Gaspillage alimentaire, le temps des solutions

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A l'heure où il est urgent de trouver des solutions pour lutter de façon pérenne contre le gaspillage alimentaire, le Groupe AGRICA s'engage dans cette démarche notamment à travers la publication d'un ouvrage sur le sujet.

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GASPILLAGEALIMENTAIRE : LE TEMPS DESSOLUTIONSJean-Louis Caffier

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Sommaire

Gaspiller, ce n’est pas une fatalité ! François Gin Directeur Général du Groupe AGRICA 6Aux actes citoyens ! Entretien avec l’écrivain Alexandre Jardin 8Introduction : Le temps des solutions, mode d’emploi 13

Production, transformation :abondance=gaspillage, déchets=ressources 21

Les Paniers de la Mer : insertion par les poissons 24Préserver la ressource avec Planet Océan 25Biogranulat : mon gravier a la pêche ! 26« Légumes Moches » et « Quoi Ma Gueule »  28Trois questions à Geneviève Férone 30Bioraffinerie tout en un : comment rendre l’inutile indispensable ! 32GreenWatt : mon électricité chope le melon ! 33SOLAAL : labourer pour implanter les dons 34

À retenir  35

Distribution :objectif zéro gâchis ! 37

Zoo de Saint Martin : les gorilles aiment le yaourt ! 41La tente des glaneurs de Caen : solidarité au marché 42Bordeaux : confiture de rebuts pour épiceries fines 44Trois questions à Guillaume Bapst 46Rungis : quand les « forts des Halles » aident les plus faibles 47Zéro Gâchis mais des milliers de promotions 49Eqosphere : pour une culture de la revalorisation 51People’s Kitchen : cuisiner pour ne pas jeter ! 52

À retenir 53

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Consommation : à la maison, qui veut gagner 430 euros par an ? 55

Y’a quoi dans mon frigo ? : Internet contre le gaspillage 57Croque ton jus : contre le gaspillage, ça presse ! 61Comment conserver ses fruits et légumes ? 62Trois questions à Eric Birlouez 63Paris : le compostage joue collectif ! 64La cerise finit en bouillotte ! 65Besançon : ma poubelle est une poule 65Comment conserver la viande ? 68CheckFood : pour suivre son frigo à la trace ! 68

À retenir 69

Restauration :les bonnes idées en self-service 71

Angers : les écoles placent à la banque  72Worgamic : mieux connaître les aliments pour mieux les respecter 73Nancy : valoriser le pain perdu des cantines 76Le Mans : l’hôpital guéri du gaspillage 77Trois questions à Didier Girard  78« Stop au Gaspi » : une appli mini gâchis 79La boîte antigaspi : un doggy bag à la française 80Le Chaînon Manquant : une place à prendre entre donateur et redistributeur 81Nice : des rebuts trois étoiles 84

À retenir 85

Conclusion  86Glossaire 88Crédits photos 92

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P r é f a c e

Gaspiller, ce n’est pas une fatalité !

20 kg : c’est la quantité moyenne de nourriture récupérable jetée parpersonne, en France, chaque année. Sur une planète dont les ressourcesnaturelles sont menacées d’épuisement, le gaspillage alimentaire est de-venu un fléau qui n’est plus acceptable. Réduire le gaspillage alimentaire est beaucoup plus complexe que cer-tains messages culpabilisants veulent bien nous le faire croire. Néan-moins, de la production à la consommation en passant par latransformation et la distribution, de nombreuses initiatives concrètesprouvent que le gaspillage n’est pas une fatalité et que le temps des so-lutions est désormais venu. C’est en tout cas dans ce sens que le Groupe AGRICA souhaite faire en-tendre sa voix en s’engageant à son tour dans la lutte contre le gaspil-lage alimentaire. Groupe de protection sociale du monde agricole, portépar les valeurs de solidarité, AGRICA place le dialogue au cœur de sesinstances de décision et tient particulièrement à renforcer son engage-ment en matière de responsabilité sociétale en accompagnant un mou-vement général dans lequel l’ensemble des acteurs du monde agricoleest concerné et impliqué.

A partir de différents témoignages, nous vous invitons à prendreconnaissance d’initiatives qui fonctionnent en termes de lutte contre legaspillage alimentaire et à porter un regard optimiste et constructif sur

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la capacité des acteurs économiques à trouver des solutions efficaces ence domaine. Cet ouvrage est le point de départ d’une dynamique que leGroupe entend porter sur du long terme, grâce à des initiatives qu’il en-treprendra avec la contribution de ses clients, ses partenaires, ses colla-borateurs, au niveau des territoires, comme au niveau national. Groupe de protection sociale, AGRICA se doit d’anticiper, d’agir au ni-veau de la prévention. Or, le gaspillage alimentaire relève aussi d’un dé-ficit d’éducation et d’information sur la gestion de l’alimentation. C’estpourquoi AGRICA a déjà engagé une démarche auprès de ses entre-prises clientes, de leurs salariés et des retraités qu’il prolongera par denouvelles actions de prévention portant sur la nutrition. En accompagnant son public dans une démarche de réduction du gas-pillage alimentaire, AGRICA souhaite participer à la préservation du ca-pital santé de ses ressortissants, à la recherche d’un équilibreéconomique des entreprises et à la protection de l’environnement. Renforcer notre engagement en matière de responsabilité sociétale, c’estpour AGRICA une manière d’être bien plus qu’un assureur pour lemonde agricole…

François GinDirecteur Général du Groupe AGRICA

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A v a n t - p r o p o s

Alexandre Jardin : Aux actes citoyens !

L’écrivain Alexandre Jardin soutient, avec l’enthousiasme qu’on luiconnaît, notre initiative de lutte contre le gaspillage alimentaire. Lefondateur, en 1999, de l’association « Lire et Faire Lire » sait de quoi ilparle quand il évoque l’engagement des citoyens au profit du mieuxvivre ensemble. Aujourd’hui, 14.000 bénévoles de plus de 50 ansapportent leurs connaissances, leur goût de la lecture et un peu de leurtemps aux élèves des collèges dont un sur cinq ne sait pas lire lors del’entrée au lycée ! En référence à son roman « Le Zèbre », prix Feminaen 1988, Alexandre Jardin vient de fonder « Bleu Blanc Zèbre »,association qui entend fédérer sans aucun à priori des initiatives trèsdiverses mais qui vont dans le même sens : agir, agir et agir. Agir pourla joie de « faire », agir pour être utile et pertinent, agir pour repousserla tentation (ou le risque) de la déprime dans un monde difficile.

• A quoi correspond cette idée de Do Tank ?Alexandre Jardin : Les Think Tanks, c’est très bien pour faire des rap-ports plus ou moins lus et qui sont rarement traduits en actes. Le DoTank ne promet rien, il fait. Ce qu’on propose, c’est de fabriquer des so-lutions concrètes pour le pays même à un niveau tout petit. Nousn’avons aucune ambition de prendre le pouvoir. On invite chacun àl’exercer avec joie. Je pense que cette idée va marcher parce que juste-ment elle est très simple. Ça marchera mieux en tous cas que toutes les

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usines à gaz imaginées par nos chers politiques. J’adore le projetd’Agrica, parce que le gaspillage alimentaire se situe en plein dans unchamp d’actions possibles liées au secteur d’activité du groupe. Je me disqu’il y a vraiment des chances pour que cela aboutisse.

• A quelles conditions cela peut marcher ?AJ : Le premier point, c’est de ré-enchanter les gens par le passage àl’acte. Beaucoup de personnes ont parlé de gaspillage alimentaire, etaprès ? Il ne s’est pas passé grand chose, on trouve trop peu d’actionsconcrètes. Le passage à l’acte doit arriver vite. Ce que je trouve fort dansvotre projet, c’est que vous pouvez démarrer assez rapidement quelquechose qui ensuite prendra forcément de l’ampleur. C’est le passage àl’acte qui va créer la confiance. Regardez sur notre site la liste des zèbres,on passe à l’acte tout de suite. On entend parler de projets ou de poli-tiques qui vont démarrer en 2017 ou 2020, c’est loin ! Nous, ce qu’onveut c’est aller plus vite, au moins démarrer. On y va par étapes, commeon peut, mais on y va, on enclenche. Si tous vos partenaires ne peuventpas démarrer aujourd’hui, ce n’est pas grave, commencez avec ceux quipeuvent s’engager. De fil en aiguille, ça va grandir.

• Il faut forcément un peu de moyens… C’est un frein ? AJ : Vous savez, Bleu Blanc Zèbre, on l’a monté avec un budget de 9.000euros. On est en train d’embarquer dans l’aventure 63 programmes au-jourd’hui qui regroupent d’énormes potentiels du pays, d’énormes savoir-faire, d’énormes compétences. Partout des outils sont disponibles pouragir. On peut faire émerger tout ça avec 9 .000 euros, c’est une histoire dedingues, non ? Donc, démarrez au plus vite même dans un format mo-deste. A partir du moment où on accepte tous de sortir de nos terriers etde libérer le zèbre qui est en nous, dès qu’on se met à sortir du cadre, toutest possible. En France, on est convaincu qu’agir c’est forcément dépen-ser. Mais il existe plein d’autres ressources, d’autres leviers ! Quand on re-garde un peu, on découvre une étendue incroyable de possibilités. Par

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exemple, avec mon association « Lire et Faire Lire », on est en train de re-cruter des milliers de nouveaux retraités qui vont aller dans les écolesaider les gamins et leur donner envie de lire. Si on veut agir, on peut ! Et on va aller encore plus loin ! Avant la fin de cette année, je veux aussiincorporer à Bleu Blanc Zèbre des villes d’Afrique du Nord et d’AfriqueNoire. La francophonie aujourd’hui, c’est un grand vide, il n’y a plusrien qui vient du fond des peuples.

• Comment encourager les citoyens à passer aux actes ? AJ : La vraie dépression, c’est de regarder les actus à la télé. Il faut in-viter chacun à exercer son pouvoir d’agir dans la joie et surtout à profi-ter de la joie d’assumer d’être sorti du cadre. Ensuite, il faut aussi jouercollectif. Il faut en avoir le reflexe, quand le programme se développe,prend de l’ampleur et s’implante dans plusieurs villes. Il faut fabriquerdes passerelles pour qu’il n’y ait pas de savoir-faire qu’on ne fécondepas.. Je voudrais que dans l’année qui vient, non seulement on impliqueun nombre hallucinant de gens mais aussi que s’impose sur le terrainl’idée qu’il est impossible de gouverner sans l’implication de la popula-tion. On nous écoutera parce que l’on fait.

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Introduction

« Il n’y a personne dans toute la chaîne alimentaire qui gaspille plus oumoins qu’un autre.» Guillaume Baps a créé le réseau des Epiceries So-lidaires (voir plus loin). Il résume bien notre angle d’approche : « Toutle monde gaspille, de l’agriculteur au consommateur. Ça ne sert à riende pointer quelqu’un en particulier ! » Au niveau international, José Graziano da Silva, le directeur de la FAO,(Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture)voit les choses de la même manière : «  l faut faire des changements àtous les maillons de la chaîne pour éviter les gaspillages, et, quand cen’est pas possible, réutiliser ou recycler. »

Le temps des solutions, mode d’emploiAlors, allons-y ! Nulle intention dans nos propos de minimiser le tra-vail fouillé réalisé par des journalistes, des organisations, des ONG surles causes profondes du gaspillage alimentaire. Au contraire. C’estgrâce à ces enquêtes édifiantes que nous pouvons décider d’agir. Letemps des solutions est venu. Observons-les, essayons de bien les com-prendre pour les dupliquer en les adaptant aux territoires. Nous nesommes pas du tout dans le « y’a qu’à, faut qu’on ». Non, toutes les so-lutions exigent un vrai travail et sont souvent difficiles à mettre enplace. Mais rien n’est insurmontable et certaines de ces solutions sonttrès simples à lancer dès qu’on en a la volonté. L’alimentation est sou-mise à des règles nombreuses, notamment, et c’est bien normal, dans

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le domaine sanitaire. Il faut aussi gérer la logistique, le transport, la ré-partition, la transformation, la distribution, la place des associationsspécialisées dans l’aide alimentaire. Il faut encore réfléchir au modèleentre bénévolat et professionnalisation. La lutte contre le gaspillagen’est réservée à personne. Elle peut aussi créer de véritables activitéset des emplois. Notre rêve, accessible, c’est, par exemple, que les 3 an-nées passées par le chef du service restauration de l’ ôpital du Mans à concrétiser son idée de récupérer et offrir des repas en surplus à desassociations, servent à faciliter l’engagement d’un de ses collègues àl’autre bout de la France.

Il n’est pas question ici de tout résoudre et de tout montrer. Ce livres’appuie sur des gens formidables, citoyens, membres d’associations,d’entreprises ou de collectivités locales. Tous ont des idées et les appli-quent pour progresser, d’un pas de souris ou d’un pas de géant en fonc-tion des moyens et des champs d’action. C’est le but de cet ouvrage quise concentre sur la France métropolitaine : raconter comment, à partird’un surplus ou d’un déchet, il est possible de nourrir une personnedans le besoin, produire de l’énergie, du compost, des matériaux.

Les objectifs sont nombreux et particulièrement motivants : aider nossemblables, d’abord et en priorité, bien sûr ! Mais aussi, préserver les res-sources, limiter nos consommations, réduire nos déchets et notammentles déchets carbonés qui, sous forme de gaz à effet de serre, perturbentsérieusement le fragile et subtil équilibre du climat sur Terre. A ce pro-pos, les modélisations les plus sophistiquées montrent à quel point un ré-chauffement qui s’emballerait aurait des répercussions cataclysmiquessur l’eau, l’agriculture et la pêche. La nourriture produite et non consom-mée dans le monde, représente sur une année 3,3 milliards de tonnes dedioxyde de carbone (CO2) sur un total de 40 milliards en 2012.

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Les chiffres à retenir Avant donc de passer à l’action, revenons d’abord sur les quelques chif-fres qui nous permettent de mieux mesurer l’ampleur des dégâts et dela tâche à accomplir. Selon la FAO, un tiers de la nourriture produitechaque année dans le monde est gaspillée. Cela représente 1,3 milliardde tonnes ! Plus de la moitié de ce gaspillage se produit en amont, lorsdes phases de production, de stockage et de transport. C’est surtout vraidans les pays pauvres. Les pays riches gâchent davantage lors de la venteet de la consommation. En France, selon l’ADEME (Agence de l’Environnement et de la Maîtrisede l’Energie), 9 millions de tonnes sont jetées chaque année. 2,3 le sont

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dans la distribution, entre l’épicerie du coin et l’hypermarché. La res-tauration (cantine, fast food, restaurant) gaspille 1,5 million de tonnes. Ala maison, on compte 5,3 millions de tonnes de déchets. C’est 79 kilos parpersonne. Sur ce total, 59 kilos sont constitués d’os et d’épluchures, dif-ficilement évitables, mais les 20 kilos restants entrent dans la catégoriegaspillage car ils pourraient être récupérés : on trouve 7 kilos de nourri-ture encore emballée et 13 kg de restes de repas encore consommables. Anoter qu’avec ses 79 kilos, le Français n’est pas du tout un mauvais élève :dans l’Union Européenne, la moyenne monte à 179 !

