Franck béziaud

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Les banques coopératives,vers une gouvernance créatrice de valeur ?Les exemples de la France et du Québec

Franck BÉZIAUD1

Introduction

«iIci vois-tu, on est obligé de courir tant qu’on peut pour rester au même endroiti»,répond la Reine Rouge à Alice. Biologiste évolutionniste, Leigh Van Valen utilise cetteréférence à l’ouvrage de Lewis Caroll, intitulé De l’autre côté du miroir, pour illustrer lacourse aux améliorations des espèces. L’hypothèse de la Reine Rouge énonce quel’environnement dans lequel nous vivons évolue, et que nous devons évoluer à la mêmevitesse afin de ne pas disparaître.

Les banques coopératives n’échappent pas à la règle. Selon la vision anglo-saxonne, lesorganisations coopératives seraient inefficaces et vouées à disparaître au profit dumodèle anglo-saxon de société par actions (Fama et Jensen, 1985i; Kraakman etHansmann, 2001). Pour autant, les prédictions de ces auteurs n’intégraient pas lapossibilité pour les banques coopératives de se transformer. En effet, depuis les années1980, les banques coopératives ont vu leurs organigrammes se complexifier, leurséventails de produits et services se diversifier, ainsi que leurs domaines d’activités s’ouvrirà de nouveaux segments de clients.

Il est encore trop tôt pour être en mesure de dire s’il s’agit d’une amélioration ou non dumodèle bancaire coopératif, mais il demeure que les banques coopératives constituentdes acteurs majeurs de l’économie mondiale. En France et au Québec notamment, lapart des banques coopératives dans l’ensemble des dépôts et des prêts s’élève enmoyenne à 45i%.

Alors que la crise actuelle a levé une période de doute quant à la capacité du modèled’entreprise dominant — la société par actions —, à ne pas répéter ses erreurs ayantmené le système financier au bord de l’effondrement, plusieurs questions se posenti:pourquoi le modèle bancaire coopératif reste-t-il tant méconnui? Comment s’est opéréela transformation des banques coopérativesi? La gouvernance du modèle de banquecoopérative s’oriente-t-elle vers une gouvernance créatrice de valeuri?

Grâce à la documentation sur les banques coopératives et à des entretiens réalisés auprèsde praticiens du milieu bancaire coopératif, cet article a pour objectif de mettre enévidence l’importance d’une approche systémique dans la compréhension du modèle

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bancaire coopératif et renvoie à l’idée d’une causalité non linéaire. Dans cetteperspective holistique, l’étude du modèle bancaire coopératif ne peut être simplementréalisée sous l’angle de l’Histoire, du Droit ou de la Gestion, mais doit combiner cesdifférents éléments afin d’aborder en profondeur des sujets complexes.

Tout d’abord, nous allons montrer qu’en dépit de leur résistance à la crise économiqueet financière de 2008, le modèle bancaire coopératif demeure méconnu, et cela auxdépens d’une forme d’entreprise offrant un gouvernement d’entreprise originalcaractérisé par le souci d’établir un sain équilibre entre les différentes parties prenantes.Ensuite, nous analyserons en quoi l’évolution du contexte dans lequel évoluent lesbanques coopératives est venue influer sur le modèle bancaire coopératif. Enfin, lagouvernance des groupes bancaires coopératifs, oscillant entre un gouvernementd’entreprise de type «ipartenariali» et un gouvernement d’entreprise de type«iactionnariali», nous chercherons à déterminer si leur gouvernance s’oriente vers unegouvernance créatrice de valeur.

L’originalité de la gouvernance du modèle bancaire coopératif

Bien qu’ayant mieux résisté à la crise économique et financière de 2008 que les banquescommerciales, le modèle bancaire coopératif demeure méconnu, et cela aux dépensd’une forme d’entreprise offrant un gouvernement d’entreprise original.

Évolutions historiques et réglementaires des banques coopératives

En dépit de l’ancienneté et de la performance des banques coopératives, le modèle desbanques coopératives demeure largement méconnu. Cette méconnaissance s’expliquenotamment à travers le cadre juridique des banques coopératives.

Évolutions historiques

Crises agricoles, inadaptation des circuits financiers, pauvreté et découragement despopulationsi: telles sont les difficultés caractérisant la situation socio-économique dumonde rural au milieu du XIXe siècle en France et au Québec. De fait, les ingrédientsayant contribué à l’émergence d’un besoin chez une grande part de la populationprésentent la même nature sur les deux continents.

