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© Cned, Français 4e 30 Sommaire Séquence 8 Paris, scène romanesque du XIX e siècle : la fabrique du héros Durée approximative de la séquence : 8 h 30 Séance 1 Étudier l’arrivée du héros à Paris Séance 2 Analyser les premières désillusions du héros Séance 3 Étudier les débuts difficiles du héros dans le journalisme Séance 4 Analyser la métamorphose du héros Séance 5 Étudier les conditions de la réussite à Paris : la protectrice et l’argent Séance 6 Comparer deux héros aux destins croisés Séance 7 Je m’évalue

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— © Cned, Français 4e30

Sommaire

Séquence 8Paris, scène romanesque du XIXe siècle :

la fabrique du héros

Durée approximative de la séquence : 8 h 30

Séance 1 Étudier l’arrivée du héros à Paris

Séance 2 Analyser les premières désillusions du héros

Séance 3 Étudier les débuts difficiles du héros dans le journalisme

Séance 4 Analyser la métamorphose du héros

Séance 5 Étudier les conditions de la réussite à Paris : la protectrice et l’argent

Séance 6 Comparer deux héros aux destins croisés

Séance 7 Je m’évalue

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Séquence 8

Socle commun

Durant cette séquence, tu auras l’occasion de développer tes connaissances et de travailler des items de la compétence ci-dessous.

COMPÉTENCE 1. La maîtrise de la langue française

Repérer des informations dans un texte à partir des éléments explicites et des éléments implicites nécessaires.

Dégager, par écrit ou oralement, l’essentiel d’un texte lu.

Écrire lisiblement un texte en respectant l’orthographe et la grammaire.

Rédiger un texte bref, cohérent et ponctué, en réponse à une question ou à partir d’une consigne donnée.

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Séquence 8 — séance 1

Séance 1Étudier l’arrivée du héros à Paris

© Cned / N. Julo

Je peux lire aussi …

- Le Père Goriot, Honoré de Balzac.

- Illusions perdues, Honoré de Balzac.

- Bel-Ami, Guy de Maupassant.

Durée de la séance : 1 h 30.

Dans cette séquence, tu vas découvrir comment Paris devient, au XIXe siècle, la scène romanesque privilégiée, le lieu où le héros se constitue par adaptations successives. La montée du provincial à Paris, « la ville aux cent romans » selon Balzac, devient un thème majeur dans les romans du XIXe siècle. Tu vas donc suivre les pas de quelques-uns de ces héros, depuis leur arrivée dans la capitale, jusqu’à leur succès, ou leur échec. Tu analyseras les désillusions de leurs débuts, leur métamorphose au contact de la société parisienne, mais aussi la façon dont ils tentent de s’approprier les moyens de leur réussite.

Dans la première séance, tu vas découvrir l’arrivée à Paris de Dominique, jeune provincial venu dans la capitale pour y réussir par l’étude et la littérature. Le jeune homme, qui nous raconte son histoire, est accompagné de son ami Olivier.

À présent, lis deux fois le texte qui suit et écoute le début à la piste 6 de ton CD.

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Nous arrivâmes à Paris, le soir. Partout ailleurs il eût été tard. Il pleuvait ; il faisait froid. Je n’aperçus d’abord que des rues boueuses, des pavés mouillés, luisants sous le feu des boutiques, le rapide et continuel éclair de voitures qui se croisaient en s’éclaboussant, une multitude de lumières étincelant comme des illuminations sans symétrie dans de longues avenues de maisons noires dont la hauteur me parut prodigieuse. Je fus frappé, je m’en souviens, des odeurs de gaz qui annonçaient une ville où l’on vivait la nuit autant que le jour, et de la pâleur des visages qui m’aurait fait croire qu’on s’y portait mal. J’y reconnus le teint d’Olivier, et je compris mieux qu’il avait une autre origine que moi.Au moment où j’ouvrais ma fenêtre pour entendre plus distinctement la rumeur inconnue qui grondait au-dessus de cette ville si vivante en bas, et déjà par ses sommets tout entière plongée dans la nuit, je vis passer au-dessous de moi, dans la rue étroite, une double file de cavaliers portant des torches, et escortant une suite de voitures aux lanternes flamboyantes attelées chacune de quatre chevaux et menées presque au galop.« Regarde vite, me dit Olivier, c’est le roi. »Confusément je vis miroiter des casques et des lames de sabre. Ce défilé retentissant d’hommes armés et de grands chevaux chaussés de fer fit rendre au pavé sonore un bruit de métal, et tout se confondit au loin dans le brouillard lumineux des torches.

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Séquence 8séance 1 —

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Olivier s’assura de la direction que prenaient les attelages ; puis, quand la dernière voiture eut disparu :« C’est bien cela, dit-il avec la satisfaction d’un homme qui connaît bien son Paris et qui le retrouve : le roi va ce soir aux Italiens1. »Et malgré la pluie qui tombait, malgré le froid blessant de la nuit, quelque temps encore il resta penché sur cette fourmilière de gens inconnus qui passaient vite, se renouvelaient sans cesse, et que mille intérêts pressants semblaient tous diriger vers des buts contraires.« Es-tu content ? » lui-dis-je.Il poussa une sorte de soupir de plénitude, comme si le contact de cette vie extraordinaire l’eût tout à coup rempli d’aspirations2 démesurées.

Dominique, Eugène Fromentin (1863).

Notes :1. « Italiens » : Nom d’un théâtre célèbre, le théâtre des Italiens.2. « aspirations » : désirs, souhaits.

Pour vérifier ta lecture, réponds maintenant aux questions qui suivent.

A Les premières impressions de Paris

1- a) À quelle personne l’histoire est-elle racontée ?

b) Quelle impression générale le narrateur a-t-il de Paris dans le premier paragraphe ?

c) Identifie et recopie les termes ou expressions qui sont à l’origine de cette impression.

d) Par quelles odeurs le narrateur est-il frappé ?

e) Quel aspect de l’architecture impressionne le narrateur ?

f) Pourquoi aurait-il pu croire que les gens se portaient mal à Paris ?

Tu peux comparer tes réponses avec celles contenues dans le corrigé.

2- a) Quel personnage le narrateur voit-il passer de sa fenêtre ?

b) Où se rend ce personnage ?

c) Par qui le narrateur apprend-il ces informations ?

d) En observant les perceptions visuelles et auditives, explique pourquoi cette apparition est impressionnante.

3- a) Dans quel état d’esprit se trouve Olivier, l’ami du narrateur ? Justifie ta réponse en citant le texte.

b) Donne deux exemples qui prouvent qu’Olivier connaît déjà bien Paris.

c) Relève une expression qui montre que, pour Olivier, Paris est le lieu où tous les rêves peuvent se réaliser.

Vérifie maintenant tes réponses dans le livret de corrigé, puis poursuis ton travail.

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Séquence 8 — séance 1

B Paris, une ville qui vit

1- a) Quel indice montre que l’on vit autant la nuit que le jour à Paris ?

b) Souligne dans le premier paragraphe les mots appartenant au champ lexical de la lumière.

c) De sa fenêtre, quelle opposition le narrateur note-t-il entre la ville « en bas » et ses « sommets » (l. 11) ?

2- a) Quelle métaphore est employée à la fin du texte pour désigner la grande ville ?

b) Quels sont les points communs entre l’image choisie et la capitale ?

c) L’impression ainsi donnée de Paris est-elle celle d’une société harmonieuse ou agitée de rivalités et de conflits ? Justifie ta réponse en citant le texte.

d) À travers cet extrait, Paris apparaît comme un lieu chargé de multiples valeurs. Illustre chacun de ces aspects par un mot ou une expression du texte :

- le lieu du commerce : ................................................................

- le lieu des spectacles : ..............................................................

- le lieu du pouvoir : ....................................................................

- le lieu des rêves et des ambitions : .............................................

Tu peux maintenant vérifier tes réponses. Lis ensuite le « Je retiens » qui suis et mémorise-le.

La présentation de Paris dans les romans du XIXe siècle

Souvent, pour caractériser la capitale dans les romans du XIXe siècle, le narrateur emploie des images comme les métaphores. Il peut s’agir de métaphores animalières comme dans cet extrait : « il resta penché sur cette fourmilière de gens inconnus ».

je retiens

C Expression écrite

Pour conclure cette séance, tu vas faire un petit exercice d’écriture.

