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'ecvclab/. TRAIL RUNNING ITRA OR NOT ITRA ? L'International Trail Running Association (ITRÂ) est un sujet brûlant dans le milieu du trail. Au grand dam de certains organisateurs, l'ITRA est devenu l'organisme certificateur du trail, ou du moins de ses ultras comme l'UTMB, et la porosité entre les deux questionne. Éléments de réflexion. La foule au départ de l'UTMB,le Graal del'ultra trail. Les prétendants doivent amasser des points durant d'autres courses,points décernés par l'ITRA. Àgauche, le passage du col de Voza. PhotosJocelynChavy Tous droits de reproduction réservés Wider le magazine o PAYS : France PAGE(S) : 26-30;32 SURFACE : 491 % PERIODICITE : Bimestriel DIFFUSION : (40000) 1 septembre 2017 - N°35

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TRAIL RUNNING

ITRA OR NOT ITRA ?L'International Trail Running Association (ITRÂ) est unsujet brûlant dans le milieu du trail. Au grand dam de certainsorganisateurs, l'ITRA est devenu l'organisme certificateurdu trail, ou du moins de ses ultras comme l'UTMB, et laporosité entre les deux questionne. Éléments de réflexion.

La foule au départ del'UTMB,le Graal del'ultra

trail. Les prétendantsdoivent amasser des

points durant d'autrescourses,points décernés

par l'ITRA. Àgauche, lepassage du colde Voza.

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iïïRKINTERNATIONAL

TRA'LRUNNINGASSOCIATION

L'ITRA est un sujet de débat récurrent dansle milieu du trail, sûrement le signe d'unecrise de croissance. L'engouement autour decette discipline outdoor ne se dément pas.D'un côté, le peloton des amateurs grossit. Del'autre, le niveau athlétique des élites se den-sifie. Le trail running demeure pourtant extrê-mement morcelé. En 2013, la création de L'ITRAse voulait une voie d'unification. La naissanceex nihilo de cette instance a pourtant faitgrincer des dents certains organisateurs decourse, qui y voient la main mise d'un éco-système construit autour de l'UTMB. Et lasaison 2017 a renforcé ce sentiment.Mars 2017. Branle-bas de combat dans lamaison UTMB à Chamonix. Alors que l'affichede la course s'annonce somptueuse, le demi-dieu du trail Kilian Jornet annonce qu'il décidede participer aux débats, attiré par la bagarreavec les meilleurs mondiaux. On passe alorspar toutes les émotions. L'excitation laisse rapi-dement place à une inquiétude : le Catalan a-t-il les points UTMB nécessaires pours'inscrire ?Car il en faut une quinzaine, glanés en troiscourses maximum, pour prétendre à un dos-sard, que vous soyez puissant ou misérable. EtKilian Jornet ne les a pas, aussi étonnant quecela puisse paraître. Comment l'ultra-terrestre,comme on le surnomme, celui qui gagne qua-siment chaque fois qu'il met le pied sur un trail,le second au classement ITRA, n'aurait-il pasles points nécessaires ? Plus largement, n'est-ce pas le signe d'un trail à deux vitesses, avecceux dans et ceux hors de L'ITRA ?

L'AFFAIRE KILIANKilian Jornet Burgada se fait plus rare surles sentiers ces derniers étés. Son projet

Summits of my life l'occupe parfois une partiede la saison estivale, l'obligeant à choisir avecminutie les courses auxquelles il participe. En2015 et 2016, rayon ultra, il ne s'aligne ainsique sur la Hardrock Endurance Run, un100 miles historique qui serpente dans lesmontagnes du Colorado à plus de 4- 000 mètres.L'altitude de la course l'entraîne pourses expé-ditions himalayennes en très haute altitude.Deux victoires à la clé, mais aucun point ITRAcollecté, paradoxalement. Rappelons qu'il nesuffit que de finir une course pour récolter cesprécieux sésames. Le directeur de course DaleGarland refuse de débourser le moindre centpour obtenir l'évaluation de sa course et neveut surtout pas entendre parler de L'ITRA.Arrivé à ce moment de l'histoire, une préci-sion s'impose. Car vous vous demandez sûre-ment comment sont acquis ces fameux pointsITRA et comment ils se transforment en pointsUTMB. Avant 2015, la course chamoniarde éva-luait elle-même ses courses qualificatives, cequi permettait de s'assurer que les préten-dants au tour du Mont-Blancsoient prêts à cegenre d'épreuve. Une tâche devenue de plusen plus lourde au fil des années, avec une listede compétitions labellisées s'allongeant sanscesse, en même temps que la fièvre du trailet de l'UTMB se répandait à travers le monde.Catherine Poletti, la directrice de l'Ultra-traildu Mont-Blanc, justifiait ainsi cette passation :« On se fiait aux organisateurs et il y avait par-fois certaines incohérences dans les chiffressur leurs parcours, que ce soit au niveau dukilométrage ou du dénivelé. Pour un trail loca-lisé en Corée du Sud par exemple, difficile pournous d'aller faire les vérifications sur place !Il faut vraiment analyser au plus près les tracesMEMBER