En France, la seconde moitié du XIXe siècle est caractérisée par un malaise dans ledomaine agricole, obligeant l’État à recourir à des produits étrangers pour ne pas imposerdavantage de difficultés aux populations (Henry et Régulier, 1986). Parallèlement, leQuébec a connu l’une des périodes les plus difficiles de son histoire puisqu’environ500i000 Canadiens français, pour la plupart des paysans et agriculteurs, ont quitté laprovince pour les États-Unis en raison de la crise agricole s’étalant de 1873 à 1896 (Roby,1975). En fait, cette période est marquée par un découragement très fort de lapaysannerie. Outre ces turbulences répétées dans le domaine agricole, les circuits

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financiers sont particulièrement inadaptés à la paysannerie, que ce soit en France ou auQuébec, obligeant les paysans à se tourner vers des usuriers (Roby, 1975i; Gueslin, 1985).

Par ailleurs, la transition à une économie de marché joue un rôle significatif dans les nouvellescontraintes imposées aux agriculteurs (Roby, 1975i; Henry et Régulier, 1986). En France, onpeut évoquer l’arrivée de produits agricoles issus des colonies et venant concurrencer lesproduits français. Au Québec, le développement des transports est venu intensifier laconcurrence venant des provinces voisines de l’Ontario et de l’Ouest (Roby, 1975).

L’émergence des banques coopératives apparaît ainsi en réponse au besoin de luttercontre la précarité des milieux ruraux afin de satisfaire un besoin qui, jusqu’à présent,n’était satisfait ni par la puissance publique, ni par le secteur privé (Guider et Roux, 2009).

Depuis leur création, les banques coopératives ont connu un essor important etconstituent aujourd’hui des acteurs majeurs de l’économie mondiale. En France, ondécompte aujourd’hui trois groupes bancaires coopératifsi: le groupe Crédit Agricole, legroupe BPCE et le Groupe Crédit Mutuel. Détenant 60i% de l’activité de banque de détailet regroupant plus de 20 millions de sociétaires2, les banques coopératives françaisessont présentes sur l’ensemble du territoire avec 39 caisses régionales de Crédit Agricole,18 fédérations de Crédit Mutuel, 19 Banques Populaires et 17 Caisses d’Épargne, ainsiqu’un total cumulé de plus de 25i000 agences. Au 31 décembre 2009, les trois groupesbancaires coopératifs représentent près de 45i% des parts de marché en ce qui concerneles dépôts et les crédits3 et cumulent près de 72,3 milliards d’euros de PNB cumulé.

Au Canada, le Mouvement des caisses Desjardins constitue le plus important groupefinancier, avec 422 caisses au Québec et en Ontario, et regroupe 5,6 millions desociétaires. Au Québec, la part du Groupe Desjardins dans l’ensemble des dépôts s’élèveà 43,4i% et sa part dans le total des prêts est de 32,4i%.

Par ailleurs, il est intéressant de noter que trois des banques coopératives à l’étudeapparaissent dans le «iWorld’s 50 Safest Banks 2012i» du magazine Global Finance, aveci:le groupe Desjardins en 18e position, la Banque Fédérative du Crédit Mutuel en37e position et le Crédit Agricole en 48e position. Néanmoins, au regard des déboiresayant déjà coûté près de six milliards d’euros au Crédit Agricole en Grèce par le biais desa filiale Emporiki, il est probable que le Crédit Agricole soit dégradé du classement établipar le Global Finance l’année prochaine.

Malgré tout, il semblerait que dans un contexte de crise où la précarité et le chômagesont en hausse, les notions de démocratie, de stabilité et de confiance gagnent enimportance. Aux États-Unis, par exemple, a eu lieu le 5 novembre 2011, le «iBank TransferDayi» pendant lequel près de 650i000 personnes ont quitté leur banque pour rejoindreune Crédit Union4.i

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Évolutions réglementaires

Malgré leurs performances, le modèle des banques coopératives demeure largementméconnu, notamment pour des raisons juridiques. En effet, la législation apparaît le plussouvent comme la consécration d’une réalité qui jusque-là n’avait pas été traduite enrègle de droit et était ainsi dépourvue d’une force contraignante. En France et au Québec,le droit coopératif revêt ainsi une place fondamentale dans la reconnaissance de laspécificité du modèle coopératif.

Deux différences majeures viennent distinguer le droit coopératif français du droitcoopératif québécoisi: d’une part, la complexité du cadre juridique des coopératives et,d’autre part, l’autonomie du droit coopératif face au droit commun des sociétés.