Pour tenter de faire baisser ces chiffres, la FAO propose des pistes au ni-veau mondial. Elle estime que la priorité doit être donnée à la préven-tion. A l’étape de la production, la FAO préconise d’améliorer lesconditions de stockage mais l’Organisation des Nations Unies estimeégalement que de très gros progrès pourraient être faits en améliorantl’information et l’adéquation entre production et demande. En cas desurplus, la FAO conseille de conserver les produits dans la chaîne ali-mentaire. Il s’agit d’encourager les dons aux plus démunis et de favori-ser des débouchés secondaires, alimentation animale notamment. Enfin,les produits inutilisables peuvent être recyclés et réutilisés : le compos-tage et la production d’énergie sont les deux axes principaux.

Antigaspi en France et en EuropeLes chiffres du gaspillage ont évidemment interpellé les pouvoirs pu-blics. En France, Guillaume Garot, le ministre chargé à l’époque del’agroalimentaire, a présenté le 14 juin 2013 le « pacte national de luttecontre le gaspillage alimentaire » signé par l’ensemble des parties pre-nantes. Trois objectifs ont été ciblés : s’engager contre les dérives de lasociété de surconsommation, protéger l’environnement et favoriser lepouvoir d’achat. Ce pacte ne veut « stigmatiser aucun des acteurs » maisinsiste sur la lutte nécessaire contre l’égoïsme et l’individualisme : « Il

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y a quelque chose de scandaleux, de profondément injuste dans le faitde jeter de la nourriture quand tant de Français dépendent de l’aide ali-mentaire ou ne mangent pas à leur faim. »Le pacte propose 11 mesures. Elles vont de clauses particulières dans lesmarchés publics de restauration collective, à une formation spécifiquedans les lycées agricoles et les écoles hôtelières en passant par une cam-pagne de communication avec une journée nationale de lutte contre legaspillage, un logo antigaspi et la diffusion d’affiches de sensibilisation.Ces mesures s’accompagnent d’une vingtaine d’engagements pris parles producteurs, les industries agroalimentaires, la grande distributionou la restauration (voir les détails sur www.gaspillagealimentaire.fr).L’autre mérite de ce pacte, c’est d’avoir réussi à impliquer tous les ac-teurs sans exception et ce n’était pas gagné d’avance ! Côté européen, le Parlement a adopté en 2012 une résolution qui de-mande des mesures rapides pour réduire de moitié le gaspillage ali-mentaire d’ici à 2025, avec comme point de départ 2014, décrétée annéeeuropéenne de lutte. Les mesures envisagées concernent l’étiquetage etl’emballage, la restauration collective, et là encore, la mutualisation desbonnes pratiques.

Ce livre propose de découvrir quelques dizaines de ces bonnes pratiquesqui, dans tous les secteurs, production, transformation, distribution,consommation, restauration, montrent que l’action est réellement à por-tée de main. Nous espérons que cet ouvrage donnera aux lecteurs l’en-vie de s’inscrire dans ce vaste mouvement qui est en train de grandir,pas seulement dans les discours mais aussi dans les faits !

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Production, transformation

ABONDANCE=GASPILLAGE,DÉCHETS=RESSOURCES La lutte contre le gaspillage à la source passe par un vrai changement dementalité et de pratiques. C’est valable dans tous les secteurs certes,mais plus encore dans la production et la transformation car c’est bienlà que se trouvent les quantités les plus grandes. L’idée d’une meilleuregestion des ressources a beaucoup progressé, mais seulement depuisquelques années. Il est désormais admis que nous ne vivons pas dansun monde inépuisable et que nous ne pouvons plus prélever sans re-nouveler. A cela s’ajoute la crise : les déchets qu’on éliminait, car jugéssans intérêt, sont aujourd’hui retraités, réutilisés et considérés commede simili matières premières en particulier pour la production d’énergieet d’engrais. Aujourd’hui, ne pas utiliser et valoriser ces déchets, c’est

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du gâchis ! Ces rebuts autrefois méprisés sont désormais très courtisés.Il y a derrière le traitement de ces déchets issus de l’agroalimentaire unevéritable activité qui permet non seulement de créer des emplois maisd’œuvrer très concrètement à la protection de l’environnement et à lalimitation des émissions de gaz à effet de serre. Ce gaspillage à la source est beaucoup moins problématique dans lespays développés que dans les pays pauvres. Ces derniers souffrent d’undouble déficit lié d’une part à l’information et d’autre part au stockagedes produits. Le déficit d’information provoque une inadéquation entrel’offre et la demande. Si, sur un même territoire, un producteur ne saitpas ce que ses collègues vont planter, le risque est réel de voir tout lemonde cultiver la même chose  ! Les conséquences sont graves  : aumieux, pour les agriculteurs, c’est l’effondrement des cours, au pire, c’estune production jetée car invendable. Ajoutons un déséquilibre préjudi-ciable pour l’alimentation des populations locales obligées en plus depayer cher des produits qui auraient pu être cultivés à proximité. Sur le stockage, on trouve également un problème d’information. Les« stockeurs » ne sont pas forcément bien informés des quantités à trai-ter, ni des dates de collecte et de livraison. La gestion n’en est que pluscompliquée. Il existe enfin un vrai retard en matière d’équipement. Dans les pays développés et en France notamment, l’information et lestockage fonctionnent. Les pertes sont plus limitées, mais elles existent.Les solutions ne sont pas évidentes car toutes se heurtent à la barrièredu prix. En cas de surproduction par exemple ou de chute des cours, unagriculteur préférera laisser des surplus non récoltés dans les champsparce que cela lui coûte moins cher. Cela peut paraître aberrant, mais at-tention à ne pas s’insurger trop vite : supposons qu’un producteur offreses surplus, qui va récolter ? Avec quel matériel ? Qui va payer le car-burant dans l’exploitation, puis le transport ? Qui va prendre en chargela distribution et éventuellement le conditionnement ? La récupérationà grande échelle, voilà un intéressant programme à inventer !Nos agriculteurs laissent également pourrir des fruits et légumes par-

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faitement consommables parce que les consommateurs n’en veulentpas, en raison de leur taille ou de leur aspect. Nous verrons que des so-lutions intéressantes fonctionnent.En attendant, c’est donc sur les déchets que se concentrent les pro-blèmes et les gisements. Dans un passé pas si lointain, le paysan fran-çais pouvait se targuer de ne pas gâcher. Tout était vendu, mangé,transformé ou donné aux poules, aux cochons, aux chiens. Le reste par-tait au compostage. L’abondance a clairement créé le gaspillage. Tous les déchets organiques, agricoles ou ménagers, sont éligibles à laproduction d’énergie. Le biogaz issu d’une méthanisation classique nepeut être utilisé qu’en cogénération pour produire de l’électricité ou dela chaleur. Le biométhane peut de son côté être injecté dans le réseau dugaz à condition de passer par une étape supplémentaire, l’épuration.Ces pratiques progressent de plus en plus vite. Fin 2013, il y avaitpresque autant de projets en développement (360) que d’unités instal-lées (389). Les perspectives liées à la valorisation de la dégradation or-ganique sont gigantesques. GrDF estime que le gaz vert pourraitreprésenter en France 73% de nos besoins en 2050. Il n’est pas inutilede rappeler que notre pays importe la quasi-totalité du gaz consommé.Le potentiel est en équivalence de 210 térawatt-heures, 100 fois plus quece qui est produit aujourd’hui. La filière est handicapée dans son déve-loppement par des questions de coût et par la complexité des régle-mentations mais ces obstacles s’amenuisent. Autres avantages : le biogazpeut être produit de manière continue alors que le solaire et l’éoliensont des sources d’énergie intermittentes. Il peut également être utilisécomme carburant pour les véhicules, avec très peu d’émission de CO2.Enfin, il peut favoriser de nombreux emplois non délocalisables : on encomptait 1700 fin 2013. Seul bémol et encore : les mêmes déchets organiques peuvent aussi êtreutilisés pour le compostage ce qui crée une petite concurrence qu’il esttoutefois possible de gérer : on voit de plus en plus de projets qui com-binent les deux !

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Dans cette 1ere partie, nous verrons que les solutions vont de la valori-sation des déchets à la vente de légumes non calibrés, en passant parl’organisation de la filière du don et de la maîtrise de la logistique sansoublier la mer où d’énormes progrès sont souhaitables.

Les Paniers de la Mer : insertion par les poissons Les produits de la mer sont assurément les plus gaspillés. Des filets depêche aux assiettes, de 40 à 70% des poissons et fruits de mer ne serontpas mangés. Ils sont rejetés à la mer, invendus en criée, détériorés dansles transports ou envoyés à la poubelle par les consommateurs. La si-tuation est sérieuse car les mers sont de plus en plus exploitées et lesstocks sont trop bas pour de nombreuses espèces. C’est sans doute en raison de ces éléments connus depuis quelques an-nées que Les Paniers de la Mer sont arrivés plus tôt que toutes les au-tres initiatives présentées dans cet ouvrage. Dès 1997, un premier atelierest né sur le port de Loctudy, dans le Finistère.Les Paniers de la Mer, c’est une idée toute simple : récupérer les inven-dus des criées (marchés primaires du poisson et des fruits de mer), pourles travailler dans de vrais ateliers de mareyage. Une fois congelés outransformés, notamment en soupe, les produits sont proposés à des as-sociations d’aide alimentaire. De vrais pionniers ! Comme le souligne Hélène Rochet, directrice de la Fédération des Pa-niers de la Mer, « aujourd’hui on parle beaucoup du gaspillage alimen-taire du fait de la crise. L’originalité de notre concept c’est que nous, ontravaille sur cet axe là depuis 1997 ». Aujourd’hui les ports de pêche de Lorient, Saint Guénolé-Penmarc’h,Saint-Malo et Boulogne ont monté leur propre Panier de la Mer. Selonla Fédération, « depuis 2004, 837 621 kilos de poissons surgelés ont étéredistribués aux réseaux d’aide alimentaire sur le territoire, ce qui re-présente plus de 4 millions de portions ». En 2013, 347 tonnes de produits bruts ont été récupérées et 166 tonnes

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valorisées. 80 associations ont pubénéficier des portions distribuées.Il est intéressant de noter que lesbénéficiaires se répartissaient sur43 départements. Mais «  la mis-sion » des Paniers ne s’arrête pas là.Dès le départ de l’aventure, il nes’agissait pas que de gaspillage maisaussi d’insertion. Aux ateliers de lamer, ce sont d’anciens chômeursqui travaillent les poissons et fruitsde mer. En contrat renouvelable de6 mois, ils se forment ainsi aux mé-tiers de mareyage. Pour Hélène Rochet, l’un ne va passans l’autre  : « On a tout de suitecouplé la dimension développe-ment durable avec une dimension

sociale. Notre idée, c’est de revaloriser les ressources invendues dans lecadre de chantiers d’insertion. Ce support pédagogique est très utile auxpersonnes qui avaient besoin d’un levier pour retourner sur le marchéde l’emploi. » En 2013, les Paniers de la Mer ont employé 110 salariésdans leurs 4 ateliers. Depuis 2004, ce sont plus de 500 personnes quiont ainsi été embauchées et formées à un vrai métier. Et l’aventure continue puisqu’un atelier devrait ouvrir très prochaine-ment à Dieppe.

Préserver la ressource avec Planet Océan Pour la ressource marine, la question des stocks de poissons est toutaussi importante que le gaspillage. Beaucoup d’espèces sont en gravedanger d’extinction. Mais comment savoir devant l’étalage du poisson-nier quel poisson éviter ?

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La fondation Goodplanet créée par Yann Arthus-Bertrand a justementmis au point une application, pour smartphone, Planet Ocean, qui ré-pertorie 100 espèces de poissons, coquillages et crustacés selon leurstock, leur provenance mais aussi la technique de pêche utilisée. Parexemple, le chalutage en eaux profondes génère beaucoup de rejets depoissons et donc du gaspillage. Ce type de pêche est pratiqué à des pro-fondeurs allant de 200 à 1500 mètres. Les chaluts sont lourdement les-tés et raclent le fond des océans. Des espèces non ciblées sont capturéeset sont ensuite rejetées à la mer.L’application, Planet Ocean, est disponible gratuitement sur IOS et An-droid depuis mai 2014.

Biogranulat ® : mon gravier a la pêche !C’est en Afrique du Sud où il menait des missions de développementagricole, que Franck Janier-Dubry a découvert que des noyaux de fruitsétaient utilisés pour recouvrir des chemins. Sitôt rentré, il regarde s’ilexiste en France un gisement et un marché. Les feux étant tous les deuxau vert, il crée Phyto-VALOR en 2011 et se lance dans une activité dontil est l’unique représentant en Europe : la fabrication de gravier à par-tir des noyaux de pêches et d’abricots. Installé aux confins de l’Ardècheet de la Drôme, il en récupère aujourd’hui de 1200 à 1400 tonnes par an,environ la moitié du potentiel français. Une dizaine d’industriels del’agroalimentaire dans la vallée du Rhône lui offrent cette matière pre-mière inattendue. Ils se débarrassent ainsi d’un déchet dont l’élimina-tion par enfouissement était coûteuse. La solution de brûler ces noyauxdans des chaufferies biomasse était une valorisation de faible intérêt ettrès limitée dans le temps. La valorisation des noyaux suit un programme simple et précis : lavage,séchage, concassage. Les fragments de coque sont polis et revivent sousforme de gravier végétal. Autre intérêt, l’amande extraite est utiliséepour produire de l’huile à destination de l’industrie cosmétique et de lapharmacologie.

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Le gravier Biogranulats ® (c’est une marque) peut être utilisé pour lepaillage ou pour se substituer au gravier minéral dans le cadre d’amé-nagements paysagers respectueux de l’environnement. Il est résistant etsupporte parfaitement le poids d’une voiture par exemple ou les assautsdu vent. Sa pose et son entretien sont faciles. Il ne produit aucune pous-sière durant les 15 ans de sa vie. Ajoutons qu’il a un petit côté coquet :de couleur caramel clair par beau temps, il vire chocolat noir sous lapluie ! Il s’agit bien sûr d’un produit renouvelable et plutôt haut degamme. Il faut compter de 10 à 12 euros pour un mètre carré de 3 cen-timètres d’épaisseur. Pour le paillage, c’est 2 à 3 fois plus cher à l’achatque l’écorce de pin, mais la durée de vie du Biogranulat est de 5 à 6 foisplus longue. Il est par ailleurs nettement moins cher que le béton dés-activé ou le bitume enrobé.

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24 distributeurs se partagent le territoire français (voir sur www.bio-granulats.com). Franck Janier-Dubry est en discussions avancées avecplusieurs enseignes de jardinerie pour développer le réseau.

