Gayant. Fêtes et géants de Douai

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G a y a n t Marie-France Gueusquin Monique Mestayer

DOCUMENTS D'ETHNOGRAPHIE RÉGIONALE DU NORD-PAS-DE-CALAIS — N°5

Béthune, musée régional d'Ethnologie Douai, musée de la Chartreuse

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Avant-propos

Gayant, le géant tutélaire de Douai, protège la cité depuis plus de quatre cent cinquante ans. A l'occasion d'une procession en l'honneur de saint Maurand, patron de la ville, Gayant voit le jour en 1530, fabriqué en osier par la corporation des manneliers (fabricants de paniers d'osier). L'année suivante, la corporation des fruitiers fait construire une géante.

En 1770, Gayant et sa famille disparaissent quelques années de la procession suite à l'interdiction de l'évêque d'Arras. Recréés en 1777-1778, les géants sont supprimés à nouveau par la Révolution. Ils réintègrent le cortège en 1801. En 1821, ils reçoivent les costumes que nous leur connaissons. Depuis, chaque année, à l'occasion de la fête communale, Gayant, Marie Cagenon et leurs enfants, Jacquot, Fillon et Binbin parcourent pendant trois jours les rues de Douai.

Image légendaire qui peuple les rêves des enfants, la figure de Gayant est aussi celle d'un géant vainqueur qui renaît toujours de ses cendres. Fortement ancré dans la tradition locale, Gayant est aujourd'hui l'emblème de la ville de Douai, « cité des géants ».

Gayant, c'est aussi la fête qui s'empare de toute une ville, d'une population en liesse qui, l'espace de trois jours d'été, renoue avec ses traditions les plus anciennes si révélatrices de la richesse des hommes et des femmes du Nord.

La première monographie complète consacrée aux fêtes et géants de Douai, coéditée par les musées de Douai et de Béthune témoigne à la fois de la vitalité de la fête aujourd'hui et des traditions qui la fondent. Elle est due aux talents conjugués de l'ethnologue Marie-France Gueusquin et de l'historienne Monique Mestayer.

Elle constitue le cinquième numéro de la revue semestrielle Documents d'Ethnographie Régionale du Nord - Pas-de-Calais, conduite par le musée régional d'Ethnologie à Béthune, qui, dans son approche globale du territoire, de la région et des pratiques qui fondent l'identité de ses habitants, s'intéresse tout particulièrement à la fête et aux géants qui y jouent un rôle essentiel.

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Simultanément, le musée de la Chartreuse à Douai poursuit ses efforts de préservation et de valorisation du patrimoine local en organisant une exposition intitulée Gayant et sa famille, les géants de Douai.

Comprendre le rôle joué par les géants processionnels dans les mythes fondateurs des cités du Nord, découvrir les coulisses de la fête et en faire connaître les acteurs, tels sont les objectifs de ce double événement.

Saluons l'initiative des deux musées de Béthune et Douai, l'un de synthèse, l'autre de territoire, qui ont su mobiliser les différentes forces vives de la région autour de leur projet, et engager la mise en réseau de tous ceux que la connaissance du patrimoine régional et la mémoire collective passionnent.

Jacques Mellick député-maire de Béthune

Jacques Vernier député-maire de .Douai

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Remerciements

Cette publication accompagne l'exposition Gayant et sa famille, les géants de Douai organisée par le musée de la Chartreuse de Douai du 24 juin au 3 octobre 1994. L'exposition et le livre ont bénéficié du concours financier de la direction régionale des affaires culturelles du Nord-Pas-de-Calais. Le musée régional d'Ethnologie et le musée de la Chartreuse expriment leurs remerciements à tous ceux qui ont contribué à la réalisation de l'ouvrage :