Sur la question de la complexité du cadre juridique des coopératives, les rares spécialistesdu droit coopératif s’accordent tous pour dire que le droit coopératif français présente unegrande complexité (Gros, 2010i; Gros et Naett, 2010i; Espagne, 2010i; Mousseron, 2010).Quasiment inexistant dans le système éducatif, le droit coopératif constitue, tant pour ladoctrine, que pour les praticiens du droit et les entrepreneurs, un «imaquis coopératifi»(Gros, 2010) presque inaccessible en raison de la pluralité des textes auxquels il est soumis.Si la loi du 10 septembre 1947 dispose en son article 30 qu’il «isera procédé à unecodification des textes législatifs intéressant la coopérationi», le législateur n’a pourtantpas encore jugé nécessaire de regrouper les règles coopératives dans un seul code, et cela,en dépit de l’objectif à valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi5.

Comparativement au droit coopératif français, le droit coopératif québécois estdavantage reconnu et, en conséquence, davantage accessible et intelligible. En effet, lescoopératives s’inscrivent dans deux grands cadres légauxi: le cadre légal des caissesd’épargne et de crédit, régi par la Loi sur les coopératives de services financiers [L.Q.2000, c. 77] et le cadre légal venant régir les autres formes de coopératives issu de la loisur les coopératives [L.R.Q. chapitre C. 67.2].

Sur la question de l’autonomie du droit coopératif, contrairement au droit français où lanotion de coopérative fait référence au droit commun des sociétés, la coopérativeconstitue au Québec une personne morale à statut sui generis. Dans le cas français, selonl’article 1er de la loi du 10 septembre 1947, portant statut de la coopération, lescoopératives sont des «isociétési». L’emploi de la notion de société fait ainsi référenceau contrat de société prévu à l’article 1832 du Code civil. En puisant une partie de sasource dans le droit commun des sociétés, le régime juridique des coopératives vient serapprocher inévitablement du régime juridique des sociétés capitalistiques puisqu’ellespartagent une base juridique commune. En ce sens, les organisations coopérativesfrançaises voient leur régime juridique «iappariéi» et confondu avec le modèled’entreprise auquel elles se trouvent en opposition (Gros, 2010).

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Dans le cas québécois, selon l’article 3 de la Loi sur les coopératives (L.R.Q., chapitreC-67.2), une coopérative s’entend d’une «ipersonne morale regroupant des personnesou sociétés qui […] s’associent pour exploiter une entreprise conformément aux règlesd’action coopérativei». Plus large, la notion d’«ientreprisei» vient inclure les notionsd’«iassociationi», de «isociétéi» et de «icoopérativei», et ainsi mettre au même niveaudes formes d’organisation susceptibles de présenter un caractère tant lucratif que nonlucratif. De fait, en disposant d’un régime juridique spécifique aux coopératives, lemodèle coopératif apparaît comme un modèle d’entreprise à part entière et non pascomme étant l’une des sous-catégories d’une forme d’entreprise déjà existante.

Le modèle traditionnel des banques coopératives

Inscrivant notre analyse dans la théorie des droits de propriété, il ressort de cela que lesspécificités du modèle bancaire coopératif sont fondées sur une forme de propriétéorientant les banques coopératives vers un gouvernement de type partenarial.

Les spécificités des banques coopératives.

Au regard des textes sur la théorie des droits de propriété, il apparaît que lesorganisations sont caractérisées par différentes formes de propriété. Selon Allaire etFirsirotu (2010), certaines formes de propriété des entreprises, parmi lesquelles figurentles coopératives, constituent une alternative à l’entreprise du modèle classique cotéeen bourse, car elles sont prédisposées à offrir une stabilité et une vision à long terme.

De fait, l’originalité du modèle bancaire coopératif classique est caractérisée par un modede gouvernance démocratique au niveau de leur structure d’organisation. Plusieursspécificités caractérisent cette forme de propriété d’entreprisei: l’appartenance de labanque à ses clients, le contrôle démocratique des membres, la mise en réserve d’unepart considérable du résultat, l’organisation en réseaux décentralisés, ainsi que lasolidarité entre les caisses.

L’appartenance de la banque à ses clients. Les sociétaires ont une «idouble qualitéi»i:celle de propriétaires et de clients de la banque. N’étant pas créancier résiduel,l’incitation du sociétaire à accroitre la valeur de la banque n’est donc pas son intentionpremière. En ce sens, la raison d’être d’une banque coopérative n’est pas de maximiserses profits, mais de satisfaire aux besoins de ses sociétaires. Toutefois, si certainesbanques opèrent exclusivement avec leurs sociétaires, la plupart d’entre elles ont élargileur clientèle à des clients non sociétaires.

