Gabriel Delanne l Ame Est Immortelle

download Gabriel Delanne l Ame Est Immortelle

of 185

Transcript of Gabriel Delanne l Ame Est Immortelle

  • 8/14/2019 Gabriel Delanne l Ame Est Immortelle

    1/185

    LME EST IMMORTELLE GABRIEL DELANNE

    LME EST IMMORTELLE

    GABRIEL DELANNE

    1

  • 8/14/2019 Gabriel Delanne l Ame Est Immortelle

    2/185

    LME EST IMMORTELLE GABRIEL DELANNE

    Prface

    Le spiritisme est venu projeter un jour nouveau sur le problme de la nature de l'me. Enfaisant intervenir l'exprimentation dans la philosophie, c'est--dire dans une science quin'employait comme instrument de recherche que le sens intime, il a permis de voir l'esprit d'unemanire effective, et de se rendre compte qu'il avait t trs mal connu jusqu'alors.

    L'tude du moi, c'est--dire du fonctionnement de la sensibilit, de l'intelligence et de lavolont, fait percevoir l'activit de l'me au moment o elle s'exerce, mais elle ne nous dit rien sur lelieu o se passent ces phnomnes, qui semblent n'avoir d'autre relation entre eux que celle de lacontinuit. Les rcents progrs de la psychologie physiologique ont, cependant, tabli qu'il existeune troite dpendance entre la vie psychique et les conditions organiques de ses manifestations. tout tat de l'me correspond une modification molculaire de la substance crbrale, etrciproquement. Mais l s'arrtent les observations, et la science est incapable de nous expliquerpourquoi la matire qui remplace celle qui est dtruite par l'usure vitale conserve les impressionsantrieures de l'esprit.

    L'exprience spirite vient point pour combler cette lacune: elle nous prouve que l'me n'estpas une entit idale, une substance immatrielle sans tendue, mais qu'elle est pourvue d'un corpssubtil, dans lequel s'enregistrent les phnomnes de la vie mentale et auquel on a donn le nom deprisprit. De mme que dans l'homme vivant, il faut distinguer l'esprit de la matire qui l'incorpore,de mme il ne faut pas confondre le prisprit avec l'me. Le moi pensant est tout fait distinct deson enveloppe, et ne pourrait pas plus s'identifier avec elle que le vtement avec le corps physique;cependant, il existe, entre l'esprit et le prisprit, les plus troites connexions; car ils sontinsparables, comme nous le verrons plus loin.

    Est-ce dire pour cela que nous avons trouv la vritable nature de l'me? Non, car elle nous

    demeure encore inaccessible, aussi bien d'ailleurs que l'essence de la matire; mais nous avonsdcouvert une condition, une manire d'tre de l'esprit, qui explique une quantit de problmesinsolubles jusqu'alors.

    Les conceptions sur la nature de l'me humaine ont volu, au cours des ges, depuis lamatrialit la plus grossire jusqu' la spiritualit absolue. Les travaux des philosophes, aussi bienque les enseignements religieux, nous ont habitus considrer l'me comme une pure essence, uneflamme immatrielle. Ces vues si diffrentes tiennent la matire dont on envisage l'me. Si onl'tudie objectivement, en dehors de l'organisme humain, pendant les apparitions, elle parait parfoisaussi matrielle que le corps physique. Si on l'observe en soi, il semble que sa seule caractristiquesoit la pense. Toutes les observations de la premire catgorie ont t relgues parmi les

    superstitions populaires et l'ide d'une me sans corps a prvalu. Dans ces conditions, il devenaitimpossible de comprendre par quel procd cette entit pouvait agir sur la matire du corps ou enrecevoir des impressions. Comment imaginer qu'une substance sans tendue, et par consquent horsde l'tendue, puisse agir sur l'tendue c'est--dire sur des corps matriels?

    En mme temps que sa spiritualit, on nous enseigne l'immortalit de l'me. Comments'expliquer que cette me conserve des souvenirs ? Ici-bas, nous avons un corps dfini par la formede notre enveloppe physique, un cerveau qui parait enregistrer les archives de notre vie mentale;mais quand ce corps meurt, quand ce substratum physique est dtruit, que deviendront les souvenirsde notre existence actuelle, o donc se localiseront les acquisitions de notre activit psychique sanslesquelles il n'est pas de vie intellectuelle possible? L'me est-elle destine se fondre dansl'erraticit, s'vanouir dans le grand Tout, en perdant sa personnalit?

    2

  • 8/14/2019 Gabriel Delanne l Ame Est Immortelle

    3/185

    LME EST IMMORTELLE GABRIEL DELANNE

    Ces consquences sont rigoureuses, car l'me ne saurait subsister dans l'espace sans uneforme qui l'individualise. Une goutte d'eau dans l'ocan est indiscernable de ses voisines, elle ne sediffrencie des autres parties du liquide que si elle est contenue dans quelque chose qui la dlimite,ou si, isole, elle prend la forme sphrique, sans quoi elle se perd dans la masse, et n'a plusd'existence distincte.

    Le spiritisme nous fait constater que l'me est toujours insparable d'une certainesubstantialit matrielle; mais affectant une modalit spciale, infiniment rarfie, dont nouschercherons dfinir l'tat physique. Cette matire possde des formes variables d'aprs le degrd'volution de l'esprit, et suivant qu'il habite sur la terre ou dans l'espace. Le cas le plus gnral estque l'me conserve temporairement, aprs la mort, le type qu'avait le corps physique ici-bas. Cettre invisible et impondrable peut parfois, dans des circonstances dtermines, revtir un caractresuffisant d'objectivit pour affecter les sens et impressionner la plaque photographique, laissantainsi des traces durables de son action, ce qui met hors de cause toute tentative d'explication de cephnomne par l'illusion ou l'hallucination.

    Notre but, dans ce volume, est de prsenter quelques-unes des preuves que l'on possde

    actuellement de l'existence de cette enveloppe, laquelle on a donn le nom de PRISPRIT (deperi, autour, spiritus, l'esprit).

    Pour cette dmonstration nous ferons appel, non seulement aux spirites proprement dits,mais aussi aux magntiseurs spiritualistes et aux savants indpendants qui ont commenc explorerce domaine nouveau; en mme temps, il nous sera possible de constater que la corporit de l'men'est pas une ide neuve, qu'elle a eu des partisans nombreux depuis que l'humanit se proccupe dela nature du principe pensant.

    Nous verrons d'abord que l'antiquit, presque tout entire, admt plus ou moins cettedoctrine; mais les connaissances que l'on possdait sur ce corps thr taient vagues etincompltes. Puis mesure que se creusait le foss entre l'me et le corps, que les deux substancesse diffrenciaient davantage, une foule de thories cherchrent expliquer leur action rciproque.Ce sont les mes mortelles de Platon, les mes animales et vgtatives d'Aristote, l'ochema etl'edolon des Grecs, le nphesch des Hbreux, le bai de Egyptiens, le corps spirituel de Saint-Paul,les esprits animaux de Descartes le mdiateur plastique de Cudworth, l'organisme subtil de Leibnitz,ou son harmonie prtablie; l'influx physique d'Euler, l'arche de Van Helmont, le corps aromal deFourier, les ides-force de M. Fouille, etc... Toutes ces hypothses, qui par certains cts ctoientla ralit, n'ont pas le degr de certitude que comporte le spiritisme, car celui-ci n'imagine pas: ilconstate.

    L'esprit humain, par le seul effort de ses spculations n'est jamais sr d'y tre parvenu. Il luifaut le secours de la science, c'est--dire de l'observation et de l'exprience, pour asseoir sacertitude. Ce n'est donc pas guids par des ides prconues que les spirites enseignent l'existence,du prisprit; c'est purement et simplement parce qu'elle est pour eux un rsultat de l'observation.

    Les magntiseurs taient arrivs dj, en suivant d'autres mthodes, au mme rsultat. Nousverrons, par la correspondance change entre Billot et Deleuze, aussi bien que par les recherchesde Cahagnet, que l'me, aprs la mort, conserve une forme corporelle qui l'identifie. Les mdiums,c'est--dire les personnes qui jouissent - l'tat normal - de la facult de voir les Esprits, confirmentabsolument le tmoignage des somnambules.

    Ces rcits constituent une srie de documents qui ont une grande valeur, mais qui ne nousdonnent pas encore une preuve matrielle; aussi nous constaterons que les spirites ont fait tous leursefforts pour fournir cette exprience inattaquable, et qu'ils y sont parvenus. Les photographies

    3

  • 8/14/2019 Gabriel Delanne l Ame Est Immortelle

    4/185

    LME EST IMMORTELLE GABRIEL DELANNE

    d'Esprits dsincarns, les empreintes laisses par eux dans des substances molles ou friables, lesmoulages de formes prispritales sont des preuves authentiques, absolues, irrcusables del'existence de l'me unie au prisprit, et le nombre en est si grand aujourd'hui, que le doute n'est pluspossible.

    Mais si l'me possde vritablement une enveloppe, il doit tre possible d'en constater la

    ralit pendant la vie terrestre. C'est effectivement ce qui a lieu. Les phnomnes de ddoublementsde l'tre humain, que l'on nomme parfois bi-corporit, nous ont mis sur la voie. On sait en quoi ilsconsistent. Un individu tant Paris, par exemple, son image, son double, peut se montrer dans uneautre ville, de manire tre reconnu. Il existe l'heure actuelle, plus de deux mille faits bienconstats d'apparitions de vivants. Nous verrons, dans le cours de notre tude, que ces visions nesont pas toutes hallucinatoires et par quels caractres spciaux il est possible de s'assurer del'objectivit de certaines de ces curieuses manifestations psychiques.

    Les chercheurs ne se sont pas borns l'observation pure et simple de ces phnomnes, ilssont arrivs les reproduire exprimentalement. Nous constaterons, avec M. de Rochas, quel'extriorisation de la motricit est, en quelque sorte, l'esquisse de ce qui se produit compltement

    pendant le ddoublement de l'tre humain. Enfin, nous arriverons la dmonstration physique de ladistinction entre l'me et le corps, en photographiant l'me d'un vivant, en dehors des limites de sonorganisme matriel.

    Pour tout chercheur impartial, ce colossal ensemble de documents tablit solidementl'existence du prisprit, Mais l ne doit pas se borner notre ambition. Nous devons nous demanderde quelle matire ce corps est form. Ici, nous en sommes rduits l'hypothse; mais nous verronspar l'tude des circonstances qui accompagnent les apparitions des vivants et des morts, qu'il estpossible de trouver, dans les dernires dcouvertes scientifiques sur la matire radiante et les rayonsX, des analogies prcieuses, qui nous permettront de comprendre l'tat de cette substanceimpondrable et invisible. Nous esprons montrer que rien ne s'oppose, scientifiquement, laconception d'une semblable enveloppe de l'me; ds lors, cette tude entre dans le cadre dessciences ordinaires, et ne peut encourir le reproche d'tre entache de surnaturel ou de merveilleux.

    Nous appuierons longuement sur l'identit des phnomnes produits par l'me d'un vivant,sortie momentanment de son corps, et ceux que l'on constate de la part des Esprits. Nous verronsqu'ils se ressemblent tellement, qu'il est impossible de les diffrencier autrement que par leurscaractres psychiques. Donc, et c'est l un point des plus importants, il y a une continuit relle,absolue, dans les manifestations de l'esprit, qu'il soit incarn ou non, dans un corps terrestre. Dslors, il est inutile d'attribuer les faits spirites des tres fictifs, dmons, lmentaux, lmentals,coques astrales, eggrgores, etc. : il faut reconnatre qu'ils sont produits par des mes qui ont vcu

    sur la terre.En tudiant les hauts phnomnes du spiritisme, il nous sera facile de constater que

    l'organisme fluidique contient toutes les lois organogniques suivant lesquelles le corps est form.Ici, le spiritisme apporte une ide neuve en expliquant comment la forme typique de l'individu peutse maintenir pendant toute la vie, malgr le renouvellement incessant de toutes les parties du corps.En mme temps, au point de vue psychique, il devient ais de comprendre o et comment seconservent nos acquis intellectuels. Nous avons tabli ailleurs( lvolution animique ) commentnous concevons le rle jou par le prisprit pendant l'incarnation; il nous suffira de dire ici que,grce la dcouverte de ce corps fluidique, nous pouvons nous expliquer scientifiquement de quellemanire l'me conserve son identit dans l'immortalit.

