Français - Sujets d'Agreg

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Français / Grammaire Polyeucte , acte II, scène 2, vers 461-486 ("Pauline a l'âme noble, et parle à coeur ouvert"). Grammaire : La proposition (vers 465-478). Si le ciel en mon choix eût mis mon hyménée, À vos seules vertus je me serais donnée, Et toute la rigueur de votre premier sort Contre votre mérite eût fait un vain effort. Je découvrais en vous d'assez illustres marques 470 Pour vous préférer même aux plus heureux monarques ; Mais puisque mon devoir m'imposait d'autres lois, De quelque amant pour moi que mon père eût fait choix, Quand à ce grand pouvoir que la valeur vous donne Vous auriez ajouté l'éclat d'une couronne, 475 Quand je vous aurais vu, quand je l'aurais haï, J'en aurais soupiré, mais j'aurais obéi, Et sur mes passions ma raison souveraine Eût blâmé mes soupirs et dissipé ma haine. Mémoires d'Hadrien p.225 "Mon deuil n'était qu'une forme de...le frais sur le rivage". Grammaire : épithètes et attribut. Mon deuil n'etait qu'une forme de debordement , une debauche grossiere : je restais celui qui profite , celui qui jouit, celui qui experimente : le bien-aime me livrait sa mort. Un homme frustre pleurait sur soi- meme. Les idees grincaient ; les paroles tournaient a vide ; les voix faisaient leur bruit de sauterelles au desert ou de mouches sur un tas d'ordures ; nos barques aux voiles gonflees comme des gorges de colombes vehiculaient l'intrigue et le mensonge ; la betise s'etalait sur les fronts humains . La mort percait partout sous son aspect de decrepitude ou de pourriture : la tache blette d'un fruit, une dechirure imperceptible au bas d'une tenture, une charogne sur la berge, les pustules d'un visage, la marque des verges sur le dos d'un marinier. Mes mains semblaient toujours un peu sales . A l'heure du bain, tendant aux esclaves mes jambes a epiler , je regardais avec degout ce corps solide , cette machine presque indestructible , qui digerait, marchait, parvenait a dormir, se reaccoutumerait un jour ou l'autre aux routines de l'amour. Je ne tolerais plus que la presence des quelques serviteurs qui se souvenaient du mort ; a leur maniere, ils l'avaient aime. Mon deuil trouvait un echo dans la douleur un peu niaise d'un masseur ou du vieux negre prepose aux lampes. Mais leur

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Franais / Grammaire

Polyeucte, acte II, scne 2, vers 461-486 ("Pauline a l'me noble, et parle coeur ouvert"). Grammaire : La proposition (vers 465-478).

Si le ciel en mon choix et mis mon hymne,

vos seules vertus je me serais donne,Et toute la rigueur de votre premier sortContre votre mrite et fait un vain effort.Je dcouvrais en vous d'assez illustres marques470Pour vous prfrer mme aux plus heureux monarques ;

Mais puisque mon devoir m'imposait d'autres lois,De quelque amant pour moi que mon pre et fait choix,Quand ce grand pouvoir que la valeur vous donneVous auriez ajout l'clat d'une couronne,475Quand je vous aurais vu, quand je l'aurais ha,

J'en aurais soupir, mais j'aurais obi,Et sur mes passions ma raison souveraineEt blm mes soupirs et dissip ma haine.

Mmoires d'Hadrien p.225 "Mon deuil n'tait qu'une forme de...le frais sur le rivage". Grammaire : pithtes et attribut.

Mon deuil n'etait qu'une forme de debordement, une debauche grossiere: je restais celui qui profite, celui qui jouit, celui qui experimente: le bien-aime me livrait sa mort. Un homme frustre pleurait sur soi-meme. Les idees grincaient; les paroles tournaient a vide; les voix faisaient leur bruit de sauterelles au desert ou de mouches sur un tas d'ordures; nos barques aux voiles gonflees comme des gorges de colombes vehiculaient l'intrigue et le mensonge; la betise s'etalait sur les fronts humains. La mort percait partout sous son aspect de decrepitude ou de pourriture: la tache blette d'un fruit, une dechirure imperceptible au bas d'une tenture, une charogne sur la berge, les pustules d'un visage, la marque des verges sur le dos d'un marinier. Mes mains semblaient toujours un peu sales. A l'heure du bain, tendant aux esclaves mes jambes a epiler, je regardais avec degout ce corps solide, cette machine presque indestructible, qui digerait, marchait, parvenait a dormir, se reaccoutumerait un jour ou l'autre aux routines de l'amour. Je ne tolerais plus que la presence des quelques serviteurs qui se souvenaient du mort; a leur maniere, ils l'avaient aime. Mon deuil trouvait un echo dans la douleur un peu niaise d'un masseur ou du vieux negre prepose aux lampes. Mais leur chagrin ne les empechait pas de rire doucement entre eux en prenant le frais sur le rivage.