Le contrôle démocratique. En outre, les banques coopératives sont détenues etcontrôlées par leurs sociétaires qui élisent démocratiquement leurs représentants dansles instances statutaires selon le principe «iune personne, une voixi». De fait, les droitsde vote des sociétaires ne sont donc pas proportionnels à l’apport social. Par ailleurs, les

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banques coopératives ne peuvent faire l’objet d’offre publique d’achat et leurs partssociales ne sont rachetables que par la banque émettrice, à leur valeur nominale, et àcertaines conditions.

L’impartageabilité des réserves. Les réserves des banques coopératives sontimpartageables et lorsque des bénéfices sont réalisés, une part significative est mise enréserve. Une partie des bénéfices peut aussi être redistribuée aux sociétaires, parfoissous forme de ristournes coopératives, avec des limitations légales ou statutaires.

L’organisation en réseaux décentralisés. Les banques coopératives sont organisées enréseaux selon une structure pyramidale inversée dans laquelle coexistent des entitésjuridiques autonomesi: caisses locales détenues par les sociétaires, caisses régionalesdétenues par les caisses locales, caisse fédérale ou nationale contrôlée par les organesrégionaux.

La solidarité entre caisses. Enfin, les réseaux coopératifs ont mis en place des mécanismesde solidarité interne, entre l’échelon local et l’organe central. Le plus souvent, les caissessont solidaires entre elles en ce qu’elles participent à un fonds de solidarité commungéré par l’organe central. De fait, si l’une des caisses rencontre des difficultés, l’organecentral va venir puiser dans le fonds de solidarité pour la soutenir. Ultimement, si cefonds ne suffit pas, on va directement appeler les caisses à aider la caisse en difficulté.

Un gouvernement d’entreprise de type partenarial

Retenant la définition du gouvernement d’entreprise (GE) proposée par le professeurYvan Allaire, président du conseil d’administration de l’Institut sur la gouvernance desOrganisations Publiques et Privées (IGOPP), selon laquellei:

«iLa gouvernance consiste à mettre en œuvre tous les moyens pour qu’unorganisme puisse réaliser les fins pour lesquelles il a été créé, et ce de façontransparente, efficiente et respectueuse des attentes de ses parties prenantes.La gouvernance est donc faite de règles d’imputabilité et de principes defonctionnement mis en place par le conseil d’administration pour arrêter lesorientations stratégiques de l’organisation, assurer la supervision de ladirection et favoriser l’émergence de valeurs de probité et d’excellence ausein de l’organisationi», il ressort des travaux académiques sur les banquescoopératives que celles-ci présentent traditionnellement un gouvernementd’entreprise de type «ipartenariali» (Gianfaldoni et Richez-Battesti, 2007).

Plusieurs caractéristiques du modèle classique des banques coopératives orientent cetteforme de propriété d’entreprise vers un gouvernement d’entreprise de type«ipartenariali». En premier lieu, par l’absence de véhicule coté en bourse et definancement par émission d’actions, les marchés financiers n’exercent que peu

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d’influence sur les banques coopératives. En ce sens, en raison du plafonnement de larémunération des parts sociales et de sa faible corrélation avec les résultats del’organisation, de l’impartageabilité des réserves, ainsi que de la «idouble qualitéi» dessociétaires, la finalité des banques coopératives est de satisfaire les besoins despropriétaires / clients, et non pas une finalité générale, celle de réaliser des profits à l’instardes sociétés capitalistiques. Ainsi, seuls le marché des produits et services et le marchédu «italenti» exercent une influence sur les banques coopératives.

En second lieu, la gestion démocratique joue un rôle prépondérant dans l’orientationdes banques coopératives vers un mode de gouvernement de type «ipartenariali». Eneffet, le schéma de la «ipyramide inverséei» avec à la base les clients / propriétaires,lesquels élisent leurs représentants administrateurs aux différents niveaux del’organisationi: local, régional et national. En outre, des instances de contrôle, telles queles assemblées générales de sociétaires et les conseils d’administration, se retrouventaux différents niveaux de l’organisation.

La remise en cause de l’originalité du modèle bancaire coopératif

S’inscrivant dans une société où les mentalités, les contextes juridiques etsocioéconomiques évoluent, le modèle bancaire coopératif a dû s’adapter pour croîtreet survivre aux aspects critiques de son contexte. De fait, un changement de gouvernances’est opéré au sein des banques coopératives. La gouvernance des banques coopérativess’oriente-t-elle tout de même vers une gouvernance créatrice de valeuri?

