Frédéric Breton

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FrédéricBreton

Lediamantnoir

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©FrédéricBreton,2018

ISBNnumérique:979-10-262-2569-0

Courriel:[email protected]

Internet:www.librinova.com

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Chapitre1–Leprofesseur

— Monsieur Bellepomme, c’est Jules. Est-ce que je peux venir vousvoir?

—Biensûr,monpetit.Jesuisentraindemepréparerduthé.Jen’airiend’autreàteproposermaistupourrastoujoursmangerdesmadeleinesenmacompagnie.

Jules était un garçonnet de dix ans dont les cheveux bruns faisaientressortir la pâleur du visage. Son péché mignon, son talon d’Achille,c’étaient lesmadeleines justement. Aussi raccrocha-t-il précipitamment lecombiné, d’autant que c’était l’heure du goûter. Il enfila le pull-over bleumarine que samaman lui avait tricoté (il ne faisait jamais chaud chez leprofesseur,celui-cirechignantàallumerlechauffageparpingrerie)etquittal’appartement non sans verrouiller la porte d’entrée. Puis il grimpa lesétages qui le séparaient du petit deux-pièces du professeur et pressanerveusementlasonnette.

—J’arrive!Quelleimpatience!ditunevoixderrièrelaporte.

—Professeur,j’aivuuneétoilefilantehiersoir.Jesuiscertainquemonvœuvaseréaliser!s’écriaJulesens’engouffrantdansl’entrée.

— Ton vœu ? reprit Monsieur Bellepomme. Tu veux dire aller dansl’espace?

Ernest Bellepomme était un homme très, très âgé, enfin pour un petitgarçondedixans!Quelâgeavait-ilaujuste?Julesl’ignorait.Toujoursest-ilqu’ilavaitlescheveuxblancs,portaitdeslunettesrondesauboutdesonlong nez rouge et se déplaçait avec lenteur. C’était en somme ce qui enfaisait un très vieuxmonsieur. Jules s’assit à la table sur laquelle étaientdisposéesunethéièreetunetasseenporcelaineanglaiseavecpleindejolismotifsbleusassortisàlacouleurdesonpull.

— J’allais oublier les madeleines ! dit Ernest en bifurquant vers lacuisine.Tuasfaim,j’espère?

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—Oh,oui.J’enmangeraisbiensept!

—Sept,c’estbeaucoup,luifitremarquerleprofesseur.Onvaselimiteràdeux.

—Vousn’avezpasoubliéqu’aujourd’huic’est…

— Ton anniversaire ! Comment pourrais-je l’oublier ? Tu m’en parlestouslesjoursdepuisunesemaine!ironisalevieilhommeenrevenantdelacuisine,uneassietteàlamain.

—J’aidixans.Jesuisgrandmaintenant!

—Pourtonâge,oui.Tiens,voilàtesmadeleines.

—Vous deviezmemontrer la pierre, reprit Jules en attrapant l’un desappétissantsgâteauxparfumésàlafleurd’oranger.

—Jevaisfairemieuxqueça.Jevaist’enfairecadeau!

—Pourdevrai?s’exclamalepetitgarçonenmanquants’étouffer.

Leprofesseurlevaunsourcil,mitlamaindanslapochedesonpantalondeveloursd’oùilsortitunepetiteboîteencartonqu’iltenditàJules.Celui-ci la saisit en tremblant.Lapierre allait lui appartenir. Il nepouvait rêverplusbeaucadeau.

—C’estcequelesBrésiliensappellentuncarbonado,undiamantnoir.Ils’agitd’uncristalextraterrestre, luiexpliquaErnest toutenseversantunetassedethé.Jecomptesurtoipourenprendresoin.

—Promis!s’exclamaJules.Merciprofesseur.

—Onme l’avait offerte lorsque j’étais un jeune entomologiste courantd’un continent à l’autre à la recherche des plus beaux papillons de laCréation.

—Unentoquoi?demandal’enfantenseredressantsursachaise.