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POURQUOI LE CRITÈREMONTAGNE N'EST PAS

COMPTABILISÉ DANS LECOMPTE DE POINTS ITRA ?

GPS pour avoir un résultat fiable et ce travailprend beaucoup trop de temps. Nous conti-nuons de fixer les règles du jeu avec les pointsqualificatifs, mais laissons l'ITRA se chargerde les évaluer. Ça permettra à plus de coursesd'être qualificatives sur tous les continents, etdonc les coureurs auront plus de possibilitéspour prétendre postuler à l'UTMB. » L'ITRA secharge donc de recueillir les fichiers GPS desparcours des compétitions qui veulent se faireévaluer et délivre en échange un certain

nombre de points correspondant à la difficultédu parcours. Ce service est gratuit si la courseest membre de l'ITRA (jusqu'à 500 eurosl'adhésion en fonction du revenu des inscrip-

tions], ou forfaitaire (100 euros pour les nonadhérents, à renouveler chaque année],La sélection des coureurs sur la base de points

ITRA n'est pas exclusive à l'UTMB, puisque cesystème est aussi employé par le Lavaredo oul'Ultra trail du mont Fuji.

DES CRITÈRES À AFFINEROn ne fera pas ici le détail de l'algorithmeutilisé pour calculer les points ITRA, vous épar-gnant un sacré mal de tête (la méthode decalcul est néanmoins exposée sur le site de

l'ITRA], En revanche, on peut considérer quele système actuel de calcul a ses limites,comme l'a constaté Julien Jorro, le traileur duteam Garmm Adventure : « Ce qui est dom-

mage, c'est que l'ITRA ne se base que sur uneseule trace GPX(le fichier produit par un GPS),alors que Ton sait très bien qu'il y a des dif-férences suivant les modèles de GPS. Ils

devraient faire la moyenne d'une dizaine de

traces afin d'avoir quelque chose qui se rap-proche de la réalité. Il faut aussi qu'ils intè-

grent des éléments comme la météo et lanature du terrain. J'imagine bien que ce n'estpas simple, mais il doit bien y avoir un mathé-maticien dans le monde qui sait faire ça ! »,suggère l'athlète.

En fait, cette cotation technique existe déjà unpeu. Si le nombre de points ITRA attribués àune course correspond uniquement au critère« d'endurance », l'ITRA évalue d'autres varia-bles pour informer les coureurs, tel le niveau« montagne », de 1 à 12, évalué en fonction del'altitude, du pourcentage et des longueursdes ascensions. Existe également le critère« finisher », défini par rapport aux barrièreshoraires prévues par l'organisateur. Il désignepar extrapolation la cotation ITRA minimale

de l'athlète espérant finir la course (attention,les points ITRA évaluent la course, la cota-tion concerne l'athlète). Pour que le tableausoit vraiment complet, comme le suggère

Julien Jorro, il faudrait rajouter les critèresmétéorologiques et surtout la technicité duterrain. En effet, 100 mètres de dénivelé nesont pas équivalents que l'on se trouve sur le

Marathon du Mont-Blanc ou le Trofeo Kimapar exemple. Mais restons simplement sur le

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POUR KILIAN, UNEPOLITIQUE DE WILD GARDAURAIT ÉTÉ PLUS SIMPLE

critère « montagne » qui a le mérite de déjàexister. Pourquoi n'est-il pas comptabilisé dansle compte de point ITRA ? Cela s'explique sûre-ment par sa création récente et son rodage.Il ne serait d'ailleurs pas improbable qu'il soitintégré dans de prochaines mises à jour del'évaluation ITRA. Une mauvaise nouvelle pourles écotrails qui bénéficient pour l'instant d'uneattribution de point généreuse eu égard à leurdifficulté réelle. Certains coureurs parlentmême de points « faciles » à glaner. Des bonsplans en quelque sorte, même si les écotrails,comme ceux de Paris ou Bruxelles parexemple, ne préparent pas idéalement à destrails montagneux. Un comble, puisque lespoints ITRA existent justement pour s'assurerde l'expérience d'un coureur pour ce typed'épreuve.

