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Louis-Henri de La Rochefoucauld GAUDRIOLE AU GOLGOTHA Roman

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Louis-Henri de La RochefoucauldQuand votre plus vieil ami d’enfance vous de- mande d’être son témoin de mariage, c’est déjà tout un roman. Alors quand cet ami s’avère être un incorrigible don Juan, goujat notoire et collection- neur d’histoires à coucher dehors… eh bien, ça tourne au vaudeville. Le narrateur se retrouve pris au piège : il va falloir écrire un discours ! Mais que raconter ? Attendu au tournant, il préférera prendre le détour des souvenirs, opérer la digression d’une longue lettre ouverte à cet ami finalement perdu… De fil en aiguille, le Christ en personne viendra remettre quelques pendules à l’heure. Un livre tour à tour mélancolique et tordant, toujours tiré à quatre épingles — car habillé d’une jaquette, forcément.

Louis-Henri de La Rochefoucauld est né à Paris en 1985. Il est notamment l’auteur de La Révolution française.

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DU MÊME AUTEUR

Aux Éditions Gallimard

LA RÉVOLUTION FRANÇAISE , coll. « L’Infini », 2013.

Aux Éditions Léo Scheer

LES VIES LEWIS , 2010.

UN SMOKING À LA MER , 2011.

LES ENFANTS TROUVÉS , 2012.

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L’ArpenteurCollection créée

par Gérard Bourgadier

dirigéepar Ludovic Escande

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Louis-Henri de La Rochefoucauld

GAUDR IOLEAU GOLGOTHA

r o m a n

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© Éditions Gallimard, 2014.

Maquette : Michel Duchêne

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Ce sera enfin une rouerie de plus à mettredans vos Mémoires : oui, dans vos Mémoires,car je veux qu’ils soient imprimés un jour, et jeme charge de les écrire.

Les Liaisons dangereuses

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Le jour où le ciel m’est tombé sur la tête

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Comment commencer, mon cher Grégoire ? Parune anecdote : ce café il y a cinq ans où, alors que jete tendais fébrile mon premier roman, tu m’avaislancé en pouffant que, dans longtemps, au momentde ton départ à la retraite après une carrière flatteuseen flaflas, tu m’engagerais comme nègre pour rédigertes Mémoires. Dans ta tête, tout était clair. Tu auraisun jour besoin d’un tome bien brossé pour asseoirta majesté, et je serais l’homme de l’ombre derrièrele soleil de ta gloire. C’était gentil, honnêtement,de m’offrir du travail. Mais omettre un peu viteque la main-d’œuvre puisse rechigner à entonner lesalléluias. Que le nègre noircirait le tableau. Que tuserais, en un sens, rattrapé par les affaires. Tu auraisdû plus te méfier de notre amitié, Grégoire, toi quies si soucieux de ta réputation, toi qui te braquesdirect quand te parviennent les bruits de couloir.Qu’est-ce qui te disait que nous ne nous brouillerionspas ? Et que, en cachette, je ne prenais pas quelquesnotes ?

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Les Mémoires élogieux que tu appelais de tes vœux,tu n’es pas près de les lire. À moins de les commettretoi-même. En attendant, voici ce que, moi, je garde enmémoire. C’est peu dire que tu n’y apparais pas toujoursà ton avantage. Tu peux sortir ton peigne, mon vieux :à la lecture, tu auras souvent envie d’aller te recoiffer.

Tu as vu le titre que j’ai mis à cette centaine depages ? Gaudriole au Golgotha. La première fois quej’avais prononcé ces trois mots devant toi, Gaudrioleau Golgotha, tu n’y avais rien entendu, n’y avais vuque charabia et falbalas. Tu étais saoul et nous étionsen plein dans ton dîner de mariage. Là, tu es au calme,chez toi. Dans une ou deux heures, peut-être auras-tu compris où je voulais en venir. Ce qui se dissimu-lait derrière ça. Ce que je pense de toi. Après ce granddéballage, tu ne souhaiteras plus jamais me voir. Tu meferas un procès pour atteinte à la vie privée et l’on ne separlera plus que par avocats interposés et descentesd’huissiers. Par téléphone arabe. Il faudra pourtant quetu m’appelles toi-même, Grégoire. Pour un rapidecompte rendu. Car ce texte, vois-tu, n’est pas gratuit : ils’agit de mon nouveau manuscrit. Et qui mieux que toipourrait le corriger ? Trouver des choses à redire sur lavéracité des faits ? Me suggérer en toute impartialité demieux peindre en pied le personnage principal ?