—Entomologisteouplusprécisémentun lépidoptériste, réponditErnestenajoutantunnuagedelaitàsonthédeCeylan.C’estlemotquidésigneles

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passionnés commemoi qui étudient les insectes et les papillons.Un jour,m’étant égaré dans une forêt brésilienne tandis que je poursuivais l’un decesmerveilleuxpapillonsbleusqu’onnetrouvequ’enAmériqueduSud…

—Unpapillonbleu?l’interrompitJules,leregardpétillant.

— Oui, un morpho bleu, l’un des plus grands papillons existants surTerre. Je disais donc quem’étant égaré dans l’une de ces épaisses forêtsdontonnesaitjamaiscommentsortir,jerencontraiuneIndienneaumilieud’uneclairière.Lanuits’apprêtantàtomber,ellemeproposadem’hébergerdanssahutte.Enremerciement,jeluioffrislamontreàgoussetquejetenaisd’unvieiloncle,cequieutl’airdel’enchanter.Enretour,ellemedonnalapierrequetuasdanslesmains.

—Mincealors!Jecroyaisquevousétiezprofesseur,pasaventurier!

—Aventurier,commetuyvas!ditErnestavantdeseresservirunetassedethé.C’étaitdansuneautrevie,moncherpetit…

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Chapitre2–Tuska

Julessoufflalesbougiesdesongâteaud’anniversaireavectoutel’ardeurdesesdixans.

—Joyeuxanniversaire,monchéri,dit samamanen l’embrassantsur lefront.Jen’aipaseuletempsd’achetertoncadeaumaiscen’estquepartieremise.

Le petit garçon savait que sa maman avait des problèmes d’argent etqu’elleauraitdumalà tenirsapromesse.Mais ilne luienvoulaitpas ; ilavaitdéjàsoncadeau.

—Pas la peine,maman.Mon cadeau c’est toi. Et puis j’en ai déjà un.Regardecequem’aoffertleprofesseurBellepommetoutàl’heure!

Jules sortit alors la boîte en carton de sa poche de pantalon, imitant encelaleprofesseur,etl’ouvritdevantsamère.

— Oh, comme c’est beau ! s’exclama celle-ci. On dirait une pierreprécieuse.

—C’estun«carnobado»,jecrois…Undiamantextraterrestre!

—Extraterrestre?répétalajeunefemme.

—Oui,ilvientdetrèsloin.Làoùj’iraiunjouravecunefusée.

—C’estbien,monchéri.J’espèrequetul’asremercié.

—Oui,biensûr!réponditlepetitgarçon.

Jules engloutit unebonnemoitié de songâteaud’anniversaire nappédechocolatchaudavantderetournerdanssachambre.Ils’assitentailleursurle tapis laineuxaccoléàsonlitetsemitàausculter lapierrequeluiavaitdonnéeMonsieur Bellepomme. Il s’agissait d’un diamant d’environ deuxcentimètres de diamètre, aussi noir que la nuit la plus profonde, taillécomme le sont les pierres de cette sorte. Jules détenait certainement une

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chosedegrandevaleur.N’était-cepaslàlemoyend’aiderfinancièrementsamamanenlavendantàunbijoutier?Maisqu’enpenseraitleprofesseur?Ilneseraitprobablementpascontent,carluinonplusneroulaitpassurl’or.Tout en réfléchissant, le petit garçon tira son mouchoir de sa poche etcommençaàfrotterlediamantpourlefairebrillerd’unéclatplusvifencore.La pierre semit alors à chauffer, à tel point que Jules dut la lâcher pouréviterdesebrûler.Unrayonbleufoncés’enéchappa,illuminantlachambrequi commençait à s’assombrir. Puis le rayon pâlit et une forme sematérialisa en son centre. Jules recula, stupéfait.La formequitta le rayonlumineuxets’avançalentementdanssadirection.

—Bonsoir, mon jeune ami, le salua la silhouette que Jules distinguaitmal. Aurais-tu l’obligeance de me dire où je me trouve et à qui j’ail’honneurdem’adresser?

—Jules,monnomc’estJulesLeRallecetvousêtesdansmachambre.