« Légumes Moches » et « Quoi Ma Gueule » : on ne vous a jamais dit que la beauté était intérieure ? « On va enfin pouvoir manger 5 fruits et légumes moches par jour ».Intermarché et l’agence Marcel ont frappé un grand coup en lançant lacampagne : « fruits et légumes moches ». Pendant deux jours, dans l’In-termarché de Provins en Seine-et-Marne, des fruits et légumes non ca-librés ont été vendus 30% moins cher, à grand renfort de slogans biensentis, d’affiches choc et de clips vidéos réussis. L’opération a été un vraisuccès, un buzz comme on dit. Réseaux sociaux, journaux, télés, radios… tout le monde en a parlé.L’agence a même remporté plusieurs récompenses dont le Grand PrixStratégies de la publicité 2014. « L’opération était très bien, ça a donné une énorme visibilité. Nous, çanous a énormément aidés. C’est merveilleux ». Nicolas Chabanne sait dequoi il parle. Il a cofondé avec Renan Even la marque «  Quoi MaGueule ? » qui s’emploie à vendre des légumes non calibrés en grandesurface. 15% environ des fruits et légumes sont jetés ou laissés sur leschamps parce qu’ils présentent un défaut de forme, de couleur ou detexture. C’est ce qu’on appelle le calibrage. Les producteurs jettent cesvilains petits canards version végétale ou ne les ramassent pas. Les gros-sistes ne les achètent pas. La grande distribution n’en veut pas. Et lesclients ? Finalement, ils ne les voient même pas. Surprise pour tout le monde, les succès de l’opération « Fruits et LégumesMoches » et de la marque « Quoi Ma Gueule ? » prouvent qu’avec un peude communication, le regard des consommateurs change. « Dès qu’on metune PLV (publicité sur lieu de vente), on peut, en trois jours, battre des re-cords de ventes par segment. Les consommateurs comprennent ! Ils n’ontpas besoin de se poser trop longtemps la question de l’intérêt à, au moins,

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essayer » observe Nicolas Chabanne. Chacun com-prend que ce sont des produits tout aussi bons etvendus sensiblement moins cher. Alors pourquoise priver ?Les clients en vont presque jusqu’à s’attendrir de-vant ces pauvres petits légumes moches. Nicolas

Chabanne raconte que les gens les humanisent ! Il a entendu des réac-tions du type « on ne peut pas continuer à mettre à l’écart les gens quiont des qualités ». Résultat, tout le monde emboîte le pas. Auchan etMonoprix ont lancé des opérations équivalentes. Intermarché et Leclercpourraient même généraliser l’opération. « Quoi Ma Gueule » bouge aussi ! Un système de vente par camion iti-nérant de légumes non calibrés va être lancé. Mais il nous met aussi engarde : « Cela ne doit pas être : c’est moche donc c’est bien ! » Les saveurset la qualité de l’aliment doivent toujours primer.

TROIS QUESTIONS à Geneviève FéronePour lutter contre le gaspillage, la proximité, lasobriété et la simplicité seront des atouts maîtres.C’est l’idée que développe Geneviève Férone qui a créé en 1997 la première agence de notationextra-financière des entreprises. Spécialiste del’investissement socialement responsable, elle a étédirectrice du développement durable chez Eiffage

puis Véolia. Elle dirige aujourd’hui Casabee, agence de conseil enécologie urbaine et innovation territoriale.

• Comment peut-on définir l’économie circulaire ? Geneviève Férone : L’économie circulaire, c’est « je prélève ce qu’ilfaut, je transforme ce qu’il faut et je recycle ». C’est très différent de lalogique actuelle qui est « je prélève, je transforme, je jette ».L’économie circulaire, c’est du bon sens ! C’est faire mieux avec

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moins. C’est utiliser toutes les ressources disponibles à un endroitdonné en limitant le gaspillage. C’est aussi réutiliser certains élémentsdu cycle de fabrication. On ne peut plus raisonner en termes deressources infinies et de déchets infinis.

• A qui et à quoi profite l’économie circulaire ? GF : Dans une économie linéaire, que j’appelle paresseuse, il y aénormément de pertes de ressources, d’informations, et de gâchisd’argent sur toute la ligne. Le premier avantage de l’économiecirculaire, c’est un gain économique évident à court terme. Si onutilise moins de ressources, qu’on recycle et qu’on réutilise, ondépense beaucoup moins ! On peut même faire de l’économiecirculaire à l’intérieur d’une entreprise. Ce qu’on gagne, c’est aussiune meilleure connaissance de soi-même, qu’on soit entreprise oucollectivité. C’est un avantage considérable car l’information, c’estvraiment le nerf de la guerre. L’économie circulaire, c’est plus delégèreté et plus d’efficacité.

• L’économie circulaire concerne-t-elle l’agriculture etl’agroalimentaire ? GF : L’agriculture, c’est la sécurité alimentaire, l’accès aux marchés,l’accès aux ressources. C’est probablement la première entrée del’économie circulaire. Ce secteur répond à un besoin vital qui entredans notre quotidien. C’est une proximité extrêmement forte. Lespaysans au début du vingtième siècle ne jetaient rien. La ressourceagricole, en plus de l’alimentation, permet de fabriquer des matièrespremières secondaires et des co-produits. Les secteurs directementintéressés sont le textile, l’énergie, la construction. Le produit agricole,c’est un matériau qui se prête à plusieurs vies utiles : on peut faire ouproduire du compost, du carton, du gaz, des vêtements, entrebeaucoup d’autres choses. C’est une source de production qui peutêtre vraiment responsable et durable.

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Bioraffinerie tout en un : comment rendre l’inutile indispensable ! La filière agroalimentaire produit beaucoup de déchets non consomma-bles, du lisier à la paille en passant par le contenu des poubelles des abat-toirs. Cette masse assez peu séduisante au premier abord offre, à ceux quiveulent bien se pencher sur la question, des possibilités impressionnantesde valorisation. Régis Nouaille est un pionnier : il a lancé en 2006 un pro-jet scientifique dont le but était de construire une bioraffinerie capable demener de front trois opérations séparées : la fermentation, l’extraction etla synthèse. La finalité était de produire des molécules et des matériauxutilisables dans de nombreux domaines, cosmétique, pharmacie, agricul-ture, carburants. Ces molécules peuvent se retrouver dans des flacons deparfum, des pneus, des pots de peinture, des tuyaux en plastique, des ver-nis à ongle ou des textiles. Régis Nouaille a fondé la sociétéAFYREN pour concrétiser ses pro-jets. Basée en Auvergne, elle ambi-tionne, sans cacher son jeu, dedevenir leader mondial dans ce sec-teur d’activité centré sur l’utilisationde biomasse non alimentaire au ser-vice de la chimie verte. Sans entrerdans les détails scientifiques qui ontfait l’objet de publications et de dé-pôts de brevets, retenons, en plus dela non-concurrence avec l’alimenta-tion, les autres avantages de cettebioraffinerie new look : les antibio-tiques sont proscrits, le procédén’utilise que des micro-organismesissus d’écosystèmes naturels. En fin

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Le démonstrateur de 1000 litres

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de parcours, les résidus ont une valeur fertilisante et peuvent être utilisésdans l’agriculture pour leur richesse en azote, potassium et phosphore.Tous les matériaux issus de cette bioraffinerie « tout en un » étaient au-paravant tirés du pétrole. La bioraffinerie a une autre originalité : jouer surla proximité. Une exploitation moyenne ne pourra jamais rentabiliser unetelle installation. L’idée est donc de fédérer des producteurs et d’installerl’unité au centre d’un territoire donné. Le procédé a déjà été validé en laboratoire à une échelle de 10 litres. Leprochain objectif est d’atteindre une validation à une échelle de 1000 li-tres en 2015-2016 et de lancer ensuite la phase industrielle, en espérantque les concurrents nord-américains ne fassent pas plus vite ! Le mar-ché mondial de la chimie verte est colossal : il est estimé à 300 milliardsde dollars à partir de 2020. En France, ce secteur pourrait créer jusqu’à45.000 emplois. « Notre projet peut devenir majeur » se réjouit RégisNouaille. Il n’est pas seul à le penser : le procédé a été retenu et financédébut juillet dans le cadre du Concours Mondial de l’Innovation.

GreenWatt : mon électricité chope le melon ! GreenWatt montre à quel point on peut valoriser tout ce qui passe parnos campagnes. Cette entreprise belge propose des unités de méthani-sation adaptées à l’utilisation de fruits et légumes non vendables. L’en-treprise Boyer SAS installée à Moissac dans le Lot-et-Garonne a été, en2011, la première à tenter l’aventure. Elle produit et conditionne desfruits et légumes sous la marque « Philibon ». Elle dépensait plusieursmillions d’euros par an pour se débarrasser des invendables. L’unité deméthanisation a été inaugurée avec les rebuts de melons, non commer-cialisables car trop mûrs ou investis par les vers. Le procédé permet deproduire au choix, avec le méthane, de l’électricité ou de la chaleur. Etquand la saison des melons est passée, l’installation peut fonctionnerde la même manière avec des pommes ou des prunes. Une deuxième unité a été installée en 2013 à Lispothey dans les Landes.L’entreprise Larrère et Fils produit des légumes en quantité, choux, sa-

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lades, pommes de terre, carottes, maïs ou navets. Les rebuts invenda-bles sont valorisés grâce, là encore, à la biométhanisation. Sur un an,l’électricité produite équivaut à la consommation de 410 foyers. La cha-leur correspond de son côté aux besoins de 265 foyers. On comprend bien que l’intérêt de ces unités est multiple. En plus, c’esttrès rentable : GreenWatt assure que ses installations ont un retour surinvestissement situé entre 3 à 5 ans.

SOLAAL : labourer pour implanter les dons Signe que les choses bougent, les poids lourds de la production et de latransformation se mobilisent ! SOLAAL a été lancée le 29 mai 2013. L’as-sociation « Solidarité des Producteurs Agricoles et des Filières Alimen-taires » réunit pour la première fois l’ensemble des acteurs autour d’unobjectif de solidarité extérieure à la profession : il s’agit d’utiliser les sur-plus ou les invendus pour organiser des dons en direction des plus dé-munis à travers les associations compétentes et les banques alimentaires. Autre signe encourageant, c’est Jean-Michel Lemétayer qui a initié cetteidée généreuse. L’ancien Président de la FNSEA s’investissait ainsi dansun domaine qui ne l’avait pas franchement interpellé auparavant. « Je nesupporte pas de voir des gens qui ne mangent pas à leur faim dans monpays » avouait-il en marge du Salon de l’Agriculture. Il avait bien comprisque le gaspillage n’était plus tenable pour les professionnels de l’agroali-mentaire, coincés entre une exigence morale nouvelle et un déficit d’imageancien. Il appelait « tous les partenaires à rejoindre l’association afin depourvoir une alimentation en quantité et de qualité pour les personnes lesplus démunies ». C’était quelques semaines avant sa disparition. SOLAAL est une sorte de facilitateur, d’interface entre les ressources et lesutilisateurs. Elle collecte dans un premier temps les propositions de dons.Dans un deuxième temps, elle répertorie les besoins des associations. Ellemet enfin les uns et les autres en relation tout en organisant la partie lo-gistique des opérations. Ce dernier point est trop peu connu mais il est es-sentiel dans la réussite des initiatives de ce type : SOLAAL prend en

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charge l’organisation et les formalités. Elle gère également le condition-nement et le transport. Sur ce dernier point, l’association en appelle d’ail-leurs à la générosité des transporteurs locaux. En un an, 400 tonnes ont été collectées et redistribuées. Dans le détail :3 tonnes de rôtis, 71 tonnes de pâtes et de semoule, 35 000 œufs, 3 000litres de jus de pommes, 112 tonnes de légumes, 162 tonnes de fruits.400 tonnes, c’est l’équivalent d’une douzaine de poids lourds. Cela pour-rait paraître bien peu au regard des quantités produites et transformées.C’est au contraire un premier résultat qui prouve la pertinence et la fai-sabilité du système. Car n’oublions pas que cette initiative n’en est en-core qu’à ses débuts. SOLAAL n’a été reconnue d’intérêt général qu’enjanvier 2014 par le Ministère de l’Économie et des Finances. Les relaislocaux sont par ailleurs en train de se mettre en place. Il faut encorefaire passer les bonnes informations au plus grand nombre, bien fairesavoir, par exemple que les agriculteurs qui font un don bénéficientd’un avoir fiscal. En tous cas, pour Angélique Delahaye, Présidente de SOLAAL, le viragea été pris : « SOLAAL est l’émanation de la volonté des agriculteurs etdes acteurs agroalimentaires d’assumer, au-delà de leur rôle écono-mique, une fonction sociale et sociétale. »

A RETENIR• L’agroalimentaire est la première entrée de l’économie circulaire 

• Les déchets peuvent aussi être du gaspillage 

• Toute la matière organique peut être valorisée 

• La méthanisation peut produire de la chaleur et de l’électricité 

• La valorisation des déchets peut être très rentable 

• Les fruits et légumes avec un défaut d’aspect sont aussi bons et moins chers 

• Même un noyau est une ressource 

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Distribution

OBJECTIF ZÉRO GÂCHIS !

La distribution n’est pas, et de loin, la plus gaspilleuse dans la chaîneagroalimentaire. Dans l’Union Européenne, selon les chiffres de la Com-mission, elle ne représente que 5% du total contre 42% pour les mé-nages, 39% pour l’industrie agroalimentaire et 14% pour la restauration.De la plus petite épicerie de village à la grande surface la plus impo-sante, les commerçants sont confrontés à deux problèmes principaux :les dates limites de consommation et l’apparence visuelle des fruits etdes légumes. Les exemples de bonnes pratiques proposés dans ce cha-pitre se concentrent sur ces deux thèmes. Les idées sont nombreuses etmontrent qu’avec un peu d’imagination, de volonté et de patience, il estparfaitement possible d’envisager un jour la disparition pure et simpledu gaspillage dans la distribution. Les progrès sont réels. Par exempledans le secteur de la grande distribution, la croissance des dons ali-mentaires est à deux chiffres depuis plusieurs années. On atteintpresque les 40.000 tonnes par an ! P16

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Pour aller plus loin et faire toujours mieux, les leviers existent et parfoislà où on ne les attend pas. Ainsi, les nouvelles technologies de l’infor-mation vont jouer un rôle déterminant ! Elles permettent de mieux gérerle suivi des marchandises et de mettre rapidement en relation ceux quiont des produits à donner et ceux qui en cherchent. L’informatique etInternet peuvent également faciliter la délicate question de la logistique :il est techniquement possible de signaler en temps réel les disponibili-tés des transporteurs. Savoir que tel camion vide peut gratuitement etsans frais transporter une marchandise pour le compte d’une associa-tion serait un progrès décisif. Il faut simplement l’organiser. Le journa-liste Jérôme Bonaldi, président du conseil d’administration de l’ANDES(épiceries solidaires) avait, en 2010, lancé aux transporteurs un appel àla solidarité qui n’a pas encore totalement abouti.