    Puissent ces premires bauches d'une physiologie psychologique transcendantale inciter lessavants scruter ce merveilleux domaine! si nos travaux ont pour rsultat d'amener quelques esprits

    4

  • 8/14/2019 Gabriel Delanne l Ame Est Immortelle

    5/185

  • 8/14/2019 Gabriel Delanne l Ame Est Immortelle

    6/185

    LME EST IMMORTELLE GABRIEL DELANNE

    PREMIRE PARTIE

    L'OBSERVATION

    6

  • 8/14/2019 Gabriel Delanne l Ame Est Immortelle

    7/185

    LME EST IMMORTELLE GABRIEL DELANNE

    CHAPITRE PREMIER

    COUP D'OEIL HISTORIQUE

    LES CROYANCES ANCIENNES

    La nature intime de l'me nous est inconnue. Quand on dit qu'elle est immatrielle, il fautentendre ce mot dans un sens relatif et non absolu, car l'immatrialit parfaite serait le nant; orl'me ou l'esprit(1) c'est quelque chose qui pense, qui sent, qui veut; il faut donc entendre parl'expression immatrielle que son essence est tellement diffrente de ce que nous connaissonsphysiquement, qu'elle n'a aucune analogie avec la matire.

    L'me ne peut se concevoir sans tre accompagne d'une matire quelconque quil'individualise; car, sans cela, il lui serait impossible d'entrer en rapport avec le monde extrieur. Surla terre, le corps humain est ce mdium qui nous met en contact avec la nature; mais aprs la mortl'organisme vivant tant dtruit, il faut que l'me ait une autre enveloppe pour tre en relation avec

    le nouveau milieu qu'elle doit habiter. Cette induction logique a t fortement sentie de tout temps,d'autant mieux que les apparitions de personnes mortes qui se montraient cependant avec leur formeterrestre, venaient fonder cette croyance.

    Le plus souvent, le corps spirituel reproduit le type que l'esprit avait dans sa dernireincarnation; et c'est probablement cette ressemblance de l'me que son dues les premires notionsde l'immortalit.

    Si l'on veut bien songer aussi que dans les rves, on revoit souvent des parents ou des amisqui sont morts depuis longtemps; on pourra trouver, peut-tre, dans ces faits, les causes de cette foignrale une autre vie, qui tait celle de nos anctres

    On constate, en effet, que les hommes de l'poque prhistorique, laquelle on a donn lenom de mgalithique, ensevelissaient les morts et plaaient dans les tombeaux des armes et desparures. Il faut donc penser que ces populations primitives avaient l'intuition d'une existenceseconde, succdant la vie terrestre. Or, s'il est une conception oppose au tmoignage des sens,c'est bien celle d'une vie future. Lorsque l'on voit le corps physique demeurer insensible, inertemalgr toutes les stimulations que l'on peut employer lorsque l'on constate qu'il se refroidit, puis sedcompose, il est difficile de supposer que quelque chose survit cette dsagrgation totale. Maissi, malgr cette destruction, on observe la rapparition complte du mme tre, s'il manifeste, pardes actes et des paroles qu'il vit encore, alors, mme chez les tres les plus frustes, la conclusion que

    l'homme n'est pas mort tout entier s'impose avec une grande autorit. C'est probablement aprsbeaucoup d'observations du mme genre que s'tablirent le culte rendu la dpouille mortelle et lacroyance qu'une autre vie serait la continuation de celle-ci.

    L'INDE

    De nos jours encore, les peuplades les plus sauvages croient une certaine immortalit del'tre pensant(2), et les rcits des voyageurs sont d'accord pour constater que, sur toutes les partiesdu globe, la survivance est affirme unanimement. En remontant aux plus antiques tmoignages quenous possdions, c'est--dire jusqu'aux hymnes du Rig Vda, nous voyons que les hommes qui

    1Nous prvenons le lecteur que nous considrons les mots me ou esprit, comme des expressions quivalentes.2Ferdinand Denis, Univers pittoresque. - Voir pour l'tude de ces croyances les travaux publis sur les peuplades de l'Ocanie, del'Amrique, de l'Afrique, t. 64-65. - Consulter aussi Taylor, Civilisations primitives, t. 1, p. 485; Taplin, Folklore Manners ofAustralian aborigenes

    7

  • 8/14/2019 Gabriel Delanne l Ame Est Immortelle

    8/185

    LME EST IMMORTELLE GABRIEL DELANNE

    vivaient au pied de l'Himalaya, dans le Sapta Sindhou (pays aux sept rivires), avaient des intuitionsclaires sur le lendemain de la mort.

    Se basant probablement sur les apparitions naturelles, et sur les visions des rves, les prtres,aprs bien des sicles, arrivrent codifier la vie future. Quelle sera cette existence? Un pote Aryabauche vigoureusement le ciel vdique: Demeure dfinitive des dieux immortels, sige de la

    lumire ternelle, origine et base de tout ce qui est, sjour de joie constante, de plaisirs sans fin, oles dsirs s'accomplissent ds qu'ils naissent, o l'Arya fidle vivra d'une ternelle vie.

    Ds que le ciel vdique fut conu en tant que sjour divin habitable par l'tre humain, laquestion se trouva pose de savoir ,comment l'homme pourrait s'lever si haut , et comment,avec des facults restreintes, il serait capable de vivre une vie cleste sans fin . Est-il possibleque le corps humain qui tient si fermement la terre, prenant son essor, devenu lger comme unnuage, traverse l'espace pour se rendre, de lui-mme, la merveilleuse cit des dieux'? il faudraitqu'un miracle s'accomplt. Or ce miracle ne s'est jamais produit visiblement. Serait-ce donc que lesjour divin est encore sans htes? Sans prodige, quel corps physique peut perdre son propre poids ?De ce mystre, de cette pense vague surgit en quelque sorte, la proccupation positive des

    destines de la matire aprs la mort, de la survivance d'une partie de l'tre. Voici l'explication laplus antique que l'on connaisse sur ce mystrieux au-del.

    Le corps humain, frapp par la mort, retourne en entier aux lments divers qui participrent sa formation. Les rayons du regard, matire lumineuse, sont repris par le soleil; le souffle, prtpar les airs, retourne aux airs, le sang, sve universelle, va vivifier les plantes; les muscles et les os,rduits en poussire, redeviennent terreau. Lil retourne au soleil; le souffle retourne Vayou, leciel et la terre reoivent chacun ce qui leur est d; les eaux et les plantes reprennent les parties ducorps humain qui leur appartenaient. Le cadavre de l'homme est dispers. Les matires quicomposaient le corps vivant, prives de la chaleur vitale, retournes au grand Tout, serviront former d'autres corps: rien n'est perdu, rien n'est pris par le ciel.

    Et cependant l'Arya mort saintement recevra sa rcompense; il s'lvera vers les hauteursinaccessibles; il jouira de sa glorification. Comment cela? Voici: la peau n'est que l'enveloppe ducorps, et lorsque Agni, le dieu chaud(3) abandonne le moribond, il respecte l'enveloppe corporelle,peau et muscle. Les chairs, sous la peau, ne sont que matires paisses, grossires, constituant uneseconde enveloppe voue au travail, assujettie des fonctions dtermines. Sous cette doubleenveloppe de la peau et du corps, il y a l'homme vrai, l'homme pur, l'homme proprement dit,manation divine susceptible de retourner aux dieux, comme le regard de lil retourne au Soleil, lesouffle l'air, la chair la Terre. Cette me, aprs la mort, revtue d'un corps nouveau, lumineuxbrouillard resplendissant, de forme clatante, et que son clat mme drobe la faible vue des

    vivants, cette me est transporte au divin sjour(

    4

    ).Si le dieu a t satisfait des offrandes de l'Arya frapp de mort, il vient lui-mme donner

    l'enveloppe lumineuse dans laquelle l'me sera transporte. Un hymne exprime rapidement lamme pense sous la forme d'une prire: Dveloppe, Dieu, tes splendeurs, et donne au mort,ainsi, le corps nouveau dans lequel l'me sera transporte ton gr! "(5)

    Si l'on rflchit que ces hymnes taient crits, il y a 3 500 ans environ, dans la langue la plusriche et la plus harmonieuse qui ait jamais exist, on ne peut supputer quelles priodes recules

    3Feu arien. Le feu tait reprsent sous trois modalits: Agni, feu terrestre; Sourya ou Indra, le soleil: Vayou, feu arien, Rig Vda,513, n' 4, traduction A. Langlois.4Marius Fontanes, Inde Vdique, p. 327 et suivantes.5Les chants vdiques expriment leur origine une confiance nave, un optimisme naturel, un sentiment de vrit qui peu peus'altrent sous l'influence sacerdotale. A. Langlois, Rig Vda, t 1, page 24.

    8

  • 8/14/2019 Gabriel Delanne l Ame Est Immortelle

    9/185

  • 8/14/2019 Gabriel Delanne l Ame Est Immortelle

    10/185

    LME EST IMMORTELLE GABRIEL DELANNE

    lumineuse, allait vivre la seconde vie avec les dieux. L'immortalit de l'me se substituait ainsi l'immortalit du corps, qui avait t la premire conception gyptienne(6).

    LA CHINE

    Chez aucun peuple, peut-tre, le sentiment de la survivance ne fut aussi vif que chez les

    Chinois. Le culte de Esprits s'imposa chez ces nations ds la plus haute antiquit. On croyait auThian ou Chang-si, noms qu'ils donnaient indiffremment au ciel; mais on honorait surtout lesEsprits et les mes des anctres. Confucius respecta ces antiques croyances, et il admira un jour, aumilieu de ceux qui l'entouraient, des maximes crites depuis plus de cinq cents ans sur une statued'or, dans le Temple de la Lumire, parmi lesquelles tait celle-ci:

    En parlant, en agissant, ne pensez pas, quoique vous soyez seul, que vous n'tes ni vu, ni entendu:les Esprits sont tmoins de tout"(7)

    On voit que, dans le Cleste Empire, les cieux sont peupls comme la terre, non seulement par lesgnies, mais aussi par les mes des hommes qui ont vcu ici bas. ct du culte des Esprits se

    plaait celui des anctres. Il avait pour objet, non seulement de conserver le prcieux souvenir desaeux et de les honorer, mais encore d'attirer l'attention sur leurs descendants, qui leur demandaientdes conseils dans toutes les circonstances importantes de la vie, et sur lesquels ils taient censsexercer une influence dcisive, en approuvant ou blmant leur conduite(8)

    Dans ces conditions, il est vident que la nature de l'me devait tre bien connue desChinois. Confucius ne concevait pas l'existence de purs Esprits, il leur attribuait une enveloppesemi-matrielle, un corps ariforme, comme en tmoigne cette citation du grand philosophe:

    Que les facults de Koci-Chin (Esprits divers) sont vastes et profondes! On cherche lesapercevoir et on ne les voit pas; on cherche les entendre et on ne les entend pas; identifis avec lasubstance des tres, ils ne peuvent en tre spars. Ils sont partout, au-dessus de nous, notregauche, notre droite; ils nous environnent de toutes parts. Les esprits, cependant, quelque subtilset imperceptibles qu'ils soient, se manifestent par les formes corporelles des tres; leur essence tantune essence relle, vritable, elle ne peut pas ne pas se manifester sous une forme quelconque(9).