Évolutions organisationnelles des banques coopératives

Depuis les trente dernières années, le modèle de gestion des entreprises a été l’objet deprofondes mutations sous l’effet conjugué de la déréglementation de nombreusesindustries, de l’ouverture des marchés, ainsi que l’intensification de la concurrenceinternationale. En conséquence, le modèle bancaire coopératif a suivi de profondesmutations, allant jusqu’à influer sur sa gouvernance.

Nouveau contexte

Au «imodèle de loyauté mutuelle et de parties prenantesi» favorisant une relation durableet une loyauté réciproque avec le personnel de l’entreprise, ainsi qu’un sain équilibreentre les intérêts des différentes parties prenantes, s’est substitué un modèle d’entreprisesoumise à «itrois marchési» — le marché financier, le marché du talent et le marché desbiens et services —, dont la finalité est de maximiser la valeur des actionnaires (Allaireet Firsirotu, 1989, 1993, 2004 et 2010).

Modèle de gestion dominant en Amérique du Nord entre les années 1950 et 1970, lemodèle de loyauté mutuelle et de parties prenantes était caractérisé par la grandesécurité d’emploi, les perspectives de promotion et l’investissement important dans la

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formation et le développement du personnel. Remplacé à partir des années 1980 par unmodèle de gestion soumis à la pression des marchés financiers, les entreprises doiventdésormais composer avec un actionnariat relayé au rang de maître et ayant préséancesur les intérêts des autres parties prenantes.

Le domaine bancaire n’échappe pas à ce constat. En effet, la seconde moitié du XXe sièclea été marquée par plusieurs phénomènesimajeursi: la désintermédiation bancaire(Bonneau, 2009), remettant en cause le monopole bancaire à travers l’ouverture denouveaux circuits monétaires (Gavalda et Stoufflet, 1990), le développement de latechnologie de l’information, ainsi que les réformes législatives. En France notamment,le marché bancaire a fait l’objet d’une transformation sans équivoque avec l’adoptionde la loi du 24 janvier 1984, aux termes de laquelle les établissements bancaires français,peu importe leur forme juridique, sont soumis à la même réglementation.

Devenues aujourd’hui des acteurs majeurs de l’économie mondiale, les banquescoopératives sont de plus en plus sujettes aux réglementations comptables etinternationales. De fait, le développement de l’activité bancaire internationale entraînel’apparition de nouveaux risques, lesquels font l’objet de nouvelles règles visant à mieuxassurer la stabilité financière. Pour autant, ces nouvelles exigences de solvabilité et deliquidité sont susceptibles d’affecter la santé des banques et, plus particulièrement celledes banques coopératives.

Si les règles comptables internationales issues du Bureau international des normescomptables ont pris une orientation favorable aux banques coopératives, un débatconcernant les règles prudentielles continue de diviser les acteurs et les régulateurs de lafinance. En effet, selon les récents travaux du comité de Bâle concernant la qualificationdes parts sociales, certaines catégories de parts sociales des banques coopératives sontsusceptibles de ne plus figurer dans les fonds propres de base, obligeant certaines banquescoopératives à abandonner leur statut coopératif pour être en mesure de reconstituerrapidement des fonds propres de base agréés par le Comité de Bâle.

Vers un nouveau modèle de banque coopérative

Le phénomène de financiarisation de l’économie et des stratégies des entreprises est venuentraîner un changement profond quant à la nature même des banques coopératives.Conséquence de contraintes et d’opportunités, les banques coopératives se sont depuisles années 1980 transformées en groupes bancaires coopératifs à vocation universelle.

En effet, avec un taux de bancarisation de près de 99i%6 en France et au Canada, lesbanques coopératives ont été dans l’obligation d’aller au-delà des activités de banquede détail, auxquelles elles étaient traditionnellement cantonnées, afin de ne pasdisparaître. Rendues possibles en France par la Loi bancaire de 1984, les banquescoopératives se sont alors concentrées sur le développement d’activités et de segmentsde clientèle jusque-là inconnus.

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En vue de répondre à un certain nombre de défis techniques et juridiques et atteindre unecroissance comparable à celle des banques commerciales ayant accès aux marchésfinanciers, les banques coopératives se sont constituées sous la forme de groupescoopératifs. Les réseaux bancaires coopératifs se sont ainsi dotés de filiales, arborantparfois des objectifs bien différents — selon Ory, Jaeger et Gurtner (2006), il est possiblede distinguer cinq catégories de filialesi: les filiales techniques, les filiales de «iproductioni»,les filiales spécialisées sur certains segments de clientèle, les filiales spécialisées àl’international et les filiales spécialisées dans la banque d’affaires et d’investissement —,mais ayant le plus souvent pour finalité de réaliser des économies d’échelle.