Les progrès pourront aussi venir de… l’espace. Prenons un cas trèsconcret : les responsables des grandes surfaces doivent commander endébut de semaine les saucisses et les grillades qui garniront les barbecuesdes consommateurs en fin de semaine. Pas de chance, le temps tourne lejeudi et le week-end s’annonce pluvieux contrairement à ce que laissaitsupposer la météo quelques jours auparavant. On fait quoi des saucissesalors que les clients ont annulé leur déjeuner sur l’herbe ? Mais si la pru-dence avait poussé le directeur de la grande surface à ne pas en com-mander, il prenait le risque, en cas de beau temps, de voir sa clientèlepartir à la concurrence. La solution passe par de meilleures prévisionsmétéo. Les satellites apporteront de plus en plus d’informations précisesqui alimenteront les ordinateurs chargés d’affiner les modélisations.

Autre marge de manœuvre, les changements de comportements. Les pro-duits proches de la date limite de vente peuvent être consommés enéchange d’une belle promotion. C’est une pratique qui se développe etqui gagnerait en efficacité si ces promotions étaient plus clairement iden-

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tifiables. Des rayons dédiés commencent à apparaître chez les commer-çants. Les consommateurs ont également été sensibilisés récemment à laquestion de l’aspect des fruits et légumes. Ils ont bien compris tout l’in-térêt d’acheter moins cher des produits qui, à l’arrivée dans une soupe ouune compote, ont exactement les mêmes qualités que les autres. Initié par le ministre de l’époque, Guillaume Garrot, le Pacte National deLutte contre le Gaspillage Alimentaire a joué un rôle décisif en 2013.Pour Xavier Corval, créateur d’Eqosphere et rapporteur d’une des com-missions du pacte, « la dynamique volontariste et participative a per-mis d’avancer à l’intérieur de la chaîne alimentaire, entre secteur privéet secteur associatif avec le soutien des collectivités locales. Tous ontcompris qu’ils pouvaient et qu’ils devaient avancer ensemble. Ce qui amobilisé, c’est aussi l’approche solution et pas culpabilisation. »Le acte, ses 11 propositions et ses engagements ont été signés par tousles participants et en particulier par l’ensemble des enseignes de lagrande distribution.

Dans cette 2e partie, nous verrons que le gaspillage dans la distributionpeut baisser dans des proportions importantes. Peu importe l’échelle :chez les grossistes, dans la grande distribution mais aussi dans les pe-tites épiceries ou même au marché, des solutions existent. Tout est af-faire de culture et de logistique.

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Euro, gorille de 15 ans

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Zoo de Saint-Martin : les gorilles aiment le yaourt ! 20 ans que ça dure ! 20 ans que les animaux du zoo de Saint-Martin-la-Plaine dans la Loire sont nourris avec les invendus collectés dans lessupermarchés. Cette histoire montre à quel point nécessité fait loi : « Nousavions réalisé en 1993 un très mauvais début de saison » raconte PierreThivillon, le co-créateur du parc. « Je cherchais à faire des économies et j’aitrouvé un arrangement avec le directeur du Carrefour de Givors car jesavais que des invendus étaient jetés. En deux jours, tout était bouclé : jerécupérais les aliments pour mes animaux et Carrefour économisait 1000francs par mois sur les frais de transports jusqu’à la déchetterie ! » L’année suivante, le zoo engageait même deux permanents pour gérerl’affaire ! Aujourd’hui, 4 autres grandes surfaces de la région ont rejointle mouvement. Chaque jour, une tonne cinq est récoltée ce qui assure98% de la nourriture des 1000 animaux du zoo visité chaque année parplus de 150.000 personnes. Les primates profitent des fruits, des lé-gumes et des yaourts. Pour les carnivores, la viande s’impose, évidem-ment. Les kangourous eux, raffolent des viennoiseries ! Il faut savoirque la nourriture récupérée n’est pas utilisable par les associationsd’aide aux personnes en difficulté. Ce système fonctionne grâce aux investissements du zoo sur le matérielavec des congélateurs et des réfrigérateurs adaptés aux différents pro-duits. Encore mieux, ce recyclage de la nourriture perdue a donné l’idéeà Pierre Thivillon d’étendre le principe dans tous les secteurs du zoo :les 1.800 litres de rebuts quotidiens des repas sont transformés en com-post dont profite ensuite un agriculteur de la région. Les chambresfroides fonctionnent avec de l’eau qui provient d’une retenue collinaire.A sa sortie du circuit, cette même eau réchauffée à 60 degrés est utiliséepour le lavage, grâce à une pompe à chaleur. Le zoo vient d’acquérir uncompacteur qui recycle les cartons revendus 45 euros la tonne. Enfin, lesvéhicules du zoo sont tous électriques ! « C’est tellement stupide de gaspiller,  on peut recycler plein dechoses… » conclut Pierre Thivillon.

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La tente des Glaneurs de Caen : solidarité au marché Maintenant, tout le monde les connaît au marché Saint-Pierre de Caen.Après avoir installé leur fameuse tente, les Glaneurs, vêtus de leur in-contournable gilet beige, slaloment entre les étals pour récupérer ce queles commerçants leur ont réservé.Ils sont devenus le chaînon manquant. Ils récupèrent du pain, des fruitset légumes, parfois des fleurs. Ils trient et donnent à ceux qui en ont be-soin à la fin du marché. Tout a démarré par un simple reportage sur Arte. Une des membresd’un conseil de quartier de Caen repère l’opération « la tente des Gla-neurs de Lille » sur le marché de Wazemmes. Elle en parle au conseil etl’idée de créer une tente des Glaneurs prend racine. Très vite, les trois fondatrices, Florence Delacampagne Christine Du-ruisseau et Val rie Florchinger se renseignent. Elles rencontrent les ma-raîchers, échangent avec les bénévoles de la tente lilloise et vont mêmejusqu’à faire le déplacement dans la capitale du Nord-Pas-de-Calais. Ellesdémarchent aussi toutes les associations d’aide alimentaire et lancent ungrand appel dans la presse pour recruter des bénévoles. Après quelques mois de préparation et grâce à un financement de lamairie, elles achètent le matériel nécessaire : tente, tables et gilets. Ellesse lancent dans l’aventure en juin 2012. Deux équipes de 6 personnes se relayent chaque dimanche de 12h à 15hpour monter la tente, glaner les produits auprès des commerçants, lestrier et les redistribuer aux personnes dans le besoin. Actuellement, unecentaine de bénévoles se partagent les dimanches. « On a dit aux gensqu’on ne leur demandait aucun engagement de régularité et que juste-ment si on était nombreux, ils viendraient moins souvent » souligneFlorence Delacampagne co-fondatrice et bénévole. Dès le départ, 20 vendeurs de fruits et légumes on joué le jeu. Au-jourd’hui, ils sont 30, sans aucune campagne de recrutement. Tout sim-plement, les nouveaux venus ont vu que ça marchait, que c’était utile etqu’en même temps, cela leur rendait service : les légumes invendus, il

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faut en effet les recharger, puis les re-décharger pour enfin les jeter. Surcertains marchés comme à Lille, les maraîchers doivent payer des taxespour leurs déchets. « Il y a même des commerçants qui nous récupèrent des produits engros non vendus parce qu’ils sont trop mûrs, ou bien d’autres qui gar-dent des produits du marché de la veille pour nous les donner ». Bref,l’adhésion est totale. Entre 25 et 50 sacs sont distribués à chaque fois etsur plus de 500 kilos de denrées récupérés en moyenne, entre 50 et 70%sont valorisés. Les bénéficiaires n’ont pas à présenter de justificatif. Illeur est simplement demandé d’annoncer le nombre de personnes parfoyer et de préciser s’il est possible de cuire les aliments. Question bête : il n’y a pas de concurrence avec les glaneurs tradition-nels ? « Non parce que l’on ne glane pas tout et que les glaneurs vien-nent même nous voir pour compléter leurs paniers » explique FlorenceDelacampagne.

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La tente est aussi un lieu d’échange. « Au fil des semaines, les discus-sions se sont développées autour des plats. On échange des recettes,qu’elles viennent de la région, d’Afrique du Nord ou d’Asie. On discutepar exemple autour du chou chinois ». Le mouvement se répand partout en France. Caen était la deuxièmetente après Lille. Aujourd’hui on en compterait une dizaine, installées ouen préparation à Paris, Limoges, Nice et en Bretagne. Ce mouvement de-vrait prendre encore plus d’ampleur dans les années à venir. Bien pré-paré, il est facile à dupliquer, ne demande pas beaucoup d’expérience oude matériel. Il ne repose que sur le volontariat des commerçants et surun bénévolat très intermittent.Florence Delacampagne est ravie du résultat : « Moi, je ne peux pas in-tervenir sur la gestion des grandes surfaces. Là, sur les marchés, on peutagir de façon importante, sans compétence au départ mais avec un peude volonté. »

Bordeaux : confiture de rebuts pour épiceries finesDifficile d’imaginer aller plus loin dans la lutte contre le gaspillage : lapetite entreprise « Confiture Artisanale de Bordeaux » récupère les fruitsque ne peut pas utiliser la Banque Alimentaire de la ville ! La BA se re-fuse en effet à proposer des produits dégradés pour ne pas faire des bé-néficiaires des sous-consommateurs. Ainsi, des fruits provenant déjàdes rebu s de la grande distribution sont recyclés une deuxième foisavant de finir leur parcours compliqué dans des pots de confiture ! ABordeaux, 70 tonnes sont récupérables sur un an, soit 14% du total. La création de cette TPE (Très Petite Entreprise) a été minutieusementpréparée pendant deux ans par la Banque Alimentaire, les services so-ciaux bordelais, l’association AGRISUD et la Fondation Entreprise et So-lidarité. Une dizaine d’autres partenaires associatifs ou institutionnelsse sont joints à l’aventure. Deux ans, cela peut paraître long, mais c’estune assurance de ne rien laisser au hasard. La liste des étapes est longue !En résumé : études préalables, choix des entrepreneurs et de l’activité,

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évaluation de la ressource et des débouchés, dispositif d’accompagne-ment, parcours de professionnalisation, installation du laboratoire etacquisition du matériel, appuis à la commercialisation, à la gestion, miseen place des filières d’approvisionnement et de vente. Le budget total decette phase se monte à 200.000 euros dont la moitié pour la constructiond’un local et l’équipement. Cinq candidats entrepreneurs ont été for-més, trois ont quitté en route et une quatrième est partie peu après ledébut de l’activité. Reste aujourd’hui, seule aux commandes, DominiqueAdechi. « Ça va, c’est en progrès » assure-t-elle. « Je suis fière de pouvoirproduire en moyenne 120 pots par jour avec des fruits qui auraient dûfinir dans la benne. Les réactions des clients sont très positives. Je suisheureuse de la qualité du produit et fière de les voir dans les rayons desépiceries fines de Bordeaux. » Une réflexion est en cours pour étendre l’activité vers des jus de fruitset des compotes.

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TROIS QUESTIONS à Guillaume Bapst Guillaume Bapst est une figure de l’entreprenariatsocial et de l’alimentation. Il a ouvert la premièreépicerie solidaire à Nevers en 1996 avant de créerl’association nationale (ANDES) en 2000. Le réseaucompte aujourd’hui 340 épiceries où les personnesdémunies peuvent acheter des produitsalimentaires à des prix très inférieurs à ceux

du marché. Comme le montre l’exemple de Rungis il sait marieralimentation et insertion et porte un regard lucide sur les difficultés de l’aide alimentaire.

• L’aide alimentaire pourrait-elle mieux profiter de la luttecontre le gaspillage ?Guillaume Bapst : Oui, mais d’abord, et c’est très important, il ne fautsurtout pas mélanger les deux. Ce sont des sujets très différents. Celadit, je vois deux freins essentiels. Le premier c’est le coût : beaucoupde produits bruts ne sont pas récupérés dans les champs parce qu’ilssont trop chers à ramasser. D’autres ne peuvent pas être transportéscar là encore, c’est trop cher. C’est notamment le prix dit « du dernierkilomètre ». Nous sommes confrontés à des coûts très importantspour de petits volumes sur de petites distances. Le deuxième frein dont on ne parle pas beaucoup, c’est lefonctionnement du monde associatif. Il existe une vraie concurrence.Il faut évidemment la gérer au mieux mais c’est difficile, il y a desjalousies et parfois de vrais blocages. Le monde associatif est bourréd’enjeux de pouvoir et d’enjeux financiers.

• En quoi l’opération lancée à Rungis peut-elle servir d’exemple ?GP : C’est une commande de l’Etat qui nous demandait de trouver un

accord entre ceux qui récupèrent les fruits et légumes à la base. Unrésultat positif avait pour but d’encourager une entente « en haut »

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entre tous les acteurs. Aujourd’hui, l’accord existe ! 30% des produitsrécupérés vont aux épiceries solidaires, 30% aux banques alimentaires,30% aux Restos du Cœur et les 10% restants à de petites associations.De plus, le ministère nous a accordé une enveloppe afin que l’onpuisse acheter des produits divers si un jour, il n’y a de disponibles quedes poireaux ou des litchis. On fait une offre de 10 fruits et 10 légumesqui change chaque mois pour respecter la saisonnalité. C’estindispensable pour redonner aux gens l’envie de manger : il faut duchoix et de la qualité.

• Pourquoi avoir créé le « Potager de Marianne » à Rungis ?GP : On voulait aller plus loin car 45% de ce qui est récupérablepartait dans le système de traitement des déchets qui est utilisé pourfournir du chauffage à l’aéroport d’Orly. Ce qui partait était en partieabîmé. On a donc créé cet atelier de transformation pour fabriquerdes soupes et des compotes qui sont commercialisées chez Monoprixet Simply Market. La deuxième raison, c’est l’insertion. On forme desgens aux métiers de l’agroalimentaire et de la restauration collective.Pour le moment, le taux de retour à l’emploi est de 65%, à compareraux 29% de la moyenne nationale.

Rungis : quand les « forts des Halles » aident les plus faiblesL’ ANDES, L’Association Nationale de Développement des Épiceries So-lidaires, a lancé en 2008 le premier chantier d’insertion pour l’aide ali-mentaire : « Le Potager de Marianne »au Marché d’intérêt national(MIN) de Rungis. Depuis, 3 autres chantiers ont ouvert dans les MINde Perpignan, Lille et Marseille. Ce programme, créé à la demande de l’ tat, répond à un triple objectif :faciliter l’insertion de personnes éloignées de l’emploi, améliorer la qua-lité de l’aide alimentaire et réduire le gaspillage alimentaire dans lesmarchés de gros.