Tu as vu que les impressions du narrateur et celles de son ami étaient assez différentes, lors de leur arrivée à Paris. Tu vas te glisser dans la peau d’Olivier et rédiger un paragraphe d’une quinzaine de lignes qui racontera cette arrivée de son point de vue. Tu garderas la structure générale de l’extrait en le raccourcissant : une description rapide de la ville puis la scène du passage du roi.

Pour réussir cet exercice tu dois :

- rédiger ton texte à la première personne du singulier

- rapporter les impressions et les sentiments d’Olivier

- conserver la structure de l’extrait (description rapide de la ville puis scène du passage du roi)

- garder les temps du passé (imparfait / passé simple) et vérifier l’orthographe.

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Séquence 8séance 1 —

Fais d’abord cet exercice sur ta feuille de brouillon. Vérifie ensuite que tu as bien respecté les consignes en complétant le tableau ci-dessous.

Je vérifie que… Fait J’ai rédigé mon texte à la première personne du singulier.J’ai rapporté les impressions et les sentiments d’Olivier.J’ai conservé la structure générale de l’extrait (description rapide de la ville puis scène du passage du roi).J’ai gardé les temps du passé (imparfait / passé simple) et vérifié l’orthographe.

Si toutes les consignes ont été respectées, recopie ton paragraphe sur ton cahier. Lis ensuite dans le corrigé un exemple de ce qu’il était possible d’écrire.

© N.Julo/Cned/2012

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Séquence 8 — séance 2

Séance 2Analyser les premières désillusions du héros

Durée de la séance : 1 h.

Dans cette séance, tu vas suivre les premiers pas de Lucien de Rubempré sur la scène parisienne. Ce jeune poète, figure importante dans sa ville d’Angoulême, a suivi sa maîtresse, Mme de Bargeton, à Paris, afin d’y réussir par la littérature. Ses premiers jours dans la capitale lui vaudront de cruelles désillusions. Le jeune homme mesure l’abîme qui sépare la vie provinciale de la vie parisienne.

Lis maintenant très attentivement les trois textes qui suivent, extraits du roman d’Honoré de Balzac, Illusions perdues.

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Extrait 1Pendant sa première promenade vagabonde à travers les Boulevards et la rue de la Paix, Lucien, comme tous les nouveaux venus, s’occupa beaucoup plus des choses que des personnes. À Paris, les masses s’emparent tout d’abord de l’attention : le luxe des boutiques, la hauteur des maisons, l’affluence des voitures, les constantes oppositions que présentent un extrême luxe et une extrême misère saisissent avant tout. Surpris de cette foule à laquelle il était étranger, cet homme d’imagination éprouva comme une immense diminution de lui-même. Les personnes qui jouissent en province d’une considération quelconque, et qui y rencontrent à chaque pas une preuve de leur importance, ne s’accoutument point à cette perte totale et subite de leur valeur. Être quelque chose dans son pays et n’être rien à Paris, sont deux états qui veulent des transitions ; et ceux qui passent trop brusquement de l’un à l’autre tombent dans une espèce d’anéantissement.

Illusions perdues, Honoré de Balzac (1843).

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Extrait 2Après avoir reconnu qu’il y avait une mise du matin et une mise1 du soir, le poète aux émotions vives, au regard pénétrant, reconnut la laideur de sa défroque2, les défectuosités qui frappaient de ridicule son habit dont la coupe était passée de mode, dont le bleu était faux, dont le collet était outrageusement disgracieux, dont les basques de devant, trop longtemps portées, penchaient l’une vers l’autre ; les boutons avaient rougi, les plis dessinaient de fatales lignes blanches. Puis son gilet était trop court et la façon si grotesquement provinciale que, pour le cacher, il boutonna brusquement son habit. […]« J’ai l’air du fils d’un apothicaire3, d’un vrai courtaud4 de boutique ! » se dit-il à lui-même avec rage en voyant passer les gracieux, les coquets, les élégants jeunes gens des familles du faubourg Saint-Germain, qui tous avaient une manière à eux qui les rendait tous semblables par la finesse des contours, par la noblesse de la tenue, par l’air du visage ; et tous différents par le cadre que chacun s’était choisi pour se faire valoir. Tous faisaient ressortir leurs avantages par une espèce de mise en scène que les jeunes gens

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Séquence 8séance 2 —

15entendent à Paris aussi bien que les femmes. Lucien tenait de sa mère les précieuses distinctions physiques dont les privilèges éclataient à ses yeux ; mais cet or était dans sa gangue5, et non mis en œuvre.

Illusions perdues, Honoré de Balzac (1843).

Notes :1. « une mise » : une tenue.2. « défroque » : vêtement ridicule.3. « apothicaire » : pharmacien. Lucien est effectivement le fils d’un pharmacien d’Angoulême.4. « courtaud » : commis.5. « gangue » : enveloppe.

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Extrait 3Il entra chez Véry1, commanda, pour s’initier aux plaisirs de Paris, un dîner qui le consolât de son désespoir. Une bouteille de vin de Bordeaux, des huîtres d’Ostende, un poisson, une perdrix, un macaroni, des fruits furent le nec plus ultra2 de ses désirs. Il savoura cette petite débauche en pensant à faire preuve d’esprit ce soir auprès de la marquise d’Espard, et à racheter la mesquinerie de son bizarre accoutrement par le déploiement de ses richesses intellectuelles. Il fut tiré de ses rêves par le total de la carte qui lui enleva les cinquante francs avec lesquels il croyait aller fort loin dans Paris. Ce dîner coûtait un mois de son existence d’Angoulême. Aussi ferma-t-il respectueusement la porte de ce palais, en pensant qu’il n’y remettrait plus jamais les pieds.

Illusions perdues, Honoré de Balzac (1843).

Notes :

1. « Véry » : un grand restaurant, situé au Palais-Royal.

2. « le nec plus ultra » : quelque chose qui ne peut pas être dépassé.

Pour vérifier ta compréhension des textes, réponds aux questions qui suivent.

A Une diminution de soi

Ces questions portent sur l’extrait 1.

1- a) Souligne dans l’extrait les différents aspects de la capitale qui retiennent l’attention de Lucien.

b) Quel sentiment provoque chez lui la vue de cette foule ?

2- a) Quels avantages de la vie de province les hommes comme Lucien perdent-ils à Paris ? Deux éléments de réponses sont attendus.

b) Encadre dans l’extrait tous les mots ou expressions qui traduisent le sentiment d’amoindrissement éprouvé par Lucien.

c) Pourquoi ce sentiment de diminution est-il aussi violent ?

Compare tes réponses avec celles contenues dans le corrigé puis poursuis ton travail.

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Séquence 8 — séance 2

B Un accoutrement provincial

Les questions qui suivent portent toutes sur l’extrait 2.

1- a) Souligne dans la première partie de l’extrait tous les termes péjoratifs* se rapportant à ses vêtements.

b) Explique l’image employée à la fin de l’extrait par le narrateur : « cet or était dans sa gangue ».

2- a) Souligne dans la seconde partie du texte les termes qui caractérisent « les jeunes gens des familles du faubourg Saint Germain ».

b) Quelle image ces termes donnent-ils des jeunes Parisiens ?

c) Ces jeunes gens sont à la fois « tous semblables » et « tous différents ». Complète le tableau qui suit afin de préciser ces points communs et ces différences.

Points communs Différences

• ..........................................................

• ..........................................................

• ..........................................................

• ..........................................................

• ..........................................................

• ..........................................................

Vérifie maintenant tes réponses avant de passer à la partie suivante.

C Le coût de la vie

Les questions qui suivent portent sur l’extrait 3.

1- a) Quel plaisir Lucien associe-t-il à la vie parisienne dans cet extrait ?

b) Comment pourrais-tu qualifier ce dîner ?

2- a) Relève l’expression qui montre l’ignorance qu’a le jeune homme des prix pratiqués à Paris.

b) Quel sentiment éprouve-t-il au moment de quitter ce restaurant ?

Tu peux maintenant vérifier tes réponses dans le livret du corrigé avant de passer à la dernière partie du questionnaire.

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Séquence 8séance 2 —

D Bilan de l’étude des trois extraits

Cette activité porte sur les trois extraits que tu as lus.

Les désillusions de Lucien ne se comprennent que par rapport à la vie en province. Mais le narrateur met en évidence, dans les trois extraits, les atouts dont le héros dispose pour réussir. Complète le tableau qui suit par des éléments tirés des trois textes.

