ces espèces: lesmigrateurs arrivent le 15 avril alors que lachasse est fermée depuis janvier, et, lorsque lachasse ouvre en été, les jeunes oiseaux se sontdéjà envolés.Alors comment l’expliquer?D’abord, le dérangement: pendant la nidifica-tion, il suffit de peu. D’un vélo, d’une moto,d’une personne qui s’approche trop. Souvent,ce n’est pas intentionnel, mais ça fait 80 morts!Les parents s’envolent, les petits tombent desarbres. Et comme les œufs sont blancs, ils sefont bouffer. Deuxième raison: la non-gestionhydraulique: pour avoir des oiseaux d’eau, ilfaut pouvoir mettre de l’eau et en enlever quandon veut, selon les espèces qu’on veut. Sinon,les sternes naines pondent mi-mai dans leszones sans végétation, et s’il y a un gros oragedébut juin, poum! Les œufs sont noyés. Et troi-sième raison: l’expansion des goélands, attiréspar l’activité du port de Sète. Ils mangent beau-coup d’oiseaux précieux, des petits comme desgrands, flamants compris.Et Natura 2000 peut-il améliorer la situation?Oui, en apportant de nouveaux financementseuropéens. Nous avons déjà eu des résultats engérant les salins de Villeroy et du Castellas pourThau Agglo. En deux ans, on est revenu à 1500couples d’oiseaux. C’est noir de piafs! Et l’annéedernière, la moitié des sternes caugeks qui sesont envolées de France venaient de Sète. Doncpremière chose: gérer les niveaux d’eau avecdes martellières, des vannes. On inonde en sor-tie d’hiver, pour dissuader les goélands qui ni-chent le 1er avril, puis on baisse le niveau d’eaupour les premières espèces à venir nicher. Oncrée déjà cinq îlots de nidification peinards, ta-pissés de coquilles, à 200 m du rivage, de 50 m2

“Une petite couleuvre !”À 60 ans, l’expert

naturaliste Jean-PaulSalasse prend toujours

autant de plaisir à partagerses trouvailles et ses

connaissances de la nature“ordinaire”. Ici dans la criquede l’Angle à Poussan, lors des

“24 heures de la nature”,dans les prés salés entre la

Vène et l’étang de Thau.directeur des Écologistes de l’Euzière etexpert en gestion des milieux naturels