Place dans le GV, une catgorie (GN, GA, Phrase) en position datribut forme avec le verbe un prdicat qui exprime une proprit, un tat, lppartenance une classe. Cette relaiton passe par une liste ferme de verbes. Certains autres verbes appellent des GN ou des GA attributs de lobjet. > relation attributive sans verbe intermdiaire. La relation entre attribut et terme dont il dpend: smantiquement htrogne

Baudelaire, Le gteau (enfin, la moiti...) ; grammaire : la fonction attribut

Je voyageais. Le paysage au milieu duquel j'tais plac tait d'une grandeur et d'une noblesse irrsistibles. Il en passa sans doute en ce moment quelque chose dans mon me. Mes penses voltigeaient avec une lgret gale celle de l'atmosphre; les passions vulgaires, telles que la haine et l'amour profane, m'apparaissaient maintenant aussi loignes que les nues qui dfilaient au fond des abmes sous mes pieds; mon me me semblait aussi vaste et aussi pure que la coupole du ciel dont j'tais envelopp; le souvenir des choses terrestres n'arrivait mon coeur qu'affaibli et diminu, comme le son de la clochette des bestiaux imperceptibles qui paissaient loin, bien loin, sur le versant d'une autre montagne. Sur le petit lac immobile, noir de son immense profondeur, passait quelquefois l'ombre d'un nuage, comme le reflet du manteau d'un gant arien volant travers le ciel. Et je me souviens que cette sensation solennelle et rare, cause par un grand mouvement parfaitement silencieux, me remplissait d'une joie mle de peur. Bref, je me sentais, grce l'enthousiasmante beaut dont j'tais environn, en parfaite paix avec moi-mme et avec l'univers; je crois mme que, dans ma parfaite batitude et dans mon total oubli de tout le mal terrestre, j'en tais venu ne plus trouver si ridicules les journaux qui prtendent que l'homme est n bon; - quand la matire incurable renouvelant ses exigences, je songeai rparer la fatigue et soulager l'apptit causs par une si longue ascension. Je tirai de ma poche un gros morceau de pain, une tasse de cuir et un flacon d'un certain lixir que les pharmaciens vendaient dans ce temps-l aux touristes pour le mler dans l'occasion avec de l'eau de neige.Je dcoupais tranquillement mon pain, quand un bruit trs lger me fit lever les yeux. Devant moi se tenait un petit tre dguenill, noir, bouriff, dont les yeux creux, farouches et comme suppliants, dvoraient le morceau de pain. Et je l'entendis soupirer, d'une voix basse et rauque, le mot: gteau! Je ne pus m'empcher de rire en entendant l'appellation dont il voulait bien honorer mon pain presque blanc, et j'en coupai pour lui une belle tranche que je lui offris. Lentement il se rapprocha, ne quittant pas des yeux l'objet de sa convoitise; puis, happant le morceau avec sa main, se recula vivement, comme s'il et craint que mon offre ne ft pas sincre ou que je m'en repentisse dj.Mais au mme instant il fut culbut par un autre petit sauvage, sorti je ne sais d'o, et si parfaitement semblable au premier qu'on aurait pu le prendre pour son frre jumeau. Ensemble ils roulrent sur le sol, se disputant la prcieuse proie, aucun n'en voulant sans doute sacrifier la moiti pour son frre. Le premier, exaspr, empoigna le second par les cheveux; celui-ci lui saisit l'oreille avec les dents, et en cracha un petit morceau sanglant avec un superbe juron patois. Le lgitime propritaire du gteau essaya d'enfoncer ses petites griffes dans les yeux de l'usurpateur; son tour celui-ci appliqua toutes ses forces trangler son adversaire d'une main, pendant que de l'autre il tchait de glisser dans sa poche le prix du combat. Mais, raviv par le dsespoir, le vaincu se redressa et fit rouler le vainqueur par terre d'un coup de tte dans l'estomac. A quoi bon dcrire une lutte hideuse qui dura en vrit plus longtemps que leurs forces enfantines ne semblaient le promettre? Le gteau voyageait de main en main et changeait de poche chaque instant; mais, hlas! il changeait aussi de volume; et lorsque enfin, extnus, haletants, sanglants, ils s'arrtrent par impossibilit de continuer, il n'y avait plus, vrai dire, aucun sujet de bataille; le morceau de pain avait disparu, et il tait parpill en miettes semblables aux grains de sable auxquels il tait ml.Ce spectacle m'avait embrum le paysage, et la joie calme o s'baudissait mon me avant d'avoir vu ces petits hommes avait totalement disparu; j'en restai triste assez longtemps, me rptant sans cesse: "Il y a donc un pays superbe o le pain s'appelle du gteau, friandise si rare qu'elle suffit pour engendrer une guerre parfaitement fratricide!"