Termes faisant référence à la province Les atouts de Lucien

Extrait 1

Extrait 2

Extrait 3

Vérifie maintenant tes réponses, puis lis et recopie le « Je retiens » qui suit.

Les premières désillusions du héros

Habitué au succès et à la notoriété dans sa province, le jeune héros est amené à mesurer rapidement les différences entre la vie parisienne et la vie provinciale. C’est le cas ici du jeune et naïf Lucien qui se voit contraint à réévaluer l’échelle des valeurs : la valeur de sa personne, la valeur de la mode, et la valeur de l’argent. Il en éprouve une cruelle désillusion et un violent sentiment de diminution de toute sa personne.

je retiens

E Dictée

Tu vas maintenant écouter à la piste 7 de ton CD la lecture d'un passage de l’extrait 1, qui t’est

proposé en dictée.

© Cned / N. Julo

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Séquence 8 — séance 3

Séance 3Étudier les débuts difficiles d’un héros dans le journalisme

Durée de la séance : 1 h 30.

Dans cette séance, tu vas lire un extrait d’un roman de Maupassant, Bel-Ami. Tu découvriras les débuts difficiles du héros à Paris. Georges Duroy, modeste provincial, ancien militaire envoyé en Algérie, est venu à Paris pour y faire fortune. À son arrivée, il est employé aux bureaux du chemin de fer du Nord et vit modestement. Mais il rencontre un ancien camarade de l’armée, Forestier, devenu journaliste pour le quotidien La Vie française. Ce dernier lui propose alors de tenter sa chance dans le journalisme. On vient de commander à Duroy un premier article sur son expérience en Algérie.

Lis maintenant deux fois l’extrait qui suit.

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La chambre du jeune homme, au cinquième étage, donnait, comme sur un abîme profond, sur l’immense tranchée du chemin de fer de l’Ouest, juste au-dessus de la sortie du tunnel, près de la gare des Batignolles. Duroy ouvrit sa fenêtre et s’accouda sur l’appui de fer rouillé.Au-dessous de lui, dans le fond du trou sombre, trois signaux rouges immobiles avaient l’air de gros yeux de bête ; et plus loin on en voyait d’autres, et encore d’autres, encore plus loin. À tout instant des coups de sifflets prolongés ou courts passaient dans la nuit, les uns proches, les autres à peine perceptibles, venus de là-bas, du côté d’Asnières. Ils avaient des modulations comme des appels de voix. Un d’eux se rapprochait, poussant toujours son cri plaintif qui grandissait de seconde en seconde, et bientôt une grosse lumière jaune apparut, courant avec un grand bruit ; et Duroy regarda le long chapelet1 des wagons s’engouffrer sous le tunnel.Puis il se dit : « Allons, au travail ! » Il posa sa lumière sur la table ; mais au moment de se mettre à écrire, il s’aperçut qu’il n’avait chez lui qu’un cahier de papier à lettres.Tant pis, il l’utiliserait en ouvrant la feuille dans toute sa grandeur. Il trempa sa plume dans l’encre et écrivit en tête, de sa plus belle écriture :

Souvenir d’un chasseur d’AfriquePuis il chercha le commencement de la première phrase.Il restait le front dans sa main, les yeux fixés sur le carré blanc déployé devant lui.Qu’allait-il dire ? Il ne trouvait plus rien maintenant de ce qu’il avait raconté tout à l’heure, pas une anecdote, pas un fait, rien. Tout à coup, il pensa : « Il faut que je débute par mon départ. » Il écrivit : « C’était en 1874, aux environs du 15 mai, alors que la France épuisée se reposait après les catastrophes de l’année terrible2… »Et il s’arrêta net, ne sachant comment amener ce qui suivrait, son embarquement, son voyage, ses premières émotions.Après dix minutes de réflexion il se décida à remettre au lendemain la page préparatoire du début, et à faire tout de suite une description d’Alger.Et il traça sur son papier : « Alger est une ville toute blanche… » sans parvenir à énoncer autre chose. Il revoyait en souvenir la jolie cité claire, dégringolant, comme

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Séquence 8séance 3 —

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une cascade de maisons plates, du haut de sa montagne dans la mer, mais il ne trouvait plus un mot pour exprimer ce qu’il avait vu, ce qu’il avait senti.Après un grand effort, il ajouta : « Elle est habitée en partie par des Arabes… » Puis il jeta sa plume sur la table et se leva.Sur son petit lit de fer, où la place de son corps avait fait un creux, il aperçut ses habits de tous les jours jetés là, vides, fatigués, flasques, vilains comme des hardes3 de la Morgue. Et, sur une chaise de paille, son chapeau de soie, son unique chapeau, semblait ouvert pour recevoir l’aumône.Ses murs, tendus d’un papier gris à bouquets bleus, avaient autant de taches que de fleurs, des taches anciennes, suspectes, dont on n’aurait pu dire la nature, bêtes écrasées ou gouttes d’huile, bouts de doigts graissés de pommade ou écume de la cuvette projetée pendant les lavages. Cela sentait la misère honteuse, la misère en garni de Paris. Et une exaspération le souleva contre la pauvreté de sa vie. Il se dit qu’il fallait sortir de là, tout de suite, qu’il fallait en finir dès le lendemain avec cette existence besogneuse.Une ardeur de travail l’ayant soudain ressaisi, il se rassit devant sa table, et recommença à chercher des phrases pour bien raconter la physionomie5 étrange et charmante d’Alger, cette antichambre de l’Afrique mystérieuse et profonde, l’Afrique des Arabes vagabonds et des nègres inconnus, l’Afrique inexplorée et tentante, dont on nous montre parfois, dans les jardins publics, les bêtes invraisemblables qui semblent créées pour des contes de fées, les autruches, ces poules extravagantes, les gazelles, ces chèvres divines, les girafes surprenantes et grotesques, les chameaux graves, les hippopotames monstrueux, les rhinocéros informes, et les gorilles, ces frères effrayants de l’homme.Il sentit vaguement des pensées lui venir ; il les aurait dites, peut-être, mais il ne les pouvait point formuler avec des mots écrits. Et son impuissance l’enfiévrant, il se leva de nouveau, les mains humides de sueur et le sang battant aux tempes.

Bel-Ami, Guy de Maupassant (1885).Notes :1. « un long chapelet de wagons » : une longue suite de wagons.2. « l’année terrible » : il s’agit de l’année 1870, au cours de laquelle la France souffrit d’une défaite face aux

Prussiens et d’une guerre civile dans Paris, la Commune. 3. « hardes » : vêtements usagés, en très mauvais état.4. « existence besogneuse » : existence passée à travailler médiocrement, dans la pauvreté.5. « physionomie » : aspect.

Pour vérifier ta compréhension du texte, tu vas répondre aux questions ci-dessous.

A La misère des premiers temps à Paris

1- a) Quelle vue le jeune homme a-t-il de sa fenêtre ?

b) Près de quel bâtiment est situé l’immeuble dans lequel il habite ?

c) Encadre , dans le deuxième paragraphe, les deux images employées par le narrateur pour caractériser les sifflets des trains qui passent sous sa fenêtre.

d) À quoi sont comparés les signaux des voies ferrées ?

e) Quelle impression se dégage ainsi du décor ?

2- a) Quel élément de la chambre fait l’objet d’une longue description ?

b) Souligne les différentes origines possibles des taches sur les murs.

c) Relève les différents termes qui caractérisent les habits de Duroy.

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Séquence 8 — séance 3

d) Quel aspect de la vie du personnage les descriptions de la chambre et des vêtements mettent-elles en valeur ?

e) Comment le jeune homme compte-t-il en finir avec « cette existence besogneuse » (l. 43) ?

Tu peux maintenant comparer tes réponses avec celles contenues dans le corrigé, avant de poursuivre ton travail.

B Des débuts difficiles dans l’écriture

1- a) Quel est le thème de l’article que doit rédiger Duroy ?

b) Qu’utilise-t-il pour écrire ? Tu donneras trois éléments de réponses.

c) Souligne une expression qui montre que Duroy s’applique pour bien écrire.

2- a) Le jeune homme parvient-il facilement à écrire son article ?

b) « Il ne trouvait plus rien maintenant de ce qu’il avait raconté tout à l’heure, pas une anecdote, pas un fait, rien » (l. 20-21)

À quelle difficulté est confronté l’apprenti journaliste ?

c) Souligne dans la suite de l’extrait quatre autres expressions qui traduisent l’incapacité de Duroy à rédiger son article.

d) Relis la fin de l’extrait. Encadre le terme qui désigne cette impossibilité à écrire.

e) Comment se manifeste physiquement ce sentiment chez le héros ?