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23“L’activité économiquepeut être compatibleavec la nature”On a trouvé 450kg de déchets dans la Vène, ruisseauqui alimente l’étang de Thau…Il suffit de 3 % des gens qui balancent leurs or-dures dehors, volontairement, pour paniquertout. C’est tellement loin du bon sens citoyen debase, c’est dramatique. En fait, de plus en plusde citadins n’ont pas conscience que la naturen’est pas “rien”. Un jardin privé, on en prendsoin. Mais la nature sans projet d’aménagementhumain, devient “du vide”. Quand je parle de lagarrigue aux élus, ils trouvent… qu’il y en a trop.Mais le patrimoine ne se limite pas aux sitesrares! La nature “ordinaire” doit être aussi dé-fendue.Mais par rapport à une zone d’activité économique,un couple de pies-grièches à poitrine rose (6) fait-il le poids?La pie-grièche peut gagner sur le plan juridique,mais pas en terme de légitimité sociale et d’em-ploi, c’est clair. Ce qui m’étonne, c’est qu’on fassedes projets sans tenir compte des espèces proté-gées au préalable. Certains maîtres d’ouvrage de-mandent à les effacer des rapports… tout ça pourque ça leur pète dans les doigts à l’enquête pu-blique. Si une association fait un recours juridique,ils perdent et on arrête tout, comme pour l’inci-nérateur de Fos-sur-Mer. Les données écologiquesdoivent faire partie de la réflexion, au même titreque le trafic, la population, le bruit… À conditionde s’y prendre à l’avance, pour éviter les surprises.Pour la déviation de Mèze dans sept ans, j’ai déjàfait les études de terrain! Depuis trois ans, onsent que les ingénieurs veulent une copie écolo-gique irréprochable: ils y croient, et ça leur permetd’obtenir les chantiers.Alors comment prendre en compte l’écologie?On est capable de proposer des solutions sophis-tiquées pour maintenir la trame verte et bleue,la continuité de nature ordinaire - pour que lesanimaux puissent aller manger, hiverner, migrer.En vue du doublement de l’A9, là où les pontssont trop bas, on va créer des écrans anti-collisionpour obliger les chauves-souris à franchir l’auto-route au-dessus des plus hauts camions la nuit.On dessine aussi des chemins pour les reptileset les batraciens, un nichoir à chauves-souris in-clus dans la structure béton. Les ingénieurs nousregardent bizarrement, mais ils vont le faire!Et pour l’hinterland (7)?La pie-grièche, la vigne, l’olivier, la chapelle, lesgens des cabanes… Les problèmes ne sont pasinsurmontables, mais la Région les ignore. Poureux, le port de Sète est un enjeu de communica-tion: s’ils réussissaient, ce serait banco politique-ment. Alors ils ont une espèce d’enthousiasmefou au sujet de cet hinterland, sans savoir quellesera la première “boutique”. Moi, je n’y crois pas.Pourquoi un transporteur de containers pana-méen viendrait à Sète plutôt qu’à Marseille? Etc’est loin d’être sûr que la LGV (8) fera du fret: çacoûte 2 milliards de plus. J’ai participé à la ré-flexion sur le port pour la Région: le vrai potentielde Sète, c’est la plaisance. Là, il y a de l’argentà faire.Dans le tourisme de nature aussi?Il y a une demande sociale, mais on est très, trèsen retard. On a testé un prototype de séjour d’éco-tourisme en 5 jours, du littoral à la montagne, enmangeant le soir ce qu’on avait vu dans la journée,c’était super! Mais il faut une agence de voyagescapable de le commercialiser. J’imagine aussi unparc d’observation des oiseaux au Castellas,comme celui des Aiguamolles, en Espagne, quireçoit 800 visiteurs par jour (!), en plus petit.L’accueil se ferait dans une vieille maison des sa-lins avec vues d’en haut. Des sentiers, des obser-vatoires creusés dans le sable, pour être à hauteurdes oiseaux. J’ai déjà les plans dans la tête, j’enrêve la nuit…

(6) Oiseau protégé de la plaine de Fabrègues(Montbazin, Poussan…).(7) Projet de zone logistique arrière du port de Sèteà Poussan, porté par la Région et controversé.(8) Ligne ferroviaire à grande vitesse Montpellier-Perpignan, prévue pour 2020.

à 600 m2. Autour, le fossé est rempli d’eau,même en été. De manière à ce que les chats,les chiens, les renards, et surtout les sangliers- oui, il y a des sangliers à Villeroy - ne viennentpas casser la croûte avec les œufs et les jeunesoiseaux. Ce n’est pas cher - 10000! - et çamarche très bien.L’herbier sous-marin, lui, est-il en bon état?Ça dépend des zones. Certaines sont très éparseset abîmées… là où il y a une grosse concentrationde planches à voile et de kite-surf, au Pont-Levisà Sète, par exemple. Quand ils vont vite, leursquilles coupent l’herbier, juste quand les espècessont en fleurs, l’une en avril, l’autre en juin. Etce n’est pas comme des salades, on ne sait pasencore les repiquer!Mais que peut faire Natura 2000?C’est là que c’est compliqué. L’herbier est dansun étang qui appartient à l’État, or l’État ne vapas contractualiser avec l’État! La seule chose àenvisager, c’est de délimiter les zones de kite-surf avec des bouées et de mettre des panneaux.Avec les associations locales de kite, on peut né-gocier, mais ceux qui viennent seuls, un jour ici,un jour à Leucate, eux, sont difficiles à capter.Une des premières actions prévues est un cheminde balade au Mourre-Blanc, à Mèze. Efficace?Pour canaliser la fréquentation terrestre, oui. Onl’a fait à la Corniche, à Sète - un autre site Natura2000 -, en mettant des ganivelles, il y a cinq ans.Aujourd’hui, la pelouse naturelle qu’on voulaitrestaurer est à un stade quasi idéal. Dès lors queles chiens arrêtent d’aller pisser dessus et queles gens arrêtent de jouer à la pétanque, ça vamieux.Autre action prévue: limiter les rejets des pesticidesdes communes. Ça marche?Les techniciens des espaces verts peuvent arrêterde mettre du Round-up (5), oui, c’est assez façile.Mais la moitié des pesticides proviennent desjardiniers du dimanche: il faudrait faire des ani-mations en s’appuyant sur les syndics, les comitésde quartiers, les Saint-Clairiens… À Orléans, une