VIe de Marianne, p.144-145 "Nouvelle..." "...tous deux manqus". Grammaire: "Dmonstratifs et possessifs"

Nouvelle augmentation de singularit dans ce coup de hasard. je n'avais fait que rougir en le voyant, cet oncle; mais sa parent, que j'apprenais, me dconcerta encore davantage; et la manire dont je le regardai, s'il y fit attention, m'accusait bien nettement d'avoir pris plaisir aux discours de Valville. J'avais tout fait l'air d'tre sa complice; cel n'tait pas douteux ma contenance.

De sorte que nous tions trois figures trs interdites. A l'gard de la dame que menait M. de Climal, elle ne me parut pas s'apercevoir de notre embarras, et ne remarqua, je pense, que mes grces, ma jeunesse, et la tendre posture de Valville.

Ce fut elle qui ouvrit la conversation. je ne vous plains point, monsieur, vous tes en bonne compagnie, un peu dangereuse la vrit; je n'y crois pas votre coeur fort en sret, dit-elle Valville en nous saluant. A quoi d'abord il ne rpondit que par un sourire, faute de savoir que dire. M. de Climal souriait aussi, mais de mauvaise grce, et en homme indtermin sur le parti qu'il avait prendre, inquiet de celui que je prendrais; car fallait-il qu'il me connt ou non, et moi-mme allais-je en agir avec lui comme avec un homme que je connaissais?

D'un autre ct, ne sachant aussi quel accueil je devais lui faire, j'observais le sien pour m'y conformer; et comme son air souriant ne rglait rien l-dessus, la manire dont je saluai ne fut pas plus dcisive, et se sentit de l'quivoque o il me laissait.

En un mot, j'en fis trop et pas assez. Dans la moiti de mon salut, il semblait que je le connaissais; dans l'autre moiti, je ne le connaissais plus; c'tait oui, c'tait non, et tous les deux manqus.

Mmoires d'Hadrien, pp. 90-91, "L'empereur poursuivait... baissaient encore avec l'ge." Grammaire : "L'adverbe".

Lempereur poursuivait au milieu des ruines les prparatifs de la prochaine campagne : une fort entire fut employe la [85] construction de ponts mobiles et de pontons pour le passage du Tigre. Il avait reu avec joie toute une srie de titres nouveaux dcerns par le Snat; il lui tardait den finir avec lOrient pour retourner triompher Rome. Les moindres dlais dclenchaient des fureurs qui lesecouaient comme un accs.Lhomme qui arpentait impatiemment les vastes salles de ce palais bti jadis par les Sleucides, et que javais moi-mme (quel ennui!) dcores en son honneur dinscriptions logieuses et de panoplies daces, ntait plus celui qui mavait accueilli au camp de Cologne il y avait dj prs de vingt ans. Ses vertus mme avaient vieilli. Sa jovialit un peu lourde, qui masquait autrefois une vraie bont, ntait plus que routine vulgaire; sa fermet stait change en obstination; ses aptitudes pour limmdiat et le pratique en un total refus de penser. Le respect tendre quil avait pour limpratrice, laffection grondeuse quil tmoignait sa nice Matidie se transformaient en une dpendance snile envers ces femmes, aux conseils desquelles il rsistaitpourtant de plus en plus. Ses crises de foie inquitaient son mdecin Criton; luimme ne sen souciait pas. Ses plaisirs avaient toujours manqu dart; leurniveau baissait encore avec lge

Polyeucte acte 1 sc 4, vv439-359 grammaire les pronoms personnelsDans un tel entretien il suit sa passion,440Et ne pousse qu'injure et qu'imprcation.