    Le bouddhisme pntra en Chine et s'assimila les anciennes croyances; il continua lesrelations tablies avec les morts.

    Voici un exemple de ces vocations et de l'apparence prise par l'me pour se faire voir auxyeux mortels. M. Stanislas Julien, qui a traduit du chinois l'histoire de Hiouen-Thsang, lequel vivait

    vers l'an 650 de notre re, raconte ainsi l'apparition de Bouddha, due la prire faite par le saintpersonnage:

    Aprs avoir pntr dans le caverne o vcut le grand initiateur, anim d'une foi profonde,Hiouen-Thsang s'accusa de ses pchs avec un cur plein de sincrit; il rcita dvotement sesprires en se prosternant aprs chaque strophe. Lorsqu'il eut ainsi fait cent salutations, il vit paratreune lueur sur le mur oriental.

    Pntr de joie et de douleur, il recommena ses salutations, et de nouveau il vit unelumire de la largeur d'un bassin qui brilla et s'vanouit comme un clair. Alors, dans un transport

    6Maspro, Archologie gyptienne, p. 108, et Histoire ancienne des peuples de l'Orient, p. 40. 7G. Pauthier, la Chine, VI, p. 136.8Lon Carre, lAncien Orient. p. 386.9Pauthier, ouvrage cit, VII, p. 369.

    10

  • 8/14/2019 Gabriel Delanne l Ame Est Immortelle

    11/185

    LME EST IMMORTELLE GABRIEL DELANNE

    de joie et d'amour, il jura de ne pas quitter cet endroit avant d'avoir vu l'ombre auguste de Bouddha.Il continua ses hommages, et, aprs deux cents salutations, soudain toute la grotte fut inonde delumire et le Bouddha apparut, d'une blancheur clatante, se dessinant majestueusement sur le mur.Un clat blouissant clairait les contours de sa face divine. Hiouen-Thsang contempla longtemps,ravi en extase, l'objet sublime et incomparable de son admiration. Il se prosterna avec respect,clbra les louanges du Bouddha, et rpandit des fleurs et des parfums, aprs quoi la lumire cleste

    s'teignit. Le brahmane qui l'avait accompagn fut aussi ravi qu'merveill de ce miracle. Matre,lui dit-il, sans la sincrit de votre foi et l'nergie de vos vux, vous n'auriez pu voir un telprodige .

    Cette apparition rappelle la transfiguration de Jsus lorsque se montrrent Mose et lie. Lesesprits suprieurs ont un corps spirituel d'une incomparable splendeur, car leur substance fluidiqueest plus lumineuse que les plus rapides vibrations de l'ther, comme nous pourrons nous en assurerpar la suite.

    LA PERSE

    Dans l'ancien Iran, on trouve une conception tout fait particulire de l'me. Zoroastre peutrevendiquer la paternit de l'invention de ce que l'on appelle aujourd'hui le moi suprieur, laconscience subliminale, et, un autre point de vue, de la thorie des anges gardiens.

    On connat la doctrine du grand lgislateur: au-dessous de l'Etre incr, ternel, il existedeux manations opposes, ayant chacune une mission dtermine: Ormuzd est charg de crer etde conserver le monde: Ahrima doit combattre Ormuzd, et dtruire le monde, s'il le peut. Il existedes gnies clestes, mans de l'ternel, pour aider Ormuzd dans le travail de la cration; mais il y aaussi une srie d'Esprits, de gnies de froers, par lesquels l'homme peut se considrer commeayant en soi quelque chose de divin. Le froer, invitable chaque tre, dou d'intelligence, taiten mme temps un inspirateur et un surveillant: inspirateur soufflant la pense d'Ormuzd au cerveaude l'homme; surveillant, gardien de la crature aime du dieu. Il semble que les froers immatrielsexistaient par la volont divine avant la cration de l'homme, et que chacun d'eux, l'avance, savaitle corps humain qui lui tait destin(10).La mission de ce froer tait de combattre les mauvaisgnies produits par Ahriman, de conserver l'humanit.

    Aprs la mort, le froer demeure uni l'me et I'intelligence pour subir un jugement,recevoir sa rcompense ou son chtiment. Chaque homme, chaque Ized (gnie cleste), et Ormuzdlui-mme avait son froer, son fravarski, qui veillait sur lui, qui se dvouait sa conservation(11).

    On a pu dduire de certains passages de l' Avesta qu'aprs la mort de l'homme, le froer

    retournait au ciel pour y jouir d'une puissance indpendante, plus ou moins tendue, suivant que lacrature dont la charge lui avait t confie avait t plus ou moins pure et vertueuse. Parfaitementindpendant du corps humain et de l'me humaine, le froer est un gnie immatriel, responsableet immortel. Tout tre a eu ou aura son froer. Il y a un froer certain, c'est--dire quelque chosede divin, dans tout ce qui existe. L'Avesta invoque les froers des saints, du feu, de l'assemble desprtres, d'Ormuzd, des arnschaspands (anges clestes), des izeds, de la parole excellente, destres purs, de l'eau, de la terre, des arbres, des troupeaux, du taureau-germe, de Zoroastre auquelOrmuzd a pens d'abord, qu'il a instruit par l'oreille et qu'il a form avec grandeur au milieu desprovinces de l'Iran"(12)

    10G. de Lafond, le Mazdsme et PA vesta, pages 137 et 159. (11) Marius Fontanes, les Iraniens, pages 163 et 164.11Marius Fontanes , les iraniens pges 163 et 164.12Eugne Burnouf la Science des Religions, page 270. Voir aussi pour les renseignements, Anquetil-Duperron, Zend-Avesta, t. 11,p. 83.

    11

  • 8/14/2019 Gabriel Delanne l Ame Est Immortelle

    12/185

    LME EST IMMORTELLE GABRIEL DELANNE

    En Jude, l'ide d'une me est parfaitement inconnue des Hbreux du temps de Mose( 13). ilfaut que ce peuple aille en captivit Babylone pour qu'il puise chez ses vainqueurs l'ide del'immortalit,

    LA GRCE

    Les Grecs, depuis la plus haute antiquit, ont t en possession de la vrit sur le mondespirituel. Souvent, dans Homre, les mourants prophtisent et l'me de Patrocle vient visiter Achilledans sa tente. Suivant la doctrine du plus grand nombre des philosophes grecs; chaque homme apour guide un dmon particulier (on appelait daimn les Esprits) dans lequel tait personnifie sonindividualit morale"(14). Le commun des humains tait guid par des Esprits vulgaires, les sagesmritaient d'tre visits par des Esprits suprieurs (Id.) Thals qui vivait six sicles et demi avantnotre re, enseignait, comme en Chine, que l'Univers tait peupl de dmons et de gnies, tmoinssecrets de nos actions, de nos penses mme, et nos guides spirituels(15). Il faisait mme de cetarticle un des principaux points de sa morale, en avouant que rien n'tait plus propre inspirerchaque homme cette espce de vigilance sur soi-mme, que Pythagore nomme plus tard le sel de lavie. (16)

    Epimnide, contemporain de Solon, tait guid par les Esprits et recevait souvent desinspirations divines. Il tait fortement attach au dogme de la mtempsycose, et, pour convaincre lepeuple, racontait qu'il ressuscitait souvent, et que, notamment, il avait t Eacus.(17)

    Socrate(18) et surtout Platon, trouvant la distance trop grande entre Dieu et l'homme, remplissaientl'intervalle d'Esprits, qu'ils considraient comme les gnies tutlaires des peuples et des individus, etles inspirateurs des oracles. L'me prexistait au corps, et arrivait au monde doue de laconnaissance des ides ternelles. Pareille l'enfant, qui oublie le lendemain les choses de la veille,cette connaissance s'assoupissait en elle, par son union avec le corps, pour se rveiller peu peuavec le temps, le travail, l'usage de la raison et des sens. Apprendre, c'tait se ressouvenir; mourir,c'tait retourner au point de dpart et revenir son premier tat: de flicit pour les bons, desouffrance pour les mchants.

    Chaque me possde un dmon, un Esprit familier qui l'inspire, se communique elle, dontla voix parle la conscience de chacun de nous et l'avertit de ce qu'elle a faire ou viter.Fermement convaincu que, par l'intermdiaire de ces Esprits, une communication pouvait s'tablirentre ce monde des vivants et ceux que nous appelons des morts, Socrate avait un dmon, un Espritfamilier qui lui parlait sans cesse, et dont la voix le guidait dans toutes ses dmarches.(19)

    Oui, dit Lamartine, il est inspir; il nous le dit, il nous le rpte, et pourquoi refuserions-

    nous de croire sur parole l'homme qui donnait sa vie pour l'amour de la vrit ? Y a-t-il beaucoup detmoignages qui vaillent la parole de Socrate mourant? Oui, il tait inspir... La vrit et la sagessene sont point de nous; elles descendent du ciel dans les curs choisis qui sont suscits de Dieuselon les besoins du temps.(20)

    13 A. Maury, la Terre et lHomme, page 595: Les Hbreux ne croyaient ni l'me personnelle, ni son immortalit:Lvitique, XVII; E. Reuss, l'Hist. t. 11, p. 15 1.en mme temps, que celle de la vritable composition de l'homme. Les kabbalistes, interprtes de l'sotrisme juif, appellent Nepheshle corps fluidique du Principe pensant.14Maury, la Magie et lAstrologie, p. 263.15Diog. Laertius, libro 1, n' 27.16Dictionnaire universel, historique, critique et biographique. t. XVIL Voir Thals.17Fnelon, Vie des philosophes de l'antiquit.18Phdon, Time Phdre.19E. Bonnemre, lme et ses manifestations travers l'histoire, p. 109etsuivantes. Voir aussi Rossi et Gustiniani: le Dmon deSocrate.20Lamartine, la Mort de Socrate, pome. Avertissement.

    12

  • 8/14/2019 Gabriel Delanne l Ame Est Immortelle

    13/185

    LME EST IMMORTELLE GABRIEL DELANNE

    Le clair gnie des Grecs a compris la ncessit d'un intermdiaire entre l'me et le corps.Pour expliquer l'union de l'me immatrielle avec le corps terrestre, les philosophes de l'Helladeavaient reconnu l'existence d'une substance mixte dsigne sous le nom d'Ochema, qui lui servaitd'enveloppe, et que les oracles appelaient le vhicule lger, le corps lumineux, le char subtil.Hippocrate, en parlant de ce qui meut la matire, dit que le mouvement est d une force

    immortelle, ignis, laquelle il donne le nom d'normon ou corps fluidique.

    LES PREMIERS CHRTIENS

    C'est l'obligation logique d'expliquer l'action de l'me sur l'enveloppe physique qu'ont obiles premiers chrtiens en croyant l'existence d'une substance mdiatrice. D'ailleurs, il estincomprhensible que l'esprit soit purement immatriel; car, alors, il n'aurait aucun point de contactavec la matire physique, et, lorsqu'il ne serait plus individualis dans le corps terrestre, il nepourrait exister.

    L'individu est toujours dtermin dans l'ensemble des choses par ses rapports avec d'autres

    tres; dans l'espace par la forme corporelle, dans le temps par la mmoire.

    Le grand aptre saint Paul parle, plusieurs reprises, de corps spirituel, (21) impondrable,incorruptible, et Origne, dans ses commentaires sur le Nouveau Testament, affirme que ce corps,dou d'une vertu plastique, suit l'me en toutes ses existences et toutes ses prgrinations, pourpntrer et informer les corps plus ou moins grossiers et matriels que cette me revt, et qui luisont ncessaires dans l'exercice de ses diverses vies.