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Le Potager de Marianne est d’abord un chantier d’insertion. Les sala-riés, tous d’anciens chômeurs principalement de longue durée, signentun contrat unique d’insertion qui peut être prolongé au maximum deuxans. Ce sont de véritables emplois couplés à un volet insertion primor-dial. On apprend un métier dans la logistique ou l’agroalimentaire. Maissurtout, les salariés sont accompagnés de manière individualisée. Lesateliers de l’ANDES ont d’ailleurs de très bons taux de retour à l’emploi.(voir plus haut l’interview de Guillaume Bapts) Le Potager (Rungis), la Cistella (Perpignan), la Banaste (Marseille) et leGradin (Lille) participent tous à un meilleur approvisionnement des as-sociations d’aide alimentaire en fruits et légumes. C’est un enjeu cru-cial car il a été démontré que la recommandation de consommer chaquejour 5 fruits et légumes était très peu suivie par les personnes bénéfi-

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La Cistella de Marianne à Perpignan

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ciaires de l’aide alimentaire. Seulement 6,5 % suivaient le conseil du« Programme National Santé ».Chaque année, ce sont 2,5 millions de tonnes de produits frais qui tran-sitent par le MIN de Rungis. Le plus gros marché de produits frais dumonde, bien que très organisé, génère évidemment son lot d’invendus.C’est à ce moment que le Potager de Marianne entre en scène. Tout comme à Perpignan, Lille ou Marseille, il récupère une partie desinvendus du marché, les trie pour les expédier ensuite aux associationsd’aide alimentaire. Les grossistes ont d’ailleurs tout intérêt à donner cardans les MIN, la destruction des invendus est taxée. Environ 45% des dons aux ateliers sont ainsi sauvés et réinjectés dansle circuit de la solidarité alimentaire. En 2013, 1 795 tonnes on été ache-minées par les quatre ateliers dans plus de 218 points de livraison. Ledernier atout de l’opération, c’est le système de livraison. Dès le départ,le parti pris a été de livrer directement aux associations d’aide alimen-taire et ainsi de maximiser le nombre de bénéficiaires. Solidarité, santé, insertion, lutte contre le gaspillage et même soutienlogistique, les ateliers sont un modèle.

Zéro-Gâchis mais des milliers de promotions C’est l’histoire de deux frères. Le premier profitait très souvent, dansson supermarché, des produits en promotion car proches d’être péri-més. Le deuxième se plaignait, au contraire, de ne trouver que très ra-rement ce type de ristourne.C’est comme cela qu’est née l’entreprise Zéro-Gâchis. Elle est composéedes deux frères, Christophe et Paul-Adrien Menez et d’un ami d’enfanceNicolas Pieuchot. Zéro-Gâchis, c’est une façon rapide et simple de savoir quels supermar-chés font des promotions à coté de chez soi. Un site Internet et une ap-plication mobile dédiée répertorient les produits en promotion dans lesmagasins participants. « On s’est dit qu’il y avait des consommateurs comme nous, qui atten-

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daient ce type de promotion et qui aimeraienten profiter plus souvent parce que ce sont desproduits qui sont moins chers, et qu’on faiten même temps un petit geste pour l’envi-ronnement » explique Paul-Adrien.C’est aussi une solution pour les supermar-chés qui veulent limiter leurs pertes et attirerde nouveaux clients. La jeune entreprise ins-

plus du service Internet, un système simplifiéd’étiquetage des produits en promotion. Ellefournit également un affichage « Zéro-Gâchis »

clairement identifiable par les clients.La société assure que les enseignes font ainsi passer leur taux de ventede produits en promotion de 70 à plus de 90% : entre 93 et 99% ! Paul-Adrien Menez souligne que la motivation n’est pas que financière : « Les gérants et les salariés des grandes surfaces avec qui on travaillesont des gens humains qui veulent bien faire leur travail ! Ils s’intéres-sent par exemple de très près à la météo pour commander des produitsadaptés. Surtout, ça les embête vraiment de devoir jeter tous les jours dela nourriture parfaitement consommable. » Marketing donc mais avecdes visées plus hautes que de la simple promotion. D’ailleurs, les rayonsZéro-Gâchis sont accompagnés d’un affichage informatif sur la diffé-rence entre les Dates Limites de Consommation et Dates Limites d’Uti-lisation Optimale. La jeune entreprise n’en est qu’à ses débuts. Après une expérimenta-tion sur quelques hypermarchés en Bretagne, elle comptait en juillet2014, 24 magasins partenaires. L’objectif est bien de s’étendre sur toutela France dans les mois qui viennent. De trois emplois à l’heure actuelle,l’entreprise devrait passer à une dizaine d’ici à fin 2014. Encore unepreuve que la lutte contre le gaspillage alimentaire crée de l’emploi. Zéro-Gâchis oui ! Des emplois ? Oui, aussi !

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Eqosphere : pour une culture de la revalorisation « Je suis dans une approche solution. Je tente de convaincre les acteursconcernés que c’est la meilleure approche face au gaspillage alimen-taire ». Le moins que l’on puisse dire c’est que Xavier Corval, fondateurd’Eqosphere, est bien rentré dans le temps des solutions. Eqosphere qu’est ce que c’est ? C’est une plate-forme en ligne qui sim-plifie les relations entre ceux qui possèdent des surplus ou des inven-dables et ceux qui pourraient les acheter ou les récupérer. Concrètement,un supermarché va scanner une palette de bananes un peu trop mûrespour être vendues mais parfaitement consommables. Une ou plusieursassociations seront directement informées via la plate-forme Internetet pourront aller chercher le produit. Les clients et utilisateurs d’Eqosphere sont environ 250. D’un côté ce

sont des grandes surfaces,des grossistes, des restaura-teurs, des traiteurs et de l’au-tre, des associations, desdé-stockeurs et même desparcs zoologiques. « L’outilweb veut dire simplicité etoptimisation pour nos utili-sateurs ». Mais l’outil ne suffit pas.Pour Xavier Corval, « peuimporte l’efficacité de laplate-forme. S’il n’y a pas decontact direct, il ne va pas sepasser grand chose ». C’estpour cette raison qu’Eqos-phere se rend immédiate-ment sur les lieux de travailde chaque nouveau parte-

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naire. Les méthodes de tri et les sorties de rayon sont observées et dis-séquées. Par exemple, dans la grande distribution, les sorties des rayons sefont le plus souvent dans des caddies clients. Conséquence, des produitssont souvent abîmés, écrasés. Le rôti de bœuf qui écrase les yaourts estune image que tout le monde connaît dans le milieu de la distribution ! « Petit à petit », Eqosphere propose de nouveaux process de tri ou de sor-tie de rayon. La société conseille d’installer du matériel adapté pour amé-liorer le rangement des produits destinés à la revalorisation. « Il fautcréer la culture de la revalorisation. Tout est encore à inventer » pré-vient Xavier Corval. Par exemple, des petits livrets de sensibilisationont été distribués dans les fiches de paye à tous les salariés d’Auchanafin qu’ils comprennent mieux les enjeux du gaspillage alimentaire. « Il faut sortir du gaspillage et on commence à en sortir. Même s’il resteencore beaucoup à faire, l’impact de la sensibilisation à moyen/longterme sera énorme sur le plan économique et sur le plan sociétal ».

People’s Kitchen : cuisiner pour ne pas jeter ! Pour clore ce chapitre, un petit tour par l’Angleterre avec un exempleque l’on pourrait naturaliser sans peine ! Dans L’ouest de Londres, unpetit supermarché cuisine directement ses surplus au lieu de les jeter.Le People’s Supermarket n’est pas un magasin comme les autres. On ytrouve des produits bio et labellisés Commerce Equitable. C’est surtoutun supermarché collaboratif. Chaque membre donne au minimum 4heures de travail par mois à l’association en échange de bons de réduc-tion. Chacun participe aux décisions sur l’organisation du magasin.Enfin la direction collégiale n’embauche que des chômeurs en difficultéqui seront formés aux métiers de la distribution. Dès l’ouverture, en septembre 2010, les membres se demandent com-ment gérer les invendus. Ils décident, dès le mois de mai suivant, delancer un nouveau programme au sein du supermarché : The People’sKitchen. (Traduction littérale : La cuisine des gens, ou du peuple). Leprincipe est simple : chaque jour, les invendus, notamment les produits

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frais, seront transformés dans une cuisine aménagée sur place par desmembres de l’association. Au menu, soupes, salades, sandwichs maisaussi de véritables plats préparés et distribués en barquette. Tout seravendu le jour même à petits prix. Le succès est tel que, rapidement, les surplus ne suffisent pas à comblerl’appétit des clients. Aujourd’hui, The People’s Kitchen doit aussi utili-ser des produits frais pris dans les rayons. Cela n’empêche pas la pour-suite de la lutte contre le gaspillage : selon les chiffres diffusés par lesupermarché, près de 100 kg de nourriture seraient sauvés par semaine.De plus, la « cuisine du peuple » forme ses membres à la réduction dugaspillage à la maison. Les bénévoles apprennent à utiliser juste ce qu’ilfaut pour bien cuisiner et à conserver au mieux les aliments. Il n’y a que le gaspillage pour permettre aux Anglais de nous donner desleçons de cuisine…

A RETENIR• Les nouvelles technologies de l’information vont révolutionner

la lutte contre le gaspillage. • Il faut mieux signaler dans les magasinsles promotions sur les produits proches de la date limite de vente.

• Une bonne partie des fruits et légumes abimés peut êtretransformée en soupe, confiture ou compote. • Prendre le temps

nécessaire pour concrétiser un projet. • Cuisiner les produits frais enfin de vie pour repousser la limite de consommation.

• Mieux organiser la récupération sur les marchés. • Mieux valoriserla formation et l’insertion dans les actions de lutte contre legaspillage. • Renforcer la solidarité des transporteurs pour l’aide alimentaire. • Le statut des Très Petites Entreprises

bien adapté à certaines actions.

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Consommation

À LA MAISON, QUI VEUT GAGNER 430 EUROS PAR AN ?

Les Français estiment très important de réduire le gaspillage alimen-taire. C’est le résultat d’un sondage TNS Sofres d’avril 2012. 54% despersonnes interrogées partagent cet avis, juste un petit % de moins quele chiffre comparable concernant l’eau. C’est une bonne nouvelle maisévidemment, ce n’est qu’un sondage. Peu de Français, on l’imagine, dé-clareraient spontanément que le gaspillage alimentaire ne leur fait nichaud ni froid. Au contraire, 76% regrettent qu’on ne parle pas ou pasassez du sujet dans les publicités liées au secteur alimentaire. D’autres éléments dans ce même sondage méritent d’être retenus. LesFrançais ont du mal à accepter d’être des gâcheurs : 66% ont le senti-ment de ne pas contribuer du tout au gaspillage et se disent convaincus

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de jeter moins de 20 kilos par an. Ce sentiment est largement contreditpar toutes les analyses. Pour six Français sur dix, le gaspillage, c’est d’abord de l’argent jeté par lesfenêtres. Ce chiffre confirme que l’entrée par la finance et le pouvoird’achat est la plus convaincante pour réduire le gâchis. L’ADEME a calculéqu’en moyenne, les pertes liées au gaspillage atteignaient, en moyenne, lasomme très significative de 430 euros par an et par personne !Ce sondage permet enfin de mieux comprendre pourquoi les Françaisjettent de la nourriture : ils sont 55% à avouer éliminer d’abord parceque la date de péremption a été dépassée. Il y a là une marge de pro-gression évidente. En revanche, et contrairement à ce que l’on pourraitcroire, les restes ne sont pas négligés. 89% des sondés les congèlent et87% les cuisinent, ou plutôt déclarent le faire ! L’association de consommateurs UFC Que Choisir a, de son côté, réaliséune enquête édifiante sur le fameux couple DLC-DLUO : Dates Limitesde Consommation (pour les produits frais comme les laitages, la viandeou les plats préparés…) et Dates Limites d’Utilisation Optimale (pour lesautres produits, sodas, biscuits, café, produits surgelés, conserves…). C’estune réglementation européenne qui rend obligatoire une date limitepour tout produit périssable. Au niveau européen justement, près d’unconsommateur sur cinq est incapable de faire la différence entre les deuxindications. Cette ignorance précipite à la poubelle des produits DLUOpourtant parfaitement sains. Précisons qu’une DLC dépassée peut avoirdes conséquences sanitaires. Pour un dépassement de DLUO, pas derisque sanitaire mais une possible perte de goût ou de texture. L’autre volet de l’enquête d’UFC Que Choisir établit que les dates limitesde consommation sont pour le moins farfelues. L’association a testé dixproduits soumis à la DLC comme du jambon, des filets de poulet, desyaourts, du saumon fumé. Bonne nouvelle : le jour de la DLC, la qualitébactérienne des produits était excellente. Deux produits, le jambon et lefilet de poulet, se sont dégradés rapidement dans les jours qui ont suivi.Mais le plus étonnant, c’est que trois produits sur les dix, une crème

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dessert et deux yaourts étaient encore parfaitement sains plusieurs se-maines après la date limite ! L’UFC Que Choisir propose de recentrerles DLC sur des critères sanitaires plus précis. L’association recommandeégalement de mieux différencier les mentions DLC et DLUO.Avec l’alimentation à la maison, c’est une démarche personnelle ou fa-miliale qui demande à être favorisée. Les associations de consomma-teurs et de protection de la nature insistent sur l’idée qu’il ne fautsurtout pas se dire qu’une action personnelle ne sert à rien, car elle nereprésente pas grand chose. Personne ne va régler le problème tout seulet sauver le monde. D’ailleurs, personne ne le demande non plus ! L’ac-tion personnelle est majeure car elle enclenche l’action de tous. 100grammes de nourriture sauvés multipliés par 60 millions de Français,cela donne 6.000 tonnes ! C’est environ un sixième du total offert par lesgrandes surfaces sur un an aux associations d’aide alimentaire ! Il est vraiment possible de réaliser des progrès dans notre consomma-tion personnelle. C’est souvent très agréable et même parfois franche-ment amusant. Nous verrons comment une application sur notresmartphone peut résoudre nos problèmes de dates limites de consom-mation, comment les poules peuvent nous débarrasser de nos déchetstout en nous offrant des œufs, comment valoriser les fruits des vergersprivés au lieu de les laisser pourrir, comment trouver sur Internet lesbonnes recettes pour les restes, sans oublier quelque chose de très sim-ple : comment conserver au mieux les aliments !