Quoi qu'il en soit, le système de point ITRAreste perfectible. Les remarques de JulienJorro ne sont pas restées lettre morte, puisqueL'ITRA lui aurait dit « en off » récemment qu'elleallait repenser la manière dont elle évaluaitles traces GPS. Voyons l'autre point épineuxmaintenant. Quelles courses sont évaluées ?

LA POLÉMIQUE HARDROCKReprenons à ce moment notre histoire avecKilian Jornet où nous l'avions laissée. LaHardrock 100 n'est pas une course qualifica-tive, car elle n'est pas adhérente à L'ITRA etn'a pas non plus voulu payer la dîme de 100euros pour faire analyser sa trace GPS et cer-tifier ainsi de sa difficulté. La directrice del'UTMB décide donc de contacter l'organisa-

teur américain Dale Garland. Selon ce der-nier, elle l'aurait encouragé à payer les ser-vices de L'ITRA pour se faire évaluer etpermettre à Jornet de courir l'UTMB. L'épisodeest relaté de cette manière dans une lettrepubliée le 27 juin sur le site Ultrarunning.compar des organisateurs d'ultra américains. Elleest titrée « Pourquoi nous ne paierons pas :UTMB, ITRA et le racket du pour des

». Parmi les signataires, le premierconcerné, Dale Garland : «La Hardrock 100 areçu un email de Catherine Poletti qui, avecson mari Michel, sont à la tête de l'UTMB etde TITRA. Il disait, en résumé, que Kilian Jornetvoulait courirl'UTMB, mais comme la Hardrockn 'avait pas payé pour rejoindre TITRA, il man-quait de points qualificatifs. Donc l'idée était :

la Hardrock ne voudrait-elle pas payer pourque Kilian puisse participer ? La réponse estnon. «Jointe par téléphone, Mme Poletti s'estdéfendue de cette version des faits : «J'aiappelé M. Garland par correction pour luiannoncer qu'on rendrait qualificative laHardrock 100. Je note qu'il n'a pas fait demême pour intégrer l'UTMB dans sa propreliste qualificative. Jamais on ne lui a imposé

une adhésion à TITRA. Elle lui a été proposée,mais il a préféré ne pas donner suite, point. »Comment une course non évaluée par L'ITRAest-elle devenue qualificative ? En réalité,même si l'UTMB se base sur les points ITRA,ils restent indicatifs dans l'absolu.« Ce qui a nécessité la chose, nous a expliquéMme Poletti, c'est effectivement que Kilian medise en mars de m'inscrire àJ'ai répondu bien, sauf que tu n'as pastous tes points au niveau administratif. Au niveausportif, chacun sait que tu as gagné les deuxdernières Hardrock et qu'elles représententlargement la même difficulté que l'UTMB, doncon ne part pas dans ». Autrementdit, l'ultra-trail organisé dans les Rocheusesdu Colorado est assez réputé pour que l'UTMBlui octroie six points qualificatifs, sans consulterLIT RA. « Si on ne connaît pas parfaitement unecourse, on aura besoin d'une évaluation parTITRA. C'est un service qui nécessite du per-sonnel, donc payant, poursuit la directrice del'UTMB. Après, si on connaît une course... »Alors l'UTMB a le dernier mot pour évaluer lui-même un trail, cela est précisé noir sur blancdans son règlement. C'est tout de même unejolie entorse à la procédure habituelle afin d'as-surer le spectacle, l'UTMB ne pouvant raison-nablement empêcher Jornet de courir pour unequestion de points. La Hardrock 100 a eu ainsiimplicitement gain de cause. Cela pourrait néan-moins ouvrir la brèche à des contestations d'au-tres trails qualificatifs qui, eux, s'acquittent dupaiement du service d'évaluation. Tout ça pourça, alors qu'une politique de wild card baséesur la cotation ITRA eût été plus simple I « Jerappelle que cette décision bénéficie à tous lescoureurs de la Hardrock, précise Mme Poletti,pas seulement Kilian. Carc'est injuste que desgens qui ont fini une course si difficile ne puis-sent ensuite avoir des points s'ils veulent fairel'UTMB. » Les trails connus et qui paient leurévaluation iTRA apprécieront.