l'ensemble de la Famille Gayant: Alain Décarpentry, Bernard Duparloir, André Lucidarme (conducteur des grandes figures), Lucien Mériaux (conducteur des petites figures), Bruno Lucidarme (chef de lunette de Gayant), Christian Watrelot, Georges Potiez, Joël Grossemy, Patrick Savary, Bernard Lucidarme, Thierry Felin (porteurs de Gayant), Raymond Grossemy (chef de lunette de Madame Gayant), Lucien Mériaux fils, Roland Leclercq, Louis Beauchamp, Didier Devogelaere, Jean-Claude Gruson, Jean-Paul Depecker (porteurs de Madame Gayant), Jean-Claude Care, Jean-Claude Lemire (tambours), Jacques Bourdet, Paul Cramette (porteurs de Jacquot), René Cramette, Marcel Cramette (porteurs de Fillon), Georges Godart, Dominique Bigot, Noël Godart (porteurs de Binbin), Alain Mériaux, Michel Hermant (sot des canonniers), Pierre-Marie Savary (chef quêteur), Frédéric Debout, Jean-Louis Wacsin, Jean-Pierre Grossemy, René Savary fils, Franck Russo, Daniel Bourdet, Michel Warlouse, Pierre Bauduin, Jean-Pierre Lucidarme, Mario Leclercq, Eric Mériaux, José Savary, Michael Fouchard, Pascal Warlouze, Philippe Beauchamp, Didier Savary, Pierre Savary, Emmanuel Simons, Thierry Cramette, Bernard Ragonet, Jean-Jacques Bourdet, Fabrice Leclercq, Marcel Cramette fils (quêteurs) Bernadette Guidet (habilleuse) qui, avec beaucoup de chaleur et d'enthousiasme, ont favorisé le déroulement de l'enquête;

Dominique Agisson, Fernande et Paul Aimé, André Ambis, Pierre Bernard, Geneviève Beyer, Arnaud Bréjon de Lavergnée, Philippe Brillon, Robert Chaussois, Pierre Cheuva, Aude Cordonnier, Paul Danquigny, Marc Debève, Agnès Degand, Stéphane Deleurence, Georges Delplanque, Marine Delpy, Michèle Demarcy, Martine Desumeur, Tony et Monique Dubois, Nathalie Duronsoy, Paul Dutilleux, Claude Fenet, Corinne Gouraud, Laurent Guillaut, Laetitia Heurtaux, Claude Lannette, Jacques Largeau, Robert Leclercq, Daniel Lefebvre, André Lemoine, Yves Lemoine, Hélène Leroy, Valérie Leroy, Michel Martin, Michèle Moraisin, Anne-Marie et Daniel Morelle, Christine Paquet, Bertrand Podemski, Gilbert Pringal, Geneviève Ravet, Françoise Rieunier, Gilles Rigoulet, Françoise Rogerol, Claude Thériez, Isabelle Turpin, Barbara Urbaniak, Dominique Vandecasteele, Jean-Marie Wiart qui nous ont communiqué informations, conseils et documents;

l'association La Ronde des Géants, les archives départementales du Nord, les archives municipales de Douai, les archives des quotidiens La Voix du Nord et Nord-Matin-Eclair à Douai, la bibliothèque municipale de Douai, la bibliothèque municipale de Lille, le musée des Beaux-arts de Lille, le musée d'art, de folklore et d'histoire de Cassel, le musée de l'Hospice Comtesse de Lille, la photothèque Augustin Boutique-Grard de Douai, la photothèque du conseil général du Nord, le service communica- tion et le service des fêtes de la Ville de Douai qui ont favorisé nos recherches et permis d'enrichir l'illustration de l'ouvrage.