Y’a quoi dans mon frigo ? : Internet contre le gaspillage Sur Internet, tout le monde connaît les sites Marmiton et 750g maispour cuisiner les restes ou les denrées dont on ne sait pas quoi faire,rien de mieux que les petites recettes de Sylvie Kitchen sur son blog :« Y’a quoi dans mon Frigo ? » Un jour d’été, en vacances en Corse, Sylvie, qui ne se faisait pas encoreappeler Kitchen, se retrouva nez à nez devant un réfrigérateur rempli devictuailles. Son hôte ne savait pas quoi cuisiner et préférait même re-

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partir en courses. MaisSylvie se retroussa lesmanches, fit tourner sesméninges, et trouvadans ce beau frigo dequoi faire à manger pen-dant plusieurs jours.C’est grâce à cette expé-rience que quelquetemps plus tard naissaitle blog « Y’a Quoi DansMon frigo ?». Dans ce blog de cuisine,on retrouve chaque jourune recette originale. En-trée, plat ou dessert, touty passe. Sylvie Kitchenpropose des petits platsen majorité faciles à réali-ser. « Mon but, c’est dedécomplexer les gens de-vant la cuisine du quoti-

dien » annonce-t-elle. Elle veut convaincre le plus grand nombre que cen’est pas si difficile de cuisiner et de se faire plaisir. Sylvie est une vraiepassionnée. Elle donne aussi des cours de cuisine et a écrit un livre avecMarie Borrel « Y’a quoi dans mon frigo ?» paru en septembre 2013 (Edi-tions de la Martinière).Le blog, c’est aussi un moteur de recherche qui nous pousse à cuisiner aulieu de jeter. Il permet aux internautes de trouver une recette sympa-thique avec les ingrédients que contient le frigo. Par exemple, en tapantcourgette et œuf, on tombe sur une multitude de recettes, de gratins oude crêpes, avec, en vedette, un étonnant moelleux aux courgettes.

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« Y’a quoi dans mon frigo ? » n’est pas tellement là pour proposer desidées toutes faites de recettes. Le but, c’est aussi d’inciter à plonger dansle réfrigérateur et dans les placards « parce qu’avec quelques ingrédientsde base, on peut vraiment faire beaucoup de choses ». Sylvie se dit tou-jours étonnée « par ce que les gens mettent sur le tapis de caisse des su-permarchés ». La première action contre le gaspillage, c’est bien detenter d’acheter ce qu’il faut ! Sylvie se dit optimiste, parce qu’elle voit un réel changement de com-portement, notamment chez les jeunes, séduits par les nouveaux pro-grammes télévisés à la mode. « Je pense qu’il y a une redécouverte dela cuisine. La jeune génération y est très sensible. »

La recette de Sylvie Kitchen

Le flan de légumes : unerecette avec les restesCette recette légère et saine est à déguster à l’apéro, en entrée ou en plat principal.

INGREDIENTS POUR 4 PERSONNES3 œufs, 25cl de crème liquide ou soja, 4 cuillères à soupe de petits poiscuits, 4 cuillères à soupe de carottes cuites, 2 oignons, 2 cuillères àsoupe de pistaches,1 botte de ciboulette + 1/2 botte persil haché,1 cuillère à soupe d’huile d’olive, sel, poivre.

RÉALISATIONEplucher les légumes. Couper les oignons en lamelles. Faire cuire les légumes à la vapeur al dente.Allumer le four à 180°. Battre les oeufs + crème + herbes + sel + poivre.Ajouter les pistaches. Mélanger aux légumes cuits et un peu refroidis.

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Huiler un moule et tapisser le fond de papier sulfurisé. Verser lapréparation dessus. Enfourner pour 25/30 mn au four 180°. Au sortir du four laisser reposer 5mn et démouler. Servir tiède ou froid

CONSEILS

• A réaliser également avec d’autres légumes sauf courgettesqui rendent de l’eau • Servir avec sauce tomate, salade, crèmede courgettes, mayonnaise... • Couper en cubes pour l’apéritif

• Servir en plat principal avec une chiffonnade de jambonRecette tirée du Blog « Y’a Quoi Dans Mon Frigo ? »

Croque ton jus : contre le gaspillage, ça presse !Voici un gisement qu’il est impossible d’évaluer avec précision mais quipromet beaucoup : les vergers privés. A Clermont-Ferrand, quelques amisen ont eu assez de voir que personne ne s’occupait de pommiers croulantsous les fruits au début de l’automne. Ce gaspillage pouvait être évité touten favorisant la prise de conscience du gâchis alimentaire dans une am-biance conviviale. C’est sur ces très belles bases qu’est né le collectif « Croque ton jus ». L’idée est toute simple au départ : cueillir les pommes,avant qu’elles ne s’écrasent et pourrissent, pour en faire du jus. Grâce au site de financement participatif français ULULE, Jean-Manuel

les 650 euros nécessaires pour acheter le pressoir, le broyeur et le ma-tériel indispensable à la fabrication du précieux jus. Les premiers ateliers de pressage ont été lancés fin septembre 2014. « Notre volonté, c’est de créer un dynamique autour de l’opération. Queles gens s’interpellent sur le gaspillage » insiste Jean-Manuel. Sur une journée, en famille ou entre amis, on va transformer les vieillespommes qui pourrissaient au fond du jardin en excellent jus ! Mais attention : il s’agit ici d’être actif, car le pressoir fonctionne entièrementà la force des bras.

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Pour 20 kilos de pommes, on obtient facilement 10 litres de jus et le pres-soir peut produire jusqu’à 200 litres par heure. Le propriétaire du vergerfait ensuite ce qu’il veut de ses bouteilles de jus mais l’idée est bien sûrcelle du partage avec ses voisins et amis ou du don à des associations. A signaler que les vergers étant très peu traités, dans la plupart des casc’est du bio ! Le projet va plus loin que le simple ramassage et le pres-sage des pommes car il s’agit aussi de « réhabiliter des vergers privés,pérenniser des variétés anciennes et locales qui sans cela disparaîtraientdans le plus grand silence ». Ces ateliers sont aussi l’occasion de sensi-biliser les participants aux enjeux du gaspillage alimentaire. Jean-Manuel croit dur comme fer en cette petite initiative qui pourraitdevenir grande. « On pourrait créer des modèles identiques partout.Qu’on soit une association ou une entreprise d’ailleurs. Il faut insufflerl’idée au gens, il faut créer un élan un peu partout ».

Conserver ses fruits et légumesLe réfrigérateur n’est pas forcément la solution. • Pour les pommesde terre, les oignons, l’ail et l’échalote : un panier ouvert, dans unmeuble, une cave ou un sellier. • Pour éviter l’accélération dumûrissement, ne pas laver les légumes avant de les placer auréfrigérateur. • Les salades se conservent mieux lavées, égouttées etplacées dans un sac en papier au réfrigérateur. • Laver régulièrementles bacs à légumes du réfrigérateur pour éviter les bactéries.

• N’aiment pas le réfrigérateur : tomates, bananes, mangues,agrumes, avocats. • Les champignons aiment être emballés dans dupapier absorbant avant d’être placés dans le frigo. • Les pêches,abricots, melons et prunes se conservent à l’extérieur mais attention, peu de temps. • Les pommes, cerises, fraises, framboises et raisinsse conservent au réfrigérateur. • Les fruits exotiquesse conservent très bien à l’extérieur.

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TROIS QUESTIONS à Eric Birlouez Le gaspillage n’a jamais été aussi important dansl’histoire de l’humanité parce que l’on a oublié lesvaleurs de l’alimentation. C’est la thèse d’EricBirlouez, ingénieur agronome, enseignant,sociologue et historien de l’alimentation, dont ilexplore les dimensions culturelles, sociales,historiques et symboliques. Il est l’auteur d’une

dizaine d’ouvrages dont « Histoire de la cuisine et de l’alimentation »(édition Ouest France) et le dernier paru « Faut-il s’arrêter de mangerde la viande ? » (éditions Le Muscadier 2014).

• Le gaspillage alimentaire est-il un problème récent ?Eric Birlouez : Pas du tout, c’est très ancien. Tout comme laredistribution d’ailleurs. On trouve des traces dans l’AncienTestament avec les règles du glanage. Dans l’antiquité romaine, deslois vont jusqu’à limiter le gaspillage. En France, au Moyen Âge, onretrouve le glanage qui permettait aux pauvres de ramasser ce qu’ilspouvaient après les récoltes. Il y avait aussi « le droit de glandée »,version du glanage côté glands et châtaignes avant que les cochons nes’en régalent. Sous Louis XIV, les restes des festins étaient revendusaux portes du Château de Versailles.

• Aujourd’hui, on gaspille plus qu’avant ?EB : Ah oui, énormément ! On est suréquipé pour conserver lesaliments, mais l’homme n’a jamais autant gaspillé. La question, c’estde se demander quel est notre degré de tolérance face au gaspillage.Depuis 3-4 ans, on en parle beaucoup, mais avant pas du tout. En fait,on gaspille ce à quoi on n’attribue pas de valeur. Or, avec la sociétéd’abondance, on a perdu les valeurs de l’alimentation, la valeur vitale,la valeur culturelle, la valeur économique, la valeur symbolique, lavaleur sacrée.

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• Et comment peut-on répondre à cette évolution ?EB : Il nous faut restaurer une culture alimentaire, redonner de lavaleur aux aliments. L’hyper choix alimentaire lié à la mondialisationnous fait perdre nos repères. Il faut retrouver du sens. Il faut éviter defaire voyager un produit alimentaire sur des milliers de kilomètres. Ilfaut accepter de manger un légume un peu tordu. Il nous fautaccepter de manger moins mais avec des aliments de meilleurequalité. Prenez un gamin dans une cantine scolaire. Il mange mais iln’imagine même pas que derrière, il y a quelqu’un qui cuisine parcequ’il ne le voit pas. On ne va pas changer du jour au lendemain maispour moi, la bonne piste, c’est vraiment la valeur de l’aliment et deceux qui le font !

Paris : le compostage joue collectif ! Les déchets organiques constituent une cible pour tous ceux qui veu-lent réduire le volume global des poubelles. Les restes de repas et lesépluchures peuvent être valorisés facilement à petite échelle. Nul be-soin de camions ni de grosse unité de transformation. Tout peut se fairedans un espace réduit. La Ville de Paris expérimente depuis 2010 le compostage collectif quipermet à la fois de diminuer le volume des bio-déchets et de limiterl’emploi d’engrais chimiques dans les jardins et les espaces verts. Laproposition est réservée aux Parisiens vivant en habitat collectif et auxétablissements publics et institutionnels. Il suffit de peu de choses pourêtre éligible : disposer de quelques mètres carrés de terrain, obtenir l’ac-cord du syndic, du bailleur, des propriétaires ou locataires. Il faut éga-lement nommer un ou plusieurs référents qui auront la responsabilitéde suivre les opérations après une rapide formation. La Ville de Paris es-time que de vingt à trente foyers dans un même immeuble permettenten moyenne de récupérer une à deux tonnes de déchets organiques paran. Les déchets concernés sont tous les fruits et légumes sauf les

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agrumes, dont la peau est trop acide. Les restes de viande, poisson, painet fromage sont exclus. En revanche, sont bienvenus les coquilles d’œufspilées, les filtres et le marc de café, les sachets de thé ou de tisane. A si-gnaler que la Ville de Paris fournit le composteur. Tous ceux qui onttenté de participer vantent la simplicité du système et son utilité pourun minimum d’efforts. Beaucoup insistent sur la convivialité. Les ho-raires fixes de dépôt des déchets permettent à des voisins qui se croisentpeu de se connaître mieux !

La cerise finit en bouillotte ! Voilà un petit truc pour amuser les enfants tout en leur vantant lesbénéfices du recyclage ! Il est possible de confectionner une mini-bouillotte en utilisant des noyaux de cerises : on commence par leslaver dans l’eau avec un peu de vinaigre. Il faut ensuite bien les rinceravant de les sécher. Pour conclure, il suffit de remplir un petit sac detoile. Une vieille chaussette peut parfaitement faire affaire. Votre bouillotte sèche est prête ! La placer deux minutes au micro-onde avant d’en profiter !

Besançon : ma poubelle est une poule 16 familles de l’agglomération de Besançon en Franche-Comté ont testéavec succès une technique tombée en désuétude pour réduire le volumede leurs déchets alimentaires. Une poule peut consommer jusqu’à 150 kilos de déchets par an ! Partantde ce constat, le SYBERT, syndicat mixte chargé de la gestion des dé-chets de 8 communes, a lancé une opération un peu spéciale. Le syndicat s’est engagé à faire baisser le poids des poubelles de 7%d’ici à 2015. Question, comment impliquer la population ? «C’est dur

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de communiquer sur les déchets mais avec la poule, ça rendait les chosesun peu plus glamour» atteste Elodie Geneste chargée de communica-tion du SYBERT. Le syndicat a donc lancé l’opération « Des poules pour réduire mes dé-chets ». L’idée était de mettre à disposition de seize familles deux poulesainsi qu’un dispositif de compostage. Le succès a été tout de suite aurendez-vous : 200 familles se sont portées candidates ! A l’issue d’une sé-lection impitoyable, les familles sélectionnées ont été accompagnéesdans la construction du poulailler et elles ont été formées à l’accueil desgallinacés. Le 23 mars 2013, elles ont enfin reçu leurs poules lors d’unepetite cérémonie destinée à faire encore parler de cette opération qui aalimenté de nombreuses conversations à Besançon. Pendant 3 mois, les 16 familles ont suivi un protocole très sérieux des-tiné à obtenir des résultats les plus précis possibles. Toutes les pou-belles ont été pesées au quotidien. Les résultats sont impressionnants,le poids de la poubelle annuelle moyenne des familles participantesn’affichait plus que 110 kilos contre 181 en moyenne pour l’ensemblede la population. « Conclusion : faire du compost c’est bien, mais faire du compost etavoir des poules, c’est encore mieux ! » explique la famille Colin-Dutel.La réduction des déchets signifie également réduction de la facture. Lafamille Chirra qui réglait 158 euros par an pour sa taxe d’enlèvementdes ordures, ne paye aujourd’hui que 105 euros. Le petit plus avec les poules, c’est qu’elles pondent ! En moyenne 150 œufspar an. Ce sont d’ailleurs souvent les enfants qui vont chercher les œufsfrais tous les matins. Enfin, la fiente est un excellent engrais, à condition de la récolter ! Le mouvement a fait des émules. Voisins, amis, familles, nombreux sontceux qui ont été séduits pas l’opération. À tel point que l’éleveur officiel despoules, le Couvoir Comtois, a vu ses ventes augmenter de 5% en 2013.

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Antony et la poule Piplette

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Conserver la viande• Pour préserver la chaîne du froid, placer la viande dans un sac

congélation dès qu’elle est achetée chez un commerçant. • Acheterla viande en dernier au marché ou supermarché. • La charcuteriedécoupée ne se conserve pas plus de 4 à 5 jours au réfrigérateur.

• Une viande cuite se conserve plus longtemps qu’une viande crue.

• La viande doit être placée dans la partie la plus froide duréfrigérateur. • Ne pas empiler les barquettes préemballées. • Lameilleure manière de décongeler une viande, c’est au réfrigérateur.

• Enlever la viande de son emballage d’origine et la mettre dans unsac congélation avant de la placer au congélateur. • Les saucisses etles steaks hachés achetés frais ne se conservent qu’un mois aucongélateur. • Durée de conservation au congélateur pour de laviande fraiche : veau et porc de 3 à 4 mois, agneau et bœuf, 6 mois.