COMMENT ÉVALUER UNE COURSEÉvaluer indistinctement chaque course seraitune meilleure idée selon le vice-championdu monde de trail Nicolas Martin : «Je trouvecomplètement anormal qu'une course ne rap-porte pas automatiquement des points ITRA.Aujourd'hui, l'indice de performance est uti-

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Petit matin au lacCombal sur l'UTMBversant italien.© Jocelyn Chavy

usé et il faudrait donc que chaque course soitévaluée. Mais ne cachons pas le but mercan-tile de la création de cette association, qui n'estpas totalement indépendante de l'organisa-

tion de l'UTMB. » Ça y est, on arrive au pointdélicat de cette affaire : l'argent. Il est accuséici de tous les maux. Alors nous nous sommesprocuré les comptes de l'ITRA pour voir com-

bien représentait le montant des évaluationsde course et des adhésions, au-delà de tousles fantasmes diffusés sur les réseaux sociaux.Pour information, l'ITRA est une association à

but non lucratif basée en Suisse, sur les bordsdu lac Léman, à l'image de bien des fédéra-tions sportives (football, cyclisme, triathlon,etc.]. Elle est en passe d'être reconnue parl'IAAF (International Association of AthleticsFédérations). Outre l'évaluation de course etla délivrance des fameux points, elle disposede plusieurs pôles, tels que santé, antidopage(via le programme Quartz de Pierre Sa lie t, undes membres fondateurs de l'ITRA), environ-nement, qualité, structuration internationale...Selon les comptes 2016 présentés à son assem-blée générale, les adhésions de courses luifont gagner 77 666 euros (et pas francs suisses)et l'évaluation des courses non adhérentes23 821 euros. S'ajoute à cela 10 439 euros

d'adhésion d'athlètes individuels et quelquesbroutilles (300 euros), pour arriver à un revenu

total de 1 12 227 euros sur l'année 2015. Leprincipal poste de dépense est le salaire des4 employés, soit 40.461 euros. Tous les autresmembres du bureau sont bénévoles. On vous

épargne toutes les autres lignes comptablespour finalement dire que les bénéfices de l'ITRAsont de 37 800 euros sur 2015. Pas de quoisauter au plafond, d'autant que le statut asso-

ciatif oblige à ce qu'ils soient réinvestis direc-tement dans les actions de l'association. Onne peut donc pas parler de machine à sous.

FRONDE OU STRUCTURATION ?

On voit pourtant un certain nombre de courseshostiles à l'ITRA sur la base qu'elle ne seraitqu'une caisse enregistreuse cherchant le profit.C'est le cas du trail de Guerlédan, celui du

Grand Duc en Chartreuse et bien d'autres. Lagronde ne se limite pas à la France, puisquedes rejets similaires existent ailleurs commeaux Etats-Unis, nous l'avons vu, ou encore auRoyaume-Uni, où le Challenge Running (unequinzaine de courses) revendiquait dès 2015 :« Nous ne paierons pas pour faire la publicitéd'autres courses. Nous n'avons pas besoin deplus de contrôle dans notre sport ». A l'inverse,

d'autres ne voient pas le problème, commenous l'a confié l'organisation du Trail des

Passerelles, en Isère : « Cent euros pour éva-luer une course, c'est une goutte d'eau dansnotre budget, n'exagérons rien ! Certains trailsutilisent ça pour attirer des coureurs. Pour

nous, c'est davantage un service qu'on rend àune petite partie du peloton. » Le boycott del'iTRAserait donc plus éthique et politique quefinancier (même si cette dernière considéra-

tion existe toujours).Beaucoup d'acteurs différents se partagent

un gâteau de plus en plus appétissant. Lesmarques, les organisateurs, et maintenant lesassociations ou fédérations. Il y a aussi ceuxdéfendant l'esprit trail, loin de toute considé-ration mercantile, même si ce terme cache

autant de conceptions différentes qu'il y a decoureurs. La crispation provoquée par l'ar-rivée — tardive — de la Fédération françaised'athlétisme dans le jeu, cristallise les conflitsintestins. Quand la FFA parlait d'une taxe pourles courses hors stade il y a deux ans, tout lemonde avait mis le holà, défendant un traillibre, indépendant de toute chapelle. Le projetne s'appliquait en réalité qu'à 600 courses horsstade affiliées FFA (à comparer avec les mil-liers de trails en France), et voulait miser sur

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Michel Lanne sur le Trail duVentoux, l'une des courses quia rais en cause le système depoints ITRA. © Roger Goin

LE TRAIL PEUT-IL RESTERINDÉPENDANT OU

DOIT-IL ÊTRE STRUCTURÉ ?THAT IS THE QUESTION.