Tu as souvent moqué mon désir d’écrire, Grégoire,radotant que plus personne ne lit, que ce ne sontqu’afféteries et chichis, que toi-même n’achètes pas unseul roman par an… Aussi n’est-ce pas sans un certain

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amusement que je te prends aujourd’hui en otage.Comme au confessionnal. Ce livre-ci au moins, je lesais, tu le liras jusqu’au bout, et d’une traite, la peur auventre et sueur au front. La littérature a perdu unebataille ? Elle n’a pas perdu la guerre ! Et il se pourraitbien que tu y prennes quelques balles. Cela t’appren-dra que cette littérature que tu méprises tant peut nousservir de miroir autant que de boussole — en relisantces pages où est consignée ta vie, j’espère ainsi que tuen regretteras le style, et que tu décideras d’en changer.Et si tu es sage, appliqué, et puisque je n’ai encoreconfié le texte à aucun éditeur, peut-être t’accorderai-je quelques coupes dans tes plus mauvais chapitres ?

Mais je deviens bien sérieux, soudainement…Hau-tain. Professoral. Distant. Gaudriole au Golgotha nemanque pas de loufoquerie et de cabrioles, pourtant.On y rigolera souvent. Tu connais mes principes, monvieux : lire doit rester un plaisir. Alors détends-toi,Grégoire. Puisque tu seras mis à nu dans les pages quisuivent, fais-toi couler un bon bain. Allonge les jambes.Sers-toi un petit alcool de poire et mets de la musique.Et pourquoi pas un peu de Mozart ?

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Mozart ? Parlons-en une seconde, tiens. Je sais cequi se dit sur son génie dans les dîners en ville et autrescours européennes : sa folle précocité et son oreilleabsolue, ce je-ne-sais-quoi de facile et joyeux, lesmimines qui gambadent allègres sur le clavecin, sesperruques et tout le tintouin…

Les fâcheux qui véhiculent depuis près de trois sièclesces rumeurs complaisantes sont comme tes employeurs,Grégoire : ils ne connaissent pas vraiment l’hommedont ils se gargarisent. Car quand on l’a fréquentécomme moi au quotidien, voilà des contrevérités quel’on ne peut pas supporter. Bon sang de bonsoir, je disnon, calmons-nous sur l’encensoir, les oreilles humainesn’ont plus à servir de passoires à son tsouin-tsouin, cerepoussoir ! Enfin quoi, c’est vrai : ce fut pour moi unsoulagement d’être délivré du tintamarre de Mozart.

Jusqu’à mon récent déménagement, Mozart a étémon voisin. Ce qui signifie quand même, vu mesconditions de vie, que nous partagions en courtoisie

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les toilettes sur le palier. Mozart, tu dois t’en souvenir,était le surnom que j’avais donné à l’honnête hommequi habitait la chambre de bonne contiguë au studiodéfraîchi que Maman me laissait gratis au sixièmeétage de notre immeuble parisien.

Mozart était un type touchant et très sympathique,je ne le nie pas. Il n’en avait pour autant pas le moindretalent pour la musique. Il n’était pas né à Salzbourg,plutôt vers Strasbourg ; n’était pas mort prématuré-ment à trente-cinq ans, allait bon an mal an sur sescinquante-cinq printemps. Garçon de café maigrichonet vieillissant ayant échoué là après divers naufragesprofessionnels, l’artiste rentrait chez lui vers deuxheures du matin. Sans enlever ni son gilet ni sa cravatenoirs, il s’installait à son piano désaccordé et en avantla fanfare, c’était parti pour des rengaines d’autrefoischahutées de fausses notes, port d’Amsterdam et mélo-drames, rumba dans l’air et smokings de travers, vivenaguère et vogue la galère… Il était inutile de lui lancerRemettez-nous ça ! en agitant des billets, Mozart prenaitla commande sans qu’on lui ait rien demandé et inlas-sablement vous resservait les mêmes verres.

Les cloisons papier à cigarette du sixième étagemêlant nos intimités respectives, les gammes deMozartberçaient mes nuits blanches. Nuisaient-elles grave-ment à ma santé ? Oh non, je n’aurais pas trouvé lesommeil, de toute façon : à l’heure où commençaitle numéro de piano-bar de Mozart, j’étais à monbureau à me presser le ciboulot.