CheckFood : pour suivre son frigo à la trace ! Qui n’a jamais découvert au fond de son réfrigérateur une tranche dejambon ou un pot de crème fraîche, en se disant « ah, si j’avais su » ? Pour lutter contre cette sensation désagréable, des petits malins ont in-venté une application mobile. Le principe : scanner les produits grâce àla caméra du smartphone et entrer la date limite de consommation. CheckFood, c’est le nom de l’application, vous préviendra quelques joursavant le date de péremption selon votre paramétrage. L’appli vous pro-pose alors deux choix, manger ou donner le produit. Elle a été inventéelors d’un Hackthon, contraction de hacking et marathon. C’est un ras-semblement de développeurs qui se constituent en équipes et doiventconcevoir une application dans un temps donné. L’équipe de l’agence decommunication numérique 5emeGauche en partenariat avec Eqosphere,a imaginé cette application pour répondre à l’engagement 11 du pactede lutte contre le gaspillage alimentaire : expérimentation, sur un an, du

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don alimentaire par les citoyens via une plate-forme numérique. Concrètement, si un consommateur se rend compte qu’un produit va sepérimer mais qu’il n’est pas possible de le manger, il peut en faire donà une association. L’application n’en est qu’à sa première version, sortie le 16 juin 2014.Scanner tous les produits avant de les mettre dans le frigo ou un placard,c’est un peu fastidieux. Mais l’application a sans doute de beaux joursdevant elle. Les développeurs travaillent sur une nouvelle version quipermettrait de scanner directement les produits lors du passage encaisse. Pour optimiser les dons, il faudra encore mettre en place un ré-seau pour collecter les produits et les distribuer aux associations inté-ressées. Des obstacles sont à prendre en compte comme le transport, leconditionnement ou le respect de la chaîne du froid. Des exemples dansce livre ont montré que ces obstacles peuvent être franchis !

A RETENIR• Les Français convaincus de l’importance de la lutte antigaspi.

Recettes nombreuses pour cuisiner les restes. • Cuisiner demandeplus de volonté que d’efforts. • Beaucoup d’aliments pourraient

être mieux conservés. • Le compostage, recyclage utiledes restes et des épluchures. • Des applications sur smartphone

pour mieux connaître les dates limites de consommation.

• Les fruits non récoltés dans les vergers privés, une ressourceà exploiter. • Une poule peut manger 150 kilos de déchets

alimentaires par an et pondre au moins 150 oeufs.

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Restauration

LES BONNES IDÉESEN SELF-SERVICE

C’est surtout à la maison que les Français prennent leurs repas ! 15%seulement sont consommés à l’extérieur. Sur ces 15%, la restaurationcollective est très loin devant avec 85% du total, soit 11 millions de repasservis tous les jours dont un quart dans les cantines scolaires. Les troisquarts restants se répartissent entre restaurants d’entreprises et d’ad-ministration ainsi que dans les établissements des secteurs de la santéet du social. Dans la restauration comme ailleurs, le gaspillage existe et des initia-tives diverses montrent que des progrès sont possibles. On retrouve,sous d’autres formes, certains freins déjà évoqués dans les autres cha-pitres. Le premier pourrait se résumer à la « rentabilité » de la lutte antigaspi. Autrement dit, les quantités sont-elles suffisantes pour lancer unprogramme ? Par exemple, pour la restauration collective, les produitsnon consommés dans une cantine scolaire peuvent-ils justifier le pas-sage d’un camion réfrigéré et de deux salariés ou bénévoles ? Répondre

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à ces questions nécessite un vrai travail d’étude et de réflexion enamont. Il est primordial de mesurer le plus précisément possible laquantité des produits à « sauver », leur nature, les exigences du trans-port, du conditionnement. Ne pas prendre le temps de travailler cesquestions revient à prendre le risque de s’engouffrer dans une impasse.Il est fortement conseillé de s’inspirer et de profiter du travail effectuépar d’autres. Nombreux sont les acteurs, et notamment dans le secteurassociatif, qui sont tout à fait prêts à partager leur expérience comme auMans où le restaurant de l’hôpital récupère les repas non consomméspour l’aide alimentaire. La lutte contre le gaspillage offre en plus l’oc-casion de renforcer l’information sur l’alimentation et la nutrition. Plu-sieurs initiatives présentées dans ce chapitre additionnent avec réussiteaide alimentaire et éducation. Des cantines scolaires d’Angers à l’asso-ciation Worgamic, on revendique clairement cette orientation. L’éduca-tion est aussi un très bon moyen de lutter contre le gaspillage. Unemeilleure connaissance de l’alimentation dans toutes ses dimensionspermet de lui redonner une valeur.

Dans les restaurants traditionnels, les quantités sont évidemment moinsimportantes. La lutte s’effectue davantage en amont comme le montre l’ap-plication « Stop au Gaspi ». L’éducation peut là aussi jouer un rôle commele montrent les restaurateurs niçois mobilisés pour une carte haut degamme avec des ingrédients proches de la poubelle. Enfin, une petite boîtepeut-elle nous aider à dépasser le refus bien français de quitter le restau-rant avec les restes de son repas ? Le site « Trop bon pour gaspiller.com»propose une solution nouvelle pour populariser le doggy bag.

Angers : les écoles placent à la banque Des écoles d’Angers offrent leurs surplus à la Banque Alimentaire duMaine-et-Loire. L’association avait sensibilisé l’EPARC (EtablissementPublic Angevin de Restauration Collective) en 2007 sur les difficultésd’approvisionnement. L’EPARC avait répondu favorablement car en

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dépit d’une gestion des quantités au plus juste pour les 11.000 repascuisinés par jour, il est impossible d’éviter quelques excédents. Un anplus tard, le temps de bien caler tous les protocoles et le fonctionne-ment, 6 restaurants scolaires sur les 42 de l’agglomération s’étaient lan-cés dans l’opération. Ils sont aujourd’hui 14, tous situés au centre ville.Il serait difficile d’impliquer des écoles situées en périphérie car l’al-longement du temps donné par les bénévoles ne va pas de soi et le car-burant coûte cher. L’EPARC a fait don de deux camions réfrigérés lorsdu renouvellement de son parc. La collecte s’effectue deux fois par se-maine, le mardi et le vendredi. Ce sont principalement des produits em-ballés qui vont à la banque comme les yaourts, fromages, biscuits. Desfruits sont également du voyage et des salades en sachet. A signaler queles produits consommés ne pourraient pas être resservis le lendemaincar les menus changent tous les jours. Le but est évidemment d’aider lespersonnes démunies mais ce n’est pas tout. Le personnel encadrant etles employés de la cantine, ainsi que les animateurs, sont chargés d’ex-pliquer les principes de la collecte et du don. Ils ont pour mission de sen-sibiliser les enfants au gaspillage alimentaire. La banque récupère entre 120 à 240 kilos par semaine ce qui représenteen moyenne environ 20.000 euros par an.

« Worgamic » : mieux connaître les aliments pour mieux les respecter L’information et l’éducation sont, on l’a vu, des facteurs de progrès trèsimportants dans la lutte contre le gaspillage. L’association « Worgamic »l’a bien compris en développant une pédagogie originale, notamment endirection du public des cantines scolaires. Fondée en 2007, Worgamic a d’abord développé ses activités autour dulombricompostage en milieu urbain, dans des espaces réduits, petits jar-dins ou balcons. Aujourd’hui, l’association agit sur trois pôles, l’agricul-ture locale et durable, le recyclage et la lutte contre le gaspillage. « Nousavons étendu nos activités car depuis peu, ces sujets occupent de plus

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Jardin partagé à Paris, géré par Worgamic.

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en plus de place » explique Sébastien Chapel, cofondateur et seul sala-rié (pour le moment) de Worgamic. « Des initiatives et des engagementsont été pris au niveau européen. En 2013, la France a lancé le pacte.C’est un faisceau d’éléments qui nous a encouragés. »

L’association, qui compte une trentaine de membres, a mené des opéra-tions de lutte contre le gaspillage dans 5 écoles du Val d’Oise. Le but était,avec les enfants et l’équipe pédagogique, d’identifier le gaspillage et dele comprendre pour le réduire. La formation « Bien dans ma tête, biendans ma planète » entend sensibiliser les enfants au développement du-rable tout en leur montrant qu’il est possible d’agir à leur niveau, auprèsde leur famille ou de leurs amis. Dans la région de Sarcelles, des actionsse sont passées dans les écoles de Saint-Brice-sous-Forêt, Ecouen et Ezan-ville. Les enfants ont imaginé des slogans du type « Qui jette les pommesde terre jette la Terre » ou « Stop au gaspillage alimen-Terre ». Toutes lesformations reposent sur des jeux, mimes, quizz. D’autres animations dumême type devraient voir le jour à Paris dans le cadre de la réforme desrythmes scolaires. «  Nous développons une pédagogie concrète et ludique » souligne Sébastien Chapel. « Nous voulons que les enfantss’impliquent, qu’ils touchent les produits, qu’ils les sentent. Nous tenonsà ce que les enfants connaissent mieux les aliments, ce qu’ils apportent,d’où ils viennent. C’est très important pour lutter contre le gaspillagetout en vantant les mérites de l’équilibre alimentaire. »

Worgamic a également organisé avec l’ONG GoodPlanet une opérationde sensibilisation auprès des employés du Fouquet’s. Worgamic est par ailleurs en contact avancé avec une grande société derestauration collective. Le travail porte cette fois sur la récupération dessurplus dans les cuisines centrales pour une redistribution aux associa-tions d’aide alimentaire.  

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Nancy : valoriser le pain perdu des cantines.Que faire du pain non consommé dans les cantines ? La question mé-rite d’être posée car les quantités peuvent être importantes. A Nancy,l’association « Pain contre la Faim 54 » (54 comme Meurthe-et-Moselle),a été fondée dès 1986. A l’époque, le projet était humanitaire et ne re-posait que sur des bénévoles. Il s’agissait de récupérer du pain pour enfaire une base destinée à la nourriture animale, le produit de la vente de-vant être reversé au profit de pays du Tiers Monde.Peu à peu, et face à la masse de pain potentiellement récupérable, l’idéea germé de faire évoluer l’association : un chantier d’insertion a été crééet l’activité s’est développée. Chaque jour, le pain, une fois trié, coupé, séché et broyé, est transforméen mouture pour la fabrication d’aliments destinés aux animaux. Lechantier d’insertion a été reconnu d’utilité publique en 2001. L’associa-tion dispose de 300 points de collecte. On trouve quelques boulange-ries et grandes surfaces mais surtout les cantines des collèges et deslycées de la capitale lorraine et de son agglomération. Les restaurants

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Pain trié,séché etbroyé

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universitaires se sont joints au mouvement tout comme quelques res-taurants d’entreprise. L’association « Pain contre la faim 54 » propose un débouché intéressantpour le recyclage du pain qui est très difficilement redistribuable. Le« public » visé étant les animaux, il n’y a pas de restriction pour réuti-liser du pain déjà entamé. Récupérer des aliments pour nourrir des ani-maux, c’est un moyen reconnu de lutte contre le gaspillage alimentaire.C’est également un très bon moyen de limiter l’utilisation de terres cul-tivables.

Le Mans : l’hôpital guéri du gaspillage L’hôpital du Mans est le premier en France à faire profiter les plus dé-munis des repas en surplus. Le Centre Hospitalier Manceau est le plusgros centre non universitaire de notre pays. Riche de 1700 lits, il sertchaque jour près de 5.000 repas destinés aux patients mais aussi aux4468 professionnels exerçant au CHM. Le responsable du service res-tauration, Didier Girard, était persuadé depuis longtemps qu’il était im-possible de calculer les besoins au repas près. Il a donc eu l’idée de faireprofiter les autres de la nourriture non servie. Au Mans, 12.000 per-

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Bénévoles de l’ordre de Malte

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sonnes se trouvent en dessous du seuil de pauvreté, soit 18% de la po-pulation. La passerelle était évidente mais il a fallu beaucoup de tempspour concrétiser le projet (voir entretien ci-dessous). Concrètement, le service restauration du centre hospitalier place chaquejour à 17 heures dans de petits conteneurs les 40 repas (en moyenne) quin’ont pas été consommés dans l’une des deux cantines de l’établisse-ment. Les bénévoles de l’association « l’Ordre de Malte » se chargent detransporter la cargaison jusqu’au restaurant installé dans un hôtel ducentre ville où sont logées des personnes en grande difficulté. Lesmêmes bénévoles se chargent également du suivi et du service. Uneautre association, « Tarmac », émanation du « pôle veille sociale » de laville du Mans, gère le choix des personnes bénéficiaires. La formule fonctionne et devrait permettre de fournir sur une annéeplus de 7 000 repas.

TROIS QUESTIONS à Didier Girard (responsable du service restauration de l’hôpital du Mans) :

• Pourquoi a-t-il fallu 3 ans pour concrétiser ce projet ?Didier Girard : Il a d’abord fallu démontrer qu’il ne s’agissait pas dedonner pour donner et que nous avions d’abord cherché en amont àréduire le gaspillage. Ce qui restait, il était impossible de le réduire etje l’ai fait comprendre. Ensuite, il a fallu chercher des partenaires. J’aiespéré durant six mois que les Restos du Coeur allaient suivre maisils ont refusé car je ne pouvais pas fournir 40 repas identiques. Or,c’est une exigence des Restos pour ne pas provoquer de jalousiesvoire de disputes chez leurs usagers. L’Ordre de Malte n’avait pas ce

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souci et nous avons pu travailler ensemble. Enfin, il a fallu gérer lesaspects réglementaires et sanitaires avec de nombreux documentsofficiels à remplir !

• Aujourd’hui quels sont les freins que vous pouvez rencontrer ?DG : Le programme étant mis en place, il faut le faire vivre. Pour lanourriture, pas de problème, mais ensuite, il faut des sacs poubelles,des produits d’entretien. On essaye de se débrouiller. On récupère deséchantillons présentés dans le cadre de marchés publics : s’ils ne sontpas conformes pour l’hôpital, ils sont parfaitement utilisables pournous. L’autre difficulté, c’est la quête permanente de bénévoles. On abesoin de personnes pour le transport et pour le service au restaurant.

• Vous souhaitez encourager d’autres hôpitaux à faire comme vous.Ça avance ? DG : Oui, et le inistère nous suit de près tout comme l’ADEME.L’Ordre de Malte est en train de prospecter dans d’autres villes.Marseille serait partante. Nantes et Dijon sont intéressées. Je pensequ’à partir de 1.000 repas distribués par jour, un hôpital peuts’engager. Je peux aider les candidats en leur donnant les documentsnécessaires qui ont tous été formalisés.