Au regard de la complexification des organigrammes et de l’accroissement des produitset services proposés, les groupes bancaires coopératifs se rapprochent de plus en plusdu fonctionnement des groupes capitalistiques (Ory, Jaeger et Gurtner, 2006). Certainsauteurs parlent alors de gouvernance «ihybridei» des groupes bancaires coopératifs(Guider et Roux, 2009i; Ory,Richez-Battesti et Gianfaldoni, 2007) empruntant deséléments de gouvernance à la fois au modèle de gouvernance de type partenarial et aumodèle de gouvernance de type actionnarial.

Avec la question de savoir s’il s’agit d’un nouveau modèle de gouvernance, issu ducroisement des modèles de gouvernance partenarial et actionnarial, rejaillit ainsi le vieuxdébat divisant la doctrine quant au gouvernement d’entreprise le plus performant. Maisles modèles coopératif et capitalistique sont-ils réellement antinomiques ou peuvent-ilsêtre complémentairesi?

Vers une gouvernance créatrice de valeuri?

Une gouvernance créatrice de valeur nécessite avant toute chose que les administrateurssoient légitimes et crédibles. Les banques coopératives traditionnellement attachées à unegouvernance de type partenarial s’orientent-elles vers une gouvernance créatrice de valeuri?

Légitimité et crédibilité des administrateurs

Inscrivant notre analyse dans le cadre théorique proposé par Allaire et Firsirotu (1989,1993, 2003, 2004 et 2010), selon lequel une gouvernance créatrice de valeur reposesur quatre piliers bien précis – un conseil d’administration légitime et crédible, unedémarche efficace de gestion et planification stratégique, une haute qualitéd’information stratégique et financière, ainsi qu’un système de motivation incitant à dehautes performances –, nous limiterons notre recherche à l’étude du premier pilier, lalégitimité et la crédibilité des administrateurs, qui se veut une condition nécessaire, maisnon suffisante.

Bien que l’indépendance des membres du conseil d’administration vis-à-vis de la directionoccupe une place grandissante dans les réflexions sur la gouvernance des organisations,

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le concept d’indépendance du conseil risque d’être insuffisant dès lors que lesadministrateurs manquent de légitimité ou de crédibilité (Allaire et Firsirotu, 1989, 1993,2003, 2004 et 2010). En fait, l’indépendance des membres du conseil, pour être effective,nécessite deux pré-requis que sont la légitimité et la crédibilité des administrateurs.

Selon Allaire et Firsirotu (2010), il est possible de distinguer deux formes de légitimitédes administrateursi: d’une part, la légitimité octroyée aux administrateurs à l’issue duprocessus d’élection des membres du conseil et, d’autre part, la légitimité «inaturellei»dont les actionnaires substantiels devraient bénéficier pour agir au titre de membre duconseil. L’importance de la légitimité d’un conseil d’administration est essentielle, cardépourvu de légitimité, le conseil d’administration ne peut exercer correctement samission de conseil auprès de la direction.

Outre la question de la légitimité des administrateurs, le manque de crédibilité desadministrateurs est souvent mis en lumière, et notamment le fait d’avoir échoué àcollecter les informations pertinentes qui leur aurait permis de mieux exercer leur missionde contrôle de l’orientation stratégique de l’organisation. En ce sensi:

«iPour atteindre un niveau raisonnable de crédibilité, l’administrateur doitinvestir beaucoup de temps et de matière grise pour bien saisir les enjeuxstratégiques et concurrentiels de l’entreprise, les sources de sa valeuréconomique, la qualité de son leadership à divers niveaux, ses valeurs degestion, les principaux facteurs qui dictent la valeur de ses actions, et ainsi desuite. Cette condition est bien plus exigeante que la séance d’orientationtypique donnée aux nouveaux membres d’un conseil d’administrationi»(Allaire et Firsirotu, 2003).

Les administrateurs doivent ainsi présenter les compétences nécessaires pour traiter dela complexité des questions à l’ordre du jour aux conseils d’administration. Selon Allaireet Firsirotu (1989, 1993, 2004 et 2010), la crédibilité d’un conseil repose tant surl’expérience individuelle que collective de ses membres, ce qui se traduit par uneconnaissance pointue des enjeux avec lesquels l’organisation doit composer. Si l’expertisedes membres ayant une expérience dans les secteurs industriels qui relèveront de sadirection semble préférable, il demeure toutefois possible pour les nouveauxadministrateurs de gagner en crédibilité à travers un apprentissage des connaissancesqui leur seront nécessaires dans l’exercice de leur mandat.