— « Chambre » ? Curieux nom que celui de ta contrée ! reprit lasilhouettedontlescontourscommençaientàsepréciser.Jem’appelleTuskaetjerègne,jerégnais(ilsecorrigeanonsansmal)surXérion,laplusgrandeplanètedelagalaxieboréasienne.

—Vousêtesune sortede roi ?demanda Jules.Vous savez, ceuxqu’onvoitdanslesjournauxquandonvasefairecouperlescheveux.

—Cheveux? J’ignorecequec’est,dit la silhouetteque lepetitgarçonpouvaitmaintenant apercevoir avec une grande netteté. J’étaismieux queroi; j’étaisempereur!Etmevoilàréduitàn’êtreplusrienparlafautedemonennemijuré,l’infâmeIctrésias!

L’empereur Tuska, puisque c’est ainsi qu’il s’était présenté à Jules,dépassaiten taille lepèredesonmeilleuramiquiétaitpourtant joueurderugbyetaccessoirementl’hommeleplusgrandqu’ilaitjamaisrencontré.Ilavait le teint jaune,n’avaitpasdecheveuxetportaitunebarbichebleutéequi allongeait son visage déjà passablement long. Sa physionomie n’étaitcertes pas humaine (il avait – entre autres choses – les oreilles pointues)maiscelan’émutpasparticulièrementsonjeuneinterlocuteur.C’estsurtout

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la combinaison d’un rouge vif et la cape noire qui couvrait ses largesépaulesquiattirasonattention.

Elle est super classe sa tenue ! se dit Jules.Quand je raconterai ça àClément(c’étaitsonmeilleurcopain),ilnevoudrajamaismecroire!

—Mavisitenedoitenaucuncass’ébruiter,déclara l’empereurcommes’il avait lu dans les pensées de Jules. Les espions d’Ictrésias sont àmestroussesetcertainsrôdentdéjàparici.Neraconteàpersonnequetum’asvuetcequejet’aiconfié.Jereviendraidemain.

—Àquiparles-tu?demandasamèreenallumantl’interrupteur.

—Àpersonne.Jeréfléchissaisàhautevoix…

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Chapitre3–Desorangespourl’empereur

L’institutrice, Madame Flammèche, n’était pas dans un bon jour. Etlorsqu’elle était deméchante humeur (ce qui lui arrivait souvent), l’undesesélèvesfinissaittoujoursparalleraupiquet.Sondoigtvengeuravaitcettefois-cidésignéClément,privantJulesdecompagnieunebonnepartiedelajournée.MaislespenséesdupetitgarçonétaienttoutentièresdirigéesversTuska.Ilattendaitavecuneviveimpatiencelafinducours,carilavaithâtederevoirl’empereur.Riend’étonnantdoncàcequ’ilempoignesoncartableetquittelaclassedèsquelasonneriecommenceàretentir.

—N’oubliezpasvotrerécitation,insistaMadameFlammèchetandisqueses élèves se bousculaient pour sortir. Je ne manquerai pas de vousinterrogerdemain!

Mais Jules n’avait que faire des recommandations de l’institutrice.Quepesait une dame revêche aux cheveux en chignon face à un empereurextraterrestre?

Une fois arrivé à lamaison, il ne prit pasmême la peine de grignoterquelquesmadeleines comme il en avait l’habitude. Il sortit la pierrede saboîteetlafrottaavecsonmouchoir.Commecelas’étaitproduitlaveille,lediamantsemitàchaufferetlerayonbleufoncéjaillitinstantanément.Tuskaapparut dans la pièce, drapé dans son immense cape noire. Il semblaitsoucieux.

—Quelquechosenevapas?demandaJules.

—Tuesperspicace,jeuneÉfrim,réponditl’empereur.L’unedespierresdetransmission(ils’agissaitdelamêmepierreextraterrestrequepossédaitJules)vientd’êtrerepéréeparlessbiresd’Ictrésias.J’aidecefaitperdutoutcontactavecl’undemesplusfidèlesalliés…

Julessegrattalatête.«Perspicace»étaitunmotquiluidisaitvaguementquelquechosemais«Éfrim»,çanon,ilnel’avaitjamaisentendu!

—C’estquoiunÉfrim?demanda-t-il.