Vérifie tes réponses dans le livret de corrigé puis réponds aux questions ci-dessous.

3- a) Dans quelle description se lance Duroy à la ligne 28 ?

b) Que parvient-il seulement à écrire ?

c) Cette description nous est cependant donnée aux lignes 29-30. Par qui est-elle faite ?

d) Repère dans la suite de l’extrait une autre description faite par le narrateur pour compenser le manque d’inspiration de Duroy. Tu en préciseras les limites en donnant le numéro des lignes.

e) Quel est le terme de cette description ?

Compare tes réponses avec celles du corrigé, puis lis et recopie le « Je retiens » qui suit.

Les débuts difficiles d’un héros dans le journalisme

Le journalisme comme voie de réussite à Paris est un thème récurrent dans les romans du XIXe siècle. C’est le cas ici du héros de Bel-Ami. Mais la réussite du héros est rarement immédiate : les romans du XIXe siècle présentent souvent les conditions de vie difficiles et la misère des premiers temps. Les descriptions des lieux d’habitation mettent en évidence cette misère.

je retiens

© Cned, Français 4e — 43

Séquence 8séance 3 —

C Le discours rapporté : discours direct et indirect

1- "Puis il se dit : « Allons, au travail ! »" (l. 13) "Tout à coup, il pensa : « Il faut que je débute par mon départ. »" (l. 21-22)

a) Souligne dans ces phrases les paroles ou les pensées du personnage.

b) Ces paroles et ces pensées sont rapportées au discours direct. Encadre les signes de ponctuation qui permettent d’identifier le discours direct.

Vérifie tes réponses, puis lis le Je sais déjà… qui suit.

je sais déjà

Tu as déjà étudié le discours direct en 5e. Voici un rappel :

Les paroles (ou les pensées) d’un personnage peuvent être rapportées telles qu’elles ont été prononcées : il s’agit du discours direct.

Des guillemets encadrent les paroles (ou les pensées) rapportées directement.

Un verbe introducteur de parole (ou de pensée) est placé devant (il est alors suivi des deux points), derrière ou à l’intérieur des paroles :

Le jeune homme déclara : « Il est temps de me mettre au travail. »

À l’intérieur d’un dialogue, le changement de locuteur est indiqué par le retour à la ligne et l’emploi d’un tiret.

2- « Il se dit qu’il fallait sortir de là, tout de suite, qu’il fallait en finir dès le lendemain avec cette existence besogneuse. » (l. 42-43)

a) Encadre dans cette phrase le verbe de parole.

b) Les paroles sont-elles rapportées telles qu’elles ont été prononcées ?

c) Réécris cette phrase en rapportant les paroles au discours direct.

Compare tes réponses avec celles du corrigé, puis lis et recopie le « Je retiens » ci-dessous.

Le discours indirect

Il est possible de rapporter les paroles ou les pensées sans les restituer précisément mais en donnant seulement leur contenu. On parle alors de discours indirect.

Les guillemets, les tirets, et les marques d’oralité (comme les interjections*) disparaissent.

Le verbe de parole (ou de pensée) est complété par une proposition subordonnée :

- complétive introduite par la conjonction que :Duroy se dit qu’il devait se mettre au travail.

- indirecte introduite par si ou un autre mot interrogatif :Duroy se demanda si son article était bon.Si la parole prononcée est une phrase injonctive, le verbe de parole est suivi de la préposition de et d’un verbe à l’infinitif :

Son ami lui dit de se mettre au travail.

je retiens

— © Cned, Français 4e44

Séquence 8 — séance 3

Les personnes (pronoms personnels), les déterminants possessifs, les indices de lieu et de temps des paroles prononcées sont modifiés.

Quand le verbe de parole est à un temps du passé, on applique la concordance des temps dans la subordonnée :

Discours direct Discours indirect

Duroy déclara : « Je ne parviens pas à écrire aujourd'hui. » (présent)

Duroy déclara qu’il ne parvenait pas à écrire ce jour-là. (imparfait)

Duroy déclara : « Je ne suis pas parvenu à écrire hier. » (passé composé)

Duroy déclara qu’il n’était pas parvenu à écrire la veille. (plus-que-parfait)

Duroy déclara : « Je ne parviendrai pas à écrire demain. » (futur)

Duroy déclara qu’il ne parviendrait pas à écrire le lendemain. (conditionnel = futur dans le passé)

3- Lis attentivement l’extrait qui suit.

"On parla d’abord d’un cancan qui courait les rues, l’histoire d’une femme du monde surprise, par un ami de son mari, soupant avec un prince étranger en cabinet particulier.Forestier riait beaucoup de l’aventure ; les deux femmes déclaraient que le bavard indiscret n’était qu’un goujat et un lâche. Duroy fut de leur avis et proclama bien haut qu’un homme a le devoir d’apporter en ces sortes d’affaires […] un silence de tombeau."

Bel-Ami, Guy de Maupassant (1885)

a) Dans l’extrait qui précède, souligne les paroles rapportées au discours indirect et encadre les verbes de parole employés.

b) Réécris maintenant ce texte en rapportant les paroles au discours direct : tu n’oublieras pas d’employer des guillemets.

Vérifie l’exactitude de tes réponses dans le livret de corrigé avant d’effectuer l’exercice suivant.

4- Lis attentivement l’extrait qui suit.

Duroy but un verre de bière avec ses nouveaux confrères, puis il demanda à son ami :« Que faut-il que je fasse ? »L’autre répondit : « Je n’ai rien pour toi aujourd’hui. Tu peux t’en aller si tu veux. »

Bel-Ami, Guy de Maupassant (1885)

a) Dans l’extrait qui précède, souligne les paroles rapportées directement et encadre les verbes de parole employés.

b) Réécris maintenant ce texte en rapportant les paroles des personnages au discours indirect.

Tu peux maintenant vérifier tes réponses dans le corrigé.

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Séquence 8séance 4 —

Séance 4Analyser la métamorphose du héros

Durée de la séance : 1 h.

Dans cette séance, tu vas découvrir Eugène de Rastignac, héros d’un célèbre roman d’Honoré de Balzac, Le Père Goriot. Rastignac est un jeune provincial venu à Paris pour y faire ses études. Il loge modestement dans la pension Vauquer, comme le père Goriot. Après sa première année d’études, il est retourné en province, dans sa famille, prendre des vacances. Le voilà de retour à Paris. Ce texte te permettra de comprendre comment la vie parisienne peut modifier le caractère des personnages et faire naître bien des ambitions.

Lis maintenant deux fois le texte qui suit.

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Eugène de Rastignac était revenu dans une disposition d’esprit que doivent avoir connu les jeunes gens supérieurs, ou ceux auxquels une position difficile communique momentanément les qualités des hommes d’élite. Pendant sa première année de séjour à Paris, le peu de travail que veulent les premiers grades à prendre dans la Faculté1 l’avait laissé libre de goûter les délices visibles du Paris matériel. Un étudiant n’a pas trop de temps s’il veut connaître le répertoire de chaque théâtre, étudier les issues du labyrinthe parisien, savoir les usages, apprendre la langue et s’habituer aux plaisirs particuliers de la capitale ; fouiller les bons et les mauvais endroits, suivre les cours qui amusent, inventorier les richesses des musées. Un étudiant se passionne alors pour des niaiseries qui lui paraissent grandioses. Il a son grand homme, un professeur du Collège de France, payé pour se tenir à hauteur de son auditoire. Il rehausse sa cravate et se pose pour la femme des premières galeries de l’Opéra-Comique. Dans ces initiations successives, il se dépouille de son aubier2, agrandit l’horizon de sa vie, et finit par concevoir la superposition des couches humaines qui composent la société. S’il a commencé par admirer les voitures au défilé des Champs-Élysées par un beau soleil, il arrive bientôt à les envier. Eugène avait subi cet apprentissage à son insu, quand il partit en vacances, après avoir été reçu bachelier ès-Lettres et bachelier en Droit. Ses illusions d’enfance, ses idées de province avaient disparu. Son intelligence modifiée, son ambition exaltée lui firent voir juste au milieu du manoir paternel, au sein de la famille. Son père, sa mère, ses deux frères, ses deux sœurs, et une tante dont la fortune consistait en pensions, vivaient sur la petite terre des Rastignac. Ce domaine d’un revenu d’environ trois mille francs était soumis à l’incertitude qui régit le produit tout industriel de la vigne, et néanmoins il fallait en extraire chaque année douze cents francs pour lui. L’aspect de cette constante détresse qui lui était généreusement cachée, la comparaison qu’il fut forcé d’établir entre ses sœurs, qui lui semblaient si belles dans son enfance, et les femmes de Paris, qui lui avaient réalisé le type d’une beauté rêvée, l’avenir incertain de cette nombreuse famille qui reposait sur lui, la parcimonieuse attention avec laquelle il vit serrer les plus minces productions, la boisson faite pour sa famille avec les marcs3 du pressoir, enfin une foule de circonstances inutiles à consigner ici décuplèrent son désir de parvenir et lui donnèrent soif des distinctions. Comme il arrive aux âmes grandes, il voulut ne rien devoir qu’à son mérite. Mais son esprit était éminemment méridional4 ; à l’exécution, ses déterminations devaient donc être frappées de ces hésitations qui saisissent les jeunes gens quand ils se trouvent en pleine mer, sans savoir ni de quel côté diriger leurs forces, ni sous quel angle enfler leurs voiles. Si d’abord il voulut se jeter à corps perdu dans le travail, séduit bientôt par la nécessité de se créer des relations,