Si la crédibilité ne peut se mesurer, car elle se traduit sous la forme du respect et de laconfiance inspirée à la direction (Allaire et Firsirotu, 2010), elle permet de renforcer lafonction de conseil des administrateurs qui agissent alors à titre de ressource créatricede valeur auprès de la direction.

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Étude des cas français et québécois

Présents aux différents échelons des réseaux bancaires coopératifs, les administrateurssont très nombreux. À titre d’exemple, on compte chez Desjardins près de 5i400administrateurs et 24i000 administrateurs pour le Crédit Mutuel7. L’étude de la légitimitédes administrateurs vise ainsi à nuancer selon que l’on se situe à l’échelon local / régionalou à l’échelon central/fédéral.

Sur le plan local et régional, la situation est semblable en France et au Québec puisqueles membres des conseils d’administration sont élus à travers un processus d’électiondémocratique, par lequel les sociétaires élisent les administrateurs lors de l’Assembléegénérale annuelle suivant le principe «iune personne, une voixi». Les administrateurs descaisses régionales sont quant à eux élus par l’assemblée générale de leurs sociétaires quisont principalement constitués par les Présidents des caisses locales.

Au niveau de l’organe central, la situation est plus complexe, notamment dans le cas dela France où les processus d’élection des dirigeants élus apparaissent peu lisibles (Richez-Battesti et Gianfaldoni, 2006). En effet, partant d’une structure organisationnellerelativement simple, les banques coopératives ont vu leurs organigrammes sesophistiquer à partir des années 1980, allant pour certaines d’entre elles jusqu’àtransformer le statut coopératif de leur organe central en statut de société anonyme.De ce fait, la forme juridique des organes centraux varie d’un groupe bancaire coopératifà l’autre, venant ainsi influer sur les processus d’élection des administrateurs.

Les règles relatives au processus d’élection des administrateurs ne sont donc pasuniformes dans les réseaux bancaires coopératifs. Deux éléments permettent decomprendre cette absence d’uniformité chez les groupes coopératifsi: d’une part, la grandeliberté contractuelle accordée aux banques coopératives dans la rédaction de leurs statutset, d’autre part, le cadre juridique venant régir les organes centraux. En effet, la Fédérationdes Caisses Desjardins du Québec est régie par la Loi sur les coopératives de servicesfinanciers (L.R.Q., chapitre C-67.3), le Crédit agricole SA. et BPCE sont régis par lesdispositions du Code de commerce relatives aux sociétés anonymes, et la Fédération desCaisses du Crédit Mutuel est régie par le droit des associations.

Globalement, on constate à travers la composition des conseils d’administration ou desurveillance à l’étude que les groupes bancaires coopératifs ont la volonté de mettre enplace des systèmes de sélection de candidats représentatifs de leur sociétariat. Parexemple, le Conseil d’Administration de Crédit Agricole SA. est composé de21 administrateurs, dont 10 membres ayant la qualité de Président ou de Directeurgénéral de Caisse Régionale de Crédit Agricole, un membre ayant la qualité de Présidentde Caisse régionale représentant les intérêts de la SAS Rue de la Boétie et un membresalarié de Caisse régionale.

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Sur la question de la crédibilité des administrateurs, il ressort que les administrateursnationaux présentent une connaissance pointue des enjeux avec lesquels l’organisationdoit composer. Le plus souvent issus de l’interne, les membres des conseilsd’administration ont gravi les divers niveaux de responsabilité de l’entreprise et affichentainsi une forte crédibilité basée sur leur expérience du terrain.

En outre, les banques coopératives mettent l’accent sur le rôle de la formation desdirigeants élus afin de renforcer l’identité coopérative des groupes. Selon le GroupementEuropéen des Banques Coopératives, le pourcentage des dépenses en formation dupersonnel rapporté à la masse salariale des banques coopératives françaises est de 5i%et de 2,5i% pour le groupe Desjardins en 2010.

Enfin, plusieurs programmes de formation des dirigeants élus ont été mis en place, parmilesquels on peut citeri: Perfectam pour les administrateurs du Crédit Agricole,Form’A’Ouest pour les administrateurs régionaux de dix des dix-huit Fédérations du Créditmutuel. Dans le même esprit, des instituts de formation ont été créés dans le groupeDesjardins et dans le groupe Crédit Agricole.

Conclusion

Il n’est pas étonnant de parler des banques coopératives en contexte de crise puisque ladégradation de l’environnement économique et l’introduction de nouvelles réglemen -tations poussent les organisations issues de la forme d’entreprise «ichampionnei», àsavoir la société anonyme (Fama et Jensen, 1985), à revoir leur modèle et ainsi à laisserune place à d’autres formes d’entreprise sur la scène publique.