SVRE.Juge autrement de moi : mon respect dure encore ;Tout violent qu'il est, mon dsespoir l'adore.Quels reproches aussi peuvent m'tre permis ?De quoi puis-je accuser qui ne m'a rien promis ?445Elle n'est point parjure, elle n'est point lgre :

Son devoir m'a trahi, mon malheur, et son pre.Mais son devoir fut juste, et son pre eut raison :J'impute mon malheur toute la trahison ;Un peu moins de fortune, et plus tt arrive,450Et gagn l'un par l'autre, et me l'et conserve ;

Trop heureux, mais trop tard, je n'ai pu l'acqurir :Laisse-la-moi donc voir, soupirer, et mourir.FABIAN.Oui, je vais l'assurer qu'en ce malheur extrmeVous tes assez fort pour vous vaincre vous-mme.455Elle a craint comme moi ces premiers mouvements

Qu'une perte imprvue arrache aux vrais amants,Et dont la violence excite assez de trouble,Sans que l'objet prsent l'irrite et le redouble.SVRE.Fabian, je la vois.FABIAN.Seigneur, souvenez-vous...

La Botie p. 80-82 ("mais o bon dieu" "est ce lchet") grammaire: propositions relatives et propositions interrogatives

Mais o bon dieu, que peut estre cela ? comment dirons nous que cela sappelle ? quel malheur est celui la ? quel vice ou plustost quel malheureux vice voir un nombre infini de personnes, non pas obeir, mais servir ; non pas estre gouverns, mais tiranniss, naians ni bien, ni parens, femmes ny enfans ni leur vie mesme qui soit a eux, souffrir les pilleries, les paillardises, les cruauts, non pas dune arme non pas dun camp barbare contre lequel il faidrait despendre son sang et sa vie devant, mais dun seul ; non pas dun Hercule ny dun Samson, mais dun seul hommeau, et le plus souvent le plus lasche et femelin de la nation ; non pas accoustum a la poudre des batailles, mais anco- tienne de La Botie, Le Discours de la servitude volontaire (1549) 53 re a grand peine au sable des tournois, non pas qui puisse par force commander aux hommes, mais tout empesch de servir vilement a la moindre femmelette ; appellerons nous cela laschet ? Dirions nous que ceux qui servent soient couards et recreus ? Si deux si trois si quatre ne se defendent dun, cela est estrange, mais toutesfois possible ; bien pourra lon dire lors a bon droict que cest faute de cur. Mais si cent, si mille endurent dun seul, ne dira lon pas quils ne veulent point, non quils nosent pas se prendre a liy, et que cest non couardise mais plustost mespris ou desdain ? Si lon void non pas cent, non pas mille hommes, mais cent pais, mille ville, un million dhommes nassaillir pas un seul, duquel le mieulx trait de tous ce mal destre serf et esclave, comment pourrons nous nommer cela ? est ce laschet ?

Baudelaire les fentres ; grammaire les pronomsLes Fentres Celui qui regarde du dehors travers une fentre ouverte, ne voit jamais autant de choses que celui qui regarde une fentre ferme. Il nest pas dobjet plus profond, plus mystrieux, plus fcond, plus tnbreux, plus blouissant quune fentre claire dune chandelle. Ce quon peut voir au soleil est toujours moins intressant que ce qui se passe derrire une vitre. Dans ce trou noir ou lumineux vit la vie, rve la vie, souffre la vie. Par del des vagues de toits, japerois une femme mre, ride dj, pauvre, toujours penche sur quelque chose, et qui ne sort jamais. Avec son visage, avec son vtement, avec son geste, avec presque rien, jai refait lhistoire de cette femme, ou plutt sa lgende, et quelquefois je me la raconte moi-mme en pleurant. Si cet t un pauvre vieux homme, jaurais refait la sienne tout aussi aisment. Et je me couche, fier davoir vcu et souffert dans dautres que moi-mme. Peut-tre me direz-vous: Es-tu sr que cette lgende soit la vraie? Quimporte ce que peut tre la ralit place hors de moi, si elle ma aid vivre, sentir que je suis et ce que je suis?