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Après l’échec de mon premier livre, rappelle-toimon état, je m’étais mis à publier des romans noirssous le pseudo de Luigi Rupificaldo. Ils n’ont pasmarché davantage, mais je me suis acharné. Écrire despolars tard le soir plonge dans une sorte de coaltar,d’autant que dans ma chambrette il faisait un froid decanard et que les murs autour de moi ne dissipaient pasmes rêveries plus brumeuses que le blizzard… Le passén’avait pas dit son dernier mot dans la chambre deservice que je squattais pépère. Le papier peint parme,déjà, n’avait pas été changé depuis des décennies, ilavait juste jauni, s’imprégnant de cette odeur particu-lière qu’on ne sent d’habitude qu’en rouvrant une mai-son de campagne délaissée depuis des mois. Épingléesaux murs par un ancien locataire nostalgique du tempsjadis, de vieilles affiches publicitaires invitaient lesvacanciers à boucler leurs malles. Sur l’une d’entreelles, grand ciel bleu et clocher écrasé par le soleil pro-vençal, un jeune couple vaporeux se promenait brasdessus bras dessous au-dessus d’un slogan prometteur :Grasse — Station climatique — La ville des fleurs et desparfums. Ce jeune couple d’autrefois, ce n’était pas tavision de l’amour. Nous aurons l’occasion d’y revenir.

À mon bureau il n’y avait pas de fleurs, et, je l’ai dit,il faisait moins chaud… Ce jour-là de l’année dernièreque je vais te raconter au long de ce premier panneau,on était au mois de février, et, le radiateur refusant decoopérer, j’avais gardé mon manteau pour travailler.Sur quelle trame de roman noir étais-je à plancher, ce

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soir-là ? Meurtre mystérieux d’une marquise retrouvéeétranglée sur le pas de sa porte, tous ses bijoux auxdoigts, dans son manteau d’hermine ? Assassinat d’unimprésario poilu et néanmoins travesti ? Trafic detableaux sous les lambris du Quai d’Orsay ? Servicessecrets et dessous de cartes ? Indices dans le caniveau,la suite au coin d’un pont, brigade fluviale, entrechats,chats de gouttière et chat perché, rebondissements etfariboles ?

Non, rien de tout ça, Grégoire : cette fois-ci, si jedevais bien écrire quelque chose, il ne s’agissait pasd’une intrigue policière vue et revue depuis Mathu-salem. Mais d’une commande que tu m’avais passéequelques heures plus tôt. D’une commande quim’avait pour le moins surpris. Je vais tout te déroulerselon mon point de vue, mon vieux, mais sache déjàque tu aurais mieux fait de ne pas me demander ça.Sans t’en apercevoir, tu avais mis le feu aux poudres.Dès cette nuit-là, je savais que c’est ce texte qui meconduirait à t’assassiner.

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Quelques heures plus tôt, reconstituons bien lesfaits, tu m’avais invité à déjeuner. Que tu sois monplus vieil ami ne suffisait pas à m’ouvrir l’appétit.Quelques crudités chez un Japonais ? avais-je suggéré.Très bien. Une belle côte de bœuf saignante dans la bras-serie d’à côté, m’avais-tu répondu.

Nous nous étions retrouvés dans un bistrot du quar-tier de l’Opéra qui, malgré son nom, n’a rien à voiravec Mozart. Le ciel d’hiver était tristement grisouilleet le concerto pour cols blancs qui se jouait sous labruine n’ajoutait guère de couleurs à la monotonieambiante.

Je t’avais attendu un moment, Grégoire, avant de tevoir débarquer roulant carrosse et des épaules dans tonriche costume à rayures, fringant et sûr de ta force,visiblement réjoui par tes derniers coups fourrés de hus-sard des salles des marchés. Tu m’avais salué d’unelourde tape dans le dos ; t’étais assis de tout ton poids.Avais commandé apéritifs, pichet de rouge et assiettes à

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Gaudriole au GolgothaLouis-Henri de La Rochefoucauld

Cette édition électronique du livreGaudriole au Golgotha de Louis-Henri de La Rochefoucaulda été réalisée le 21 octobre 2014 par les Éditions Gallimard.

Elle repose sur l’édition papier du même ouvrage,(EAN : 9782070146260 – Numéro d’édition : 268689).

Code Sodis : N63399 – EAN : 9782072553424.Numéro d’édition : 268691.