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Séquence 8 — séance 4

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il remarqua combien les femmes ont d’influence sur la vie sociale, et avisa soudain à se lancer dans le monde, afin d’y conquérir des protectrices : devaient-elles manquer à un jeune homme ardent et spirituel dont l’esprit et l’ardeur étaient rehaussés5 par une tournure élégante et par une sorte de beauté nerveuse à laquelle les femmes se laissent prendre volontiers ?

Le Père Goriot, Honoré de Balzac (1834)

Notes :1. « les grades à prendre dans la Faculté » : les premiers examens des études.2. « aubier » : partie tendre qui se forme chaque année entre le bois dur et l’écorce d’un arbre.3. « marcs » : résidus du raisin pressé.4. « méridional » : originaire du Sud.5. « rehaussés » : mis en valeur.

Pour vérifier ta lecture, tu vas maintenant répondre aux questions ci-dessous.

A Le temps des apprentissages

1- a) Quelles sont les deux matières qu’Eugène de Rastignac a étudiées à la Faculté durant sa première année à Paris ?

b) Pendant son temps libre, à quelle activité se livre l’étudiant ? Souligne la réponse.

c) Encadre dans les dix premières lignes du texte, les différents endroits que fréquente le jeune homme.

2- a) Aux connaissances intellectuelles acquises pendant les cours, viennent s’ajouter des connaissances plus pratiques : quel domaine concernent-elles ?

b) Comme l’étranger qui découvre un pays nouveau, Eugène doit apprendre deux choses essentielles pour vivre à Paris, lesquelles ?

c) Le terme « apprentissage » apparaît à la ligne 16. Repère, dans les lignes qui précèdent, un synonyme (au pluriel) de ce mot.

d) Relève dans les lignes 5 à 8 tous les verbes qui précisent les différents aspects de cet apprentissage du monde parisien. (exemple : « connaître » (l. 6))

e) Au terme de cet apprentissage, quel aspect de la société parisienne Eugène finit-il par concevoir ?

Compare maintenant tes réponses avec celles contenues dans le corrigé puis lis et recopie le « Je retiens » qui suit.

Les temps des apprentissages

Le jeune héros lancé sur la scène parisienne dans les romans du XIXe siècle est souvent un étudiant venu de province. Parallèlement à l’apprentissage intellectuel des études, ce héros fait souvent, sans s’en rendre compte, un autre apprentissage, celui de l’univers parisien dont il apprend la langue et les habitudes. Au terme de cette initiation, le héros acquiert une vision nette des rouages et des règles qui régissent la société parisienne.

je retiens

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Séquence 8séance 4 —

B La naissance de l’ambitieux

1- a) Eugène est désormais capable de « concevoir », de « voir juste » : quelle faculté s’est développée chez lui ?

b) Pourquoi le séjour en province dans sa famille décuple-t-elle son envie de réussir ?

2- a) Quel sentiment éprouve Eugène à force d’admirer les belles voitures parisiennes ?

b) Recherche dans le dictionnaire la définition du mot « ambition ». Puis retrouve dans le texte deux expressions qui définissent l’ambition d’Eugène.

c) Quel est le premier moyen envisagé par le jeune homme pour réussir ?

d) Pour quelle raison choisit-il finalement de « se lancer dans le monde » (l. 37) ?

Vérifie tes réponses dans le livret de corrigé, puis lis et recopie le « Je retiens » ci-dessous.

La naissance d’un type romanesque : l’ambitieux

L’étudiant, exposé aux multiples sensations de cette vie parisienne, peut se transformer en ambitieux. Armé de ses connaissances et d’une intelligence qui s’est aiguisée, il se donne alors pour but de gravir l’échelle sociale et de conquérir le beau monde. Le jeune Rastignac est un de ceux-là.

je retiens

C La morphologie de quelques verbes irréguliers très usités : vouloir, devoir, pouvoir…

1- a) Observe les formes verbales suivantes : « doivent » (l. 1) / « devaient » (l. 32).

b) Quel est l’infinitif de ce verbe ?

c) Souligne le radical de chacune de ces formes.

d) Fais la même analyse avec les formes verbales suivantes : « veut » (l. 6) / « voulut » (l. 31).

e) Que peux-tu remarquer ?

Vérifie maintenant tes réponses dans le livret de corrigé, puis lis et mémorise le « Je retiens » qui suit.

La morphologie de quelques verbes irréguliers très usités

Les verbes irréguliers du 3e groupe se conjuguent à partir de plusieurs radicaux différents aux temps simples. Les plus courants de ces verbes sont : devoir, pouvoir, savoir, vouloir, paraître et valoir.Devoir (quatre radicaux) : je dois, nous devons, ils doivent, je dus.Pouvoir (six radicaux) : je peux, nous pouvons, ils peuvent, je pourrai, il put, que je puisse.

Savoir (cinq radicaux) : je sais, ils savent, je saurai, il sut, sache.

je retiens

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Séquence 8 — séance 4

Vouloir (cinq radicaux) : je veux, nous voulons, ils veulent, je voudrai, qu’il veuille.

Valoir (quatre radicaux) : je vaux, il valut, je vaudrai, que je vaille.

Paraître (quatre radicaux) : il paraît, nous paraissons, je paraîtrai, je parus.Tous ces verbes forment leur participe passé sur le même radical que celui du passé simple : dû, pu, su, voulu, valu, paru.

2- Complète le tableau suivant avec les bonnes formes verbales.

devoir pouvoir savoir vouloir valoir paraître

Indicatif, présent, 2e sg.

Indicatif, présent, 2e pl.

Indicatif, futur, 3e sg.

Indicatif, passé simple, 1re sg.

Tu peux maintenant vérifier tes réponses dans le corrigé.

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Séance 5Étudier les conditions de la réussite à Paris :

la protectrice et l’argent

Durée de la séance : 1 h 30.

Dans cette séance, tu vas retrouver le jeune Eugène de Rastignac. Tu as vu dans le texte précédent qu’il avait décidé de se lancer dans le monde. L’ambition seule ne suffit pas : le jeune homme doit se doter des moyens de la réussite. Il se rend donc chez une parente éloignée, Madame de Beauséant, afin de gagner la protection de cette femme très influente. Voici les propos qu’elle lui tient sur le monde parisien.

Lis maintenant attentivement le texte ci-dessous.