« Stop au Gaspi » : une appli mini gâchis L’application Stop au Gaspi permet aux restaurateurs professionnels deréaliser un audit de leurs déchets alimentaires. Une fois téléchargée sur un smartphone, elle permet au restaurateurd’analyser pendant 3 à 5 jours les quantités de déchets et de gaspillagequ’il produit pendant ses services. Pendant la durée de l’opération, Stop au Gaspi propose de diviser les dé-chets en trois catégories (stockage, préparation et table) qui doivent êtrepesées séparément. Dans la restauration collective il existe une catégo-

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rie de plus, dite « de service » (c’est à dire le gaspillage lié au plat nonconsommé en self-service). A la fin de l’audit, l’application offre une vision globale des déchets gé-nérés par le restaurant. Elle signalera également si le poids constaté despoubelles est inférieur ou supérieur à la quantité moyenne générée dansle secteur. Enfin, elle propose des conseils pratiques pour réduire effi-cacement le gaspillage. Cet audit pourra être reproduit dans le temps afin d’observer les progrèset les économies réalisés. L’application offre également aux cuisiniers des recettes anti-gaspi ainsique des conseils avisés de plusieurs grands chefs. Ce véritable outil de gestion pour les restaurateurs est gratuit. C’est legroupe agroalimentaire Unilever qui l’a développé à l’occasion de l’an-née européenne de la lutte contre le gaspillage alimentaire. Unilever profite de l’application pour promouvoir son offre UnileverFood Solution destinée aux restaurateurs.

La boîte antigaspi : Un doggy bag à la française « Outre-atlantique c’est une pratique courante, c’est un service rendu àla personne et pas du tout un acte antigaspi ou de protection de l’envi-ronnement ». Laurent Calvayrac est un passionné d’emballage (oui, çaexiste). Il a lancé un nouveau concept de doggy bag : La boîte antigaspi. Il ne s’agit pas de copier ce qui est fait et depuis longtemps en Amé-rique du Nord. « Ce serait complètement inconcevable d’amener l’idéedu doggy bag en France avec des boîtes en plastique qui finissent à l’in-cinérateur ».C’est pourquoi la boîte antigaspi est entièrement réalisée en carton. Ellen’en est pas moins parfaitement hermétique grâce à un procédé inventépar un producteur du Nord de la France. Entièrement recyclable ou com-

tionnel. La boîte affiche clairement son engagement dans la lutte contre le gas-

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pillage. La fabrication est aupoint mais reste sans doute leplus délicat : convaincre les res-taurants et les clients. « Les res-taurateurs ne sont pas opposésmais ne sont pas équipés. Lesclients aimeraient faire mais lecôté “gêne” existe bel et bien »souligne l’entrepreneur. Pourtant, tous les sondages le

montrent : les Français ne sont pas contre le doggy bag. Une étude dela Draaf Rhône-Alpes menée en 2013 montre que trois quart des sondésseraient prêt à en utiliser un. Pour inciter les clients à se décoincer, la boîte antigaspi est complétéepar une signalétique, un sticker, que les restaurateurs peuvent apposersur leur devanture, ainsi que sur leur carte ou leur site Internet. Le logoporte la mention « Trop bon pour Gaspiller » qui est aussi le nom du siteoù on peut trouver la boîte antigaspi. Enfin, le doggy bag français peutêtre personnalisé par les restaurateurs et peux être complété de men-tions informatives comme « à mettre au frigo dans les deux heures ». Laurent Calvayrac espère imposer sa boîte partout en France. Un pour-centage des bénéfices sera reversé à une association caritative.

« Le Chaînon Manquant » : une place à prendre entre donateur et redistributeur Après avoir exercé pendant dix ans le métier de directrice de projet dansle privé en France et aux États-Unis, Valérie de Margerie cherchait à re-donner du sens à sa vie professionnelle. La lutte contre le gaspillage ali-mentaire s’est rapidement imposée, comme une évidence.Tout s’est ensuite enchaîné très vite : « L’association a été créée en février2014 » raconte Valérie de Margerie. « La mairie de Paris nous a invitésà présenter notre projet au sein d’un groupe de travail sur le gaspillage

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alimentaire, co-piloté par le ministère de l’agroalimentaire. Il réunissaitdes professionnels de l’alimentation et en particulier des traiteurs.»Le projet était né : récupérer auprès des traiteurs et des restaurateurs desproduits frais invendus comme des sandwichs ou des salades et les re-distribuer à l’aide d’un camion frigorifique. L’idée reçoit très vite les adhésions nécessaires. La ville et les traiteurss’engagent. Julien Meimon, rencontré au sein du groupe de travail surle gaspillage alimentaire, s’engage personnellement en devenant le di-recteur exécutif de l’association.

Roland Garros : jeu, set et mange !

Le tournoi de Roland Garros apparaît alors idéal pour une premièreconcrétisation. Avec l’appui des traiteurs Potel et Chabot, Lenôtre et Eu-rest, de la Fédération Française de Tennis et de la ville de Paris, l’opé-ration de récupération s’est déroulée pendant toute la durée du tour-noi 2014. Chaque matin, le camion du Chaînon Manquant est venu chercher les denrées alimentaires non consommées la veille. La nourriture a été redistribuée en flux tendu aux associations d’aide alimentaire. C’est le travail de préparation en amont avec les entreprises qui a favo-risé la réussite : « Dès le premier jour, tout était formalisé, préparé, em-ballé pour le ramassage. » Sur l’ensemble du tournoi, ce sont près de 15 000 repas qui ont été redistribués.Ici, pas de souci de logistique puisque les paquets sont directement ache-minés au locaux des associations. C’est surtout d’ailleurs dans la distri-bution que le travail de préparation a été le plus minutieux. Il a fallu ren-contrer toutes les associations, se renseigner sur leur public, leurscapacités de stockage, leurs préférences de livraisons. Selon Valérie de Margerie « il faut poser toutes les bonnes questions au départ pour éviter les refus de diverses natures. Par exemple il y a des contraintes de logistiques toutes bêtes : certaines associationsne voulaient pas qu’on arrive lorsque la population bénéficiaire était là.

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Ou encore, difficile de donner 30 yaourts à une association qui sert 230repas par jour. Il faut quelqu’un qui soit capable d’être réactif et quiconnaisse bien les associations. » La quinzaine de bénévoles du Chaînon Manquant ne comptent pass’arrêter en si bon chemin. Depuis la rentrée 2014, ils ont un fonction-nement régulier : ils récupèrent les surplus de traiteurs le mercredi etle vendredi à Paris. La volonté est également de continuer à essayer decouvrir des activités évènementielles comme des rencontres sportives oudes salons. « J’ai l’impression que le gaspillage c’est un peu contre la volonté des uns et des autres. Les professionnels aimeraient vraiment fairequelque chose mais ce n’est pas simple, c’est une organisation difficile »reconnaît Valérie de Margerie. « C’est pour cela qu’il faut lancer une mul-titude d’initiatives. »

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Nice : des rebuts trois étoiles Les Toques Brûlées ne sont pas un groupe de rock mais une associationde restaurateurs niçois qui souhaitent montrer qu’on peut faire de lacuisine autrement, même avec des produits dont personne ne veut ! La jeune chambre économique de Nice Côte d’Azur les a contactés pourorganiser un show culinaire anti-gaspillage le 1er juin 2014. Pour DavidFaure, président des Toques Brûlées, « il s’agissait de montrer que si leslégumes ou les fruits sont un peu tapés ça ne veut pas dire qu’ils sontpourris et non comestibles. Il y a toujours une partie qu’on peut extrairepour en faire quelque chose de très bon ». Pendant 3 heures, les chefsont cuisiné des plats à base de fruits et de légumes récupérés par la JCEauprès de producteurs locaux. Les passants chanceux en ont bien pro-fité, gratuitement et avec en dessert une petite tranche de pédagogie. Les cuisiniers ont saisi l’occasion pour délivrer quelques messages de

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bon sens, comme par exemple acheter les bonnes quantités et préférerla qualité. David Faure, également Chef au restaurant gastronomiquel’Aphrodite, décortique le problème : « Les gens voient des tomates à 90centimes le kilo, ils n’ont pas besoin d’autant mais comme ce n’est pascher ils achètent et à la fin ils jettent. S’ils avaient acheté moins et demeilleure qualité, ils n’auraient pas gaspillé et auraient mieux mangé. » Les bénévoles de la JCE ont distribué des flyers explicatifs sur le gas-pillage agrémentés d’une petite recette des Toques Brûlées. La jeune chambre économique de Nice lance aussi un concours de logospour identifier les restaurateurs proposant le doggy bag à leurs clients. Les restaurateurs niçois sont évidemment pour mais le président desToques brûlées refroidit cette recette contre le gaspillage : « Mon res-taurant est gastronomique. Pour ma clientèle, ce n’est pas très chic de re-partir avec son reste de gamelle. Mais on le fait déjà sur le vin pour lesgens qui n’ont pas fini leur bouteille. Sur les plats, il n’y a que 0,05 %des gens qui me demandent une barquette. Tiens, cela m’est arrivé hierpour la première fois depuis 1 mois ! » Et de conclure : « Il faut que des actions comme la nôtre se multiplient !J’invite les médias à s’emparer du sujet. Une meilleure communica-tion est indispensable. »

A RETENIR• La restauration collective représente 85% des repas

hors domicile. • Les manifestations sportives et les salons, desgisements à explorer. • A partir de 1 000 repas par jour, un hôpital

peut s’inscrire dans l’aide alimentaire. • Profiter de la lutte contre legaspillage pour améliorer l’éducation à l’alimentation.• Privilégier

pour les enfants des programmes ludiques et concrets.• Les alimentsemballés sont plus faciles à récupérer.

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C o n c l u s i o n

Le temps des engagements

La démonstration est faite : la lutte contre le gaspillage alimentaire estnon seulement possible, mais elle est déjà en marche ! Partout en France,des hommes et des femmes rivalisent d’ingéniosité pour trouver des so-lutions plus malignes et innovantes les unes que les autres. Plus al-truistes aussi, car l’aide alimentaire est souvent bénéficiaire de cesinitiatives, placées sous le signe de la solidarité, une valeur qu’AGRICA,en tant que Groupe de protection sociale paritaire, porte et partage.

Ces exemples nous confortent, si besoin en était, dans notre volonté denous préoccuper d’un sujet qui, somme toute, nous dépasse largementpuisqu’il questionne l’ensemble de la société. En matière de gaspillagealimentaire, nous pouvons tous être acteurs ! Partenaire du monde agricole et de ses entreprises, AGRICA compteaussi s’engager, à son tour pour apporter sa pierre à l’édifice :

- en développant auprès de ses entreprises adhérentes des actions ci-blées sur la nutrition car la lutte contre le gaspillage commence par uneffort d’éducation, d’information et de pédagogie, à tout âge de la vie ;

- en repérant sur les territoires des actions qui pourraient être repro-duites ailleurs ou à plus grande échelle  et en les relayant via nos sup-ports d’information auprès de nos adhérents et de nos partenaires ;

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- en étudiant tout projet de partenariat dont l’objet, en lien avec le gas-pillage alimentaire, serait en phase avec nos valeurs et notre vocationagricole.

- en soutenant financièrement les projets les plus prometteurs, en par-ticulier ceux qui allient lutte contre le gaspillage et insertion par l’acti-vité économique ;

- en créant un prix qui récompenserait les initiatives les plus innovanteset qui leur donnerait non seulement un soutien concret mais aussi unevisibilité qui leur fait souvent défaut.

Se préoccuper du gaspillage c’est questionner nos modes de vie, nosmodes de production, nos modes de solidarité, c’est contribuer à in-venter un avenir plus durable, et nous nous réjouissons d’en être partieprenante.

François GinDirecteur Général du Groupe AGRICA

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Glossaire

AFYRENSite : www.afyren.com

Tel : 0 4 73 40 77 51Mail : [email protected]

ANDES : le réseau des épiceries solidaires Site : www.epiceries-solidaires.org

Tel : 01 71 19 94 29 Mail : [email protected]

Twitter : @AssoANDES

Biogranulats® Site : www.biogranulats.com

Tel : 04 75 58 95 79Mail : [email protected]

Bleu Blanc Zèbre Site : www. bleublanczebre.fr

Tel : 06 32 51 69 46Mail : [email protected]

Twitter : @leszebres

Casabee / Geneviève FéroneSite : www.casabee.eu

Tel : 01 45 23 20 27Mail : [email protected]

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Centre Hospitalier du MansSite : www.ch-lemans.fr

Tel : 02 43 43 25 81Mail : [email protected]

Croque ton jusMail : [email protected]

Site : http://fr.ulule.com/croque-jus/Facebook : Croque ton jus

EPARCSite : www.eparc.frTel : 02 41 21 18 80

Mail : [email protected]

EqosphereSite : www.eqosphere.com

Tel : 09 70 75 52 90Mail : [email protected]

GreenWatt Site : www.greenwatt.fr

Tel : 04 32 44 46 70Mail : [email protected]

La boîte antigaspiSite : www.tropbonpourgaspiller.com

Tel : 06 73 40 26 09Mail : [email protected]

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Le chaînon manquantSite : http://lechainon-manquant.fr/

Facebook : associationlechainonmanquantTwitter : @le_chainon

Les Paniers de la MerSite : http://www.panierdelamer.fr

Tel : 09 53 89 04 12Mail : [email protected]

La tente des Glaneurs de CaenSite : http://latentedesglaneurscaen.blogspot.fr

Mail : [email protected] : La tente des glaneurs de Caen

Les Toques BruléesSite : http://lestoquesbrulees.org/Mail : [email protected]

Pain contre la Faim 54Site : www.pclf-epi-54.fr

Tel : 03 83 30 51 83Mail : [email protected]

Paris : le compostage collectif Site : http://blogs.paris.fr/compost/

Mail : [email protected]

Quoi ma Gueule ?Site : www.lesgueulescassees.org

Mail : [email protected]

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SOLAALSite : www.solaal.orgTel : 01 53 83 47 89

Mail : [email protected]

SYBERT Site : hwww.sybert.frTel : 03 81 65 02 38

Mail : [email protected]

The People’s Supermarket Site : http://thepeoplessupermarket.org/

Tel : 0044 20 7430 1827 Mail : [email protected]

WorgamicSite : http://www.worgamic.org/

Tel : 06 41 66 87 00 Mail : [email protected]

Y’a quoi dans mon Frigo ? Site : www.yaquoidansmonfrigo.fr

Facebook : Y’a Quoi Dans Mon Frigo? Twitter : @SylvieKitchen

Zéro-Gâchis Site : https://zero-gachis.com/

Tel : 02 40 75 04 95Mail : [email protected]

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CRÉDITS PHOTOSAfyren SAS (page 32)Lionel Cedran (page 43) Phyto-VALOR (page 27) Marcel/Intermarché (page 29)Jf Paga – Grasset (page 9)Xavier Remongin/Min.agri.fr (page 16)SYBERT (page 67)Aymeric Warme-Janville (page 48)

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Supervision du projet : Patrice Lepage Recherche et coordination : Christopher Kilian

Conception et réalisation : Claude Petit-Castelli, Ecila ConseilConception graphique : Nicolas Trautmann

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