    Voici, suivant Pezzani, l'avis de quelques Pres de l'glise sur cette question:(22)

    Origne et les Pres alexandrins, qui soutenaient, l'un la certitude, les autres la possibilit denouvelles preuves succdant l'preuve terrestre, avaient se poser la question de savoir quelcorps devait ressusciter au jugement dernier. Ils ont rsolu cette question en n'attachant larsurrection qu'au corps spirituel, comme l'ont fait saint Paul, et, plus tard, saint Augustin lui-mme;en se reprsentant les corps des lus comme incorruptibles, dlis, tenus et souverainement agiles.(23)

    Alors, puisque ce corps spirituel, compagnon insparable de l'me, reprsentait par sa substancequintessencie, toutes les autres enveloppes grossires, dont l'me avait pu tre passagrementrevtue et qu'elle avait d laisser la pourriture et aux vers des mondes traverss par elle, puisquece corps avait pntr de son nergie toutes les matires informes pour un usage prissable et

    transitoire, le dogme de la rsurrection de la chair substantielle recevait de cette conception sublimeune clatante confirmation. Le corps spirituel, conu de la sorte, reprsentait tous les autres, qui nemritaient pas le nom de corps si ce n'est par leur adjonction ce principe vivifiant de la chairrelle, c'est--dire ce que les spirites ont nomm prisprit.(24)

    Tertullien dit(25) que les anges ont un corps qui leur est propre, et que se pouvanttransfigurer en une chair humaine, ils peuvent, pour un temps, se faire voir par les hommes etcommuniquer visiblement avec eux. Saint Basile en parle de la mme sorte. Car, encore qu'il ait ditquelque part que les anges n'ont pas de corps, nanmoins, dans le trait qu'il a fait sur le Saint-

    21Corinthiens, XV, 35.22Pezzani, journal la Vrit, 5 avril 1863.23Saint Augustin, Manuel, chapitre XXVI.24Bourdeau, le Problme de la mort. Voir pages 36 et suivantes et pages 62 et suivantes.25Tertullien, De Carne Christine. VI.

    13

  • 8/14/2019 Gabriel Delanne l Ame Est Immortelle

    14/185

    LME EST IMMORTELLE GABRIEL DELANNE

    Esprit, il avance qu'ils se rendent visibles par les espces de leur propre corps, en apparaissant ceux qui en sont dignes.

    Il n'y a rien dans la cration, nous enseigne saint Hilaire, choses visibles ou invisibles, qui nesoit corporel, Les mes elles-mmes, qu'elles soient ou non runies un corps, ont encore unesubstance corporelle inhrente leur nature, par la raison qu'il faut que toute chose soit dans

    quelque chose. Et Dieu seul tant incorporel, d'aprs saint Cyrille d'Alexandrie, lui seul ne peut trecirconscrit, tandis que toutes les autres cratures le peuvent, quoique leurs corps ne ressemblentpoint aux ntres.

    Que si l'on appelle les dmons des animaux ariens, avec Apule, c'est encore, au sens du grandvque d'Hippone, parce qu'ils ont la nature corporelle, les uns et les autres tant de mme essence.(26)

    Aussi saint Grgoire d'appeler l'ange un animal raisonnable,(27) et saint Bernard de nous adresserces paroles: N'accordons qu' Dieu seul l'immortalit, aussi bien que l'immatrialit; car il n'y a quesa nature qui n'ait besoin, ni pour elle-mme, ni pour une autre, du secours d'un instrument

    corporel.(28) Et cette doctrine tait, en quelque sorte, celle du grand Ambroise de Milan dont voiciles termes: Ne nous imaginons point qu'aucun tre soit exempt de matire dans sa composition, laseule et unique exception de la substance de l'adorable Trinit. (29)

    Le matre des sentences, Pierre Lombard, laissait la question indcise, et toutefois, ilexposait cette opinion de saint Augustin: Les anges doivent avoir un corps auquel ils ne sont pointsoumis, mais qu'ils gouvernent comme leur tant soumis, le changeant et le pliant aux formes qu'ilsveulent lui donner pour le rendre propre leurs actes.

    L'COLE NO-PLATONICIENNE

    L'cole no-platonicienne d'Alexandrie a t remarquable plus d'un point de vue. Elle atent la fusion des philosophies de l'Orient avec celle des Grecs, et il est sorti des travaux deProclus, Plotin, Porphyre, Jamblique, des ides neuves sur un assez grand nombre de questions.Sans doute, on peut reprocher ces chercheurs une tendance trop grande vers la mysticit, mais ilssont, plus que d'autres, rapprochs de la vrit, que nous connaissons exprimentalementaujourd'hui.

    Les vies successives et le prisprit faisaient partie de leur enseignement. la sparation del'me et du corps se rattache, dans Plotin comme dans Platon, celle de la mtempsycose, oumtensomatose (pluralit des vies corporelles).

    Demandons-nous ce qu'est dans les animaux le principe qui les anime. S'il est vrai, commeon le dit, que les corps des animaux renferment des mes humaines qui ont pch, la partie de cesmes qui est sparable n'appartient pas en propre ces corps; tout en les assistant, elle ne leur est proprement parler pas prsente. En eux, la sensation est commune l'image de l'me et au corps,mais au corps en tant qu'organis et faonn par l'image de l'me. Pour les animaux dans le corpsdesquels ne se serait pas introduite une me humaine, ils sont engendrs par une illumination del'me universelle.(30)

    26Saint Augustin, Scsp. Cen, ad. litt., 1. 111; eh. X.27Homlie X, in Evang.28Sup. Quantie, Homlie X.29Abraham, t. II. ch. XIII, n 58.30Plotin, Ennade premire, livre 1; voir Ennades, 3 vol. in-8,1857-1860.

    14

  • 8/14/2019 Gabriel Delanne l Ame Est Immortelle

    15/185

    LME EST IMMORTELLE GABRIEL DELANNE

    Le passage de l'me humaine dans les corps des tres infrieurs est prsent ici sous uneforme dubitative. Nous savons, maintenant qu'aucun recul n'est possible sur l'ternelle voie dudevenir; car aucun progrs ne serait certain si nous pouvions perdre ce que nous avons acquis parnotre effort personnel. L'me qui est parvenue vaincre un vice en est jamais libre, c'est ce quiassure la Perfectibilit de l'esprit et garantit le bonheur dans l'avenir l'tre qui a su s'affranchir despassions mauvaises inhrentes son infrieur. Plotin affirme nettement la rincarnation, c'est--dire

    le passage de l'me d'un corps humain dans d'autres corps.

    C'est une croyance universellement admise que l'me commet des fautes, qu'elle les expie,qu'elle subit des punitions dans les enfers, et qu'elle passe ensuite dans de nouveaux corps.

    Quand nous nous garons dans la multiplicit que renferme l'univers, nous en sommes punis parnotre garement mme et par un sort moins heureux par la suite.

    Les dieux donnent chacun le sort qui lui convient et qui est en harmonie avec ses antcdentsdans ses existences successives. (31)

    Ceci est profondment juste et vrai, car nous sommes placs, dans nos vies multiples, vis vis de difficults que nous devons Surmonter pour amener notre amlioration morale ouintellectuelle; mais cela deviendrait faux, si on appliquait ce principe aux conditions sociales; caralors le riche aurait mrit de l'tre, et le pauvre serait ici en punition; ce qui est contraire l'observation journalire, Puisque nous pouvons constater que la vertu n'est l'apanage spciald'aucune classe de la socit.

    Il y a pour l'me deux manires d'tre dans un corps: l'une a lieu quand l'me, tant dj dans uncorps cleste, subit une mtensomatose, c'est--dire quand elle passe d'un corps arien ou ign dansun corps terrestre, migration qu'on n'appelle pas ordinairement mtensomatose, parce qu'on ne voitpas d'o l'me vient; l'autre manire a lieu quand l'me passe de l'tat incorporel dans un corps quelqu'il soit, et qu'elle entre ainsi pour la premire fois en communion avec le corps. Les mesdescendent du monde intelligible dans le premier ciel; l, elles prennent un corps (spirituel), et, envertu de ce corps mme, elles passent dans des corps terrestres, selon qu'elles s'avancent plus oumoins loin (du monde intelligible)

    Cette doctrine est dveloppe longuement par Porphyre dans sa Thorie des Intelligibles(paragraphe 82) o il s'exprime ainsi: Quand l'me sort du corps solide, elle ne se spare pas del'esprit qu'elle a reu des sphres clestes.

    On retrouve la mme ide dans les crits de Proclus, qui appelle cet esprit le vhicule de

    l'me.Il rsulte d'une tude attentive de ces doctrines que les noplatoniciens ont senti la ncessit,

    pour l'me, d'une enveloppe subtile dans laquelle s'enregistrent, s'incorporent les tats de l'esprit. Ilfaut bien, en effet, que l'esprit, travers ses vies successives, conserve les progrs acquis, sans quoiil se retrouverait chaque incarnation comme la premire, et recommencerait perptuellement lamme vie.

    LES POTES.

    Le moyen ge a hrit de ces conceptions, comme on peut le constater dans le passage

    suivant de la Divine Comdie, de Dante:

    31Plotin, Ennade deuxime.

    15

  • 8/14/2019 Gabriel Delanne l Ame Est Immortelle

    16/185

    LME EST IMMORTELLE GABRIEL DELANNE

    Aussitt qu'une place a t assigne l'me (aprs la mort), sa facult formelle rayonne autourd'elle, de mme et autant qu'elle le faisait dans ses membres vivants. Et comme l'atmosphre,lorsqu'elle est bien charge de pluie et que les rayons viennent s'y reflter, se montre orne decouleurs diverses, ainsi l'air qui l'entoure prend cette forme que lui imprime virtuellement l'me ens'y arrtant; et, semblable la flamme qui suit le feu partout o il va, cette forme nouvelle suit l'me

    en tout lieu. Comme elle tire de l son apparence, elle est appele ombre, et ensuite elle organisetous les sens, jusqu' celui de la vue.(32)

    C'est si bien une obligation pour l'intelligence d'unir l'esprit la matire, que les plus grandspotes n'y ont jamais manqu, et ils ont toujours revtu de formes corporelles les tres clestes, dontla pure essence ne peut tre perue par les organes des sens. Milton, dans la Guerre des Anges, n'apas hsit prter un corps, quelque subtil et arien qu'il l'ait voulu dpeindre, ces tres extra-humains qu'il concevait comme purement spirituels par leur nature propre. Voici comment ils'exprime, dans son pome du Paradis perdu, au sujet des anges:

    Ils vivent tout cur, toute tte, tout oeil, toute oreille, toute intelligence, tout sens; ils se donnent

    leur gr des membres, et ils prennent la couleur, la forme et la grosseur, dense ou rare qu'ils aimentle mieux.

    Ossian a revtu galement de formes sensibles les esprits ariens qu'il croyait voir dans lesvapeurs de la nuit et entendre dans les mugissements de la tempte.

    Klopstock a reprsent, dans sa Messiade, le corps du sraphin Eloh comme form par unrayon du matin et celui de l'ange de la

    Mort comme d'une vague de flamme dans les nuages tnbreux. Il prcise son ide dans ladissertation qu'il a place en tte du sixime livre de son pope; il soutient qu'il est bienvraisemblable que les Esprits finis dont l'occupation habituelle est de mditer sur les corps dont lemonde physique se compose, sont eux-mmes revtus de corps, et qu'on doit croire en particulierque les anges, dont Dieu se sert si souvent pour conduire la flicit les mortels, auront reu eux-mmes quelque sorte de corps qui corresponde ceux des lus, que Dieu appelle cette suprmeflicit.