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« À Paris, le succès est tout, c’est la clef du pouvoir. Si les femmes vous trouvent de l’esprit, du talent, les hommes le croiront, si vous ne les détrompez pas. Vous pourrez alors tout vouloir, vous aurez le pied partout. Vous saurez alors ce qu’est le monde, une réunion de dupes1 et de fripons. Ne soyez ni parmi les uns ni parmi les autres. Je vous donne mon nom comme un fil d’Ariane2 pour entrer dans ce labyrinthe. Ne le compromettez pas, dit-elle en recourbant son cou et jetant un regard de reine à l’étudiant, rendez-le moi blanc. Allez, laissez-moi. Nous autres femmes, nous avons aussi nos batailles à livrer. » […]Rastignac, rentré à la pension Vauquer pour dîner, ne peut s’empêcher de penser aux paroles de madame de Beauséant.Il voulait profiter des conseils de madame de Beauséant, et se demandait où et comment il se procurerait de l’argent. Il devint soucieux en voyant les savanes du monde qui se déroulaient à ses yeux à la fois vides et pleines ; chacun le laissa seul dans la salle à manger quand le dîner fut fini. […] Réveillé de sa méditation par le bonhomme, Eugène lui prit la main, et le contemplant avec une sorte d’attendrissement : - Vous êtes un brave et digne homme, répondit-il. Nous causerons de vos filles plus tard. Il se leva sans vouloir écouter le père Goriot, et se retira dans sa chambre, où il écrivit à sa mère la lettre suivante :« Ma chère mère, vois si tu n’as pas une troisième mamelle à t’ouvrir pour moi. Je suis dans une situation à faire promptement fortune. J’ai besoin de douze cents francs, et il me les faut à tout prix. Ne dis rien de ma demande à mon père, il s’y opposerait peut-être, et si je n’avais pas cet argent, je serais en proie à un désespoir qui me conduirait à me brûler la cervelle. Je t’expliquerai mes motifs aussitôt que je te verrai, car il faudrait t’écrire des volumes pour te faire comprendre la situation dans laquelle je suis. Je n’ai pas joué, ma bonne mère, je ne dois rien ; mais si tu tiens à me conserver la vie que tu m’as donnée, il faut me trouver cette somme. Enfin, je vais chez la vicomtesse de Beauséant, qui m’a pris sous sa protection. Je dois aller dans le monde, et n’ai pas un sou pour avoir des gants propres. Je saurai ne manger que du pain, ne boire que de l’eau, je jeûnerai au besoin ; mais je ne puis me passer des outils avec lesquels on pioche la vigne dans ce pays-ci. Il s’agit pour moi de faire mon chemin ou de rester dans la boue. Je sais toutes les espérances que vous avez mises en moi, et veux les réaliser promptement. Ma bonne mère, vends quelques-uns de tes anciens bijoux, je te les remplacerai bientôt. Je connais assez la situation de notre famille pour savoir apprécier de tels sacrifices, et tu dois croire que je ne te demande pas de les faire en vain, sinon je serais un monstre.

Séquence 8séance 5 —

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Ne vois dans ma prière que le cri d’une impérieuse nécessité3. Notre avenir est tout entier dans ce subside4, avec lequel je dois ouvrir la campagne5 ; car cette vie de Paris est un combat perpétuel. Si, pour compléter la somme, il n’y a pas d’autres ressources que de vendre les dentelles de ma tante, dis-lui que je lui en enverrai de plus belles. » Etc.Il écrivit à chacune de ses sœurs en leur demandant leurs économies, et, pour les leur arracher sans qu’elles parlassent en famille du sacrifice qu’elles ne manqueraient pas de lui faire avec bonheur, il intéressa6 leur délicatesse en attaquant les cordes de l’honneur qui sont si bien tendues et résonnent si fort dans de jeunes cœurs. Quand il eut écrit ces lettres, il éprouva néanmoins une trépidation7 involontaire : il palpitait, il tressaillait. Ce jeune ambitieux connaissait la noblesse immaculée de ces âmes ensevelies dans la solitude, il savait quelles peines il causerait à ses deux sœurs, et aussi quelles seraient leurs joies ; avec quel plaisir elles s’entretiendraient en secret de ce frère bien-aimé, au fond du clos.

Le Père Goriot, Honoré de Balzac (1834)

Notes :1. « dupes » : personnes que l’on trompe.2. « fil d’Ariane » : Ariane donna à Thésée le fil qui lui permit de sortir du labyrinthe après sa victoire sur le

Minotaure.3. « une impérieuse nécessité » : un besoin impératif.4. « subside » : somme d’argent versée comme secours.5. « ouvrir la campagne » : engager des opérations qui mettent en œuvre d’importants moyens, comme une

campagne militaire.6. « intéressa » : toucha.7. « trépidation » : tremblement, agitation.

Pour vérifier ta compréhension du texte, réponds maintenant aux questions qui suivent.

A La protectrice : un élément indispensable à la réussite

1- a) Quelle femme s’offre comme protectrice d’Eugène de Rastignac ?

b) Quelle est, selon elle, la « clef du pouvoir » à Paris ?

c) Souligne, dans la première partie du texte, la comparaison qu’elle emploie pour désigner la protection qu’elle lui apporte.

d) Quel aspect du monde parisien cette comparaison met-elle en valeur ?

e) À quelle condition cette femme lui apporte-t-elle sa protection ?

f) La jeune femme donne également de nombreux conseils à Rastignac : relève, au début de l'extrait, un de ces conseils.

2- a) Selon la vicomtesse de Beauséant, quelles sont les deux catégories de personnes qui constituent le monde ?

b) Cette vision du monde est-elle méliorative* ou péjorative* ? Justifie ta réponse.

c) Le jeune ambitieux a désormais une protectrice, que lui manque-t-il pour accéder à la réussite ?

Tu peux maintenant comparer tes réponses avec celles contenues dans le livret de corrigé.

Séquence 8 — séance 5

© Cned, Français 4e — 51

B Étudier l’importance de la lettre dans un récit

Rappel : Tu peux te reporter à la séquence 5 pour répondre aux questions suivantes qui portent sur la lettre (l. 19-38).

1- a) Qui est le destinataire de cette lettre ?

b) Relève deux groupes nominaux par lesquels Eugène désigne ce destinataire.

c) Quel est l’objet (= le but) de cette lettre ?

d) Encadre dans la lettre les mots ou expressions qui désignent l’objet précis de sa demande.

e) Souligne maintenant les deux solutions précises que le héros propose pour obtenir ce dont il a besoin.

f) Eugène est-il certain de sa prochaine réussite ? Recopie deux expressions qui le montrent.

2- a) Quel projet terrible Eugène mentionne-t-il pour persuader sa mère de lui accorder ce qu’il demande ?

b) Selon toi, quels sentiments Eugène veut-il faire naître chez sa mère ?

c) Recopie la métaphore* employée par le héros pour désigner les objets dont il a absolument besoin.

d) Pourquoi choisit-il cette métaphore* ?

e) Quels sont, d’après toi, les objets dont le jeune homme a tant besoin ?

f) Quelle image désigne, sous la plume du héros, la « vie à Paris » ? À quel mot employé par madame de Beauséant dans la première partie du texte cette image renvoie-t-elle?

Vérifie maintenant tes réponses dans le corrigé avant de passer à la suite du questionnaire.

3- a) En plus de la lettre à sa mère, à qui le jeune homme écrit-il également ?

b) Le contenu de ces lettres est-il rapporté dans le récit ?

c) Recopie une expression par laquelle le lecteur est néanmoins informé de l’objet de ces lettres.

d) Quel sentiment éprouvé par Eugène peut être à l’origine de sa « trépidation » (l. 43)

4- Explique en une ou deux phrase(s) l'importance de ces lettres pour l'évolution du héros et quel trait se son caractère elles mettent en évidence.

Vérifie tes réponses puis lis et recopie le « Je retiens » qui suit.

L’importance de la lettre dans un récit

La lettre fictive peut être employée dans le cadre du roman. C’est le cas dans cet extrait du Père Goriot. La lettre du héros à ses parents de province pour demander de l’argent est un procédé fréquent dans les romans du XIXe siècle. Rastignac n’hésite pas à dramatiser sa situation afin d’obtenir l’argent nécessaire à sa réussite sociale.

De manière générale, l’emploi de la lettre dans le roman permet d’informer le lecteur et joue un rôle dans la progression de l’intrigue.

je retiens

Séquence 8séance 5 —

— © Cned, Français 4e52

C La panoplie du succès

L’argent est nécessaire à Rastignac pour adopter la tenue élégante des jeunes Parisiens. Mais de quoi se compose-t-elle ? Voici un autre extrait d’Illusions perdues qui te permettra de mieux comprendre les subtilités de la mode vestimentaire.

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Le lendemain, vers midi, sa première occupation fut de se rendre chez Staub, le tailleur le plus célèbre de cette époque. Il obtint, à force de prières et par la vertu de l’argent comptant, que ses habits fussent faits pour le fameux lundi. Staub alla jusqu’à lui promettre une délicieuse redingote, un gilet et un pantalon pour le jour décisif. Lucien se commanda des chemises, des mouchoirs, enfin tout un petit trousseau, chez une lingère, et se fit prendre mesure de souliers et de bottes par un cordonnier célèbre. Il acheta une jolie canne chez Verdier, des gants et des boutons de chemise chez Mme Irlande ; enfin il tâcha de se mettre à la hauteur des dandies.