le développement de la discipline. Car il ne fautpas être dupe, toute structuration a un prix.Cette course en avant reste encore contestée

par un collectif, les << No ITRA », qui existe parle biais d'une page Facebook. « Le trail exis-tait avant ! Et plutôt bien, avancent ses mem-bres », dont Serge Jaulin du Trail du Ventouxou Jack Peyrard du Challenge Val de Drôme.« Pourquoi légiférer ? C'est une minorité quigouverne une majorité divisée ou fataliste.C'est très bien joué. Mais nous avons encorele droit de ne pas être d'accord. Nous sommes

contre la façon de faire et d'imposer de l'ITRA,poursuivent-ils. Pour rappel, l'ITRA est unecopie au niveau classement et idées de l'UnionWorld Running (UWRl qui était gratuit ». Outre

les organisateurs, les athlètes eux-mêmesveulent faire entendre leur voix dans la struc-turation de leur discipline. En 2015, FrançoisD'Haene refusait par exemple publiquementune sélection en équipe de France pourcontester la séparation entre élites et ama-teurs lors des championnats du monde àAnnecy, sur la Maxi Race. Une position radi-

cale, mais justifiée par la peur d'évoluercomme des sports similaires des années 90,à l'instar du V'TT qui s'est fourvoyé dans des

formats contre nature pour se conformer àla retransmission télévisée et à l'olympisme.

UNE HISTOIRE DE LÉGITIMITÉUn dilemme s'impose alors : rester en margedu développement du trail et rester indépen-dant, ou tenter de faire entendre sa voix pourque le trail ne soit pas administré par des fédé-rations qui se l'approprient, mais ne le connais-

sent pas ? « La légitimité de la FFA dans letrail ne se discute pas, mais il n 'est pas ques-tion que les directives tombent d'en haut »,préférait raisonner Michel Poletti dans les

colonnes de La Croix en 2015. Une positionqu'approuve Nicolas Martin, membre del'équipe de France de trail et du team Hoka :« Peu importe la fédération, il faut des acteurscompétents et qui connaissent la discipline.Le vrai souci majeur, c'est surtout de fédérerles distances, les courses. L'ITRA part, à monsens, d'une bonne intention qui est celle de

vouloir fédérer le trail. D'un point de vue com-pétitif, c'est plutôt une bonne initiative. C'est

tout de même un réel défi, car ce sport s'estdéveloppé en marge d'une pratique fédérale.De ce fait, on se heurte à la présence d'autresfédérations ou associations anciennes du styleSkyrunning et aussi à l'existence de grandes

classiques comme Sierre Zinal. Aujourd'hui,si on parle compétition, le vrai problème estle manque de confrontation régulière entre lesmeilleurs mondiaux. »

PÉCHÉ ORIGINELIl n'en reste pas moins que l'ITRA souffre d'unpéché originel qui questionne sa légitimité :l'UTMB. Parmi les membres fondateurs del'ITRA se trouve le couple Poletti, dirigeants del'UTMB. Michel Poletti occupe également leposte de président de l'ITRA, à titre bénévole,élu par les adhérents. Malgré la sincérité de

M. Poletti, ce hiatus nuit à la crédibilité de l'ITRA,car l'amalgame entre UTMB et ITRAdemeuretrop fort, avec tous les soupçons de conflitsd'intérêts que cela engendre. La lettre des orga-

nisateurs américains citée plus haut en estsymptomatique. Cet épisode entre Hardrocket UTMB révèle en tout cas les fractures mul-tiples qui divisent les organisateurs de trailssur la structuration de la discipline, entre enjeuxéthiques, commerciaux et politiques. Mais rap-pelons, pour finir, que rien ne contraint unecourse de s'affilier à quelque fédération ouassociation que ce soit. La prépondérance despoints ITRA diminue aussi considérablementpour quiconque qui ne fait pas d'ultra.Pour Jean-Michel Faure-Vincent, managerduteam Salomon France et organisateur de trail

sous la casquette de son entreprise JMKConsult, « qu'on l'appelle trail running, sky-running, course nature... que Ton soitpro ITRA,SKY, FFA, IAAF ou rien de tout cela, est-cevraiment là le plus important, si le sport enbénéficie ? Notre sport progresse, évolue, etchange, c'est aussi sa force depuis le début :ne pas être figé par des règles l'enfermantdans des cadres trop strictes limitant les ima-ginations et rêves de tous, coureurs et orga-nisateurs. » Voilà qui a de quoi apaiser, enattendant d'autres rebondissements.

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