    Le pntrant gnie de Leibnitz ne s'y est pas tromp:

    Je crois, dit-il, avec la plupart des anciens, que tous les gnies, toutes les mes, toutes lessubstances simples cres, sont toujours jointes un corps, et qu'il n'y a jamais des mes qui en

    soient entirement spares ... J'ajoute encore qu'aucun drangement des organes visibles n'estcapable de porter les choses une entire confusion dans l'animal, ou de dtruire tous les organes etde priver l'me de tout son corps organique et des restes ineffaables de toutes les tracesprcdentes. Mais la facilit qu'on a eue de quitter les corps subtils joints aux anges (qu'onconfondait avec la corporalit des anges mmes), et l'introduction de prtendues intelligencesspares dans les cratures ( quoi celles qui font rouler les cieux d'Aristote ont contribubeaucoup), et enfin l'opinion mal entendue o l'on a t que l'on ne pouvait conserver les mes desbtes sans tomber dans la mtempsycose, ont fait, mon avis, qu'on a nglig la manire naturelled'expliquer la conservation de l'me .(33)

    32La Divine Comdie (Purgatoire, XXV), traduction de M. Florentin.33Leibnitz, Nouveaux essais. Avant-propos.

    16

  • 8/14/2019 Gabriel Delanne l Ame Est Immortelle

    17/185

    LME EST IMMORTELLE GABRIEL DELANNE

    Il faut arriver jusqu' Charles Bonnet (34) pour avoir une thorie qui, bien qu'elle ne s'appuiepas sur les faits se rapproche singulirement de celle que le spiritisme nous a permis d'difier ennous basant sur l'exprience. Nous allons citer librement les passages les plus importants de sesouvrages, relatif notre sujet. On admirera la logique puissante de ce profond penseur qui a trouv,il y a plus de cent Cinquante ans, les vritables conditions de l'immortalit.

    En tudiant avec quelque soin, dit-il, les facults de l'homme, en observant leursdpendances mutuelles ou cette subordination qui les assujettit les unes aux autres, et leurs objets,nous parvenons facilement dcouvrir quels sont les moyens naturels par lesquels elles sedveloppent et se perfectionnent ici-bas. Nous pouvons donc concevoir des moyens analogues Plusefficaces, qui porteraient ces facults un plus haut degr de perfection.

    Le degr de perfection auquel l'homme peut atteindre ici-bas est en rapport avec lesmoyens qui lui sont donns de connatre et d'agir. Ces moyens sont eux-mmes en rapport directavec le monde qu'il habite actuellement.

    Un tat plus relev des facults humaines n'aurait donc pas t en rapport avec ce monde

    dans lequel l'homme devait passer les premiers moments de son existence. Mais ses facults sontindfiniment perfectibles, et nous concevons fort bien que quelques-uns des moyens naturels qui lesperfectionneront un jour peuvent exister ds prsent dans l'homme.

    Ainsi, puisque l'homme tait appel habiter successivement deux mondes diffrents, saconstitution originelle devait renfermer des choses relatives ces deux mondes. Le corps animaldevait tre en rapport direct avec le premier monde, le corps spirituel avec le second.

    Deux moyens principaux pourront perfectionner dans le monde venir toutes les facultsde l'homme: des sens plus exquis et de nouveaux sens. Les sens sont la premire source de toutesnos connaissances. Nos ides les plus rflectives, les plus abstraites, drivent toujours de nos idessensibles.L'esprit ne cre rien, mais il opre sans cesse sur cette multitude presque infinie de perceptionsdiverses qu'il acquiert par le ministre des sens.

    De ces oprations de l'esprit, qui sont toujours des comparaisons, des combinaisons, desabstractions, naissent par une gnration naturelle, toutes les sciences et tous les arts.

    Les sens, destins transmettre l'esprit les impressions des objets, sont en rapport avecles objets. Lil est en rapport avec la lumire, l'oreille avec le son, etc.(35)

    Plus les rapports que les sens soutiennent avec les objets sont parfaits, nombreux, divers, et plus ilsmanifestent l'esprit de qualits de objets, et plus encore les perceptions de ces qualits sont claires,vives, compltes.

    Plus l'ide sensible que l'esprit acquiert d'un objet est vive, complte, et plus l'ide rflchie qu'ils'en forme est distincte.

    Nous concevons sans peine que nos sens actuels sont susceptibles d'un degr de perfection fortsuprieur celui que nous leur connaissons ici-bas, et qui nous tonne dans certains sujets. Nouspouvons mme nous faire une ide nette de cet accroissement de perfection, par les effetsprodigieux des instruments d'optique et d'acoustique.

    34Charles Bonnet, Essai analytique, p. 528 et suivantes. - Voir aussi Palingnsie, t. II.35La thorie de l'volution fait trs bien comprendre comment la fonction a cr l'organe. Voir G. Delanne, l'VOLUTIONANIMIQUE - ch. III, Comment le prisprit a pu acqurir des proprits fonctionnelles

    17

  • 8/14/2019 Gabriel Delanne l Ame Est Immortelle

    18/185

    LME EST IMMORTELLE GABRIEL DELANNE

    Qu'on se figure Aristote observant une mite avec un microscope, ou contemplant avec untlescope Jupiter et ses lunes; quels n'eussent point t sa surprise et son ravissement! Quels neseront point aussi les ntres, lorsque, revtus de notre corps spirituel, nos sens auront acquis toute laperfection qu'ils peuvent recevoir de l'auteur bienfaisant de notre tre!

    On imaginera, si l'on veut, que nos yeux runiront alors les avantages des microscopes et destlescopes, et qu'ils se proportionneront exactement toutes les distances. Et combien les verres desces nouvelles lunettes seront-ils suprieurs ceux dont l'art se glorifie! On doit appliquer aux autressens ce qui vient d'tre dit de la vue. Quels ne seraient alors point les rapides progrs de nossciences physico-mathmatiques, s'il nous tait donn de dcouvrir les premiers principes des corpssoit fluides, soit solides! Nous verrions alors, par intuition, ce que nous tentons de deviner l'aidede raisonnements et de calculs, d'autant plus incertains que notre connaissance directe est plusimparfaite. Quelle multitude innombrable de rapports nous chappent, prcisment parce que nousne pouvons pas apercevoir la figure, les proportions, l'arrangement de ces corpuscules infinimentpetits, sur lesquels pourtant repose le grand difice de la nature.

    Il ne nous est pas fort difficile non plus de concevoir que le germe du corps spirituel peutcontenir, ds prsent, les lments organiques de nouveaux sens, qui ne se dvelopperont qu' larsurrection. (36)

    Ces nouveaux sens nous manifesteront dans les corps des proprits qui nous seront toujoursinconnues ici-bas. Combien de qualits sensibles que nous ignorons encore, et que nous nedcouvririons point sans tonnement. Nous ne connaissons les diffrentes forces rpandues dans lanature que dans le rapport aux diffrents sens sur lesquels elles dploient leur action. Combien deforces dont nous ne souponnons pas mme l'existence, parce qu'il n'est aucun rapport entre lesides que nous acqurons par nos cinq sens et celles que nous pourrons acqurir par d'autres sens !(37)

    levons nos regards vers la vote toile: contemplons cette collection immense de soleils etde mondes dissmins dans l'espace, et admirons que ce vermisseau qui porte le nom d'homme aitune raison capable de pntrer l'existence de ces mondes et de s'lancer ainsi jusqu'aux extrmitsde la cration.

    Poursuivant logiquement ce qui tait pour lui une hypothse, et pour nous une certitudeexprimentale l'auteur ajoute:

    Si notre connaissance rflchie drive essentiellement de notre connaissance intuitive; si nos

    richesses intellectuelles s'accroissent par les comparaisons que nous formons entre nos idessensibles de tout genre; si nous comparons d'autant plus que nous connaissons davantage; si enfinnotre intelligence se dveloppe et se perfectionne proportion que nos comparaisons s'tendent, sediversifient, se multiplient, quels ne seront point l'accroissement et le perfectionnement de nosconnaissances naturelles, lorsque nous ne serons plus borns comparer les individus, les espcesaux espces, les rgnes aux rgnes, et qu'il nous sera donn de comparer les mondes aux mondes!

    Si la suprme intelligence a vari ici-bas toutes ses oeuvres; si elle n'a rien cr d'identique; si uneprogression harmonique rgne entre tous les tres terrestres; si une mme chane les embrasse tous,

    36Le prisprit contient, ds prsent, tous les sens. Le corps ne possde que les instruments qui servent l'exercice des facults. Cen'est pas lil qui voit, c'est l'me; l'oreille n'entend pas, elle n'est que l'instrument de l'audition, car si la communication entre lecerveau et lil ou l'oreille est interrompue, bien que l'appareil soit intact, la perception n'a pas lieu. D'ailleurs, la vision ou d'auditionpeut se faire sans la participation de lil ou de l'oreille, comme dans la lucidit somnambulique. 37La matire radiante, les rayons X et le spectroscope justifient pleinement ces intuitions de gnie.

    18

  • 8/14/2019 Gabriel Delanne l Ame Est Immortelle

    19/185

    LME EST IMMORTELLE GABRIEL DELANNE

    combien est-il probable que cette chane merveilleuse se prolonge dans tous les mondes plantairesqu'elle les unit tous et qu'ils ne sont que les parties conscutives et infinitsimales de la mmesrie.(38)

    De quels sentiments notre me ne sera-t-elle donc point inonde, lorsque, aprs avoir tudi fondl'conomie d'un monde, nous volerons vers un autre, et que nous comparerons entre elles ces deux

    conomies! Quelle ne sera point alors la perfection de notre cosmologie! Quels ne sera point lagnralisation et la fcondit de nos principes, l'enchanement, la multitude et la justesse de nosconsquences! Quelle lumire rejaillira de tant d'objets divers sur les autres branches de nosconnaissances, sur notre astronomie, sur nos sciences rationnelles, et principalement sur cettescience divine qui s'occupe de l'tre des tres !

    Ces inductions, si bien tablies par le raisonnement ont t pleinement justifies notrepoque. Le corps destin une vie suprieur existe ds maintenant dans l'organisme humain; il y

    joue un rle de premier ordre, et c'est grce lui que nous pouvons conserver le trsor de nosacquisitions intellectuelles. Nous constaterons plus loin que le prisprit est une ralit physiqueaussi certaine que celle de l'organisme matriel: on le voit, on le touche, on le photographie; en un

    mot, ce qui n'tait qu'une thorie philosophique, grandiose et consolante, il est vrai, mais toujoursrcusable, est devenu un fait scientifique, qui donne ces envoles de l'esprit la conscrationinattaquable de l'exprience.

    CHAPITRE II

    TUDE DE L'ME PAR LE MAGNTISME

    Nous venons de voir, dans le chapitre prcdent, que l'ide d'une certaine corporit,insparable de l'me, a t la croyance presque gnrale de l'antiquit et celle d'une multitude depenseurs jusqu' notre poque(1). Il est vident que cette conception rsulte de la difficult que nousprouvons imaginer une entit purement spirituelle. Nos sens ne nous font connatre que lamatire, et il faut exercer la vue intrieure pour sentir qu'il y a, en nous, autre chose que ce principe.La pense, seule, nous fait admettre par son absence de caractres physiques qu'il existe quelquechose qui diffre de ce qui tombe sous les sens.

    Mais l'ide d'un corps fluidique rsulte aussi des apparitions. Il est vident que, lorsqu'onvoit l'me d'une personne morte, il faut bien qu'elle ait une certaine objectivit, sans quoi elledemeurerait invisible. Or, ce phnomne s'est produit dans tous les temps, et les histoires religieuseset profanes fourmillent d'exemples de ces manifestations de l'au-del.