Illusions perdues, Honoré de Balzac

1- Souligne dans le texte tous les accessoires nécessaires à la panoplie du héros parisien.

2- Recherche dans un dictionnaire la définition du mot « dandies » (au singulier « dandy ») puis recopie-la.

3- Observe maintenant l'illustration ci-dessous, tu découvriras des exemples de dandies, avec leur tenue caractéristique.

Auguste Jules Robert (1789-1850), Deux dandys en promenade © RMN-Grand Palais / Thierry Le Mage

Tu peux maintenant vérifier tes réponses dans le livret de corrigé.

D Les propositions subordonnées circonstancielles de temps

1- « Quand il eut écrit ces lettres, il éprouva néanmoins une trépidation involontaire […]. » (l. 42-43)

a) Encadre la conjonction (ou locution conjonctive) de subordination qui introduit la proposition subordonnée circonstancielle de temps soulignée ci-dessus.

b) Par rapport à l’action exprimée dans la proposition principale, la proposition subordonnée exprime-t-elle une action simultanée (= qui a lieu en même temps), postérieure ou antérieure ?

c) Repère maintenant dans l’ensemble de l’extrait deux autres propositions subordonnées circonstancielles de temps que tu recopieras en encadrant les conjonctions (ou locutions conjonctives) qui les introduisent.

Séquence 8 — séance 5

© Cned, Français 4e — 53

Compare tes réponses avec celles contenues dans le livret de corrigé puis lis et recopie le « Je retiens » ci-dessous.

La proposition subordonnée circonstancielle de temps

La proposition subordonnée circonstancielle de temps permet de situer une action dans le temps. Elle peut exprimer un moment précis (une action antérieure, simultanée ou postérieure à l’action exprimée dans la proposition principale), une durée, ou une répétition.

Elle est introduite par une conjonction (ou locution conjonctive) de subordination : quand, lorsque, alors que, dès que, au moment où, avant que, après que, chaque fois que…Généralement le verbe de la proposition subordonnée est conjugué au mode indicatif :Quand elle reçut la lettre d’Eugène, sa mère fut très inquiète.

O si la proposition est introduite par les locutions conjonctives avant que, jusqu’à ce que, alors le verbe de la subordonnée est conjugué au mode subjonctif :Rastignac attendra patiemment jusqu’à ce que la réponse de sa mère lui parvienne.

je retiens

2- Dans les phrases suivantes, souligne la proposition subordonnée circonstancielle de temps et encadre la conjonction (ou locution conjonctive) de subordination.

a) Dès qu’Eugène recevra l’argent de sa mère, il pourra s’acheter de nouveaux vêtements.

b) Le jeune étudiant apprend beaucoup lorsque Madame de Beauséant lui parle de la vie parisienne.

c) Au moment où Rastignac allait sortir, on lui remit une lettre de sa sœur.

Vérifie tes réponses avant de passer à la dernière activité de la séance.

E Expression écritePour conclure cette séance, tu vas fais un petit exercice d’écriture.Tu vas rédiger la lettre qu’Eugène reçoit de sa mère en réponse à sa demande.

Coup de pouce : revois la séquence 5 si besoin.

Pour réussir cet exercice tu dois :- Employer les pronoms personnels des 1re et 2e personnes du singulier- Exprimer les sentiments et les inquiétudes de sa mère- Expliquer comment elle a réussi à réunir l’argent qu’il demandait- Vérifier les accords dans le groupe nominal et les accords sujet / verbe.

Fais d’abord cet exercice sur ta feuille de brouillon. Vérifie ensuite que tu as bien respecté les consignes en complétant le tableau ci-dessous.

Je vérifie que… Fait J’ai employé les pronoms personnels des 1re et 2e personnes du singulier.J’ai exprimé les sentiments et les inquiétudes de sa mère.J’ai expliqué comment elle a réussi à réunir l’argent qu’il demandait.J’ai vérifié les accords dans le groupe nominal et les accords sujet / verbe.

Si toutes les consignes ont été respectées, recopie ta lettre sur ton cahier. Lis ensuite dans le corrigé un exemple de ce qu’il était possible d’écrire.

Séquence 8séance 5 —

— © Cned, Français 4e54

Séance 6Comparer deux héros aux destins croisés

Durée de la séance : 1 h.

Dans cette séance, tu vas lire deux extraits dans lesquels tu retrouveras Rastignac et Lucien de Rubempré, au cimetière parisien du Père Lachaise. Dans le premier extrait, Eugène de Rastignac assiste à l’enterrement du père Goriot, pour lequel il éprouvait une réelle affection. Dans le second extrait, Lucien vient enterrer Coralie, une jeune actrice dont il était follement amoureux. La mort de Coralie intervient au terme d’une série d’échecs cruels : Lucien, trop naïf pour ce monde sans pitié, a échoué dans le milieu du journalisme, victime de machinations.

Lis maintenant attentivement les deux extraits qui suivent.

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Extrait 1 :À six heures, le corps du père Goriot fut descendu dans sa fosse, autour de laquelle étaient les gens de ses filles, qui disparurent avec le clergé aussitôt que fut dite la courte prière due au bonhomme pour l’argent de l’étudiant. Quand les deux fossoyeurs1 eurent jeté quelques pelletées de terre sur la bière2 pour la cacher, ils se relevèrent, et l’un d’eux, s’adressant à Rastignac, lui demanda leur pourboire. Eugène fouilla dans sa poche et n’y trouva rien, il fut forcé d’emprunter vingt sous à Christophe3. Ce fait, si léger en lui-même, détermina chez Rastignac un accès d’horrible tristesse. Le jour tombait, un humide crépuscule agaçait les nerfs, il regarda la tombe et y ensevelit sa dernière larme de jeune homme, cette larme arrachée par les saintes émotions d’un cœur pur, une de ces larmes qui, de la terre où elles tombent, rejaillissent jusque dans les cieux. Il se croisa les bras, contempla les nuages, et le voyant ainsi, Christophe le quitta.Rastignac, resté seul, fit quelques pas vers le haut du cimetière et vit Paris tortueusement couché le long des deux rives de la Seine, où commençaient à briller les lumières. Ses yeux s’attachèrent presque avidement entre la colonne de la place Vendôme et le dôme des Invalides, là où vivait ce beau monde dans lequel il avait voulu pénétrer. Il lança sur cette ruche bourdonnant un regard qui semblait par avance en pomper le miel, et dit ces mots grandioses : - À nous deux maintenant !Et pour premier acte du défi qu’il portait à la Société, Rastignac alla dîner chez madame de Nucingen.

Le Père Goriot, Honoré de Balzac (1834)

Notes : 1. « fossoyeurs » : employés qui font descendre le cercueil dans la fosse et le recouvrent de terre.

2. « bière » : cercueil.

3. « Christophe » : domestique de la pension Vauquer où logeaient Rastignac et le père Goriot.

Séquence 8 — séance 6

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Extrait 2 :Tous les hommes accompagnèrent l’actrice1 jusqu’au cimetière du Père-Lachaise. Camusot2, qui pleurait à chaudes larmes, jura solennellement à Lucien d’acheter un terrain à perpétuité et d’y faire construire une colonnette sur laquelle on graverait : CORALIE, et dessous : Morte à dix-neuf ans (août 1822).Lucien demeura seul jusqu’au coucher du soleil, sur cette colline d’où ses yeux embrassaient Paris. « Par qui serais-je aimé ? se demanda-t-il. Mes vrais amis me méprisent. Quoi que j’eusse fait, tout de moi semblait noble et bien à celle qui est là ! Je n’ai plus que ma sœur, David3 et ma mère ! Que pensent-ils de moi, là-bas ? »Le pauvre grand homme de province revint rue de la Lune, où ses impressions furent si vives en revoyant l’appartement vide, qu’il alla se loger dans un méchant hôtel de la même rue. Les deux mille francs de Mlle des Touches4 payèrent toutes les dettes, mais en y ajoutant le produit du mobilier. Bérénice5 et Lucien eurent cent francs à eux qui les firent vivre pendant deux mois que Lucien passa dans un accablement maladif : il ne pouvait ni écrire, ni penser, il se laissa aller à la douleur, Bérénice eut pitié de lui.« Si vous retournez dans votre pays, comment irez-vous ? répondit-elle à une exclamation de Lucien qui pensait à sa sœur, à sa mère et à David Séchard.- À pied, » dit-il.