association a eu de très bons résultats. Ici, l’autreproblème c’est le réseau ferré, qui balance duRound-up sur le lido: un fossé de collectage deseaux évite déjà leur diffusion, que faire de plus?Alors qui peut bénéficier de Natura 2000?Les conchyliculteurs, les pêcheurs, les plongeursont bien participé au diagnostic socio-économique,mais ils ne peuvent recevoir des aides. Les viti-culteurs non plus: cela ne concerne que les pro-priétaires de terrains inclus dans le périmètre,en bordure d’étang. Le bois de hérons, à Villeroy,appartient à Listel: l’Europe pourrait payer, pourfaire tomber les deux accès et placer un pont-levis.Si personne ne rentre dans le bois, dans deux ans,il y a des cigognes. J’en mets ma main au feu!Et ailleurs?L’essentiel appartient à l’État, aux communes,au Conservatoire du littoral, et à de nombreuxprivés. On pourrait dédommager les proprié-taires pour qu’ils arrêtent de drainer: plus hu-mides, les prés seraient plus favorables aux oi-seaux. On pourrait aussi négocier le calendrierde pâturage avec les éleveurs de chevaux, pourfavoriser les hérons garde-bœufs et laisser nicherles échasses. Ils toucheraient X euros par bêteet par an pour le service rendu à la nature. Maisc’est très morcellé, donc pas évident. L’eau, çarépond très vite, mais gérer les milieux terrestres,c’est plus compliqué. !• Sortie “Marcher sur le lagon” : RDV avec Jean-Paul Salasse le samedi 9 juin au Pont-Levis à Sète(voir agenda).

(1) Endémique = des espèces qui n’existent quedans une zone, donc plus vulnérables.(2) Schéma d’aménagement et de gestion des eaux.(3) Schéma de cohérence territoriale.(4) Toutes les collectivités qui interviennent surl’eau - Région, Département, agglos, SMBT… - sesont engagées à signer un contrat de gestion intégréepour coordonner leurs actions sur Thau.(5) Herbicide “total” de Monsanto, contenant duglyphosate, irritant et toxique.

!REPÈRESLes Écologistes del’Euzière- Association naturalistede 250 membres et28 salariés.- Créée en 1974 pardes botanistes.- Basée à Prades-le-Lez(34).-Pionnier régionalde l’éducationà l’environnement.- 40 % du chiffred’affaires en expertisede la nature(aménagementou protection).- Mais aussi: édition,formation, valorisationdu patrimoine naturelet rural.www.euziere.orgJean-Paul Salasse- Directeur (et 1er salariéen 1981).- 60 ans, Sétois, né enAuvergne.- Formation: BTS“nature”, autodidacte.- Membre du Conseiléconomique, social etenvironnemental de larégion.

propos recueillis par Raquel Hadida /photo Raquel Hadida /

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