    Nous n'ignorons pas que la critique contemporaine a fait litire de ces faits. Elle les aattribus, en bloc, des illusions des hallucinations ou la crdulit superstitieuse de nos aeux.Strauss, Taine, Littr, Renan, etc., passent systmatiquement sous silence tous les cas que nouspourrions revendiquer. Mais ce procd n'est pas justifi, car, de nos jours, nous pouvons constaterles mmes apparitions, et cette fois avec tous les procds qui permettent d'en faire un contrlesvre. Ds lors, nous pouvons admettre que ces savants se sont tromps et qu'il y a lieu de tenircompte de ces rcits du pass.

    38Les tudes et les photographies des Canaux de Mars permettent aujourd'hui de croire que ce monde est habit. Ceci confirmepleinement les judicieuses dductions deCharles Bonnet, et nous incite croire que tous les mondes sont, ont t ou seront peuplespar des tres intelligents.1PEZZANI, La Pluralit des existences de l'me. Voir les nombreux crivains modernes qui affirment leur croyance au prisprit,Dupont de Nemours, Pierre Leroux, Ballanche, Fourier, Jean Reynaud, Esquiros, Flammarion, etc.

    19

  • 8/14/2019 Gabriel Delanne l Ame Est Immortelle

    20/185

    LME EST IMMORTELLE GABRIEL DELANNE

    D'ailleurs, c'est un fait positif que les phnomnes du spiritisme ne sont pas nouveaux. ilsont eu lieu de tout temps. Toujours il a exist des maisons hantes et des apparitions( 2); ds lors, onconoit que l'ide que l'me n'et pas purement immatrielle a pu se conserver, malgrl'enseignement contraire des philosophies et des religions(3).

    Mais cette notion d'une enveloppe de l'me tait bien vague, bien indtermine. Ce corps

    fluidique tait-il form subitement au moment de la mort terrestre? L'me se revtait-elle de cettesubstance subtile pour un certain temps, ou pour toujours? Ou bien, cette apparence vaporeusen'tait-elle due qu' une action momentane, transitoire de l'me sur l'atmosphre, devant cesseravec la cause qui l'avait produite? Autant de questions insolubles, tant que l'on ne pourrait observer loisir les apparitions.

    LA VOYANTE DE PRVORST

    Le magntisme est venu fournir le premier un moyen de pntrer dans ce domaineinaccessible du lendemain de la mort. Le somnambulisme, dcouvert par M. de Puysgur, a tl'instrument d'investigation de ce monde nouveau. Les somnambules, soumis cet tat nerveux, ont

    pu entrer en rapport avec les mes dsincarnes, les dcrire minutieusement, de manire convaincre les assistants qu'ils causaient vritablement avec des Esprits.

    Le Dr Kerner, aussi rput pour son savoir que pour sa parfaite honntet, a crit la biographie deMadame Hauffe, plus connue sous le nom de: La voyante de Prvorst(4) . Elle n'avait pas besoind'tre endormie pour voir les Esprits; sa nature dlicate et affine par la maladie lui permettait depercevoir des formes invisibles pour les autres personnes prsentes. Sa premire vision eut lieu dansune cuisine du chteau de Lowenstein. C'tait un fantme de femme qu'elle revit ailleurs, quelquesannes plus tard.

    Elle racontait, mais quand on la questionnait beaucoup, jamais spontanment, avoir toujoursprs d'elle, comme en ont eu Socrate, Platon et autres, un ange ou daimon, l'avertissant des dangers viter, non seulement pour elle, mais aussi pour d'autres personnes. C'tait l'esprit de sagrand'mre, Mme Schmidt Gall. Il tait vtu, comme tous les esprits fminins qui lui apparaissaient,d'une robe blanche ceinture et d'un grand voile, galement blanc.

    La voyante de Prvorst disait qu'aprs la mort, l'me conserve un esprit nervique qui est saforme. C'est cette enveloppe qu'elle avait la facult de voir sans tre endormie, et beaucoup mieux la clart du soleil ou de la lune que dans l'obscurit. Les mes n'ont, disait-elle, point d'ombre.Leur forme est gristre; leurs vtements, ceux qu'elles ont ports dans ce monde, mais gristrescomme elles-mmes. Les meilleures ont seulement de grandes robes blanches et semblent planer,

    tandis que les mauvaises marchent pniblement. Leurs yeux sont tous tincelants. Elles peuvent nonseulement parler, mais produire des sons, tels que soupirs, frlements de soie ou de papier, coupssur des murs ou des meubles, bruits de sable, de cailloux ou de chaussures tranes sur le sol. Ellessont aussi capables de mouvoir les objets les plus lourds et d'ouvrir ou de fermer les portes.

    Ces visions taient-elles objectives? C'est--dire avaient-elles lieu ailleurs que dans lecerveau de Mme Hauffe? Le Dr Kerner fit plusieurs enqutes pour s'assurer de la ralit de cesesprits, perceptibles seulement pour la voyante

    2Chacun connat les apparitions publiques de Castor et Pollux; le fantme de Brutus, la veille de Pharsale, la maison hanted'Alexandrie, dont parle Pline, etc.3Steki, le Spiritisme dans la Bible.4Voir la traduction franaise de luvre du Dr Kerner par le Dr Dusart.

    20

  • 8/14/2019 Gabriel Delanne l Ame Est Immortelle

    21/185

    LME EST IMMORTELLE GABRIEL DELANNE

    Oberstenfald, une de ces mes, celle du comte Weiler, qui avait assassin son frre, se prsenta Mme Hauffe jusqu' sept fois. Mme Hauffe seule la vit; mais plusieurs de ses parents entendirentune explosion, virent des carreaux, des meubles et des chandeliers se dplacer sans que personne ytoucht, chaque fois que le fantme revint.

    Une autre me d'assassin, vtue d'un froc, poursuivit la voyante toute une anne, lui demandant,

    comme l'avait fait le comte Weiler, des prires et des leons de catchisme. Cette me ouvrait etfermait violemment les portes, remuait la vaisselle, bouleversait les piles de bois, frappait de grandscoups sur les murailles, et semblait se faire un jeu de changer de place tout moment. Vingtpersonnes respectables l'on entendue, soit dans la maison, soit dans la rue, et certifieraient au besoinle fait.

    Un fantme de femme, portant dans ses bras un enfant, se montra Mme Hauffe plusieurs fois.Comme ce fut le plus souvent dans sa cuisine, elle fit lever quelques dalles, et l'on trouva, uneassez grande profondeur, le cadavre d'un enfant.

    Weinsperg, l'me d'un teneur de livres, qui avait commis quelques infidlits pendant sa vie, la

    vint prier, en redingote noire rpe, de dire sa veuve de ne pas cacher davantage les livres danslesquels se trouvaient ses fausses critures et lui indiqua les endroits o ils taient, pour qu'elle lesdnont la justice. Elle obit. l'aide de ces livres, quelques torts du mort furent rpars.

    Lenach, ce fut l'me d'un bourgmestre nomm Bellon, mort en 1740, l'ge de soixante-dix-neuf ans, qui vint lui demander des conseils pour chapper la perscution de deux orphelins. Ellelui donna ces conseils, et aprs six mois l'me ne revint plus.

    On trouve cette mort mentionne dans les registres de la paroisse de Lenach, avec une note portantque le bourgmestre avait fait tort plusieurs enfants dont il tait tuteur.

    Le Dr Kerner ajoute qu'il pourrait citer encore une vingtaine d'apparitions dont l'authenticita t vrifie ultrieurement. L'honorabilit de ce docteur tant parfaitement tablie, Mme Hauffe,presque toujours alite, ne pouvant se dplacer et entoure de membres de sa famille, aucunesupercherie n'aurait t possible. Les faits sont donc rels, et bien qu'ils se soient produits longtempsavant que l'on parlt de spiritisme, ils ont avec ceux observs de nos jours les plus grandesanalogies.

    LA CORRESPONDANCE DE BILLOT ET DE DELEUZE

    coutons maintenant un second tmoin autoris, mdecin et fort honnte homme, le

    vnrable Billot, affirmer sa croyance aux Esprits, dans la correspondance qu'il entretint avecDeleuze(5).

    Un phnomne qui constaterait positivement l'existence des Esprits, de ces tres immatriels qui,selon les esprits forts, ne peuvent en aucune manire tomber sous les sens de l'homme, serait bienpropre sans doute piquer la curiosit publique et fixer surtout l'attention des savants de tous lespays, quelque opinion qu'ils eussent cet gard... Eh bien ce phnomne existe. Cette assertion, qui,de prime abord, a l'air d'un paradoxe, pour ne pas dire d'une extravagance, n'en est pas moins unegrande vrit(6).

    5Correspondance sur le magntisme vital, etc., par G. Billot, docteur en mdecine, Paris, 1839.6Billot, Correspondance, p. 37, t. 1.

    21

  • 8/14/2019 Gabriel Delanne l Ame Est Immortelle

    22/185

    LME EST IMMORTELLE GABRIEL DELANNE

    Notre auteur rapporte qu'il a fait partie pendant longtemps d'une association de magntiseurset de sujets o il observa des phnomnes de communication avec les Esprits, ce qui dtermina sacroyance un monde invisible, peupl par les mes de personnes dcdes.

    Les sances commenaient par la partie mystique, c'est--dire par l'athanotophanie, ouapparition des Esprits, et se terminaient par la partie mdicale, c'est--dire par le raphaelisme ou

    mdecine anglique. Quand je dis apparition, je n'entends point que ces Esprits se rendissentvisibles aux socitaires, ils ne l'taient que pour les somnambules. Nanmoins, leur prsence taitmarque par quelque signe positif, fait que je puis attester, attendu que j'tais charg d'crire tout cequi passait dans ces sances.

    Le plus souvent, ces intelligences qui dirigent les somnambules prennent des formesd'anges. Ils ont des tuniques blanches, des ceintures d'argent et parfois des ailes. Il arrive aussi queles lucides reconnaissent des personnes du pays, mortes depuis plus ou moins longtemps. Mme l'tat normal les sujets peroivent souvent la voix des guides invisibles.

    Je sens d'abord, dit l'un d'eux, un petit souffle comme celui du plus lger zphir, qui

    rafrachit et glace bientt mon oreille. Ds ce moment, je perds l'oue, et je commence entendre unpetit bourdonnement dans l'oreille, comme celui d'un cousin. Prtant alors l'attention la plus svre,

    j'entends une petite voix qui me dit ce que je rpte ensuite.

    Hallucination de l'oue dira le docteur moderne qui lira ce rcit, provoque probablement parauto-suggestion ou par une suggestion inconsciente du Dr Billot. Mais cette explication ne sera plusde mise si l'on constate que l'tre invisible exerce un action physique sur le somnambule, sans quecelui-ci ait song ce qui va arriver, et la premire fois en l'absence du docteur.

    En effet, ces guides spirituels peuvent agir sur le corps des sujets, car le docteur a t tmoin d'unesaigne qui s'arrtait d'elle-mme, lorsque la quantit de sang sortie tait suffisante. Il n'y avait, dansce cas, nul besoin de faire de ligature(7).

    On remarque chaque instant, dans les lettres de ce savant, qu'il a pu assister, pendant delongues annes, des visions d'Esprits, lesquels sont soigneusement dcrits par les somnambules.Avec un remarquable sens critique, Billot a soumis ses sujets des expriences nombreuses, et cen'est qu'aprs avoir longuement tudi qu'il se prononce catgoriquement. Nous n'avons pas affaire un croyant qui accepte aveuglment toutes les doctrines. Il raisonne froidement et ne se rend qu'l'vidence. Il a trop de bon sens pour attribuer l'action de l'Esprit sur la matire ces causessurnaturelles, il n'y voit que l'effet de lois encore ignores, mais que l'on dcouvrira un jour:

    Quant aux oprations des Esprits sur le corps, s'il en est quelques-unes qui tiennent du prodige,elles ne sont pas pour cela contre nature, mais contre ce qui est connu de la nature. Or, comme il y aencore dans la nature bien des choses caches aux hommes, il n'est pas bien tonnant que l'ontrouve surnaturels certains phnomnes qui rentrent pourtant dans l'ordre des choses cres; et sicertaines lois de la nature nous sont caches, c'est parce que l'on n'a pas encore tudi l'hommecomme il doit l'tre, c'est--dire dans tous ses rapports avec la cration. (8)

    Il est curieux d'observer dans cette correspondance le caractre particulier de chacun desinterlocuteurs; Deleuze, froid et dfiant, ne se rend qu'avec peine aux pressantes objurgations dusolitaire, ainsi que s'intitule Billot. Cependant, il convient la fin qu'il a pu observer des sujetsqui taient en rapport avec les mes des morts.