Consacrée par plus d’un siècle d’existence, la survie des banques coopératives constitue lecritère essentiel de leur efficacité (Richez-Battesti et Gianfaldoni, 2006). Au regard de lacomposition des conseils d’administration ou de surveillance des institutions à l’étude, ilsemblerait que les groupes bancaires coopératifs ont à cœur de mettre les sociétaires aucentre de leur modèle d’affaires. Si en ce sens, les groupes bancaires coopératifs s’oriententvers une gouvernance créatrice de valeur, ils ne sont pas à l’abri de risques de dérives,comme l’a montré l’actualité récente du Crédit Agricole et des «icaixai» espagnoles.

Les banques coopératives ont le droit et se doivent d’être ambitieuses, mais pas au prixde perdre leur raison d’être, à savoir celle de placer le sociétaire-client au centre de leurmodèle d’affaires. L’enjeu des banques coopératives est donc de combiner dans ununivers fortement concurrentiel, pression du marché et satisfaction des besoins desclients-sociétaires (Ory, Richez-Battesti et Gianfaldoni, 2007).

De manière générale, le coopérativisme ne peut pas disparaître. S’il demeure parfois endehors des radars, il réapparaîtra à chaque fois que nos sociétés rencontreront une situationd’adversité, car face à une difficulté commune, c’est dans la nature humaine de coopérer.

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Notes

1 Institut sur la gouvernance d’organisations privées et publiques (IGOPP), initiative conjointe deHEC-Montréal et de l’Université Concordia (École de gestion John-Molson)2 Sourcei: Panorama sectoriel des entreprises coopératives, Top 100, édition 2012.3 Sourcei: Groupement Européen des Banques coopératives, Key statistics as on 31-12-09.4 Sourcei: Association Nationale des Crédit Union5 Reconnu depuis la décision du 16 décembre 1999, et issu des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclarationdes droits de l’homme et du citoyen de 1789, et du principe de clarté de la loi issu de l’article 34 de laConstitution française6 Sourcei: Fédération Française des Banques.7 Sourcei: Rapports annuels 2011 des institutions financières à l’étude.

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stratégique, Montréal, Chenelière/McGraw-Hill.ALLAIRE, Y. et M. FIRSIROTU (2010). Plaidoyer pour un nouveau capitalismei: sur les causes profondes des crises

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Résumé

Depuis leur émergence, les banques coopératives ont connu une croissance constante, allant jusqu’àse classer parmi les plus grandes banques de France et du Québec. Étonnamment, elles demeurentlargement méconnues, bien que leur modèle d’affaires ait été reconnu durant la crise économique etfinancière de 2008. Malgré les contingences des années 1980 — déréglementation, ouverture desmarchés et intensification de la concurrence — qui ont causé de profondes mutations orga -nisationnelles chez les banques coopératives, notamment en termes de gouvernance, celles-ci restentattachées au concept de parties prenantes. À travers l’analyse de plusieurs recherches et d’interviewsréalisés auprès de praticiens du domaine bancaire coopératif, ce texte souligne la diversité desbanques coopératives et leur orientation vers une gouvernance créatrice de valeur.

Summary

Cooperative banks have shown steady growth since they first began to appear, and are now some ofthe largest financial institutions in France and Quebec. Surprisingly, a century later, cooperative banksare still largely unknown, even though their business model was recognized during the recent financialand economic crisis. Although the contingencies of the 1980s — such as deregulation, free marketsand increased competition — caused deep organizational changes within cooperative banks,especially in terms of governance, these banks remain committed to a stakeholder business model.Based on an analysis of several studies and interviews with cooperative banking professionals, thispaper underscores the diversity of cooperative banks and their focus on governance of that createsvalue.

Resumen

Desde su aparición, los bancos cooperativosihan ido creciendo constantemente, hasta clasifi -carseientre losibancos más grandes deiFrancia y Quebec. Sorprendentemente, éstos siguen siendo,iengran parte, desconocidos, aunqueisu modelo de negociosihaya sido reconocido duranteila crisisfinanciera yieconómica de 2008.iA pesar deilas contingencias deila década de 1980 — la des -reglamentación, la apertura de los mercadosiy eliaumento de la competenciai—ique provocaroncambios profundos enila organizaciónide los bancos cooperativos, particularmente en términos degobernabilidad,iellos permanecen ligadosial concepto deipartes implicadas.iA través del análisis demuchos estudios yide entrevistas realizadas a profesionalesidel sector bancario cooperativo, estetextoipone de relieve laivariedad deilos bancos cooperativosiy su orientaciónihacia una gobernabilidadcreadora de valor.

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