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MARIE-FRANCE GUEUSQUIN

G ayant et la fête aujourd'hui

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Le géant et la fête

En 1530, l'échevinage de Douai sollicite tous les corps de métier afin qu'ils mettent en scène chacun une histoire sous la forme de tableaux animés sur des plates-formes roulantes fournies par les autorités de la ville. Année remarquable où pour la première fois se fait contempler dans le défilé « ung personnaige en forme de gaïant...», une gigantesque carcasse à figure humaine, admirable assemblage d'osier enveloppé de belles toiles. Parfait chef-d'œuvre, expression du savoir-faire et de l'aisance d'un groupe d'artisans, les ouvriers de l'osier, les manneliers, des hommes qui excellent dans le montage des paniers. À cette époque, Gaïant incarne les vertus de ses inventeurs, sa fonction est fédératrice au sein de sa communauté d'origine ; il n'est pas encore le grand rassembleur social qu'il deviendra plus tard. En 1531 paraît une géande, production de la corporation des fruitiers. S'ajoutent ensuite d'autres personnages qui forment cette famille à laquelle les Douaisiens sont tant attachés.

Plusieurs légendes, toutes en rapport avec la défense de Douai, entourent l'apparition de Gayant, être exceptionnel, bienfaisant et altruiste qui s'affaire dans bon nombre d'histoires inventées au XIX siècle Dans tous les cas, le héros, d'allure herculéenne, possède une force considérable. Il réside en ville avec son épouse et ses deux fils et exerce le mé t i e r d ' a r m u r i e r . D a n s la vers ion l i t t é r a i r e G a y a n t

est un en fan t sauvage élevé pa r u n e o u r s o n n e . D é c o u v e r t pa r u n

b û c h e r o n , il est a m e n é en ville où l ' on e n t r e p r e n d de le socialiser :

o n le bapt ise , o n l 'habil le , o n lui c o u p e les cheveux puis o n le conf ie

à son père a d o p t i f qu i l ' envoie à l 'école. Il au ra i t p u deveni r u n

en fan t c o m m e les aut res si u n e taille et u n e v igueur excep t ionne l les

n ' é t a i en t venues le d is t inguer . Ses occupat ions sont associées à

l 'univers domes t ique : il ne t to ie la maison, prépare les repas ; toutefois

son espr i t ingén ieux le c o n d u i t à concevo i r la corde et l 'échelle.

Ma i s la vers ion la plus célèbre reste celle d ' u n seigneur , u n guerr ier ,

1 — « Gayant ressuscité », poème burlesque imprimé en 1801 à Douai dans le recueil des Étrennes Douaisiennes ; Douai délivré

des barbares, imprimé à Douai en 1801. Drame joué au théâtre municipal. Informations tirées de Quenson, Gayant ou le Géant de

Douai, Douai, chez Robaut, 1840.

2 — Marie-Thérèse Dumez, « Les versions de la légende », Revue Septentrionale, 1928 et Charles Deulin, « L'intrépide Gayant »

Contes du roi Cambrinus, Paris, E. Dentu, 1874.

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rusé et énergique, animé par une conscience patriotique aiguë, qui entreprend de libérer la ville du joug des Normands et plus tard de celui des Français, un honneur qu'il partage avec Maurand, le saint patron de la ville. Si à l'origine le géant, dans son exhibition publique, est déjà affublé des insignes militaires qui ne le quitteront plus — un glaive et un marteau d'armes, deux attributs qui le vouent d'emblée à la défense de la place — en 1667, année de la prise de Douai par les Français, un soleil — symbole attitré de Louis XIV — est appliqué sur sa cuirasse en signe d'adhésion. Le personnage de soldat de Gayant se renforce tout au long des siècles suivants. Le géant n'est plus le simple paladin d'un corps de métier, il est celui de toute une ville qu'il protège du haut de sa grande taille. En 1804, une série de carreaux en faïence polychrome le dévoile en compagnie de sa famille. Bras nus, il exhibe les ornements républicains — l'écharpe et la cocarde tricolores — cependant l'épée est toujours là. Vers le milieu du XIX siècle, il retrouve en entier son costume de guerrier médiéval, le sien désormais, avec le casque à plumet et le court manteau rouge qui recouvre sa cuirasse. De sa main droite, il brandit avec superbe une oriflamme ; son flanc gauche est dissimulé par un bouclier à l'initiale de la ville, mais aucune marque ne renvoie à la nation, comme cela est souvent le cas ailleurs.