    7Correspondance, t. 1, p. 93.8Correspondance, t. I, note H, page 305.

    22

  • 8/14/2019 Gabriel Delanne l Ame Est Immortelle

    23/185

    LME EST IMMORTELLE GABRIEL DELANNE

    Le magntisme, dit-il, dmontre la spiritualit de l'me et son immortalit; il prouve la possibilitde la communication des intelligences spares de la matire avec celles qui lui sont encore unies,mais il ne m'a jamais prsent des phnomnes qui m'aient convaincu que cette possibilit se ralisesouvent(9).

    Un peu plus tard, il devient plus affirmatif, il crit au Dr Billot(10):

    Le seul phnomne qui semble tablir la communication avec les intelligencesimmatrielles, ce sont les apparitions. Il y en a plusieurs exemples, et, comme je suis convaincu del'immortalit de l'me, je ne vois pas de raison pour nier la possibilit de l'apparition des personnesqui ayant quitt cette vie, s'occupent de ceux qu'elles ont chris et viennent se prsenter eux pourleur donner des avis salutaires. Je viens d'en avoir un exemple, le voici:

    Une demoiselle somnambule, qui avait perdu son pre, l'a vue deux fois trs distinctement. Il estvenu lui donner des avis importants. Aprs lui avoir donn des loges sur sa conduite, il lui a apprisqu'il allait se prsenter un parti pour elle: que ce parti paratrait convenable, et que le jeune hommene lui dplairait point, mais qu'elle ne serait pas heureuse avec lui et qu'il lui conseillait de le

    refuser. Il ajouta que, si elle n'acceptait pas ce parti, un autre se prsenterait bientt aprs, et quetout serait conclu avant la fin de l'anne. C'tait au mois d'octobre.

    Le premier jeune homme a t propos la mre; mais la fille, frappe de ce que son pre lui avaitdit, a refus.

    Un second jeune homme, qui arrivait de province, a t prsent la mre par des amis; il ademand la demoiselle et le mariage a t arrt le 30 dcembre.

    Je ne prtends pas donner ce fait comme une preuve sans rplique de la ralit des apparitions;mais, du moins, il la rend vraisemblable, d'autant plus que l'on sait qu'il existe d'autres faits de cegenre.

    Afin d'amener son ami une croyance complte, Billot se dcide lui raconter lesphnomnes d'apports dont il a t le tmoin. Ici, on ne peut douter qu'une intelligence trangreaux assistants ne soit en relations avec la somnambule, puisqu'il reste une preuve tangible de cetteaction supra-terrestre.

    Voici comment ce phnomne est relat par notre docteur:

    Je prends Dieu tmoin de la vrit du contenu des observations qui vont suivre... la cause

    ressortira des seules dmonstrations matrielles, et tombera sous les sens, par suite de l'observationet de l'exprience.

    1re Observation:

    Une dame, frappe depuis quelque temps de ccit incomplte, sollicitait auprs de nossomnambules quelques secours pour arrter les progrs de l'amaurose qui, bientt, ne lui laisseraitplus distinguer la clart des tnbres. Lorsque, un jour de sance (17 octobre 1820), la somnambuleconsulte dit: Une jeune vierge me prsente une plante.. elle est tout en fleurs... je ne la connaispoint... on ne m'en dit pas le nom... cependant, elle est ncessaire Mme J ...

    9Correspondance, t. 11, page 18 et plus loin, page 137.10Le Docteur Billot habitait au Mont Luberon, prs d'Apt.

    23

  • 8/14/2019 Gabriel Delanne l Ame Est Immortelle

    24/185

  • 8/14/2019 Gabriel Delanne l Ame Est Immortelle

    25/185

    LME EST IMMORTELLE GABRIEL DELANNE

    LES RCITS DE CHARDEL

    Voici plusieurs extraits de Chardel qui nous instruisent la fois sur les rapports dessomnambules avec le monde dsincarn, et sur l'tat de l'me du sujet pendant le

    somnambulisme(11

    ).

    Un jour que la somnambule Lefrey dictait son magntiseur quelques prescriptionsthrapeutiques, elle lui dit d'un ton singulier:

    Vous entendez bien qu'il me l'ordonne?

    - Qui demande le docteur, vous ordonne cela? - Mais lui, vous ne l'entendez pas'?

    - Non, je n'entends ni ne vois personne.

    - Ah! c'est juste, reprit-elle, vous dormez, tandis que moi, je suis veille...

    - Comment vous rvez, ma chre, vous prtendez que je dors pendant que j'ai les yeux parfaitementouverts, que je vous tiens sous mon influence magntique, et qu'il ne dpend que de ma volont devous ramener l'tat dans lequel vous tiez tout l'heure. Vous vous croyez veille parce que vousme parlez et que vous avez jusqu' un certain point votre libre arbitre, tandis que vous ne pouvezpas desserrer vos paupires.

    - Vous tes endormi, je le rpte; moi, au contraire, je suis presque aussi compltement veille quenous le serons tous un jour venir. Je m'explique: tout ce que vous pouvez voir actuellement estgrossier, matriel; vous en distinguez la forme apparente, mais les beauts relles vous chappent;tandis que moi dont les sensations corporelles sont momentanment suspendues, dont l'me estpresque entirement dgage de ses entraves ordinaires, je vois ce qui est invisible vos yeux,

    j'entends ce que vos oreilles ne peuvent entendre, je comprends ce qui pour vous estincomprhensible.

    Par exemple, vous ne voyez pas ce qui sort de vous pour venir moi, lorsque vous me magntisez;moi, je le vois trs bien. chaque passe que vous dirigez vers moi, je vois comme de petitescolonnes d'une poussire de feu qui sort du bout de vos doigts, et vient s'incorporer en moi, et,quand vous m'isolez, je suis environne peu prs d'une atmosphre ardente de cette mmepoussire de feu(12). J'entends, quand j'en ai le dsir, le bruit qui se fait au loin, les sons qui partent

    et se rpandent cent lieues d'ici; en un mot, je n'ai pas besoin que les choses viennent moi, jepuis aller elles, en quelque lieu qu'elles se trouvent, et en faire une apprciation beaucoup Plusjuste que ne le pourrait tout autre personne qui ne serait pas dans un tat analogue au mien.

    L'auteur de la physiologie du Magntisme rapporte aussi qu'une somnambule avait, la nuit, pendantle sommeil naturel, une sorte d'extase qu'elle expliquait en ces termes.

    J'entre, alors, disait-elle, dans un tat semblable celui que le magntiseur me procure et moncorps se dilatant peu peu, je le vois trs distinctement loin de moi, immobile et froid comme un

    11Chardel, Physiologie du Magntisme, p. 85, 87 et 32812

    On ne dira pas ici que la somnambule tait suggestionne par son magntiseur, puisque celui-ci ignorait Il existence des effluves.Consulter de Rochas, Extriorisation de la sensibilit. Voir les expriences qui tablissent l'objectivit de ce phnomne, avec unsujet dont la vision tait contrle par l'tude spectroscopique de la rfraction et de la polarisation des effluves s'chappant des doigtsdu magntiseur. Les longueurs d'ondes indiques par le voyant taient celles qui correspondaient au rouge et au violet, couleurs vuesrellement comme manant du magntiseur.

    25

  • 8/14/2019 Gabriel Delanne l Ame Est Immortelle

    26/185

    LME EST IMMORTELLE GABRIEL DELANNE

    mort; quant moi, je me parais une vapeur lumineuse et je me sens penser spare de mon corps;dans cet tat, je comprends et je vois beaucoup plus de choses que dans le somnambulisme, lorsquela facult de penser s'exerce sans que je sois spare de mes organes; mais, aprs qu'il s'est coulquelques minutes, un quart d'heure au plus, la vapeur lumineuse de mon me se rapproche de plusen plus de mon corps, je perds connaissance et l'extase cesse.

    L'auteur ajoute qu' ce degr d'panouissement du systme nerveux, l'homme spiritualis,ou, si l'on aime mieux, fluidifi dans tout son tre, jouit de toutes les facults de ceux qu'on appelleles Esprits, et que c'est seulement en cet tat que la centralisation de la sensibilit nerveuse estcomme rompue et toute diffuse.

    Nous verrons que le rcit de cette somnambule, relatif l'tat de vapeur lumineuse qu'ellerevt une fois sortie de son corps, est confirm exprimentalement par les travaux de M. de Rochassur l'extriorisation de la sensibilit.

    Poursuivons.

    Une autre somnambule qui avait, comme celle-ci, dans les heures de la nuit, des visions quine ressemblaient en rien aux rves ordinaires, et la laissaient dans une fatigue extrme, dit un jourau mme docteur:

    Je croyais tre suspendue dans l'air sans forme matrielle, mais toute vapeur et toute lumire; jevous montrais mon corps que j'avais quitt, tendu dans mon lit: ce n'tait qu'un cadavre. Vousvoyez, vous disais-je, il est mort, il sera ainsi dans trente jours. Puis, insensiblement, cette lumireque je sentais tre moi se rapprocha du cadavre, s'y mit, et je repris mes sens, brise comme aprsun long et pnible sommeil magntique.

    AUTRES TMOIGNAGES

    Pour ceux qui croient l'immortalit de l'me, il est certain que, si l'on peut communiqueravec les Esprits, ce doit tre en se mettant dans une position qui se rapproche le plus de celle quel'on aura aprs la mort.

    Or, le somnambulisme chez certains sujets parat minemment propre produire ce rsultat.L'esprit, momentanment dgag, du moins en partie, du lien physiologique, se trouve dans un tatvoisin de celui qui deviendra permanent un jour. De plus, si l'on admet que les mes dsincarnescommuniquent entre elles, ce qui semble vident, il est clair qu'elles pourront se manifester auxsomnambules lorsque ceux-ci seront dans le sommeil magntique.

    C'est ce que la plupart des magntiseurs ont t forcs. de reconnatre. Malgr sonscepticisme, le Dr Bertrand nous dit(13), parlant d'une somnambule trs lucide:

    Cette femme s'exprimait toujours comme si un tre distinct, spar d'elle, et dont la voix se faisaitentendre au creux de l'estomac, lui et rvl toute les notions extraordinaires qu'elle acqurait ensomnambulisme. J'ai vu le mme phnomne sur le plus grand nombre des somnambules que j' aiobservs. Le cas le plus ordinaire est celui o il semble au somnambule que les vnements qu'ilannonce lui sont rvls par une voix.

    Le baron du Potet, longtemps incrdule, fut contraint son tour de confesser la vrit. Il

    nous apprend comment il a retrouv dans le magntisme la spiritologie antique, et par quels

    13Dr Bertrand, Trait du somnambulisme, chap. 3 et 5.

    26

  • 8/14/2019 Gabriel Delanne l Ame Est Immortelle

    27/185

    LME EST IMMORTELLE GABRIEL DELANNE

    exemples lui-mme a t amen croire au monde des Esprits que le savant, dit-il(14), rejettecomme une des plus grandes erreurs du temps pass; mais aujourd'hui, l'homme profond est amen croire par un examen srieux des faits.