Baudelaire: Le dsespoir de la vieille. Grammaire: les complments du verbe

Le Dsespoir de la vieille

La petite vieille ratatine se sentit toute rjouie en voyant ce joli enfant qui chacun faisait fte, qui tout le monde voulait plaire ; ce joli tre, si fragile comme elle, la petite vieille, et, comme elle aussi, sans dents et sans cheveux.Et elle sapprocha de lui, voulant lui faire des risettes et des mines agrables.Mais lenfant pouvant se dbattait sous les caresses de la bonne femme dcrpite, et remplissait la maison de ses glapissements.Alors la bonne vieille se retira dans sa solitude ternelle, et elle pleurait dans un coin, se disant : Ah ! pour nous, malheureuses vieilles femelles, lge est pass de plaire, mme aux innocents ; et nous faisons horreur aux petits enfants que nous voulons aimer !

La Botie : p 98-100 (je prends plaisir... got de la franchise) ; grammaire : remarques ncessaires sur la phrase p. 99, "A Athnes ni Sparte... dans les puits"

Je prends plaisir de ramentevoir un propos que tindrent jadis un des favoris de Xerxes, le grand roy des Persnas, et deux Lacedemoniens. Quand Xerxe faisoit les appareils de sa grande arme pour conquerir la gece, il envoia ses ambassadeurs par les cits gregeoises, demander de leau et de la terre : cestoit la faon que les Persans avoient de sommer les villes de se rendre a eus. A Athenes ni a Sparte nenvoia il point, pource que ceux que Daire son pere y avoit envoi, les atheniens et les Spartains en avoient jett les uns dedans les fosss, les autres dans les puits, leur disants quils prinsent haridment de la de leaue et de la terre pour porter a leur prince : ces gens ne pouvoient soufrir que de la moindre parole seulement on touchast a leur libert. Pour en avoir ainsi us, les Spartains congneurent quils avoient encouru la haine des dieus, mesme de Talthybie, le dieu des herauds : ils sadviserent denvoier a Xerxe pour les appaiser, deux de leurs citoiens pour se presenter a lui, quil feit deulx a sa guise, et se paiat de l pour ambassadeur quils avoient tu son pere. Deux Spartains lun nomm Sperte et lautre Bulis, soffrirent de leur gr pour aller faire ce paiement, de fait ils y allerent, et en chemin ils arriverent au palais dun Persan, quon nommoit Indarne, qui estoit lieutenant du roy en toutes les villes dAsie qui sont sur les costes de la mer, il les recueillit fort honorablement, et leur fit grand chere, et apres plusieurs propos tombans de lun en lautre, il leur demanda pourquoy ils refusoient tant lamiti du roy ; vois dit il Spartains, et connoisses par moy comment le roy scait honorer ceulx qui le valent, et penses que si vous estiez a lui il vous feroit de mesme, si vous estiez a lui et quil vous eust connu, il ni a celui dentre vous qui ne fut seigneur dune ville de grece. En cecy Indarne tu ne nous scaurois donner bon conseil dirent les Lacedemoniens, pource que le bien que tu nous promets, tu las essai ; mais celui dont nous jouissons, tu ne sais que cest ; tu as esprouv la faveur du roy ; mais de la libert, quel goust elle a, combien elle est douce, tu nen scais rien. Or si tu en avois tast, toymes- tienne de La Botie, Le Discours de la servitude volontaire (1549) 63 me nous conseillerois de la deffendre, non pas avec la lance et lescu, mais avec les dens et les ongles. Le seul Spartain disoit ce quil falloit dire ; mais certes et lun et lautre parloit comme il avoit est nourry. Car il ne se pouvoit faire que le Persan eut regret a la libert, ne laiant jamais eue, ni que le Lacedemonien endurant la sujetion aiant goust de la franchise.