Illusions perdues, Honoré de Balzac (1843)

Notes :1. « l’actrice » : il s’agit de Coralie, jeune maîtresse de Lucien.2. « Camusot » : ce vieil homme très riche est l’ancien amant de Coralie, qu’il entretenait financièrement. 3. « David » : David Séchard, ami de Lucien, dont il a épousé la sœur, Ève, à Angoulême.4 « Mlle des Touches » : femme de lettres, apparaissant dans plusieurs romans de Balzac, riche et talentueuse.5. « Bérénice » : domestique de Coralie.

Réponds maintenant aux questions qui suivent afin de vérifier ta lecture.

A Deux scènes en écho

1- a) Où se déroulent ces deux scènes ?

b) Pourquoi les deux héros se trouvent-ils là ?

c) À quel moment de la journée ces scènes ont-elles lieu ? Relève dans chaque extrait une expression qui t’a permis de répondre.

2- Les deux héros, restés seuls, regardent Paris du haut de la colline où se situe le cimetière. Complète le tableau suivant avec des éléments prélevés dans les textes, afin montrer les ressemblances entre les deux moments.

Solitude Objet de leur regard

Extrait 1

Extrait 2

Compare maintenant tes réponses avec celles contenues dans le livret de corrigé.

Séquence 8séance 6 —

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B Deux situations inversées

1- Relis l’extrait 1.

a) Quelle information nous permet de comprendre l’affection que l’étudiant portait au père Goriot ?

b) Recherche dans un dictionnaire la définition du mot « avidement » (l. 14). Sur quel adjectif qualificatif est-il formé ?

c) Que nous apprend ce terme sur l’état d’esprit du jeune homme ?

d) Recopie les mots que prononce Rastignac en observant Paris. Quelle expression le narrateur emploie-t-il pour les qualifier ?

e) Quelle première décision prend-il pour se lancer à la conquête du beau monde ?

2- Relis l’extrait 2.

a) Observe les pensées de Lucien rapportées entre les lignes 6 et 8 et souligne les deux phrases interrogatives.

b) Quel besoin, essentiel au jeune homme, expriment les questions qu’il se pose.

c) Relève dans le troisième paragraphe de l’extrait les mots ou expressions appartenant au champ lexical du désespoir.

d) Pourquoi Lucien est-il désespéré ? Tu proposeras au moins deux éléments de réponse.

e) Que décide-t-il de faire à la fin de l’extrait ?

3- D’après tes réponses, complète maintenant le tableau ci-dessous en associant les termes suivants à chacun des personnages : volontaire - passif - déterminé - succès - abattu - échec.

Eugène Lucien

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-

-

-

4- Précise maintenant en une ou deux phrase(s) en quoi les deux héros s'opposent.

Tu peux maintenant vérifier tes réponses puis lis et recopie le « Je retiens » qui suit.

Le destin du héros à Paris

Le héros de la scène parisienne, dans les romans du XIXe siècle, peuvent avoir des destins contraires. Les plus ambitieux et combatifs connaissent la réussite par une ascension sociale, comme Eugène de Rastignac dans les romans de Balzac. Les plus faibles et naïfs se retrouvent rejetés d'un monde sans pitié : Lucien de Rubempré en est ici un exemple.

je retiens

Séquence 8 — séance 6

© Cned, Français 4e — 57

C Deux scènes symboliques

1- a) Dans quel extrait la cérémonie de l’enterrement est-elle précisément décrite ?

b) Souligne dans cet extrait les termes se rapportant à l’enterrement.

c) Deux d’entre eux appartiennent à la même famille de mots : encadre -les.

2- a) Relis le premier paragraphe de l’extrait 1. Quelle part de lui-même Eugène enterre-t-il en même temps que le père Goriot ? Recopie une expression qui le montre.

b) Dans l’extrait 2, que peut symboliser l’enterrement de l’actrice Coralie par rapport à l’évolution de Lucien ?

c) De quelle autre scène romanesque étudiée dans une séquence précédente pourrais-tu rapprocher ces deux extraits ? Justifie ta réponse en donnant un argument.

3- a) Par quelle métaphore est désignée Paris à la fin de l’extrait 1 ?

b) Souligne l’expression qui développe cette métaphore dans les lignes qui suivent.

c) Que semble annoncer cette image sur l’évolution future de Rastignac ?

Vérifie tes réponses avant de lire et de recopier le « J'approfondis » ci-dessous.

j’approfondisDeux scènes symboliques

Pour chacun des deux héros, la scène des funérailles symbolise un moment important de leur évolution. Pour Rastignac, l’enterrement du père Goriot correspond à la disparition du jeune homme qu’il était. Il est désormais un homme ambitieux, aux portes de la réussite. Pour Lucien, la mort de Coralie symbolise la fin cruelle de son aventure sur la scène parisienne. Il n’a plus d’autre choix que de retourner en province, chez les siens.

D Les métaphores du monde parisien : bilan

Dans les textes étudiés au cours de cette séquence, les narrateurs ou les personnages présentent souvent Paris à travers des métaphores variées.

1- Complète le tableau suivant. Tu peux relire les textes des séquences concernées.

Séquence : 1 4 5 6

Métaphore employée Une ................... Un .................... Un ................... Une ...................

2- Rédige à ton tour une phrase dans laquelle tu emploieras une métaphore de ton choix pour désigner le monde parisien.

Vérifie maintenant tes réponses dans le livret de corrigé.

Séquence 8séance 6 —

— © Cned, Français 4e58

Séance 7Je m’évalue

Comme à la fin de chaque séquence, tu vas faire un bilan de ce que tu as appris. Cela te permettra de faire le point sur ce que tu dois savoir, et ce que tu dois être capable de faire pour le devoir. Complète maintenant le tableau suivant. Tu peux bien sûr utiliser ton cours si tu as oublié quelque chose. Quand tu auras fini, prends le corrigé afin de vérifier tes réponses. Il est très important que ce tableau de synthèse ne comporte pas d’erreur.

Je connais Je suis capable deLes différentes étapes de la constitution du héros sur la scène parisienne.

k Citer deux noms de héros de romans du XIXe qui tentent de réussir à Paris :

k .........................................................

k .........................................................

Les moyens de la réussite pour un jeune héros ambitieux :

k Une ..................................................

k L’ .......................................................

Les deux formes de discours rapporté :

k Le discours .................... qui .................... fidèlement les .................... ou les .................... d’un personnage.

k Le discours .................... qui n’en propose que le .....................

k Souligner des paroles rapportées au discours indirect :

Madame de Beauséant dit à Rastignac qu’elle serait sa protectrice

k Réécrire au discours indirect les paroles rapportées au discours direct.

Duroy demanda à son ami : « Peux-tu m’aider à écrire mon article ? »..............................................................

..............................................................

k La morphologie de quelques verbes irréguliers dont les plus courants sont :

..............................................................

..............................................................

k Conjuguer correctement des verbes irréguliers :

- Devoir (présent, 1re pers. pl.) : ............................................................

- Pouvoir (passé simple, 3e pers. sg.) : ............................................................

- Savoir (futur, 2e pers. sg.) : ............................................................

- Valoir (futur, 2 pers. pl.) : ............................................................

Séquence 8 — séance 7

© Cned, Français 4e — 59

Les propositions subordonnées circonstancielles de temps.

k Elles sont introduites par les conjonctions suivantes :

..............................................................

..............................................................

k Elles peuvent exprimer un ....................... précis, une ....................... ou une ........................

k Souligner des propositions subordonnées circonstancielles de temps et d’ encadrer la conjonction (ou locution conjonctive) de subordination.

- Lorsque le père Goriot mourut, Rastignac fut accablé de tristesse.

- Lucien prenait conscience de son accoutrement chaque fois qu’il croisait un homme élégant.

- Avant que son article ne soit publié, Duroy était inquiet.

Les différentes métaphores employées pour désigner Paris :

La ............................... (séance 1)

Le ............................... (séances 4 et 5)

La ............................... (séance 6)

k Souligner une métaphore utilisée pour désigner Paris :

« Mais, dit Eugène avec un air de dégoût, votre Paris est donc un bourbier. » (Honoré de Balzac)

Séquence 8séance 7 —