Ce géant, tel le Reuze de Cassel ou celui de Dunkerque, arbore sans détours les signes d'une symbolique martiale, plutôt agressive. Tous les éléments de son uniforme se rapportent à la guerre et à l'univers militaire. N'incarne-t-il pas un preux chevalier ? Le regard sévère et attentif sous le heaume, digne et grave, convaincu de l'excellence de sa mission, Gayant ne ressemble pas à un soldat de parade, il est un maître de guerre sur le point d'entrer en action. Quant à l'absence de références symboliques à la société plus large (les couleurs nationales par exemple), elle est significative d'un souci particula- riste bien ancré localement. Il faut préciser toutefois, à la décharge de la ville, que celle-ci ne développe pas jusqu'au bout cette logique identitaire dans la mesure où, à la différence des géants de Cassel empêchés de sortir des limites de la localité, ceux de Douai y sont exceptionnellement autorisés

3 — Musée de la Chartreuse de Douai.

4 — À Cassel, rien sur le costume du géant ne fait référence à la ville alors que la teinte des vêtements rappelle les couleurs

nationales ; c'est aussi le cas pour celui de Dunkerque.

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Chronique d'une fête

Toute fête, qu'elle soit urbaine ou rurale, profane ou sacrée, se définit comme un temps de rupture avec l'ordre des jours ordinaires. Durant ces quelques heures qui se situent dans le domaine de l'extra- ordinaire et de la turbulence, l'individu quitte un milieu normalisé, soumis à l'autorité de règles astreignantes, pour laisser parler librement son corps, ses désirs et ses rêves les plus extravagants. La fête instaure un temps joyeux, quelques heures où la folie semble gouverner. Elle procure un infini sentiment d'illusoire liberté qui permet de mieux affronter l'angoisse de l'avenir. Or, si l'instant festif autorise, dans l'enthousiasme collectif, d'oublier la répétition continue des gestes quotidiens, il faut noter que chaque séquence qui le nourrit s'exerce souvent néanmoins dans les limites permises d'une organisation sociale — aux normes rigides — qui bénéficie là d'un moyen d'exalter, par l'intermédiaire de jeux et contre-jeux, l'énergie en même temps que l'ordre nécessaires à sa survie. La fête crée un monde nouveau, du rire et de la dérision, mais aussi de l'hospitalité, du bien manger et de l'alcool.

La liberté dynamisante se retrouve dans les propos tenus par les acteurs sociaux de la grande fresque ludique de Gayant, pour qui « ces jours-là tout est faisable : fumer et boire à volonté ». Mais aussi se dégager de l'emprise familiale, des épouses, car, dit-on, « si elles viennent voir le cortège du dimanche et la rentrée du mardi, jamais elles nous suivent ; d'ailleurs on ne rentre jamais à midi pour ces trois jours, on est libre, c'est les seuls jours où on a de la liberté ».

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À l'occasion d'une procession en l'honneur de saint Maurand, patron de Douai, Gayant voit le jour en 1530, fabriqué en osier par la corpora- tion des manneliers (fabricants de paniers d'osier). L'année suivante, la corporation des fruitiers fait construire une g é a n t e . Gayant symbolise la puissance de la ville et sa prospérité. À la fois doux et sévère, il in carne des

vertus de solidarité et de cohésion sociale – au sein de la ville qu'il fait vibrer chaque année, début juillet. À tous, il procure l'émotion et l'allégresse en une célébration qui confine à un véritable culte. Pendant la fête de Gayant, les géants, Gayant, Marie Cagenon et leurs enfants Jacquot, Fillon et Binbin parcourent pendant trois jours les rues de Douai.

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