    Ailleurs(15), il affirme qu'on peut entrer en rapport avec les Esprits dgags de la matire, aupoint d'obtenir d'eux ce dont on a besoin.

    Nous pourrions multiplier les citations empruntes la riche bibliothque du magntismespiritualiste, et montrer que Charpignon, Ricard, l'abb Loubet, Teste, Aubin, Gauthier, Delage,etc., ont cru aux communications entre vivants et dsincarms. Mais nous n'oublions pas que notrebut spcial est l'tude du prisprit, c'est pourquoi nous arrivons immdiatement un chercheurconsciencieux, un homme de bonne foi, Cahagnet, qui a le mieux tudi ces phnomnes.

    LES EXPRIENCES DE CAHAGNET

    Jusqu'ici, nous entendons bien des magntiseurs affirmer des relations avec un monde supra-normal. Les sujets voient le plus souvent leur guide ou ange gardien, qu'ils dcrivent presque

    toujours comme un beau jeune homme vtu de blanc. Les visions sont trs souvent mystiques:parfois c'est la Vierge qui apparat; on rcite des prires pour loigner les mchants Esprits.Rarement le personnage dcrit est un dfunt.

    Les sujets voient-ils toujours des personnages rels? Nous ne le croyons pas; ils sont fortsouvent suggestionns par l'exprimentateur et aussi par leur imagination; il faut doncsoigneusement se garder d'accorder une crance quelconque leurs affirmations, tant qu'elles nesont pas appuyes par des preuves absolues, dans le genre de celles que nous avons rapportsd'aprs le Dr Billot.

    La vision d'un Esprit n'a de valeur positive qu'autant qu'il est tout fait certain que ce n'estpas une auto-suggestion du somnambule, ou une transmission de pense de la part de l'oprateur.

    Le fait suivant, cit par le Dr Bertrand dans une de ses confrences, et reproduit par legnral Noizet, en est une preuve convaincante (16) :

    Un magntiseur fort imbu d'ides mystiques avait un somnambule qui pendant son sommeil,ne voyait que des anges et des esprits de toute espce. Ces visions servaient confirmer de plus enplus le magntiseur dans sa croyance religieuse. Comme il citait toujours les rves de sonsomnambule l'appui de son systme, un autre magntiseur se chargea de le dtromper, en luimontrant qu'un somnambule n'avait les visions qu'il rapportait que parce que le type en existait dans

    sa propre tte. Il proposa pour prouver ce qu'il avanait de faire voir au mme somnambule larunion de tous les anges du paradis table et mangeant un dindon. Il endormit donc lesomnambule, et au bout de quelque temps, il lui demanda s'il ne voyait rien d'extraordinaire; celui-ci rpondit qu'il apercevait une grande runion d'anges. - Et que font-ils, dit le magntiseur. - Ilssont autour d'une table et ils mangent. Il ne put indiquer cependant quel tait le mets qu'ils avaientdevant eux.

    Il est donc ncessaire d'tre excessivement circonspect dans l'acceptation des rcits desomnambules, puisque nous savons qu'ils sont parfois trs suggestibles, mme mentalement.Dfions-nous des descriptions du paradis et de l'enfer comme en ont tant faites les sujets et lesmystiques de tous les pays, et de toutes les poques.

    14Du Potet, Journal du Magntisme 1852 premire semaine.15Du Potet, la Magie dvoile.16Gnral Noizet, Mmoires, page 128. Cit par Ochorowicz page 279.

    27

  • 8/14/2019 Gabriel Delanne l Ame Est Immortelle

    28/185

  • 8/14/2019 Gabriel Delanne l Ame Est Immortelle

    29/185

    LME EST IMMORTELLE GABRIEL DELANNE

    beaucoup affaibli; il porte un habit couleur fonce (olive, je crois); son air est dolent, calme etsouffrant; il a d souffrir du cur et de la poitrine, et a prouv des fatigues dans les jambes. Iln'tait pas sans chagrin, il se tourmentait beaucoup intrieurement sans en laisser rien apercevoir; iltait parfois mditatif, s'absorbait dans des ides noires; il aimait une personne, ce qui causait unebonne partie de son chagrin; il tait trs sensible.

    - Quel ge te parait-il avoir? - Environ vingt-cinq ans; son estomac a t fatigu par des excs dejeunesse...

    - Par qui a-t-il t reu au ciel? Par son grand-pre. - Monsieur son pre a eu une vision danslaquelle il a vu son fils au ciel prs de sa grand'mre? - Cette vision est vridique, mais la premirepersonne qui l'a reu est son grand-pre paternel, celui qu'il a connu sur la terre; il lui tendait lesbras, il s'y est prcipit; sa grand'mre tait parmi les autres, il ne manquait pas de monde quil'attendait... Il n'a pas eu peine d'agonie. Il ne croyait pas au magntisme, il me dit de dire monsieur son frre qu'il y croit maintenant. - Qui gardait son corps dcd? - Sa famille. - O a-t-ilt dpos? - Au Pre Lachaise. Est-il rest dans le mme tombeau 9 - Non; on l'a runi songrand-pre, celui qui l'a reu le premier au ciel. - Quelles taient les personnes qui suivaient

    immdiatement son convoi - Il a mieux aperu son frre que d'autres. - Adle est fatigue, nouscessons.

    M. B... est ravi de cette exprience; madame sa mre est plonge dans la plus grande douleur; sonfils lui fait dire par Adle qu'elle ne pleure pas, qu'il est plus heureux qu'elle; il voudrait qu'elle etfini son temps d'preuve; il est venu la visiter plusieurs fois dans son sommeil pour la consoler; il nel'en a pas fait ressouvenir pour ne pas augmenter sa douleur, connaissant l'amertume de ses regrets.Il est apparu de mme monsieur son frre, il lui apparatra encore; il le remercie de l'avoirenseveli.

    M. B... ne trouve pas une syllabe retrancher cette masse de dtails; madame sa mre conserveun seul doute sur la nuance des yeux; on ne peut se rappeler au juste leur couleur. Dieu a permis quenotre foi soit raffermie de plus en plus. M. B..., dsirant taire son nom par des considrations defamille, a sign le double de cette sance pour me garantir, l'avenir, contre les rticences quequelques hommes, oublieux et chicaneurs, pourraient lever sur la ralit de ce qu'ils ont entendu etreconnu vrai. J'en agirai de la sorte par la suite.

    Le lendemain de cette sance, M. B... vient la maison pour nous dire que, la suite de cetteapparition, il avait sollicit une assemble de famille pour obtenir la certitude de la couleur exactedes yeux de son frre; la gnralit des souvenirs fut pour la couleur des yeux dcrits par Adle.Cette particularit me fit grand plaisir, parce que ce monsieur ayant dit Adle: - Vous faites erreur,

    ma mre croit les yeux bleus, persistez-vous les voir bruns? - Adle lui rpondit: - Il me serait trsfacile de dire comme madame votre mre, puisqu'elle les croit tels, et que cela ajouterait la vritde tout ce que je vous ai dit, mais je mentirais et ne dirais pas ce que je vois; pour moi, ils sontbruns. C'est d'aprs cette affirmation que ce monsieur convoqua une assemble de famille et se fitun devoir de m'instruire de son rsultat.

    chaque pas, on trouve dans ces volumes des preuves semblables. Mais ce serait bien malconnatre notre poque que d'imaginer que ces rcits eurent le don de dterminer la conviction. Labonne foi de Cahagnet ne fut jamais conteste, ses contemporains le reconnurent comme un honntehomme incapable d'altrer la vrit; mais ils prtendirent que ces phnomnes pouvaient s'expliquertous par une transmission de pense, s'exerant entre le consultant et le sujet.

    Nous pouvons nous rendre compte du peu de valeur de cette objection, dans ce cas, si l'onrflchit aux circonstances qui accompagnrent l'apparition. Celle-ci cause, elle fait dire sa mre,

    29

  • 8/14/2019 Gabriel Delanne l Ame Est Immortelle

    30/185

    LME EST IMMORTELLE GABRIEL DELANNE

    par Adle, de ne pas se tourmenter. Si c'tait une simple image, elle ne parlerait pas. Et pourquoicette image serait-elle associe celle du grand-pre paternel, alors que, dans la pense de la mreet du frre, c'est la grand'mre qui dit l'avoir reu au ciel ?(20).

    D'ailleurs pour rpondre cette objection, qui a t l'pe de chevet des incrdules, l'auteurrapporte un certain nombre d'apparitions auxquelles cette explication est encore moins

    applicable(21

    ).

    En voici une, entre beaucoup d'autres.

    M. l'abb Almignana, dj cit, paraissant ne plus tre convaincu par les dtails qu'Adle lui avaitdonns sur l'apparition de monsieur son frre, qu'il avait sollicite dans la deuxime sance, vint mefaire part de ses doutes cet gard. En ce moment, Adle tait en sommeil; il me proposa d'appelerla soeur de sa bonne, qu'on nommait Antoinette Carr, dcde depuis quelques annes(22). Jedemandai cette personne.

    Adle dit: - Je vois une femme d'une taille moyenne, cheveux chtain clair, ge d'environ 45 ans,

    pas jolie, petits yeux gris, gros nez, un peu large du bas ,teint jauntre, bouche plate: elle a ce quenous nommons la grosse gorge; il lui manque des dents sur le devant de la bouche, le peu qui resteest noir comme des chicots; elle porte ce qu'on nomme la campagne un dshabill: corsage d'unecouleur brune, jupon ray, un peu court; tablier de campagne tournant autour du corps; elle a unfichu carreaux sur le cou; ses mains annoncent des travaux pnibles: elle travaillait dans leschamps; elle avait un frre qui est mort aprs elle, mais il n'est pas dans le mme rayon qu'elle: car,sans tre un mauvais sujet il n'tait pas trs rang. Cette femme me fait l'effet d'avoir t trs bonne.

    M. Almignana emporta par crit ces dtails, et me rpondit par la mme voie; j'extrais les passagessuivants: Aprs avoir lu pendant quatre fois, Marie-Franoise Rosalie Carr, le signalement ci-dessus, elle a dclar qu'il tait si exact qu'elle ne pouvait pas faire moins que de reconnatre sapropre sur. Antoinette Carr, dans la femme apparue la somnambule; quant son frre, elledclare qu'il est dcd aprs sa sur, comme l'a dit Adle. Elle joint une circonstance qui ne laissepas d'attirer l'attention; elle dit avoir rv la nuit du 30 au 31 janvier (veille de la sance) se trouverauprs du tombeau de sa sur et de son frre, mais son attention tait plus porte sur la tombe de sasur (elle ne l'avait jamais rve depuis sa mort).

    Sign.- Almignana. Je ferai observer mon tour que M. l'abb Almignana ainsi que sa bonne, nesavaient pas le jour mme de cette sance que nous demanderions cette femme. Ce fut l'improvisteque je fis cette question ce monsieur: Connaissez-vous quelqu'un de dcd dont l'apparitionpourrait vous convaincre? Il me rpondit: Demandez la sur de ma bonne: de cette manire il n'y

    aura aucune influence, ni communication de pense, puisqu'elle n'est pas ici et qu'elle ne sait rien dece qui va se passer. Comme on vient de le voir, la russite a t parfaite; cette femme, pour mieuxprouver son matre que ce qu'il avait entendu tait vrai, dit avoir donn elle-mme le fichu dcrit sa sur. L'apparition d'Antoinette Carr doit dtruire cette objection malveillante de la transmissionde pense, ou alors nous sommes tous des fous de vouloir prouver l'existence d'une me des nes.

    Un dernier dtail relatif cette apparition:

    M. Almignana vint quelques jours aprs cette sance la maison, et me conta que sa bonne avaitvu la veille un homme de son pays auquel elle avait lu le signalement de sa sur, qu'elle avait